Modernisme en désuétude : Quel devenir pour les espaces residuels?

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Travail personnel de fin d'étude

MODERNISME EN DÉSUÉTUDE QUEL DEVENIR POUR LES ESPACES RÉSIDUELS ?

Réalisé par

BENNAOUI RAJAA



© Imprimé à Rabat, Le 29 Mai 2017


Travail personnel de fin d'étude

MODERNISME EN DÉSUÉTUDE QUEL DEVENIR POUR LES ESPACES RÉSIDUELS ? Réalisé par

BENNAOUI RAJAA Directeur d'étude Tazi Said, Architecte Enseignant à l'ENA Membres du jury Majid Mansour, Environnementaliste, Enseignant chercheur à l'ENA Mehdi El Mejjati, Architecte I.S.A.B

2017 Ecole nationale d'architecture


Mes sincères remerciements :

À Mr Tazi Said, pour son accompagnement le long du processus. Aux riverains, pour avoir été à l’écoute et m’avoir ouvert leurs portes. À tous ceux qui m’ont apporté soutien et inspiration pour mener à bien ce travail.


SOMMAIRE PRÉMISSE

01

a.Préambule b.Spéculations c.Méthodologie

07 09 10

ESPACES RÉSIDUELS: INVESTIGATIONS PRÉLIMINAIRES

02

a.Etude de cas in situ b.Observations c.Extrapolations

13 22 23

MODERNISME ET RÉSIDU

03

a.Un contexte d’émergence b.Cas du Maroc c.Cas de l'ensemble de logements

27 32 35

Jemaa, Rabat

RECHERCHE PROJET

ENSEMBLE JEMAA

04

a.Introduction b.Historique du site c.Mise en contexte d.Morphologie de l'existant e.Pratiques sociales de l'espace

37 39 40 43 50

STRATÉGIE D'INTERVENTION

05

a.Évaluation comparative b.Renouvellement c.Programme d.Schéma de restructuration e.Gestion des accès et des espaces partagés

57 62 68 69 73

PROPOSITION PROJET

06 07

a.Esprit du projet b.Plan masse c.Coupes

77 81 82

RÉFLEXIONS

85

RELEVES BIBLIOGRAPHIES

87 93


« Junk-space is the residue mankind leaves on the planet.

The built ... product of modernization is not modern architecture but Junkspace.» -Rem Koolhaas, 2001

« Le Junk-space est le résidu que l'humanité laisse sur la planète. Le construit du Modernisme n'est pas l'architecture moderne mais le Junkspace.» -Rem Koolhaas, 2001


01

PRÉMISSE


Préambule

Fig.1: Ensemble de logements Jemaa, Yacoub El Mansour, Rabat.

Fig.2: Quartier Al Ahbass, Yacoub El Mansour, Rabat.

A travers ces quelques lignes en préface, je souhaiterai en premier lieu m'exprimer sur le choix du sujet qui porte sur l'espace résiduel, en second témoigner de mes motivations à poursuivre l'élaboration de ce travail. La genèse de cette étude remonte à une impression intuitive vécue lors d'une visite de terrain, dans le cadre d'un travail d'analyse urbaine à l'école d'architecture. La zone concernée par la visite se trouvait à Yacoub El Mansour, quartier de Rabat à densité élevée et à tissu hétérogène. En l'absence de toute continuité urbaine, le passage entre îlots s’y fait de manière abrupt. J’ai été particulièrement interpelée par un parcours longeant des logements en barres en fig.1 vers un pâté de maisons aux venelles étroites en fig.2. Deux syntaxes spatiales fortement dissemblables tant en contenu physique qu’en activité anthropique. Pour ainsi dire, dans la zone représentée en fig.2 l’espace était vivant, en fig.1 complètement désert. De cette expérience est donc née une curiosité déterministe du comment et du pourquoi. Questionnement grâce auquel cette étude a vu le jour et ce à quoi elle voudrait apporter des réponses opérationnelles et inscrites dans le contexte du site d’intervention.

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Fig.3: Croquis de Le Corbusier, paru dans "Précisions sur un état présent de l'architecture et de l'urbanisme",1930. [1]

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Spéculations Le site d’intervention dont fait l'objet cette étude est l’îlot insulaire du quartier Yacoub El Mansour abritant les immeubles de logements en barres en fig.1-p.7. La problématique étant de revitaliser ses espaces tombés en désuétude et dépourvus de toute activité. Avant d’entamer la proposition projet, il y aura lieu d’investiguer les liens de causalité entre l’espace comme contenant physique et ses potentialités à produire l’activité. Pour cela, les mots justes sont à mettre sur la question. « Espaces résiduels », se place en premier jet comme description de l’état des lieux sur site. « Le résidu » est en réalité l’impression immédiate retenue lors du premier contact avec le site. Un espace résiduel est un lieu désincarné, un réceptacle non programmé; dans lequel on ne peut spontanément s’identifier et qui par conséquent est voué à l’obsolescence. Un no-mans land qui a perdu son sens ou qui peut être n’en a jamais eu. Toutefois, cette sémantique demeure vaste, admettant ainsi plusieurs digressions. Et afin d’apporter des réponses proprement contextualisées, il est nécessaire de se pencher sur les caractéristiques afférentes au site d’intervention. Derechef, ce dernier abrite un ensemble d’immeubles de type logement social des années 60. Ce projet a donc été construit durant une ère particulière de l’histoire de l’architecture et de l’urbanisme dénommée « Modernisme ». Sa condition actuelle est donc inextricable de son contexte historique. En fig.3, le Modernisme a déclaré la mort de la rue. L’objet de l'étude devient alors ciblé vers ce déclin comme facteur d’émergence du résidu. Une investigation théorique en amont qui se veut comme réponse à une série de questions : Qu’est-ce que le résidu spatial ? Comment le reconnait-on ? Qu’est-ce qui le rend intrinsèquement impraticable ? Quelles sont les facteurs de son émergence ? La proposition projet quand à elle s'interroge sur le devenir résidu : Quelles nouvelles pratiques admettrait-il après désuétude ? Et comment intervenir pour lui redonner du sens ?

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Méthodologie La démarche entreprise lors de l’élaboration de ce travail permet de distinguer entre deux volets. En premier lieu, un volet « recherche théorique » qui vise une meilleur compréhension de la problématique portant sur le résidu spatial. En second lieu, la « proposition projet » qui vient en réponse à cette même problématique. Le premier volet s’articule autour de trois axes de recherche : L'empirique, le théorique puis l'historique. De prime abord, une investigation préliminaire sur des productions du même type que celle de l’ensemble de logement Jemaa a été menée in Situ. Portée sur une analyse des premières grandes opérations de logements issues du Mouvement Moderne au Maroc, cette investigation a permis de dresser un lien de causalité entre densité, formes urbaines et activité anthropique. Il est à noter que par soucis d’honnêteté intellectuelle, l'axe empirique est venu en amont. Un premier constat de base était plus à même de donner lieu à des observations sans à priori. Par ailleurs, le deuxième axe « théorique » a été rédigé sur la base d’une documentation constituée d’ouvrages références de théorie de l'architecture. Cet axe a pour objectif principal de cautionner les observations effectuées préalablement sur site. Son rôle n’est donc point de défendre une position contre le Modernisme, mais uniquement d’étayer les conclusions des investigations préliminaires. Le dernier axe « historique » quand à lui, trace l’émergence du phénomène du résidu à travers les productions du Modernisme. Ce chapitre a été scindé en deux parties, une première qui traite le sujet comme mouvement universel puis une seconde qui le rattache au contexte marocain. A l’issu des trois phases d’étude évoquées, des conclusions ont été tirées, et ce pour constituer les premières directives de la « proposition projet ». En dernier lieu, une analyse ainsi qu'une stratégie d'intervention ont été établies en amont de la réflexion conceptuelle. Sur la page suivante, un résumé schématique restituant la structure réflexive du mémoire à été joint.

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V1 RECHECHE

A EMPIRIQUE

B THEORIQUE

ACTIVITE

UNIVERSEL

DENSITE

MAROCAIN

A ANALYSE

B STRATEGIE

ESPACE

V2 PROJET

C HISTORIQUE

C PROPOSITITON URBAINE

PRATIQUES

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02

ESPACES RÉSIDUELS INVESTIGATIONS PRÉLIMINAIRES


Etude de cas in Situ

Fig.4: Cité des jeunes, Casablanca, 1952.

Avant d’entamer une recherche théorique sur le déclin du Modernisme, il est nécessaire d’appuyer les spéculations émises précédemment sur l’ensemble architectural Jemaa en fig.1-p.9. Une étude de cas similaires est donc à mener in situ. Elle permettra la confrontation des impressions perçues sur le site de l'ensemble Jemaa, à l’épreuve de vérification, au gré de semblables archétypes. C'est-à-dire, des ensembles de logements collectifs en forme de barres issus de la même époque du Mouvement moderne. Les exemples présentés dans ce chapitre sont donc une série de projets construits durant la période « protectorat et post-indépendance (1945-1965) », au Maroc, et principalement dans les deux villes de Casablanca et Rabat. Ces projets de logements collectifs sont le résultat des premières grandes opérations immobilières initiées par l’état, en vue de reloger, dans certains cas, les habitants des bidonvilles. Ils ont été conçus sous le service de Michel Ecochard, sur la trame de 8x8. Une autre partie de ces logements a été lancée par des sociétés anonymes, financées par l’état (Cas de la cité des jeunes en fig.4) ou bien par l’ATBAT-Afrique. ATBAT-Afrique (1949) est une branche de l’ATBAT (Atelier des bâtisseurs fondé en 1947). Ce dernier a été un centre de recherche interdisciplinaire basé sur les principes de la charte d’Athènes et du CIAM. C'est ainsi que le modèle de l’habitat du «plus grand nombre » a été introduit au Maroc et par la suite adopté comme politique de logement viable. Dans ce chapitre, il y aura lieu après recensement des dits projets, d’interroger l’espace et ses pratiques. Ceci a pour but de mettre la lumière sur les dysfonctionnements liés aux grands ensembles générateurs de résidu spatial.

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Fig.5: Cité jardin, Quartier Bourgogne, Casablanca, 1947-1948.

Fig.6: Coeur d'îlot perméable.

Fig.7: Jardin semi-privatif clos, vu à partir de l'espace public.

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Fig.8: Immeuble N° 22, Hay Mohammadi, Casablanca, 1952.

Fig.9: Immeuble N°22 à quatre façades libres.

La première caractéristique spatiale commune aux ensembles présents en plan masse en fig.5 et fig.8 est la faible occupation du sol. La densité dans les deux cas est significativement réduite par rapport aux tissus environnants. Les immeubles de logements sont soit entièrement ouverts sur rue comme en fig.5, soit en vis-à-vis avec interstices non qualifiés entre blocs comme en fig.8. En fig.6, le cœur d’îlot en état de délabrement est pénétrable à travers l'espace public. En fig.9, les riverains, fuyants l’hostilité du résidu interstitiel, préfèrent se regrouper au bord de la rue. Comment l’espace interne est-il donc devenu hostile ? Peuton réellement parler d’espace interne ? Dans les deux cas de figure présentés, tout n’est-il pas extérieur ?

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Fig.10: Cité des jeunes, Cil, Casablanca, 1952.

Fig.11: Coeur d'îlot oblong délimité par trois barres.

Fig.12: Espace résiduel périphérique en appropriation à vocation ludique.

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Fig.13: Immeubles Hay Hassani , Casablanca, 1958-1962.

Fig.14: "Etendoir à linge commun" en façade, vu à partir d'une ruelle adjacente.

La proportion du résidu en fig.13 est certes beaucoup plus faible qu’en fig.10, néanmoins des pratiques communes sont observées au niveau des espaces non qualifiés. En fig.11, l’aspect désert laisse penser que ce cœur d’îlot n’est le réceptacle d’aucune activité. Cette morphologie ne renvoie donc à aucune pratique. En l’occurrence, en fig.12, à l’écart des vis-à-vis, une tentative d’appropriation a été repérée. Elle est matérialisée par l’installation d’un filet de football. Dans certains cas, les appropriations peuvent prendre des formes nuisibles à l’esthétique, comme en fig.14. L'appropriation est donc un phénomène incontrôlé. Elle va de pair avec l'intention des habitants de trouver une vocation utile, à des espaces désignés comme « vacants » par l’aménageur.

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Fig.15: Immeuble Nid d'abeille, Hay Mohammadi, Casablanca, 1952.

Fig.16: Etat initial pour mémoire. [2]

Fig.17: Façade principale altérée, attenante au trottoir densifié en dur.

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Fig.18: Immeubles Sidi-Othmane, Casablanca, 1954.

Fig.19: Espace interne clos, occupé par une activité à vocation ludique.

Sur les deux images satellitaires en fig.15 et fig.18, les tissus respectifs où sont implantés les immeubles de logements sont nettement plus denses en comparaison avec ceux présents en fig.8-p.15 et fig.10-p.16. Cela n’empêche que les habitants de Nid d’abeille et Sidi-Othmane aient revendiqué une surdensification des espaces internes, jugés comme très neutres. En fig.17, on constate qu’en plus des façades altérées collectivement sous « l’effet propriétaire », une mosquée moyennant des outils rudimentaires est construite sur le trottoir comme réponse au besoin d’occuper le vide par l’activité. Ceci étant le même cas de l’espace de jeux en fig.19, implanté à postériori dans le cœur d’îlot. Il est donc à se demander si l’injection de nouvelles activités, autres que le logement, n’est possible que si le tissu est potentiellement dense; avec une symbolique de l’espace intime premier au sein du quartier.

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Fig.20: Immeubles Hay Bouhlal, Rabat, 1960.

Fig.21: Coeur d'îlot, vu à partir d'une ruelle adjacente.

Fig.22: Façade donnant sur une voie principale.

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Fig.23: Immeubles Hay Mabella, Rabat, 1960.

Fig.24: Espace interne résiduel, vacant.

L’objet des deux exemples d'îlots présents en fig.20 et fig.23 est de tester l’hypothèse du rapport entre la densité du tissu et l’appropriation spatiale par injection d’activité. En fig.20, il s’agit de barres implantées dans un quartier traditionnel significativement dense en comparaison avec la fig.23. A l’intérieur de l’îlot de Hay Bouhlal en fig.21, une installation provisoire est visible. Elle témoigne d’une tentative de produire l’activité. Sur la fig.22, en façade donnant sur la voie principale, l’effet est antinomique. Les riverains se rassemblent strictement devant leurs paliers, le plus loin de la voie publique. L’espace architectural premier est ainsi agressé. Les habitants n’ont donc aucun intérêt à créer un événement dans un espace qui les jouxte mais qui n’est pas proprement le leur. Néanmoins, en fig.24, même si en cœur d’îlot, loin de la voie, l’espace résiduel demeure en abandon et ce en raison d'une présence démesurée de « vide » et d'une impression du « vu de partout ».

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Observations Une parenté existe entre les différents ensembles de logements étudiés. Elle repose sur des critères communs en termes d’occupation du sol (densité) et de pratiques sociales. Il est donc désormais possible de répondre à une partie des questionnements spéculatifs en p.11 : Qu’est-ce que le résidu ? Comment le reconnait-on ? Qu’est-ce qui le rend intrinsèquement impraticable ? Le résidu est tout « espace interstitiel » au statut incertain. C'est-à-dire que c’est le négatif qui résulte de l’implantation des masses. Dans le modèle des barres en particulier, il correspond à une occupation très faible du sol comme en fig.8-p.15, fig.10-p.16, fig.23-p.21. Dans ce même modèle, le rapport entre la masse et le vide créé est à cheval entre la ville et le seuil du « chez soi ». Le résidu viens donc en deçà, comme résultante provenant des masses implantées à vol d’oiseau; et ce dans une disposition globale à l’échelle de la ville. Cet amalgame lié aux ordres de grandeurs représente une rupture avec la spatiosymbolique de l’espace intime du « chez soi ». Le domaine public s’immisce alors pour créer totale confusion. En réponse à la deuxième question sur les aspects permettant la reconnaissance de l’espace résiduel, l’hostilité en est le premier. Cette caractéristique relève principalement de l’absence du cheminement. Car la rue n’a pas uniquement une fonction de passage, elle cadre une orientation et produit un repère moteur. Sa disparition est synonyme d’une grande insécurité. En dernier lieu, ce qui rend l’espace résiduel intrinsèquement impraticable est essentiellement lié à la configuration du tissu où il se trouve. Dans le cas des barres en fig.9-p.15, fig.11-p.16, fig.24-p.21, l’espace interne est à vue de tous. Les riverains n’ont donc aucun intérêt à s’approprier un espace partagé par tout un chacun. Toutefois, lorsque la notion de tissu subsiste, notamment dans le cas d’une trame environnante dense ou à potentiel de densification comme en fig.14-p.17, fig.17-p.18, fig.19-p.19, fig.21-p.20, les habitants arrivent à en faire usage. Cela prend souvent la forme d'une appropriation par injection d'activités au sein même de l’entourage immédiat.

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Extrapolations L’objet de l’étude empirique in situ présentée sur ce chapitre est double. Il permet en premier lieu de vérifier l’hypothèse selon laquelle les ensembles de logements issus de l’époque moderne sont bel est bien confrontés à la problématique du résidu. En second lieu, il donne la possibilité de définir les pratiques sociales qui y prennent place. Ce dernier aspect est particulièrement important dans la phase liée à la conception du projet. Comme il s’agit d’intervenir sur l'ensemble de logement Jemaa abritant un nombre élevé d’habitants, il est nécessaire de prédire les types d’usages liés à la configuration spatiale de ces ensembles. La possibilité de déterminer l'impact de chaque morphologie urbaine sur l'usage est donc décisive. Pour ainsi dire, elle permettra de remodeler l’espace au gré de nouvelles pratiques. Pour cela, il faudrait extrapoler en amont les formes urbaines types et leurs pratiques, relevés au préalable dans ce chapitre. On distingue entre trois tissus urbains. Tout d’abord le traditionnel qui a la possibilité de produire des espaces vivants, avec la particularité d’être reconnaissable par l’imaginaire collectif des usagers de la ville. Sans rupture, avec cheminements et repères, ce tissu draine les foules jusqu’au centres qui constituent sa structure sous-jacente. On ne s’attardera donc pas d’avantage sur cette forme urbaine qui ne fait pas l’objet de l’étude sur le résidu et qui visiblement fonctionne sans difficulté. Toutefois, il est à préciser que dès lors que le système de centralité disparait au profit d’« objets architecturaux », noyés dans le vide, les dysfonctionnements surgissent. Une myriade de directions devient privilégiée. L’impression d’un infini spatial s’installe et les limites de l’espace deviennent non reconnaissables. L’usager se trouve dans le désarroi au milieu de formes urbaines agonisantes. Les morphologies qui concernent donc ce chapitre sont propres à cette architecture du désarroi où la rue n'existe plus. Et peut-on réellement parler d'« architecture » ? La mort de la rue n’est elle pas en quelque sorte la fin de l’architecture ? La première forme urbaine extrapolée s’apparente donc à une morphologie insulaire, en rupture totale avec son entourage qu’on appellera « l’archipel urbain ». La deuxième correspond à une zone de friction. Elle représente tout îlot ou le tissu traditionnel concomitant interfère avec les ensembles de barres. On appellera cette forme « patchwork urbain ».

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« L’archipel urbain »

Fig.25: Epannelage témoin. Cité des jeunes, Casablanca, 1952.

La dénomination affectée à cette forme correspond à la notion d’« archipel urbain » parue dans l’ouvrage "The City in the City. Berlin: A Green Archipelago" en 1977. Réalisé par Oswald Mathias Ungers et Rem Koolhaas, ce manifeste propose une nouvelle vision pour la ville de Berlin basée sur une série de strates d’archipels urbains autonomes. Comme réponse à la désintégration de Berlin, ce paradigme repose sur une concentration homogène de « sous-villes » hétérogènes et absolues. L'absolu selon Pier Vittorio Aureli est « [...] destiné à souligner, autant que possible, l'individualité de la forme architecturale lorsque cette forme est confrontée à l'environnement dans lequel elle est conçue et construite. J'utilise l'absolu non pas au sens classique de « pureté », mais dans son sens originel comme quelque chose étant résolument elle-même après avoir été séparée de son autre. » "The Possibility of an Absolute Architecture", MIT press 2011. La Cité des jeunes en fig.25 est visiblement une forme qui relève de l'absolu, une « sous-ville » de barres, extraite de son entourage dense de villas R+1. L'interstice qui ségrége cette forme de son autre est le résidu spatial demeurant impraticable. « L'archipel urbain » est donc une idée abstraite, la pratique qui lui est attribuée dans la réalité matérielle et en contradiction flagrante avec toutes les vertus qu'elle voudrait prétendre dans l'abstraction.

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« Le patchwork urbain »

Fig.26: Epannelage témoin. Immeubles Hay Bouhlal, Rabat, 1960.

A l'issue de l’analyse des plans masse en fig.13-p.17, fig.15-p.18, fig.18-p.19, fig.20-p.20 et leurs pratiques in situ, on remarque que les ensembles de barres implantés dans une trame structurelle dense de type traditionnel sont, dans la majeure partie des cas, aptes à produire de l'activité par effet d’assimilation. Ces avantages improbables, d’une juxtaposition de deux formes urbaines antinomiques (barres et tissu traditionnel) ont été précédemment explicités dans l’ouvrage "Collage City", MIT press en 1978. A travers une étude sur la stratification des formes urbaines hétérogènes, Colin Rowe et Fred Koetter mettent le doigt sur les vertus des tissus denses qui opèrent comme une « [...] matrice ou texture donnant de l'énergie solide et continue. » En outre, pour ce qui est de l’activité qui y prendrait place « [...] il est relativement libre d'agir selon l’impulsion locale ou l'exigence de la nécessité immédiate. » Ceci étant le cas des Immeubles Hay Bouhlal en fig.26, où les riverains admettent une appropriation par nécessité d'occuper le vide par l'activité. En outre, l’exemple de ce quartier est particulièrement important, car il illustre parfaitement cet effet « patchwork ». Nous y trouvons des barres, soit en en vis-àvis, soit attenantes aux « maisons marocaines ». Toutefois, si cette alternative de collage semble fonctionner, qu'en est-il du résidu dans les formes de type « archipel urbain » ? Selon Rowe et Koetter, le phénomène des objets architecturaux est inévitable. Comme solution intermédiaire, il admet que: « [...] plutôt que d'espérer et d'attendre le dépérissement de l’objet, il pourrait être judicieux, dans la plupart des cas, d’encourager l'objet à devenir digéré dans une texture répandue ou matrice. » La densification serait donc une tentative de dissoudre l'objet architectural dans son tissu environnant et ce pour pallier au résidu.

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03

MODERNISME ET RÉSIDU


Un contexte d’émergence

Fig.27: Plan Voisin par Le Corbusier, Paris © FLC/ADAGP, 1925. [3]

Sur ce chapitre, il y aura lieu d’investiguer l’émergence du phénomène des espaces résiduels sous la lumière des premiers projets de logements de masse qu’a connu le Modernisme. Ce volet permettra de mettre en exergue le hiatus entre l’utopie que prétend ce mouvement et l’usage de sa forme urbaine et ce en fonction des conclusions tirées dans le chapitre précédent. En fig.27 se trouve le Plan voisin de Paris dessiné entre 1922 et 1925 par Le Corbusier. Il représente le premier tracé audacieux d’une ville contemporaine à l’ère du machinisme. Cette « ville radieuse » était prévue d’accueillir un nombre de trois millions d’habitants et n'a jamais été réalisée. Les immeubles cruciformes, implantés de manière ordonnée dans un tracé orthogonal sont la projection en masse d’une organisation rigoureuse émanant d’une politique de logement volontariste à l’échelle de la métropole. Une solution utopiste qui, à l’époque où elle a été conçue, présentait une alternative ad hoc au quartier traditionnel, jugé comme non conforme aux valeurs hygiénistes ainsi qu'aux exigences économiques et sociales du zeitgeist. Les progrès de la science, l’éclatement démographique et le souci de salubrité ont tous été en faveur du développement du logement vertical, à la chaine et pour le plus grand nombre. La cité comme réceptacle « scientifiquement programmé » remplace donc la singularité du fait architectural. L’espace public collectif vert, sensé apporter air et lumière devient le symbole du « résidu ». Les exemples qui suivront sur ce chapitre sont classés par ordre chronologique. Ils ne sont pas exhaustifs, mais comportent des références majeures de projets existants ou théoriques non réalisés du Mouvement moderne.

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Fig.28: Highrise City (Hochhausstadt), Karl Ludwig Hilberseimer, 1924. [4]

En 1927, Hilberseimer, architecte allemand, membre du CIAM et enseignant au Bauhaus; publie dans son livre Großstadt architektur un projet utopiste de « ville verticale » conçu en 1924. Ce dernier porte sur le renouvellement urbain de Berlin en vue de simplifier les problèmes de transport et d'assainissement. Selon Hilberseimer, la « ville radieuse » de Le Corbusier en fig.27 ne correspond pas réellement à une ville verticale en raison de la séparation horizontale, en zoning, des activités qui y prennent place. Sur le Plan voisin, les zones d’habitat, production, commerce et divertissement sont bien distinctes. La notion de typologie architecturale est donc maintenue même en se soumettant à l’organisation rationnelle de l’ensemble. En revanche, sur le modèle du Hochhausstadt en fig.28, il y a abolition définitive de la forme architecturale. A partir d’un seul bloc symbolisant l’unité de production, des barres comportant à la fois bureaux et logements sont disposées de manière régulière en fonction de l’infrastructure de transport. La ville dans son ensemble est donc radicalement mutualisée. Toutes les constructions se ressemblent et chacune comporte la totalité des activités de la civitas. Alors que sur le Plan voisin, le résidu est l’espace vert qui sépare les différentes zones de la ville, dans le Hochchausstadt la neutralité atteint son degré extrême et tout devient résidu. Toutefois, Hilberseimer fustigera ce modèle 40 ans après sa publication en déclarant luimême que : « La répétition des blocs a donné lieu à trop d'uniformité. Chaque chose naturelle a été exclue : aucun arbre ou zone verte ne rompt la monotonie. Prise dans son ensemble, la conception de la ville verticale a eu tort dès le début. Le résultat était plus une nécropole qu’une métropole, un paysage stérile de l'asphalte et du ciment, inhumain dans tous les aspects. » Il est à noter que ce projet n’a jamais été réalisé, et demeure l’un des modèles théoriques les plus radicaux à ce jour.

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Fig.30: Siedlung Westhausen, Frankfurt par Ernst May, 1929. [5]

L’illustration en fig.30 représente l’un des premiers logements modernistes de masse, issu du contexte de l'entre deux guerres en Allemagne. Contrairement aux modèles théoriques du Plan voisin de Le Corbusier et de la ville verticale de Hilberseimer, le Siedlung Westhausen a bien été réalisé. Il a été construit pendant la période de la république de Weimar (1918 à 1933), sous l’égide de la municipalité sociale-démocrate de Francfort. Face à la naissance du mouvement ouvrier et à la crise de logement, cette ville industrialisée s'est trouvé devant l’urgence de loger le plus grand nombre. Ernst May, responsable des services techniques de la municipalité fut le principal auteur du plan directeur de l’agglomération. En trois ans (1926-1928), May construit 16 000 logements sous la pratique du zoning. Dans “Architecture and utopia design and capitalist development”, MIT Press, 1979, Manfredo Tafuri met en évidence le fait que « [...] Toute l'œuvre de May à Francfort peut être interprétée comme l'expression maximale d'une politisation concrète de l’architecture. L'industrialisation du chantier implique la mise en place d'une unité minimale de production. Cette unité minimale était le projet du logement, le Siedlung. » Les Siedlung sont des quartiers d’habitation à la périphérie de la ville, destinés à loger la classe ouvrière dans une grande ville industrielle. Sur le Siedlung Westhausen en fig.30, une organisation en rangée ainsi qu’une répétition systématique d’une seule unité sont visibles. En outre, l’occupation du sol est très faible. Seulement 18% de la superficie est construite avec 8% pour les voies de circulation. Le reste constitue une réserve d’activités maraichères, accessible par des allées, qui seront vite condamnées par les riverains pour se protéger de l’excès du résidu. Le projet initial de May visait à restructurer l’éclatement de la ville par des espaces verts (parcs publiques, zones agricoles et forêts) fédérateurs de l'ensemble urbain. L’écart entre les orientations d’aménagement et la réalité est bien souvent contradictoire, car finalement « La ville est restée un agrégat de parties très peu unifié [...] » comme l'a précisé Manfredo Tafuri.

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Fig.31: Plan d’aménagement de Nemours en Algérie, par Le Corbusier, 1933. [6]

En fig.31 se trouve le projet d’aménagement d’une bourgade de la première colonisation algérienne dans la ville de Ghazaouet en Algérie, anciennement appelée Nemours. Cette ville portuaire était proche de la frontière marocaine, à l'est de la ville de Saïdia. À partir de la crise économique de 1929, Le Corbusier entame une série de grands voyages de réflexion théorique aboutissants sur des plans expérimentaux. Après l'étude d'urbanisation de Rio de Janeiro en 1929 et Moscou en 1930, il se penche sur le cas de l’Algérie. En 1933 il réalise le plan de Nemours, une commande qui était passée par la municipalité à deux membres du CIAM, Breuillot et Emery d'Alger en collaboration avec Le Corbusier. Il est à rappeler que le CIAM (Les congrès internationaux d'architecture moderne) avait rassemblé une communauté d’architectes et d’urbanistes à l’échelle mondiale, créant ainsi un réseau de promotion de « la ville fonctionnelle ». Pour ce qui est du plan de Nemours, il a été accepté en 1935 par la municipalité mais n’a jamais été réalisé pour des raisons politiques de financement. Sur un site très accidenté, cette petite ville était prévue de se doter d’un grand port, une ligne de chemin de fer et d’accueillir 50.000 habitants dans 18 immeubles d'habitation. Toutefois, en fig.31, le croquis expressionniste de Le Corbusier met en avant une surabondance d'espaces verts. Cette impression est d’autant plus amplifiée qu’une majeure partie de la nouvelle ville était surélevée. Les immeubles en barres orientés (NordSud) étaient sur pilotis et leur distribution se faisait à travers une autostrade en losange qui elle aussi était surélevée. Il semblerait donc que sur ce modèle urbain, le déplacement des riverains n'aurait pu se faire que par véhicule. De surcroît, selon les conclusions tirées précédemment sur la nécessité d'une échelle intermédiaire, il est possible d’admettre que la trame verte projetée sur ce projet n’aurait jamais constitué une interface d’usage adéquate pour le piéton. Nemours se serait vite transformée en une « ville machiniste » suspendue sur du résidu.

30


Fig.32: Pruitt-Igoe, St. Louis, Missouri, par Minoru Yamasaki, 1972. [7]

L’essor économique et technologique ainsi que les moyens de constructions innovants à l’aube du 20ème siècle ont favorisé le foisonnement des grands ensembles entre les années 1950 et 1970. Cette période a été marquée par un urbanisme radical de barres dont les principes reposèrent sur les mythes de l’urbanisme moderne. Les vestiges de cette idéologie de logement de masse se sont vite propagés dans tous les continents en vue de mettre fin à la crise de logement. La France en particulier a été le pays qui a adopté cette politique avec le plus de vigueur. Toutefois, dès la fin des années 1970, on parle déjà de nécessité de réhabiliter ces « quartiers mal vécus » ou « zones urbaines sensibles ». Le premier ministre du président Valéry Giscard d'Estaing en France craint qu'ils ne deviennent des « ghettos ». Une succession de bilans lourds a vite témoigné de l’échec d’une partie de ces ensembles qui sont devenus le symbole de l’exclusion sociale et de la misère. A fortiori, dans certains cas, le dernier recours envisageable était la démolition. L’un des exemples les plus célèbres de cette fin funeste est celui du Pruitt-Igoe en fig.32. Construit dans les années 1950 à Saint-Louis (Missouri) aux États-Unis, cet ensemble comportait 33 immeubles et 2 870 logements. Il n’a pas survécu à plus de 20 ans d’occupation avant de tomber en désuétude. Dès 1965, la cité a subitement connu un taux élevé de déménagement ce qui engendra des espaces de vie stigmatisés de violence et d’insécurité. L’architecte Minoru Yamasaki, auteur du projet a exprimé ultérieurement sa déception en déclarant « Je ne pensais pas que les gens étaient si destructeurs ». Toutefois, il est à se demander si l’ultra-rationalité de la démarche moderniste n’est elle pas la cause principale de ce déclin ou du moins en partie ? Toute morphologie qui s’apparente à celle de « l’archipel urbain », nous l’avons vu, est intrinsèquement hostile, c'est-à-dire qu’elle comporte en elle-même les éléments déclencheurs d’une éventuelle dégradation. Contrairement à la position de Minoru Yamasaki , il serait donc déraisonnable d’espérer un usage humain d’une architecture qui ne l’a jamais été.

31


Cas du Maroc

Fig.33: Cité Jean Courtin, Casablanca, 1953. [8]

Sur ce volet, il y aura lieu de dévoiler les influences du Mouvement moderne sur l’architecture et l’urbanisme au Maroc; et ce, durant la période du protectorat français. L’objectif est de soulever par quelques exemples types, les moyens à travers les quelles s’est faite l’imposition des modèles Modernistes. Face au développement des bidonvilles et à l’exode rurale massive, le Maroc se trouve confronté aux problèmes de logement qui touchent particulièrement les populations les plus défavorisées. Michel Ecochard, architecte et urbaniste français, responsable à l’époque du Service de l’Habitat, prend en charge la question du logement économique pour le plus grand nombre. Adepte des préceptes de Le Corbusier, il appliquera dans ses propositions d’habitat, les principes de la Charte d’Athènes et du CIAM. Dans un climat cosmopolite, l'idéologie urbaine d'Ecochard va rapidement se diffuser pour rassembler des architectes étrangers, mais aussi marocains comme le témoigne le GAMMA (le Groupe des Architectes Modernes Marocains). L’activité du CIAM a donc été adoptée et on commence même à parler de «GAMMA-CIAM-Maroc». Il est à noter, qu'un nombre significatif des logements construits durant cette même période a été fait sur la trame de 8m x 8m relayée par Ecochard, comme le montre l’une des premières opérations destinées à la résorption des bidonvilles en fig.34. Néanmoins, pas tous les logements construits durant les années 50 étaient pour les ruraux ou les habitants des bidonvilles. Certains d’entre eux étaient destinés aux familles européennes comme la cité Jean Courtin à Casablanca en fig.33. Construite en 1953 pour les gendarmes et la garde-mobile française, elle n’a été occupée par des fonctionnaires marocains qu’après le départ de ses occupants initiaux.

32


Fig.34: Immeubles Sémiramis et Nid d’abeille, Casablanca, par l'ATBAT-Afrique, 1952. [9]

Cet ensemble d’immeubles considéré comme l’un des premiers au Maroc a été construit par un groupe d’architectes faisant partie de l’ATBAT-Afrique, branche africaine de l’ATBAT (Atelier des bâtisseurs). Ce centre de recherche a été fondé en 1947 par Le Corbusier, Vladimir Bodiansky, André Wogenscky et Marcel Py, avec Jacques Lefèbvre comme manager commercial. Initialement, l’ATBAT a été créé pour mener à bien la construction de l'Unité d'Habitation à Marseille de 1945 à 1952. Toutefois, comme le témoigne l’expérience de Le Corbusier en Algérie en fig.31-p.30, les préoccupations universalistes d'étendre le champ d'expérimentation du Mouvement moderne étaient à l'ordre du jour, d'où la création de l’ATBAT-Afrique; une branche qui a mené ses travaux majoritairement en Algérie et au Maroc. En 1951, Candilis, Shadrach Woods et l’ingénieur Henri Piot deviennent les dirigeants de l’ATBAT au Maroc. Il est à noter que Candilis et Woods était les principaux collaborateurs de Le Corbusier chargés de la construction de l'Unité d'Habitation à Marseille et que c'est eux mêmes qui ont construit l’ensemble Nid d’Abeille en fig.34. En raison du climat politique tendu, le bureau ATBAT-Afrique à Tanger a mis fin à ses travaux à la fin de l'année 1952. Par la suite Candilis et Woods deviennent les dirigeants du siège élargi de Casablanca. Ce changement annonce très vite la fin des activités de l'ATBAT-Afrique au Maroc.

33


Fig.35: Immeubles Sidi-Othmane, Casablanca, par l'ATBAT-Afrique, 1954. [10]

Les immeubles en fig.35 sont des cas similaires à ceux de « Sémiramis » et « Nid d’abeilles » en fig.34-p.34. Ils ont été construits par l’architecte Suisse Erwin Hinnen et initiés par le Service de l’Habitat pour reloger les habitants des bidonvilles de Ben M’Sick à Casablanca. Les 200 appartements que regroupe Sidi-Othmane ont été conçus sur la même trame de 8x8 et ont la particularité d’être bien conservés en façade. Cet ensemble est particulièrement important, car la quasi totalité des espaces résiduels qu’il a produit est appropriée par les habitants. Actuellement, ses jardins périphériques sont bien entretenus et l’insertion des nouveaux équipements de proximité connait un usage partagé par la communauté. Ceci est lié, en grande partie, à la proximité d’une trame urbaine dense de type Médinal. Cette question sur l'écart entre le modèle Marocain et occidental a été traitée par Daniel Pinson dans le chapitre « Les avatars de l’espace résiduel », paru dans l’article "Un Habitat occidentalisé subverti par la tradition", revue Maghreb Machrek, 1994. Pinson explique qu': « A la différence du tissu médinal, qui trouve la raison des fortes contiguïtés entre maisons dans l'ouverture systématique de celles-ci sur leurs patios, l’ouverture partagée des maisons de lotissement, à la fois sur des cours et sur des espaces extérieurs au statut ambigu, donne lieu à une grande confusion.» Le nouveau modèle Moderniste imposé sur le Maroc a donc remplacé un modèle mieux contextualisé et de meilleur usage.

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Cas de l'ensemble de logements Jemaa

Fig.36: Ensemble de logements Jemaa, Yacoub El Mansour, Rabat.

Sur ce paragraphe, une fiche technique introductive du projet architectural en question est présentée. Derechef, le choix du sujet porte sur les immeubles de logement Jemaa en fig.36. Cet ensemble représente l’archétype du logement social issu du « mouvement moderne ». Radicalement extrait de son entourage et baignant dans le résidu, il pose une double problématique : celle de sa mise à niveau ainsi que sa réinsertion dans son environnement immédiat. Suite aux investigations in situ et à la mise en contexte historique sur les chapitres précédents, une partie des éléments de réponses permettent désormais d’entamer en pratique une démarche de restructuration. De prime abord, cet ensemble est situé au cœur du quartier dense de Yacoub Mansour et à été réalisé à l’issu des premières grandes opérations immobilières de la ville de Rabat. Construit avant 1954 par la CIFM et livré fin des années cinquantes, il comporte un nombre d'environs 400 logements subventionnés par l’état à raison d’un montant dérisoire annuel de 500 à 600 dh. Jemaa appartient au domaine privé de l'état et demeure en monopropriété. En outre, il est prévu de le faire passer prochainement en copropriété sous condition d’obtention des plans autorisés inexistants à ce jour. Le relevé des plans initiaux de l'ensemble, ayant constitué le support de la proposition projet a donc été réalisé par mes soins sur site. Il est à noter aussi que les informations précédentes ont été récoltées auprès du siège du service du Domaine Privé De l'Etat à Rabat au mois d’août 2016.

35


04

ENSEMBLE JEMAA


Introduction

Fig.37: Rabat

Fig.38: Quartier Yacoub Al Mansour

Avant d’entamer une analyse sur le dit ensemble, il serait nécessaire de le positionner dans son contexte. Sur ce chapitre, un résumé de la conjoncture urbaine actuelle est livré. La ville de Rabat est à un moment clé de son développement. L’agglomération, depuis ces dernières années a vu la révision de ses plans d’aménagement, ainsi que le démarrage d'un plan d’action dans le cadre du programme intégré de développement urbain «Rabat ville lumière, capitale culturelle». De grands chantiers de projets structurants à l'échelle de la ville et de la conurbation sont lancés. A ce jour, on peut compter parmi les projets réalisés: l’aménagement des berges du Bouregreg, la requalification des grandes avenues de la capitale, la construction de la rocade N°2, ainsi que l'achèvement de la première tranche de la route côtière. Les projets en chantier ou en phase d'étude comprennent plusieurs équipements structurants (centre hospitalier régional, piscine olympique, grand théâtre de Zaha Hadid...). Par ailleurs, la mise en place des nouvelles infrastructures routières et de transport en commun est en marche (études pour la gare TGV, extensions des lignes de tramway, aménagement de la ceinture verte de la ville...). La région capitale aspire donc à devenir une métropole, toutefois plusieurs défis lui restent à relever. L’agglomération souffre toujours de besoins importants en logements et équipements, notamment dans les quartiers très denses et sous équipés, ce qui est le cas de Yacoub Al Mansour. Ce quartier de population modeste est situé dans une zone stratégique de la ville de Rabat, le long de la corniche au sud. Sa mise à niveau a donc fait l'objet d'un intérêt particulier auprès des aménageurs et plusieurs chantiers y sont actuellement en cours.

37


AMÉNAGEMENT DES BERGES DU BOUREGREG Agence AVVB, en cours. [11]

GARE RABAT VILLE Cabinet AWM, en cours. [12]

PONT MOHAMMED VI, 2016. [13]

GRAND THÉÂTRE DE RABAT Zaha Hadid Architects, en cours. [14]

38


Historique du site

Fig.39: Plan d'extension de Rabat et Salé, Michel Ecochard, 1955. [15]

Lors de son urbanisation, la ville de Rabat a connu plusieurs extensions le long du littoral. Dès 1940, face à l’exode rural et l’installation massive des bidonvilles, des trames sanitaires ont été étudiées pour remédier à la crise de logement. La zone Yacoub Al Mansour a eu donc pour vocation, depuis sa planification, d’abriter de grands quartiers d’habitat populaire pour les populations les plus défavorisées. Sur la Fig.39, il est visible que les premiers tracés de l’arrondissement résultent d’une extension du découpage des anciennes terres agricoles. Etabli par l’architecte urbaniste M. Ecochard, ce plan constitua la base de l’expérimentation des nouvelles formes de quartiers et d‘habitat standardisés.

39


Mise en contexte

Fig.40: Carte de constat au sol du quartier "Yacoub Al Mansour", réalisée en Atelier d'urbanisme à l'ENA (année 2014), par Bruno Marsone, Corie John, Rajaa Bennaoui.

L’arrondissement de Yacoub Al Mansour est le plus peuplé de la capitale, il accueille 202 300 habitants sur une superficie de 1 338 hectares. Comme visible en fig.40, son tissu hétérogène est le résultat d'une juxtaposition de plusieurs opérations immobilières, réalisées durant des époques différentes. Son parc est constitué majoritairement d’habitat économique avec une forte concentration de commerces. Il a principalement comme fonction de loger et demeure sous équipé en matière de loisirs et d’espaces verts. Un développement piéton est aussi prédominant dans cette zone, avec une moyenne de 55 voitures pour 1 000 habitants, soit 60 pourcent des déplacements se font à pied. Ceci témoigne en partie de l’efficacité d'usage des équipements de proximité, situés dans un rayon accessible aux riverains. Cette qualité de "proximité-centralité" dans un tissu "patchwork "diffus, tel que celui de Yacoub Al Mansour n'est pas généralisée. Le site de l'ensemble Jemaa représente donc l'archétype de l'archipel urbain où cette qualité se doit d'être réinjectée.

40


Avenue Assalam

Douar Al Kora

Îlot

Future gare

Jemaa

TGV Agdal

Extension du Tramway

Avenue Kifah

Fig.41: Zone d'intervention, îlot insulaire au coeur du quartier "Yacoub Al Mansour".

Le site d’intervention est situé dans une zone à mutation rapide. A ce jour, une forte concentration d’aménagements est localisée autour de l’ensemble Jemaa. On peut citer la requalification de l’avenue Al Kifah en boulevard urbain, l’extension de la ligne de tramway par l’avenue Assalam ainsi que l’aménagement de la route côtière. Le programme projeté pour cette zone comprend aussi la résorption de plusieurs noyaux de bidonvilles, notamment à Douar Al Kora, actuellement en cours de résorption. Par sa densité élevée, cette zone connait aussi un besoin significatif en logements et équipements. Plusieurs dérogations ont donc été demandées à ce propos et portent sur la réaffectation des friches industrielles ou bien sur la réduction des réserves d'équipements pour autoriser un programme mixte de logements et de commerces. La nouvelle programmation de l’ensemble Jemma s’orientera donc dans ce sens.

41


GARE TGV RABAT-AGDAL Cabinet Melehi, projet concourant, 2016. [16]

AMÉNAGEMENT DE LA ROUTE CÔTIÈRE DE RABAT Cabinet AWM, 2014. [17]

REQUALIFICATION DE L’AVENUE AL KIFAH Cabinet Symbiose architecture, 2015. [18]

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Morphologie de l'existant

Fig.42: Epannelage témoin de la zone d'intervention.

"Les tissus discontinus ont été dénommés ainsi car les bâtiments y sont édifiés sans mitoyenneté, selon des dispositions variées, toutes les faces des bâtiments sont des façades auxquelles il est impossible de s’accoler. Ils se subdivisent ensuite en deux types. Le tissu discontinu, simplement dénommé ainsi, regroupe les séries de grandes parcelles occupées par un ou des bâtiments isolés, généralement organisés selon un plan masse préalablement dessiné, non aligné le long des rues et disposés sur leur terrain selon des compositions particulières ou dispositions « libres ». Il s’agit des grands enclos militaires, hospitaliers ou universitaires mais aussi de grands ensembles de logements collectifs ou de bureaux bâtis depuis les années 1950, selon les principes du « mouvement moderne ». Dans cette catégorie, se retrouvent, par exemple, les ensembles de logement de Yacoub Al Mansour." Plan d'Aménagement Unifié de la Ville de Rabat, Analyses thématiques et spatiales, Atelier parisien d’urbanisme, Avril 2009.

43


Affectations

4

Habitat

1 Equipement

3

2

1. Centre commercial 2. Mosquées 3. Auberge de jeunesse 4. Centre de formation des cadres

L’environnement immédiat de l’îlot Jemaa comprend des équipements sportifs, scolaires et commerciaux. De plus, deux mosquées ont été intégrées à posteriori entre les blocs d’immeubles. Elles constituent des équipements de proximité à affluence importante. Par ailleurs, l’îlot à un coefficient d’occupation du sol faible, admettant l’intégration d'équipements supplémentaires.

Les immeubles Jemaa sont les plus hauts du quartier. Selon le plan d’aménagement actuel, leur implantation ne répond à aucun des critères du prospect réservé à cette zone. Une réhabilitation ne peut donc passer que par dérogation. Cela permet d’intervenir en fonction de nouvelles règles adaptées à l’existant. Il est à noter que dans la proposition projet, les dispositions applicables à cette zone (B) ne seront pas toutes prises en compte. Car un respect total de ces dispositions impliquerait une tabula rasa complète pour réédifier aux normes. Cette approche est contraire à la démarche durable dans laquelle s’engage le projet, la tabula rasa ne sera donc pas adoptée.

Hauteurs R+4 - R+5 R+3 - R+2 RDC - R+1

Espaces verts

L’îlot Jemaa est l’un des rares à Yacoub Al Mansour à offrir une respiration verte dans un tissu surdensifié. Toutefois, cette caractéristique d'extra-perméabilité est à remodeler. L’îlot doit s'intégrer dans son entourage, et ce dans le respect d'une transition de l'espace public au privé.

Publics Privés

44


Vues

1

L'ensemble Jemaa est situé en plein quartier populaire constitué de plusieurs lotissements de maisons économiques. Le tissu traditionnel qui le jouxte permet d’animer son aspect désert. C’est grâce à ce tissu même que les équipements de proximité sont accessibles à l’ensemble. Dans le cas contraire, il aurait été isolé d’avantage. La zone d’intervention comporte donc un potentiel important en terme d’activité. Il serait judicieux de l'injecter dans Jemaa, en vue de rétablir la continuité de ce tissu discontinu.

2 3 4

1

2

3

4

45


Fig.43: Carte de constat au sol de l'îlot.

Affectation au sol

Surface (m2)

%

Espaces verts

6700

30

Parking

438

2

Chaussée

9504

44

Logement

4098

19

Equipement

1150

5

Îlot d'intervention

21 890

100

46


Fig.44: Organigramme de l’ensemble Jemaa.

Indice du bloc A.R+5 B.R+4 C.R+4 D.R+3

Shob (m2)

N° blocs

Shob total

1440

4

4560

2910

3

8730

1800

2

3600

1200

2

2400

Surface totale (m2)

19 290

Cos projet

0.90

Cos de la zone B selon PA

2.4

47


A

D

C

B

Fig.45: Axonométrie de l’ensemble Jemaa.

L’ensemble se compose dans sa totalité de 11 blocs orientés Est-Ouest. Erigés comme des monolithes dans un tissus dense et à faible hauteur, ils témoignent à la fois d’une rupture urbaine et d’une gestion démesurément rationnalisée de l’espace. Sur le tableau des affectations en p.46, il est constatable que l’espace interne de l’ensemble est bel est bien résiduel. Avec 30 pourcents d’espaces verts délabrés et 44 pourcents d’interstices, 74 pourcent de la surface totale de l’îlot demeure sans programme précis. L’affectation de ces espaces est donc nécessaire. De surcroit, l’îlot est sous équipé en parking et ne comprend que deux équipements de culte constituants uniquement 5 pourcents de la surface totale. Une intervention sur l’organigramme de l’ensemble est donc cruciale pour pallier au manque d'équipements et concevoir ainsi un tout cohérent. La déduction du Cos projet en p.47 est de 0.90. La surface construite est donc presque équivalente à celle de l’îlot. Par ailleurs, la zone B selon le PA admet un Cos de 2.4. Le site comporte donc un potentiel de 1.4 de sa surface totale en densification supplémentaire. Toutefois, une éventuelle densification sera raisonnable et ne s’opérera point par surélévations drastiques, mais plutôt par la création d’interfaces intermédiaires mixtes entre espaces verts, bâti de l’ensemble ainsi que son tissu adjacent. D’un point de vue esthétique, l’ordonnancement architectural des blocs est d’une allure austère, reflétant la rigidité du modernisme en désuétude par l’usure du temps. Les volumes ont été reconstitués suivant la trame originelle sur la page suivante. Sur site, de nombreux changements ont été opérés pour condamner, agrandir ou ouvrir de nouvelles baies. Il n y a donc réellement, à ce jour, pas de trame qui subsiste. Ceci confère à l’ensemble un aspect encore plus chaotique.

48


A.R+5

B.R+4

C.R+4

D.R+3

49


Pratiques sociales de l'espace

Rencontre avec les habitants.

Une série de rencontres avec les habitants de Jemaa a été programmée lors de l’analyse in Situ. Cela a permis d’un côté de s’imprégner de la réalité du vécu quotidien, tel qu’il est perçu par les habitants. De l’autre, d’apporter les solutions appropriées dans la phase projet. Portée sur l’écoute des besoins authentiques des riverains, cette démarche participative a joué un rôle important dans la transmission d’information, en particulier grâce à deux intervenants. Mr Larbi, agent de police retraité et l’un des plus anciens résidents du lieu. Il est membre du syndicat de l’ensemble et l’intermédiaire principal entre les riverains et la municipalité. La deuxième intervenante est une dame septuagénaire surnommée Mi Yamna. Son rôle au sein de la communauté est exemplaire. Avant la condamnation de tous les puits d’arrosage par la Rédal, elle était responsable du maintien des espaces verts de tout l’ensemble. Lors de l’entretien qui s’est déroulé en sa présence, elle exprima son double désarroi. En premier lieu, envers l’indifférence des responsables de la gestion des services communs; en second envers les jeunes vandales de Jemaa.

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Puits d’arrosage condamné.

Jardin entretenu par une résidente septuagénaire (Mi Yamna).

Actuellement, Mi Yamna s’occupe de l'irrigation du jardin le plus luxuriant de l’ensemble. Cela se fait par un tuyau tendu depuis son propre logement. Cet exemple est important, car il illustre bien le potentiel vert non exploité de Jemaa. Une considération que la proposition projet intègre dans sa réflexion verte.

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Visite du site en état de délabrement.

Siège du syndicat de Jemaa.

Jemaa est dans un état de délabrement alarmant au moment où la zone Yacoub Mansour connait une concentration d’aménagements importants. La mise à niveau de cet ensemble qui existe depuis plus de six décennies est d’un enjeu tout aussi significatif pour la ville de Rabat. Le reportage photographique est suffisamment éloquent. En outre, la gestion des services communs au sein de l’ensemble demeure rudimentaire. Dans certains cas, ceci peut être à la cause de problèmes de salubrité publique. Mr. Larbi relate un événement, où en l’absence d’un service spécialisé, la désinsectisation de l’un des jardins s’est effectuée par combustibles nocifs, à l'initiative des habitants eux-même. Le projet portera donc une réflexion particulière sur la gestion des énergies et déchets.

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Installation d’une tente caidale.

Travaux de maintenance.

Les espaces résiduels de l'ensemble, même si désuets, comportent diverses possibilités d’usages. Sur ces images qui datent du mois d’août 2016, des travaux d’embellissement ont été effectués à l’occasion d’un festival de musique. Cet événement devait se tenir dans l’espace vacant, attenant au muret bas. Sur la première image, une tente caidale a été installée à l’occasion d’une cérémonie funéraire d’un défunt parmi les habitants. Cela témoigne, encore une fois, de la polyvalence que peuvent avoir ces réceptacles au service de la communauté. Dans la phase projet, l'éventuelle densification fera en sorte de les préserver.

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Espaces résiduels.

L'ensemble Jemaa est d'un aspect aride et désert. Il n’est donc pas surprenant que les riverains préfèrent se rassembler à l’extérieur vers la rue. Sur la quasi-totalité des images, les usagers se mettent sur le mur de soutènement, faute de résidu spatial. Le projet aura donc comme objectif d’inverser cette réalité. L’espace interne doit aussi constituer un lieu de rassemblement et offrir de nouvelles activités à la communauté.

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Mosquée Jemaa.

Espace prière.

Espace d’ablutions.

Intérieur de l’un des immeubles.

Tout ce qui constitue Jemaa n’est pas dégradé. On peut citer les deux équipements de culte qui sont correctement aménagés. Toutefois, lorsqu’il s’agit des immeubles, il existe à ce jour un seul exemple non délabré. Une exception réalisée à l'initiative des habitants et qui ne compte que de légères rénovations.

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05 STRATÉGIE D'INTERVENTION


Évaluation comparative

ROTTERDAM- PEOPLE MAKE THE INNER CITY Doepel Strijkers en collaboration avec la municipalité de Rotterdam, 2012. [19]

GRØNBY STRAND Domus arkitekter A/S, BCVA ApS, Kragh & Berglund Landskab, 2014. [20]

NAISSANCES & RENAISSANCES DE MILLE ET UN BONHEURS PARISIENS Jean Nouvel [AJN], Jean-Marie Duthilleul [AREP], Michel Cantal-Dupart [ACD], 2009. [21]

Dans cette phase du mémoire, une majeure partie des questionnements liés à la problématique du résidu spatial a été traitée. Avant d’entamer la proposition projet, une évaluation de trois interventions portant sur la restructuration de grands quartiers résidentiels sera présentée. Tous les projets qui vont suivre ont été pensés de manière inclusive, sur plusieurs échelles. Ce choix est délibéré et a pour objectif de s’imprégner de toutes les possibilités que permet la restructuration. L'évaluation comparative permettra donc de répondre à deux questions méthodologiques : Comment et à travers quelles échelles est-il possible d’intervenir ? Et quels outils mobiliser pour une synergie incluant tous les aspects de la réhabilitation ?

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People make the inner city Rotterdam, 2012

SMART AND BIOCLIMATIC DENSIFICATION Doepel Strijkers, 2012

La proposition volontariste de la restructuration du centre de Rotterdam remonte à la biennale architecturale de la même ville en 2012. La vision de ce projet de recherche, parrainé par la municipalité, repose sur deux principes synergiques d’aménagement: la densification et la « greenification ». Avec un taux faible d’occupation, le centre de Rotterdam comporte un potentiel important en parc de logement et ce face aux nécessités de la croissance démographique. Le projet a donc pour objectif une densification mixte pour loger, divertir et offrir des bassins d’emploi. Selon la plateforme de recherche, ce n’est qu’à travers la mixité que nait l’activité anthropique qui rend tout centre attractif. Toutefois, la densification représente aussi une forme de« durcification », d'où la nécessité d'une « greenification », offrant un cadre vert de durabilité et de qualité de vie meilleure.

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Grønby strand Copenhagen, 2014

Image de l’existant.

Image après rénovation des barres et densifications par bâtiments de plain-pied.

Coupe transversale de l'ensemble et ses environs.

Cet ensemble de logements se situant dans le quartier de Brøndby Strand à Copenhagen, comprend environ 2900 unités. Il est donc considéré comme l'une des plus grandes zones résidentielles de l’agglomération. Sa surface en est de 300.000 m2 pour un total de 8.000 habitants, ce qui équivaut à la population d'une petite ville danoise. En étroite collaboration avec les habitants, la vision architecturale met en évidence la rencontre entre la nature et la vie urbaine. Abstraction faite de la tabula rasa, la monotonie des barres est dissimulée en renforçant la richesse de détail architectural de l'existant. La densification quand à elle reste très limitée. Quatre nouveaux sièges uniquement ont été prévus pour abriter diverses activités sociales. Ceci laisse place à des paysages vallonnés, d'aspect naturel ou peuvent naturellement se rassembler et se déplacer les habitants.

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Naissances & renaissances de mille et un bonheurs parisiens Paris, 2009

Schémas de restructuration des immeubles des grands ensembles.

Ce projet initié par l’atelier du grand Paris en 2009 repose sur une stratégie de transformation urbaine et sociale qui s’applique sur l’essentiel du territoire parisien. La proposition de l’équipe est exhaustive comprenant dans sa totalité neuf pistes d’action. Comme dans "Grønby Strand", la politique mise en œuvre est incompatible avec l’idée de démolition. La transformation s’opère plutôt par une densification raisonnable matérialisée par de faibles extensions et surélévations ainsi qu’une implantation de bâtiments temporaires liés aux besoins urgents de l’ensemble. Ces derniers concernent des locaux pour la gestion des services communs mais aussi des lieux de loisirs pour les habitants. La réhabilitation inclut aussi l’amélioration des performances énergétiques, la requalification de l’espace public ainsi que le développement des potentialités locales.

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Les jardins d'Anfa Casablanca, 2017

Vue sur l’une des places de l’ensemble résidentiel. [22]

Réalisé par la Maison Edouard François et exécuté par le cabinet Groupe 3 Architectes au Maroc, ce projet n'est pas une restructuration. Toutefois il a été jugé nécessaire de l'inclure comme référence d'un complexe urbain mixte en IGH dans le Grand Casablanca. L’aspect programmatique des Jardins d’Anfa est particulièrement intéressant pour son innovation et mixité. Le quartier comprend trois tours résidentielles R+16, un ensemble de résidences R+4, une tour de bureaux R+12 ainsi que des commerces donnant sur une place publique. Appartenant au nouveau parc métropolitain de Casablanca, la réussite de ce projet repose principalement sur la maitrise de l’échelle d’intervention. Une nécessité que se pose tout autant Jemaa. Dans l’ère de l’urbanisation, ces nouveaux quartiers ne représentent une réelle plus value que s’ils sont conçus au gré du renouvellement, à l’échelle de la métropole. 61


Renouvellement

Image synthèse du nouveau centre Jemaa.

Au regard de l’évaluation comparative, des pratiques sociales observées sur site ainsi que des orientations d’aménagements de la ville de Rabat, une vision de Jemaa prend désormais forme. Ce travail de fin d’étude reconnait la valeur architecturale, historique, sociale et urbaine de cet ensemble de plus de six décennies. Situé dans une zone à mutations rapides et à forte concentration d’aménagements, sa mise à niveau est désormais d’un enjeu urbain majeur. Le projet que propose ce mémoire se projette dans la conjoncture urbaine actuelle et aspire à faire de Jemaa le nouveau centre urbain de la zone Yacoub Al Mansour. Une expérimentation ambitieuse, qui voudrait redonner vie à cet archipel de résidu et imaginer le devenir d'une architecture après sa désuétude.

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Développement de la connectivité.

Promenade maritime existante

Future extension du tramway

Boulevard urbain existant

Centralité existante

La vision projetée s'inscrit dans une démarche prospective. Le devenir de Jemaa devient intrinsèquement lié à celui de Yacoub Al Mansour. Cet arrondissement, le plus peuplé de la capitale, se caractérise par un tissu extrêmement hétérogène, ce qui donne lieu à une série de fractures urbaines. Le long de la corniche au sud, le quartier s’est développé en poly centralité. Une concentration décentralisée qui ne lui a pas permis d’avoir un centre urbain névralgique. L’objectif de la restructuration est donc d’implanter une nouvelle centralité au cœur de ce quartier. Jemaa deviendrait alors un grand projet structurant, fédérateur non seulement du patchwork que représente Yacoub Al Mansour mais aussi de tous les projets actuellement dans son périmètre. Sa logique découlerait de celle de la conjoncture et son rayonnement irait au delà de son contexte immédiat, pour constituer l’un des nouveaux centres de la ville de Rabat.

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Proposition d'un nouveau corridor à Yacoub Al Mansour.

Promenade maritime existante

Future extension du tramway

Corridor proposé

Nouveau noeud

Boulevard urbain existant

En raison de l’enclave crée par la voie ferrée, Yacoub Al Mansour se trouve ségrégé du reste de la ville. A ce jour, les seuls boulevards urbains qui relient la corniche au côté Est de la ville sont l’Avenue Al Kifah et Houria. Avec l’aménagement récent de la corniche, l’emprise du quartier demande d’avantage de pénétrantes pour faciliter l'accès au côté mer. La conception du nouveau centre urbain se doit d’améliorer cette connectivité. Pour cela, un corridor vert traversant l’îlot est tracé. Il permet à la fois de connecter efficacement le centre aux antipodes de la ville et de créer une respiration verte le long du quartier surdensifié. Le cœur de Jemaa devient une interface perméable par laquelle le corridor vert draine les flux, et ce depuis la promenade maritime existante.

64


Existant.

Développement prévisionnel de la zone. Extensions Logements Commerces

Actuellement, le plan d’aménagement de la ville de Rabat exige des modifications pour répondre à la demande. Selon la même source, de nouvelles orientations permettraient d’accroître le nombre de logements produits. Notamment dans l’arrondissement de Yacoub Al Mansour, où l’autorisation d’un étage supplémentaire augmenterait le parc de 20 % (soit un potentiel de 10 000 logements environ). A ce propos, le PA incite à «...définir des périmètres de projets, où serait engagé un processus de renouvellement urbain, ou encore de faciliter les changements d’usage des zones (habitat/activités).» Avec la concentration d’aménagements autour du périmètre du projet et le développement des réseaux de transport (tramway), l’ensemble devient l’un des territoires susceptibles d’admettre une densification. La zone va donc certainement évoluer en surélévation au gré du renouvellement qui se met en marche.

65


Schéma explicatif du remembrement proposé et son incidence.

Avant d’entamer la restructuration, il y aura lieu d'inscrire Jemaa dans un cadre en accord avec le renouvellement prévisionnel. Le remembrement du petit parcellaire jouxtant l'îlot permet une amélioration de la configuration urbaine et une gestion efficace de la demande. Ce procédé offre un habitat contemporain et une plus grande flexibilité en typologies. Par ailleurs, la densification périphérique permet à l'ensemble d'intégrer un programme mixte. Un transfert d'habitat en faveur d’équipements de proximité et de commerces devient possible au niveau des franges.

66


Etat actuel de la zone.

Simulation de l'impact du tramway et du remembrement du tissu adjacent.

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Programme

Logement Social Moyen standing

Equipement Equipement de culte Galerie d'art Centre culturel

Zone d'affaire Plateaux bureaux Hôtel

Commerce Café et restaurants Chaines de magasins Commerce de proximité

Loisirs Aires de jeux Salle de sport Salle de concert

Espaces verts Espace de villégiature Jardins potagers Espaces vallonnés

Parking En plein air Sous terrain Existant Projeté

Le bilan dressé lors de l’analyse démontre que Yacoub Al Mansour par sa population élevée souffre de besoins importants en logements, équipements, loisirs et espaces verts. La réflexion programmatique portera donc sur un ensemble mixte mettant en synergie une nouvelle interface d’activités. La quasi-totalité des espaces résiduels seront requalifiés et la fonction de Jemaa ne se limitera plus au logement.

68


Schéma de restructuration

Densification

Equipement/Loisirs

Commerce

Hôtel

Rénovation des logements

Plateaux bureaux

Corridor vert

Parking

Derechef, l'arrondissement de Yacoub Al Mansour connait une série de mutations. L'évolution est mise en marche et l’ampleur des dimensions à renouveler est conséquente. Compte tenu de la difficulté d’accéder à une maitrise complète de tous les enjeux sur le long terme, des interventions de type projets « catalyseurs » sur le moyen terme sont envisageables. Jemaa serait à juste titre l'un de ces projets. Sa restructuration est susceptible de redynamiser le quartier en faveur de nouvelles perspectives de développement économique, d’amélioration du cadre de vie et de durabilité. La nature de l’intervention qui s’exercera est conjoncturelle. Elle s'opère par une série de phases d'injections dont chacune stimule l'activité de celle qui suit. Une simulation de la croissance urbaine a déjà été évoquée par le passage du tramway et son éventuel impact sur le remembrement des franges. En outre, des démarches sont actuellement engagées par les autorités pour faire passer l'ensemble en mono propriété. Dans la continuité de ces sollicitations, la restructuration voudrait mobiliser les propres ressources bâties et foncières de Jemaa dans un processus incrémental. Il y aura lieu de démolir certains logements et équipements, de densifier et de réorganiser les espaces d’activité économique et commerciale. La question du devenir des espaces résiduels qu'énonce ce mémoire n’a pas comme objectif une réponse dans l’immédiat, mais voudrait à la mesure du possible ouvrir le champ d’une expérimentation spéculative du renouvellement.

69


Phase I: Désenclavement

Existant.

Démolitions.

Création d’un mail central, prolongement du corridor vert.

La redynamisation a comme amorce le passage du corridor vert. Ce dernier permet de créer un mail central et de séparer l'îlot en deux entités à vocations différentes. Compte tenu des flux qui vont certainement augmenter, notamment grâce au passage du tramway, une meilleure gestion des circulations devient nécessaire. A cet effet, des démolitions ciblées sont prévues pour accroitre la porosité et mettre fin à l'enclavement.

70


Phase II: Emergence de l’activité

Injection de l’activité commerciale.

Rénovation et densification des immeubles.

Implantation des équipements.

Afin d’amplifier l’attractivité du mail, une activité commerciale préliminaire est injectée. Cafés, petits commerces et boutiques de gamme élevée, cette mixité offre une nouvelle qualité urbaine et impacte ainsi la valeur immobilière. Comme résultat, une gentrification est anticipée et les immeubles sont rénovés. En second lieu, des équipements de loisirs sont introduits. Ils permettent à la fois d’assurer le maintien de l’activité et de répondre aux critères programmatiques. 71


Phase III: Croissance et expansion

Injection d'un hôtel.

Emergence du centre d’affaire.

Implantation d’un parc de stationnement.

A ce stade, le site pourrait amener des investissements de productivité supplémentaires. Une reconversion de la seconde partie de l’îlot en faveur d’un nouveau centre d’affaire est alors entamée. Elle comprend un hôtel de grande capacité, des plateaux bureaux et une nouvelle infrastructure de stationnement. Cette injection permet aussi d'offrir des bassins d’emploi et d'activer d’avantage la croissance. 72


Gestion des accès et des espaces partagés

Mail central Pavillon-plaza Parvis CBD

Plan des espaces ouverts traversants l’îlot.

L’étude menée précédemment sur le résidu a démontré que tout espace non qualifié est résiduel. Initialement, les masses de Jemaa avaient été implantées selon des dispositions libres, sans intentions d’aménagements. Afin de pallier à cette situation, il y aura lieu d’affecter de nouvelles fonctions à chaque espace vacant. Le schéma ci-dessus montre qu'une enfilade de trois places publiques participe à l’organisation de l'îlot. Le mail central est connecté à deux appendices secondaires. Une pavillon-plaza réservée aux immeubles de logements et un parvis entièrement minéralisé autour duquel s'articule le centre d’affaire.

73


Schéma de la nouvelle circulation piétonne.

L’emprise de l’îlot est de plus de trois hectares. A cette échelle, il est difficile de prévoir un ensemble uniforme. Un réseau de circulation fédérateur des différentes entités programmatiques est donc proposé. Ce dernier est orienté à la fois vers le mail et en diagonale vers les immeubles. D'autre part, le renouvellement anticipé implique une gestion efficace des flux. En plus des passages sous sabbats, des accès intérieurs depuis les rez-de-chaussée commerciaux vers les plazas sont prévus. Ils permettent de prolonger l’activité du mail et transformer ainsi la totalité des espaces ouverts en une plateforme commune d’activité.

74


1.Etat initial.

2.Création d'un atrium.

3.Addition de nouvelles typologies.

4.Extensions par balcons.

Schéma de l'intervention sur les immeubles de logement.

A l’échelle du piéton, l’ensemble à l'allure d’un enclos infranchissable. Les immeubles orientés occupent toute la largeur du champ de vision. Cette disposition offre très peu de percées depuis la rue et participe d’avantage à l’effet d’obstruction. Comme solution au manque de transparence, des volumes seront retranchés pour abriter des atriums de jardins potagers. Pour ce qui est du logement, l'addition de nouvelles typologies de moyen standing permet de diversifier l’offre et d'animer la monotonie de l’épannelage existant. Des balcons sont aussi greffés à l'aide des nouveaux moyens techniques de préfabrication, pour élargir l’espace imparti aux pièces habitables.

75


06 PROPOSITION PROJET


Esprit du projet

Vue en plongée du nouveau centre Jemaa.

Ce projet est une opportunité de transformer radicalement l’expérience au sein de Jemaa. Confronté à un patrimoine du Modernisme, le parti pris offre une nouvelle expression architecturale respectueuse de la mémoire. Les masses, comme derniers vestiges de l’ensemble, sont préservées puis remodelées au gré d’un programme consciencieusement sélectionné. Le projet puise sa force dans ses espaces autrefois résiduels. Ces derniers sont réanimés pour constituer le contenant d’une myriade d’activités. Le nouveau centre urbain devient un lieu de vie, d’ouverture, de partage ainsi qu'un incubateur de croissance et de prospérité.

77


Image de l’existant à l'allure d’un enclos infranchissable depuis l’avenue Assalam.

Simulation post-renouvellement d'un aspect poreux.

78


Image de l’existant se caractérisant par un surplus d’espaces résiduels.

Image du nouveau mail central drainant les flux.

79


Image de l’existant se caractérisant par un manque de transparence et d’activité.

Image de la nouvelle pavillon-plaza après intervention.

80


Plan masse

2

1

3 4

5

6 10 9

7 8

14

12 11

13

15

9

Salle de concert

1

Plateaux bureaux

5

HĂ´tel

2

Parvis CBD

6

Mail central

10 Galerie d'art

13 Pavillon polyvalent

3

Parking

7

Jardins potagers

14 Commerce

4

Centre culturel

8

Pavillon plaza

11 Logement moyen standing

81

12 Espace vallonnĂŠ

15 Salle de sport


Coupes

Coupe transversale sur la pavillon-plaza.

82


Coupe longitudinale sur l'ĂŽlot .

83


07 RÉFLEXIONS


Actuellement, de nouveaux quartiers, voir de nouvelles villes sont instantanément érigées au Maroc. Une politique de « villes nouvelles » a été lancée depuis 2004. A cette issue, quatre agglomérations ont déjà vu le jour. Ces productions ex nihilo peinent à répondre aux critères d'une ville et leur vocation se limite bien souvent au logement. Il existe d’autres formes de croissance urbaine, et le renouvellement est une piste qui n’a pas été suffisamment expérimentée dans le pays. Le territoire compte une multitude d'anciens quartiers ou friches industrielles, qui de par leur ancrage historique, culturel et économique; présentent de fortes potentialités encore inexploitée. A l'exemple de ce qui a été mené pour Jemaa, une mobilisation des propres ressources du site permettrait de faire évoluer ces tissus obsolètes sur eux-mêmes. Ce mémoire est une critique radicale de la tabula rasa. Il pose la question de ce qui reste d’une architecture après sa désuétude et de la possibilité de lui redonner du sens. Jemaa, patrimoine du Modernisme, prend part à cette expérimentation et la vision qui lui est proposée n’est point celle d’un prototype immuable, mais d'un organisme qui évolue durablement au dessein de sa ville.

85


RELEVES


A.R+5

Les relevés de l'existant, réalisés par mes soins, sont inclus à toute fin utile pour d’éventuelles rénovations.

Rdc

Courant

1:200

87


B.R+4

Rdc

1:200

88


B.R+4

Courant

1:200

89


C.R+4

Rdc

Courant

1:200

90


D.R+3

Rdc

Courant

1:200

91


BIBLIOGRAPHIES


Ouvrages

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LE CORBUSIER, Précisions sur un état présent de l'architecture et de l'urbanisme, 1930.

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Articles internet

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PLAN VOISIN, PARIS, FRANCE, 1925 <http://www.fondationlecorbusier.fr/corbuweb/morpheus.as px?sysId=13&IrisObjectId=6159&sysLanguage=en-en&itemPos=2&itemCount=2&sysParentNam e=Home&sysParentId=65>

HEIM, PLATTE, TRABANTENSTADT. Neue Sichten auf Ernst May <http://www.kunst.uni-frankfurt. de/de/aktuelles/veranstaltungen/53/>

URBANISME, NEMOURS, ALGÉRIE, 1933 <http://fondationlecorbusier.fr/corbuweb/morpheus. aspx?sysId=13&IrisObjectId=6327&sysLanguage=fr-fr&itemPos=184&itemSort=fr-fr_sort_ string1%20&itemCount=216&sysParentName=&sysParentId=65>

L’URBANISME D’ALGER ET LES PÉRÉGRINATIONS INTELLECTUELLES DE LE CORBUSIER <http://www.contretemps.eu/interventions/urbanisme-alger-p%C3%A9r%C3%A9grinationsintellectuelles-corbusier>

POLITIQUE DE LA VILLE : QUARANTE ANS D'ÉCHECS <http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/ article/2015/02/05/politique-de-la-ville-quarante-ans-d-echecs_4569855_4355770.html>

RÉHABILITER LES GRANDS ENSEMBLES <http://www.ateliergrandparis.fr/construire/ RequalifierGrandsEnsembles.pdf>

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MAROC : UN HABITAT "OCCIDENTALISÉ" SUBVERTI PAR LA "TRADITION" <https://halshs. archives-ouvertes.fr/halshs-00795854>

LE MOUVEMENT MODERNE EN ARCHITECTURE <http://lnt.ma/le-mouvement-moderne-enarchitecture/>

LES FIGURES RELAIS D’ÉCOCHARD ET L’ATBAT-AFRIQUE DANS LA CRÉATION DU GAMMA <https://emam.revues.org/77>

LE MOUVEMENT MODERNE DANS LES ANNÉES 1950 : OUVERTURE ET DÉPLACEMENT VERS LE SUD ? <https://emam.revues.org/127>

GEORGES CANDILIS (1913-1995) <http://www.team10online.org/team10/candilis/>

FONDS CANDILIS, GEORGES (1913-1995). <http://archiwebture.citechaillot.fr/pdf/FRAPN02_ CANGE_objet-13520.pdf>

IMMEUBLES SIDI-OTHMANE <http://mutualheritage-casablanca.univ-tours.fr/items/show/101>

RABAT : LES GRANDS CHANTIERS DE 2016 <http://www.leconomiste.com/flash-infos/rabat-lesgrands-chantiers-de-2016>

RABAT AMÉNAGEMENT DRESSE LE BILAN DE SA PREMIÈRE ANNÉE <http://www. leconomiste.com/article/983022-rabat-amenagement-dresse-le-bilan-de-sa-premiere-annee>

94


Table des illustrations

[1] "Précisions sur un état présent de l'architecture et de l'urbanisme", 1930.

[2] <http://fundamentalisms.org/portfolio_page/nid-dabeille-semiramis-casablanca/>

[3] <http://www.fondationlecorbusier.fr/corbuweb/morpheus.aspx?sysId=13&IrisObjectId=6159&s

[4] <http://oa.upm.es/35544/1/TESIS_MASTER_SEBASTIAN_NARANJO_TFM_1314.pdf>

[5] <http://ernst-may-gesellschaft.de/das-neue-frankfurt/wohnsiedlungen/siedlung-westhausen.

ysLanguage=en-en&itemPos=2&itemCount=2&sysParentName=Home&sysParentId=65>

html>

[6] "Histoire de l'architecture moderne" Leonardo Benevolo, 1998.

[7] <http://www.arquitectoscostarica.com/2013/02/pruitt-igoe-el-dia-que-la-arquitectura-modernamurio/>

[8] <https://scontent-ams3-1.xx.fbcdn.net/t31.08/1511971_805932996137795_4250459276676297181_o.jpg>

[9] <http://isthaturban.wikispaces.com/02_Marina+de+Blas_ATBAT-%C3%81FRICA.+NIDO+DE+ ABEJA,+CASABLANCA+(1948)>

[10] <https://www.pinterest.com/pin/543106036284793331/>

[11] <http://cityscapes.ma/vb/showthread.php/96330-Projet-Wessal-Bouregreg-9-MMDH-110-

[12] <http://www.awmountassir.com/projetdetail.php?sendingverif=33>

[13] <http://www.huffpostmaghreb.com/2016/07/07/roi-inaugure-autoroute-contournement-rabat-

[14] <http://www.the-report.com/reports/morocco/the-new-morocco/how-morocco-has-forged-

[15] <ATELIER PARISIEN D’URBANISME, Plan d'Aménagement Unifié de la Ville de Rabat,

[16] <https://www.youtube.com/watch?v=zUgB5sNl9T4>

[17] <http://www.awmountassir.com/projetdetail.php?sendingverif=59>

[18] <Remis par Symbiose architecture>

[19] <http://www.rotterdam.nl/stadsontwikkeling/document/iabr/making_city_eng_web.pdf>

[20] <http://www.domus.dk/project/all>

[21] <https://www.ateliergrandparis.fr/construire/RequalifierGrandsEnsembles.pdf>

[22] <http://www.edouardfrancois.com/projets/hauteur/details/article/58/les-jardins-danfa/#.

ha>

pont-haubans_n_10863212.html> new-business-frontiers/>

Analyses thématiques et spatiales, Avril 2009.>

WMJ49W_JxhE>

95


TPFE 2017 Ecole nationale d'architecture


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