Soleils en Catalogne Barbarà, Dalí, Miró, Picasso, Tàpies

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Catalogue réalisé dans le cadre de l’exposition Soleils en Catalogne Barbarà, Dalí, Miró, Picasso, Tàpies du 30 juin au 29 octobre 2017 au musée Goya - musée d’art hispanique, Castres Catalogue Sous la direction de Jean-Louis Augé, conservateur en chef des musées de Castres Conception graphique : service communication, Ville de Castres Auteurs Jean-Louis Augé, conservateur en chef des musées de Castres Valérie Aébi-Sarrazy, attachée de conservation au musée Goya Cécile Berthoumieu, attachée de conservation au musée Goya Elisée Trenc, historien d’art, professeur émérite Université de Reims Organisation de l’exposition Commissariat de l’exposition Jean-Louis Augé, Valérie Aébi-Sarrazy et Cécile Berthoumieu L’équipe du musée Goya et celle du service communication de la Ville de Castres.

Couverture : Coings jaunes, 1996, eau-forte et mezzotinte

Soleils en Catalogne Barbarà, Dalí, Miró, Picasso, Tàpies

Crédits photos : © Clichés Marcelo Soulé : p. 6, 12, 13, 14, 21, 25, 26, 27, 35 © Clichés Ville de Castres, musée Goya - Béatrice Nicaise : p. 14, 15, 16, 18, 21, 28, 29, 32, 36, 40, 41, 43, 44, 48, 49, 52, 53, 59 © Clichés Ville de Castres, musée Goya - Pascal Bru : p. 22, 31, 45 Mentions de copyrights : © Tristan Barbarà : p. 7, 12 à 37, 59 © Salvador Dalí, Fundació Gala-Salvador Dali / ADAGP, Paris, 2017 : p. 40, 41 © Successió Miró / ADAGP, Paris, 2017 : p. 43, 44, 45 © Comissió Tàpies / ADAGP, Paris, 2017 : p. 52, 53 © Succession Picasso, 2017 : p. 37, 48, 49

musée Goya - musée d’art hispanique - Castres Imprimeur : Couleurs d’Autan Édition : Ville de Castres ISBN : 978-2-901643-77-7 Dépôt légal : juin 2017


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n 2003, la Ville de Castres et le musée Goya avaient présenté une grande exposition Sous le signe de Miró qui eut un succès considérable en raison de la pertinence de la sélection des œuvres présentées ainsi que de leur rareté. Bon nombre de ces dernières furent prêtées par l’atelier Barbarà de Barcelone en une collaboration fructueuse qui ne s’est jamais démentie.

Or Joan Barbarà n’était pas seulement un artisan hors-pair mais aussi un très grand graveur, doté d’une œuvre personnelle des plus originales, résolument figurative quoique empreinte parfois d’abstraction comme la fameuse série Negre sobre negre. Sa reconnaissance en tant qu’artiste majeur catalan ne s’est faite que progressivement à partir des années 1990. Il était donc indispensable que la Ville de Castres s’inscrive dans cette juste démarche afin de rendre hommage à Joan Barbarà, artiste parmi les plus grands, soleil de Catalogne.

De la sorte, l’acquisition progressive des planches de la série Gaudí de Miró fut rendue possible avec le concours précieux de Tristan Barbarà, fils de Joan Barbarà et éditeur d’art. Joan Barbarà a côtoyé et travaillé avec les plus grands artistes du XXe siècle : Picasso, Dalí, Miró, Tàpies et bien d’autres, tant ses compétences techniques le plaçaient au tout premier plan de l’édition dans le domaine de la gravure.

Cet hommage lui est d’autant mieux rendu qu’il s’accompagne de l’enrichissement des collections du musée par l’acquisition de l’ouvrage Llull-Tàpies, pièce unique et merveilleuse que Joan Barbarà a tiré dans son atelier de Barcelone en 1985, prouvant ainsi que la frontière entre l’artisan et l’artiste n’a pas lieu d’être.

Brigitte Laquais Premier-adjoint, délégué à la Culture

Barbarà et Miró en 1978

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Autoretrat Autoportrait, 1982

Soleils en Catalogne : Joan Barbarà, l’astre parmi les astres

a Catalogne n’est autre qu’une constellation où brillent les artistes tels de splendides soleils à jamais présents dans nos mémoires. Dalí, Miró, Tàpies et beaucoup d’autres y tiennent leur place à côté de ceux comme Picasso le malaguène qui s’y est inclus et formé pour ensuite entamer ses voyages et séjours en France. Tous ont bénéficié, au moment de la dictature franquiste, de soutiens amicaux ainsi que financiers de la part de notre pays, en particulier Tàpies et Joan Barbarà. Ce dernier, né en 1927, moins connu du grand public, est venu à Paris en 1956, grâce à une bourse de l’Institut Français de Barcelone. Outre la peinture, il s’était formé au préalable à la gravure en compagnie d’Édouard Chimot qui illustrait des livres de bibliophilie. De même, il avait travaillé dans l’atelier d’héliogravure de Francesc Mélich. Paris abritait alors de grands ateliers de gravure tels Mourlot, Leblanc, Lacourière et Frélaud où il put tirer les épreuves de grands artistes comme Dalí et nouer des relations fructueuses ainsi que des amitiés dont le graveur Lluís Bracons, Clavé, Mathieu, Cocteau, Masson et bien entendu Picasso. De retour au pays, il ne tarda guère à fonder, en 1975, son nouvel atelier au sous-sol de sa demeure situé rue Républica Argentina. Il y œuvra notamment en 1975 pour Aimé Maeght, Joan Miró et Antoni Tàpies ainsi que pour ses propres éditions dans le domaine de la bibliophilie. Francesc Fontbona parle à ce sujet de « cuisine » où furent élaborées les gravures les plus prestigieuses de l’avant-garde catalane de cet après-guerre (*). On peut certainement se figurer une sorte de laboratoire où s’opérait l’alchimie nécessaire à cette extraordinaire production, vivifiée par l’amitié qui unissait Barbarà et Miró ou encore Tàpies. Quelque chose d’inhabituel puisque se côtoyaient ainsi des artistes épris de non figuration et Barbarà, qui n’avait jamais mis de côté ses références classiques que ce soit Dürer, Rembrandt ou Goya, chose que l’on retrouve en particulier dans ses natures mortes ou ses somptueux paysages.

Barbarà, malgré le fait d’avoir œuvré pour les plus grands dont Matisse, Villon, Saura, Cuixart, Chillida, Beuys, Brossa ou Barceló, a su fixer son propre style d’une grande virtuosité et poésie, maniant les techniques les plus complexes ainsi que le collage. À partir de 1987 il commence, accompagné de ses deux fils Virgili et Tristan, à produire des planches de très grand format (200 cm x 100 cm ; 200 cm x 300 cm), dont les effets, issus de l’acide et du carborundum demeurent impressionnants, à la limite de ce que permet la matrice de cuivre. Il nous fut possible de le rencontrer à plusieurs reprises, tout comme Tàpies en 2003 lors de l’exposition Sous le signe de Miró, au musée Goya puis à quelques semaines de sa disparition, en 2013, chez lui à Barcelone dans l’idée d’organiser une manifestation lui rendant hommage. Outre sa noble figure toujours empreinte de dignité, on demeurait marqué par sa finesse, sa profonde culture (un buste de l’Apollon du Belvédère trônait dans sa bibliothèque), sa passion pour la musique et en premier l’œuvre de Richard Wagner. Patiemment il nous montra ses dessins, d’une facture très classique, où l’on constatait son attention pour la Nature, dont les arbres qu’il observait et dessinait comme on fait le portrait d’un être humain qui vous est cher. Car Joan Barbarà avait cette particulière acuité pour le monde, véritable famille d’esprits parmi lesquels Homère et Spinoza. La grande exposition qui lui fut consacrée à l’abbaye de Montserrat a été l’aboutissement d’un parcours de reconnaissance qui avait déjà été acté au MOMA de New-York au moment de l’exposition Tàpies in print en 1990. Le musée Goya se devait d’y participer, non seulement en hommage à l’homme, au graveur d’exception, mais aussi envers l’action exemplaire, au risque de passer au second plan, de l’artisan au sens le plus noble du terme ; celui qui accompagne l’artiste vers l’accomplissement de son œuvre et s’associe ainsi à sa magnitude. Il en est ainsi des soleils accomplis. Jean-Louis Augé conservateur en chef des musées de Castres

(*) cf. : Francesc Fontbona : « Joan Barbarà, Artista y Artisano » in : 50 años del taller de grabado, Joan Barbarà, cat. expo. 2002-2005, p.32.

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Joan Barbarà, estampeur des grands artistes catalans du XXe siècle et graveur original Joan Barbarà et Joan Miró

D Pr Jacint Reventós, Joan Barbarà, Salvador Dalí, Natabosh

Joan Barbarà et Antoni Tàpies

de diffusion et de divulgation de la gravure. En 1957, Joan Barbarà obtint une bourse d’études du « Cercle Maillol » de l’Institut Français de Barcelone, qui lui permit de compléter sa formation de graveur à Paris. Il y connut le xylographe Lluis Bracons, très actif dans le monde de la bibliophilie parisienne, qui lui ouvrit les portes des grands ateliers de gravure parisiens, Leblanc, Lacourière et Frélaut, Mourlot, etc. Il eut l’occasion d’estamper des œuvres de grands artistes vivants, André Masson, Henri Matisse, Salvador Dalí, Joan Miró et Pablo Picasso, entre autres. En 1958, toujours à Paris, il créa avec Lluís Bracons et sa compagne Suzanne Duplessis, un « Atelier de Recherches Plastiques et Techniques Chalcographique » qui fut fréquenté par Cocteau, Mathieu, Clavé, Dalí, etc. Ceci ne l’empêchait pas de rester en contact avec le monde éditorial barcelonais et vers la fin des années 1950, répondant à une commande de l’éditeur Gustau Gili pour les « Ediciones La Cometa », il estampa la célèbre Tauromachie de Picasso chez Lacourière. Dans ce même contexte commença son amitié et sa collaboration avec Joan Miró, dont il tira la série À toute épreuve. Barbarà, bien que parfaitement intégré dans le monde parisien de l’estampe, décida néanmoins de revenir dans sa ville natale, Barcelone. En 1966, il accepta la proposition de Gustau Gili de diriger l’atelier de « Las estampas de La Cometa », destiné à la production de livres ou albums de bibliophilie avec des gravures originales. Barbarà, par son excellente formation à Paris, était donc à même de diriger un atelier de gravure qui allait vite être remarqué par l’excellence de ses productions. Une des premières éditions qui sortit de cet atelier fut L’Enterrement du Comte d’Orgaz, avec douze eaux-fortes et pointes sèches de Picasso, un

ans une plaquette de l’exposition Mediterrani Joan Barbarà, (musée de Montserrat, 20132014), Tristan Barbarà, commissaire de l’exposition, annonçait déjà son intention de présenter l’œuvre de son père au musée Goya de Castres, ce qui se réalise donc cet été 2017. En accord avec le Conservateur du musée, Jean-Louis Augé, l’accent a été mis d’une part sur la collaboration entre Joan Barbarà et les grands artistes catalans du XXe siècle, Dalí, Miró, Picasso et Tàpies, pour l’impression de leur œuvre gravée, donc sur l’atelier de gravure Barbarà. D’autre part, à travers les gravures originales de l’artiste, les peintres cités sont les soleils, les astres, de l’art catalan du XXe siècle, intimement liés à la Méditerranée. L’atelier de gravure de Joan Barbarà Né en 1927, Joan Barbarà commença à peindre très jeune, dès 1943, mais très vite il délaissa la peinture, faute de temps, pour la gravure. Son Autoportrait (1982) présent dans l’exposition, témoigne de son activité picturale, jamais totalement abandonnée, surtout dans le domaine du dessin. Dans la Barcelone des années 1950, il travailla dans l’atelier d’héliogravure du photographe Francesc Mélich où il connut le graveur français Édouard Chimot, illustrateur d’éditions de livre de bibliophilie qui étaient à la mode dans l’Espagne franquiste. Chimot aida Barbarà à se perfectionner dans les techniques de la chalcographie. En 1953, ce dernier obtint un prix de gravure à l’Exposition Municipale des Beaux-Arts de Barcelone, ce qui décida l’historien Agustí Duran i Sampere, directeur du musée des Arts et Industries Populaires de Montjuic, à lui offrir un atelier ouvert au public, où il put réaliser une activité 9


poème d’Alberti qui accompagnait un texte érotique de l’artiste. Pour l’album Miró-Papasseit, toujours dans le cadre des « Ediciones La Cometa », Joan Barbarà proposa une série de cinq eaux-fortes et des collages avec des xylographies du livre À toute épreuve. Parmi les nombreuses éditions de l’atelier de gravure de « La Cometa », Joan Barbarà estampa et tira les gravures de Saura (Las Novisaurias), de Chillida (Inguru et Aldikatu), de Cuixart (Rostres d’Arkaïm), d’Erwin Bechtold, d’August Puig, etc. En 1975, il décida de fonder son atelier de gravure afin de produire à la fois ses propres travaux et ceux de quelques grands artistes, particulièrement Tàpies et Miró pour les éditions d’Aimé Maeght. En tant qu’artisan, imprimeur taille-doucier, mais aussi artiste graveur, Joan Barbarà mettait son propre instinct artistique au service du résultat final de la gravure conçue par l’artiste avec lequel il collaborait. La série Gaudí, qui fait partie de la collection du musée Goya, témoigne de ce travail commun fructueux. Une autre grande série, financée par Aimé Maeght fut celle des 50 eaux-fortes de Tàpies, de différents formats où Barbarà utilisa avec une grande virtuosité l’eau-forte, l’aquatinte, la gravure au sucre, le carborundum comme techniques chalcographiques et les glacis, la poupée et le collage comme techniques d’impression. De 1985 date l’importante série de 25 gravures de la série Llull-Tàpies, présente dans l’exposition. Un élément distinctif des gravures tirées dans l’atelier Barbarà fut l’emploi de grands formats inédits jusqu’alors (100 cm x 200 cm) qui allaient à l’encontre de la vision traditionnelle de la gravure comme une œuvre généralement de petit format. La renommée de cet atelier barcelonais grandit au fil des ans et outre les grand artistes catalans et espagnols cités, d’autres peintres graveurs firent imprimer leurs œuvres dans l’atelier de Barbarà, citons : Joseph Beuys, Vasarely, Richard Hamilton, etc.

Joan Barbarà, graveur Très jeune, dès son passage dans l’atelier de Francesc Mélich dans les années 1950, Barbarà commença à pratiquer l’eau-forte. Il réalisa vingt-trois eaux-fortes pour illustrer le livre de Joan Triadú, El Collsacabra, récit du voyage initiatique de l’écrivain dans cette mythique cordillère pyrénéenne. L’ouvrage fut réédité en fac-similé en 2000, et l’on se rendit compte alors d’une des qualités de la conception du livre d’art chez Joan Barbarà, l’autonomie de l’image graphique par rapport au texte formant malgré tout une unité. En 1955, Barbarà collabora à la collection Douze paysages urbains de Barcelone, avec une très belle eau-forte de la place du Docteur Letamendi. De retour à Barcelone, après le séjour parisien qui fit de lui un maître technicien de tous les procédés de la chalcographie, Joan Barbarà continua son œuvre personnelle de gravure avec neuf eaux-fortes pour l’illustration de la traduction que Carles Riba fit de l’ouvrage de Rainer Maria Rilke, La Chanson de l’amour et de la mort du cornette Christophe Rilke (1965). En 1986, l’album La Masia, composé de onze eauxfortes ayant pour sujet les fermes catalanes traditionnelles, fut encensé pour sa simplification stylistique et la poésie des compositions. Ensuite l’œuvre gravée de Barbarà devient plus expérimentale, plus abstraite, en particulier avec la série des natures mortes des années 1990, Courge, Poires, Raisins, Nèfles et les eaux-fortes et mezzotintes en couleurs de l’année 2000 comme les Coings, présents dans l’exposition. Les textures, le relief, les couleurs évoquent la vie sensorielle et plastique des motifs végétaux et des fruits du climat méditerranéen, la richesse et la beauté d’une nature idyllique. La Méditerranée se retrouve au cœur des gravures que Barbarà réalisa, en 1992, pour l’édition du livre de bibliophilie : Empúries, inici d’un retorn, avec un texte du professeur de grec moderne Eudald Solà, où la

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littérature s’unit à l’art pour nous narrer un long voyage à travers la Méditerranée depuis le port d’Empúries jusqu’au littoral grec. Les gravures furent présentées à la galerie Tristan Barbarà de Barcelone, éditeur du livre qui avait commencé dès 1987 à se spécialiser dans le domaine des livres d’artistes. Avec les grandes planches de la Côte de L’Empordà, de Capri, des Falaises de Corfou, de Sunion, de Vers Corinthe, Joan Barbarà affirme, à notre avis, la singularité, l’originalité de son art. Et après un nouveau voyage méditerranéen en 1998, Barbarà arrive à la maîtrise de son art dans les planches réalisées en 2004, de très grand format, des grands sites grecs, Tholos (63 x 204 cm) L’Acropole (105 x 205 cm) ou de vastes vues panoramiques Itea depuis Delphes (63 x 153 cm). La culture et la nature s’unissent dans son œuvre dans une sorte de panthéisme, d’élan vital où la mer et la terre, le noir et le blanc, nuancés par une délicate gamme de gris, s’accordent et se déchirent dans une dialectique vitaliste. Revenons à 1995 car il me semble indispensable de mentionner des œuvres importantes de Joan Barbarà comme Le Grand théâtre du Liceu (100 x 176 cm) de 1995, que l’artiste put visiter après l’incendie, une eau-forte et aquatinte qui décrit l’intérieur de l’opéra dévasté. Une série très intéressante et novatrice du point de vue technique est Negre sobre negre, composée de dix-sept gravures réalisées à partir d’une seule planche gravée sur les deux faces. Cette série de 1995, de grand format (98 x 70 cm), exposée à la Galerie de Tristan Barbarà, se présente comme différents états d’une même gravure avec des variétés notables dues à des tirages en négatif et positif et des collages de papier avec une admirable richesse de nuances du gris entre le noir et le blanc. Cet intérêt pour les techniques mixtes et pour rapprocher la gravure de la peinture apparaît dans la dernière grande série réalisée par Joan Barbarà en 2008,

Llums del Garraf, où les cinq eaux-fortes sont rehaussées de gouache et de spray, et deviennent ainsi des pièces uniques, très picturales par leur chromatisme. Citons comme curiosité et tour de force technique le retour à l’utilisation traditionnelle de la gravure comme reproduction de la peinture que Joan Barbarà entreprit entre 2000 et 2010 dans sa grande planche du Guernica de Picasso (100 x 200 cm), mélange d’aquatinte et de collages. Pour finir, mentionnons les livres d’artistes et de bibliophilies de Joan Barbarà, son premier ouvrage, déjà mentionné, El Collsacabra (1955), réédité en 2000, puis Eivissa : esguard sobre les Pitiüses avec vingt-trois eaux-fortes commencées en 1946 et terminées en 2006, livre édité par Tristan Barbarà en 2008. Nous avons déjà étudié le chef d’œuvre Empúries, inici d’un retorn (1992). En dehors de la Méditerranée, une ville marqua l’itinéraire artistique de Joan Barbarà, Paris, lieu d’apprentissage et d’initiation pour lui de toutes les techniques de la gravure. Il n’est donc pas étonnant de retrouver ce parcours vital entre Paris et la Catalogne dans De Paris à Olot (2005) illustré de treize gravures de Barbarà. Joan Barbarà est plus connu comme maître-doucier et imprimeur d’estampes que comme graveur original. Nous ne pouvons que saluer l’initiative du musée Goya de Castres et de son Conservateur Jean-Louis Augé, de lui consacrer cette année 2017, l’exposition d’été en espérant que cela pourra contribuer à mettre ce grand artiste catalan à la place qu’il mérite, c’est-à-dire au premier rang des artistes plasticiens du XXe siècle. Elisée Trenc, historien d’art, professeur émérite Université de Reims

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Joan Barbarà (Barcelone, 1927 – id., 2013)

Banyador - Troncs, 1974

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Lineal - Linéaire, 1991

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Joan Barbarà

Raïms oval - Raisins ovales, 1991

Natura morta, homenatge a Miró - Nature morte, hommage à Miró, 1991

Carbassa - Courge, 1991

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Textura en blau - Texture bleue, 1991

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Joan BarbarĂ

Gran collage - Grand collage, 1991

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Joan BarbarĂ

Codonysem groc Coings jaunes, 1996

Codonys - Coings, 2000

Ivespres - Nèfles, 1995

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Joan Barbarà

El Gran teatre del Liceu - Le Grand théâtre du Liceu, 1995

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El Gran teatre del Liceu - Le Grand théâtre du Liceu, 1995 (détails)

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Joan Barbarà

Série Noir sur noir, 1995

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et des marches, celui dans lequel nous évoluons à peu près. Cet univers n’est éclairé que par la blancheur du papier réservée au sein du travail de l’artiste. Lumière blanche où ce dernier n’est point intervenu, divine lumière sans laquelle toute perception s’abolit dans le noir total. Barbarà, admirateur de Spinoza, ne pouvait mieux livrer sa pensée de la sorte, en fragmentant le monde en plans successifs, comme autant de microcosmes qui reflètent un tout inaccessible à notre compréhension. Métaphore virtuose s’il en est, d’une modernité profonde et que l’on aborde à la façon d’une méditation sur l’existence, notre univers sensible et l’entendement que l’on peut en avoir par le biais de moyens autres que nos sens trompeurs. Il n’est pas difficile de remarquer la progression de l’artiste dans ces planches, depuis la composition douée de perspective classique jusqu’à l’empilement des formes, leur superposition en apparence anarchique par-dessus « l’arc triomphal ». Joan Barbarà laisse ainsi le spectateur en son imaginaire propre, hors de repères évidents ou rassurants. L’arc devient ainsi celui du songe lui-même, comme l’énonce Calderón de la Barca dans La Vie est un songe. Sans oublier enfin que l’arc qui se referme devient une droite infinie.

a série Negre sobre negre s’avère l’aboutissement d’une longue réflexion de la part de Joan Barbarà à partir de ses références profondes comme Rembrandt ou Piranèse. De même, l’exposition à la galerie Maeght de Barcelone (Le Noir est une couleur) en 1996, l’incendie du théâtre du Liceu deux ans auparavant, le souvenir d’architectures antiques ou modernes (l’aqueduc de Mérida, celui de Ségovie, Girona, Arcos de la Frontera…) que l’on retrouve sur le pourtour de la Méditerranée participent à cette démarche étonnante, à la limite de la non figuration. Barbarà juxtapose des formes rectilignes et courbes d’un noir profond ou bien dans de multiples gradations de gris, souvent obtenues par griffure du support. L’impression qui s’en dégage est celle d’un espace ainsi structuré, sorte de décor de théâtre ou d’une forêt d’arcs-boutants soutenant quelque improbable édifice dont on ne sait rien. L’ensemble se révèle admirablement construit avec rigueur mathématique et savante maîtrise de l’illusion d’optique. Outre la technique virtuose, il s’agit bien ici d’une pensée philosophique autant qu’artistique puisque l’arc principal représenté se situe toujours dans le dernier quart de la hauteur. Il soutient donc le monde inférieur, celui des degrés

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p. 25 à 27 : Negre sobre negre – Noir sur noir, 1995

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Joan BarbarĂ

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Joan BarbarĂ

Braca tres pins - Trois branches de pins, 2000

Natura - Nature, 2000

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Joan Barbarà

Les Paysages méditerranéens

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posée sur la mer. Ici encore, il faut entendre le long cheminement de l’artiste qui après un voyage en méditerranée en 1998 va produire en 2004 les cinq très grandes planches auxquelles on peut ajouter en prémice l’Acropolis (2003), réalisée à notre demande comme planche de l’année du musée Goya.

a série des Paysages méditerranéens constitue un ensemble unique à la fois par son thème et la prouesse technique qui en découle. Réaliser une estampe de deux mètres par un mètre nécessite à la fois une maîtrise complète des techniques de la gravure et une exécution parfaite du tirage à la limite de ce que peut produire une matrice de métal. On imagine de la sorte un atelier équipé de presses pouvant assumer de telles entreprises, le nombre des ratés d’impression, le temps passé pour la chose étant donné les multiples manipulations indispensables.

Joan Barbarà atteint ainsi le sommet de son art de même que l’évocation poétique des racines de la civilisation méditerranéenne. Maniant tour à tour le noir et le gris pour les lointains, il parvient à structurer ces magnifiques étendues où s’inscrivent en harmonie les constructions humaines. Quand bien même le noir et le blanc y sont omniprésents, c’est bien de la lumière de la Méditerranée dont il est question, lumière qui depuis des siècles a fasciné les artistes par ce qu’elle révèle des formes de la Nature. Barbarà suggère de la même façon l’idée d’un voyage à rebours depuis la terre natale de Catalogne vers le berceau de la Grèce, patrie de l’Esprit et des Dieux immortels. Ainsi, tel le seigneur d’Ithaque, il sait aller et revenir depuis les rivages lointains, pétri de ces images éternelles que son art subtil nous donne à voir, suscitant chez nous, à notre tour, l’envie du voyage vers nos pensées éprises de splendeur.

Les sites représentés sont autant de haltes sur le pourtour de la mer Méditerranée comme le ferait un moderne Ulysse en quête douloureuse de ses origines. Ce voyage entrepris débute par la côte de l’Emporda en Catalogne, passe par Capri, l’ancienne résidence de l’empereur Tibère, les falaises de Corfou qui sont la vision première que l’on a de la terre grecque en venant par mer depuis Brindisi, le cap Sounion où trône encore le temple dédié à Poséidon et enfin le pays vers Corinthe. Une cité emblématique de la Grèce car surmontée par la montagne de l’Acrocorinthe, forteresse et lieu du temple dédié à Aphrodite où, à la suite d’une ascension laborieuse, il est permis de découvrir l’ensemble du Péloponnèse qui ressemble à une main d’homme

J.-L. A. 30

Acropolis - Acropole, 2003

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Tholos - Tholos, 2004

Itea des Delfos - Itea depuis Delphes, 2004

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Joan Barbarà

Llums del Garraf - Lumières de Garraf, 2008

Cascada - La Cascade, 2004

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Joan BarbarĂ

Gernika - Guernica, 2000/2010

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Salvador Dalí (Figueres, 1904 – id., 1989)

L’Empereur Trajan, 1973 - La Chimère d’Horace, 1973

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Le portrait de l’empereur romain Trajan (53-117 ap. J.-C.) trouve ici toute sa signification, en effet Dalí considérait Francesc Pujols comme « l’Empereur Trajan de la philosophie ». Son règne incarne l’Âge d’or de l’Empire romain, tant en matière de conquête que de construction (colonne de Trajan à la gloire des conquêtes en Dacie) ou de suprématie culturelle (Tacite, Pline le Jeune, Juvénal et Plutarque). Né à Italica, cité d’Espagne méridionale, Trajan est le premier empereur issu d’une province romaine. Son nom est lié à l’histoire de l’Espagne et est inscrit dans la mémoire collective. Dalí y fera plusieurs fois référence. En 1972, il réalise une imposante sculpture en bronze de l’empereur à Cheval, pour la ville de Marbella. La même année il peint un Trajan à cheval. La gravure à la pointe sèche qui est présentée date de 1973. Nous y voyons un portrait en buste de l’empereur traité à la manière des monnaies antiques, de profil, portant la couronne de laurier, attribut propre aux empereurs, symbole de la Victoire. Cependant il ne s’agit pas d’un portrait fidèle mais plutôt d’une interprétation toute dalinienne qui s’éloigne des nombreuses représentations sculptées qui sont conservées dans les musées. Le trait est ici linéaire et simplifié, le profil statique mais déterminé se découpe sur un fond neutre et contraste avec le traitement tout en mouvement de la couronne de laurier et du vêtement. La présence de symboles « daliniens » (forme molle, haricot ?) posés délicatement sur sa tête rompt l’aspect sérieux de cette représentation en amenant une touche de burlesque et d’ironie propre à l’artiste.

a Catalogne a toujours tenu une place à part dans la vie de Dalí. Né à Figueres en 1904, il s’installe en 1930 à Portlligat, séduit par le paysage et la lumière de ce petit port de pêche. Il y restera jusqu’à la mort de son épouse Gala en 1982. Cet attachement presque viscéral à sa terre natale se retrouve dans son œuvre à travers ses paysages mais également lors de nombreuses références aux personnalités artistiques et intellectuelles qui y sont associées : Raymond Lulle (Majorque, 1232 - ?, 1315), Antoni Gaudí (Reus, 1852 - Barcelone, 1926), Eugenio d’Ors (Barcelone, 1881 Vilanova i la Geltrú, 1954), Carles Fages (Figueres, 1902 id., 1968)… Francesc Pujols (Barcelone, 1882 - Martorell, 1962) fait également partie de ces écrivains indissociables de la Catalogne. Auteur en 1918 du Concept général de la science catalane, il prône avec humour et ironie, la domination de la Catalogne sur le monde affirmant sa filiation avec Raymond Lulle. Dalí est particulièrement marqué par Pujols et admiratif de cette personnalité atypique avec qui il eut de nombreuses conversations. Preuve en est le monument en son hommage qu’il installe à l’entrée de son Théâtre-musée inauguré en 1974. La même année il publie Pujols par Dalí (Ed. Areil, Barcelone), comprenant ses textes ainsi que ceux de Joan Alavedra, Pal-Latorre et Jacint Reventós Conti. Les deux gravures présentées dans l’exposition viennent illustrer cet ouvrage(1).

La deuxième gravure intitulée, La Chimère d’Horace fait référence à L’Épître aux Pisons, du poète latin Horace (Vénose, 65 av. J.-C. – 8 av. J.-C.), plus connu sous le nom d’Art poétique. Ce texte perçu dès l’Antiquité comme un texte technique regroupe un ensemble de règles dont la finalité serait de produire la beauté dans une œuvre d’art, principalement dans les ouvrages littéraires et particulièrement en poésie. Horace y décrit en début d’ouvrage une chimère symbole de tout ce qu’il ne faut pas faire en poésie. La chimère horatienne incarne le poème dont l’harmonie narrative serait parasitée par des descriptions inopportunes s’intégrant mal au récit : « Supposez qu’un peintre ait l’idée d’ajuster à une tête d’homme un cou de cheval et de recouvrir ensuite de plumes multicolores le reste du corps, composé d’éléments hétérogènes ; si bien qu’un beau buste de femme se terminerait en une laide queue de poisson. À ce spectacle, pourriez-vous, mes amis, ne pas éclater de rire ? Croyez-moi, chers Pisons, un tel tableau donnera tout à fait l’image d’un livre dans lequel seraient représentées, semblables à des rêves de malade, des figures sans réalité, où les pieds ne s’accorderaient pas avec la tête, où il n’y aurait pas d’unité. -Mais, direz-vous, peintres et poètes ont toujours eu le droit de tout oser. -- Je le sais ; c’est un droit que nous réclamons pour nous et accordons aux autres. Il ne va pourtant pas jusqu’à permettre l’alliance de la douceur et de la brutalité, l’association des serpents et des oiseaux, des tigres et des moutons ».(2)

Ainsi en 1970/72, Dalí réalise une lithographie en couleur de la Chimère d’Horace mi-cygne, mi-cheval pour la série des Chevaux daliniens (pl. 13). De style différent, la gravure, datée de 1973, présentée dans cette exposition, s’avère plus fidèle à la description du poète. Elle est également plus surréaliste et peut être rapprochée stylistiquement de la série des gravures à la pointe sèche illustrant les Chants de Maldoror publiées en 1934(3). Un cheval aux pattes squelettiques, la présence de béquilles, une encolure surmontée d’une tête réaliste d’homme âgé, une femme (?) affublée d’une tête de poisson, des représentations phalliques… L’univers étrange et le répertoire symbolique de Dalí s’adaptent parfaitement à cette représentation utopique. La Chimère, figure imposante, occupe tout l’espace de la planche. Les lignes de fuites donnant la perspective butent sur les rochers du Cap de Creus reconnaissables au loin et si chers à Dalí. Voici donc la réponse de Dalí à Horace, oui les artistes ont le droit de tout oser, oui un peintre a bien eu cette idée et ce peintre fut un génie : il s’appelait Dalí. L’œuvre de Dalí fera régulièrement référence aux grands textes classiques et aux poètes, démontrant une culture profonde en marge du personnage loufoque qu’il s’était forgé. L’exposition d’été 2014 au musée Goya de Castres, Dalí et le livre d’art avait dévoilé cet aspect méconnu de l’artiste. C. B.

(1) Salvador Dalí. Catalogue raisonné of etchings and mixed-Media Prints, 1924-1980, edited by Ralf Michler and Lutz W. Löpsinger, Prestel, 1994, n°590-591, p. 212 (2) Horace, L’Art poétique ou Epîtres aux Pisons, trad. française Fr. Richard (Paris, Garnier, 1944). Première partie- pp.1-10 (3) Dalí et le livre d’art du 27 juin au 26 octobre 2014, musée Goya - musée d’art hispanique, Castres, pp.36-40

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Salvador Dalí

Emperador Trajano, L’Empereur Trajan, 1973

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La Quimera d’Horacio, La Chimère d’Horace, 1973

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Joan Miró

(Montroig, Tarragone, 1893 - Palma de Majorque, 1983)

Série Gaudí, 1979

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Entre 1976 et 1979, à la fin de sa vie Miró a souhaité lui rendre hommage en réalisant dans son atelier « Son Boter » de Majorque, avec Joan Barbarà, vingt-et-une gravures intitulées Gaudí. L’atelier devient un véritable laboratoire, terrain d’expérimentation. La créativité et la liberté de Miró associées à la technique maîtrisée de Barbarà ont fait naître des planches d’une grande intensité, caractéristiques de son style des années 70.

la fin du XIXe siècle, Barcelone est en pleine mutation économique et culturelle, la ville s’agrandit et connaît alors un renouveau architectural sans précédent. Le Modern style catalan voit ainsi le jour, inspiré de l’art nouveau qui se développe à la même période dans tous les pays européens. Ce courant artistique mettra en avant l’esthétique inspirée de la Nature en réaction contre la banalité de l’industrialisation en utilisant les nouveaux matériaux issus du progrès technique (verre, acier) associés aux matériaux plus traditionnels (bois, pierre). L’architecte Antoni Gaudí (Reus, 1852 - Barcelone, 1926) en sera un des principaux représentants. Ses réalisations, la Cathédrale Sagrada Familia commencée dès 1883, le Parc Guël, édifié entre 1900-1914 et de nombreux immeubles commandés par de riches familles barcelonaises témoignent encore aujourd’hui dans la capitale catalane de cet art révolutionnaire. Rompant avec la tradition, Gaudí utilise la couleur, les végétaux, les animaux, l’ornement pour animer, en toute liberté, ses créations. Natif de Barcelone, Miró côtoie ainsi dès son enfance la démesure de cette architecture Modern style, il est fasciné par l’œuvre de Gaudí, son imagination, sa créativité et sa prise de risque. Mais il admire également en lui l’artisan qui se fait tour à tour décorateur, maître céramiste, forgeron, créateur de meubles.

Ainsi les six planches présentées dans l’exposition témoignent de cette étroite collaboration basée sur une réelle complicité entre les deux hommes, et donnent un aperçu de cette exceptionnelle série(1). On y retrouve tout l’univers poétique de Miró, le monde des signes propres à l’artiste (étoiles, taches colorées ou cives, inclusions, collages de papier journal, etc.), les couleurs primaires si caractéristiques : rouge, bleu, jaune cernées par des noirs profonds qui font apparaître des personnages imaginaires aux formes improbables, au regard fixe et interrogateur. L’utilisation des vides indispensables à l’équilibre de l’ensemble est également pleinement maîtrisée par l’artiste. Miró comme Gaudí à travers son réseau de lignes complexes et dynamiques défie ainsi les lois de l’équilibre en créant de nouveaux rapports entre la forme, l’espace et la couleur pour rendre tangible l’intangible. C. B. (1) Lors de l’exposition Miró au musée Goya en 2003 la Ville de Castres a eu la possibilité d’acquérir cinq planches (n° II, VI, VII, XVI, XX) puis en 2004 sept planches (n° I, V, IX, X, XII, XIII, XIV), en 2005 cinq autres pièces sont venues compléter le fonds (n° VIII, XI, XV, XVIII, XIX, deux en 2006 (n°II et IV) et enfin en 2013 la planche XXI. Il ne manque plus que la planche XVII pour compléter définitivement cette série tirée en seulement 50 exemplaires.

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Gaudí V, 1979

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Joan Miró

Gaudí XXI, 1979

Gaudí V, 1979

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Pablo Picasso (Malaga, 1881 – Mougins, 1973)

Série L’Enterrement du Comte d’Orgaz, 1966 -1967

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ans sa huitième décennie, Pablo Picasso réalise une série de gravure à l’eau-forte et pointe sèche portant le nom du célèbre tableau du Greco, L’Enterrement du Comte d’Orgaz, peint par le maître du maniérisme en 1586(1). Le tableau aux dimensions conséquentes (480 x 360 cm) fut exécuté pour la décoration de la chapelle funéraire de l’église Santo Tomé à Tolède, que Picasso découvrit enfant au cours d’une visite scolaire. Il commémore un événement et une légende que l’on situe deux siècles et demi plus tôt, les funérailles d’un gentilhomme nommé Gonzalo Ruiz de Toledo, seigneur de la ville d’Orgaz. Ce gentilhomme fit reconstruire à ses frais l’église Santo Tomé où il est enterré. Sur son tombeau est rapportée une légende concernant son ensevelissement : Au moment où les prêtres allaient le porter au tombeau, St Etienne et St Augustin, descendus du ciel, l’enterrèrent de leurs propres mains. Né le 25 octobre 1881 à Malaga en Espagne, Pablo Picasso reçut une formation académique, faisant du Prado, à Madrid, puis du Louvre, à Paris au début des années 1900, ses premiers contacts avec l’histoire de la peinture. Ainsi la présence du Greco ou de Velázquez, d’Ingres, Poussin, celle de Titien, Cranach et de Grünewald, est-elle sensible dans nombre de ses œuvres. Héritier de ces grands maîtres, tour à tour enfant prodige et peintre maudit, sculpteur, graveur, céramiste, il incarnera au long de sa vie d’artiste la modernité absolue, collaborant aux grands mouvements du XXe siècle ayant contribué à redéfinir les pratiques artistiques et esthétiques.

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Picasso a de manière régulière dès les années 1904/1905 voué (tels Dürer, Rembrandt, Goya ou Daumier) un profond intérêt et une véritable passion créatrice à l‘estampe, lui conférant un statut d’œuvre d’art majeur. Entre 1899 et 1972, on ne dénombre pas moins de 2 000 pièces gravées.

antique ou des curiosa, vraisemblablement en relation avec ses propres souvenirs. Quoiqu’il en soit, malgré cette lucidité cruelle, il n’en reste pas moins le désir de l’artiste de partager, de créer, et tout simplement d’apprécier le bonheur de vivre.

Dans la série présentée au musée Goya, l’artiste exprime dans une liberté stylistique d’une extrême vitalité, les thèmes qui se réfèrent au cirque, aux acrobates, à la mythologie, la Bible, l’histoire. Les corps sont restitués de manière succincte et rapide, parfois semblent-ils incomplets, disproportionnés, disloqués, déformés, reconstruits, assemblés. La technique de l’eau-forte et de la pointe sèche que Picasso aime particulièrement privilégier, lui autorise la même liberté que le dessin tant prisé et lui permet une rapidité d’exécution similaire. Les 12 planches forment une sorte d’amalgame maîtrisé et instinctif à la fois, démontrant l’insatiable appétit de l’artiste et son éternelle impatience à créer malgré sa carrière déjà longue. L’on ressent cette constante liberté de rêver, de s’amuser, ce besoin permanent de s’exprimer sur sa propre vision du monde et selon un mode propre lié à chaque moment de sa vie, en même temps qu’il nous offre un monologue des plus intimes. Entre beauté et laideur, il expérimente les nus féminins et masculins dans toute leur charge érotique, certaines planches sont d’ailleurs très évocatrices. On y découvre des scènes d’amour inassouvies ou violentes, des figurations sexuelles prises dans le répertoire

En 1970, à Barcelone, Picasso publie un texte d’inspiration surréaliste empruntant le titre de son livre au même tableau du Greco, L’Enterrement du Comte d’Orgaz, traduit de l’espagnol par Alejo Carpentier. Le flot verbal, transcription de sa pensée comme elle vient est une énonciation des sons, odeurs, sensations, objets, expériences vécues ou imaginaires, couleurs, aliments, souvenirs amoureux, etc. Cet ouvrage vient rappeler le très grand poète que fût Picasso.

illustrés : le peintre et son modèle, le cirque, la Célestine, Raphaël et la Fornarina, ainsi que d’autres planches complémentaires issues de L’Enterrement du Comte d’Orgaz comme le Portrait-Charge d’un personnage en larmes, Orgie chez les filles avec spectateur ou encore Portrait du Peintre El Greco avec son Tableau ‘L’Enterrement du Comte d’Orgaz’… Les gravures de 1966-1967 préfigurent en quelque sorte cette Série 347, dans laquelle le style est plus abouti, plus cru aussi, provocateur et ludique, la technique y étant parfaitement maîtrisée. L’artiste s’amuse, ne s’interdit rien et démontre s’il fallait encore le souligner que son parcours d’artiste, à travers sa vie, son âge et ses œuvres fut sans cesse rythmé par une imagination prolixe, un goût pour l’érotisme et l’humour prononcé.

Quelques temps plus tôt, entre mars et octobre 1968, l’artiste entame, dans sa quatre-vingt-septième année, une dernière bataille historique contre la vague de l’art conceptuel qui fait rage dans les cercles d’avant-garde à la fin des années 1960. Celui qui a toujours rejeté les notions de « n’importe qui peut être un artiste, et tout peut être l’art », - cri de ralliement des conceptualistes du mouvement Fluxus va créer en seulement sept mois une série d’eaux-fortes connue sous le nom de Série 347, tirée l’année suivante chez Piero et Aldo Crommelynck. On assiste à une ultime démonstration de son talent, dans une véritable frénésie qui s’empare de l’artiste, tant du point de vue des techniques utilisées que des thèmes

V. A. S.

(1) Picasso, catalogue raisonné de l’œuvre gravé et lithographié 1966-1969 Tome II Georges Bloch, Edition par Kornfeld et Klipstein, Bern, 1977 Nos 1465-1680, p.82 à 98

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Pablo Picasso

El Entierro del Conde de Orgaz, L’Enterrement du Comte d’Orgaz, 1966-1967

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Antoni Tàpies (Barcelone, 1923 – id., 2012)

Llull – Tàpies, 1985

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culturel majeur tant en lettres qu’en philosophie tout en se différenciant de l’occitan.

aymond Lulle (Ramon Llull ou Raymundus Lullus) est un des personnages historiques les plus importants du Moyen-Âge chrétien et l’un des penseurs catalans les plus marquants. À la fois poète, théologien, missionnaire et philosophe, il est né vers 1232 à Palma de Majorque récemment reconquise avec les Baléares sur les Maures par Jacques 1er d’Aragon. Jusqu’à l’âge de trente ans il mène une vie brillante à la cour du roi puisqu’il devient sénéchal et majordome du futur Jacques II d’Aragon. Sa conversion, vers 1263, l’amène à abandonner ses biens et sa famille pour entamer une vie religieuse intense axée sur la conversion des juifs et des musulmans ainsi que la rédaction de nombreux livres (on en dénombre 243) dans les domaines de la philosophie (Ars Magna), les sciences (Traité d’Astronomie), la mystique (Le Livre de la contemplation), la grammaire (Nouvelle Rhétorique etc…). Il est réputé pour avoir rédigé le fameux Livre de l’Ordre de la Chevalerie qui est l’équivalent en Extrême-Orient du Code du Bushido et qui a influencé de façon notable la pensée médiévale. Pratiquant couramment le latin, l’arabe et le catalan, il est considéré comme le promoteur de cette langue à un niveau

Son action politique fut considérable de par ses efforts pour promouvoir une nouvelle croisade unifiée (Rex Bellator) à la suite de la chute définitive du Royaume de Jérusalem entre 1291 et 1302. Ayant intégré l’Ordre Franciscain en 1295, il fut en butte à l’opposition des Dominicains et de la Papauté surtout après l’élection du Pape Clément V en Avignon à l’instigation de Philippe IV le Bel. Son roman utopiste le Livre d’Evast et Blanquera, écrit en catalan en 1282, mêle poésie, contemplation et quête spirituelle inspirée des mystiques Soufis. À l’heure actuelle, il est considéré comme un saint en Catalogne et il fut confirmé en béatification par Jean-Paul II. L’Institut Ramon Llull, créé en 2002 aux Baléares, a pour mission de promouvoir la culture catalane ; une université, une école universitaire d’Ingénierie technique de télécommunication et une école technique supérieure d’Architecture portent son nom en Catalogne.

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de la part de Tàpies entre 1973 et 1985. La plupart des techniques de la gravure y sont représentées : l’aquatinte, l’eau-forte, le vernis mou, le carborundum, le collage et le gaufrage. Outre cette technique virtuose, Tàpies nous offre sa vision personnelle du grand savant médiéval, en particulier en figurant une sorte de manuscrit à moitié calciné couvert d’une écriture incompréhensible, suite de signes et de glyphes. L’inclusion d’objets (couteau, base de réchaud), la structure matérielle de l’espace par le carré ou le rectangle, l’orientation par la flèche ou encore la présence de chiffres, de croix estampées participent de ce vocabulaire si propre à Tàpies et qui suggère à la fois l’immédiateté, le jaillissement de l’idée à peine transcrite par la main de l’artiste. En même temps qu’un hommage à Raymond Lulle, Tàpies s’inscrit ainsi dans son héritage et sa modernité.

Antoni Tàpies (Barcelone, 1923 - id., 2012) s’est naturellement attaché à ce personnage hors du commun à partir des années 1940 où il est contraint à un repos forcé en raison d’une infection pulmonaire grave. Il aborde ainsi la philosophie, l’Art Oriental, la musique, la théorie de l’Art (L’Art contra l’estètica), la numérologie. En collaboration avec Joan Barbarà, il produit en 1984 les 25 planches de la suite consacrée au penseur catalan. Le bon à tirer (BAT) de cette série est donc une épreuve unique qui laisse apparaître en plusieurs endroits les demandes de modifications (n°25, n°59…) avant le tirage définitif. L’ensemble des textes, numérotés de I à XVIII sont des extraits d’ouvrages de Raymond Lulle dont le Livre d’Evast d’Alomera et de Blanquera (I à II), le Libre de Meravelles (III à VI), l’Arbre de ciència (VII à XVI et XVIII), le Libre de Contemplació (XVII). Ces textes furent sélectionnés par Père Gimferrer qui assura l’introduction de l’ouvrage alors que la conclusion était rédigée par Miguel Batllori. L’ouvrage demeure l’aboutissement d’une longue réflexion et mise en forme

J.-L. A.

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Antoni TĂ pies

Llull - TĂ pies, 1985

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Liste des œuvres exposées

15 - Noir sur noir, 1995, eau-forte, gravure en négatif et collage en réserve, 112,5 x 77,5 cm - 98,1 x 69,9 cm, 2/4 - coll. particulière. 16 - Noir sur noir, 1995, eau-forte, gravure en négatif et collage en réserve, 112,5 x 77 cm - 98,8 x 75,9 cm, 3/4 - coll. particulière. 17 - Noir sur noir, 1995, eau-forte en réserve et rehaussée, 112,5 x 77 cm - 98 x 75,4 cm, 4/6 - coll. particulière. 18 - Coings jaunes, 1996, eau-forte et mezzotine, 50 x 64,5 cm 29,5 x 39,5 cm, E.E - coll. particulière. 19 - Coings, 2000, eau-forte et mezzotinte, 39,7 x 55,3 cm 31,2 x 44,5 cm, 1/8 - coll. particulière. 20 - Coquille, 2000, pointe sèche et mezzotinte, 39,7 x 67 cm 32 x 39,5 cm, 2/6 - coll. particulière. 21 - Nature, 2000, eau-forte, 55,5 x 77 cm - 43,6 x 77 cm, E.E coll. particulière. 22 - Trois branches de pins, 2000, eau-forte, 38 x 79,5 cm 25,5 x 69 cm, 4/46 - coll. particulière. 23 - Acropolis, 2003, eau-forte et mezzotinte, 57 x 76 cm 45,8 x 64,4 cm, I/XX - coll. musée Goya. 24 - Vue sur l’Agout depuis le jardin de l’Évêché, 2003, 40,4 x 72,7 cm, E/A - don de l’artiste, coll. musée Goya. 25 - La Cascade, 2004, mezzotinte colorée à la main, 147,8 x 98 cm - 142,3 x 94 cm, 3/10 - coll. particulière. 26 - Itea depuis Delphes, 2004, eau-forte et mezzotinte, 63 x 153 cm - 60 x 149 cm, 7/15 - coll. particulière. 28 - Tholos, 2004, eau-forte et mezzotinte, 63 x 204 cm 59,8 x 199,5 cm, 3/12 - coll. Particulière. 29 - Lumières de Garraf, 2008, eau-forte rehaussée à la gouache et au spray, 62 x 177,3 cm, 1/1 - coll. particulière. 30 - Lumières de Garraf, 2008, eau-forte rehaussée à la gouache et au spray, 62 x 177,6 cm, 1/1 - coll. particulière. 31 - Lumières de Garraf, 2008, eau-forte rehaussée à la gouache et spray, 61,9 x 177,7 cm, 1/1 - coll. particulière 32 - Guernica, 2000/2010, aquatinte et collages, 108 x 204 cm 99,5 x 200 cm, (B.A.T.) - Inv. 2017-2-1 - don de Tristan Barbarà, coll. musée Goya.

Joan Barbarà (Barcelone, 1927 – id., 2013) Peinture 1 - Autoportrait, huile sur toile, 1982, 40 x 32 cm - coll. particulière. Lithographies 2 - Portrait de Spinoza, lithographie, 1977, 40 x 30 cm - coll. particulière. 3 - Portrait d’Homère, lithographie en couleur, 2009, 33 x 25 cm - coll. particulière. Gravures 4 - Troncs, 1974, eau-forte, 51,4 x 60,4 cm - 39,3 x 52,2 cm, 4/4 coll. particulière. 5 - Courge, 1991, eau-forte, 59,6 x 79,5 cm - 53,5 x 67,9 cm, 2/15 - coll. particulière. 6 - Grand collage, 1991, pointe sèche et collage, 99 x 200 cm, 3/9 - coll. particulière. 7 - Lineaire, 1991, eau-forte, 60,3 x 79,5 cm - 46,5 x 64,5 cm, 14/15 - coll. particulière. 8 - Nature morte hommage à Miró, 1991, eau-forte et mezzotinte, 56 x 75,2 cm – 38 x 51,5 cm, H.C. - Inv. C 2001-7-2 - Don de l’artiste, coll. musée Goya. 9 - Raisins ovales, 1991, eau-forte, 60,6 x 79,7 cm, 30/46 - coll. particulière. 10 - Texture bleue, 1991, gravure et collage, 100 x 200 cm, E.E. coll. particulière. 11 - Le Grand théâtre du Liceu, 1995, eau-forte et aquatinte, 100 x 176 cm, 6/7 – Inv. C 2001-7-1 - Achat Ville, coll. musée Goya. 12 - Nèfles, 1995, eau-forte et mezzotinte, 77 x 113 cm - 69,2 x 92,5 cm, 25/25 - coll. particulière. 13 - Noir sur noir, 1995, eau forte et aquatinte, 113 x 77 cm 98,3 x 69,7 cm, 4/4, - coll. particulière. 14 - Noir sur noir, 1995, eau forte, 113 x 77 cm - 98,2 x 69,9 cm, 4/4 - coll. particulière. 54

Livres de bibliophilie 33 - La Collsacabra, 1955, Joan Triadú, 23 eaux-fortes de Joan Barbarà, édition Joan Triadú, Barcelone, 28,2 x 22,3 cm, 16/55 - coll. particulière. 34 - Empúrias, début d’un retour, 1992, gravures de Joan Barbarà, édition Joan Barbarà, Barcelone, 52 p. 57 x 45,6 cm, 26/55 coll. particulière. 35 - De Paris à Olot, 2005, 13 gravures de Joan Barbarà et textes de Joan Lluís de Yebra et Joan Triadú, édition Fondation Xavier Nogués, 53,5 x 43,5 cm, 73/82 - coll. particulière. 36 - Ibiza : un regard sur Pityuses, 2008, Miquel Dolç, Joan Triadú, Baltasar Porcel. 23 eaux-fortes de Joan Barbarà, 23 x 42 cm, 92 p., Ateliers chalcographiques Joan Barbarà, Tristan Barbarà éditions. Barcelone, 21,8 x 40 cm, 3/80 - coll. particulière. 37 - Tàliésin, 2012, poème de François Brousse. gravure en taille-douce de Joan Barbarà, co-édition La Licorne Ailée, Paris et Tristan Barbarà éditions, Barcelone, 32,7 x 25 cm 38/75 - coll. particulière. 38 - Hymne au Soleil, 2012, poème d’Akhen Aton adapté par François Brousse, gravure en taille-douce de Joan Barbarà, co-édition La Licorne Ailée, Paris et Tristan Barbarà éditions, Barcelone, 32,7 x 25 cm 15/75. coll. particulière.

Joan Miró (Barcelone, 1893 – Palma de Majorque, 1983) 41 - Gaudí I, 1979, gravure, 76 x 44,5 cm, E.A., Inv. 2004-2-3 42 - Gaudí II, 1979, gravure, 57 x 38,3 cm, E.A., Inv. 2003-2-1 43 - Gaudí III, 1979, gravure, 53,5 x 38 cm, E.A., Inv. 2007-1-1 44 - Gaudí V, 1979, gravure, 66 x 50 cm, E.A., Inv. 2004-2-1 45 - Gaudí XVIII, 1979, gravure, 91 x 63 cm, 37/50, Inv.2005-3-4 46 - Gaudí XXI, 1979, gravure et collage, 115 x 71,5 cm, 37/50, Inv. 2013-5-1 Achat avec participation du FRAM (État, Région) en 2003, 2004, 2005, 2007 et 2013, coll. musée Goya.

Pablo Picasso (Malaga, 1881 – Mougins, 1973) 47 à 58 - L’Enterrement du Comte d’Orgaz, 1966, eau-forte et pointe sèche, 22,5 x 32,5 cm - 35,5 x 45,5 cm, série de 12 gravures, éd. Atelier Joan Barbarà, Barcelone, Tirage 150 coll. particulière.

Antoni Tàpies (Barcelone, 1923 – id., 2012) 59 - Llull - Tàpies, Étude de Miquel Batllori, introduction de Pere Gimferrer, éd. Daniel Lelong, Paris - Carles Taché, Barcelone, 1985 25 gravures dont 18 de format 40 x 60 cm et 7 de 40 x 100 cm dans une boîte toilée et sérigraphiée. Tirage atelier Barbarà, Barcelone : 165 exemplaires : 45 ex. (n° 1 à 45, chiffres romains) accompagnés d’un monotype, 105 ex. (n° 46 à 150), 15 ex. HC (n° 1 à 15) Bon à tirer annoté par l’artiste : 26 de gener de 1984 (26 janvier 1984 et 12 février 1985), Inv. 2017-1-1 Achat avec participation du FRAM (État, Région) en 2017, coll. musée Goya.

Salvador Dalí (Figueres, 1904 – id.; 1989) 39 - La Chimère d’Horace, 1973, pointe sèche, 91× 63 cm, 68 x 46 cm, éd. Fondation Picasso-Reventós, Joan Barbarà, 174/261 - coll. particulière. 40 - L’Empereur Trajan, 1973, pointe sèche, 90,5 × 63 cm 68 x 46 cm, éd. Fondation Picasso-Reventós, Joan Barbarà, 55/261 - coll. particulière. 55


Repères biographiques

1927 : Naissance de Joan Barbarà à Barcelone. 1944 : Barbarà crée un atelier de peinture rue Argentine à Barcelone. 1949 : Il collabore avec François Mélich, héliograveur et Edouard Chimot, graveur français. 1950 : Fonde son premier atelier de gravure à Barcelone. 1952 : Barbarà crée un atelier ouvert au public au musée d’Arts et d’Industrie Populaires de Montjuïc, Barcelone. 1953 : Il est lauréat d’un prix de gravure à l’Exposition municipale des Beaux-arts, Barcelone. 1957 : À la suite d’une bourse allouée par le Cercle Maillol de l’Institut français de Barcelone, il se rend à Paris, suit les cours de la Grande Chaumière tout en fréquentant assidûment des ateliers de gravures ; Imprimerie d’art Georges Leblanc, Atelier 17, Atelier Hayter. 1958 : Il collabore avec l’imprimerie d’Art Roger LacourièreFrélaut avec Jacques Herrera (où il grava des œuvres de Matisse, Miró ainsi que La Tauromachie de Picasso) et perfectionne sa technique de la lithographie dans l’atelier Mourlot Frères à Paris. Joan Barbarà fonde avec le graveur Lluis Bracons et sa compagne Suzanne Duplessis, L’Atelier de Recherches Plastiques de la rue Boissonade à Paris. Il est âgé de 30 ans. Dans cet atelier se croiseront des personnalités artistiques importantes comme Cocteau, Mathieu, Clavé, Dalí… 1966/75 : De retour à Barcelone, il intègre l’atelier de gravure de Gustavo Gili : l’atelier des Editions La Cometa où il collabore avec Picasso, Hartung, Fontana, Tàpies, Chillida, Miró… Il y développera des techniques avant-gardistes et rompra avec la tradition des petits formats dans la gravure en sortant des planches de 63 x 90 cm. Parallèlement à cette collaboration avec d’autres artistes, il expose aussi très régulièrement son œuvre dans les galeries et les musées. 1975 : Il installe son propre atelier avec une philosophie qui lui est propre donnant autant d’importance à l’artiste qu’à l’artisan dans une véritable complicité. Son travail avec Miró est un bel exemple de cette étroite collaboration.

Cet atelier fonctionnera comme un véritable laboratoire d’idées, un lieu d’expérimentation où se rencontreront les plus grands artistes. A cette époque son fils Virgili le rejoint dans l’atelier. 1975 : Barbarà travaille avec Aimé Maeght pour différentes éditions (Tàpies, Miró…) en utilisant des techniques variées comme l’aquatinte, le carborundum, la poupée, le collage… 1977 : A partir de cette année, Joan Barbarà se déplace régulièrement à l’atelier de Miró, Son Abrines, à Majorque. Il en résulte 96 eaux-fortes qui serviront de préambule aux 21 gravures de la série en hommage à Gaudí. 1980 : Il travaille avec Joseph Beuys jusqu’à sa mort en 1986 sur son œuvre graphique, les séries Schwurhand, Zirkulatíonszeit y Traenen. 1982 : Son fils Tristan créé sa propre maison d’édition après avoir lui aussi collaboré à l’atelier de son père. 1987 : Il tire des planches de très grande taille, 200 x 100 cm, taille maximale pour maintenir la qualité des éditions (Tàpies série Tótem). 1991 : Joan Barbarà réalise une série de moyens et grands formats pour la galerie Maeght de Barcelone qui auront un grand succès médiatique et seront présentées lors d’une exposition itinérante en France, Belgique, Angleterre, et Allemagne durant 4 ans. 1995 : À partir d’une seule planche de grand format (100 x 80 cm) Barbarà réalise la série Negre sobre negre composée de 15 gravures. Techniquement complexe elle fera l’objet de plusieurs expositions accompagnées de conférences. 1999 : Il reçoit le prix Foner octroyé par la Ville de Palma de Majorque. 2001 : Il est récompensé par la médaille d’Artexpo de Barcelone. 2005 : Le prix Xavier Nogués de la Ville d’Olot lui est donné. 2013 : En décembre, décès de Joan Barbarà à Barcelone. Joan Barbarà est membre du Haut conseil de la Fondation Miró de Palma de Majorque et membre de la Real Académie des Beaux-arts de Sant Jordi depuis 2004. 56

Expositions personnelles 1956 : peintures et gravures, galerie Layetanes, Barcelone 1968 : peintures, Pinacothèque, Barcelone 1971 : peintures, Natures mortes, Palafrugell, Gérone 1973 : peintures à la Syra, Barcelone 1974 : peintures à Bologne, Milan et Venise (Italie) 1978 : peintures à la galerie Juan de Juanes, Barcelone 1988 : galerie Maeght de Barcelone 1991 : Joan Barbarà, œuvre graphique, galerie Maeght, Barcelone El gravat en el temps, musée d’art, Gérone 1991/1992 : Joan Barbarà, peintures et gravures, musée de l’Empordà, Figueres 1995 : Bodegons, gran format exposition itinérante pels Paisos Baixos, musée Ville de Deinze, musée Ville d’Alost. 1996 : Le Noir est une couleur, galerie Maeght Negre sobre negre, galerie Tristan Barbarà éditions, Fondation Caixa Manresa, Fundacion Pilar i Joan Miró, Majorque, Centre d’études Catalanes, Paris 1999 : Miró-Barbarà : processos del gravat, Fondation Pilar i Joan Miró, Majorque Galerie BAT Alberto Cornejo. Peintures et collages. 2002/2007 : 50 anys del Taller de gravat Barbarà, exposition itinérante en Europe et Moyen-Orient. 2004 : Centre du monde, Perpignan 2013/2014 : Mediterràni, musée de Monserrat 2014 : Joan Barbarà dessins, galerie François Mestre, Barcelone Joan Barbarà, peintre espace Pere Pruna, Barcelone 2014 : Joan Barbarà, maitre graveur, galerie Eude, Barcelone Joan Barbarà, bibliophile, librairie Jaimes, Barcelone 2015 : Joan Barbarà et la bibiophilie, bibliothèque de Catalogne, Barcelone

Bibliophilie Taliesin, 2012, poème de François Brousse, livre hommage à l’occasion du centenaire de sa naissance, gravure en taille-douce de Joan Barbarà, co-édition La Licorne Ailée, Paris et Tristan Barbarà éditions. Barcelone. Edition limitée à 85 exemplaires. Hymne au Soleil. 2012, poème d’Akhenaton adapté par François Brousse, livre hommage à l’occasion du centenaire de sa naissance, gravure en taille-douce de Joan Barbarà, co-édition La Licorne Ailée, Paris et Tristan Barbarà editions. Barcelone. Edition limitée à 85 exemplaires. Eivissa : esguard sobre les Pitúses, 2008, Miquel Dolç, Joan Triadú, Baltasar Porcel, 23 eaux-fortes de Joan Barbarà, Ateliers chalcographiques Joan Barbarà, Tristan Barbarà éditions. Barcelone. Edition limitée à 80 exemplaires. De Paris à Olot, 2005, 13 gravures de Joan Barbarà et textes de Joan Lluís de Yebra et Joan Triadú. Edition Fondation Xavier Nogués. Edition limitée à 85 exemplaires.

Présence de l’œuvre de Joan Barbarà dans les salons internationaux avec les éditions Tristan Barbarà : Carrefour International des Estampes, Trienal del grabado i a Iberoamericana del grabado. Foire de Basel, Suisse. Fira Art Frankfort, Allemagne, Arco, Madrid. ArtistsBook, Paris. Multiplied, Londres. ArtsLibris, Barcelone.

Empúries, inici d’un retorn, 1992, gravures de Joan Barbarà, Edition Joan Barbarà. Edition limitée à 85 exemplaires. El Collsacabra, 1955, Joan Triadú, 23 eaux-fortes de Joan Barbarà, Edition Joan Triadú. Edition limitée à 55 exemplaires. 57


Gravure de Joan Barbarà réalisée en 2003 lors de sa venue à Castres à l’occasion de l’exposition Sous le signe de Miró

Bibliographie sommaire Homenatge Joan Barbarà, gravador, Tristan Barbarà ediciones, Barcelona, 2017. Joan Barbarà, Negre sobre negre, textes Pilar Vélez, Enric Pujol, Fundació Pilar i Joan Miró a Mallorca, Galeria Tristan Barbarà ediciones, Barcelona, 1996.

Catalogues d’expositions 50 años del taller de Grabado Joan Barbarà, noviembre 2002- enero 2003, Centre d’art Santa Mónica, Barcelona – Mayo – junio 2003, Calcografía Nacional, Rela Academia de Bellas Artes de san Fernando, Madrid – julio-septiembre 2003, Museo de Artes del grabado a la estampa digital, Outeiro-Artes, a Coruña – septiembre-octubre 2003, Casal Solleric, Palma de Mallorca – Febrero 2004 – diciembre 2005, Instituto Cervantes, Europa. Miró-Barbarà. Processol del gravat, del 14 de maig al 3 d’octubre de 1999, sala Estralla de la Fundació Pila i Joan Miró a Mallorca, Fundació Pilar I Joan Miró a Mallorca. Joan Barbarà, Negre sobre negre, del 7 al 30 de juny de 1996, Fundació CaixaManresa, sala d’exposicions, Manresa. Joan Barbarà – Obra gràfica, Novembre 1991 – gener 1992, Galeria Maeght, Barcelona. Joan Barbarà, pintures i gravats, 1991-1992, museu de l’Empordà.

Vista de l’Agout després el jardí de Bispat - Vue sur l’Agout depuis le jardin de l’Évêché, 2003

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La Ville de Castres remercie chaleureusement l’épouse de Joan Barbarà Pamen Trenkle i Bonsoms et plus particulièrement son fils Tristan qui ont permis la réalisation de cette exposition ainsi qu’Elisée Trenc pour son aimable collaboration au catalogue.


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