Ulysse

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Un vase grec

Aux époques archaïque et classique la poterie attique est renommée dans tout le monde grec comme en témoigne la découverte jusqu’en Étrurie de ce type de vase. La qualité particulière de l’argile attique, riche en oxyde de fer – d’où la belle couleur rouge –, la qualité du travail des potiers athéniens expliquent sans doute ce succès. Athènes est en effet un grand centre de production et d’exportation : au nord-ouest de l’Acropole, les potiers ont leur quartier, nommé le Céramique. Ces poteries servaient à de nombreux usages : ce sont des objets usuels destinés à la maison (coupe, plat, etc.), mais aussi des vases destinés aux différents cultes, ou servant au transport (amphores, etc.) des produits de l’agriculture (blé,vin, huile) et de l’élevage. Le vase ci-contre est un stamnos, un grand récipient, ici en céramique, mais qui peut être en bronze, de forme ovoïde, à col et à rebord. Il est muni de deux anses de chaque côté pour pouvoir le transporter. C’est un vase dit “à figures rouges”, technique qui assura la renommée d’Athènes au e siècle. À l’époque archaïque, la technique utilisée était celle des figures noires : les figures sont peintes sur le fond qui reste rouge – couleur de l’argile –, les détails sont excisés. Le passage aux figures rouges s’opère vers -. Dorénavant c’est le fond qui est peint en noir, les figures sont réservées, et donc de la couleur de l’argile, les détails sont peints et non plus excisés. Au-delà de l’inversion des couleurs, ce procédé introduit des améliorations importantes qui permettent d’affiner la représentation. Le traitement des thèmes est plus réaliste : ainsi la présence d’éléments naturels est une nouveauté de l’époque classique, ici les rochers sur lesquels sont perchées les Sirènes, par exemple. Réalisme aussi dans le traitement du bateau et des corps (musculature), meilleur rendu des détails (expression des visages). Le premier peintre connu à pratiquer les figures rouges est Andokides (actif à Athènes entre  et  environ). Le vase conservé au British Museum est l’œuvre d’un anonyme dit “Peintre des Sirènes”, en référence à l’épisode de l’Odyssée qu’il a choisi de représenter. Une scène de l’Odyssée

Ulysse et les Sirènes Stamnos à figures rouges Céramique, vers 480-470 avant J.-C. Vulci (Étrurie) H. 35,2 cm Londres, British Museum © The British Museum, Londres, dist. RMN / The Trustees of the British Museum

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Ulysse

L’artiste a choisi de représenter le moment crucial du récit. Trois éléments peuvent être distingués : – Ulysse et son équipage : Ulysse est attaché au mât ; son apparence, un athlétique barbu, permet de le reconnaître. Son corps est tendu, la tête dressée, il écoute le chant des irrésistibles sirènes. Le contraste est grand avec l’attitude de ses compagnons. Les oreilles bouchées, ils ne peuvent entendre les sirènes et sont absorbés par leur tâche : sur la droite, le chef de nage donne la cadence. – Le bateau : Homère parle du “noir vaisseau” d’Ulysse, les navires étant à l’époque souvent recouvert de poix, sorte de goudron végétal qui protégeait la coque. Les figures rouges ne permettent pas d’en prendre conscience, la représentation du bateau est cependant riche d’enseignements. On y voit les deux moyens de propulsion utilisés à l’époque, les rames et la voile. Les premières sont utilisées au moment de l’appareillage, quand le vent est tombé, lorsqu’il est trop fort ou lors de manœuvres particulières, comme ici. Chaque rame est actionnée par un rameur et il faut imaginer, à tribord, un autre rang de rameurs. Le reste du temps, quand le vent est favorable, on navigue à la voile (voile carrée). Les bateaux sont alors à fond relativement plat : pour accoster on échoue le navire près du rivage. Le gouvernail d’étambot qui peut pivoter dans l’axe du bateau date de l’époque médiévale. Ici, le bateau est gouverné grace à deux rames-gouvernail, de part et d’autre de la poupe, à l’arrière du navire. Le chef de nage est sans doute aussi le pilote du bateau. On remarque à l’avant l’œil peint sur la proue du navire. C’est un ophthalmos (œil, en grec), un autre se trouve de l’autre côté. Ils symbolisent les yeux de dieux et de déesses et sont placés là pour protéger les navigateurs des dangers de la mer. Plus étonnant, on remarque aussi, à l’avant, une sorte d’éperon, or dans l’Odyssée, les bateaux servent uniquement aux transports et aux déplacements des héros, jamais à se battre : il n’y a pas de combat naval. – Les Sirènes : deux Sirènes sont perchées sur les rochers, tandis qu’une troisième s’envole. Au e siècle avant J.-C. ce sont encore des femmes-oiseaux mais elles ont pris par la suite d’autres

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Une œuvre patrimoniale

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