The Red Bulletin FR 01/25

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*Donnez vie à vos rêves.

Kalon

Dessinatrice de BD adepte du format manga depuis 2006, éditée par Glénat (Versus Fighting Story) et Kana (Talento Seven), elle travaille en numérique, et a réalisé l’illustration de Guillaume Dorison qu’elle connaît bien. P. 22

Ian and Erick

Natifs de Maurice, basés en Australie, les jumeaux Regnard sont notamment spécialisés dans la photo de sport. Ils ont suivi Sam Laidlow lors d’une longue journée à documenter les spécialités du triathlète anglo-français. P. 26

Shamil Tanna

« Il et elle m’ont raconté des histoires fantastiques d’Hollywood, dit le photographe à propos du duo de cascadeurs en page 76.

C’était fascinant de voir le dévouement nécessaire pour leurs cascades et chorégraphies de combat. »

Le triathlon, l’Ironman, la longue distance... Vu de loin, on parle de machines de perf, d’athlètes aux quotidiens hyper stricts : training, fitness, compétition. Le fun et les excès n’y ont pas leur place. Permettez-nous d’en douter, depuis notre rencontre avec Sam Laidlow, notamment apprécié pour avoir été le plus jeune Champion du monde Ironman, en 2023. Bonne vibe et accessible, le Sam se livre sur sa vision de ces épreuves d’endurance, et là où l’on pensait entrer dans un sujet délicat, on a trouvé un Sam plein de positivité : la défaite lui offrant plus de perspectives et de motivation qu’un nouveau titre. Avec lui dans ce numéro, d’autres adeptes d’une vie active dans laquelle le fitness est roi, du très sympathique Seb Harris à la cascadeuse d’Hollywood Aurélia Agel, sans oublier le colossal Zlatan, qui vous a à l’œil... Okay, on se bouge !

Inspiration

Seb Harris 20

Passion sport

Guillaume Dorison 22

Passion baston

Theodora

Passion du son

Le visage moderne du triathlon longue distance.

Découvez le futur de la néo-soul à la française avec Enchantée Julia.

La voix franco-srilankaise validée par Timbaland.

Cyclisme

Suivez la Doomed Army aux 24 Heures vélo du Mans.

Succès mondial pour Oklou et son univers.

Avec Aurélia Agel et Justin Howell, coup double à Hollywood.

Spielberg, Autriche Hors-piste

C’est un feu vert pour Valentin Delluc, venu voler la vedette aux as de la course auto sur le circuit de F1 de Spielberg. Si sa discipline, le speedriding/speedflying, se pratique sur des pentes enneigées ou rocailleuses, le voici à l’attaque du Red Bull Ring et de son mythique taureau. Pour s’adapter à cette configuration particulière, un treuil attaché à une NASCAR lui permet de décoller et de prendre de l’altitude en quelques secondes. Une performance aérienne unique réalisée avec l’aide d’un pilote de renom, Luc Alphand. Découvrez les coulisses de son exploit sur  redbull.com

Fribourg, Suisse

Gonflé

« Enchanté ! Je m’appelle Julien Roux et je viens de réaliser mon plus beau projet, à ce jour : la plus haute traversée en highline au monde, entre deux montgolfières, à 4 255 m de haut (hauteur directe), soit 4 832 m d’altitude (ou encore 27 mètres au-dessus du Mont-Blanc). » Merci à Julien de nous avoir contactés et de vous permettre d’apprécier ce pur exploit réalisé au-dessus du canton de Fribourg, qui a également permis au Français de réaliser, par la même occasion, le plus haut saut en parachute depuis une highline. IG : @leslignesdeju

Pembroke, Pays de Galles

En ligne

« Les grimpeurs britanniques sont des pionniers de l’escalade trad depuis de nombreuses années. Quelle meilleure aventure que de se rendre au Pays de Galles pour découvrir cette éthique particulière », raconte le photographe Marc Daviet, d’Annecy. Accompagnés des grimpeurs Symon Welfringer, Nils Favre et Naïlé Meignan, il est parti à la recherche de lignes en bord de mer. « Ce jour-là, le mauvais temps a joué avec nos nerfs et entre deux averses, Symon a pu tenter une ligne à vue. La lumière était magnifique, à la fois bleue et métallique. » Face au mur, l’instant est merveilleux. redbullillume.com

Mumbai, Inde Célébration

La World Final du Red Bull Dance Your Style 2024, devant 5 000 personnes au NSCI Dome de Mumbai, a célébré la diversité des styles de danse urbaine – du hip-hop à l’afro, en passant par le waacking et le krump. Rubix, Français présent en wild card (ici en photo), a captivé le public avec sa performance et son charisme. Sa présence a ajouté une touche spéciale à la compétition, grâce à son style unique et son énergie. Rubix a atteint la finale face à MT Pop (Vietnam), en héros de cette célébration de la diversité et de la créativité. redbull.com

Be safer

Réinventer la nuit

Après avoir constaté de multiples discriminations et violences sexuelles et harcèlements sexistes, l’initiative Réinventer la Nuit continue de libérer la parole et de repenser la sécurité dans les espaces festifs.

Le mouvement #MeToo est né aux USA en 2007 grâce à Tarana Burke, une travailleuse sociale afro-américaine, pour dénoncer les violences et harcèlements sexistes et sexuels (VHSS), notamment au sein des minorités. Le terme a été popularisé dix ans plus tard par plusieurs actrices hollywoodiennes qui dénonçaient des faits similaires dans l’industrie du cinéma. En 2017, en France, le hashtag #BalanceTonPorc prend vie. La chanteuse Chilla lui a donné une résonance particulière avec sa chanson au titre éponyme : « Le gourou se cagoule et n’a pas de race. / On te tabasse quand tu laboures, on prend ton âme / […] J’ai pas l’temps pour les machistes, j’pense à toutes celles qui n’ont pu rien dire. » Des paroles toujours aussi percutantes aujourd’hui et qui reflètent parfaitement le système misogyne, sexiste

et oppressant qui sévit dans le monde de la nuit.

Pour l’une des fondatrices de l’initiative Réinventer la Nuit, tout a commencé en juin 2023. Paloma Colombe est bookée pour mixer au Cabaret Sauvage ; harcelée par plusieurs festivaliers et négligée par un agent de sécurité, la DJ a exprimé son ras-le-bol après son set via un post Instagram. Cette déclaration a suscité des milliers de réactions et attiré l’attention de nombreux acteurs de la presse écrite, au grand étonnement de Paloma : « Je ne pensais pas recevoir autant de retours. J’ai d’abord été contactée par la presse musicale, puis par des médias généralistes. » Quatre mois plus tard, aux côtés de trois autres DJ : Anaco, Bambi et Domi, l’association Réinventer la Nuit naît et a pour objectif de sensibiliser le public et les acteur·rice·s du monde de la

Paloma Colombe

DJ et co-fondatrice de Réinventer la Nuit.

IG : @palomacolombe

nuit à ses causes grâce à différentes actions, telles que des chartes de bienveillance destinées au public, des « riders safer » à destination des artistes, des protocoles de sécurité pour les lieux et organisateur·rice·s, et des cercles de paroles pour les femmes et minorités de genre exerçant dans le secteur musical. « Les lieux de nuit sont nos lieux de travail. Nous exigeons la mise en place d’environnements de travail plus sains et sécurisés », lit-on sur le compte Insta du projet.

Outil phare de l’association, les cercles d’échange en mixité choisie ont pour objectif de « libérer la parole, mettre des mots sur des expériences isolantes vécues, tout en offrant une possibilité d’identification par l’écoute et de prise de conscience personnelle », expliquent les fondatrices. L’association se forme en collaboration avec Consentis, qui œuvre indépendamment depuis 2018 pour instaurer la bienveillance dans les soirées, afin de promouvoir davantage de respect et de libertés, et aussi avec Au-delà du Club, qui propose une réflexion sur la manière de faire la fête et de la rendre plus inclusive. Cette dernière a été créée en août 2022 par Laure Astan Togola et Sarah Gamrani. Ensemble, elles mènent des recherches philosophiques et poétiques sur le futur de la fête grâce aux notes prises lors des cercles d’échange. Fidèle à son nom, l’asso Réinventer la Nuit (qui compte Laure Astan Togola, Sarah Gamrani et Mariad parmi ses nouvelles membres) aspire à dépasser les limites, y compris géographiques ; ses recherches qualitatives visent à être accessibles à toutes et tous, traduites en anglais et en espagnol, et mises en libre accès (en open source). « Notre ambition est de devenir un outil de connexion au niveau européen et de réussir à fédérer toutes les initiatives existantes », conclut Laure. IG : @reinventerlanuit

Culture

Une alternative

Le skate, sujet immense. Un projet d’édition pose un regard sincère sur 5 décennies d’une planche génératrice d’envie.

Skateboard Culture, ouvrage massif et de belle confection, se termine avec les mots de Jérémie Daclin (figure lyonnaise du skate européen) : « Rendez-vous donc demain sur le curb de la mairie, avec ta board ! » Invitation à skater, qui semble adressée à toutes et à tous, que vous soyez skateur·euse de longue date, ou novice. Le pote du coin, le lecteur ou la lectrice du bout du monde. C’est là l’objet du livre : inciter le mouvement, l’envie, vers une culture, vaste et tellement influente. Le skate. Skateboard Culture est donc un ouvrage essentiel,

redevable au studio créatif

Bureau Berger, à Morgan Bouvant (acteur majeur et français de l’industrie du skate) et Sébastien Carayol (journaliste skate et contreculture hyper connecté avec la scène US), et décliné sur cinq grosses sections correspondant aux décennies traversées par le skateboard depuis ses débuts dans les seventies. Depuis ses origines californiennes, il nous transporte dans ses places fortes : Barcelone, Paris, San Francisco, Tokyo, New York, et ailleurs. Et les sujets de société font résonnance avec la

Essentiel: le livre Skateboard Culture, de Morgan Bouvant et Sébastien Carayol. Un must, que vous skatiez ou non.

réalité du milieu dont l’inclusivité et son impact sur la mode urbaine. Sont aussi honorés les crews qui ont contribué à la puissance créative du skate, imposant ses expérimentations et codes au cœur de l’esthétique moderne, qu’elle soit perçue ou non comme venue du skate. Les Supreme, Fucking Awesome, Palace, GX1000, Thrasher, Big Brother, FTC… Plus que des labels, des collabs sur vêtements, des mags ou des productions vidéo deviendront des signes d’appartenance et de refuge. Des labels de conviction et d’un mode de vie auxquels beaucoup ont voulu s’associer avec des intentions plus ou moins louables.

Les skateurs et skateuses au sein de cette street machine sont présent·e·s via des témoignages photo et des interviews : old timers iconiques (les Alva, Hosoi, Pierre-André Senizergues) ou plus contemporains, s’étant frotté·e·s pour la plupart aux JO (Vincent Milou, Lizzie Armanto). L’aspect performance, le côté sportif du skate, n’est pas éludé, comme ses sorties de route. C’est dit.

Pour le skateur hardcore, l’ouvrage est une source de souvenirs ou de confrontation avec sa vision de la culture ; pour l’esprit curieux, sympathisant, issu des milieux créatifs ou des mouvements sociétaux, il sera source de références et de connaissances incroyables. La photo y est, bien sûr, très présente, tout au long des 500 pages, avec aussi des portfolios dédiés aux images de William Sharp, Jessica Bard, Dave Swift, Fred Mortagne, ce dernier représentant la France.

Pour qui saura voir plus loin que le skate en lui-même, ce livre est l’incarnation imprimée d’une marge très fine entre le monde « normal » et celui de fortes têtes qui n’ont eu de cesse de développer, au-delà d’une performance, un mode de vie et une imagerie associée. Alternatifs. hachette-livre.fr

BRASSÉE PAR CARLSBERG. DESIGNÉE PAR HAY.

Red Bull League of Its Own

Avant et après

Le 15 décembre 2024, l’Accor Arena de Paris a été le théâtre d’un événement esport qui fera date : le Red Bull League of Its Own.

Pendant un show exceptionnel de neuf heures, l’Accor Arena a vibré au rythme de l’une des rencontres les plus spectaculaires de l’histoire de l’esport. Un peu plus de 15 000 personnes étaient présentes dans le public, tandis que près de cinq millions de viewers suivaient la compétition en ligne.

L’événement a rassemblé les meilleures équipes de League of Legends dont T1, G2, Karmine Corp, Gentle Mates, NNO et Los Ratones, qui ont profité de cette occasion pour tester leurs nouveaux rosters. Hosté par Doigby, le tournoi a aussi accueilli des 1v1 showmatchs

powered by Opel, mettant en scène des joueurs comme Tiky, Alderiate, et Saken. La journée a débuté par des matchs palpitants entre ces équipes de haut niveau. T1, les récents vainqueurs des Worlds, ont montré une fois de plus leur suprématie en proposant des stratégies innovantes. G2, quant à eux, ont rivalisé d’ingéniosité pour captiver l’audience. La Karmine Corp, avec son emblématique Blue Wall, a livré des performances intenses, tout comme Gentle Mates, NNO et Los Ratones, qui ont tous contribué à l’excitation générale. Les fans ont également eu

qui

reviennent pas. Ci-dessus : l’inebranlable

dans une ambiance digne de la

droit à un showcase énergique du rappeur Niska, lequel a enflammé l’arène avec ses bangers, ajoutant une dimension musicale à l’événement.

Les 1v1 showmatchs ont également été des moments forts, avec des duels captivants tels que Tiky contre Caps, Alderiate contre Doran, et Saken contre Caliste, chacun offrant des moments de pur spectacle. L’apogée de la journée a été le match tant attendu entre la Karmine Corp et T1. Dans une confrontation acharnée, T1 a finalement triomphé, consolidant son statut de champions incon-

testés. La Karmine Corp, malgré sa défaite, a fait preuve d’une résilience admirable, soutenue par ses fervent·e·s supporteur·rice·s.

Le Red Bull League of Its Own 2024, organisé en France, a été bien plus qu’une simple compétition. Une véritable célébration de l’esport, confirmant Paris comme une capitale mondiale du gaming. Cet événement a marqué un nouveau jalon pour la communauté de League of Legends, démontrant une fois de plus l’engouement et la passion qui animent la scène. Pour sûr, il y aura un avant et un après. redbull.com

À gauche : Faker, le dieu de l’esport, rencontre ses disciples,
n’en
Blue Wall de la KCorp, un véritable kop. Ci-dessous : Caliste (KC) fait son entrée
WWE.

Coups de pouce

La musicienne anglaise de 29 ans évoque quatre chansons qui l’ont aidée dans l’écriture de son dernier album.

La musique de Nilüfer Yanya, cocktail d’émotions entre indie-pop, jazz et rock, n’a cessé de faire grimper la chanteuse-autrice-compositrice anglaise plus haut sur l’Olympe de la musique depuis ses débuts, il y a déjà huit ans. Ses deux derniers albums ont été classés parmi les meilleurs de l’année par le New York Times. Depuis, elle joue régulièrement à guichets fermés aux États-Unis, en Australie, en Asie et en Europe. En tournée cet hiver, elle s’est produite deux soirs de suite à Paris, les 28 et 29 novembre derniers, à l’occasion de la sortie de My Method Actor. Afin de livrer cet album, elle s’est coupée de toutes influences extérieures avec son complice d’écriture Wilma Archer. Un retour à l’essentiel. « Il faut du courage pour ne se fier qu’à son instinct », déclare-t-elle. Elle cite ici quatre titres qui l’ont guidée dans cette démarche.

Écoutez l’album My Method Actor de Nilüfer Yanya

PJ Harvey

Rid of Me (1993)

« Je l’adore, elle est d’une telle simplicité. On entend un cliquetis sourd tout au long de la chanson. Il se passe tellement de choses, mais ce cliquetis ne change pas, et c’est ce qui fait la force de ce titre. J’ai l’impression que c’est ce que je cherche à atteindre avec ma musique, même si je ne sais pas exactement comment m’y prendre. C’est bon de savoir que de telles chansons existent. »

Kae Tempest

More Pressure (2022)

« J’aime toutes les chansons de Kae, mais surtout celle-là. Le riff est dynamique, un vrai moteur. La dernière fois que j’étais en tournée, je l’écoutais tout le temps à l’hôtel, pendant mes sessions de gym. J’ai déjà vu Kae Tempest en live une paire de fois. Elle est toujours renversante. Je suis fan de son story telling aussi, c’est un peu ce que j’essaie de reproduire dans mes textes… »

Westerman

Easy Money (2018)

« Bien que plus très récente, je l’écoute tout le temps. Westerman a une voix extraordinaire, et incroyablement old school. J’aime bien ces sonorités alternatives indie, dans lesquelles il incorpore aussi des éléments folk. C’est étrange de connaître personnellement l’auteur, et de ressentir l’œuvre de l’artiste d’une manière complètement différente que la personne qu’on connaît en privé. »

Big Thief

Simulation Swarm (2022)

« Quand je travaillais à mon dernier album avec Will, on se disait que ce serait vraiment top d’avoir un son homogène sur l’ensemble de l’album. Et on s’est souvent inspirés de cet album. Mais il est insaisissable… C’est comme si tous les titres avaient la même source. C’est épatant quand des groupes arrivent à faire ça. Peut-être parce qu’ils sont ensemble depuis longtemps et se comprennent instinctivement. »

MOLLY DANIEL LOU BOYD

4 MAI 2025

L’éternel apprenti

Seb Harris est connu sur les réseaux

pour ses contenus mêlant sport et humour. Pour lui, peu de temps mort, et une quête, nécessaire à son bien-être : le prochain challenge – en novice. Portrait.

Commençons par un coup d’œil au site de Glow Up, l’agence qui accompagne Seb sur son image. « Seb, Anglais et passionné de tennis, est un créateur de contenu lifestyle qui mêle humour britannique et charme français… » « C’est pas moi qui ai écrit ça !, plaisante l’intéressé, lors de notre entretien début décembre. L’humour, c’est une question de point de vue, mais il y a des gens qui trouvent que ce que je fais est drôle. Passionné par le tennis et le sport, clairement ! J’ai joué au tennis toute ma vie. » En fait, Seb a commencé la raquette à 5 ans. Né en Angleterre, son rêve était de rejoindre une université américaine pour jouer au tennis. Ce qu’il a fait de ses 18 à 23 ans dans une université de Caroline du Nord. « Aux USA, ils sont fous de sport, la scène universitaire est super pro, et tu peux recevoir une bonne éducation. Ensuite, tu deviens pro ou coach. Mais je ne voulais faire ni l’un ni l’autre… En fait, je n’étais pas assez bon », rectife-t-il.

the red bulletin : En prendre conscience fut un moment difcile ? seb harris : J’avais donné mon max, donc j’étais heureux avec ça. Je voulais apprendre quelque chose de nouveau, de frais. Ce fut l’Ironman. Mon meilleur pote au UK, Oscar Glenister, m’a parlé d’un Ironman à Hambourg, en Allemagne, et j’ai suivi cette idée.

Vous vous y connaissiez en Ironman ? Quand j’étais gamin, je voyais tous ces trucs d’endurance et je me disais que je ne pourrais jamais y arriver. Je n’avais jamais vraiment nagé, mon niveau de nage est épouvantable…

Toujours ?

Au moins, je ne coule pas… (rires) L’endurance, je n’y connaissais rien, alors j’ai commencé à m’entraîner aux USA, tandis que je coachais les joueurs de tennis de mon université. Quand mon pote s’est

inscrit pour Hambourg, et que je lui ai dit : « Okay, je viens ! », il a été surpris. (rires) C’était très cool. J’avais fait un demiIronman au Texas, en mars. Pour voir à quoi ça ressemblait. Sinon, je n’avais fait qu’un triathlon. Pour Hambourg, en juin, j’étais nerveux, je n’avais jamais fait un format complet et long. Mais j’y suis arrivé.

Et ensuite ?

Le tennis prenait tellement de place dans ma vie… et l’Ironman est arrivé et a pris lui aussi beaucoup de place. Après cette épreuve, du jour au lendemain, plus d’entraînement, plus rien… C’est quoi la suite ?! (rires) J’étais au ralenti, je ne faisais pas grand-chose, j’étais peut-être un peu déprimé. Alors je me suis dit qu’il fallait apprendre à nouveau, complètement.

SUR LES RÉSEAUX

Membre du team fitness de Red Bull et actif sur IG et Tik-Tok, Seb revient sur son activité de Content Creator.

« Ça a commencé aux USA, quand je faisais du tennis, mon ex-compagne et moi avons débuté tous les deux, on faisait des contenus amusants –à nos yeux. On postait pas mal sur son compte Insta, puis j’ai lancé le mien, quelques mois plus tard. Au début, je ne m’intéressais pas du tout aux réseaux sociaux… Ce n’était pas un but en soi, on voulait juste faire des trucs marrants. Et puis les gens ont apprécié, ça les a fait marrer, c’était cool, j’ai continué. Et j’avais cette passion, le sport, et je me suis demandé comment l’intégrer à tout cela, avec une idée en tête : m’amuser à mon tour en créant ces contenus. J’aime le sport, mais je ne suis pas un athlète pro, donc j’aime à penser que ça doit être accessible. Aussi, je pense que les gens peuvent se retrouver dans des contenus liés au sport, même s’ils ne le pratiquent pas. »

Et la suite, ce fut cet Artic Triple dans les Lofoten, trois épreuves : skimo (mars), ultra-trail (mai) et triathlon (août) qui vous attendent en 2025...

Je suis super excité par ce truc, mais il me faut un plan d’attaque. Je sais que ça va être gros, je ne prétends pas pouvoir le terminer, mais je vais faire mon max pour.

Comment résumer ce challenge ?

En fait, je ne sais pas quoi te dire… L’épreuve est dingue, donc je suppose qu’il doit se passer quelque chose de pas normal pour avoir envie de faire ce truc-là. (rires) Je dois apprendre le ski très vite, car c’est la première épreuve.

Il s’agit du Lofoten Skimo (abréviation du terme anglais ski mountaineering), du ski-alpinisme…

Sur 32 km, je crois, tu fais du cross-country skimo jusqu’en haut de la montagne, et puis tu redescends à ski. Ça c’est en mars. Ensuite, c’est ultra-trail, 160 km… Il y a beaucoup de dénivelé, 7 000 m… (rires)

Comment vous préparez-vous ?

Pour l’instant, j’essaie d’être plus résistant, en termes de fortifer mon corps, pour éviter les blessures, je fais trois séances de renforcement musculaire par semaine, et deux autres séances de ftness axées sur la prévention des blessures. Et je fais environ 60 km de course à pied par semaine, mais je ne sais pas si c’est encore optimum.

Et le ski, vous commencez quand ?

Dans trois jours, à Chamonix, avec Mathis Dumas, un alpiniste et vidéaste, qui a accompagné Inoxtag sur l’Everest. J’aimerais aussi pouvoir bénéfcier de conseils d’un athlète comme Sam Laidlow (notre cover, ndlr) pour l’aspect Ironman. C’est une bête, et il semble super cool, je ne pense pas que ce soit le triathlète typique.

La famille de Sam est très sportive, vos parents vous soutiennent ?

Ma mère, physiothérapeute, me dit de ne rien me casser. (rires) Normal, c’est ma mère. Elle sait à quel point c’est exigeant.

Et votre père ?

Mon père est très malade, il a un cancer, et il a aussi subi deux arrêts cardiaques. C’est quelque chose qu’il subit, qu’il n’a pas choisi, comme rester assis six heures lors d’une séance de chimiothérapie avec un tuyau dans le bras. Alors, dans les moments où j’ai un peu de mal à me motiver, à me bouger, je pense à sa situation. Ça me donne de la motivation, de la force, en quelque sorte.

IG : @seb_harris

« L’endurance, je n’y connaissais rien. Mais je me suis lancé. »
Seb Harris, 25 ans, grand sportif depuis l’enfance

Fighting Spirit

Actif sur la scène retrogaming et jeux de combat depuis les années 90, Guillaume Dorison est aujourd’hui directeur sportif du Red Bull Kumite, un tournoi majeur sur le jeu Street Fighter qu’il a co-créé il y a dix ans, et qui célébrera son incroyable décennie à Paris. Rencontre.

Texte Brice Bossavie Illustration Kalon

Trente. C’est le nombre d’années qu’a dédié, à date, Guillaume Dorison à sa passion : le retrogaming et les jeux de combat. Trois décennies à voguer dans l’univers des fanzines, des chaînes de télé spécialisées, des mangas ou de la BD, et aujourd’hui de YouTube ou Twitch, pour partager son amour d’une culture venue du Japon qui le fascine depuis l’adolescence.

Partage d’un nouveau monde

Figure importante de la culture retrogaming mais aussi des jeux comme Street Fighter, celui que l’on connaît aussi sous le pseudo de Asenka ou Izu parle au Red Bulletin en visio depuis son appartement. Derrière lui, un mur entier de consoles rétrogaming, de jeux des années 90, ainsi que d’autres trésors du jeu vidéo du dernier millénaire. « Je suis vraiment de la génération qui a grandi au début des années 90 avec la grande vague de l’animation grand public du Club Dorothée à la télé. Et surtout avec l’importation en masse des consoles de jeu japonaises, comme la Megadrive ou la Super Nintendo. »

Très vite, celui qui est alors adolescent s’éprend de cette culture, et va alors s’y intéresser aux côtés d’une bulle d’afcionados particulièrement motivés. Notamment à une époque où Internet en était encore à ses balbutiements : « On a vécu une période pionnière durant laquelle on se rendait dans des boutiques et on y découvrait des objets sans comprendre ce qui était écrit dessus, parce que tout était en japonais… Mais il y avait la fascination de tomber sur quelque chose de nouveau en magasin chaque week-end. » Au point de fnir par vouloir partager ses trouvailles :

« J’ai découvert tout ça et j’ai eu envie d’en parler. J’avais la volonté de partager ce nouveau monde, que ce soit dans des scénarios, des séries ou des événements. »

Passion Street Fighter

Guillaume Dorison va alors s’impliquer dans des fanzines réalisés entre amis, puis même lancer un magazine dédié aux jeux vidéo dans les années 2000, GameFan Une période à cheval entre les années 90 et le début des années 2000 où il va aussi se plonger dans sa seconde grande passion : les jeux de combat. À 11 ans, lors d’une session en borne d’arcade, il pose ses mains pour la première fois sur le jeu de combat Street Fighter. Sans s’en rendre totalement compte, cet instant va faire ofce de révélation : « La première fois que j’y joue, je deviens fou. Je me dis qu’il n’y aura

ENTREZ DANS LA CAGE

du Red Bull Kumite 2025 qui se tiendra à Paris les 5 et 6 avril (jour du main event). Qui dit dixième édition dit forcément anniversaire : pour son retour à Paris en 2025, le Red Bull Kumite investira la Maison de la Mutualité (Ve) dans une formule à la fois tournée vers les figures importantes du jeu en compétitif (et des neuf dernières éditions du Kumite) tout en s’intéressant à l’avenir. Huit joueurs historiques et multititrés viendront ainsi affronter huit nouveaux espoirs ou références de Street Fighter, pour un choc des générations. Une rencontre entre le meilleur des joueurs (et la meilleure des joueuses, une première pour ce format) à Paris qui sera scénarisée par Guillaume Dorison, à travers un scénario qui se dévoilera lors de l’événement. Avec aussi des clins d’œil aux événements des neuf dernières années. Comme un moyen de boucler la boucle de ces dix années. Tickets et infos sur redbull.com

plus que ça dans ma vie. Sans Street Fighter, je n’aurais pas fait ce que je fais aujourd’hui, je pense », déclare-t-il.

Ce nouveau fan de la saga des personnages Chun-Li ou Ryu va alors se mettre à organiser des tournois de jeux de combat en France durant toutes les années 2000, sur son temps libre, que ce soit sur Street Fighter ou d’autres licences, tout en se développant en parallèle en tant que scénariste pour des mangas ou des bandes dessinées en France. Une activité de passionné qui, après dix ans de services rendus à la communauté, va fnir par lui ouvrir de nouvelles portes.

Édition anniversaire

Au milieu de l’année 2014, El Chikito, responsable gaming de Red Bull France à l’époque, passe un coup de fl à Dorison. Il lui propose alors ce qui le fait rêver depuis des années : organiser un vrai grand tournoi de jeu de combat en France. Nommé Red Bull Kumite (du nom du tournoi d’arts martiaux dans le flm Bloodsport avec Jean-Claude Van Damme), l’événement va alors voir s’afronter à Paris dans la salle Wagram les meilleurs joueurs du jeu Street Fighter dans une arène, entourés du public. Avec son expérience en tant que scénariste, mais aussi d’organisateur d’événement dédié au jeu, Guillaume Dorison va alors devenir directeur sportif du tournoi, et repenser les codes de ces rassemblements de fans de Street Fighter. Dès son lancement à Paris en mars 2015, l’événement va être un succès, notamment grâce à son caractère atypique. Très inspiré par les Shōnen, ces mangas initiatiques japonais qui prônent le dépassement de soi, Dorison va à la fois inviter les meilleurs joueurs au monde, tout en mettant en place un vrai storytelling durant les rencontres. Notamment avec le décor (une cage) et des personnages sur scène qui animent les combats. « Quand les joueurs s’afrontent, tout est très sérieux. Mais tout ce qu’il se passe entre les moments où ils jouent, on est dans le show. » Une formule à la fois respectueuse du côté compétitif du jeu et tournée vers le divertissement qui va permettre à l’événement de durer, en s’exportant à travers le monde chaque année. Avant de retourner, dix ans après, sur la terre de ses débuts en France, avec ce Red Bull Kumite 2025 annoncé à Paris en avril. Comme un symbole pour Guillaume Dorison : « C’est une édition anniversaire et je l’espère, la forme fnale de l’événement qu’on avait conçu en 2015. On va célébrer ça en tout cas. C’est hyper important de faire quelque chose pour marquer le coup. » Et fêter aussi, pour lui, plusieurs décennies au service des jeux de bagarre.

« La première fois que je joue à Street Fighter, je deviens fou. »
Guillaume Dorison, directeur sportif du Red Bull Kumite

Prémices d’une LOVESTORY

Theodora, « cadeau de dieu » en grec, a marqué l’automne avec son tube sensuel et décalé KONGOLESE SOUS BBL.

Pour The Red Bulletin, elle revient sur son parcours et ses identités artistiques.

Alors que certaines des dates de sa tournée affichent complet depuis des mois, Lili-Theodora – dans le civil – sera à l’affiche de nombreux festivals en 2025. Bien plus qu’une tendance sur les réseaux, elle dévoile une réédition préparée à Londres de BAD BOY LOVESTORY. Le temps d’un échange, Theodora nous parle de ses identités cosmopolites et anticonformistes, de sororité, de sebene et de rébellion.

the red bulletin : Si on dit de vous que vous êtes l’une des alt black hotties du moment, vous dites… ?

theodora : On commence à avoir des représentations noires, et loin des clichés ce qui est encore plus cool. Il y en a déjà dans le monde, mais pas assez à mon goût et ça me fait grave plaisir à ma petite échelle d’y contribuer. Quand je poste le premier extrait de KONGOLESE SOUS BBL sur les RS, sans y penser plus que ça, on m’a dit : « Wow, on aura tout vu : une Congolaise gothique qui pose sur du bouyon », et je trouve ça trop cool !

On aime bien fixer des standards pour les Noir·e·s qui seraient autorisé·e·s à faire certaines choses et pas d’autres. On entend dire : « Les Noir·es n’écoutent pas ou ne font pas d’électro ! », alors que les Noir·e·s même ont créé ces musiques !

Est-ce que la sororité est importante pour vous et dans votre parcours ? Oui, même si elle est difficile à instaurer dans cette industrie, qui est tellement antifilles, ultra compétitive et nous insécurise vraiment. Le game est fait de telle manière qu’on nous fait comprendre qu’il n’y a pas assez de place pour toutes alors qu’on est nombreuses à avoir du talent. La concur-

rence pour moi, ce n’est pas problématique, ça n’empêche pas de s’apprécier et de se fréquenter. La véritable sororité, ce n’est pas seulement de faire des shoutouts en privé ou une fois que ça marche, alors qu’avant, on ne prenait même pas le temps de m’envoyer un message pour discuter ou bosser ensemble.

D’ailleurs, vous avez un feat avec une artiste caribéenne. On sent une sacrée alchimie entre vous… J’étais super contente d’inviter Jahlys sur mon album (sur le titre shatta BIG BOSS LADY, ndlr). Un jour, elle s’est mise à me suivre, alors je l’ai follow back direct, mais j’écoutais déjà ce qu’elle faisait depuis un moment. Au niveau de la voix… C’est une dinguerie ! Je n’avais pas capté à quel point on avait la même tonalité.

D’où vient votre musicalité si éclectique ? Je suis un vrai électron libre, je bosse avec des gens un peu fous. Ma musique est alternative dans le sens où elle brasse des influences qui n’ont pas été mélangées jusqu’ici. Et avec le temps, je me suis « délissée ». Quand j’ai sorti Neptune en 2021, mon premier projet bossé avec mon frère Jeez Suave, il y avait déjà beaucoup de mélanges. J’avais besoin de travailler mon jitsu dans tous les genres que j’écoute. J’ai toujours aimé ces musicalités-là : électro, rap, évidemment mais aussi afrocaribéennes, afro fusion, j’ai d’ailleurs fait le morceau shatta avec Jahlys avant de faire KONGOLESE SOUS BBL. Et pour ce son, c’est parce que je suis un peu folle que je me suis dit ça pouvait le faire car le bouyon a un BPM similaire à celui de l’électro. Il y a du zouk, pour le son love #IL, du rap un peu à la Timbaland avec le morceau 243 km/h… Ma musique s’écoute là où je traîne. Donc un peu partout.

Vous explorez beaucoup de musiques dans votre album, notamment actuelles et africaines comme l’afrobeats dans BAD BOY LOVESTORY ou l’amapiàno dans FASHION DESIGNA, mais pas du Congo : vous arrivez à l’expliquer ?

Je voulais faire un sebene (partie instrumentale à la guitare emblématique de la musique congolaise, ndlr) avec des musiciens que je connais. Mais c’était compliqué car la musique congolaise ne s’est pas digitalisée. On aurait pu en faire avec Jeez, mais je ne voulais pas qu’il soit mid.

D’où viennent vos alias Africky, Freaky Nasty Gal ? Et quelle est la différence avec celui de Boss Lady ?

Du rap dont c’est l’un des codes. Ça a commencé au moment de BOSS LADY L’Africky est une déclinaison afro de la Freaky Nasty Gal. J’ai une armure de boss lady, de femme forte, et en même temps je la casse aussi en disant plein d’autres choses qui sont anti « bossladyesques ».

J’ai envie de parler d’argent, de bijoux, car ce sont des choses que j’aime beaucoup dans la vraie vie, mais parallèlement, j’ai envie que les gens sachent que plus jeune, je n’osais pas sortir car j’étais trop pauvre, comme je le dis dans FNG

Pourquoi avez-vous choisi la forme du cabaret, pour présenter BBL sur scène ? Le cabaret, c’est la meilleure manière de ramener plein de cultures et ça permet de raconter ma sensualité. Et puis, par rapport au stripclub, c’est moins sexuel. Ce projet aurait pu aussi s’appeler TwentyOne. Il raconte simplement la vie d’une vingtenaire qui aime les bad boys, sortir, boire, qui fait un peu des petites bêtises. Il y a plein de femmes comme moi. Je voulais nous faire exister avec un son.

D’où vient cette confiance en vous et cette manière d’aborder votre art de manière décomplexée ?

Les gens ne m’aimaient pas. À un moment, j’ai dû être rebelle avec le monde entier. Du coup, je trace ma route, et je me fiche du regard des autres.

Focus Concerts: 07.03 à Lyon, 08.03 à Marseille, 26.03 à Nantes, 10.04 à Toulouse, 11.04 à Bordeaux, 29.04 à Lille. Écoutez BAD BOY LOVESTORY. Maison Neptune X NBFD/Virgin.

L’honnête homme

Dans l’univers du triathlon longue distance, ou Ironman, existe un athlète qui donne envie. Sam Laidlow  , 25 ans, prône une approche new school de sa discipline et sait trouver de la motivation dans la défaite. Rencontre avec un mec aussi cool qu’endurant.

Photos Ian and Erick

TRIATHLON

Un natif d’Angleterre élevé en France qui court en Australie. L’athlète Red Bull trace sa route devant l’objectif de Ian and Erick.

Un modèle unique, ce Sam Laidlow. Né en Angleterre et élevé en France depuis ses trois ans par des parents impliqués dans le triathlon, il est aujourd’hui un symbole moderne des épreuves longue distance, aka Ironman. Loin des stéréotypes d’athlètes mécaniques et froids encore associés à la discipline, Laidlow est un mec accessible, souriant et convivial.

Fidèle à ses convictions et prêt à prendre des décisions qu’il fut parfois le seul à comprendre, il connaîtra une victoire retentissante à Nice en 2023 en devenant le plus jeune Champion du monde en Ironman (une affaire bouclée en 8 h 6 min 22 sec), consolidant sa réputation dans le monde du triathlon.

Cependant, sa carrière sera également jalonnée de défis. En 2024, il subit une défaite terrible lors de l’Ironman World Championship à Hawaï. Malgré un départ prometteur et des attentes élevées, dans le dur côté course, il termine loin des premières places ; une déception qui teste sa résilience et sa détermination. Cette expérience à Hawaï, bien que douloureuse, renforce son engagement et son désir de s’améliorer. Soutenu par sa famille, il continue à s’entraîner avec acharnement, visant toujours un titre mondial, quelque chose de « gros ».

Ici, vous découvrirez les chemins pris par Sam, serez probablement surpris·e par sa vision d’une défaite plus appréciable qu’une victoire (sur le long terme) et vous prendrez de sympathie pour le mindset d’un athlète honnête, à l’image de ce sport qui l’agite depuis l’enfance.

Notre entretien débute et Sam se souvient...

« Déjà, à 7 ans, je regardais les Ironman à la télé, j’étais un peu le seul à la maison, ça commençait le soir et ça durait une partie de la nuit… J’étais le seul à rester éveillé et j’adorais ce côté last man standing. »

« Au-delà de mes performances, mon plus gros objectif, ça a toujours été de faire grandir mon sport. »

the red bulletin : Qu’est-ce qui vous plaisait ?

sam laidlow : Cet aspect robustesse, endurance… Pour moi, c’était un sport honnête. Je me disais que ça n’était pas qu’une question de talent, et comme je n’étais pas un gosse très talentueux, je pensais qu’avec beaucoup de travail, ça pouvait marcher. J’avais ce truc en tête, mais je n’envisageais pas les étapes pour y arriver.

Mais vous avez dû les appréhender, si vous en êtes là aujourd’hui ?

Quand j’ai eu 13 ans, j’ai fait des sélections pour intégrer un sport-étude doté d’une section triathlon. Il n’y avait pas des masses d’entraînement, peut-être dix heures par semaine. L’étape du dessus, c’était d’intégrer le Pôle France, ce que j’ai fait à 16 ans, à Montpellier. Généralement, les athlètes faisaient du triathlon sur distance olympique (1 500 m de natation, 40 km à vélo, et 10 km de course à pied, contre 3,8, 180 et 42,195 sur un Ironman, ndlr) de leur 15 à 30 ans environ. Une fois leur carrière « courte distance » achevée, ces athlètes passaient à l’Ironman. De mon côté, je ne prenais pas un max de plaisir sur le triathlon, mais je n’étais pas nul non plus. Mais à 18 ans, j’ai décidé de quitter ce Pôle France, mes études et tout…

Pour faire quoi ?

J’étais parti de chez moi à 13 ans, je ne savais pas trop, je me demandais juste quelle serait la prochaine destination. Je ne pensais pas du tout à rentrer chez mes parents et donc je suis allé à Gérone, en Espagne, pendant cinq mois parce que je savais qu’il y a pas mal de cyclistes là-bas. J’ai alors signé avec un club de natation, je roulais avec des cyclistes, je courais. Je venais de quitter ce qui était un peu la meilleure infrastructure à l’échelle française, et pas mal de gens se disaient : « Mais enfin, ce mec, il a pris la pire décision de sa vie… Il a quitté le Pôle France, ses études ! »

Est-ce que ça en valait le coup ?

Au bout de cinq mois, je n’avais plus d’argent. Je suis donc retourné chez mes parents et j’ai demandé à mon père de m’entraîner. J’étais revenu sur mon rêve de base, qui était de gagner les championnats du monde d’Ironman. Je suis allé direct sur ma première distance Ironman à 18 ans.

Sam dans la Valley Pool de Brisbane, piscine municipale où il aime nager quand il est en Australie.

Sa discipline favorite dans l’Ironman : le bike. Laidlow tout en profil, shooté depuis un véhicule en mouvement.

« On est parmi les athlètes les plus entraînés et les plus fit du game, mais personne dans la rue ne s’en douterait. »

Dans les temps : Sam est ambassadeur du Triathlon Squad des montres Breitling.

Et alors, ça a marché ?

Cette épreuve n’avait pas le label Ironman, et pas un niveau de fou, mais j’ai gagné avec 30 minutes d’avance. C’est là que j’ai su que j’avais vraiment un talent pour les efforts longs. Je n’étais pas le plus rapide, mais je pouvais batailler très longtemps.

Cette affaire vous a mené à un titre de Champion du monde l’an dernier !

Oui, ça fait alors sept ans que mon père m’entraîne. Quand j’étais petit, il y avait plein de petits trucs comme ça qu’on lançait avec mes parents, pour plaisanter : « Le premier Ironman que tu gagneras, tu seras Champion du monde ! » C’est fou, parce que je n’ai jamais remporté un Ironman avant mon titre de Champion du monde.

C’est-à-dire qu’un peu de dérision dans l’approche peut aider la performance ?

Ces trucs en l’air, ces jokes en famille, mais qu’on garde finalement en tête, ça peut arriver.

Follow the leaders 2 talents inspirants mais totalement différents que Sam suit sur Instagram.

Tyler, The Creator, rappeur et directeur artistique (USA) @feliciathegoat « Le mot qui le définit le mieux, c’est “unique”. Il est vraiment unique dans l’industrie de la musique, et c’est ce que j’aimerais atteindre dans mon univers. Il se fout complètement de de ce que les gens pensent de lui, il suit son truc jusqu’au bout. On a failli collaborer autour d’un vélo de mon sponsor, Canyon, pour une peinture customisée… On avait potentiellement une véritable opportunité de travailler ensemble. Ça n’a finalement pas abouti, mais c’est un gars qui adore le vélo et auquel Canyon offre du matos. »

Lilou Ruel, double championne du monde de freeruning (FR) @lilouruel « C’est incroyable ce qu’elle fait, parce qu’elle parvient vraiment à grandir dans sa discipline et à la faire évoluer. Elle a un esprit hyper créatif et pense à des choses auxquelles personne n’aurait pensé. L’autre jour, elle a posté des stories de freerun en talon. J’adore ce genre de personnes qui se réveillent un matin en se disant : “Je vais faire ça”, et qui le font ! Je l’ai rencontrée en mai dernier à Toulouse, lors de la course caritative soutenant la recherche sur les lésions de la moelle épinière, le Wings for Life World Run. Je suis un grand fan de Lilou, oui ! »

On se doute qu’il y avait une certaine conviction derrière ces blagues, tout de même…

Peut-être que oui... Je n’ai jamais craint d’exprimer mes objectifs, et je pense que beaucoup de gens n’osent pas. Même si tu prends un mec qui travaille dans un resto et dont le rêve c’est d’avoir une énorme chaîne de restaurants lui-même, il ne va peut-être jamais le dire, l’exprimer. Une fois que tu l’as fait, tu es dans une situation où tu te dis : « Merde, faut que j’assume ! » C’est un truc que je recommande à tout le monde et que j’ai appris à travers ma carrière.

Il y avait un environnement familial propice au sport chez les Laidlow ?

Mes parents avaient chacun leur métier en Angleterre, mon père était un ancien nageur professionnel et mes parents voulaient changer de vie complètement, que leurs enfants grandissent dans un bon environnement. Le style de vie qu’ils avaient en Angleterre, ça n’était pas trop ce qu’ils recherchaient. Ils sont venus s’installer en France quand j’avais 3 ans, et ils ont organisé des stages de triathlon. Mon père était coach et ma mère s’occupait du gîte. Ça m’a permis de rencontrer des gens de partout dans le monde, de différents types de cultures, tout ça très très jeune, de mes 3 à mes 13 ans. Et ça n’a pas de prix. C’était vraiment une entreprise familiale : on prenait nos repas avec les guests, on s’entraînait avec eux. Du coup, moi qui suivais une scolarité normale, je n’avais qu’une envie, c’était de m’entraîner avec ces gens qui étaient à la maison tout le temps, et d’aller faire du vélo.

Il y a quelques décennies, voire quelques années seulement, quand on entendait parler de triathlon ou d’Ironman sans approcher ce milieu, on s’imaginait des Terminator, des machines. Pour beaucoup, croiser un mec qui disait : « Je fais du triathlon », c’était de la science-fiction… Qu’est-ce qui s’est passé pour qu’on en arrive à des athlètes comme vous, accessible et souriant, avec une bonne vibe ? Comment avez-vous vu cela évoluer de l’intérieur ?

J’ai grandi en étant au contact de ce sport parce que j’étais toujours entouré de triathlètes dans le cadre familial. Mais je prenais du recul, et je savais que le triathlon pouvait être très ennuyant et que personne n’allait le regarder. Et j’ai voulu amener quelque chose de nouveau. Un peu plus de détente, de la fraîcheur, un certain style à ce sport… Le sport

« Mon rêve c’est d’avoir une grande maison où l’on peut faire du sport entre amis et de gros barbecues. »
« S’il y a des risques à prendre mais que la destination est folle, je les prendrai. »

d’endurance, en général, oui, ça peut être ennuyeux. Personne ne va s’asseoir devant la télé pendant huit heures pour regarder un mec pédaler. Il faut autre chose, des personnages, du caractère.

Vous vous inspiriez de qui ?

Il fut un temps où mon idole, et pas que la mienne, était Jan Frodeno, qui est un peu le GOAT du triathlon longue distance (il est le premier homme à avoir remporté à la fois les Jeux olympiques de Pékin en 2008 et le championnat du monde d’Ironman à Hawaï, ndlr). Mais j’ai mis longtemps à comprendre qu’en fait, il ne fallait pas que je me focus trop sur lui, parce qu’il est allemand, robotique, carré... J’ai mis du temps à comprendre que ce n’était pas mon chemin.

Quel était-il ?

Je voulais montrer que je suis aussi humain, qu’il y a des jours où je suis vraiment exceptionnel et des jours où je suis terrible, mais que j’apprends de ces situations pour me relever au final.

Plus accessible ?

À droite, Sam trace sa route au bord du Kedron Brook, rivière qui traverse Brisbane.

Ouais… Je trouvais que dans le triathlon, tout le monde avait cette image très polie, très carrée, pas très excitante. Je suis en Australie en ce moment et hier soir, j’ai assisté à un match de foot féminin. Il y avait un véritable show, avec des flammes, des trucs comme ça… Comment c’est possible ? Comment rendre ce sport plus excitant ? C’est compliqué.

On sent que ça vous tient à cœur.

Je suis un vrai amoureux de ce sport. Et au-delà de mes performances, mon plus gros objectif, ça a

toujours été de faire grandir ma discipline, même si c’est un tout petit peu. Je n’ai que 25 ans, donc ça va prendre du temps…

Ça pourrait passer par quoi ?

Il faudrait croiser le triathlon avec d’autres sports. Mon partenariat avec Red Bull en est l’exemple, j’ai notamment choisi de m’associer à la marque car je savais que cela m’ouvrirait des portes. Les gens qui suivent Red Bull aujourd’hui, comme quand j’étais gamin alors que je voyais du DH ou du skate, ils se disent : « C’est qui ces mecs ?! » ? Et j’espère qu’il y a un gamin qui, en regardant les championnats du monde à Hawaï, voit mon casque et se dit la même chose.

Même si vous voulez l’emmener ailleurs, on sent que vous vouez un respect absolu à votre discipline. Qu’est-ce que vous aimez vraiment dans la longue distance ?

J’ai déjà utilisé le terme au début de notre conversation, mais c’est un sport très honnête et très complet, et pas seulement physiquement. On passe tellement de temps à faire des recherches sur l’aérodynamisme ou la nutrition, sur chaque petit aspect. Un Champion du monde d’Ironman, c’est un mec très complet. Il y a quelque chose qui me vient à l’esprit du coup...

Quoi donc ?

J’étais à Dubaï il y a deux semaines et je suis allé dans une énorme salle de fitness. La plupart des gars qui étaient là y étaient pour se montrer. Et nous, c’est tout l’inverse. Je trouve qu’on est sûrement parmi les athlètes les plus entraînés et les plus fit du game, mais personne dans la rue ne s’en douterait. On fait ça vraiment pour nous, tu vois ? Pas pour se montrer.

C’est assez cool à entendre de la part d’un Champion du monde…

C’est un sport très humble. On est seul contre soimême. Dans ta course, tu as un mec 4 minutes derrière et un autre 3 minutes devant. Tu es vraiment seul, face à ton corps. C’est ça que j’aime. On fait ça pour repousser nos propres limites, pour rien d’autre.

Rien à voir avec Dubaï, mais vous avez votre propre salle d’entraînement maison, chez vos parents, dans les Pyrénées orientales. Oui, en fait j’ai mon chez moi à 100 mètres de chez mes parents, et on s’entraîne dans leur garage. Le spot a pris feu, d’ailleurs.

Que s’est-il passé ?

On avait un compresseur d’air pour gonfler les pneus et il a court-circuité et ça a pris feu. On est en train de finaliser sa reconstruction.

C’est un plus d’avoir une salle à 100 mètres de chez soi ?

Dans ma discipline, c’est assez commun. Dans le jargon, on appelle ça une pain cave, une cave pour souffrir. (rires) J’aime bien notre pain cave, qui, contrairement à d’autres, n’est pas toute clean et minimaliste, mais plutôt un garage, avec ce côté Rocky qu’on aime bien. Mais on a tout le matos qui convient, ceci dit.

Ses records

Ironman World Championship

Nice 2023

1er Français Champion du monde Ironman et plus jeune Champion du monde Ironman à l’âge de 24 ans.

Ironman World Championship Hawaii 2022

Second meilleur temps de l’histoire ; meilleur temps vélo en 4 h 4 min 36 sec ; meilleur temps pour un triathlète français.

Ironman de Lakesman 2019

Meilleur temps sur distance Ironman jamais enregistré au Royaume-Uni.

Résultats majeurs

1er au Challenge London (2023), en 3 h 29 min 31 sec

2e à l’Ironman World Championship Hawaii (2022)

2e à l’Ironman UK (2021)

1er du Triathlon de la Montagne Noire (France 2020)

1er au Lakesman Triathlon (2019)

« Pour la première fois de ma vie, je me levais le matin sans savoir où je voulais aller. »

Vous y êtes souvent ?

Généralement j’y suis avec mon partenaire d’entraînement, et l’hiver, on peut y passer 5 ou 6 heures par jour. Il y a un côté un peu rustique, cool, un peu comme les salles de boxe. Après, pour le long terme, j’ai acheté un ancien domaine viticole que j’ai vraiment envie de développer en y créant mon environnement idéal. Piste d’athlé, piscine, tout ce qu’il faut. Peut-être que quand tout cela se réalisera, je serai trop vieux pour faire du sport, mais on verra. (rires)

Mon rêve c’est d’avoir une grande maison où l’on peut faire du sport entre amis et de gros barbecues. Inviter des amis et partager. C’est important d’avoir un équilibre, boire des coups avec ses potes, faire du sport. On partage ces mêmes valeurs.

Qui sont les gens qui vous entourent ?

On me demande souvent quel est mon plus gros atout : vélo, position, aérodynamisme ? Je dis toujours que c’est ma capacité à à motiver des gens autour de moi pour un même objectif, et que je prends du plaisir à faire ça. Pour me démarquer, pour arriver à être le meilleur, je savais qu’il fallait m’entourer de personnes qui croyaient en moi. Au début, ça a donc été mes parents, et petit à petit, de plus en plus de gens ont cru en moi. L’équipe s’est un peu agrandie… Je dirais que la première personne qui m’a aidé, c’était

un médecin qui s’appelle Marty. En fait, quand je suis parti du Pôle France, j’étais surentraîné.

C’est-à-dire ?

On m’a fait une prise de sang banale qui a révélé que j’étais KO. J’ai mis six mois à m’en remettre. Et ensuite, on a découvert que j’avais des problèmes de bide et Marty m’a aidé. Quand j’ai gagné à Nice, il n’y avait que mon père, moi et mon partenaire, Arthur ; la vie était très simple.

Vous avez souhaité plus vous structurer après ce titre à Nice ?

Oui, et j’ai organisé une espèce de team building dans un hôtel 5 étoiles en Italie. Je voulais avoir un expert dans chaque domaine et qu’on se dirige ensemble vers un objectif commun. Mais au final, je pense que j’ai over compliqué la chose. Du coup, en cette fin d’année, avant Hawaï, on a réduit l’équipe à nouveau. Et pour l’an prochain et les années à venir, j’ai envie de garder la plus petite équipe possible.

Vous avez un tatouage dans le dos, un bateau sur les flots : A smooth sea never made a skilled sailor. Quelle est l’ambiance à bord du Sam Laidlow ? S’il y a des risques à prendre mais que la destination est folle, je les prendrai. Les orages, les tempêtes… c’est avec cela que je grandis. Plus je prends de risques, plus je grandis vite en quelque sorte.

Vous avez été dans une sacrée tempête après Hawaï, et quelques jours plus tard, vous postez une photo, tout sourire, sur Instagram... Quand j’ai gagné le championnat du monde l’an dernier, j’ai vraiment vécu trois mois horribles. Ça peut paraître bizarre, mais j’ai beaucoup mieux vécu les trois mois après un mauvais résultat aux championnats du monde que les trois mois après mon titre.

Comment cela ? Ça paraît impensable…

Parce que pour la première fois de ma vie, je me levais le matin sans savoir où je voulais aller. J’ai réalisé que plus je me fixais un objectif de fou, plus j’allais être heureux parce que je n’allais jamais y arriver. (rires) Si j’y parviens, c’est top, mais un accomplissement, au final, il passe et tu lui dis ciao ! Après Hawaï en 2024, j’ai trouvé du positif dans ma déception, en me disant que je pouvais me lever pendant 365 jours et encore aller chercher ce rêve qui est de gagner un autre championnat du monde. Le journey (voyage en anglais, ndlr), c’est vraiment ça le plus cool… Même si je sais que ça peut sembler hyper cliché, c’est vrai : se lever le matin en ayant un but majeur devant soi, ça a vraiment de la valeur.

Comme l’euphorie de la victoire à venir en tête ?

C’est vrai, cette victoire à Nice fut un moment de plénitude extrême. Il y avait plein d’amis et ma famille, et je ne m’y attendais tellement pas. Trois semaines auparavant, j’avais le COVID, et j’avais fait une saison assez merdique... Je n’y croyais plus vraiment. Voilà quelque chose que j’ai appris : on ne sait jamais de quoi demain sera fait. Ça, c’est assez fou.

IG : @samlaidlow

Oklou ici porte un top de Prototypes.

MUSIQUE D’ENFANTS POUR ADULTES

Avec son premier album choke enough, la chanteuse, productrice et compositrice française Oklou livre une œuvre à la croisée de la quête personnelle et de l’exploration musicale. Entre l’écho d’un passé digital abondant et un retour à l’essence même de la création, l’artiste s’interroge sur les notions d’émerveillement et de mélancolie, dans un récit sonore où chaque note est une question.

Texte Marie-Maxime Dricot
Photographe Remi Besse
Stylisme Pierre Demones
Coiffure et maquillage Kevyn Charo

Do you remember Internet? Au début des années 2010, la musicienne et productrice Oklou, née en 1993, n’a pas encore de répertoire véritablement défini, et en est encore à chercher le son qui la caractérisera. En parallèle, elle apprend à être DJ, s’appuyant sur la plus grande source d’informations en tout genre de l’ère moderne : Internet. Pour les jeunes artistes, qui, comme elle, ne disposent que d’une chambre, d’un ordinateur et d’un clavier, Internet représente à l’époque un lieu de découvertes, de liberté et de possibilités infinies. C’est d’ailleurs via le web (avec une adresse IP localisée dans l’Ouest de la France) que Marylou Mayniel, de son vrai nom, fait ses débuts, avant de tourner aux côtés de Caroline Polacheck et Oneohtrix Point Never. Et c’est seule chez elle qu’elle explore les méandres du web et se connecte à d’autres utilisateur·rice·s, via YouTube et SoundCloud, avant de venir s’installer à Paris. Peu de temps après, en 2014, Oklou sort son premier EP, Avril, inspiré par l’art post-Internet qui ne laissa pas le monde de la musique indifférent. Six ans plus tard, elle explose avec sa mixtape Galore, un premier LP acclamé par la critique. Véritable fantaisie romantique, ce projet musical traduit une expérience utopique et onirique devenue universelle, à laquelle tous et toutes peuvent se raccrocher sans vraiment savoir si les morceaux nous rendent tristes ou heureux·ses. La seule chose qui compte, c’est que sa pop électronique, qui trouve son énergie dans les profondeurs d’Internet, s’inscrivant ainsi dans l’esprit du temps, fait du bien.

Au revoir digital world

Seulement, à l’approche de la sortie de son premier album, choke enough, la productrice, toujours aussi fascinée par l’ambivalence de la mélancolie qu’elle injecte dans ses compositions, nous confie que la réalisation de l’album n’a pas été évidente. Elle écrit même sur son compte Instagram le 4 septembre 2024 : « Je n’ai rien posté pendant un moment parce que j’avais l’impression de ne pas répondre à vos attentes en ce qui concerne mon travail qui consiste à produire de la musique. » Pour Oklou, il s’agissait avant tout d’une blague pour mettre en scène son retour. Mais l’artiste confesse qu’en même temps, ce n’est pas le cas, car elle constate son éloignement des plateformes et d’Internet ces dernières années. Choses qui l’avaient nourrie jusque-là. « C’est dû à mon évolution. Depuis que les réseaux sociaux existent, j’ai toujours été très connectée. J’ai toujours adoré pouvoir contacter des gens, pouvoir partager,

En digne milléniale, Oklou, ici habillée en A.A. Spectrum, aime jouer avec les codes de la mise en scène.

pouvoir m’exprimer. Mais aujourd’hui, j’éprouve un désintérêt lié au fait que ce qui m’a toujours nourrie a disparu dans mon algorithme. Je n’y trouve plus d’émerveillement, je ne suis plus interloquée par des contenus, ni transportée par des artistes. » Internet, le vivier d’idées, serait devenu stérile… Ce constat d’appauvrissement numérique marque un tournant dans la démarche artistique d’Oklou, la poussant à chercher ailleurs ce qui avait toujours alimenté sa production musicale. Sans perdre de vue cette quête d’émerveillement et d’innocence, elle a choisi de se confronter à ce vide, pour en faire la matière première de choke enough.

« Ce vide d’émerveillement post Galore est un des questionnements de l’album, qui correspond à la période où je m’éloigne d’Internet. C’est inédit pour moi. » Désormais, l’artiste recherche les vibrations de la vie autrement puisqu’elle provoque des imaginaires par force et nécessité en convoquant d’autres médiums comme la littérature. « Quand tu as fait partie d’un environnement tellement riche, ce n’est pas dévident, donc je me suis remise à lire des livres. »

Parmi ses lectures, on trouve le célèbre poème basque Txoria Txori, écrit par Joxean Artze. Il conte l’histoire d’un oiseau, dont les ailes coupées (symbolique phare du texte) interrogent les concepts de liberté et d’appartenance, et « de ce qu’on peut rechercher dans une relation lorsqu’on tombe amoureux », ajoute Oklou. C’est de ce poème que la chanteuse s’inspire pour écrire blade bird, le seul morceau de l’album qui traite d’amour. Un titre qu’elle avait pensé « plus énervé », mais qui a finalement évolué vers une forme musicale douce proche de la pop-indie, se différenciant ainsi du reste de la tracklist, tant par sa structure que sa mélodie et son sujet.

La quête

Thèmes intrinsèques à l’album, la mélancolie et l’émerveillement sont très identifiés dans les morceaux thank you for recording, obvious et forces, grâce à la manière dont les mélodies et les harmonies convoquent nos sens et réveillent notre goût du risque. On se retrouve soudainement au cœur d’un jeu d’aventure ou d’un comfort game, qui met en lumière l’exploration et les résolutions d’énigmes comme dans The Legend of Zelda ou Animal Crossing. « Travailler autour de thèmes qui évoquent ces univers du gaming, c’est ce que je préfère au monde. Et j’utilise la flûte, il n’y a pas plus jeux vidéo que ça. Ce que j’aime pardessus tout, c’est écrire ces mélodies qu’on pourrait entendre dans une Game Boy », nous explique la

« Ce vide d’émerveillement post Galore est un des questionnements de l’album, qui correspond à la période où je m’éloigne d’Internet. »

« Travailler autour des thèmes qui évoquent les univers du gaming, c’est ce que je préfère. Et j’utilise la flûte, il n’y a pas mieux comme ambiance de jeux vidéo. »

pose devant l’objectif

Un shooting The

pour célébrer

Elle porte un top de Joanna Parv, un jogging Y-3 et des mules Prototypes.

Oklou
de Remi Besse au Scald Record studio.
Red Bulletin
la sortie de son album.

productrice qui souhaite que ces thèmes avec synthés et flûtes fassent partie de vraies chansons. « J’ai envie de les amener vers une structure et un ressenti de chansons pop. Je ne sais pas si j’imagine des univers quand j’écris et quand je joue mes morceaux, mais je puise très certainement des énergies dans les personnages comme Gurki du Chaudron Magique ou Edgar dans Le Voyage d’Edgar dans la forêt magique. C’est très inconscient tout ça. »

Les trois morceaux cités plus haut font naturellement le lien avec le genre musical hyperpop dont Oklou maîtrise tous les codes, comme on peut l’entendre sur ict et le morceau éponyme de l’album. L’hyperpop est née au Royaume-Uni au début des années 2010 grâce à Sophie. Ce courant de niche se distingue ces dernières années avec des figures comme Charli XCX et aussi A.G. Cook (le fondateur du label PC Music) et le producteur Danny L Harle (on les retrouve tous deux sur choke enough).On assiste actuellement à l’avènement de l’hyperpop, dont les artistes phares font la une des playlists de Spotify et Apple Music, devenant une catégorie fourre-tout. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit là d’un genre relatif à une scène musicale, dont l’expression exagérée se traduit par une utilisation de mélodies de synthétiseurs audacieuses, de voix autotune, d’une compression et d’une distorsion excessives, avec des références surréalistes ou nostalgiques propre à la culture Internet des années 2000 et du Web 2.0. Une dénomination qui semble aujourd’hui obsolète pour parler de la musique des enfants du numérique qui se sont rencontré·e·s sur Internet.

Esprit collaboratif

Les choix de collaboration d’Oklou ne sont pas anodins. Au-delà de son appartenance à la scène hyperpop, le label PC Music a été d’une grande influence dans la création d’Oklou : « On partage quelqu’un chose en commun avec ces personnes, ça m’a beaucoup frappée, notamment avec Danny L Harle. Quand il écoute une musique, il réussit à trouver instantanément l’ingrédient qui va venir toucher l’âme des gens. Je m’en suis encore plus rendu compte lorsqu’il parlait d’un morceau très “fête foraine” (probablement sur son LP Harlecore, ndlr), dans une interview où il isole

l’écriture harmonique (tempo, instrument, accords, traitement de voix etc.), en expliquant sa progression, de manière sincère et humble. » Cette conscientisation de la musique intervient souvent après avoir composé un morceau, puisque sur l’instant, les éléments extérieurs, l’imaginaire et le subconscient prennent le pas sur la réalisation.

Outre ses collaborations avec Danny L Harle, A.G. Cook et ses deux featurings avec Bladee et Underscores, son plus grand ami et compagnon musical reste le producteur canadien Casey MQ, qu’elle a rencontré sur les bancs de la Red Bull Music Academy en 2016. « Après deux semaines de séminaires, on est restés en contact et c’était parti. On a fait un premier EP ensemble qui s’appelait For the Beasts (2017) et lorsque j’ai décidé de travailler sur Galore, notre collaboration est venue naturellement. » Symbiose innée.

La richesse de l’union entre Oklou et Casey MQ réside dans leur amitié, qui favorise une écoute intelligente et lucide de leur figure d’artiste respective. La productrice française n’hésite pas à préciser l’importance de Casey dans la réalisation de choke enough : « J’ai besoin de lui techniquement pour avancer plus vite et mettre en place mes idées. Son apport est hyper complet, il m’aide sur les paroles, l’écriture globale d’un morceau, sur sa composition, son arrangement. Il est aussi bien meilleur que moi aux logiciels et il a la capacité de me sortir les sons de synthés spécifiques dont j’ai besoin. C’est peut-être dû à notre passé commun de musicien·ne·s classiques, mais je n’en suis pas persuadée. Entre nous, je pense qu’il y a aussi une tendresse pour une certaine musicalité qui toucherait à l’enfance et qui est extérieure à notre savoir-faire. » Si Casey a grandi avec les comédies musicales, Oklou est plutôt familière des dessins animés qui passaient à la télé. Mais ensemble, ils se retrouvent à mi-chemin dans l’expression de leur musique pour révéler une certaine tension entre minimalisme et densité émotionnelle dont choke enough est le reflet.

Sans but

Au fur et à mesure que défilent les morceaux, l’enfance se mêle à la mélancolie et les souvenirs oubliés se manifestent, sans avoir à poser des mots dessus.

« Je voulais vraiment que choke enough soit plus précis, que l’album soit une idée concrète, parce que c’est plus facile à incarner. Mais ça n’a jamais été le cas. »
À la Red Bull Music Academy, Montréal, en octobre 2016.

choke enough, déjà disponible sur l’ensemble des plateformes.

Une dimension chimérique suggérée par le titre family and friends dont le clip (réalisé par Gil Gharbi à Poitiers, ville d’origine d’Oklou) convie le public et l’artiste elle-même à prendre la fuite sans but précis. Une course qui, petit à petit, nous engouffre dans un espace mi-réel mi-fictif, à l’image d’un rêve éveillé.

« L’idée du clip était de fuir quelque chose mais nous ne savions pas quoi. Le morceau en lui-même fourmille de plein de sensations différentes. On voulait avoir ce sentiment d’être partagé·e·s entre plusieurs directions de vie, c’est très abstrait et très représentatif de ce que j’ai dans la tête à certains moments de mon existence. »

On ne pourrait rêver plus percutante musique d’enfants pour adultes.

FOCUS

IG : @oklou

En concert

À Paris : les 4 et 5 mars à La Cigale, et le 13 mars au Trianon.

Une impression d’évasion qui s’apparente à une quête libre d’interprétation, si tant est qu’elle soit liée à un doux et constant sentiment d’émerveillement, qui naissent de moments simples du quotidien. Pour Marylou, cela passe par les plantes qui lui procurent une certaine fierté : « J’ai commencé à faire de la botanique dans ma petite cour de 10 m². Parfois quand je rentre chez moi, je m’assois sur les marches et je reste au moins une heure à ne rien faire d’autre qu’observer mes plantes pour constater leur évolution, sans forcément analyser, mais pour profiter de ce travail accompli ».

Une fierté qui, toutefois, diffère de celle qu’elle éprouve après l’aboutissement de son premier album. « Je n’ai aucune honte de le dire, je suis très heureuse de cet album et de ce qu’il représente, mais il y a eu pas mal de pression pendant sa production. Après avoir vécu un projet aussi libre et fluide que Galore, même dans les moments d’erreurs, qui lorsqu’elles viennent de toi sont plus simples à accepter, ça a été différent pour choke enough. Je n’ai pas de mal avec les erreurs et les échecs, ça fait partie de la vie, en revanche, lorsqu’elles ne viennent pas de moi, là, c’est difficile. » Pour Oklou, qui aurait aimé ne pas avoir eu à se dire : « Il faut que je boucle l’album maintenant », la conception de choke enough aura été plus sinueuse que prévue. « C’est pour ça que je n’ai pas pu accéder à cette fierté de me dire, là je vous donne un truc, je sais exactement ce qu’il se passe. » Compte tenu des doutes que l’artiste conserve à l’égard de son projet, qui ne l’empêcheront pas de le défendre avec joie et dévotion, il est important de retenir que toute création, quelle qu’elle soit, n’est pas une science infuse, elle a besoin d’être nourrie et alimentée. Ainsi, en cas de vide, il devient possible de s’interroger sur l’impact de nos environnements, sur nos processus de création et le regard qu’on pose sur nos œuvres. « Je voulais vraiment que choke enough soit plus précis, que l’album soit une idée concrète, parce que c’est plus facile à incarner, mais ça n’a jamais été le cas. Depuis que je m’en suis rendue compte, je suis en phase avec le fait que l’album soit un questionnement qui ne nécessite pas de réponses. Ce qui est important pour moi lorsqu’on travaille sur un objet artistique, c’est d’arriver à transmettre les émotions de la manière la plus fidèle possible. » Avec son premier album, Oklou confirme sa place singulière sur la scène musicale française et internationale. Entre introspection et expérimentation, la productrice nous montre qu’il est absolument normal de s’interroger et parfois même d’être tourmenté·e. Affirmation de mise à l’écoute de choke enough, le mystère subsiste, car le sujet n’est autre que le questionnement lui-même. On ne pourrait rêver plus percutante musique d’enfants pour adultes. Au fil des morceaux, l’artiste pose un regard naïf et enfantin sur le sens de la vie, en partie grâce l’utilisation de la flûte, un instrument symbolique, totem de l’artiste, qui prend tout son sens dans sa quête non définie. Quant à l’auditeur·ice, iel n’a qu’à se laisser porter par l’ensemble des textures électroniques sophistiquées, tantôt club, tantôt ambient et avant-gardistes pour ressentir cet émerveillement brut sans artifice, propice à la réflexion.

Oklou ici avec une doudoune sans manche A.A. Spectrum, un pantalon Façon Jacmin et des Doc Martens.

« Aucune excuse ! »

Après une carrière légendaire (plus de quatre cents buts et trente titres remportés dans cinq pays), Zlatan Ibrahimović, 43 ans et toujours aussi fit, est toujours en quête d’adrénaline.

Le phénomène du ballon rond, redouté pour ses punchlines qui tuent, nous parle de son incursion dans le monde du sportswear, des valeurs qu’il tient à transmettre à ses enfants, et motive même notre journaliste à se bouger.

Texte Tobias Moorstedt

Plus fort que jamais : né dans un quartier difficile de Malmö, en Suède, Ibrahimović a réussi à devenir l’un des footballeurs les plus spectaculaires au monde. Aujourd’hui, il souhaite transmettre son expérience aux générations futures.

Un homme de principes : depuis la fin de sa carrière, Ibrahimović s’est donné pour mission de susciter l’engouement pour le sport auprès du plus grand nombre. Il développe avec H&M Move une ligne de vêtements de sport, « Selected by Zlatan », dont ce legging.

Avec son 1,95 mètre et ses épaules de déménageur, Zlatan Ibrahimović était aussi immense que le Colosse de Rhodes ou l’incroyable Hulk pour ses adversaires sur le terrain. Oubliez la demi- mesure : que ce soit à Milan, au Barça, au PSG, ou à Manchester United, Zlatan a joué pour les plus grands clubs et marqué plus de 400 buts. Plus qu’un simple attaquant, c’était un super- héros. Quand l’UEFA a dû expliquer son nouveau format de Ligue des Champions, si complexe qu’un tirage manuel aurait requis mille boules et duré au moins trois heures, ils ont appelé Zlatan à la rescousse. Il s’est chargé de résumer le tout dans une vidéo à la musique

digne d’un block buster : « Plus de foot. Plus d’action. Plus de passion. Plus de gloire. » Et maintenant, ce même Zlatan Ibrahimović est assis là, détendu, l’air curieux. A-t-il perdu de sa fougue depuis la fin de sa carrière ?

zlatan ibrahimović : Je vais à la salle de fitness tous les matins pour faire de la muscu ou des séances de CrossFit. Je fais du footing une à deux fois par semaine et autant de parties de foot quand mon agenda me le permet, car j’ai un emploi du temps chargé. Mais je trouve toujours un moment pour m’entraîner. Je n’ai qu’un seul programme : la constance.

the red bulletin : Vous avez dit que l’adrénaline du jeu allait vous manquer après la retraite. Où puisez-vous cette adrénaline désormais ?

Je la trouve en m’entraînant, ou en réalisant de nouveaux projets, ou bien grâce à mes enfants ou encore sur le bord du terrain. C’est différent d’un match, c’est une autre dimension. J’ai fait la paix avec tout ça quand j’ai fini par accepter que ma carrière de joueur était terminée.

Êtes-vous maintenant un Zlatan version adulte ? Quelles attitudes passées vous font sourire ?

Mon credo, c’est que le succès se joue à 50 % dans la tête. L’ego et la confiance en soi sont indispensables, sinon impossible d’avancer. C’est une bonne chose de se focaliser sur soi-même. Ça aide bien sûr d’être soutenu par son entraîneur, sa famille ou autre, mais au final, le succès reste un effort individuel. Aujourd’hui, je me consacre davantage au fait de transmettre mon expérience aux nouvelles générations. Avec l’âge, les perspectives changent.

Vous n’avez jamais pensé à vous laisser aller à la paresse après la fin de votre carrière ? À prendre du bon temps et quelques kilos ?

Je crois que je suis plutôt bien placé pour montrer combien rester actif en vaut la peine. Si j’en suis là aujourd’hui, c’est grâce au sport, c’est pour cela que je veux motiver le plus de monde possible à s’activer. Mais je ne conseille pas de pratiquer un sport en particulier ni de faire un nombre minimum de répétitions. Chacun son choix.

Le but n’est donc pas de viser le maximum mais de réduire les obstacles de départ ?

Exactement. On n’est pas obligé de devenir un immense athlète ni de s’inscrire à un club de sport. Il faut commencer par de petits exercices et construire à partir de là. Je pense que c’est quelque chose de très individuel : on peut aller se balader, essayer la marche nordique ou le style de yoga qui nous attire le plus. L’important, c’est de trouver un truc à la fois agréable et motivant. Chaque personne qui s’active et trouve sa propre voie me remplit de fierté.

Apprendre des autres : Ibrahimović avec l’un des designers de H&M Move.

Calme. Pondéré. Empathique. Est-ce là le véritable Zlatan ? Marco Materazzi, l’un de ses anciens coéquipiers qui n’était pas un tendre non plus, disait : « Il veut toujours gagner et ne tolère pas que les autres fassent des erreurs. Il s’en prend souvent à ses coéquipiers. » Peut-être cherche-t-il désormais un nouvel équilibre. Comme il le dit lui-même, il n’a aucune envie de devenir entraîneur : « Un coach travaille douze heures par jour et n’a pas une minute de libre. J’ai déjà assez de cheveux blancs. » Actuellement, il est consultant pour l’AC Milan. « Je ne suis pas une nounou ; mes joueurs sont adultes et doivent prendre leurs responsabilités », déclare-t-il. Son rôle, il le définit ainsi : « Relier les choses entre elles et veiller à ce que les gens ne se relâchent pas. »

Vous êtes connu pour votre créativité sur le terrain, avec vos retournées acrobatiques à 30 mètres ou vos buts du talon. Les footballeurs créatifs le sont-ils également dans d’autres domaines de leur vie ? Autrement dit, comment utilisez-vous votre liberté retrouvée ?

Je veux explorer de nouveaux domaines dans lesquels je ne suis pas un expert. J’ai passé 25 ans dans la bulle du foot. Aujourd’hui, je découvre de nouveaux défis. Je veux grandir en tant que personne. Dans ma collaboration avec H&M Move, par exemple, je ne m’adresse pas seulement à un petit groupe d’athlètes de haut niveau ou de scientifiques du sport, mais à tous et toutes dans le monde. Le message est simple : « Si c’est bon pour Zlatan, c’est bon pour toi aussi ! »

Avec la marque suédoise, vous développez la collection de vêtements de sport « Selected by Zlatan ». Sur le terrain, vous étiez un artiste individuel. Quel rôle jouez-vous au sein de l’équipe de développement de cette ligne ? Êtes-vous le patron ? Ou plutôt un auditeur attentif ?

Je m’implique énormément. J’observe, je teste des prototypes, je partage mon opinion. Selon mes commentaires, l’équipe ajuste les designs, s’assure de leur fonctionnalité et les perfectionne. Nous avons une excellente équipe ; chacun apporte son expertise. C’est notre troisième collection « Selected by Zlatan » et elle s’améliore à chaque fois. Je suis fier de ce que nous créons ensemble.

« Je n’ai qu’un

Les années

ZLATAN

1999

Premiers pas : à 17 ans, il fête ses débuts professionnels avec le Malmö FF et monte en première division suédoise avec son équipe.

2001

Premiers triomphes : avec l’Ajax Amsterdam, il remporte deux fois le championnat néerlandais et termine une fois meilleur buteur.

2004

Première en Italie : avec la Juventus Turin, il remporte deux championnats (annulés par la suite pour matchs truqués ; l’équipe est reléguée).

2006

Italie, deuxième partie : avec l’Inter Milan, il remporte encore trois championnats et termine une fois meilleur buteur.

2009

Petit passage par l’Espagne : il remporte le championnat avec le FC Barcelone malgré ses différends avec l’entraîneur Pep Guardiola.

2010

Italie, jamais deux sans trois (et quatre) : il remporte encore une fois le championnat avec l’AC Milan, exploit qu’il répétera à 40 ans après son retour en 2020. Aujourd’hui, il est conseiller du club.

2012

Vive la France ! Avec le Paris Saint-Germain, il décroche quatre championnats consécutifs et devient meilleur buteur du club (record battu depuis par Cavani et Mbappé).

2016

Royaume-Uni : moins à l’aise, il ne gagne pas le championnat avec Manchester United, mais s’empare tout de même du trophée de la Ligue Europa.

2018

Surfing USA : il marque 53 buts en 58 matchs avec le L.A. Galaxy avant son dernier retour en Italie (voir ci-dessus).

Du tac au tac : c’est aussi grâce à ses interviews désarmantes de franchise qu’Ibrahimović est devenu une figure mondiale. Rien d’étonnant à cela, puisque la légende de la boxe Muhammad Ali est son modèle.

Que vous a apporté cette collaboration avec les designers ?

J’ai beaucoup appris et je reste très humble lors de ces réunions. Je ne suis pas un expert de la mode. La clé du succès, c’est de rassembler des pointures dans un domaine d’expertise et d’écouter leur vision et leur point de vue. Et dans notre cas, réussir signifie que tous ensemble, on arrive à faire bouger le plus de gens possible partout dans le monde, peu importe comment.

Vous avez joué pour les plus grands clubs. Étant moi-même fan de foot, il faut que je vous demande : quel est votre maillot préféré côté style ?

J’ai joué pour de nombreux clubs très différents les uns des autres, que ce soit au niveau des couleurs, des maillots ou des traditions. Mais personnellement, je suis très attaché au maillot de l’AC Milan.

Dans le film adapté de sa biographie I Am Zlatan, on voit un jeune Zlatan âgé de dix ans se faire malmener par des grands dans une cage de foot d’un quartier difficile de Malmö. Il leur chipe le ballon, jongle avec sur le toit d’un garage et manque de se casser la nuque. Une scène qui mêle brillamment technique, goût du spectacle et audace, du Zlatan tout craché. Le football, écrivait-il dans I Am Zlatan, n’était qu’un moyen pour lui de se faire remarquer. Il aurait tout aussi bien pu enchaîner les conneries ou chercher la bagarre. Né d’un père bosniaque musulman et d’une mère croate catholique, aujourd’hui divorcés, il n’avait pas Maradona pour modèle mais Muhammad Ali. Comme il l’écrit, il était poussé par la haine, la vengeance, la colère. « C’était un vrai bad boy, le prototype d’un enfant en grande difficulté », se souvenait son ancienne directrice d’école, qui n’avait pas hésité à le classer parmi « ses cinq élèves les plus difficiles en plus de trente ans d’enseignement ». Quand on demande à Zlatan quelle carrière il aurait suivi s’il n’était pas devenu footballeur, il répond : « Gangster », tout simplement. Comment a-t-il réussi à s’en sortir ?

zlatan ibrahimović : C’est une question de mental. J’aime souffrir à l’entraînement, parce que je sais que je vais me sentir mieux après. J’essaie toujours de me donner à 200 %. Je suis heureux quand je souffre, que j’ai mal, que je relève des défis, parce que je sais que ça va me rendre plus fort.

Quelle est la plus grande leçon que vous avez tirée de cette jeunesse dans la banlieue de Malmö ?

On apprend de ses erreurs. Chaque fois que j’ai échoué, je suis devenu plus fort. Le succès est comme une vague sur laquelle on surfe, il faut juste tenir bon

« Si c’est bon pour Zlatan, c’est bon pour toi aussi ! »

et ne pas perdre le flow. Et quand on est dans le creux de la vague, il faut trouver le bon chemin, s’acharner, lutter, griffer, mordre et surtout ne jamais laisser tomber. Le travail acharné paie, c’est le secret. Mais en fait, ça n’est un secret pour personne…

Aujourd’hui, vous êtes très à l’aise financièrement. Vos enfants disposent de bien plus que vous à leur âge. Comment faites-vous pour leur inculquer la notion de résilience ?

Avec eux, j’ai trouvé un équilibre entre mon rôle de père et mon statut professionnel. En tant que père, je les soutiens et les encourage. Mon fils Maximilian a signé son premier contrat pro avec Milan Futuro. En tant que conseiller du club, je veille à ce qu’il ait la bonne attitude et fasse preuve de discipline. Je le juge comme n’importe quel autre joueur. Il doit apprendre, travailler et trouver cette motivation que j’avais moi aussi, de manière différente. Après, lui seul pourra vous dire comment il a fait. Je donne mon point de vue de père. Je lui ai transmis la discipline, le respect et le travail. Quand on veut quelque chose, il faut faire ce qu’il faut pour. Rien n’est donné, et pas seulement dans le sport.

Zlatan, je ne me sens pas trop en forme aujourd’hui, je suis crevé et j’ai du mal à me déplacer. Comment pourriez-vous me motiver à m’activer un peu ?

Tu es feignant, tout simplement ! Tout le monde peut faire des efforts, c’est une question de discipline. Commence par quelque chose de simple, quelque chose que tu aimes faire, et passe à l’étape suivante. Ne te concentre pas sur tes faiblesses, arrête de te chercher des excuses. En avant, marche ! Moi, je ne tolère aucune excuse !

IG : @iamzlatanibrahimovic

Chanson à texte qui groove… en français ?

Après deux EPs salués et des collaborations de choix avec Prince Waly, Astrønne, et Slimka, Enchantée Julia prend un tournant décisif avec son premier album ONZE. Signée chez Roche Musique, la chanteuse, figure montante de la néo-soul à la française, livre un projet intimiste et ambitieux qui marque le début d’un nouveau chapitre de sa carrière.

CULTURE

ONZE a été réalisé avec LaBlue, Tices, Crayon, Daniel Malet, Marc Antoine-Perrio, Antonin Fresson et Prince Waly.

« C’est long ! »,

s’amuse Enchantée Julia en jetant un regard rétrospectif sur sa carrière. Elle a plus de 30 ans, et son parcours dans la musique ressemble à une course de fond. « Lentement mais sûrement », ajoute-t-elle. Cette lenteur, elle l’attribue à plusieurs facteurs : le style de musique qu’elle a choisi, le fait qu’elle soit une femme, et aussi parce qu’elle a toujours suivi son instinct sans se jeter tête baissée dans les bras de l’industrie musicale. Pour elle, « les choses doivent se faire avec les bonnes personnes, au bon moment. »

Cette patience semble commencer à porter ses fruits. Depuis 2018, la carrière de la jeune artiste a pris un tournant décisif. Son premier EP, Boucle (2019), fut une exploration de son identité musicale, encore hésitante, mais déterminée à trouver sa voie. « Je co-écrivais toutes mes chansons avec mon frère de cœur Raphaël Herrerias du duo Terrenoire, qui est un super auteur. Je ne me sentais pas à la hauteur », avoue-t-elle. Un complexe qu’elle a dû surmonter pour s’affirmer en tant qu’autrice-compositrice, et chanter en français sur des rythmes néo-soul et R&B, un défi de taille dans un paysage musical français souvent frileux face à ce genre.

Nonobstant, l’EP LONGO MAÏ (2022) marque un tournant. Ce disque, dont le titre signifie « longue vie » en provençal, est à la fois une déclaration d’amour à ses racines et un mantra personnel pour conjurer les incertitudes. « J’avais besoin de me rassurer, de me raccrocher à quelque chose », confie-t-elle. L’album naît dans un contexte difficile, avec la maladie de son mari, le rappeur Prince Waly (qu’elle nomme Moussa tout au long de l’interview). Une épreuve qui, paradoxalement, nourrira la création de ce dernier et dont résultera le titre Cra$h, sur lequel on la retrouve en compagnie de Jazzy Bazz. Un moment charnière de la carrière d’Enchantée Julia.

Main dans la main

Avec Prince Waly, Enchantée Julia partage bien plus que la scène. « Avant d’être amants, on était amis et on faisait de la musique ensemble. Donc c’est très fluide et limpide, ce n’est jamais forcé », raconte-t-elle. Leur complicité artistique est un jeu d’équilibre, où chacun·e trouve sa place : « Il est un auteur incroyable, sa force, c’est l’écriture. Moi, j’ai longtemps douté de ma plume. Il m’a fallu du temps pour m’affranchir. » Mais ce temps, elle l’a pris. Sur LONGO MAÏ, elle se permet d’écrire de façon instinctive, parfois brutale, d’autres fois plus réfléchie, avec la volonté de poser des mots qui sonnent juste en français.

Cette approche exigeante de l’écriture, elle la doit en partie à ses influences. De Claude Nougaro à Henri Salvador, elle aime ces artistes qui « faisaient swinguer les mots ». Pourtant, chanter en français sur des rythmes R&B et néo soul n’a rien d’évident : « En français, ce ne sont pas les mêmes accents toniques qu’en anglais. Il a fallu trouver comment faire sonner ça. » Alors ensemble, Enchantée Julia et Prince Waly se donnent de la force et se soutiennent comme sur le seul feat. de l’album qui porte son nom, ONZE « Je suis très exigeante voire control freak. Souvent, ses idées partent de mes top lines, mais ça fluctue. On a vraiment co-écrit ONZE. Je ne me souviens même plus qui a commencé quoi, simplement que j’ai trouvé toutes les top lines dans le train en direction de Marseille. J’avais tout enregistré sur mes mémos vocaux. Et on a fini par écrire le morceau en février. »

Le poids des doutes, la force de l’ambition

Son premier album ONZE, qu’elle évoque avec une excitation teintée d’appréhension, laisse place à des montagnes de Doutes – un morceau qui résume parfaitement son état d’esprit : « Je suis dans le doute perpétuel, mais je suis aussi déterminée. Il y a cette bipolarité en moi, entre une grande sensibilité et une force intérieure qui me pousse constamment vers l’avant. » Cette dualité est palpable dans sa musique. En osant chanter en français sur des productions R&B, Enchantée Julia navigue entre introspection et recherche constante d’un son authentique. Elle se souvient d’ailleurs d’un moment clé dans son parcours : la découverte d’Erykah Badu. « Ça a changé ma vie. J’ai trouvé dans sa musique le jazz, la soul, le R&B. J’ai lu tous les textes en anglais pour comprendre de quoi elle parlait. C’était poétique. »

S’en suivront Lauryn Hill, Missy Elliott, Liane La

longtemps douté de ma

« Plus je grandis, plus j’ai besoin de retourner aux sources, c’est humain. »

« C’est de la chanson qui groove, de la chanson française, pas simplement du R&B mais des chansons à texte. »

Havas, Daniel Caesar, Frank Ocean, autant d’artistes qui nourrissent sa quête de sincérité et de justesse. Mais l’influence des États-Unis et du Royaume-Uni, loin de la brider, a permis à Enchantée Julia de « craquer la formule » pour le marché français. « Même si mes influences sont R&B et soul, ça reste de la chanson française. Du coup, j’aimerais bien qu’on écoute aussi les textes », s’exclame-t-elle. On retrouve même des touches de Sade à certains moments, comme sur le titre Ballade, dont l’instru nous replonge dans une autre époque. Une prod sur laquelle on ne l’attendait pas, puisque lorsque Tices (producteur pour Luidji, Tuerie) lui a fait écouter l’instru, personne ne la voyait sur le son, tandis qu’Enchantée Julia se disait que c’était exactement ce qu’elle voulait faire : se challenger et réussir à apporter une douceur qui groove, chaloupée.

Roche Musique : une nouvelle famille

Cette quête de sincérité trouve une nouvelle résonance avec sa signature récente chez Roche Musique. « J’avais travaillé avec eux sur LONGO MAÏ, mais ce n’était pas une signature en licence, c’était un accompagnement, une première prise de contact », explique-t-elle. Désormais, elle fait officiellement partie de cette famille. « Avec Roche Musique, on partage beaucoup de choses. J’ai le sentiment qu’ils croient en ce que je fais et qu’ils apprécient mes chansons », confie-t-elle. Dans un milieu souvent hostile, où le contrôle des majors peut être écrasant, cette liberté est précieuse : « Il n’y a aucun DA qui est là pour me juger ni me dire que je devrais m’habiller de telle manière, ou me coiffer ainsi. Ils respectent entièrement ma musique et la prennent comme elle est. »

En parallèle de cette signature, la chanteuse et Prince Waly créent leur propre société, un label indé pour préserver leur autonomie artistique. « On veut avoir le plus d’indépendance possible. Tous les artistes devraient le faire s’ils en ont les moyens », soutientelle avec conviction.

La source

L’album ONZE, conçu en quelques mois, puise son inspiration dans un retour aux sources, une reconnexion à la nature. Aussi bien romanesque que végétal, avec les titres La sève, Fleur de peau, Les Santolines ou encore la représentation des fleurs appelées immortelles en cover d’un single de l’album, fait écho au pouvoir de l’amour qui dure toujours, d’après la chanteuse. Et si Les Santolines est un des titres les plus personnels du projet, c’est parce qu’il porte le nom de la maison de ses parents dans le Sud de la France. Un lieu qu’elle décrit comme un refuge, une bulle de tranquillité loin de l’agitation parisienne, dans la montagne près d’une forêt de cèdres. « C’est une maison magnifique avec une vibe incroyable », se souvientelle. Nostalgie du Sud, Enchantée Julia chante : « Désespérée quand je vois le monde », sur Les Santolines, dans lequel elle fait référence à Paris. Difficile pour l’artiste de s’épanouir dans la capitale, faute d’être déconnectée de la nature et des plantes. Elle me dira : « Plus je grandis, plus j’ai besoin de retourner aux sources, je pense que c’est humain. Ma façon de

« Les choses doivent se faire avec les bonnes personnes, au bon moment.»

me raccrocher à quelque chose de positif, c’est uniquement via la spiritualité, c’est pour ça que l’album s’appelle ONZE » Dans la numérologie, le chiffre 11 est considéré comme l’un des nombres maîtres, portant une vibration spirituelle élevée. Par exemple, dans la Bible, le 11 est porteur de messages d’intervention divine et de transformations puissantes. Enchantée Julia habite à La Chapelle dans un petit appartement, un quartier pauvre de la ville des Lumières : « Autour de moi, ce n’est pas très joyeux, c’est assez noir, assez sale, assez triste, les gens souffrent. » Mais heureusement, une fois chez elle, dans son cocon, avec ses chats, la chanteuse sourit à nouveau en pensant à la maison de ses parents, laquelle n’est autre que le point de départ d’une résidence artistique où l’album prendra forme dès novembre 2023, avec l’aide de LaBlue à la réalisation.

Pour Enchantée Julia, cet album est plus qu’une collection de morceaux, c’est « la concrétisation de pas mal d’années de galères, intérieures et extérieures. C’est de la chanson qui groove, de la chanson française, pas simplement du R&B mais des chansons à texte » qu’elle assume. Un accomplissement personnel, où chaque morceau semble vibrer d’émotions brutes, souvent douloureuses. Dans Doutes, elle chante son environnement parisien, ses angoisses, ses peurs, mais aussi ses aspirations. « C’est une chanson que j’ai du mal à écouter, elle me fait mal au cœur. Elle me remet dans des moments d’angoisse et de peur. À la fin, il y a un réel cri du cœur avec les ad libs qui sont assez intenses », avoue-t-elle.

Comme un manifeste

ONZE est le reflet d’une femme en quête d’équilibre, entre une carrière qui prend son envol et un désir profond de rester fidèle à elle-même. « Je veux juste avancer en mettant mon énergie au bon endroit, avec les bonnes personnes », résume-t-elle. Ainsi, l’enjeu est clair : faire de la musique sincère, qui touche, qui émeut, et qui, surtout, ne triche pas.

Écoutez le premier album d’Enchantée Julia, ONZE. En concert le 3 avril au Trianon, Paris .

« Je pense qu’après avoir fait beaucoup de feats, il était temps que je fasse le focus sur moi. » Plus qu’une affirmation de soi, il s’agit pour Enchantée Julia de se recentrer sur sa propre musique après des années de collaborations. Et le résultat est là : un album riche, dense, à la fois intime et universel, qui cherche à bousculer les a priori sur le R&B et la néo soul en France. Enchantée Julia sait qu’elle n’a pas fini de douter, de se remettre en question. Mais elle avance, portée par cette « petite voix intérieure » qui lui dit que tout est possible.

IG : @enchantee_julia

Mieux qu’un go fast au Sri Lanka ?

La mélodie de Nilusi

La chanteuse franco-sri-lankaise, Nilusi, 24 ans, devenue virale avec son titre Leave a Message, qui a cumulé plus de 30 M de vues, présente son premier album : Lettre à l’Univers. Une aventure musicale dans laquelle l’artiste se livre comme jamais auparavant, où la tradition rencontre des sonorités modernes, explorant une dualité culturelle, créant ainsi un pont entre l’Orient et l’Occident.

À la découverte de Nilusi

À cinq ans à peine, Nilusi Nissanka ne se doutait pas encore que son parcours l’amènerait à devenir l’une des figures montantes de la scène musicale française. Assise sur une petite chaise, les pieds ne touchant pas encore le sol, elle participait déjà à des concours de chant sri-lankais organisés dans un temple, avec une ferveur naïve et des étoiles dans les yeux. « J’avais cinq, six ans quand j’ai intégré un petit groupe de musique sri-lankaise, on faisait des tournées là-bas », se rappelle-t-elle.

Un début de carrière précoce pour cette jeune fille née en France de parents singhalais, qui baignait depuis son plus jeune âge dans une double culture enrichissante et complexe.

Dix ans plus tard, en 2015, Nilusi intègre Kids United, un groupe monté de toutes pièces par l’UNICEF, M6 et Play On. L’aventure commence presque par hasard. « Quand j’étais plus jeune, je me suis dit que je voulais être chanteuse et artiste. Et comme mes parents ne parlaient pas très bien le français à ce moment-là, j’ai cherché les castings

toute seule sur mon petit ordi. » À force de persévérance, l’implication de ses parents et de déplacements incessants de Nice à Lyon, de Marseille à Paris, et de déceptions répétées, Nilusi s’est taillé une place dans l’univers impitoyable des auditions. Jusqu’au jour où, lasse de rester dans l’ombre, elle prend son téléphone et appelle Marcos Escudero, un directeur de casting qu’elle connaît bien. Il y a une opportunité, dit-il, pour un groupe, mais sans préciser la nature exacte du projet. « Après le casting, j’ai attendu six mois avant d’avoir un retour. Je n’y croyais plus à vrai dire, et puis on m’a annoncé que j’étais prise. » Kids United, c’est une expérience de trois ans, de 2015 à 2018, qui forge autant qu’elle bouscule. Un groupe initial de six enfants, puis cinq, à côtoyer l’intensité des plateaux de télévision et des tournées, loin de l’insouciance propre à leur âge. « C’était assez spécial. Quand on est enfant dans cette industrie, on est entouré d’adultes, donc on se comporte différemment, on agit en fonction de ce que l’on nous dit. » Nilusi, alors adolescente, se trouve soudainement

plongée dans un monde où l’authenticité cède le pas aux attentes, où chaque geste, chaque mot, est mesuré et souvent dicté. « J’ai été formatée très tôt pour répondre à des attentes », dit-elle, réfléchissant aujourd’hui à ces moments où elle s’interroge sur ce qui était réellement approprié. Grandir loin de sa famille, de ses ami·e·s, sans aller à l’école, entourée d’adultes qui la poussaient à bout sans égard pour sa santé mentale, marque profondément l’artiste en devenir. « On n’était pas forcément entouré de gens bienveillants. J’aurais aimé avoir un psy à cette époque, car on était des enfants dans le top 3 en France. »

À la fin de cette aventure, Nilusi doit se reconstruire. « En sortant du groupe, j’ai dû déconstruire toute ma personne, ma manière de parler, de bouger, de penser, et j’ai fini par m’entourer de bonnes personnes, qui comprennent ma vision, comme Ray Nguyen, producteur sur l’album et réalisateur des clips. » Ce travail sur soi n’est pas de tout repos. Il a fallu du temps, du recul, et surtout une quête de sens. Aujourd’hui, Nilusi

Texte Marie-Maxime Dricot Photos Chloe Rose
« Dans cette industrie, on a tendance à blanchir nos origines ou à les utiliser. »

Dans la lignée de M.I.A. et Priya Ragu, Nilusi offre enfin une représentation sud-asiatique en France !

se sent enfin alignée avec son identité. « Ça m’a pris quelques années avant de savoir ce que je souhaitais réellement. Ça ne fait que deux ans que j’ai enfin compris, et que j’ai pu me rattacher à mon identité, qu’il s’agisse de la partie française ou sri-lankaise. » Une quête de soi qui se reflète dans sa musique, où s’entremêlent deux cultures et deux âmes. « Quand j’étais petite, je n’ai jamais vu quelqu’un de sud-asiatique à la télévision. Maintenant je reçois des messages via les réseaux me disant : “Moi aussi, je suis sri-lankaise”, ou d’autres qui sont indiennes et qui me disent que je les inspire et qu’elles se projettent aussi dans cette industrie. Je trouve ça incroyable. » Forte de cette responsabilité, elle aspire désormais à une carrière artistique plus vaste et plus engageante, mêlant musique, écriture, cinéma, et tout ce qui peut donner du poids à la culture. Une renaissance, presque, qui replace la jeune artiste au centre de ses désirs, loin des diktats de l’industrie.

« Rien ne peut m’enlever ce rêve que j’ai d’évoluer dans la musique, de faire ce que j’aime. J’ai toujours eu foi et je pense que c’est cette mentalité, qui fait que la vie me le rend. »

Créer, composer et s’affirmer

Sur la scène musicale, Nilusi Nissanka n’est pas seulement une voix, elle est une force créative. Avec la sortie de son projet, l’artiste ne laisse aucun doute sur son engagement total dans son travail. Elle compose, produit, dirige artistiquement chaque morceau et gère elle-même

son développement d’artiste indépendante, tout en menant son propre label, GleAM Records, fondé en 2018. Tout cela, sans manager. Une charge de travail qui en découragerait plus d’un·e, mais pas elle. « Je trouve ça tellement plus fluide et je me sens tellement plus libre comme ça. C’est vrai que c’est fatigant parce que j’ai plein de casquettes à la fois, mais j’aime apprendre. » À force d’observer Ray, son collaborateur de longue date, produire et monter, Nilusi a acquis des compétences techniques qui lui permettent de mieux comprendre chaque aspect du processus créatif. « Ça me permet aussi d’avoir plus d’empathie quand je fais appel à des personnes, quand j’ai les moyens », explique-t-elle. Ce qui pourrait ressembler à une surcharge devient pour elle un terrain de jeu. « Ça reste intense en période de rush mais j’adore ça », confiet-elle avec un sourire. Cette liberté d’apprendre et de s’autogérer est essentielle pour elle, car elle a découvert qu’en tant qu’artiste indépendante, les règles du jeu avaient changé. « On a de moins en moins besoin des labels, contrairement à ce qu’on peut nous dire lorsqu’on est jeune dans la musique. D’autant plus qu’en major, il y a une grosse pression. Aujourd’hui on a Internet, on a les réseaux, on s’organise vite pour des sessions. Il suffit d’un DM parfois. C’est plus simple et on est plus heureux. »

C’est à Los Angeles, en septembre 2022, que l’aventure prend un tournant particulier. Nilusi et Ray qui y étaient déjà allé·e·s en 2019 pour tourner leur premier moyen-métrage, Sci-Fi, de 28 min, pour la sortie de son EP Humanoïde, y retournent pour un writing camp. « On ne sait pas comment la décrire, mais il y a là-bas une énergie qui pousse à la créativité », se souvient-elle. Loin de simplement tourner un film, le voyage devient un prétexte pour écrire, composer, expérimenter. « On n’était pas dans l’optique de faire un album, l’idée était de trouver notre son, notre identité. Ça faisait deux ans que je n’avais rien sorti donc il fallait que je trouve ma couleur (sonore, ndlr) » C’est dans ce contexte que Nilusi retrouve un ancien camarade de son groupe de musique sri-lankaise d’enfance, Dimitri, dont le talent la fascine. « Nos chemins se sont recroisés à L.A., et aujourd’hui il fait partie de tout l’album. Il est Sri-Lankais, donc il a vraiment toute la pâte de nos musiques traditionnelles, il joue du tabla, du sitar, etc. » Cette rencontre fortuite devient le catalyseur d’un projet musical qui transcende les genres et les

Rajagiriya, Sri Lanka, 22 avril 2023. Nilusi entourée des femmes du village, ses tantes et sa mère (en jaune).

frontières. Avec Ray à la production, Dimitri au sitar et aux percussions, et Tom à la guitare, ils et elle construisent un univers musical fantasmagorique qui épouse les identités multiples de Nilusi, un pont entre l’Asie du Sud et l’Occident. En parallèle de sa carrière musicale, Nilusi se passionne pour l’image et le cinéma. Elle s’initie à la réalisation et développe son goût pour la narration visuelle. « Après avoir rencontré mes collaborateurs actuels, j’ai réalisé qu’on pouvait apprendre énormément de choses sur le tas. Qu’on peut acquérir de nouvelles passions et ouvrir de nouveaux chakras. » Son projet, Lettre à l’Univers, marque un tournant, car il n’est pas qu’un album de musique, il est aussi un long-métrage de 1 h 50, dont 78 % a été tournés au Sri Lanka, en 2023, dans l’optique d’incarner son désir de raconter des histoires qui résonnent profondément avec ses origines et son parcours. « L’album fera partie de la BO du film, bien que l’histoire de Lettre à l’Univers soit différente de celle du film... Même si inconsciemment, j’ai injecté des éléments personnels dans la fiction, qu’on retrouve sur l’album, explique-t-elle. C’est l’histoire d’une jeune chanteuse qui vit dans le futur et qui part à la recherche de son être dans une vie antérieure. C’est assez spirituel et émotionnel. »

Une spiritualité qui est ancrée en elle. D’origine sri-lankaise et de parents bouddhistes, elle raconte : « Depuis très jeune, je suis hyper déterminée, j’ai l’impression que rien ne peut m’enlever ce rêve que j’ai d’évoluer dans la musique, de faire ce que j’aime. J’ai toujours eu foi et je pense que c’est cette mentalité, qui fait que la vie me le rend. C’est donnant donnant avec la vie et j’aime cette relation. » Un art de vivre et un esprit qu’on retrouve tout au long des quinze morceaux de Lettre à l’Univers, un album que l’artiste elle-même se plaît à écouter : « J’ai l’impression que j’ai retenu ma respiration pendant de longues années et qu’enfin je peux expirer. Comme si j’avais été portée (par une force supérieure, ndlr) pendant toute la création de l’album, jusqu’à la fin, jusqu’au titre. » Un choix d’album qui pourrait aussi être une histoire à part entière, puisque là encore, comme un signe du destin, il aura fallu d’un chat pour décider, comme le rappelle Ray, qui était présent lors de notre interview. « On était au téléphone avec Dimitri et nous n’avions toujours pas de titre pour le projet, après deux ans de travail. Nous nous disions que le morceau aujourd’hui

éponyme était stylé (révérencieux), donc pourquoi pas en faire le titre, mais on n’était pas sûr. Et là, notre chat est monté sur l’ordi, a appuyé sur play et le track Lettre à l’Univers s’est joué. C’était plié. » Nilusi ajoute avec un sourire : « En réécoutant l’album, je me dis que je suis enfin sincère, que j’ai trouvé mon art et moi par la même occasion. »

« J’ai l’impression que j’ai retenu ma respiration pendant de longues années et qu’enfin je peux expirer. »

Identité et innovation musicale

Et si l’album de Nilusi était l’innovation musicale tant attendue dans le spectre musical français ? L’artiste propose une musique que l’on entend rarement, grâce à un métissage sonore poussé à l’extrême, atteignant par moments un équilibre frôlant la perfection, comme sur les titres Tereketena, Saree ou encore Boru Kata. L’autrice-compositrice-interprète, impressionne par une justesse et une authenticité saisissantes, tout en flirtant avec des influences électroniques, très break (Like That Shit) et le jazz (Birthday Girl). Elle chante également sur une fusion envoûtante de R&B, pop et tradition avec Tsunami, tout en plaçant au cœur de ses créations sa culture sri-lankaise. Plus qu’un simple hommage, Nilusi la met en lumière,

Galle, Sri Lanka, 30 avril 2023. Nilusi en plein tournage du single Boru Kata sur le toit d’une camionnette.
« Ma maison, c’est la musique. Je pourrais vivre dans un studio toute ma vie. »
Nilusi au sujet de sa passion pour la musique et des sacrifices qu’elle fait au quotidien pour réussir.

lui donnant ses lettres de noblesse entre tradition et modernité. On l’entend alors chanter en français, en anglais et en singhalais, langue avec laquelle elle échange avec ses parents.

Se reconnecter à ses racines et exprimer son identité musicalement n’a pas été une mince affaire pour la chanteuse née en France. « Je pense que depuis toujours, dans mes mélodies, je mettais un peu de culture sud-asiatique sans pour autant marquer le trait. Petit à petit, j’ai commencé à m’interroger sur la question du pourquoi je n’en mettais pas plus et j’ai réalisé que dans cette industrie, on a tendance à blanchir nos origines ou à les utiliser, pas forcément pour faire quelque chose de beau. » C’est après être devenue une artiste indépendante que Nilusi a décidé de s’attaquer à ce sujet en composant, écrivant et produisant de la musique qui utilise sa culture d’origine de manière bienveillante, sans la mettre au service d’une industrie prête à surfer dessus. Après tout, l’artiste a commencé à chanter dans un temple, au sein de la communauté srilankaise : « Ce n’est pas rien, je ne peux pas oublier ça comme ça. »

Ainsi, au-delà de se redécouvrir et de se recentrer sur sa communauté, la chanteuse a élargi son apprentissage à l’ensemble du monde sud-asiatique avec le soutien de Dimitri et Ray, avec qui elle est partie tourner les clips au Sri Lanka. Un moment exceptionnel qui restera gravé dans sa mémoire : « Pour la première fois, j’ai pu impliquer ma famille, ma grand-mère sur Leave a Message, ma mère, mes tantes dans mon projet et surtout, j’ai pu les intégrer dans mon monde ! » De tels moments sont rares, peu importe le métier ou la passion.

D’autant plus que l’artiste n’est pas simplement Sri-Lankaise, mais aussi Française, il n’y avait donc aucun sens pour elle de ne présenter que 50 % de son identité. « Le jour où j’ai enfin compris cela, un poids a disparu, je me suis sentie bien. » La réaction de sa famille, quant à elle, a été empreinte de joie, de fascination, de fierté et de reconnaissance. Une gratitude que Nilusi n’a pas comprise immédiatement, mais qui,

« On a joué de la guitare comme si c’était un sitar et on a joué du piano avec des baguettes. » Ray

au fil du temps, a pris tout son sens, car ensemble, ils et elles sont devenu·e·s un tout. Pour l’anecdote : « Ma grand-mère appelle mon père tous les jours pour lui dire qu’elle est trop contente d’être dans le clip. » Et c’est sans compter sur l’une de ses petites nièces qui, pendant le tournage, lui disait : « Je veux être comme toi un jour ».

Oui, les représentations sont nécessaires parce qu’elles inspirent, donnent parfois le courage de se lancer dans un domaine créatif, et surtout parce qu’elles apportent une confiance en soi. Elles nous montrent, dans les moments de doute, que l’on n’est pas seul·e. Elles constituent des points d’ancrage essentiels pour le bien-être de certains individus.

Compréhension

Avec le morceau Tereketena, Nilusi explore un paradoxe intime : celui de ne jamais parler de ses peines tout en aspirant à être comprise par les autres. Ce titre, qui se distingue par l’utilisation du tabla (instrument de percussion traditionnel indien ressemblant à un petit tambour), symbolise cette recherche d’équilibre entre silence et désir de connexion. « Tereketena, ce sont un peu les notes que le maître de musique nous donne pour jouer sur le tabla, un peu comme do, ré, mi, fa, sol, la, si, do. Dans notre cas, c’est Dimitri qui a donné le ton, m’explique Nilusi. C’était très dur de ramener ça dans une composition occidentale, française. Il m’a fallu presque un an pour écrire le premier couplet, même si j’avais le reste de la chanson. » Ce processus créatif, ponctué d’allersretours à Los Angeles, a été boosté par l’aide d’Yseult – artiste pour laquelle Nilusi écrit – notamment sur le refrain, et par Ray, qui a eu l’idée de fusionner deux morceaux inachevés en un seul. Mais le premier couplet manquait toujours. Et si Nilusi a mis plusieurs mois à l’écrire, c’est parce qu’elle devait d’abord accepter de se montrer vulnérable : « Je ne parle jamais de mes peines, mais j’aimerais qu’on me comprenne ; c’est quelque chose que j’ai ressenti toute ma vie. Cela tient beaucoup à la solitude, à la mélancolie et à la manière dont j’ai vécu l’expérience de Kids United, le fait d’être éloignée de mes proches. » La chanteuse confie qu’il lui arrive aussi d’avoir des moments d’absence quand les gens s’adressent à elle, car elle se trouve dans son monde, sa solitude ; un effet de son parcours d’artiste indépendante où elle sacrifie beaucoup de choses pour réussir dans sa passion.

« Jusqu’à récemment, je n’ai jamais eu de groupe d’amis, parce que je n’ai jamais pu le construire. C’est vrai que je ne m’arrête jamais. Et à cause de ça, je me suis éloignée de ma famille. »

Bien que cela ait ses aspects positifs et négatifs, la chanteuse ambitieuse, qui dormait bien trop souvent dans son studio de musique, exprime néanmoins le souhait de faire évoluer cet aspect de sa vie en trouvant un équilibre. Peutêtre en trouvant un appartement, elle qui n’a « jamais vraiment eu de maison à cause de [son] enfance artiste » et qui souhaite simplement ressentir que « lorsque je rentre quelque part, c’est chez moi », même si, en creusant un peu, elle finira par avouer : « Ma maison, c’est la musique. Je pourrais vivre dans un studio toute ma vie. »

Pour toutes les raisons évoquées plus haut, Lettre à l’Univers est un album unique qui, lorsqu’on l’écoute attentivement, révèle un ensemble de gammes sud-asiatiques. Ray, le producteur, m’explique : « C’est beaucoup dans les accords. On a joué de la guitare comme si c’était un sitar et on a joué du piano avec des baguettes pour le transformer en percussion. Dans la musique occidentale, on a le majeur et le mineur qui représentent souvent la joie et la tristesse, mais dans la musique sud-asiatique, il y a toute une panoplie de gammes qui permettent d’avoir des émotions plus nuancées, et le rythme parfois en 6-8, c’est une autre signature temporelle, qui donne lieu à des instrus plus chaloupées. » La chanteuse profite également de ce premier album pour dédier un morceau guitare-voix à sa mère, dont elle tient sa détermination : comme je l’aime, un mélange entre l’ego, la pudeur et la déclaration. « J’ai toujours eu du mal à dire à mes parents ce que je ressentais ; c’était pareil de leur côté, mais ça a changé depuis l’écriture de l’album. Ce n’est toujours pas naturel, mais au moins, on se le dit, et c’est sincère », me raconte Nilusi, qui espère ainsi établir une connexion plus profonde et développer une complicité avec ses parents. Et pour s’en rendre compte, il suffit de l’écouter prononcer ces mots sur un air de comptine : « Si ça ne tenait qu’à moi, je ne serais jamais partie, c’est dans son regard que je vois, le plus beau des paradis. »

Nilusi, Lettre à l’Univers, GleAM Records, déjà disponible sur l’ensemble des plateformes de streaming.

Les 24 Heures Doomed Mans

Samuel Lebouc (à dr.) pour une première au Mans. Sa came, c’est l’anneau de Longchamp et ses 3,6 km où il tourne comme un dément !

Texte Patricia Oudit Photos Dom Daher

Les 24 et 25 août derniers, Samuel Lebouc, dit « Black Metal Rider », connu pour être le Seigneur de l’anneau de Longchamp, a investi le circuit Bugatti des 24 Heures du Mans en force avec sa Doomed Army. Soit 44 Suicidal Urban Riders (S.U.R.) prêtes et prêts à rouler à bloc sous l’enfer de la pluie, jusqu’au bout de la nuit. The Red Bulletin était là pour vivre cette expérience démoniaque.

« Je me recharge à l’énergie du peloton. Comme si c’était un organisme vivant. C’est enivrant. »
Samuel Lebouc

Toutes les six minutes. Qu’il soit 17 heures, minuit passé, 7 heures du mat’, sous la pluie mordante, dans la nuit froide ou dans l’aube orange, Samuel Lebouc, 42 ans, passe toutes les six minutes. En métron’homme. Black Metal Rider a l’habitude des circuits. Celui de Bugatti, rendu mythique par la seconde place à bord d’une Porsche de Paul Newman en 1979, égrène ses onze virages au long de ses 4,185 km. Soit 585 m de plus que celui de Longchamp dont il ponce le bitume habituellement. Nous sommes au 24 Heures Vélo Škoda, l’avant-dernier week-end d’août. Et voici un homme, 666 en latin et en grec tatoué sur le bras gauche, fine natte tressée émergeant du casque, vêtu d’une skinsuit bardée de croix inversées, et d’un logo tête de mort, que la plupart des fidèles de l’anneau parisien voient de dos, et de loin. Un homme qui a su motiver 44 cyclistes de son team, les Suicidal Urban Riders (S.U.R. pour les intimes), de former le plus gros crew, sa Doomed Army, jamais inscrit à cette course. Investir de façon aussi massive cette quinzième édition dont les places s’arrachent en vingt minutes, et ce chaque début janvier, fut un petit exploit en soi. À inscription express, dispositif de geek : un serveur Discord créé pour l’occasion, neuf Doomed Troopers pour s’acquitter de la mission, scotché·e·s sur WhatsApp pour

cliquer de concert. Samuel, professeur d’anglais en tweed dans le civil, alors en cours, checke que le plan se déroule sans accro. Le site plante, gros flip pendant le refresh. Mais ça fonctionne. Alléluia, ils et elles seront là. Trois le feront en solo (sur 74 inscrit·e·s dans cette catégorie) dont Quentin Laffitte, Ugo Gavalda et Alexandre Duros, puis sept équipes de six, dont une mixte avec deux femmes, Julie et Eléonore.

Les 24 Heures Vélo, késako ? 3 044 dingos pris·es dans un tourniquet infernal où il s’agit d’enchaîner des tours jusqu’à l’extinction dans un univers limite carcéral fait de grilles, de barbelés et de portes en métal. Bracelet électronique « de taulard » porté à la cheville que chaque relayeur· euse doit se passer compris. Un concept plein d’attrait pour Samuel, un leader de fast pack qui mène ce qu’il appelle le “pain train” comme un possédé, embarqué dans les wagons fous de Snowpiercer.

Rembobinons : Lebouc nous est apparu un jour de février 2022 dans son antre de Longchamp, en tête d’une horde appliquée et métallique, à près de 50 km/h dans le faux plat. Un signe de main, et voilà qu’il s’extrait du fast pack avec précision. Conforme aux attentes, fidèle aux a priori qu’on peut avoir lorsqu’on s’apprête à tirer le portrait d’un homme qui se fait surnommer « Black Metal Rider ». Immobile, de profil, mâchoires verrouillées, corps sec, regard clair impénétrable. Samuel semble pressé de réintégrer le fast pack dont il est devenu, en quelques années, le patron respecté. Il déballe à gros débit sa passion pour la sape, de ses tenues qu’il imagine, et dont le Doomed et les têtes de mort se sont répandus sur le dos des un·e·s et des autres autour de l’anneau, qu’ils ou elles fassent partie ou non des plus de 3 000 adeptes de son club Suicidal Urban Riders. Entre deux sessions, le king du hellriding se livre volontiers :

JOIN THE ARMY

Revue de troupes avec quelquesun·e·s des S.U.R. , rencontré·e·s avant l’épreuve et engagé·e·s sur ces 24 heures d’endurance.

QUENTIN LAFFITTE

29 ans, en solo « Le mix vélo et metal : c’est pour ça que j’ai adhéré aux S.U.R. Les 24 Heures Vélo, c’est une première pour moi. En solo surtout, je ne sais pas trop ce qui m’attend. Je vais devoir apprendre à gérer les kilomètres, mon objectif est de 420. » Ce sera 442 km au final, et 30 minutes de sommeil pour ce designer qui a choisi, malgré un souci au genou, de rentrer chez lui à Montpellier… en partie à vélo. Hoplà, 450 bornes de plus !

Ci-dessus : let’s go! Le départ des 24 Heures Vélo Škoda 2024. Ici : Samuel passe le

bracelet de cheville et le relais à son acolyte.

sa passion tardive pour le vélo, lui qui a cessé le basket et le rugby à 16 ans, et dont les deux seuls liens avec la bicyclette consistent en Tours de France reluqués avec papy et un VTT à peine utilisé. Il concède, lucide, une propension à la bigorexie (addiction au sport) et reconnaît que faire « 500 bornes par semaine, uniquement ou presque à Longchamp, c’est un peu bizarre, vu de l’extérieur ». En 2016, Samuel s’est remis au vélo pour se déplacer. « Un pote m’a un jour prêté un singlespeed, puis je me suis vite mis au fixie. Il y a cette violence que je recherche dans cette pratique, les courses sont électriques. Fin 2016, je roulais déjà quatre fois par semaine. Et tous les jours pendant les vacances. J’étais complètement excité. Rouler vite, fort, en intensité. »

RAINER HEITMÜLLER

65 ans, relayeur

Fidèle à ses valeurs d’ouverture, Samuel Lebouc voulait absolument avoir des aînés dans les inscrit·e·s ! Rainer est venu tout spécialement de Bonn (Allemagne) pour pousser fort sur les pédales comme il sait le faire. « Dès que je viens à Longchamp, je vais les rejoindre ! Je me déplace en mini van, et bien sûr, jamais sans mon vélo. »

Samuel : « J’étais tellement content de le rencontrer enfin après des années à lui envoyer des tenues Doomed. »

Performance et style avec Samuel Lebouc, le roi du Jersey satanique.

ANTOINE MAUVOISIN

22 ans, relayeur

Avec Ugo Gavalda, le soliste, Antoine fait partie des benjamins de l’aventure Doomed Army. Si Samuel l’a recruté dans son Team Q de forts en cuissots, ce n’est pas un hasard. Le garçon aime l’extrême et la longue distance. « J’ai couru la Race Across France, je fais des GravelMan (circuit de course sans assistance, ndlr) et j’ai remporté la Race Across Paris. J’aime bien l’émulation créée par Samuel à Longchamp ! »

Longchamp ? « Jamais entendu parler. » Et il y a eu cette « petite course où je me suis inscrit et fait éclater. Mais ça m’a plu. J’ai remis ça, et en février 2017, je suis tombé sur Strava. Une étape clé ». En maniaque assumé qui s’inflige du scotch double face pour maintenir ses chaussettes en place, il instaure des rituels. Dimanche et jeudi, c’est brakeless (trad. sans frein) où l’on doit skidder (faire des dérapages successifs) pour s’arrêter. Ce qu’il traque, c’est l’adrénaline. « Je me recharge à l’énergie du peloton. Comme si c’était un organisme vivant. C’est enivrant. » Violence, intensité. Dans la vie de Samuel Lebouc, végan par éthique, sobre par nécessité, son foie ayant du mal à encaisser, il semble n’y avoir pas grandchose de mou, de neutre, de tiède, d’inco-

hérent. « Elle est égoïste, cette passion, chronophage et coûteuse, mais clairement, je m’en fous. » Deux ans et demi plus tard, il roule toujours au même rythme, chevauchées véloces en fixie à Lonchamp, en dépit d’infidélités les week-ends pour cause d’addiction nouvelle à la Vallée de Chevreuse, à raison de sorties de 180 km. Léger changement de braquet en ce qui concerne le matos également : son stock de vélos culmine à quinze aujourd’hui. « Des bons plans de geek technos immanquables, plaide-t-il, dont un Enve Melee noir qui a remporté une étape sur le Tour de France. J’aime l’objet vélo, rouler avec. Je chine parfois à l’autre bout du monde pour trouver la pièce. Monter, peaufiner, ça peut durer des mois. Je veux que ce soit des objets totalement personnels. » Un de ses vélos culte : un Skream/Doomed, collab’ collector, édition limitée à onze spades, guidoline chromée pour matcher avec l’ensemble. « Ça tue visuellement, mais ça glisse, je suis obligé de porter des gants pour le grip. »

Lebouc, de son look jusqu’à son nom en passant par son genre musical occultissime préféré, le funeral doom (Samuel Lebouc joue dans le groupe Funeralium, mot-valise créé à partir de « funérailles » et « valium »), et son kilométrage satanique arrêté pour 2023 à 36 666 km – depuis juillet 2022, il détient aussi le record de distance de Longchamp, avec 666 km évidemment – a beau afficher tous les stigmates de la radicalité, il n’est nullement client d’un quelconque sectarisme. Également bienvenu·e·s au club : vététiste de la cambrousse comme coursier punk. Chez Suicidal Urban Riders, l’éclectisme est une valeur, l’entrée libre. Une capacité à rassembler ses troupes, comme en témoigne son compte Strava fort de 7 800 abonné·e·s. « Il a dit go, on a suivi », dit Matt, un Anglais venu avec son fils de 15 ans qui le suit mais n’avait jamais rencontré Samuel et ses troopers en vrai. De fait, la Doomed Army présente au Mans est très hétérogène : composée des Allemands Christian et Rainer, et de gens de toute la France, de Montpellier à Bordeaux en passant par la Bretagne. S.U.R., c’est une communauté ouverte, un état d’esprit dont la diversité se perçoit : si les metalleux tatoués, cheveux longs sur base rasée sont en nombre, les profils, les niveaux, les gabarits, les générations sont variées, le dénominateur commun étant davantage la petite reine que le gros son hardcore.

Au sortir du paddock 9, où trône un home-trainer sur lesquels les S.U.R. s’échauffent à tour de rôle, la skinsuit noire barrée d’un énorme Doomed blanc

Au sein de la Doomed Army, le dénominateur commun est davantage la petite reine que le gros son hardcore.

« au style outrecuidant et radical tout en étant élégant », dixit Samuel qui l’a créée spécialement pour l’événement, fait son effet, et tranche parmi les accoutrements multicolores sponsorisés aux airs de panneaux publicitaires dont le cyclisme a le secret. Loge 110, un étage au-dessus, après avoir donné l’ordre de remonter le zip de sa tenue jusqu’en haut, geste incompressible pour rouler propre, beau et stylé « sinon ça sert à quoi que je me casse le c.. à faire douze collections depuis 2018 ? », Samuel teste les talkies-walkies. La répartition des teams s’est faite en fonction du niveau de chacun, avec une équipe de « vets », gang de rouleurs soixantenaires fit comme des jeunots emmenés par Rainer et Bernard, 65 et 68 ans. « Côté stratégie, rien n’est gravé dans le marbre », indique le boss en enfilant son oreillette pour pouvoir communiquer avec les cinq partenaires de son team Q, sur le papier le plus fort, avec Thibaut, Victor, Lucas, Gabriel et Antoine. « Partir sur la base de relais d’une heure, une heure vingt chacun, et affiner si besoin. Si on est dans un bon wagon, un peloton qui roule fort : ne pas couper son effort, profiter de l’aspiration. Ce qui est sûr, c’est qu’on ne pourra pas rivaliser avec les meilleurs, des machines de guerre semi-pros qui sont juste un cran en dessous du World Tour. » En attendant le départ qui sera donné par Pierre Rolland, tout frais retraité du circuit pro, l’asphalte devant les loges se garnit de coureurs tournicotant en mode hamster sur un micro-terrain de 100 m de long sur 20 m de large.

Samedi 24 août, c’est parti pour un jour. Quatorze nationalités sur la pédale de guerre. De la Belgique au Burkina Faso, de l’Irlande au Chili, du Maroc aux Pays-Bas, les endurant·e·s du dérailleur et autres forcené·e·s de la bordure ont rendez-vous à 15 heures sous un ciel excessivement menaçant. Le team Q de Samuel envoie Lucas Escout au front, le seul coureur de club, assez expérimenté pour se sortir du « chantier »

Revoici Maxime, à la fin de son terrible relais humide et froid, qui s’affale dans le paddock, après qu’une intense douleur à la cuisse se soit réveillée pendant son heure de ride nocturne.
Maxime, jeune et vaillant soldat des Suicidal Urban Riders, met les watts dans la nuit glaciale d’août, sous la flotte. Si vous regardez vers le bas, vous allez voir le résultat.

Pause énergisante sur l’escalier menant aux loges de l’un des deux Allemands venus rejoindre les S.U.R. : Christian K, « C krany » sur Strava, précise Samuel, dont les tenues s’exportent un peu partout.

La grêle est déclarée. Il est 22 heures au Mans et des hallebardes s’abattent sur le ruban d’asphalte, le rendant dangereusement glissant. L’après-midi, la Doomed Army avait déjà été bien arrosée.

ELEONORE BERTHET

25 ans, relayeuse

Avec Julie Soulet, elle est l’une des deux femmes de la Doomed Army. Elle vient accompagnée de Valerian, son copain, avec qui elle a partagé des années d’aviron en compétition. Elle a connu Samuel Lebouc et sa Doomed Army sur Strava. « Et comme on habite à côté de Longchamp… On roule aussi avec le team lors de leurs sorties en Vallée de Chevreuse. Mais moi, c’est tranquille, 27 km/h de moyenne, pas comme les furieux du fast pack ! »

qui consiste à sprinter jusqu’à son vélo, au milieu de 619 autres riders, le nombre limite autorisé à rouler en même temps sur la piste. Après le premier relais, le leader du fast pack parisien est ravi : Lucas a roulé fort, fidèle à l’ambitieux plan initial. Relais 2 : Lebouc, hargneux, bien posé sur sa monture noire de 7 kilos dont il a retiré le dérailleur pour gagner du poids et dont la selle évidée évite le martyr du postérieur, se lance, sous les auspices les plus dark, vent et grêle d’apocalypse. Voilà qui devrait plaire à Lucifer. L’équation sur ce genre de circuit est imparable comme un vieux proverbe asiatique : vent de dos sur la ligne d’arrivée, vent de face de l’autre côté. Suite à la bosse Dunlop, 1 km après le départ, 600 m de faux plat s’excitant pour atteindre les 7 %, au milieu des bourrasques à 50 km /h et qui donnent une bonne claque aux baroudeurs. Piégé dans un entre-deux, pas assez rapide pour accrocher les premiers, trop pour le reste du peloton, Samuel voit son autre prophétie se réaliser : il doit tenir seul pour sur-

Sprint ou marathon : on n’en bave pas de la même façon mais, au final, les métabolismes finissent dans le même état. DEAD.

Dans l’aube fumante du petit matin, un trooper aux petites croix inversées infiltre le pack. Derniers relais mortels !

JÉRÉMY ALMADOVAL

37 ans, relayeur

Cordiste et vélotaffeur, l’homme à casquette roule beaucoup, et aussi ses cigarettes, et est souvent à la recherche d’un briquet.

« Je viens du VTT à la base, j’ai fait beaucoup de roadtrips au départ de Seine-etMarne, où je vis, parfois en tirant de sacrées carrioles !

Je connais le groupe de Samuel depuis deux ans. Je kiffe l’état d’esprit, même si je crains de ralentir mon team ce week-end, vu le peu de temps que j’ai eu pour m’entraîner ! »

BERNARD PÉLAMOURGUES

68 ans, relayeur

Un doyen pas comme les autres, Bernard. Un des plus fidèles Doomed Troopers, 15 000 bornes par an. Le genre de néo-retraité qui écoute du Black death et drone metal.

« En 2018, j’ai repéré les jerseys des S.U.R. avec la pratique hardcore du vélo et le côté badass qui me correspondent. »

Cet ex-statisticien et docteur en sociologie a une devise : « roule le plus vite et le plus longtemps possible », laquelle est totalement compatible avec le spirit de la Doomed Army.

vivre sans se faire dropper, malgré sa roue arrière qui chasse dans la montée glissante et menace de le faire tomber. Treize tours plus tard et des crampes partout, Black Metal Rider, rincé, a tout de même assuré la sixième place de l’équipe.

Alors que la nuit s’annonce aussi lugubre que dans un roman gothique et que le cliquetis des dérailleurs continue de résonner dans le ciel de zinc, la loge 110, au premier étage s’anime. On y grignote, on y somnole, toutes ces choses vitales qu’un relais toutes les quatre heures n’autorisent qu’à moitié. Samuel, embrassant la loge du regard, esquisse un sourire : « Tu pourrais ouvrir un Décathlon entre les tapis de sol, les sacs de couchage, les lits de camp et les matelas pneumatiques dans tous les sens ! » Il est 20 heures et les feux arrière, obligatoires, s’allument. Deux heures plus tard, on les distingue à peine : un nouvel épisode brutal de grêle s’abat sur les coureurs déjà mouillés, Maxime l’un des S.U.R. est dessous, et une fois à l’abri du paddock, une douleur à la

cuisse le cloue par terre. Éreinté, il passe le relais au boss, condamné à l’aquaplaning, maudissant « les bâtards qui vont rester sec ». À son retour, alors que Samuel s’apprête à s’allonger sur son lit gonflable de dandy, la loge a muté hammam. Vitres embuées, cuissards et jerseys tentant de sécher sur l’étendoir et aux fenêtres, le tout exhalant un combo sueur/humidité diabolique. Dehors, le mercure a chuté, il fait à peine 10 °C, les haleines fument, comme les cuisses et les cœurs. Les efforts des différents coursiers sont antagonistes : les solistes comme Ugo, Alexandre et Quentin doivent se préserver pour durer, tandis que les relayeurs sont à bloc

Samuel est aux anges, un comble pour un diable de son espèce.

pendant plus d’une heure. Sprint ou marathon : on n’en bave pas de la même façon mais, au final, les métabolismes finissent dans le même état. DEAD.

“Eight hours to go!”, éructe le speaker. « Encore plus que » ? Tout dépend de la fatigue de chacun·e, mais au petit matin qui se lève de son nuage de brume et va bientôt empourprer l’herbe enserrant l’asphalte, le peloton aux deux-tiers de la course s’est étiré, les regards se font fixes, la cadence de pédalage comme anesthésiée. Des semi-zombies errent autour de l’anneau, couverture sur les épaules ou enrobés dans leurs sacs de couchage. Mary Shelley ne devrait plus tarder à descendre de la cime éblouie des arbres en compagnie de sa créature Frankenstein. Même les corbeaux se sont donné le mot. Samuel heureux de son troisième relais où il a enfin pu s’infiltrer dans le pack et rouler comme il sait, fast & furious, astique, en vue du dernier ride, son spade un Sworks Venge passé en monoplateau de 54 dents. « Super décision, même pas eu à passer les deux derniers grands pignons de droite. 54-24 max, ça suffisait largement », se réjouit-il. À cet instant, quelqu’un met du Johnny et chante sous la douche. « Ah ouais ? C’est comme ça qu’ça s’passe? », écrit Lebouc dans l’un de ses mythiques débriefs Strava. « Je leur balance du Pig Destroyer, album Terrifyer qui est juste un des albums les plus enragés jamais produits. » Rassurez-vous : au sein des S.U.R., l’ambiance restera bonne jusqu’au bout.

Pour les derniers relais, les Doomed Troopers ont tout donné : Charly, du team T, est éclaté, son cœur monté à 202 bpm ; Valerian a explosé son compteur à 52 km à l’heure ; quant à Ugo, il vient de boucler son 658e tour sans dormir, battant son record de l’an passé. Le team Q de Samuel finit douzième sur 197 équipes de finishers, 230 tours de circuit tout de même, certes loin des 1 000 km qu’il faut pour gagner. « Et on place un second team en treizième position. À signaler aussi la super perf d’Alexandre Duros qui accroche la cinquième place en solo ! » Samuel est aux anges, un comble pour un diable de son espèce.

Comme l’an dernier, ce sont les hommes en bleu de S1neo qui montent sur la première marche du podium, raflant leur cinquième titre au Mans. Aujourd’hui, Samuel célèbre une autre victoire : grâce à son relais de 4 h 56 pour 193 km de circuit, il vient de boucler 27 000 km annuels, bien parti pour afficher 40 000 bornes au compteur. « On a bien envie de revenir en 2025 ! » Vivement les prochaines 24 Heures « Doomed » Mans.

Texte Scott Johnson
Photos Shamil Tanna

AURÉLIA AGEL & JUSTIN HOWELL

Partenaires dans la vie, la Française et le CanadoAméricain se bougent pour accéder à l’élite des cascadeurs et cascadeuses d’Hollywood.

Du love en cascade

La défonce et la fête, pas leur truc. Aurélia et Justin se retrouvent sur des tapis pour se mettre quelques prises.

MR. & MRS. SMITH:

Love & War offre assez d’action pour satisfaire les fans les plus exigeant·e·s. Le fait qu’il ait suffi d’à peine 48 heures pour tourner ce court-métrage de 5 minutes dans un cimetière d’avions en plein cœur du désert californien témoigne de l’immense talent de ses auteur·rice·s et acteur·rice·s principaux·ales, Aurélia Agel et Justin Howell, deux des cascadeur· euse·s les plus brillant·e·s à Hollywood à l’heure actuelle. Pendant l’été et l’automne de l’année 2023, tandis que la grève des scénaristes paralysait l’industrie du cinéma, mari et femme se sont donné pour mission de réaliser « le meilleur court-métrage d’action possible en un temps record ». Force est de constater que ce film tient toutes ses promesses. Outre quelques corps-à-corps hallucinants, il fait la part belle au combat aérien et aux explosions en tous genres… Justin Howell – ou plutôt son bras bionique –attrape même une roquette au vol pour la renvoyer à l’expéditrice. Après deux jours passés à braver les serpents venimeux, une chaleur torride et un épuisement total, le couple, qui a failli s’entretuer, termine la scène sur un vrai baiser de cinéma.

Mr. & Mrs. Smith: Love & War est une jolie bande démo pour Justin Howell, et Aurélia Agel, nos deux cascadeur·euse·s tout en muscles mesurant plus d1,80 m et débordant·e·s d’énergie. Le couple semble être taillé dans le même granit que les superhéros qu’il double parfois à l’écran, comme les Avengers Thor et Nebula. En réalité, Aurélia Agel et Justin Howell n’ont pas vraiment besoin de bande démo. Surnommée « la cascadeuse la plus sexy » au monde, la jeune femme s’est déjà glissée dans la peau de Charlize Theron, Milla Jovovich ou encore Olga Kurylenko. Quant au blond Justin Howell, sa mâchoire a de quoi faire pâlir d’envie Superman, qu’il a également doublé.

Depuis sa publication en ligne au mois de mars 2024, Mr. & Mrs. Smith: Love & War cumule plus de 160 000 vues sur YouTube. Si cette vidéo est très divertissante, elle symbolise aussi l’aube d’une nouvelle ère à Hollywood. En effet, les cascadeur·euse·s d’élite comme Aurélia Agel et Justin Howell en ont assez de

Malgré leur vibe franchement sympathique, Justin Howell et Aurélia Agel peuvent vous mettre à terre en un éclair.

se castagner juste pour le plaisir : il et elle cherchent autre chose et élargissent aujourd’hui leur champ de compétences à la chorégraphie de cascades, la réalisation ou même la comédie. Zoë Bell, qui a longtemps travaillé pour Quentin Tarantino, est passée du doublage d’Uma Thurman dans Kill Bill à la comédie et la production. Greg Powell, un autre cascadeur émérite, s’est tourné vers la coordination des cascades pour des films tels que la saga Harry Potter ou Avengers : L’ère d’Ultron

Entre-temps, d’anciens grands cascadeurs comme Chad Stahelski, David Leitch et Sam Hargrave se sont installés dans le fauteuil de réalisateur pour apporter un savoir-faire inestimable au film d’action hollywoodien, alliant une compréhension parfaite de la chorégraphie et de la sécurité sur les plateaux de tournage à un véritable talent de conteur d’histoires. Chad Stahelski, qui doublait Keanu Reeves dans Matrix, est l’architecte de la saga John Wick, qui a rapporté plus d’un milliard de dollars de recettes mondiales. En 2023, John Wick : Chapitre 4 a été salué en tant que chefd’œuvre du genre, porté par un univers immensément riche et des scènes d’action à la chorégraphie millimétrée. De même, David Leitch, qui a coréalisé le premier John Wick avant de se lancer

dans une carrière solo de réalisateur, est à l’origine d’énormes blockbusters, parmi lesquels Fast & Furious: Hobbs & Shaw et Deadpool 2, dont les recettes mondiales dépassent les 760 millions de dollars. Sam Hargrave, une autre star de la cascade, s’est servi de son expérience dans la coordination des cascades lors des films Marvel pour réaliser la saga Tyler Rake sur Netflix, qui s’illustre au travers de scènes d’action époustouflantes et d’une cinématographie novatrice, avec, par exemple, le fameux plan-séquence de 21 minutes sur Tyler Rake 2

Pourtant, malgré les succès artistiques et économiques auxquels l’activité de cascadeur participe, cette discipline est rarement honorée par les institutions connues du grand public, à l’instar des Oscars. Les Taurus World Stunt Awards visent à combler ce manque. Depuis 2001, ils célèbrent les plus belles performances dans des catégories telles que Meilleur combat, Meilleur travail aérien et Meilleure cascade spécialisée. à la cérémonie de 2022, le film de la série James Bond, Mourir peut attendre, a ainsi été récompensé pour une cascade spécialisée pendant laquelle le pilote Paul Edmondson a fait passer une moto 12 mètres au-dessus d’un mur qui s’élevait déjà à 20 mètres. Par ailleurs, les nominés pour la catégorie du Meilleur

travail avec un véhicule comprenaient une séquence de poursuite et de crash dans The Suicide Squad et un carambolage impressionnant dans Fast & Furious 9. En 2024, c’est le dernier film de Sam Hargrave, Tyler Rake 2, qui a dominé les Taurus Awards : le film a été nommé dans sept des huit catégories, et a reçu les prix de la meilleure cascade automobile (pour sa course frénétique en voiture à travers la forêt, travaillée avec soin pour simuler une prise de vue unique), du meilleur combat et de la meilleure coordination de cascades. La communauté des cascadeur·euse·s fait toujours campagne pour obtenir une catégorie aux Oscars. « Sachant que tout au long de l’histoire, cet art a permis à des milliards de personnes de s’immerger dans les fictions qu’on leur proposait, comment s’opposer à la création d’une catégorie dédiée aux cascades lors des Oscars ? », interroge Sam Hargrave.

En attendant, le réalisateur continue de repousser les limites et a embarqué Aurélia Agel et Justin Howell avec lui. Dans un studio de Budapest (Hongrie), le trio filme Matchbox sous l’égide de Skydance, Apple et Mattel Films, s’inspirant de la célèbre gamme de véhicules miniatures en métal de Mattel. Ce longmétrage d’action, mettant en scène John Cena et Jessica Biel, raconte l’histoire d’un espion qui sauve le monde avec l’aide de ses amis – et de leurs voitures. « Nous sommes en route pour de nouveaux records, lâche Sam Hargrave de manière

évasive. Si on parvient à tout intégrer, ce film sera bourré d’action. » À la demande de Justin Howell, le réalisateur a modifié le script de sorte qu’Aurélia Agel puisse travailler avec son mari. « On lui a écrit un rôle, explique Sam Hargrave. Celui d’une tueuse qui apparaît de temps en temps à l’écran pour tenter d’assassiner notre héros. Elle a d’ailleurs quelques interactions assez drôles avec John Cena. »

Aurélia Agel, 26 ans, a grandi dans une famille française d’origine modeste. Elle est née à Orléans, mais a passé une bonne partie de son enfance à Cahors, située à une heure et demie en voiture de Toulouse, ville réputée pour sa gastronomie. Son père était professeur de sciences économiques et sociales au lycée. Il faisait du taekwondo et écrivait des livres sur la mythologie grecque pendant son temps libre. Sa mère était infirmière et judoka. Ils déménageaient souvent, pour s’installer parfois dans des quartiers difficiles, comme La Courneuve en banlieue parisienne. Inquiets pour la sécurité de

leurs filles, les parents d’Aurélia l’ont encouragée, ainsi que sa grande sœur, à pratiquer les arts martiaux. Aurélia Agel y a pris goût. Elle obtient sa première ceinture noire de judo à l’âge de 14 ans, et elle a aussi suivi des cours de taekwondo, de boxe chinoise et de Karaté Contact. Elle a d’ailleurs fini par rejoindre l’équipe nationale française de boxe chinoise.

Quand elle était petite, Aurélia Agel s’imaginait cheffe d’un grand restaurant. Elle a donc tout naturellement fait une école de cuisine. Mais vers ses 17 ans, cela a commencé à interférer avec son entraînement aux arts martiaux. Elle a abandonné son école et s’est laissée aller. Son père et sa mère se sont inquiété·e·s. « Je sentais leur désarroi… Qu’allais-je devenir ? », se rappelle Aurélia Agel. Iels lui ont suggéré de suivre une formation au Campus Univers Cascades, une école de cascadeur·euse·s très réputée dans le nord de la France. Aurélia Agel a tout de suite su qu’elle avait trouvé sa voie. Problème : la formation coûtait extrêmement cher. Cernant son potentiel, le directeur de l’établissement lui a offert une remise de 50 %. Et il n’a pas fallu longtemps à la jeune femme pour commencer à attirer l’attention. Cette année-là, elle a auditionné pour le doublage de Sasha Luss, une actrice et mannequin russo-américaine qui avait décroché le premier rôle dans Anna, un film de Luc Besson. Elle a pris un train pour Paris et trois jours plus tard, elle a appelé le magasin adidas dans lequel elle travaillait à Toulouse. « Je ne reviendrai pas », a-t-elle annoncé au bout du fil.

Ses débuts à Paris n’ont pourtant pas été faciles. Aurélia Agel vivait avec sa grand-mère qui souffrait d’Alzheimer, et s’occupait d’elle tout en travaillant sur Anna, en s’entraînant et en se rendant à autant d’auditions que possible. Après quelques tentatives ratées en France et à l’étranger, elle est retournée à l’école pour compléter son apprentissage, notamment sur le travail de câblage, et elle a été engagée sur Black Widow Puis sa carrière a décollé. Elle s’est fait connaître pour avoir réalisé des cascades dans des films au succès retentissant, comme Fast & Furious X et The Old Guard 2. La pandémie de Covid a freiné cet élan, mais la jeune femme n’a pas mis longtemps avant de décrocher une place importante de cascadeuse dans Les Gardiens de la Galaxie Vol. 3, où elle a doublé l’actrice écossaise Karen Gillan dans le rôle de Nebula. Récemment, son travail pour des stars telles que Charlize Theron a assis sa réputation : elle est aujourd’hui

Avec Will Smith, sur le tournage du film Suicide Squad Justin y a doublé Joel Kinnaman (rôle de Rick Flag).
Le couple double des stars parmi les plus bankable d’Hollywood.

considérée comme l’une des cascadeuses les plus douées et les plus polyvalentes de l’industrie du cinéma.

Cependant, son ascension vers la célébrité ne s’est pas faite sans quelques heurts. Aurélia Agel se souvient notamment d’un harcèlement répété qu’elle avait subi pendant plusieurs semaines sur un plateau de tournage. Cet épisode pénible ne l’a pas conduite à abandonner sa carrière dans le secteur du divertissement, mais l’a endurcie. « J’aurais pu tout quitter, raconte-t-elle. Mais j’ai décidé de continuer parce que c’était mon rêve. » Selon elle, sa capacité à traverser les épreuves lui vient de sa pratique des arts martiaux. « Cela m’a donné la force mentale nécessaire », assure-t-elle.

À l’autre bout du monde, dans la ville canadienne de Mississauga, Justin Howell, 35 ans, a grandi au cœur d’un environnement similaire où sport et ambition tenaient une place prépondérante. Sa mère, comme celle d’Aurélia Agel, était infirmière, tandis que son père travaillait dans l’immobilier. Il a aussi commencé les arts martiaux très tôt, obtenant rapidement ceinture sur ceinture et devenant, à tout juste 10 ans, l’un des cinq membres de l’équipe canadienne de démonstration qui voyageait à travers l’Amérique du Nord pour présenter le taekwondo au grand public. À cette époque, Justin Howell rêvait de faire cela toute sa vie, mais quand il a eu 16 ans, il a découvert le cheerleading. Le jeune garçon a finalement intégré l’équipe canadienne et s’est produit lors des championnats du monde de taekwondo entre 2011 et 2016.

Cependant, tout a changé lorsqu’il a décroché un rôle de chevalier au Medieval Times Dinner & Tournament de Toronto, où il a appris à monter à cheval, à se battre dans le sable avec des épées en métal, et à titiller une foule avec des jeux d’adresse. Il s’est mis sérieusement à la musculation dans une « salle du donjon » avec d’autres chevaliers et a pris 11 kilos de muscles en deux ans. Le grand écran lui a rapidement fait de l’œil. Son premier film était un péplum intitulé Pompéi (2014). Puis il a doublé l’acteur Joel Kinnaman dans Suicide Squad (2016) et a vite intégré l’univers Marvel Avengers. Depuis, Justin Howell a doublé Chris Hemsworth dans des films tels que Thor: Love and Thunder et la production de Sam Hargrave, Tyler Rake 2 Aurélia Agel et Justin Howell se sont rencontré·es sur un plateau de tournage à Budapest en janvier 2021, pendant la

Si vous souhaitez apprécier les skills de ces fous d’action, filez sur YouTube pour y voir le court-métrage Love & War

première saison de Halo. « Je doublais le Master Chief et elle doublait Riz », se remémore Justin Howell.

« Il avait une copine et j’étais célibataire, poursuit Aurélia Agel. On n’était pas franchement dans la séduction. »

Un jour, Justin Howell a demandé à Aurélia Agel si elle avait un petit ami. « Et j’ai répondu non », précise-t-elle. L’un et l’autre ont commencé à se voir de plus en plus souvent et, en l’espace de quelques mois, Aurélia Agel a compris qu’elle voulait finir sa vie avec lui. Jonglant avec les plannings entre le Canada, Berlin et l’Australie, le duo a pu se retrouver à Prague pendant plusieurs mois alors que Justin Howell travaillait sur le dernier John Wick. L’occasion s’offrant

donc d’organiser leur mariage… Les mariages au Danemark étant moins bureaucratiques qu’en France, le couple a finalement choisi Copenhague. « Toi, tu es arrivée de Budapest et moi, d’Italie », rappelle Justin Howell à Aurélia Agel. Le lendemain, il et elle sont reparti·e chacun·e de leur côté.

Si cet agenda de globe-trotter semble chargé, ce n’est pas pour rien. Mais ni Aurélia Agel ni Justin Howell ne paraissent prêt·e à s’en tenir là. Le couple veut aussi avoir des enfants, un ou deux selon la jeune femme, et cherche pour le moment son équilibre entre le côté privé et le côté public de leur nouvelle vie à deux, et partagent leurs routines d’entraînement, des informations sur

les coulisses en exclusivité et du contenu lifestyle auprès de leurs communautés respectives qui regroupent plus d’un million de fans sur Instagram et TikTok. Mais leur relation était encore très récente quand Internet a décidé que des rumeurs valaient mieux que leur vraie vie.

Le duo s’est promis d’accepter unique ment les projets qui leui permettraient de préserver sa future vie de famille, et de ne pas rester séparé plus de trois semaines d’affilée. Néanmoins, compte tenu du métier, aucun·e des deux n’ima gine se cogner dessus ad vitam æternam Justin Howell prévoit de se reconvertir dans la coordination des combats. Aurélia Agel, consciente du fait que

« On n’était pas dans la séduction à nos débuts.»

la grossesse et la maternité risquent d’affecter la capacité de son corps à endurer les coups, espère que des projets tels que Mr. & Mrs. Smith: Love & War, qu’ils souhaitent tous deux transformer en long-métrage, l’aideront à trouver les rôles d’actrice qu’elle commence à convoiter. « On ne se drogue pas, on ne fait pas la fête, on ne boit pas, souligne Aurélia Agel. On veut juste se détendre et s’entraîner. On se respecte et on se soutient mutuellement. On a tous les deux notre carrière. Il n’y a aucune jalousie, ni d’un côté ni de l’autre. » Et les enfants ? Ils les accompagneront et suivront l’école à la maison, au moins pendant les premières années. « On veut continuer à voyager avec nos enfants parce que cela fait partie de notre travail, indique Aurélia Agel. Mais on restera ensemble. »

Pour l’instant en tout cas, il et elle le sont. Il y a quelques jours, le couple a partagé un petit-déjeuner avec expresso et croissants dans une salle de sport au nord de Paris avant de s’entraîner au Parkour. Aurélia Agel a gentiment encouragé Justin Howell à pratiquer son français hésitant tandis qu’iels commençaient à s’étirer. Puis, pendant la majeure partie de la journée, il et elle se sont jeté·e tour à tour sur un tapis, se donnant des coups de pied et des coups de poing pour finir dans les bras l’un de l’autre. Au fil du temps, Aurélia Agel et Justin Howell ont imaginé et chorégraphié plusieurs séquences de tumbling et de combat sur mesure qu’iels utilisent dans un cadre professionnel. Tous deux ont un physique aussi imposant en vrai qu’à l’écran. Aurélia Agel est capable d’exécuter un coup de pied sauté retourné et retrouver son équilibre en un instant, tandis que Justin Howell peut recevoir coup sur coup dans la poitrine, ce qui lui fait beaucoup moins mal qu’il n’y paraît, car il se relève immédiatement pour s’assurer qu’Aurélia Agel va bien. Iels s’entraînent ainsi à Paris en vue du nouveau projet de Sam Hargrave, Matchbox. « C’est un couple adorable. Ils sont aussi impressionnants physiquement qu’authentiques, doux et gentils, déclare Sam Hargrave. C’est formidable qu’ils

Aurélia Agel avec l’actrice
Karen Gillan qu’elle double dans Les Gardiens de la Galaxie Vol. 3 (à gauche), et avec de Keanu Reeves en John Wick et sans chien (à droite).
Après s’être faite plaquer (au sol) en mode cinoche, la Française rebasculera dans sa romance IRL avec son Justin.

Aurélia veut plus de rôles, et devenir productrice.

se soient trouvés en exerçant leur métier et qu’ils nourrissent la même passion pour le cinéma, le sport et les cascades. »

Sam Hargrave voit les choses en grand pour Matchbox. Et la barre qu’il s’est fixée est déjà très haute. À 42 ans, le réalisateur doit sans doute sa renommée à un planséquence de 21 minutes dans Tyler Rake 2, qui incluait des déplacements fluides à plusieurs endroits, avec notamment une émeute en prison, une course de voitures et une scène dans un train. La logistique était folle : 400 personnes, 75 cascadeur·euse·s et 29 jours de tournage. Pour plus de réalisme, Sam Hargrave a évité au maximum les effets spéciaux, y compris quand Chris Hemsworth, doublé par Justin Howell, a pris feu pendant un combat au corps à corps. L’acteur a d’ailleurs avoué que c’était la scène la plus difficile de sa carrière.

À quelques exceptions près, ce genre de cascades risquées est bien loin des actions les plus dangereuses souvent tournées par les acteurs eux-mêmes au temps du cinéma muet. Buster Keaton, l’un des pionniers du cinéma, a su mêler comédie physique et cascades ultradangereuses dans des réalisations telles que Le mécano de la Générale, notamment célèbre pour une poursuite de train iconique à l’époque où les films n’avaient même pas de son. Le passage au cinéma parlant dans les années 1930-1940 a permis de mettre en place des actions plus élaborées, ce qui nécessitait l’intervention de cascadeurs professionnels généralement issus du rodéo ou du cirque, à l’instar de Tom Mix qui a apporté son expertise du rodéo dans plusieurs westerns célèbres. Par la suite, les studios ont commencé à embaucher des spécialistes pour des séquences plus délicates. Considérée par beaucoup comme la première cascadeuse professionnelle, Helen Gibson est connue pour avoir sauté de motos ou de trains en marche dans une série datant de 1915, The Hazards of Helen D’autres casse-cous comme Yakima Canutt ont révolutionné la chorégraphie des combats et les cascades à cheval dans des films tels que La Chevauchée

fantastique, introduisant des techniques toujours d’actualité. Avec Matchbox, Sam Hargrave souhaite faire appel à Aurélia Agel et Justin Howell pour passer à la vitesse supérieure. « Justin va innover, s’exclame Sam Hargrave en évoquant le projet à venir. Il va vraiment faire des choses qui resteront dans les annales. »

Le film Matchbox marquera aussi en quelque sorte les débuts d’Aurélia Agel. Pour la première fois de sa carrière, elle apparaîtra en tant qu’actrice-cascadeuse dans un rôle qui comprendra plusieurs scènes de combat élaborées et lui accordera un temps important à l’écran sous les traits d’une « femme commando

HONORER LES STARS ANONYMES

Initiés par Dietrich Mateschitz en vue d’honorer des performances souvent sous-estimées en matière de casade, les Taurus Stunt Awards existent depuis 2001. Chaque année, un jury constitué de membres expérimentés de la communauté des cascadeur·euse·s décerne des prix dans huit catégories : Meilleur combat, Meilleur travail en hauteur, Meilleur travail avec un véhicule, Meilleure cascade spéciale, Meilleure cascade globale par une cascadeuse, Coup le plus difficile, Meilleur équipement de cascade et Meilleure coordination de cascade et Direction de la 2e unité. L’organisation gère aussi une fondation qui fournit une aide financière aux professionnel·le·s de l’industrie victimes de blessure invalidante liée à une cascade. Les Taurus Awards 2025 se tiendront à Los Angeles le 10 mai.

badass », d’après Sam Hargrave. « On la verra vers 1’40, puis elle repointera régulièrement le bout de son nez tout au long du film, jusqu’à la scène finale. » Il ajoute : « Elle a une grosse scène d’action assez sympa vers la fin du film, que je suis très impatient de tourner. » C’est ce type de performance sur laquelle Sam Hargrave désire attirer l’attention quand il évoque la nécessité de récompenser les cascades aux Oscars. « Je suis convaincu que les cascades méritent une catégorie aux Oscars, tout autant que n’importe quelle autre catégorie, s’exclame-t-il. Et même plus que certaines, pour être honnête. »

Quant à Aurélia Agel, elle n’attend qu’une chose : élargir son répertoire. « Je veux jouer plus de rôles et devenir productrice un jour », confie-t-elle. Avec Mr. & Mrs. Smith: Love & War, Aurélia Agel et Justin Howell ont peut-être proposé plus qu’une simple bande démo. Iels collaborent actuellement avec un scénariste pour écrire un long-métrage et ont commencé à en discuter avec plusieurs producteurs. L’équipe qui les a aidé·e à monter le projet, et qui compte certains des plus grands talents à Hollywood, voudront aussi peut-être les rejoindre sur le format long. « Cette expérience n’a eu que des effets positifs, se réjouit Aurélia Agel. Elle nous a permis de nous vendre et de montrer ce que l’on est capable de créer. »

Loin de l’avoir fait exprès, Aurélia Agel et Justin Howell ont très certainement jeté les bases de leur propre projet de vie. Après cinq minutes de combat acharné entre les deux cascadeurs, le court-métrage se conclut par une étreinte.

« Tu m’as manqué, bébé », dit Justin Howell.

« Ça veut dire que tu m’aimes encore ? », répond Aurélia Agel.

Ce n’est qu’après un baiser torride qu’elle assène le coup de grâce à son ennemi – un dernier geste pour sceller le pacte. Et si la destruction mutuelle n’est pas vraiment la métaphore d’un mariage heureux, la tension qui se dégage touche à quelque chose de plus profond. « Ils sont très amoureux. C’est super de les voir coexister dans ce monde sans lutter pour attirer l’attention, constate Sam Hargrave. Les couples qui peuvent se battre ensemble sont aussi capables de gérer beaucoup de problèmes. C’est une chance unique de pouvoir travailler ensemble. »

Aurélia Agel commence déjà à réfléchir à l’avenir et à la place de ses enfants dans sa vie future. « Quand on aura des enfants, je veux une équipe de cascadeurs… Une famille en or ! » On ignore encore la date de début du tournage.

IG : @aurelia_agel ; @stuntjustin

Équiper, optimiser et vivre la plus belle des vies EXCURSION

Ski de rando à Hokkaido, Japon

« L’île la plus septentrionale du Japon est connue pour ses stations de ski et sa poudreuse, mais les volcans restent encore un secret jalousement gardé. »

Un vent rugissant enveloppe le volcan enneigé et me mord le visage. J’ai l’impression qu’un brouillard glacial me colle au corps. Chaque mouvement fait souffrir un peu plus mes muscles faciaux, ma barbe et mes cils se changent en glaçons. Les nuages rassemblés au-dessus de nos têtes réduisent notre visibilité à quelques mètres. Mes deux compagnons ( Rowan Brandreth et Mauri Marassi ) et moi-même grimpons la paroi ouest de l’Asahidake, il nous reste encore plusieurs heures de marche avant d’atteindre le sommet conique du volcan, point culminant d’Hokkaido à 2 291 mètres. Nous avons déjà enfilé nos vêtements les plus chauds. Notre ultime protection contre la morsure du froid est de continuer d’avancer, encore et encore.

Alors que l’île la plus septentrionale du Japon est mondialement connue pour ses stations de ski et ses immenses descentes de poudreuse, les volcans, eux, restent encore un secret jalousement gardé. Ils offrent un terrain de jeu spectaculaire en marge des célèbres spots noirs de monde. Leur simple existence raconte une histoire vieille de milliards d’années en perpétuelle écriture : rien qu’à Hokkaido,

on recense 31 volcans en activité (même si les possibilités d’éruption soudaine sont quasi nulles).

Fascinés par ces géants éternels, nous avons dressé une liste de volcans à explorer qui devrait nous faire traverser toute l’île, mais ce sont les prévisions météorologiques qui se sont chargées d’en déterminer l’ordre. Ainsi, nous avons d’abord coché le mont Yotei, semblable en tous points au légendaire mont Fuji. Nous avons continué par les monts Tokachi et Furano, deux paradis de poudreuse. Les couloirs aux parois abruptes, les sommets enneigés et les fulminants cratères tonitruants aux fortes odeurs de soufre resteront gravés dans ma mémoire.

Jour après jour, nous skions jusqu’aux derniers rayons du soleil avant de profiter des incroyables couchers de soleil sur les sommets, nos jambes endolories plongées dans des onsen, ces bains traditionnels dans des sources chaudes à ciel ouvert omniprésents dans la région. Mais il reste encore un point essentiel à cocher sur notre liste : l’Asahidake,

le plus haut sommet de la chaîne volcanique Daisetsuzan, cette région que les Aïnous surnomment Kamui Mintara (« le terrain de jeu des dieux »). Une description on ne peut plus exacte, comme nous ne tarderons pas à le découvrir.

L’Asahidake n’est pas aussi élevé que les sommets alpins européens, mais les vents océaniques venus du Pacifique lui apportent d’énormes quantités de neige. Nous faisons le plein de nourriture avant d’entamer une excursion de ski de 45 minutes pour rejoindre un refuge dont nous devons d’abord dégager l’entrée. Ce modeste abri aux murs de pierre et au plancher de bois peut accueillir jusqu’à vingt personnes, même si nous sommes les seuls invités présents ce soir là.

Nous repartons à l’aube, alternant entre nos skis de randonnée et les indispensables chaussures à crampons pour franchir les immenses blocs de neige gelée qui parsèment l’arête. Sous nos pieds s’ouvre le cratère : une simple glissade pourrait avoir des conséquences

AU CHAUD ou presque. Rolph et Brandreth dans le refuge.

INSTANTS EXTRÊMES (de gauche à droite dans le sens des aiguilles d’une montre): les nuages s’amoncellent au sommet du mont Biei; la vapeur s’échappe du mont Tokachi; ski nocturne sur le mont Teine près de Sapporo; l’intrépide Marassi découvre de la poudreuse encore vierge dans les forêts du mont Teine; Rolph trace les premières lignes au sommet du mont Yotei.

JOURS INTENSIFS (de g. à d. dans le sens des aiguilles d’une montre): Rolph sur la neige du Asahidake; les onsen ou sources chaudes offrent du repos pour les jambes fatiguées ; descente sur le Yōtei­zan; réconfort à la japonaise.

fatales. Après quatre heures qui en paraissent quarante, une vue extraordinaire s’offre à nous : derrière le cercle de falaises surplombant les rebords du cratère apparaît soudain un soleil matinal illuminant une immense étendue de neige étincelante. Tout en gravissant les derniers mètres jusqu’au sommet, j’échange un regard complice avec Mauri et Rowan et nous nous tapons joyeusement sur l’épaule. L’air se fait rare, et après les efforts de l’ascension, j’ai du mal à reprendre mon souffle pour savourer ce spectacle exceptionnel. Mais le froid ambiant ne nous laisse pas le temps de nous attendrir. Nous préparons nos skis pour la descente, ôtons les peaux de phoque et ajustons nos fixations pour nous lancer sur les pentes glacées modelées au gré des caprices du temps sur cette île exposée aux quatre vents.

Il est presque impossible de distinguer la terre du ciel au cours de la descente,

tous deux se fondent en une infinie étendue d’une blancheur immaculée. L’unique moyen d’évaluer la profondeur est de suivre le skieur de tête jusqu’à atteindre les pentes inférieures boisées. Ici, la neige se fait soudain plus profonde, douce et légère, nous avons droit à cette fameuse « poudre de champagne » si typique du Japon. Les rayons du soleil qui transpercent ça et là les nuages font scintiller les bouleaux argentés. Tracer ensemble de nouvelles lignes dans cette forêt enchantée est digne d’un conte de fées. Une ultime évidence s’impose à nous : quiconque osera s’aventurer dans cette région sauvage tombera fatalement sous son charme.

Aaron Rolph est un aventurier et photographe britannique basé dans les Alpes. Il est le fondateur du British Adventure Collective et se spécialise dans les expéditions à ski et à vélo propulsées par l’homme à travers le monde. britishadventurecollective.com

DIRECTION HOKKAIDO Capitale de la préfecture d’Hokkaido, Sapporo est accessible en avion depuis Tokyo. Pas moins de six stations de ski sont situées à moins d’une heure de route les unes des autres. Sur ou hors piste : 18 mètres de neige chaque année garantissent à coup sûr des journées de ski inoubliables.

snowsapporo.com

HORS DU COMMUN

Retrouvez votre prochain numéro en Février en abonnement avec et avec , dans une sélection de points de distribution et sur abonnement.

FITNESS ZONE/ LES HOT SPOTS

PARISIENS DE NAOMI

CLÉMENT

L’alliance parfaite du body and mind en musique.

L’animatrice Apple Music France de l’émission À l’écoute, Naomi Clément, aussi connue sous le nom de DJ Naomi et résidente de la radio Rinse France, a plusieurs cordes à son arc. Chaque semaine, elle reçoit des invité·e·s de marque comme Eddy de Pretto, Meryl ou encore Yseult. L’adoratrice de R&B et musique en tous genres cumule les savoir-faire et les passions puisqu’elle est aussi l’autrice de Femmes de rap, et de Tatoueuses : Ces femmes qui font bouger les lignes du tattoo en France. Elle voue une passion réelle au sport qui accompagne sa vie au quotidien. Pour ce numéro, celle dont les journées commencent à 8 heures du matin et se finissent parfois à 5 heures (du matin aussi) nous explique pourquoi le fitness est si important à ses yeux. Découvrez les spots préférés de Naomi Clément, à mi-chemin entre salles de sport et lieux de convivialité dont les ambiances ne manqueront pas de vous séduire.

Pourquoi le sport est-il important pour toi ?

Le sport a toujours occupé une place centrale dans ma vie : je l’ai pratiqué pour me sentir mieux dans mon corps, améliorer mon souffle (d’asthmatique... !), et me préparer physiquement à certaines épreuves et aventures (comme des courses ou des surf trips).

En tant que journaliste, j’ai aussi eu l’occasion d’écrire sur les scènes surf et skate féminines, ce qui m’a beaucoup animée. Aujourd’hui, je le perçois surtout comme une échappatoire, un rare moment où je peux déconnecter et me libérer du quotidien, souvent très chargé. Que ce soit pendant un cours de yoga ou une session de surf (surtout lors d’une session de surf !), j’arrive vraiment à faire abstraction de tout.

De quelle manière s’inscrit-il dans ton quotidien ?

Ce n’est pas facile quand j’ai des semaines très remplies, mais je fais toujours en sorte de trouver deux à quatre créneaux par semaine pour aller faire du yoga, du Hiit ou du Pilates dans un studio parisien. En général, le dimanche soir, je me pose

devant mon ordinateur et je joue à Tetris avec mon agenda, pour caser mes séances entre deux émissions et un DJ set. Quand je suis près de l’Atlantique (ce que mon statut de freelance me permet de temps à autre), les choses sont un peu différentes : j’alterne plutôt entre surf, running et yoga en plein air, suivant la météo et les conditions de l’océan.

Est-ce que le sport et un mode de vie actif sont des éléments déterminants pour ton bien-être ?

Complètement ! Le sport est un véritable pilier pour mon bien-être, qui me permet d’être endurante sur le long terme. Mentalement déjà, car, comme je l’expliquais, il m’aide à créer un espace où je peux me recentrer sur moi-même et mes sensations ; mais également physiquement, car grâce à lui, je suis capable de tenir le rythme de journées qui commencent à 10 heures chez Apple Music et se terminent à 4 heures du matin derrière les platines. C’est donc un élément essentiel pour mon équilibre global – autant physique que mental.

SES 4 SPOTS FAVORIS, SALLES DE SPORT/SOCIAL CLUBS

1. Flawless Yoga

Des cours de vinyasa intenses sur fond de R&B, voilà le concept proposé par mon amie Aurélie-Louis Alexandre, la personne qui m’a fait découvrir (et aimer !) le yoga il y a sept ans. Elle m’a non seulement transmis sa passion pour cette pratique, mais m’a aussi appris l’importance de la respiration et de l’écoute de mon corps. Je ne peux que recommander, que vous soyez débutant·e ou confirmé·e !

IG : @aurelielouisalex

@flawless_yoga

3. Carbonne

Un tout nouveau studio lancé par Angelina Nieddu (avec qui j’avais l’habitude de m’entraîner il y a quelques années) et sa comparse Océane Le Bras Bianchi. Épaulées par des préparateurs sportifs et des experts du Pilates Reformer, elles ont co-créé la méthode Carbonne®, un programme en trois blocs : 15 min de Reformer Abs (axées sur les abdominaux et le haut du corps), 15 min de Hip Thrust (axées sur les fessiers), et 15 min d’Intense Kettle (full body).

IG : @carbonne_paris

Où ? 14 Bd Saint-Martin, 75010 Paris

2. Drip Hiit

Drip, c’est l’endroit où je fonce pour me défouler après une journée bien stressante. Ce studio propose des circuits de HIIT (High Intensity Interval Training) combinant renforcement musculaire et cardio, ce qui vous permet de travailler l’intégralité de votre corps – et de vous vider la tête. Mention spéciale pour le coach Marvin et ses playlists mêlant rap et baile funk !

IG : @drip__hiit

Où ? 50 rue de Monceau, 75008 Paris 29 rue des Petites Écuries, 75010 Paris

4. Riise

L’un des studios parisiens où je me rends le plus souvent. Riise propose des cours de workout inspirés du yoga, du Pilates et du Reformer, plongés dans la pénombre et accompagnés de playlists sur-mesure concoctées par les coachs. Le fait de s’entraîner dans l’obscurité, guidée par la voix des profs et en rythme avec la musique m’aide à me plonger dans ma bulle.

IG : @riise_studios

Où ? 9, rue Charlot, 75003 Paris 43 rue Étienne Marcel, 75002 Paris 79 rue La Boétie, 75008 Paris 2 rue de la Saussière, 92100 Boulogne

Son style acéré renforce le caractère affirmé de ce

HONDA CB1000 HORNET : LA PUISSANCE POUR TOUS

Avec 152 ch à 10 599 euros, c’est le retour du roadster puissant et accessible. La nouvelle CB1000 Hornet devrait enflammer les passions et les routes en 2025.

Avec cette nouvelle

CB1000 Hornet, Honda fait parler son savoir-faire et fait revivre l’esprit de la mythique Hornet des années 2000. Un gros moteur rageur dans un roadster polyvalent, sportif et joueur. L’outil idéal pour mettre un peu de bonheur dans un quotidien parfois un peu trop gris.

Les Japonais ont trouvé une formule simple mais méticuleusement mise au point pendant quatre ans. Ils ont décidé de retravailler le moteur de la mythique sportive CBR1000RR Fireblade de 2017. Un beau et gros quatre cylindres qu’ils ont réussi à passer à la norme anti-bruit et anti-pollution Euro 5+. Un gros cœur avec 152 ch à 11 000 tr/min et du muscle avec

104 Nm de couple à 9 000 tr/min. La version SP parvient même à tirer 5 ch et 3 Nm de plus que la version standard.

Cœur de sportive

Le moteur quatre cylindres fait donc son retour en force et a conservé tout son caractère rageur. Avec chaque accélération, c’est un véritable coup de pied dans le derrière qui provoque une montée d’adrénaline. Au-delà des 7 000 tr/min, le caractère rageur s’exprime pleinement avec une bande-son rauque jouissive.

Mais c’est aussi une bête qui sait se montrer docile avec son caractère linéaire, dosable et toujours disponible. Pas besoin de se cracher dans les mains à chaque trajet pour aller au boulot, la Hornet sait tempérer ses ardeurs.

Dans son comportement, ce qui impressionne le plus, c’est sa facilité. À peine monté dessus, pas de doute, c’est une Honda, votre Honda ! Comme si elle avait toujours été entre vos mains. La position est sportive, légèrement sur l’avant, mais reste confortable, avec une selle perchée à 809 mm et une ergonomie bien pensée. Le cadre double poutre offre un excellent

Haut : la selle affinée à l’entrejambe permet à tous les gabarits de poser le pied ; bas : le moteur se montre plein, coupleux à bas régime.
streetfighter.

les

toujours rassurante.

compromis entre rigidité et agilité, et chaque virage devient un jeu. La moto se révèle homogène, avec un excellent équilibre qui la rend toujours facile et prévisible, quel que soit le niveau du pilote. Dans la version SP, les suspensions revues, notamment avec un amortisseur arrière Öhlins TTX36, la rendent encore plus affutée pour les pilotes les plus sportifs, sans jamais négliger le confort en ville pour franchir les dos d’ânes.

Ajoutez à cela des étriers radiaux double disque de 310 mm, et vous obtenez tout le mordant d’un freinage qui permet de stopper vos envolées lyriques en toute sécurité. Mieux, la version SP se dote d’un Brembo Stylema haut de gamme pour plus de précision.

Un pilote connecté à la machine

L’électronique est à l’image de cette Hornet : intuitive et efficace. On retrouve un anti-patinage HSTC, un anti-wheeling, et la possibilité d’ajuster le frein moteur. Grâce à la poignée d’accélérateur électronique, la machine possède trois modes de conduite prédéfinis (Standard, Sport, Rain) et

deux modes personnalisables, qui offrent une expérience sur mesure, adaptée à toutes les envies et conditions. Le tableau de bord TFT customisable permet de garder un œil sur toutes les informations essentielles, tout en profitant de la connectivité Roadsync pour vos appels ou votre musique.

Et que dire du design ? Sensuel et dynamique, il évoque presque une silhouette humaine : un réservoir sculpté, une selle accueillante, et un arrière aussi compact qu’élégant. Ce look audacieux rappelle que la CB1000 Hornet est autant une machine de plaisir qu’un outil performant.

La CB1000 Hornet, c’est une moto qui ne fait aucun compromis

Le nouvel écran TFT 5 pouces se veut lisible et facile à utiliser avec le nouveau joystick main gauche.

entre performance, polyvalence et accessibilité. Elle redonne ses lettres de noblesse au grand roadster sportif, tout en permettant à tous de prendre du plaisir grâce à son guidon. C’est d’ailleurs pour cela que Honda a gardé son tarif accessible, à 10 599 euros. Le remède idéal contre l’inflation et la morosité du quotidien !

FICHE TECHNIQUE :

Moteur : quatre cylindres en ligne, 999 cm3, refroidissement liquide

Puissance : 152 ch à 11 000 tr/min

(157 ch en version SP)

Couple : 104 Nm à 9 000 tr/min (107 Nm en version SP)

Cadre : double poutre en acier

Suspension avant : fourche Showa USD SFF-BP 41 mm, débattement 118 mm

Suspension arrière : amortisseur Showa Monoshock, débattement 138 mm. (monoamortisseur Öhlins TTX36)

Freinage avant : étriers radiaux Nissin quatre piston, double disque 310 mm (étriers radiaux Brembo Stylema en version SP)

Empattement : 1 455 mm

Hauteur de selle : 809 mm

Réservoir : 17 l

Poids : 211 kg (tous pleins faits)

Tarif : à partir de 10 599 euros. 11 799 euros pour la version SP

Agile dans
virages, la Hornet se montre

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Date de parution

6 février 2025

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Cet homme est 10 fois Champion du monde de BMX Flat. Et un rider pro à la retraite. Matthias Dandois ne vous est pas étranger, tant le Français de 35 ans a enchaîné les projets marquants, en ambassadeur planétaire d’une discipline niche qu’il a révélée au plus grand nombre. Aussi mannequin, comédien, animateur, consultant, père de famille, celui qui vient de publier sa biographie (Figure du bitume, éd. Flammarion) a atteint son but ultime en compétition avec dix titres mondiaux. Comme l’écrit le natif d’Épinay-sur-Orge sur son compte Insta : « Game plié en compétition. Place à la nouvelle génération. » On lui fait confiance pour continuer à innover pour le BMX et à multiplier les expériences les plus audacieuses hors vélo. Big up Matthias, à bientôt !

Le prochain THE RED BULLETIN sortira le 3 avril 2025.

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