The Red Bulletin FR 04/22

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FRANCE AVRIL 2022

HORS DU COMMUN Votre magazine offert chaque mois avec

L’INTRÉPIDE Ours, chercheurs d’or, chutes de 30 m et rivières tueuses… Face au risque et à l’exploit, la kayakiste NOURIA NEWMAN s’en sort (presque) toujours bien


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Éditorial

CONTRIBUTEURS NOS ÉQUIPIERS

SCOTT C. JOHNSON

Le reportage sur les pompiers de l’aéroport de Los Angeles a été un véritable voyage pour l’écrivain basé à Seattle. Du genre spirituel. « Il y a des années, mes parents étaient dans un avion qui s’est écrasé et a tué plusieurs personnes, raconte Johnson, ancien collaborateur de Newsweek et du Hollywood Reporter. Cela m’a donné beaucoup plus de respect pour cette équipe de pompiers et les dangers de leur monde. » Rejoignez les soldats du feu en page 46.

SANDRO BAEBLER (COUVERTURE), MARK BENNINGTON

CHRISTINE YU

Christine a rencontré Carissa Moore pour concevoir l’article dédié à ce diamant brut du surf qui a su s’affranchir de ses propres blocages. « J’ai été frappée par la façon dont son succès et son influence sur le sport sont dus à bien plus que ses prouesses athlétiques, ­explique l’auteur basée à New York, dont le travail a été publié dans Runner’s World, ­Outside et espn. Ce fut un ­honneur d’aider à capturer ce moment historique : Carissa ramenant la première médaille d’or de surf à Hawaï, où le surf moderne est né. » Page 66 THE RED BULLETIN

NOURIA EST TOUT CELA Iconique. Oui. Douée. Absolument. Déterminée. Pour sûr. Tenace et courageuse : exact ! La Française Nouria Newman est bien tout cela, mais plus encore. Diplômée de journalisme à Sciences-po, elle sait se servir d’une machette pour tracer sa route, bivouaquer de nuit en solo, là où vous n’oseriez pas vous arrêter relacer vos godillots, ou s’extirper d’une situation périlleuse sur une rivière en Inde… et se dire qu’il faudrait éviter dans le futur (de rider, toute seule, la rivière indienne). Sa passion (son bateau) lui fait parcourir le monde et discuter avec des chercheurs d’or croisés dans la jungle, boire de l’huile de boa quand la douleur se fait intense, ou se transformer en bibendum avec son matos pour éviter les suppléments bagages. Nouria Newman est trop à la fois pour être réduite à la notion « d’athlète de haut niveau ». Il s’agit bien d’une aventurière, performante, pour qui la baroude a débuté à deux pas de chez elle, avant de la mener très loin. Et très très haut. (Une chute de 30 m ? Possible !) Puissent ses expéditions motiver les vôtres. Bonne lecture ! Votre Rédaction

Face à la chute : le photographe suisse Sandro Baebler dans les eaux vives chères à la kayakiste Nouria Newman, pour sa cover story en page 26.

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CONTENUS avril 2022

6 Galerie : votre dose m ­ ensuelle

Flippant ou pas, tant que ça grimpe, Alex est heureux.

26 N ouria Newman

Son kayak est une aventure, où imprévu, risque et performance forment des flots bouillonnants

36 A lex Honnold

Le grimpeur au top a compris la peur pour s’en détacher

46 L e feu du ciel

60

Dans le quotidien de la brigade de pompiers de l’aéroport de L.A., pour que le pire n’arrive pas

60 O uri

C’est en assumant tous ses talents qu’Ouri a trouvé sa voie

66 C arissa Moore

Pour surpasser les autres surfeuses, le phénomène hawaïen a dû mener un combat intérieur

Comment la musicienne et chanteuse Ouri s’épanouit en étant plusieurs.

77 Voyage : rallye kitesurf au Brésil 82 Embarquez avec Emily Penn

contre la pollution plastique

84 Sacs à dos : tant qu’à l’avoir sur

vous, choisissez le bon ! Course : chaussures à vos pieds ! 88 Matos gaming : jouez partout avec le Steam Deck 89 Gaming : comment vous la péter à Football Manager 90 Fitness : sautez et chutez comme un pro du VTT freeride 92 Motos : une sélection bestiale 96 Ils et elles font The Red Bulletin 98 Photo finale : bourreau de travail 86

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RENAN OZTURK/JONATHAN GRIFFITH PRODUCTIONS, RYAN MILLER/RED BULL CONTENT POOL, APOLLINE CORNUET, JIM KRANTZ

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de folie photographique 12 Avec le Paddle Paddle Surf Project, les surfboards ressuscitent 14 Playlist : le secret d’un bon titre selon Yusuf/Cat Stevens 16 Les vêtements intelligents d’Anouk Wipprecht 18 Voici le livre à sauver le jour de l’apocalypse. Rien que ça ! 20 Blockbuster ou film à petit budget, Penélope donne son max 22 Pour Lewis Pugh, nager dans des eaux glacées n’est pas le pire 24 La liste toujours plus haute de l’apliniste-skieur Jérémie Heitz

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La bataille victorieuse de Carissa Moore contre... elle-même.

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Si le feu tombait du ciel, ils seraient les premiers sur zone.

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COLOGNE, ALLEMAGNE

Quai des orfèvres Cette station de métro de Cologne figurait sur la liste des spots à photographier de Jan Fassbender. Aussi, lorsque la pluie vint perturber ses plans en ­extérieur avec le skateur Luca Schroeder, la solution se trouvait… en profondeur. « La station est a­ ssez récente et les tunnels qui la relient aux autres lignes sont encore en construction, explique Fassbender, demi-finaliste dans la catégorie Innovation by EyeEm du concours Red Bull Illume. Il ne passe qu’un métro toutes les 20 minutes. Cela en fait un endroit idéal pour une photo. » Instagram : @jan.fassbender


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JAN FASSBENDER/RED BULL ILLUME

DAVYDD CHONG


SERRE-CHEVALIER

Une vision, celle du double champion olympique de snowboardcross français, Pierre Vaultier, a donné vie au terrain de jeu hallucinant que vous découvrez sur cette photo de Tristan Shu. Un set-up en neige naturelle à Serre-Chevalier (le spot de Pierre), que vous apercevez ici. Découvrez l’intégralité de la ligne dans la vidéo du projet Reshapes sur ­redbull.com (conçu avec Red Bull, et le soutien de Prada et Alpina Watches). Instagram : @tristanshu

TRISTAN SHU

La ligne rêvée


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SINGAPOUR

Dans l’effervescence de la ville-État asiatique de Singapour, les spots à shooter ne manquent pas. Ebrahim Adam a découvert ici un lieu intéressant en s’introduisant dans une usine de production de modules préfabriqués. Il ne restait qu’à y insuffler de l’action pour créer une image marquante. C’est l’artiste BMXer Tay Seng Tee, qui s’en est chargé, en ridant ce micro-appartement. Instagram : @ebrahimadamphoto

EBRAHIM ADAM/RED BULL ILLUME

Prise du logement


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Comment un trip surf a permis de ressuciter des planches et de faire du bien aux océans. Le surf est a priori un sport respectueux de l’environnement, la nature est le socle de sa pratique. Pourtant, lors d’un voyage en Indonésie en 2018, le surfeur et journaliste Mathieu Maugret constate une réalité moins glorieuse qui aurait bien besoin d’une solution de bon sens. Lorsque le Français débarque sur l’île de Sumbawa où il prévoit de travailler, écrire et surfer, il découvre des spots populaires jonchés de planches abîmées. Sur l’eau, un habitué de la plage surfe sur une planche 12

cassée. Mathieu l’aborde et bientôt une amitié se noue entre les deux hommes. « L’industrie du surf locale était inexistante, acheter du matériel d’occasion n’était pas une option, se souvient Mathieu, 31 ans. Je devais effectuer un voyage professionnel et prévoyais de rapporter une planche à mon nouvel ami. C’est à ce moment que l’idée de réparer les planches m’est venue. » Une idée à l’origine du projet Paddle Paddle Surf. Le but est de fournir des planches à ceux qui ne peuvent s’en procurer en réparant celles qui sont cassées et éviter ainsi qu’elles ne finissent dans une décharge. Beaucoup de planches sont composées de matières difficiles à recycler, comme le polystyrène expansé, dont la décomposition peut

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LOU BOYD

Remise à flot

MATHILDE MÉTAIRIE

PADDLE PADDLE SURF PROJECT

prendre jusqu’à 500 ans. De plus, la plupart des 400 000 planches fabriquées chaque année dans le monde finissent à la décharge ou dans la mer. Après avoir réhabilité une première planche, d’autres suivent rapidement, ainsi au moment de se rendre sur l’île voisine de Lombok à la fin du mois, Maugret en a remis huit en état qu’il distribue aux enfants vivant près de Nambung Beach via un relais local. Depuis, le projet a pris une dimension mondiale. Aidé d’amis et de bénévoles vivant près des spots de surf à ­travers le monde, Maugret récupère les vieilles planches et les répare des mois durant afin qu’elles retrouvent leur étanchéité et leur lustre. « La collecte d’échantillons connaît un rapide succès, explique-t-il. L’été dernier, on a loué une maison sur la côte française pour les stocker dans le jardin, nous en avions 128 à réparer. » Le projet Paddle Paddle Surf fournit gratuitement matériel de surf et actions de sensibilisation à l’environnement, tout en faisant la promotion de l’art et de la culture locale via ses propres relais et des partenaires à travers le monde tels que l’école de surf féminine Sea Sisters au Sri Lanka, ou Surf Ghana, un collectif pour l’ouverture d’une école de surf à Busua, au Ghana. Pour mobiliser des fonds, Mathieu privilégie l’organisation d’événements locaux ­plutôt que des dons. « Notre action n’est pas celle d’une ONG, mais plutôt un projet écologique mondial, centré sur l’art et le surf, explique-t-il. Un genre d’organisation à but non lucratif durable. » En réduisant le nombre de planches dans les décharges tout en permettant au plus grand nombre de profiter de l’énergie positive de l’océan, le projet Paddle Paddle Surf aide le surf à retrouver ses ­vertus environnementales. paddlepaddlesurfproject.com



YUSUF / CAT STEVENS

Soul music

L’icône de la musique folk évoque quatre titres qui ont influencé sa carrière.

The Beatles

Stevie Wonder

Michael Jackson

Green Onions (1962)

There’s a Place (1963)

Saturn (1976)

Earth Song (1995)

« J’ai grandi au cœur de Londres (il vivait au-dessus du restaurant familial, à quelques pas d’Oxford Street, ndlr), près des clubs et de tout le reste. À l’époque, le R&B qui avait le vent en poupe procédait du blues, mais devenait plus accessible, et certains morceaux instrumentaux me rendaient dingue. Celui-ci en fait partie. Je danse toujours en l’écoutant. Je l’adore. »

« Impossible d’omettre l’influence des Beatles, la question est de savoir quelle chanson incarne ce groupe pour moi. Celle-ci évoque un lieu, thème commun à toutes les chansons que j’aime. There’s a Place est essentiellement l’œuvre de John Lennon. Je l’adore, parce qu’elle décrit la destination dont nous rêvons tous : ce lieu unique où tout se passe pour le mieux. »

« Stevie est l’un de mes artistes préférés. Son éclosion sur la scène musicale a changé la donne avec un apport musical incomparable. J’adore Saturn (extrait de A Something’s Extra, un EP bonus inclus dans son album Songs in the Key of Life, ndlr). Il y aborde notre destruction de la planète, et comment certains se leurrent en pensant pouvoir en trouver une meilleure. »

« À vrai dire, j’ai découvert cette chanson bien longtemps après sa sortie. À l’époque, je m’étais retiré de la scène musicale et je me tenais peu au courant de ce qui s’y passait. Mais quand je m’y suis finalement replongé pour découvrir ce que j’avais raté durant cette période… Michael Jackson à lui seul m’a suffi. “Mon Dieu. Quel morceau génial”, voilà ce que je me suis dit. »

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GETTY IMAGES

Booker T & the M.G.’s

MARCEL ANDERS

La recette d’une bonne chanson ? Une mélodie entraînante et des paroles bien senties sur la paix, l’amour et la spiritualité. C’est du moins ce que semble penser Yusuf/ Cat Stevens – nom de scène actuel du musicien autrefois connu sous le nom de Cat Stevens, puis devenu Yusuf Islam, en 1978, après sa conversion à l’Islam. Une recette appliquée sur Wild World, Moonshadow et M ­ orning Has Broken, hymnes folks des années 70. Après trois décennies d’absence, il revient à la musique en 2006 pour prolonger sa mission à ­travers des chansons qu’il voit comme source de révélation et un pont entre les cultures occidentales et orientales. Ces quatre titres ont nourri sa ­créativité. catstevens.com


© Photo : Guilhem Canal


ANOUK WIPPRECHT

Tissu social Les tenues « parlantes » de cette créatrice sont des déclarations : elles révèlent vos émotions et vos secrets les plus intimes.

Anouk Wipprecht a une robe pour chaque occasion. Cependant, pour cette créatrice de mode née aux Pays-Bas et basée aux États-Unis, les vêtements qu’elle crée sont plus qu’une expression de ce que ressent la personne qui les porte un jour donné ; ils peuvent y réagir physiquement. Prenez par exemple sa robe « de proximité » : 16

si quelqu’un s’approche trop près, sa jupe s’allonge subtilement pour créer une distance personnelle. Le domaine dans lequel Wipprecht travaille est connu sous le nom de FashionTech : une industrie qui combine le design haut de gamme avec l’impression 3D, l’ingénierie et la robotique pour créer des vêtements qui réagissent à la fois à notre environnement et à notre Moi intérieur. « Je voulais créer des vêtements qui puissent changer et réagir à nous pendant la journée, explique la créatrice de 36 ans, qui a commencé à dessiner à l’âge de 14 ans et a travaillé sur des concepts de tissus intelligents pendant ses études à l’université de Malmö,

en Suède. Vous pouvez être super joyeuse le matin et mettre une robe joyeuse. Mais que se passe-t-il si vous êtes fatiguée l’après-midi ? Vous n’avez plus envie de porter cette pièce. » Vous avez envie d’un peu plus de piquant que ce qu’une simple robe de proximité peut satisfaire ? Essayez la robe araignée. Construite autour d’un corsage exosquelette, elle est équipée d’un ensemble de capteurs de proximité qui, lorsqu’ils sont déclenchés, font jaillir des pattes d’araignée mécaniques, effrayant ainsi les personnes indésirables. Si ces deux robes explorent la nature de l’espace public et personnel, d’autres tenues de la collection de Wipprecht THE RED BULLETIN


LOU BOYD JEFF CACOSSA, CHRISTINA BAKUCHAVA, YANNI DE MELO

De gauche à droite : Anouk Wipprecht ; sa robe Smoke crée un voile de fumée en guise de camouflage ; la robe Pangolin change de forme et de couleur pour refléter les émotions ; le squelette numérique de la robe HeartBeatDress ; la « corne de licorne » et sa caméra qui surveille l’activité cérébrale des enfants souffrant de TDAH afin de faciliter leur apprentissage. THE RED BULLETIN

f­ acilitent l’expression des émotions et pensées intimes. La robe Pangolin utilise 1 024 capteurs EEG pour mesurer l’activité électrique du cerveau de la personne qui la porte et la traduit par des formes et couleurs, permettant ainsi aux autres de visualiser ses émotions, tandis que la robe HeartBeatDress suit votre pouls pour afficher aux yeux de tous les battements de votre cœur. « En tant qu’êtres humains, nous communiquons de ­nombreuses façons, déclare ­Wipprecht. Il y a tellement de choses que nous pouvons explorer dans l’espace de la communication non verbale. Mon travail s’apparente à de l’ingénierie, mais il est aussi un peu philosophique. Il permet

à la fois de créer des émotions et de les exprimer. » Wipprecht a bon espoir que sa couture technologique et transmetteuse d’émotions, pourra ouvrir la porte à des interactions plus variées, mais savoir si les gens sont prêts à s’exposer de manière aussi explicite, de par le comportement de leur vêtement, est une autre question. « Nous avons montré la HeartBeatDress à la Fashion Week de Milan, et ce que je n’avais pas réalisé, c’est que si les mannequins ont un visage de poker bad-ass, en eux, ils sont tous tendus, dit-elle en riant. Elles sont sorties sur le catwalk en ayant l’air cool, mais on pouvait voir sur la robe que leur cœur battait à fond. » anoukwipprecht.nl 17


Tome sauveur Certains livres prennent de la valeur avec le temps. Celui-ci pourrait s’avérer inestimable si l’avenir venait à mal tourner.

Si vous pouviez voyager dans le temps jusqu’au Moyen Âge, quelle invention moderne emporteriez-vous avec vous ? Un téléphone ? Une voiture ? La pénicilline peut-être ? Enfant, cette question amusante taraudait l’artiste et entrepreneur russe Vsevolod Batishchev. En mars 2020, ce dernier visite le Japon avec sa femme enceinte au moment où le monde se confine. Le couple se retrouve coincé sur 18

­ aoshima, une « île d’art » N inhabitée, dédiée aux installations et aux musées, et située dans la mer intérieure de Seto. « Déambuler parmi ces objets d’art sans la présence d’habitants aux alentours avait quelque chose d’effrayant », se souvient Batishchev. La question qu’il se posait enfant, lui revient alors. « Cette fois, le voyage dans le temps nous amène dans un futur post-­ apocalyptique. Nous comprenons vite que nous serions des incapables, car nous ne savons rien faire de nos mains. » Ce constat incite Vsevolod Batishchev à réfléchir au moyen d’améliorer notre compréhension collective des inventions humaines. Avec son ami Timur Kadyrov, également entrepreneur, il décide de créer un manuel destiné à toute personne amenée à

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NINA ZIETMAN

THE BOOK

recréer la société humaine dans sa totalité. The Book: The Ultimate Guide to Rebuilding a Civilization (traduction : Manuel pour reconstruire une Civilisation) est une encyclopédie de 440 pages répertoriant par le menu les inventions clés de l’humanité — du fonctionnement du moteur à vapeur à la fabrication de la poudre à canon (indice : il faut du foin et de l’urine) — tout en offrant également des conseils plus généraux, tels que la façon de dresser une table ou de pratiquer le yoga. « Nous avons exclu les faits et les figures ­historiques ; nous ne précisons même pas que le livre s’adresse aux humains, explique Vsevolod ­Batishchev. Il est conçu à toutes fins utiles, quel que soit l’époque ou l’univers. » L’autre point important concernait l’illustration des consignes qu’on voulait utiles et divertissantes à la fois. L’usage de peinture et d’encre a produit une association de diagrammes et de schémas de style médiéval, couvrant tous les domaines, de l’agriculture aux premiers secours, en passant par la fabrication de colle ou d’un générateur électrique. Le champignon est l’entrée préférée de Batishchev. « Elle décrit l’usage des champignons en médecine, pour des vêtements et l’alimentation, ou comme produit hallucinogène sans jugement. » On y trouve aussi des règles de jeux de balle et d’échecs, pour l’enfant post-apocalyptique. « Les récents événements incitent les gens à voir le monde fragilisé — COVID, changement climatique, etc. — qui pourrait avoir grand besoin de ce livre, explique Batishchev. Mais avec cet ouvrage, je souhaite aussi que chacun éprouve la jubilation enfantine que suscite la découverte. » The Book: The Ultimate Guide to Rebuilding a Civilization – en anglais ; sortie prévue cet été ; civilizationbook.com


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Penélope Cruz

L’actrice espagnole a marqué le cinéma européen, et conquis Hollywood. Penélope explique pourquoi elle se fiche des récompenses de son industrie, et préfère célébrer sa mère. Texte RÜDIGER STURM

Avec de neuf ans de danse classique à son actif, Penélope Cruz sait comment réaliser de grands écarts audacieux dans les règles de l’art. La comédienne espagnole, mère de deux enfants, alterne les rôles entre le cinéma d’auteur européen et les blockbusters hollywodiens – et reste convaincante avec un jeu intense d’un bout à l’autre du spectre. Son palmarès réunit trois Goyas, les récompenses espagnoles du cinéma, et un Oscar pour son rôle dans Vicky Cristina Barcelona (2009). Elle était récemment à l’affiche du dernier film de Pedro Almodóvar, une fascinante quête d’identité, Madres Paralelas, et du film d’action sinoaméricain The 355, de Simon ­Kinberg. Et dispo pour quelques mots au Red Bulletin. the red bulletin : Votre récent film, américano-chinois, The 355 met en scène des espionnes qui passent franchement à l’action, en s’en donnant à cœur joie. Vous avez pourtant opté pour le rôle le plus intello et le plus craintif du casting, celui de la psychologue Graciela… Pourquoi ? penélope cruz : Ce n’est pas le truc de tout le monde de se battre avec ses poings et avec des armes. Moi, je n’aime pas cela. On peut tout à fait prouver sa force différemment – c’est d’ailleurs ce que fait mon personnage au moyen de la psychologie. C’est là que réside sa force, elle est une excellente psychologue.

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Elle se sent bien évidemment complètement dépassée par ses camarades espionnes, mais c’est justement là que les spectateurs peuvent le mieux s’identifier à elle. Et en même temps, son comportement a quelque chose de comique. C’est pour cela que je trouvais ce rôle dès le départ bien plus intéressant à jouer que celui d’une simple héroïne d’action. D’où vous vient cette force en vous, d'actrice et de femme ? De mes parents. Ma mère est une femme très forte, une féministenée. Mes parents m’ont appris à me rester fidèle avant tout. C’est pourquoi je n’ai jamais eu de problème à défendre mon point de vue ni à m’imposer. Il était très important pour eux que l’équité règne dans la famille. Ainsi, il n’y a jamais eu de différence entre ma sœur, mon frère et moi dans l’éducation qu’ils nous ont donnée. Est-ce le meilleur moyen pour apprendre l’égalité et l'équité ? À mon avis, oui. Et ça doit être là dès le premier jour. Car quand on vit cela de manière complètement naturelle, on n’a pas besoin de nous l’apprendre ni de nous l’expliquer. L’égalité des genres, il faut l’avoir dans son ADN, car c’est ainsi qu’on le transmet automatiquement à ses propres enfants. Cela fait trois décennies que vous avez du succès dans l’industrie du cinéma. Quels sont les facteurs qui aident à s’épanouir au maximum ? Il faut savoir s’entourer des bonnes personnes. Pour les gens de mon entourage, ma famille et mes amis, je ne suis pas la star. On se parle franchement. Cette dose de réalité au quotidien est extrêmement

Quelle importance revêt pour vous la possibilité de vous réaliser en incarnant des rôles artistiquement élaborés, comme ceux que vous propose Pedro Almodóvar ? La seule chose qui compte pour moi, c’est de pouvoir participer à divers projets artistiques – c’est-à-dire de tourner autant dans de modestes productions indépendantes que dans de gros blockbusters. Avec Pedro, je me sens bien, tout simplement, car cela fait longtemps que nous nous connaissons. Il fait partie de mon cercle social de gens qui me sont chers. Les films d’Almodóvar vous permettent de récolter de nombreuses distinctions de la profession. Quel rôle jouent ces récompenses pour vous ? Mon attitude vis-à-vis d’elles c’est de ne rien attendre de particulier. Quand on gagne un prix, c’est grisant, mais c’est bien plus sain de se laisser surprendre. Que se passerait-il si on vous ­enlevait du jour au lendemain votre statut et votre gloire ? Cela ne changerait pas grand-chose à l’essence de ma vie. Qu’on ait du succès ou non, on doit toujours se faire face et pouvoir se regarder dans le miroir pour avancer. Au final, ce qui compte pour moi, c’est de comprendre et de trouver une réponse satisfaisante à ce grand mystère : pourquoi sommes-nous en vie ? Cette quête de la vérité, personne ne pourra jamais me ­l’enlever…

The 355 bientôt en DVD/Blu-ray.

THE RED BULLETIN

KENT NISHIMURA/LOS ANGELES TIMES/CONTOUR RA

Double jeu

importante pour moi. Et quand on a des enfants, on s’efforce obligatoirement d’être la meilleure version de soi-même. Car quand on concentre toute son attention sur ces petits êtres en devenir, on ne peut pas ­s’autoriser à être égoïste.


« J'aime les films indépendants autant que les blockbusters. »

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Lewis Pugh

S’approprier l’extrême Le nageur a effectué une redoutable traversée de 12 jours de l’Ilulissat Icefjord du Groenland. Le plus flippant pour lui reste l’impact du changement climatique sur ces zones. Texte TOM WARD

Photo KELVIN TRAUTMAN

À 52 ans, Lewis Pugh admet que rien n’est comparable à sa première traversée. Né à Plymouth (Angleterre) de parents marins, il a déménagé au Cap (Afrique du Sud) à l’âge de 10 ans ; de son école, il avait vue sur la mer jusqu’à Robben Island, où Nelson Mandela était emprisonné. En 1987, cinq ans après le transfert de Mandela à la prison voisine de Pollsmoor, Pugh, alors âgé de 17 ans, a parcouru à la nage les 8 kilomètres qui séparent l’île du continent. Ce fut une révélation. « Je nage depuis trente-cinq ans, mais rien n’a vraiment reproduit la joie pure de cette première traversée depuis Robben, explique-t-il. La sensation ressentie en posant le pied sur le sable… J’ai immédiatement su que cela me plaisait. » Pour Pugh, l’exaltation ressentie réside dans la difficulté de la nage ; ce qu’il appelle « la beauté dans la lutte ». Il s’est soumis à cette lutte depuis lors : en 2006, Pugh devient la première personne à avoir nagé sur une longue distance dans chacun des océans du monde, et sept ans plus tard, il a été intronisé au Temple de la renommée international de la natation marathon. C’est en 2005 que Pugh est passé à la vitesse supérieure et a commencé à braver les eaux glacées de l’Arctique et de l’Antarctique. Il a fait cela pour attirer l’attention sur les effets du changement climatique sur ces paysages fragiles. En 2013, il a été nommé premier patron des Nations unies pour les océans.

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Puis, en septembre 2021, quelques semaines avant sa participation au sommet sur le climat COP26 à Glasgow – où il a demandé que 30 % des océans du monde soient déclarés zones marines protégées d’ici 2030 – Lewis Pugh a accompli l’un de ses défis les plus difficiles. Vêtu uniquement d’un slip de bain, de lunettes et d’un bonnet de bain, il a bravé 7,8 km d’eau entre 0 et 3 °C et des icebergs pendant douze jours pour devenir la première personne à effectuer une nage de plusieurs jours dans les régions polaires. Pour Pugh, cette mission intimidante constitue un message simple : « Pas de glace, pas de vie. » the red bulletin : Vous avez ­réalisé de nombreuses nages dans les régions polaires. Comment se prépare-t-on à cela ? lewis pugh : La natation en eau froide est le seul sport où plus on a d’expérience, plus c’est difficile ; quand on a eu très, très froid, on ne se dégèle jamais tout à fait. Cela reste profondément ancré dans votre mémoire, alors à chaque nouvelle baignade, vous devez d’abord oublier cette expérience et être ­absolument présent. Chacune de ces nages est exponentiellement plus dure que la précédente. Elles sont si douloureuses. C’est de la ­survie pure. Comment faites-vous pour rester en sécurité dans l’eau ? Avec mon équipe, nous mesurons la température et déterminons le temps que je vais passer à nager. Quand j’étais jeune, j’avais l’habitude de plonger et de foncer. Mais ça ne marche plus. Il faut se laisser

descendre lentement. Cette tension se produit. Je me dis : « Je veux juste y aller », mais il faut contrôler sa respiration et la réponse au choc du froid. Après environ une minute, je commence à nager. Et mon esprit me dit : « Sors, sors », mais je dois continuer à avancer. Pourquoi continuer à le faire ? J’ai passé toute ma vie professionnelle dans l’océan. Je me souviens avoir nagé dans l’océan Indien il y a quelques années, je nageais au-dessus d’un récif corallien et regardais les requins et les raies, les coraux éclatants et les poissons tropicaux. J’y suis retourné récemment : les récifs sont morts et les poissons ont disparu. Environ 25 % de la vie dans l’océan vit dans les récifs coralliens. Au cours de ma vie, nous avons perdu près de 70 % de la faune et de la flore de la planète. De même, lorsque j’ai fait ma première baignade dans l’Arctique en 2005, la température de l’eau était de 3 °C. Je suis récemment retourné au même endroit et il faisait 10 °C. Lors de la COP26, j’ai exhorté tout le monde à s’approprier l’extrême. Comment cela ? J’entends par là qu’il faut assumer la responsabilité à 100 % de la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Il y a quelque chose de fondamentalement mauvais à léguer aux générations futures une planète qui n’est pas viable. Sachant cela, avez-vous encore de l’espoir pour l’avenir ? Sans espoir, on tombe dans l’apathie. L’espoir est essentiel, mais il faut le mériter. Nous devons agir chaque jour. Ce qui rend les choses si difficiles, c’est que nous n’essayons pas de régler le problème d’un pays ou d’une industrie, mais de plusieurs à la fois car nous avons besoin d’un changement complet de 196 nations. La plus grande menace pour l’environnement est la croyance que quelqu’un d’autre prendra la responsabilité de résoudre ce problème.

lewispugh.com

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« L’espoir est essentiel, mais il faut le ­mériter. »

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Jérémie Heitz

La tournée des sommets Le freeskieur suisse veut donner plus de visibilité à l’univers de son sport. Pour cela, il défie les plus beaux 6 000 m de la planète, une première ­immortalisée par un film. Texte NICLAS SEYDACK

Photo MATTIAS FREDRIKSSON

Depuis que Jérémie Heitz, 32 ans, a cessé de participer aux compétitions de freeski professionnel, il suit sa propre voie. Le protagoniste de La Liste établit sa liste très personnelle. Avec son ami Sam ­Anthamatten, il s’était mis en tête de conquérir les 6 000 mètres les plus beaux au monde, skis sur le dos, avant de rider leurs pentes presque verticales. De l’Artesonjaru, au Pérou (6 025 m), au Laila Peak, au Pakistan (6 096m), ce furent huit sommets au total. ­Aujourd’hui, La Liste – E ­ verything or Nothing est présenté en avant-­première : un ­documentaire spectaculaire sur la ­volonté, le savoir-faire et la réussite du travail d’équipe. THE RED BULLETIN : Il y a cinq ans, vous avez décidé d’abandonner les compétitions pro en freeride pour vous consacrer à vos films. Pourquoi ? Jérémie Heitz : C’était mon objectif depuis le début : me faire un nom dans le milieu afin de réaliser mes propres projets avec mon ami Sam Anthamatten et mes sponsors. La Liste me motive d’autant plus que je sélectionne moi-même les sommets les plus beaux, les plus raides et les plus difficiles du globe, afin de les gravir et de faire connaître notre style de freeski au monde entier.

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Comment ce choix s’est-il fait ? Ce n’est pas comme si nous étions les seuls à connaître ces montagnes. Nous avons tout simplement ­sélectionné les plus beaux sommets à l’aide de Google Earth, de livres et de films. Nous ne sommes pas les découvreurs de ces montagnes ni les premiers à y avoir skié. Mais nous sommes les premiers à les avoir incluses dans une tournée mondiale. Quelle place occupe votre amitié avec Sam dans ce projet ? Notre pratique du freeski est une affaire d’équipe. Nous évoluons sur la montagne tous ensemble. Sam est mon alter ego idéal. Nous nous attaquons à des défis extrêmement difficiles, et ce n’est qu’ensemble que nous pouvons les relever. Vous vous êtes imposé des expéditions de plusieurs jours, en escaladant les sommets équipés de piolets et de crampons. Pourquoi ne pas avoir eu recours à un hélicoptère ? Skier sur les montagnes extrêmement exigeantes qui figurent dans La Liste exige une parfaite connaissance du terrain au préalable. Vue d’un hélicoptère, la neige peut paraître bonne alors qu’en réalité, elle n’a que quelques centimètres d’épaisseur et recouvre des pierres ou de la glace. L’ascension à pied permet de repérer l’itinéraire de la descente. Ainsi, au contact de la montagne, nous pouvons identifier les moindres aspérités ou les zones dangereuses. Ce type de terrain ne tolère pas l’erreur, car celle-ci pourrait s’avérer fatale.

Faites-vous allusion à l’accident survenu lors d’une étape de La Liste au Pérou, sur le sommet Artesonjaru, au cours de laquelle l’un de vos amis s’est gravement blessé ? Vous avez interrompu l’expédition pour l’emmener à l’hôpital juste à temps. J’ai failli tout arrêter sur le moment. Durant les mois qui ont suivi, je pensais ne plus jamais rechausser de skis. J’adore ce que je fais, mais pas au point d’y laisser la vie. Nous avons beaucoup échangé avec notre ami blessé. C’est seulement à sa demande que nous avons finalement décidé de poursuivre le projet. Les blessures sont-elles le prix à payer pour repousser les limites ? Dans notre cas, c’est différent. Sam et moi avons en commun d’être animés par une curiosité sans bornes, qui s’appuie sur des années d’expérience et un sens aigu du risque. Les limites que nous franchissons ne sont pas les nôtres, mais celles que d’autres jugent infranchissables. Jusqu’où ira cette curiosité qui anime vos performances ? Y aura-t-il d’autres sommets après La Liste ? Ma vie entière ne suffirait pas pour skier sur tous les sommets du Pakistan. Ils sont si nombreux que la plupart n’ont pas de nom. Et je ne parle même pas de la chaîne de l’Himalaya et des pics de plus de 8 000 mètres à travers le monde. Du moins pas pour le moment.

Pour connaître les diffusions en salles du film et les plateformes l’accueillant, scannez le QR code ci-contre ou rendez-vous sur le site officiel : laliste-everythingornothing.com

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« Les limites que nous franchissons ne sont pas les nôtres. »

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« POUR ATTEINDRE UNE RIVIÈRE, ON DOIT ALLER AU BOUT D’UN CHEMIN »

Texte PATRICIA OUDIT Photos SANDRO BAEBLER


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Nouria Newman

La kayakiste française NOURIA NEWMAN, 30 ans, s’est offert ces dernières années, une débauche de débits toujours plus effrayants et d’expéditions de plus en plus engagées et risquées, explosant la barre mythique d’une chute de 100 pieds (30 m) en Équateur, et évitant de peu la catastrophe en Inde. Comment se préparer à affronter, et comment gérer, de telles situations ? De solutions à la MacGyver en rencontres improbables, en passant par l’ingurgitation d’huile de boa, la triple championne du monde de kayak extrême nous détaille avec son naturel ces chemins tortueux vers le risque. Et le long voyage qui l’y conduit, de l’aéroport à la rivière.

the red bulletin : Quelle est la première étape dans la préparation de vos expéditions ? nouria newman : Je passe d’abord des heures à chercher un lieu, une zone géographique qui me plaît, où il y a des choses incroyables à faire. Une fois ce rêve de base défini, je regarde énormément d’images satellite, j’analyse le profil de la rivière, pour avoir une idée du débit, du dénivelé et étudier la faisabilité. Si la rivière peut se descendre, il faut alors anticiper tous les problèmes. Puis, on constitue une équipe en fonction du terrain. Filles, garçons, peu importe tant qu’il y a du respect mutuel et que chacun se fait plaisir avec des objectifs communs. Il faut aussi organiser le soutien au sol en cas d’urgence, et cette personne peut aussi parfois endosser le rôle de routeur météo. Ce sont des gens qui ne sont pas sur place, mais sans lesquels l’aventure deviendrait vraiment dangereuse. Vous évoquez les problèmes à anticiper, quel ordre sont-ils ? 28

La logistique diffère d’une expédition à l’autre, selon que l’on doive traverser la jungle en Équateur ou un glacier pour arriver à la mise à l’eau. On peut avoir à embarquer une perceuse pour équiper le rocher avec un point d’ancrage, une corde de 60 mètres pour assurer la sécurité et tirer des rappels, une moustiquaire, un spray pour faire fuir les ours… Faire du kayak, c’est encombrant. Comment ça se passe à l’aéroport avec tout ce matériel ? Je ruse en mettant mon kayak de 22 kilos dans une housse de surf ou de windsurf, et mes pagaies dans une housse à skis. Même si ça n’a pas tout à fait la même forme, et que c’est un peu suspect de partir skier et surfer au même endroit, ça passe. Mais le gros problème, c’est le surpoids… Vous avez des techniques infaillibles pour le réduire ? Je porte mon casque et mon gilet, ça donne vraiment l’air idiot, mais au moins, THE RED BULLETIN


« La peur est un outil, une super alarme. » THE RED BULLETIN

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« J’avais l’impression que mes organes étaient remontés dans ma cage thoracique. »


Nouria Newman

on ne se fait pas facturer un bagage en plus ! Il m’est arrivé aussi de bourrer mes vêtements dans ma combinaison étanche, qui est bien large aux jambes. Cela me donne des airs de saucisson, mais au moins j’arrive à faire rentrer 15 kilos sur moi. Je glisse aussi un sac filet dans les jambes de la combinaison et une fois la sécurité passée, je dispose ainsi d’un sac en plus ! Tout compris, je débarque avec 65 kilos de matériel. Heureusement, j’ai des sacs à roulettes. Une fois sur place, que se passe-t-il ? Quand vous mettez-vous à penser à la rivière ? J’arrive en général une semaine avant, histoire de me remettre en jambes, de m’échauffer sur d’autres rivières plus faciles, de voir l’équipe, de faire tout le travail de repérage sur le site. La rivière, j’y ai pensé tout le temps, deux mois ou parfois deux ans à l’avance. Dès que j’ai un moment de libre, je vais sur Google Earth, j’apprends des données par cœur. J’ai passé tellement de temps à organiser le voyage, à faire des provisions, à bricoler le kayak que l’arrivée sur place est dans la continuité du voyage. Quand vous dites bricoler le kayak, ça veut dire quoi ? Sur la dernière expédition en Équateur, j’ai changé le siège d’origine de mon kayak pour le remplacer par une plaque en carbone avec un siège en mousse hyper léger. J’ai gagné un kilo, ce qui était important car on partait pour deux semaines, en autonomie…

AVERY STOLTE

Cent pieds, soit 30,48 m exactement : la hauteur que Nouria a sautée en kayak, établissant ainsi un nouveau record du monde féminin. C’est sur la ­rivière Pucuno, en Équateur, que la Française a r­ éalisé cet exploit en f­ évrier 2021. Cette chute est au cœur d’un ­documentaire, 100 Feet, qui ­revient sur le parcours et le caractère exceptionnels de cette athlète audacieuse.

Cela vous arrive souvent de devoir jouer les Mac Gyver ou les Mike Horn ? Bien sûr ! En octobre 2019, je me suis rendue seule sur la Pitt River, en Colombie-­ Britannique et j’ai dû traverser une partie du glacier. Vu qu’il était tombé une fine couche de neige qui empêchait de voir les crevasses, j’ai rallongé une longe avec laquelle je me suis attachée à mon kayak, en pensant que son poids avec le chargement (tente, sac de couchage, réchaud, etc.) pourrait me stopper en cas de chute. Je me servais de ma pagaie comme d’une

« Les gens m’ont demandé : “Mais comment êtes-vous arrivée jusqu’ici ?” »

sonde ! Mais je n’arrêtais pas de tomber, ­malgré les crampons. En plus, le premier canyon était impraticable, la rivière était basse, vaiment difficile. Finalement, quand j’ai rencontré des gens à la fin de la rivière, ils m’ont demandé : « Mais comment êtes-vous arrivée jusqu’ici ? » Oui comment ? Surtout avec une marche d’approche de 17 km, kayak sur le dos… Le sentier était bon et comme il avait neigé, j’ai pu tirer mon kayak à la manière d’une luge. D’habitude, je porte mon kayak comme un sac sur le dos et c’est douloureux. Mais quand cela devient manœuvrier, avec des arbres sur ma route ou autres obstacles à franchir, il faut le remettre à l’épaule : et 35 kilos de matériel sur une seule épaule, c’est autrement plus douloureux, donc je me force à alterner d’épaule toutes les cinq minutes. Cette fois, même en tractant le kayak, j’ai mis plus de douze heures pour parcourir les 17 km. Normalement le chemin ne faisait que 9 km, mais j’ai dû en emprunter un plus long, pour éviter les ours… Vous aviez un moyen pour vous défendre ? Oui, j’avais emporté un bear spray, une bombe lacrymogène contre les ours. Mais la goupille de sécurité s’est coincée dans une branche, et ça m’a aspergé les yeux ! J’avais aussi sur moi une balise satellite. Avec mon contact d’urgence, on avait mis au point un protocole où je devais lui donner ma position entre 7 h et 8 h tous les soirs. Partir en solo ne me pose pas de problème. Après, il y a des endroits, comme au Népal ou le sud de l’Inde où j’ai eu, en tant que femme, à subir des comportements insistants et où je ne retournerai pas seule. Après le cheminement physique jusqu’à la rivière, quelles sont les différentes étapes psychologiques qui vous mettent en condition pour affronter le risque ? Pour la plupart des projets, je rentre dans une série de résolutions de problèmes, et je planifie tellement tout à l’avance, que je ne suis que dans l’action. C’est assez rare que je me retrouve dans une situation de peur ou de stress. Mais cela peut arriver dans une expédition au long cours, à cause cerrtains paramètres : un problème de communication dans le groupe, un niveau d’engagement différent selon les membres de l’expédition, de mauvaises conditions météo, le froid, la fatigue qui exacerbent les défauts de chacun. C’est 31


Nouria Newman

« J’ai dû nager tout le rapide pour récupérer mon kayak… Sinon, c’était fini pour moi. » souvent l’addition d’un ensemble de facteurs qui fait que tout se dégrade. Mais il faut apprendre à s’accepter et accepter les autres dans leur pire version ! Comme lors de votre dernière expédition en Équateur à l’automne 2021, où rien ne s’est passé comme prévu ? Oui… Nous devions descendre une rivière* en 16 jours, mais nous n’étions même pas arrivés à la moitié en 22 jours ! C’était le parcours le plus raide qu’on ait jamais tenté en termes de dénivelé. Pour vous donner une idée, à 4 % de pente, c’est compliqué et sur ce projet, nous avions de longues portions à 7 % et jusqu’à 12 % ! La difficulté dans la jungle, c’est la progression : porter nos kayaks une journée pour faire 2 kilomètres parce qu’il faut d’abord tracer un chemin à la machette. Et une fois que vous êtes engagé dans un canyon aux versants super raides, il n’est plus possible de faire machine arrière. Et pour ajouter à la difficulté, il faut continuer à porter les kayaks, car le courant de la rivière est bien trop fort pour naviguer. Sans parler des conditions météos défavorables : dès qu’il y avait des pluies, ça créait un débit trop d’eau trop important, et il fallait attendre la décrue, parfois jusqu’à trois jours. Comment vous alimentez-vous quand une expédition s’allonge sans cesse ? À un moment, nous n’avions plus de nourriture, et on nous en a jeté des sacs de pique-nique depuis un hélicoptère, comme si nous étions des naufragés de la jungle ! Cette expédition tournait au ridicule. Peut-il arriver que cela se passe encore plus mal ? Vraiment plus mal ? Oui, ce fut le cas au Zanskar en Inde. Comme sur la Pitt River, j’y suis allée toute seule, et dès le deuxième jour, je me suis fait très peur. J’ai failli y laisser ma vie ! La rivière Zanskar avait un débit encore plus monstrueux que d’habitude. J’ai raté un petit mouvement, une erreur stupide, 32

et je me suis retrouvée coincée dans un trou d’eau qui m’a aspirée par le fond, sous un rocher. Quand j’ai réussi à remonter à la surface, j’ai dû nager tout le rapide pour récupérer mon kayak… Sinon, c’était fini pour moi. Au bord de la rivière, à quel moment vous-dites vous que c’est le bon moment pour y aller ? Mes analyses des rapides qui se présentent à moi, et la prise de décision d’y aller ou pas sont souvent assez courtes. Si ça commence à prendre du temps, c’est que c’est trop compliqué ou que je ne suis pas prête à tenter la descente. J’essaie de faire un peu de visualisation mentale pour anticiper les mouvements d’eaux. Sur les gros rapides, j’ai une routine : je mets mon protège-dents pour réduire les impacts sur les cervicales et j’essaie de réduire ma fréquence cardiaque en faisant une respiration alternée de 30 secondes et en faisant le vide dans ma tête. Cela peut être plus long quand je suis vraiment stressée. Vous avez respiré plus longtemps avant votre record de la chute de 100 pieds en Équateur, sur la rivière Pucuno ? Non, mon approche était la même, mais c’était juste un peu plus haut et risqué, avec un accès compliqué. Et nous devions filmer avec une équipe avec laquelle je ne travaillais pas habituellement. J’ai dû gérer la logistique qui était chaotique. À tel point que, trop occupée à gérer les affaires de tout le monde, j’ai oublié les miennes le jour J. Cela n’a pas impacté plus que cela votre concentration et votre stress ? Pas vraiment. De toutes façons, le niveau d’eau n’était pas optimal. On a attendu des heures et puis à un moment, je me suis dit : « Bon, j’y vais quand même. » Je savais que ce serait plus dur, que j’aurais un kicker à gérer (quand le kayak touche un caillou, ndlr) dès le départ, qui pouvait changer mon angle avec le risque de partir en vrille dans la chute et là, ça aurait été très délicat. Mais j’ai fait la ligne que je voulais faire. Par contre, l’impact a été vraiment violent, j’ai cru m’être cassé le dos. J’avais l’impression que mes organes étaient remontés dans ma cage thoracique. Le moment de stress, voire de panique, est venu après et non avant la chute. Vous n’avez rien eu au final ? Juste une petite coupure à la main. Les dames de la ferme qui nous avaient accueillis m’ont littéralement kidnappée

pour me soigner avec de l’huile de boa, au goût immonde. Elles m’ont ensuite enveloppée dans des couvertures et je me suis retrouvée au-dessus d’une marmite géante où était préparée une décoction de plantes médicinales spécialement cueillies pour moi. Je suis ressortie de ce hammam fait maison toute rouge et assez étonnamment, le lendemain, alors que je pensais que j’allais avoir un corps courbatu comme si on m’avait roulé dessus avec un semi-remorque, rien, aucune douleur. De façon générale, comment envisagez-­ vous la peur ? Pour moi, la peur est un outil, une super alarme. Elle oblige à être extrêmement vigilante, concentrée. Mes pires accidents de kayak sont arrivés quand je n’avais pas peur, dans ma zone de confort, comme au Zanskar. La peur, il faut s’en servir. J’aime avoir peur, sinon je ne m’infligerais pas des niveaux de stress et d’engagement aussi élevés. On est un peu comme des petits enfants à qui on fait « bouh », qui se font une frayeur et rigolent… Après, dans la vie de tous les jours, il y a des peurs paralysantes. Pour débloquer ça, j’essaie d’identifier cette peur : est-ce qu’elle est rationnelle ou est-ce que je n’ai aucune raison d’avoir peur ? Si elle est irrationnelle, je me raisonne. Si elle est rationnelle, avec des risques objectifs, elle va me faire éviter le danger car je n’irai pas. Mais il y a des peurs impossibles à déchiffrer, non ? Oui, ça m’est arrivé : des moments d’angoisse où l’on ne sait pas pourquoi on est mal ni d’où ça vient. J’ai consulté quelqu’un pour travailler là-dessus. Quand on n’a plus envie d’avoir peur, c’est une période délicate, surtout quand son métier, c’est de faire de l’extrême. Il faut alors faire deux ou dix pas en arrière, reconstruire les bases. Accepter, quand on sort d’une expédition pendant laquelle on a eu la boule au ventre tous les jours du matin au soir comme en Équateur, de faire une pause pique-nique sur un lac. Est-ce important pour vous de faire une première féminine, comme votre chute de 30 mètres ? Parfois les records féminins ne sont pas pertinents. Si cent garçons ont passé cette chute et qu’on est la première femme à le faire, où est la valeur ? Descendre une chute de 100 pieds, ce n’est pas tant pour être la première femme que pour montrer qu’une femme peut le faire. Avec ce projet, j’avais envie de repousser la limite sur une THE RED BULLETIN


« Je suis plutôt du genre à boire le whisky avec une bande de chercheurs d’or. » Nouria en session photo dans le Gard. En expédition, c’est seule qu’elle transporte son bateau (et tout le reste).

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« La manière la plus efficace de défendre quelque chose, c’est de laisser ses actions parler pour soi. » Nouria en pleine action sur le dernier rapide du Río Engaño, pour le projet Patagonia Triple Crown. La rivière parcourt l’Argentine et le Chili.

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Nouria Newman

qu’on n’allait pas les dénoncer, on discute de leur boulot, de combien vaut une pépite… On apprend des tas de choses sur la vie des gens. Le prix à payer parfois, c’est qu’il faut un peu dire oui à tout : comme boire de l’huile de boa immonde ! Pourquoi la rivière vous parle autant ? D’où vous vient cette passion ? Mon premier souvenir de rivière remonte à l’âge de 5 ans. Avec mon club, on devait descendre une rivière, le Chéran, et soit l’entraîneur s’était trompé d’embarquement, soit il avait fait exprès pour nous donner encore plus des sensations, mais nous avions dû descendre les bateaux avec des cordes, à moitié en rappel, et à moitié sur des échelles. C’était exaltant ! Mon deuxième souvenir, c’est que je me traînais tellement derrière le groupe que mon père avait attaché son kayak au mien avec une corde pour me tracter, ce qui avait fini par retourner le bateau ! J’avais eu peur, froid… Un peu traumatisant.

chute complexe, esthétique. Après, je ne revendique rien. Ce serait hypocrite de dire que je l’ai fait pour une cause, comme l’émancipation des femmes par exemple. Je l’ai fait pour moi, et tant mieux si ça ouvre des portes aux autres femmes. La manière la plus efficace de défendre quelque chose, c’est de laisser ses actions parler pour soi.

ERIK BOOMER

Vous semblez n’avoir pas de limites… N’y a-t-il pas un risque de surenchère ? Mon objectif, c’est de progresser en kayak pour être meilleure et pouvoir faire ce que j’ai envie de faire, pas de cocher des records. À vouloir en faire toujours plus, trop, la dernière expédition en Équateur l’a démontré, on court à l’échec. Et on finit par manquer de respect à l’élément. Après tous ces exploits et aventures, ­comment vous définiriez-vous ? Je suis kayakiste en eaux vives, j’aime la rivière, j’aime voyager, rencontrer des gens et le kayak est source de belles histoires. Pour atteindre une rivière, on est obligé d’aller au bout d’un chemin. Les rencontres qu’on y fait sont inattendues, comme ces chercheurs d’or de la forêt équatorienne, ou ces gauchos argentins. THE RED BULLETIN

Ci-dessus, le matos de Nouria : un kayak Waka Steeze en plastique résistant aux ­impacts contre les rochers et une pagaie Werner en carbone ; un sac étanche, un g ­ ilet de sauvetage Greenjacket pour la flottaison (avec poches pour le matériel de sécurité), une jupette Immersion Research pour ­empêcher l’eau de rentrer dans le bateau, des chaussures Astral à séchage rapide, et au bon grip sur les cailloux glissants. Matériel à droite, de haut en bas : casque Sweet Protection ; combinaison étanche Immersion Research.

C’est souvent nous, l’air un peu bizarre avec notre gros matériel en plastique, qui ­provoquons naturellement la curiosité. Vous discutez de quoi, lors de ces ­rencontres improbables ? Avec les gauchos argentins, ce qui est sympa, c’est qu’ils connaissent tous les chemins, là où ils font passer leurs bêtes, ils nous donnent des tuyaux sur les accès. Parfois ils nous préparent un barbecue et pour les remercier, on leur donne des affaires. Il y a des vrais moments de partage. Je suis plutôt du genre à aller faire une partie de cartes avec les chauffeurs ou à boire le whisky avec une bande de chercheurs d’or. Une fois qu’ils ont compris

Comme quoi, des débuts ratés peuvent mener à de grandes carrières ! Oui, car après, ça s’est empiré. En première, au lycée, j’avais voulu faire ma première grosse chute, dans un excès de confiance adolescente, et je m’étais ratée… Mon visage a fini entièrement rapé, mon nez cassé : très laid ! Au point que mes amis m’avaient surnommée « Scarface ». Je n’y ai plus retenté aucune chute et pendant quatre ans, je n’ai fait que du slalom. Et puis, en 2012, je me suis retrouvée au Chili pour une compétition avec tous les meilleurs au monde : il y avait une belle ligne, la meilleure sécurité possible. Je me suis lancée. À propos de carrière, vous avez fait des études de journalisme… Oui, à Sciences-Po Toulouse. Pas évident de mixer études et sport : se lever tôt pour faire une première session d’entraînement, en refaire une, voire deux dans la journée… J’étais probablement la seule élève qui arrivait à l’IEP avec les cheveux mouillés ! Mais ça aide, car maintenant, il faut penser un projet de A à Z : le construire, le pitcher, le documenter. Encore une autre logistique. *Le film sortira courant 2022. Pour des ­raisons de confidentialité, le nom de la rivière ne peut être dévoilé.

La chute de 30 mètres de Nouria Newman et le documentaire 100 Feet qui lui est consacré sont à découvrir sur redbull.com 35


BONNE PRISE

Alex Honnold sur un ­surplomb dans le parc ­national de Yosemite, en Californie : même les plus petites ­erreurs sont interdites dans son monde.

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L’homme sans peur L’Américain ALEX HONNOLD, 36 ans, escalade des falaises de mille mètres de haut sans sécurité. Et sans être perturbé par la peur. Comment fait-il ? Visite à domicile chez un homme hors du commun. Texte HEATHER BALOGH ROCHFORT

Photos JIMMY CHIN


Alex Honnold

Un

Famille

« Je suis sans doute bien mieux préparé aux escalades les plus périlleuses qu’à la vie de parent, plaisante Alex Honnold. Je lis énormément de choses sur l’escalade. J’étudie et je m’entraîne. Mais je n’ai pas encore ouvert un seul livre sur la parentalité. Il suffit de se laisser porter, non ? » À l’occasion de leur premier 38

La star de l’escalade Honnold en 2003, à l’âge de 17 ans, avec sa cousine dans le jardin de son oncle en Californie.

anniversaire de mariage en septembre 2021, Alex Honnold et son épouse, Sanni McCandless Honnold, ont annoncé qu’ils attendaient une petite fille pour le mois de février 2022. Ravis, les fans d’escalade du monde entier ont chaleureusement félicité les futurs parents sur Instagram. Pour beaucoup, Alex Honnold est le grimpeur le plus reconnaissable au monde, et certainement, celui que l’on associe le plus souvent à d’impressionnantes ascensions en solo intégral. Figure de proue d’un sport intrinsèquement lié au danger, il a surpris bon nombre de supporteurs par ses choix de vie. Mais Alex Honnold sait ce qu’il fait. Il a toujours voulu fonder une famille, quelles qu’en soient les conséquences sur sa carrière sportive. « Je me suis préparé à toutes les éventualités, assure-t-il après s’être assis dans l’un des deux fauteuils ronds du séjour. J’ai parfaitement conscience que la paternité pourrait totalement changer ma manière de grimper, même si je prends déjà toutes les précautions pour grimper de la manière la plus sécurisée possible. Difficile d’imaginer l’impact de mon nouveau statut de père… »

Alex Honnold se sent à l’aise avec le concept de la famille. Né à Sacramento (États-Unis) en 1985, il a grandi dans une famille de la classe moyenne. Il est le cadet des deux enfants de Charles Honnold et Dierdre Wolownick. Ses parents travaillaient au collège communautaire local : Charles enseignait l’anglais langue étrangère et Dierdre a longtemps été professeure de français. Certes, la famille n’était pas parfaite, mais elle fonctionnait plutôt bien. Les parents d’Alex ont finalement divorcé pendant la première année universitaire de ce dernier (avant qu’il n’abandonne les cours). Charles est décédé d’une crise cardiaque peu de temps après.

« Je suis bien mieux préparé aux escalades les plus périlleuses qu’à la vie de parent. » THE RED BULLETIN

COURTESY OF ALEX HONNOLD

week-end comme les autres chez les Honnold. Le panorama donnant sur les falaises de grès rouge de Las Vegas depuis le salon est époustouflant. La scène en intérieur est surréaliste : Jonathan Griffith, ami d’Alex et réalisateur de documentaires tels que The Alpinist et le très attendu Alex ­Honnold: The Soloist VR, et moi-même observons la star de Free Solo s’adonner à diverses tâches domestiques, ramassant ici et là des objets qui traînent. Pourtant, cette scène caractérise bien Alex Honnold. Le champion d’escalade ne laisse jamais rien au hasard. Il s’affaire et se montre aussi méticuleux pour le ménage que pour escalader une paroi rocheuse de 900 mètres sans êre assuré. Il fait les choses bien, point final. Le spectacle qu’il offre reflète une incroyable efficacité. À mille lieues de l’image que l’on pourrait se faire de l’homme qui a réalisé la première ascension en solo intégral d’El Capitan dans le parc national de Yosemite en 2017, ou encore de la star internationale qu’il est depuis l’oscarisation du documentaire relatant le projet. Alex Honnold a passé près de vingt-cinq ans de sa vie à escalader des parois, petites ou grandes, avec ou sans corde. Sa réputation le précède dans le monde entier. Aujourd’hui, il est à l’aube d’un nouveau chapitre de sa vie personnelle. Le mariage. Les enfants. La paternité. L’escalade. Le solo intégral. Y a-t-il assez de place dans une vie pour tout cela ?


LA BANANE

En 2022, Honnold s’apprête à vivre une nouvelle étape de sa vie. Il va être père pour la première fois et son premier documentaire sur l’escalade en réalité virtuelle va paraître.


EN MAÎTRISE

Alex Honnold en juin 2017 lors de son ascension en solo libre d’El Capitan dans le parc national de Yosemite. Lorsqu’il grimpe sans assurance, il connaît chaque prise par cœur.


Alex Honnold

MEDICAL UNIVERSITY OF SOUTH CAROLINA

De son côté, Alex Honnold n’a pas attendu pour se montrer sous son véritable jour. Très jeune, il adorait déjà résoudre des problèmes, par exemple avec des Lego, et il a commencé à grimper dès l’école maternelle. À l’âge de 10 ans, il s’investissait pleinement dans le sport, même s’il est le premier à admettre qu’il n’était pas le meilleur. « Mais j’aimais tellement ça, ajoute-t-il, songeur. Aujourd’hui encore, j’adore être dehors. C’est vital pour moi. » En prononçant ces mots, il esquisse un geste vers la fenêtre et les falaises rouge sombre qui se profilent au loin. « As-tu déjà fait de l’escalade ici ? », me demande-t-il en inclinant la tête. Je lui réponds que c’est le seul sport extrême en plein air qui ne m’a jamais vraiment séduite. « Tu loupes quelque chose », dit-il avec un sourire jusqu’aux oreilles. Lors de ces apartés, la passion d’Alex Honnold prend le pas sur le pragmatisme du grimpeur. On dit parfois de lui qu’il est un ermite doublé d’un sceptique. Plus le temps passe, plus il se détend et me fait voir les choses différemment. De bien des façons, il me rappelle mon époux : pragmatique et logique, souvent jusqu’à l’excès. Alex Honnold n’a pas passé dix ans de sa vie en van simplement parce qu’il voulait être seul. Il l’a fait parce que cela avait du sens pour lui et que c’était la solution la plus logique pour consacrer le maximum de temps à sa principale

Reconnaissance ultime, le nom « Honnold » est carrément devenu un verbe dans la langue anglaise. préoccupation : l’escalade. Maintenant que Sanni fait partie de sa vie et que sa fille va bientôt pointer le bout de son nez, il a revu ses priorités. Logique. « Je pense que mon évolution en tant que grimpeur est entièrement naturelle et telle que je l’avais toujours imaginée. Je n’avais pas prévu de vivre dans un van pendant des années. D’autres grimpeurs célèbres le faisaient, mais je n’y avais jamais prêté attention. Je me suis toujours intéressé aux grimpeurs qui dédiaient une grande partie de leur vie à l’escalade, mais avaient aussi une famille et une vie stable, ce qui leur permettait d’avoir un réel impact sur le monde. On ne peut pas vivre dans un van jusqu’à la fin de sa vie. »

Peur

Reconnaissance ultime, le nom de famille d’Alex Honnold est carrément devenu un verbe dans la langue anglaise. Après le record obtenu par le grimpeur en 2008 pour son solo intégral sur les vingt-trois longueurs de la Regular Northwest Face

Voilà à quoi ressemble l’absence de peur : les scanners cérébraux montrent l’activité de l’amygdale, le centre de la peur chez l’homme, lors du visionnage d’images effrayantes. Alors que le cerveau d’Alex Honnold (à gauche) reste presque imperturbable, l’amygdale de la personne de contrôle, également grimpeuse, s’enflamme déjà. THE RED BULLETIN

du Half Dome au Yosemite, une photo désormais célèbre s’est propagée à vitesse grand V sur Internet : elle montre Alex Honnold, vêtu d’un sweat rouge et d’un pantalon noir, debout sur une minuscule corniche, le dos et les talons contre la paroi, et les orteils dans le vide. À près de 550 mètres de la terre ferme, il n’a, comme l’exige le solo intégral, aucun système de sécurité pour le relier à la paroi. Une chute, et c’est la mort assurée. En anglais, le verbe honnold signifie désormais se tenir debout à un endroit dangereux, le dos contre une paroi et le visage tourné vers le vide… et sa propre peur. Au fil des ans, la peur d’Alex Honnold (ou son absence) est devenue un sujet de recherche. La plupart d’entre nous n’imaginent pas accomplir les mêmes exploits sans être paralysés par la peur. La théorie selon laquelle Alex Honnold n’aurait peur de rien s’est répandue comme une traînée de poudre, à tel point qu’Alex a finalement autorisé Jane J­ oseph, une neuroscientifique spécialisée dans les sciences cognitives, à étudier son cerveau en 2016. Elle s’est notamment intéressée à son amygdale, aussi connue comme le centre de la peur dans le cerveau. Les résultats étaient sans équivoque, mais pas si étonnants. En résumé, il était pratiquement impossible de stimuler l’amygdale d’Alex Honnold. Aucune ­sollicitation ne fonctionnait. Ce sont des données scientifiques. Le reste n’est que pure spéculation. Le fait qu’Alex Honnold veuille grimper près de 900 mètres en solo intégral nous indique que son amygdale pourrait être plus « calme » en règle générale. Après tout, le monde entier a regardé Free Solo, sorti en 2018, l’incroyable documentaire qui retrace la première ascension en solo d’Alex Honnold sur El Capitan par la voie Freerider. La majorité des gens n’envisagerait jamais un tel exploit, même avec des capacités similaires. Cependant, Alex Honnold a toujours insisté sur le fait qu’il n’était pas si ­intrépide qu’on pourrait le penser. Il sait ce qu’est la peur. Mais il est convaincu d’avoir beaucoup travaillé pour ne plus la ressentir. Cela signifie-t-il qu’il a aussi 41


C’est dans les Alpes que le roi de ­l’escalade a ­atteint ses ­limites. Alex Honnold évoque ses plus grands défis à ce jour, devant la ­caméra de The Red Bulletin. 42

entraîné son amygdale ? Difficile à dire… Il n’existe aucune donnée permettant d’effectuer une comparaison avec la période précédant ses premières ascensions en solo intégral. « Je ressens vraiment la peur comme tout le monde et la mort m’effraie toujours, affirme-t-il. Mais je me suis désensibilisé et je suis mieux équipé pour gérer cette peur. » Nous disposons tous de plusieurs mécanismes pour gérer la peur, mais beaucoup d’entre nous n’en utilisent

qu’un ou deux : éviter les situations angoissantes ou surmonter la peur en l’ignorant temporairement. À l’évidence, Alex a dépassé la première méthode depuis longtemps et il est convaincu que la seconde n’est pas durable. « Bien sûr, vous pouvez vous contenter d’écouter du rock à fond, manger un cookie, vous encorder et espérer finir l’ascension avant d’avoir trop peur, mais ce n’est pas viable sur le long terme, explique-t-il. Qu’allez-vous faire la prochaine fois ? Manger trois cookies ? » THE RED BULLETIN


Alex Honnold

Nouvelle mission : peut-on combiner vie de famille et free solo ? équipé de crampons et de chaussures de haute montagne. Alex Honnold s’était frayé un chemin sur une crête alpine afin de suivre l’alpiniste suisse Nicolas Hojac. Mais un défaut d’équipement a sapé toute sa confiance : la nervosité le gagnait. Finalement, Nicolas Hojac est venu à sa rescousse. « Nico a laissé tomber son sac à dos. Il est redescendu sur la crête pour me donner son piolet, puis il est tranquillement reparti en trottinant, lâche Alex Honnold dans un éclat de rire. Pendant ce temps, j’étais en train d’agripper deux piolets, et de m’appuyer fermement sur mes pieds pour tenter de survivre. » Pour Alex Honnold, la haute montagne représente probablement une autre facette de la peur.

Avenir

AU TOP

Alex Honnold en 2017 au bout de ses rêves, au point le plus haut de la légendaire paroi rocheuse El Capitan.

Il préfère envisager la peur avec une confiance sereine et, une fois encore, une logique implacable. Nous sommes tous témoins d’exploits de solo intégral qui semblent défier la mort, mais nous oublions qu’ils cachent des centaines d’heures d’entraînement sur ces mêmes voies, avec une corde cette fois. Lorsque Alex Honnold décide de se détacher et de grimper en solo intégral, il sait qu’il va réussir. Un point c’est tout. « J’ai juste appris à mieux comprendre les différentes facettes de la peur », conclut-il. THE RED BULLETIN

Pendant le tournage du film Alex ­ onnold: The Soloist VR l’été dernier, H le grimpeur a découvert l’autre versant de la peur dans les Alpes françaises. Alex Honnold sera le premier à le dire : il est un grimpeur, pas un alpiniste. « J’ai l’impression de faire du tourisme, confesse-t-il. Certaines personnes font des croisières pour découvrir des paysages somptueux à travers le monde. Moi, je fais de l’alpinisme de temps en temps pour voir de magnifiques montagnes. » Et le voilà, un piolet à la main,

Alex Honnold passe sa vie à analyser. Décoder des Lego. Évaluer des voies d’escalade. Calculer les risques. Il est donc logique que son futur proche repose sur une autre équation. Lorsqu’il additionne son métier ô combien dangereux de meilleur grimpeur en solo intégral au monde et son amour de la famille, quel avenir se dessine-t-il ? Après plusieurs heures de discussion, il apparaît de plus en plus clairement qu’Alex Honnold n’a aucune idée de ce qu’il fera dans un an. Mais il est aussi évident qu’il est tout à fait préparé aux changements à venir. « Je n’ai plus besoin de passer mon temps à voyager et à grimper. J’en arrive à un stade où j’ai réalisé la plupart de mes objectifs, se réjouit-il. À présent, je suis marié et je vais bientôt être papa. Certaines choses méritent qu’on leur consacre un peu plus de temps. » Alors que je m’apprête à partir, Alex Honnold sollicite mon aide et celle de Jonathan Griffith. Nous avions bougé quelques meubles du séjour ce matin et il veut les remettre en place. « Vous pouvez m’aider avec ce canapé ? Il faut que tout soit exactement comme avant. Ou bien Sanni va me tuer. » Différentes facettes de la peur, disions-nous ? Instagram : @alexhonnold 43


Nicolas Hojac

Rencontre au top

Nicolas Hojac (à gauche) et Alex Honnold font une pause sur le versant sud de la Petite Crête.

Au bout d’un moment, il finit par détourner le regard. Assis sur un promontoire rocheux de la Cima Piccola dans les ­Dolomites, Nicolas Hojac observe l’immense paroi rocheuse qui se dresse à côté de lui. C’est là, à environ 200 mètres de Nicolas, qu’Alex Honnold grimpe le Gelbe Mauer (trad. mur jaune). Sans corde, sans assurage, en free solo. La voie fait 290 mètres de long. « Déjà pour un non-grimpeur, c’est impressionnant. Mais quand on sait tout ce qu’il y a derrière, c’est encore plus dingue. » L’été dernier, Nicolas a passé un mois dans les Alpes avec Alex Honnold pour tourner des séquences en vue du documentaire The Soloist VR. Regarder Alex 44

en pleine ascension, c’est parfois compliqué pour lui. Rien d’étonnant : ils n’ont pas du tout la même approche du risque. Mais si le réalisateur Jonathan Griffith l’a choisi comme partenaire d’escalade d’Alex, c’est que Nicolas s’est forgé un ­sacré statut depuis quelque temps. Le Suisse de 29 ans est considéré comme l’un des meilleurs alpinistes ­d’Europe et est en passe de devenir l’un des grands noms de la discipline. À 18 ans, il gravit la face nord de l’Eiger, et à 22 ans, il y établit le record de vitesse par équipe aux côtés du légendaire Ueli Steck. S’ensuivent des expéditions en Chine, au ­Pakistan et en Patagonie. En 2017, il gravit la Jungfrau, le Mönch et l’Eiger en une

journée. En 2020, il escalade 18 sommets de plus de 4 000 mètres en 14 heures. Il connaît les Alpes à peu près a ­ ussi bien qu’Alex Honnold connaît son van. Nicolas nous explique son travail ­pendant le tournage : « Je devais réaliser la première ascension avec Alex sur les voies qu’il allait ensuite grimper en free solo et lui apporter mon aide en milieu alpin. » Honnold n’est pas exactement un habitué des crampons et du piolet. Cela s’est particulièrement ressenti sur l’itinéraire enneigé de l’arête Kuffner, près du Mont-Blanc. « Alex m’a dit : “C’est ­l’escalade alpine la plus difficile que j’aie ­jamais faite.” Ça m’a surpris : pour moi, c’était une course plutôt simple. » Comment c’était, d’être en voyage avec le meilleur grimpeur au monde ? « Nous avions confiance l’un en l’autre. Le courant est bien passé. » Le plus impressionnant pour Nicolas : Alex en free solo. « Il est à la fois super détendu, et ­hyper concentré. Son style de grimpe est très sûr et quand on le voit faire du free solo, on comprend mieux pourquoi il ose le faire – mais ça reste flippant. » Pour Nicolas, ce n’est pas une option. « En escalade de vitesse, il arrive qu’on ne soit pas assuré et dans ce cas-là, pas question de faire le moindre faux pas. Mais ce n’est pas la même chose. » Ce n’est pas seulement depuis l’accident mortel de son ami et mentor Ueli Steck sur le Nuptse dans l’Himalaya, au Népal, en 2017 que Nicolas Hojac pense beaucoup aux risques. Sa v­ ision des choses est claire : pour être un bon ­alpiniste, il faut être un alpiniste chevronné. Plus que l’adrénaline, c’est le côté aventure qui le fascine dans l’escalade : « C’est ce que je recherche avant tout. » THE RED BULLETIN

NICOLAS HOJAC, RENAN OZTURK

Le Suisse NICOLAS HOJAC, 29 ans, se rapproche de plus en plus de l’Olympe des grimpeurs. Il a montré un nouveau monde à la légende américaine du free solo, Alex Honnold. Texte ALEXANDER NEUMANN-DELBARRE


Grimper comme Honnold Le film The Soloist VR montre Alex Honnold au plus près du mur grâce à la réalité virtuelle. Alex Honnold a déjà réalisé de nombreux films documentaires sur l’escalade, mais il a maintenant abordé le sujet sous un tout nouvel angle. Alex Honnold: The Soloist VR est une idée du cinéaste alpin Jonathan Griffith. Il plonge dans le monde de l’escalade libre de Honnold, filmé de ­manière spectaculaire avec une caméra de réalité virtuelle. Une équipe de six grimpeurs (dont l’athlète suisse Nicolas Hojac) a accompagné Alex Honnold sur des voies en Europe et aux États-Unis. Travailler avec la réalité virtuelle a été une toute nouvelle expérience pour Alex Honnold. « Je n’avais jamais tourné en RV auparavant. Ce projet était exactement ce qu’il me fallait, car c’est une excellente ­façon de montrer l’escalade d’une manière nouvelle. »

Les Alpes, Hojac les connaît aussi bien que Honnold connaît son van. Le grimpeur Nicolas Hojac (devant) sur la face ouest de l’Aiguille du Midi à Chamonix.

THE RED BULLETIN

Le tournage a eu lieu dans les Dolomites italiennes, les Alpes françaises et en Californie. Le spectateur peut soit se concentrer sur Honnold, soit se tourner pour observer un o ­ iseau qui passe, par exemple, ou regarder au pied de la f­ alaise où un ­caillou tombe sur plusieurs centaines de mètres.

Le film Alex Honnold: The Soloist VR peut être expérimenté avec un casque Oculus via l’Oculus VR Network. Making The Soloist VR montre l’aventure des grimpeurs Nicolas Hojac et Alex Honnold : redbull.com 45


LE FEU DU CIEL Des pompiers de choc, l’ARFF, veillent nonstop sur l’énorme aéroport de Los Angeles (LAX). C’est l’une des meilleures brigades au monde. Cette troupe d’élite est parée pour les pires situations, et doit parfois assurer la survie de passagers. Texte SCOTT C. JOHNSON Photos JIM KRANTZ


S’il devait arriver, ils seraient prêts : les membres de l’ARFF se préparent de manière obsessionnelle afin d’éviter le pire au LAX.

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Pompiers du LAX

D

ans le ciel à peine éclairé des lueurs de l’aube, le Boeing 767 passe au-­dessus de sa tête, si près que Michael Flores, depuis son camion, peut en distinguer chaque détail : une petite ­centaine de mètres séparent l’énorme engin du tarmac du Los Angeles International Airport – LAX, de son petit nom –, un vol en rase-motte décidé par le capitaine du Boeing, quelques minutes auparavant. Dans un appel de détresse, il a averti la tour de contrôle du LAX que le réacteur gauche ne fonctionnait pas bien et qu’il allait devoir faire un atterrissage d’urgence. En survolant à si basse altitude, le capitaine espérait que les troupes d’intervention au sol réussiraient à déceler ce qui clochait avec ce fichu réacteur – chose que lui, dans son cockpit, ne pouvait pas voir. Mais Michael Flores ne distingue rien d’anormal. « Pas bon signe », marmonne le collègue assis à sa droite. Heureusement, le Boeing 767 ne transporte pas de passagers mais des colis : près de 200 tonnes. Avec son réacteur défectueux et ses milliers de litres de kérosène, l’avion-cargo peut se transformer en une bombe volante de 380 tonnes, risquant à tout moment de s’écraser sur les pistes du quatrième aéroport mondial et de déclencher un gigantesque brasier. Michael Flores vient tout juste d’intégrer la brigade d’élite de l’ARFF – pour « Aircraft Rescue and Firefighting » – du LAX. Après trente années passées au sein du LAFD, la brigade de pompiers de la Cité des Anges, ce grand gaillard peut compter sur son expérience et un sang-froid à toute épreuve. Il reste donc dans son camion, en attendant la suite : quand le Boeing 767 se décide à tenter d’atterrir sur l’une des pistes longue de 3 940 mètres, le réacteur gauche racle violemment le bitume, et des étincelles en jaillissent, produisant une impressionnante traînée lumineuse le long du tarmac, encore plongé dans la pénombre matinale. Le signal du départ pour Flores et ses collègues du poste 80 : d’un coup, six énormes fourgons à incendie (les célèbres PANTHER de la marque autrichienne Rosenbauer, valant près d’1,2 million de dollars pièce et spécialement conçus pour intervenir sur les aérodromes) foncent en direction de l’avion-cargo. Une fois sur place, tout va très vite, chaque équipe sachant parfaitement ce qu’elle doit faire : tandis qu’une des équipes va chercher le pilote dans le cockpit par une passerelle de secours, une autre s’occupe 48

du co­pilote qui, dans un accès de panique, a tenté de ­s’extirper de l’avion en descendant en rappel le long d’une corde. Mauvaise tactique : en lâchant prise trop tôt, il s’affale lourdement sur le sol en béton mais s’en sort avec une blessure à la jambe. Quand on pense à ce qui aurait pu arriver ce jour-là si l’avion avait pris feu, ce bilan fut finalement le plus optimiste à espérer. Des scénarios-catastrophes, Michael Flores et ses ­collègues de l’ARFF sont obligés d’en envisager à tout moment, même si l’aéroport international de Los Angeles est l’un des mieux équipés au monde en matière de sécurité : alors que les nombreuses équipes stationnées dans les environs (dont deux juste à côté de l’aéroport) se concentrent sur les urgences médicales et les incendies dans les bâtiments des huit terminaux, la brigade d’élite de l’ARFF (également appelée le « poste 80 ») est quant à elle spécialisée dans les interventions sur les aéronefs. Chaque année, pas moins de 700 000 avions atterrissent ou décollent du tarmac de Los Angeles. Autant d’interventions potentielles pour ces pompiers d’exception. Fuite de carburant, fumée dans le cockpit, odeur suspecte : autant de signaux d’alerte qui, s’ils sont décelés trop tard, peuvent déboucher en quelques secondes sur les pires scénarios et causer la mort de centaines de personnes. Imaginez un peu : chacun des 1 500 avions qui passent chaque jour par Los Angeles renferme dans ses réservoirs des milliers, des dizaines de milliers, voire (comme c’est le cas pour un Airbus 380 à plein) plus de 300 000 litres de kérosène. Avec des centaines de passagers à son bord. Leur salut en cas de catastrophe ? Les ­soldats du feu de l’ARFF. Leonard Sedillos, dont le sourire et la bonhommie cachent un professionnalisme et une expérience qui forcent le respect, résume la difficulté de son boulot : « Il faut toujours être présent à 100 %, quand on travaille au LAX, parce que toute ta carrière peut se jouer ou se déjouer sur une seule petite intervention. » Sedillos, qui veille sur son unité comme une chatte sur ses chatons, est l’un des nombreux capitaines stationnés au poste 80. Pour parer au pire, l’ARFF jouit non seulement d’une équipe triée sur le volet, mais aussi d’un matériel ultra moderne et d’une longue expérience sur tous les types d’incidents qui peuvent survenir sur le tarmac d’un aéroport. L’entraînement intensif et continu des pompiers et le travail de prévention sont aussi deux garants essentiels de la réputation de cette brigade pas comme les autres, dont dépend la sécurité de millions de personnes, venues de tous pays, chaque année.

Le job de l’ARFF : assurer la protection des 700 000 avions qui passent par le LAX chaque année. THE RED BULLETIN


Ces véhicules flashy Panther, d’un coût d’un million de dollars, ont été conçus sur mesure pour le LAX.


À bord du Panther, qui peut atteindre les 140 km/h. Ce camion est du genre délicat à conduire, surtout sous la pression.


Pompiers du LAX

« À l’aéroport du LAX, ta carrière peut se jouer sur une seule petite intervention. »

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Pompiers du LAX

Cette brigade, c’est en quelque sorte la « Ligue des Champions » des pompiers.

L’équipe ARFF (ci-dessus) pulvérise un mur de flammes enveloppant une coque d’avion vide (à gauche) lors d’un entraînement. En cas d’incendie réel, ils peuvent utiliser des substances polyfluoroalkylées, également connues sous le nom de « mousse éternelle », un agent chimique d’extinction des incendies. THE RED BULLETIN

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Pompiers du LAX

Un souci dans l’engrenage, et c’est tout le trafic aérien des États-Unis, voire du monde, qui peut en pâtir.

L

a brigade de pompiers de l’aéroport international de Los Angeles a une longue histoire derrière elle et fut dès le début un exemple de modernité : dès 1937, les premières unités de l’ARFF ont ainsi été parmi les premières à utiliser les lances à haute pression, un concept révolutionnaire à l’époque. Un peu plus tard, en 1953, elle intègre à sa flotte un premier véhicule spécialement conçu pour ses missions, fabriqué alors par une entreprise américaine, Oshkosh Truck. Depuis, l’ARFF exporte son savoir-faire partout dans le monde, y compris des formations spécifiques de plusieurs mois portant notamment sur l’aéronautique (par exemple, la structure ou l’électronique dans un avion), sur la conduite de nuit ou encore sur les réactions chimiques des carburants et les protocoles d’intervention. Cette brigade, c’est en quelque sorte la « Ligue des Champions » des brigades de pompiers. Pour y entrer, il faut justifier d’un CV exemplaire et de plusieurs décennies d’expérience en tant que pompier professionnel, dans le milieu urbain. Après une longue et rude sélection, les heureuses recrues sont admises dans le saint des saints : les 3 000 hectares de la zone aéroportuaire du LAX. Et c’est là que leur véritable formation commence, comme le rappelle Flores : « Quand tu arrives ici après des années de carrière, tu vas devoir tout réapprendre de la base, comme un débutant. » S’étendant au bord de la mer, entre Santa Monica et les premières banlieues de la mégalopole californienne, l’aéroport international de Los Angeles est un monde en soi, où transitent chaque année plus de 88 millions de personnes. Un microcosme complexe avec ses règles, ses protocoles de sécurité, son administration (la « Los Angeles World Airports ») qui assure la gestion du lieu, tandis que la sécurité est l’apanage de la FAA (pour « Federal Aviation Administration »). Or, en cas d’incident, elle n’est pas la seule à entrer en jeu : la NTSB (pour « National Transportation Safety Board »), une agence indépendante chargée d’enquêter sur les accidents de transport dans le civil, devra également être informée. Un imbroglio administratif parfois très compliqué mais que rien, à l’extérieur, ne laisse soupçonner : le LAX donne l’impression d’être une machine parfaitement huilée. Mais derrière cette ambiance de carte postale, la réalité des membres de la brigade de l’ARFF est extrême : un seul petit grain de sable dans l’engrenage du LAX, et c’est tout le trafic aérien des États-Unis, voire du monde, qui peut en pâtir. Heureusement, en dépit de toute cette pression, ces soldats du feu considèrent encore leur lieu de travail comme un havre de paix, une bulle hors du temps qui n’a rien à voir avec l’enfer urbain qu’ils ont dû affronter lorsqu’ils t­ ravaillaient dans les brigades de la ville. Leur monde 54

à eux, qu’ils surnomment affectueusement leur « green world » comme une allusion à la couleur de leurs véhicules et à la folie du « red world » de L.A., est une oasis de sérénité dans un océan de chaos, de pauvreté et de violence. Pour Billy Barnes, un collègue de Flores, fou d’aviation depuis tout petit, il n’y a aucun doute : « Ce monde rouge, c’est l’enfer. Tous mes potes rêveraient de bosser ici plutôt qu’à l’extérieur. » Le monde extérieur dont parle cet homme né dans le Queens à New York et qui a déménagé à L.A. peu de temps après, c’est le quotidien qu’il a dû endurer pendant vingt-et-un an. Dès la fin du lycée, il s’engage dans l’armée et est envoyé au Koweït pour l’opération « Bouclier du désert » en 1990. De retour au bercail, le jeune soldat se repose en regardant les actualités tous les soirs à la télé. Très vite, la soif d’aventure le reprend : il veut continuer à servir, mais pas dans les airs cette fois-ci. Barnes décide alors de devenir pompier. Sa première affectation le conduit au poste 94, au beau milieu d’un quartier de L.A. surnommé la « Jungle ». Des histoires macabres datant de cette époque, il en a plein la tête. Comme cet accidenté de la route dont le pied gauche ne tenait plus que par quelques tendons, ou cette petite fille de quatre ans, qui s’est vidée de son sang pendant qu’il la tenait dans ses bras. Pour arriver à tenir malgré les drames dont il était témoin au quotidien, Barnes s’est muré dans un humour noir et grinçant, comme une carapace qui lui permettait de garder ses ­distances avec ce qu’il vivait.

A

vec ses vingt-et-un ans de service au compteur, Barnes est pourtant l’une des nouvelles recrues du poste 80, puisqu’il y est entré dans le courant de l’année dernière. Cet Afro-Américain à l’allure étonnamment jeune est un passionné de films et d’histoires (d’aviation, bien sûr), dont l’un des passe-temps favoris consiste à construire des maquettes d’avion qui serviront aux simulations des manœuvres de sécurité. Le reste de son temps libre, Barnes l’occupe à collectionner les vieilles photos relatant des catastrophes aériennes – comme celle survenue il y a trente ans, dont parlent les coupures de journaux que Barnes a dénichées et accrochées dans la salle de réunion : « Un pilote décédé et plusieurs disparus après un incendie à L.A. ! » Tony Guzman se souvient de ce terrible incident. Il était encore un « petit nouveau » qui avait rejoint l’ARFF à peine trois mois auparavant. Cette fameuse nuit du 1er février 1991, l’alerte a sonné pendant que les gars étaient en train de dîner : incident au LAX ! Son unité était alors stationnée en dehors de l’aéroport et Guzman pouvait distinguer, sur le tarmac, un énorme nuage de fumée noire. Sur place, deux équipes avaient déjà commencé à essayer d’éteindre l’incendie qui avait pris à bord d’un Boeing 737-3B7, comptant 89 passagers. Avec sa combinaison ignifuge, Guzman est l’un des premiers pompiers à entrer dans l’engin en feu : au-dessus de sa tête, un trou béant d’où s’échappent une épaisse fumée noire et des vapeurs toxiques. Devant lui, des corps calcinés, encore attachés à leurs sièges. « On aurait dit des mannequins de vitrine. » Lorsque Guzman arrive dans l’avion, la plupart des survivants ont déjà fui ou ont été évacués par les pompiers. Seul le pilote, grièvement THE RED BULLETIN


Massif ! L’aéroport international de Los Angeles, qui accueillait 88 millions de passagers par an avant la pandémie, est une véritable ville dans la ville.

blessé, n’a pas réussi à sortir du cockpit : Guzman et ses collègues tentent alors d’extraire l’homme de sa prison de métal à la scie. Dix minutes plus tard, l’homme succombe à ses blessures. La catastrophe aérienne du vol USAir 1493 est due à une collision entre un Boeing en train d’atterrir et un autre petit avion de ligne qui allait décoller sur la même piste et dont les douze personnes à bord périrent sur le coup. Elle aura fait au total 35 victimes, décédées lors du choc entre les deux avions ou pendant l’incendie qui a suivi. À l’origine du drame : une défaillance professionnelle. L’un des contrôleurs aériens avait donné par inadvertance l’autorisation au petit avion de décoller sur une mauvaise piste. Ce fut le pire jour de l’histoire du LAX mais il entraîna aussi une optimisation des contrôles aériens aux USA. Trente ans plus tard, pourtant, il est encore difficile pour les pompiers de l’ARFF de ne pas repenser à l’incident. Il leur rappelle aussi quel est leur pire ennemi : l’erreur humaine. C’est pour cette unique raison que Flores et ses collègues passent des heures et des heures, chaque jour, à dresser l’inventaire et à vérifier l’efficacité de leur matériel – pour que plus jamais, un tel drame ne se reproduise sur le tarmac de leur aéroport. Michael Flores, avec ses 51 printemps et sa carrure de rugbyman, est un enfant du coin, né à El Cerrito à l’est de Los Angeles. La maison de ses parents se trouvait juste à côté d’une caserne de pompiers, d’où sortaient d’énormes camions rutilants qui fascinaient déjà le jeune Michael. À 17 ans, alors qu’il est encore au lycée, il participe à un programme destiné à montrer aux jeunes le métier THE RED BULLETIN

de pompier. Il y découvre les ateliers du Los Angeles Fire Department, où l’on répare les véhicules et tout le matériel utilisé par les soldats du feu, apprend à sortir la grande échelle et à brancher des lances à incendie. Ce fils de mécanicien qui a grandi au milieu des trucks et dans l’odeur de l’huile de moteur se sent immédiatement chez lui : il y prend goût et décide de s’engager. Son premier « véritable » incendie, Flores s’en souvient encore : un incendie domestique, survenu dans une maison des environs de L.A. Il se souvient aussi de l’épuisant travail de déblaiement et de la difficulté d’inventorier les quelques objets qui avaient survécu à l’incendie. Une vie partie en fumée. « Ça aurait pu être la maison de mes parents », lance-t-il, songeur. Il y a des traumatismes que même les gars les plus solides, rompus aux interventions les plus périlleuses, ne parviennent pas à effacer de leur mémoire. Pour Barnes, il s’agit de la catastrophe de l’Asiana ­Airlines, qui s’est écrasé à San Francisco le 6 juillet 2013 : les pilotes ont raté leur atterrissage et la queue de l’avion s’est disloquée pendant que l’engin touchait le sol. L’impact fut tel que l’appareil prit feu instantanément. Pour les pompiers sur place, ce fut un cauchemar : il fallait faire sortir les 307 personnes à bord le plus vite possible. Cette catastrophe coûta finalement la vie à trois personnes et fit 187 blessés, mais le pire, pour Barnes, fut le fait que l’une des victimes, éjectée hors de l’avion au moment du choc, soit décédée parce qu’un camion de pompier lui aurait roulé dessus pendant l’évacuation chaotique de l’appareil. Si l’autopsie a entre-temps révélé 55


Certains tombent en dépression ou se suicident, parce qu’ils ont pris la mauvaise décision.


Pompiers du LAX

L’équipe SLIA de l’aéroport du LAX s’entraîne en conditions réelles afin de répondre à une véritable catastrophe avec une efficacité calculée. Des équipes de pompiers venant du Nigeria, du Canada ou ­d’Allemagne viennent aussi s’entraîner ici et bénéficient des nombreuses années ­d’expérience et de l’expertise de la station 80. THE RED BULLETIN

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En plus d’être au top de leur forme, ces pompiers doivent se tenir à jour de l’évolution complexe des avions modernes.


Pompiers du LAX

Il faudra 90 secondes aux flammes pour pomper tout l’oxygène disponible à bord d’un avion qui prend feu. que la victime était déjà morte avant de se faire écraser, commettre une telle faute reste la hantise de Barnes et des autres pompiers : « On entend parfois parler de collègues qui tombent en dépression ou se suicident, tout ça parce qu’ils ont pris la mauvaise décision, confie-t-il. Tout le monde peut se tromper. Mais nous ne faisons jamais deux fois la même erreur, parce qu’on en tire toujours une leçon. » D’où l’importance d’un entraînement permanent. C’est ainsi que par une chaude journée de novembre 2021, nous retrouvons plusieurs membres de l’ARFF pour une série d’exercices, à l’aéroport de San Bernardino, à une centaine de kilomètres de leur centrale. Un centre d’entraînement pour pompiers connu dans le métier, et ce n’est pas rare d’y voir des unités venant d’Allemagne, du Canada ou du Nigeria s’entraîner ici. Le programme de la journée est une intervention anti-incendie relativement classique, mais le décor est impressionnant : au milieu d’un terrain de béton flanqué de deux immenses entrepôts, deux coques d’avion attendent les stagiaires du jour. La plus grosse d’entre elles est entourée d’un fossé rempli de grosses pierres, d’où émergent 78 sorties de gaz, alimentées en sous-sol par un réservoir de propane liquide d’une capacité de 113 000 litres. Les responsables de l’exercice donnent le signal : aussitôt, des flammes jaillissent du fossé et se fraient un chemin vers la carcasse de l’avion. Une colonne de six hommes, équipés de leurs combinaisons ignifuges et de masques, s’élance alors vers le gigantesque brasier. Une fois les lances branchées sur les PANTHER, la lutte peut commencer. En temps normal, on utilise des PFAS (acronyme anglais pour « Substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées »), une mousse très efficace pour étouffer les flammes. Dans de rares cas – notamment si les coûteux appareils électroniques dans le cockpit sont menacés de brûler – il faudra recourir à l’Halotron I, une poudre extinctrice hautement toxique. Quant aux six camions PANTHER utilisés pour la manœuvre, ils contiennent chacun 10 000 litres d’eau, 1 000 litres de PFAS, et sont dotés d’une grosse tige pointue de deux mètres de long, capable de percer un trou dans la coque en métal d’un avion pour y faire passer de l’eau ou de la mousse.

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n plus des exercices pratiques comme celui-là, les pompiers de l’ARFF doivent constamment se former aux nouveaux modèles d’avion susceptibles d’atterrir au LAX. Quelles sont les caractéristiques d’un Boeing ou d’un Airbus, d’un avion de ligne ou d’un jet privé, combien de sorties y a-t-il sur tel modèle, combien de sièges, combien de rangées ? Le cockpit de tel avion est-il facilement accessible ? Sans oublier la complexité

THE RED BULLETIN

croissante des matériaux que l’on trouve aujourd’hui sur un avion : autrefois, on trouvait surtout de l’aluminium. Aujourd’hui, chaque constructeur utilise pléthore de matériaux composites plus ou moins connus, dont il est difficile de prévoir le comportement lors d’un choc ou d’un incendie. Plus les pompiers en savent sur les machines auxquelles ils feront face, plus l’intervention a de chances de réussir. Un mauvais calcul peut faire perdre quelques précieuses secondes et conduire à une catastrophe. La règle de base, c’est 90 secondes. C’est le temps dont disposent les équipes d’intervention avant que les flammes n’aient pompé tout l’oxygène disponible à bord et que les passagers à l’intérieur, notamment les plus fragiles, ne commencent à suffoquer. Parmi les responsables de l’exercice présents ce jourlà sur le tarmac de San Bernardino, le capitaine Leonard Sedillos. Pour lui, devenir soldat du feu était plus qu’un rêve de gamin, c’était une évidence. Il a grandi dans une famille de pompiers et savait dès son plus jeune âge qu’il suivrait les traces de son père. À cette époque, le métier était encore plus risqué, les pompiers n’avaient pas autant de protections lorsqu’ils partaient combattre les flammes. Certains gars avaient d’ailleurs les oreilles à moitié fondues, à force de les exposer à de trop hautes températures. On allait au brasier sans combinaison ignifuge ni bottes de sécurité. Si les risques sont relativement moindres de nos jours, le sens du devoir, de l’abnégation et de l’entraide, présent chez tous les pompiers, est resté le même. Sedillos se souvient de l’ambiance fraternelle qui régnait à la caserne où travaillait son père, et des longues heures passées à écouter les drames et les histoires que les hommes se racontaient pendant leurs gardes. Aujourd’hui, Sedillos effectue la moitié de ses gardes de nuit dans « l’autre monde », le « red world », en espérant faire assez d’heures supplémentaires pour envoyer ses filles jumelles à l’université. Deux semaines après l’épisode de San Bernardino, nous retrouvons Sedillos et son unité au poste 80 du LAX. Les hommes ont l’air détendus, mais se tiennent prêts à intervenir au moindre signal de leur capitaine. Ici, les gardes sont de 48 heures, ce qui laisse évidemment beaucoup de temps aux membres de l’équipe pour apprendre à se connaître. « On a tous l’air relax, vu de l’extérieur, rappelle le capitaine, mais tout le monde ici est paré pour faire face à la pire des catastrophes. » Car tous, ici – que ce soit Flores, qui est en train de parler foot avec ses collègues ou Billy Barnes qui raconte encore l’une de ses blagues légendaires – ont déjà sauvé des vies humaines, ranimé des personnes inconscientes, porté dans leurs bras des blessés graves ou des victimes d’incendie. Guzman, le doyen de la brigade, ne peut s’empêcher de ramener ses collègues à la dure réalité du métier : « Chaque seconde peut faire la différence. Et des vies humaines dépendent de votre savoir-faire. » Une éthique que tous les pompiers de l’ARFF partagent à 100 %. Pour que jour après jour, l’aéroport international de Los Angeles reste l’un des plus grands au monde, mais aussi et surtout : l’un des plus sûrs. 59


OURI EST MULTIPLE

Artiste-productrice de musique électronique et classique, elle offre un récit émancipateur et un voyage introspectif sans aucune censure. Un clair-obscur mélodieux qui évoque ce que la vie a de plus beau, et qui redonne confiance en soi. Texte MARIE-MAXIME DRICOT Photos APOLLINE CORNUET


Ouri à l’ouvrage en décembre 2021, lors de l’enregistrement d’un titre aux Red Bull Music Studios Paris.

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Ouri

Collectionneuse d’instruments, Ouri est une touche-à-tout à l’outillage généreux.

O

urielle Auvé, plus connue sous le nom de scène « Ouri », est une DJ, productrice électronique et multi-instrumentiste de 29 ans basée à Montréal. Sa formation musicale a commencé en région parisienne avec le piano, la harpe et le violoncelle. Des instruments qui ont fortement influencé son approche expérimentale de la musique. Entre sonorités orchestrales et grosses basses à la légèreté envoûtante, elle explore les sentiments humains les plus profonds, en prenant soin de choisir son environnement de production favori, l’isolement, propice au développement personnel. Ouri est multiple. Après quelques années de recherches, l’artiste semble avoir trouvé son équilibre au croisement de l’obscurité et de la clarté. Chez elle, ­masculin et féminin, noir et blanc ne font qu’un. 62

Collectionneuse d’instruments de musique, c’est en arrivant au Canada, depuis la France, que cette native d’Amérique du Sud découvre la musique électronique. Un genre qui fait tout de suite tilt dans son esprit. Ses rencontres à Montréal, qu’elle qualifie volontiers de « village » la poussent à produire. Cependant, elle ne trouve pas sa place. Il faudra attendre son premier EP puis son album Frame of A Fauna pour que Ouri assume sa multiplicité et qu’on arrête de la reléguer au rang de simple vocaliste. « Quand j’ai commencé à faire de la musique, j’étais toujours l’unique fille dans le groupe, et ça me saoulait parce que lorsqu’on rencontrait de nouvelles personnes, les gens disaient : “Ah ! Toi t’es la personne qui chante”, du type, tu ne sais rien faire de plus. Comme si

« S’isoler, ça ­permet vraiment de se concentrer. »

je ne pouvais pas avoir de rôle technique ni être productrice. » Perturbée par ces propos, la jeune artiste décide d’en faire son combat : non, elle ne serait pas une chanteuse, au profit d’une carrière de productrice, en oubliant ainsi qu’elle aimait tant utiliser sa voix. « Ça m’a appris plein de choses, dit-elle. À l’époque, je voulais être anonyme, non féminine, juste productrice. J’ai fini par réaliser que c’était moi qui me créais cette prison-là, personne ne m’avait demandé d’être une seule chose. Donc j’ai commencé à mettre des instruments acoustiques dans mes performances, à chanter et collaborer avec des chanteurs. » Aujourd’hui à la tête de son propre label, Make It Rain Records, Ouri sait combien elle est chanceuse : « J’ai une toute petite équipe, on est indépendants et je ne ressens pas particulièrement de pression, si j’en ai, c’est parce que je me la mets. Mais il faut se concentrer sur l’essentiel. Être une femme en musique, ce n’est pas toujours facile. » C’est suite à une rupture amoureuse qu’elle prend conscience de cela. Juste après sa participation à la Red Bull Music Academy de Montréal, en 2017, à laquelle, son ex, jaloux, n’avait pas été reçu. Se diminuer au profit des attentes des autres ou des relations qu’on peut entretenir, c’était désormais révolu. « Aujourd’hui, je fais tout ce que je veux, et si c’est mauvais, eh bien je vais faire autre chose. Mais, je ne veux pas m’enfermer sur un seul chemin. » Un chemin qu’elle dessine jour après jour. Après avoir voyagé au Mexique, aux États-Unis, et en Europe, elle découvre que l’isolement peut aussi être bénéfique pour sa construction mentale et musicale : « S’isoler, ça permet vraiment de se concentrer, de ne pas se perdre dans un rythme de vie qui nous fait stagner, bien qu’il faille aussi voyager pour s’inspirer au maximum, pour voir des choses qu’on ne c­ omprend pas dans le but de nourrir sa pratique. » C’est d’ailleurs ­pendant la pandémie que Ouri s’est ­épanouie. Sans distraction, sans réseau social, elle avance sur ses projets et crée des retraites au sein même de son appartement montréalais, en coupant son téléphone pendant près de deux semaines. L’occasion de se focaliser sur sa musique et les émotions, les messages qu’elle veut véhiculer. Dans son album Frame of A Fauna, de 2021, elle raconte le cycle de la vie dans THE RED BULLETIN


« J’aimerais faire de la ­musique ­stupide, sans s­ ignification. »


« Le prochain chapitre, c’est moi qui l’écris. »


Ouri

MARIA JOSE GOVEA/RED BULL CONTENT POOL

À gauche : séance de violoncelle pour le chanteur Beverly Glenn-Copeland. Ci-dessus : Ouri entourée d’autres artistes en ascension lors du Red Bull Music Academy Weekender, à Montréal, en 2017.

ce qu’il a de plus merveilleux et de plus obscur. Un album hybride qui assume l’identité métisse et les multiples facettes de la productrice avec le track Wrong Breed : « De nombreuses fois, on m’a fait sentir comme une outcast, comme quelqu’un qui n’est pas vraiment légitime par son apparence ou par son bagage culturel qui ne fait aucun sens avec les normes sociales. Parfois les gens pensent que comme que tu es métisse, c’est ta nature, tu le comprends et tu le vis parfaitement bien. Alors que c’est bizarre comme expérience de vie, surtout dans des sociétés polarisées et binaires. » De la naissance à la mort, Ouri offre un voyage introspectif qui permet de redécouvrir les émotions extrêmes qui rythment et qui font que nos vies valent la peine d’être vécues. Elle raconte : « Au moment de cet album, ma sœur allait accoucher, je suis allée lui rendre visite en Europe et voir ma famille dysfonctionnelle réunie autour de cette naissance, ça a généré en moi, en nous, des émotions très puissantes. C’était fascinant de faire le constat de tout cela et de s’apercevoir que les membres de ma famille avaient vieilli. Comment leurs émotions impactaient leur corps… J’étais en phase d’observation. Puis je suis rentrée à Montréal, et il s’est passé un milliard de trucs : le bébé est né, et ma mère est décédée dans THE RED BULLETIN

d’étranges conditions : elle vivait dans une secte au Brésil et a fait un AVC entourée d’une horde de personnes déjantées, des vautours qui n’ont pas su prendre soin d’elle… C’est cela qui m’a inspiré la dernière chanson de l’album. » Des événements majeurs qui ont changé l’artiste, laquelle décrit cette métamorphose comme un passage de la 2D à la 3D. Pourtant, Ouri accepte la mort comme une évidence qui fait partie du cycle de la vie : « Ce n’est pas comme si ma mère n’allait jamais mourir… et puis c’était son choix d’être là-bas. » L’occasion pour elle de redécouvrir que l’amour aussi existe. Il ne lui aura fallu que cinq minutes pour ouvrir son téléphone, chanter et écrire le dernier morceau de l’album, Grip. En somme, la famille est le fil conducteur de Frame of A Fauna – de la naissance à la mort. Spontanéité, renaissance et liberté. La Montréalaise, cérébrale malgré elle, favorise la redécouverte de soi pour

« Il faut voir des choses qu’on ne comprend pas pour nourrir sa pratique. »

atteindre un état presque transcendantal à l’instant T. Et si parfois elle aimerait être dans la simplicité et la légèreté, c’est plus fort qu’elle. Rien n’y fait. Un état qui s’explique par son isolation créative et un besoin de contrôle dû à sa confiance en soi qu’elle a mis du temps à trouver. Son but serait même de « faire de la musique stupide, sans signification et qui procure des sensations extrêmes ». Légèreté. Demandez-lui de vous expliquer comment elle fait pour toujours voir la lumière au bout du tunnel et elle vous répondra qu’il faut se rendre compte que malgré ce qu’on endure, ce qu’on vit, nous sommes les auteurs de notre propre existence. « Le prochain chapitre, c’est moi qui l’écris, personne ne le fera à ma place. Plus j’avance, plus je vois des trucs qui m’ont extrêmement blessée et je me rends compte que je ne suis pas obligée de réécrire cette histoire à l’infini, je peux la changer complètement. Ça me rend vraiment heureuse, je prends conscience que je peux tout renverser si j’en ai envie. » À l’écoute de Ouri, réaliser le pouvoir que nous avons et l’envie de l’utiliser peut changer plus que le cours d’une vie. Ouri et le producteur français Bamao Yendé, à la tête du label Boukan Records, ont composé le morceau X-12-AM aux Red Bull Music Studios Paris, à découvrir sur Spotify. Instagram : @ouri.riou 65


Comment CARISSA MOORE, boss du surf féminin, a fait taire sa plus féroce critique – elle-même – et pris la vague olympique. Texte CHRISTINE YU

Photos STEVEN LIPPMAN

JEREMIAH KLEIN/RED BULL CONTENT POOL

LE COMBAT INTÉRIEUR


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Winning medals and titles is great, but Moore also wants to have a life full of love and happiness.


Carissa Moore

« Carissa, c’est plus qu’une championne du monde ; c’est la championne des cœurs. » Caroline Marks, 19 ans, surfeuse olympique

E STEVEN LIPPMAN

Moore a de quoi sourire après une année 2021 phénoménale : en juillet, elle remportait la toute première médaille d’or olympique en surf ­féminin ; puis, deux mois plus tard, elle décrochait son cinquième titre de championne du monde.

n septembre 2021, la Coupe du monde de surf féminin inaugurait une nouvelle formule : le titre ne sera plus attribué à la sportive ayant cumulé le plus de points au cours d’une saison, mais lors d’une finale unique et décisive. Suspense garanti pour les spectateurs : les cinq meilleures surfeuses de la saison vont s’affronter lors de la finale de la Rip Curl World Surf League (WSL) à San Clemente, en Californie. Une seule journée pour les départager lors d’une épreuve de force par élimination : la cinquième contre la quatrième, la gagnante contre la troisième et ainsi de suite jusqu’au match final, un « Best of Three » pour consacrer l’ultime championne. Sur le papier, la situation de Carissa Moore est assez enviable. En tête du classement de la Coupe du monde, sa place en finale est assurée et elle n’a qu’une seule concurrente à battre. Mais en pratique, c’est une longue et éprouvante journée d’attente qui se profile jusqu’au moment décisif. Et là, elle devra vraiment tout donner, sinon son cinquième titre de championne du monde lui passera sous le nez. C’est le risque à courir dans ce genre d’épreuves. Moore trompe bravement l’attente en alternant échauffements et moments de détente au son de la musique diffusée par ses écouteurs Beats rouges. L’après-midi, elle apprend enfin que son adversaire pour la finale sera Tatiana Weston-Webb, une Brésilienne qui a grandi à Hawaï. 69


« S’abandonner à la spirale du doute de soi, ou serrer les dents, et me battre, pour donner mon meilleur. » Le premier ride ne réserve aucune surprise, c’est même du Carissa Moore pur jus : elle prend sa première vague juste après le signal de départ et n’a plus qu’à récolter les points du jury. Après le second ride, on voit déjà se profiler une victoire par K-O. Mais soudain, l’invraisemblable se produit : contre toute attente, la reine des vagues perd le rythme. Tatiana Weston-Webb profite aussitôt de cette défaillance, s’améliorant et gagnant un peu plus en confiance à chaque ride. À moins de trente secondes de la fin, les deux finalistes sont au coude à coude. Commence alors une lutte acharnée pour la prochaine vague.

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TREVOR MORAN/RED BULL CONTENT POOL

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eston-Webb coiffe sa rivale au poteau pour arracher un nouveau point. Fébrile, Moore tente de combler son retard dans les neuf dernières secondes, mais faute de vague, elle doit s’incliner. Coup de sifflet final et constat amer pour la championne en titre : elle a perdu son sang-froid. « Je voulais gagner le plus vite possible, se souvient-elle lors d’une interview Facetime avec The Red Bulletin, je voulais que cela se termine le plus vite possible. » Plus que 35 minutes avant le second tour. Trente-cinq minutes pour limiter la casse. Trente-cinq minutes pour reprendre le contrôle de ses émotions. Mais les pensées se déchaînent. Elle doit désormais remporter les deux prochains tours. En sera-t-elle capable ? Et si elle échouait ? « C’est la synthèse de tous mes efforts, se ditelle, et je suis à la traîne. » Et bientôt, cette voix lancinante qui résonne dans sa tête, cette voix du passé que Carissa Moore connait si bien qu’elle lui a donné un nom : « Old Riss » (une combinaison de lettres avec le milieu de son prénom). Ces dernières années, elle avait travaillé dur pour faire taire Old Riss et au prix d’efforts acharnés, elle avait su accepter sa présence, la couvant d’une relative bienveillance. Mais Old Riss est de retour et reprend le dessus. « Pour moi, c’était clair, raconte Moore, soit je m’abandonnais à cette spirale descendante du doute de soi et je n’avais plus qu’à jeter l’éponge, soit je serrais les dents, je me battais et donnais le meilleur de moimême. » Elle appelle son coach mental, reprend des forces auprès de son père et entraîneur Chris, et de son mari Luke Untermann. Ce dernier lui dit, les larmes aux yeux : « Chérie, si quelqu’un peut le faire, c’est toi ! » C’est tout ce qu’il lui fallait pour se libérer l’esprit avant le prochain tour. Les titres et autres trophées sont


Carissa en action au Maui Pro au Banzai Pipeline, connu des surfeurs sous le nom de « Pipeline », sur la côte nord d’Oahu, à Hawaï, en décembre 2020.


Carissa Moore

En haut : Olympique ! Moore célèbre une médaille d’or historique avec l’équipe des États-Unis aux JO de Tokyo en juillet dernier ; ci-dessous : elle tient le butin de sa victoire au championnat du monde à San Clemente en septembre ; page de droite : temps calme pour Carissa sur le balcon de sa villa sur les collines d’Honolulu, où elle réside avec son mari et ses chiens.

réalisées. Enfin, elle a remporté la médaille d’or lors de la toute première épreuve olympique de surf aux Jeux de Tokyo. « C’est probablement l’année la plus réussie jamais accomplie dans ce sport », estime Jessi Miley-Dyer, vice-présidente de la compétition de la WSL et ancienne surfeuse professionnelle.

E

n surface, tous les ingrédients étaient réunis : née à Honolulu en 1992, Carissa Moore est considérée comme une enfant prodige. Elle n’a que cinq ans lorsque, initiée par son père, elle monte pour la première fois sur une planche de surf à Waikiki Beach. Les vidéos de la petite fille font très vite le buzz dans le milieu du surf. Jessi Miley-Dyer, encore dans la compétition à l’époque, assiste complètement bouche-bée au spectacle de cette gamine étonnante qui réalise des aerials (des figures dans les airs), des fin throws (où la planche de surf s’élève dans les airs presque à la verticale hors de l’eau) et des carvings (des virages) à couper le souffle sur des vagues énormes comme si c’était la chose la plus naturelle au monde. « On s’est tous demandés : mais c’est qui, celle-là ? », se souvient-elle. À douze ans, Moore commence la compétition et remporte onze titres de la National Scholastic Surfing Association (NSSA). En 2010, elle accède à la ligue professionnelle et n’est encore qu’une adolescente lorsqu’elle remporte son premier titre mondial. Dès le départ, elle fait figure de référence absolue : Moore surfe les vagues avec un flow impeccable, compose une symphonie de mouvements rythmés et puissants sur le bord de la vague, de manœuvres fulgurantes dans le pocket (le centre énergétique de la vague) avant de tracer une ligne nette sur le face (la partie non brisée de la vague) avec une précision chirurgicale. Ses figures radicales ont révolutionné le surf féminin : « Personne ne faisait cela avant elle », explique Jessi Miley-Dyer. Mais paradoxalement, il y a un revers à cette médaille. Un revers insidieux qui se cache dans les détails. Comme le fait par exemple que Carissa Moore a vécu sa puberté sous le feu des projecteurs, que le monde entier a fait les choux gras de ses problèmes de troubles alimentaires et s’est moqué de son physique. Résultat : elle a fini par ne plus se sentir digne de son succès. D’une manière générale, c’est cette recherche d’identité qui a été son plus grand défi. « Dans ma vie, je me suis mis énormément de pression pour obtenir ­certains résultats. Je me demandais toujours qui je serais sans mes victoires », constate-t-elle aujourd’hui.

Carissa Moore fait figure de référence absolue. Ses figures radicales ont révolutionné le surf féminin. 72

GETTY IMAGES, RYAN MILLER/RED BULL CONTENT POOL

une chose, mais ce qu’elle aime par-dessus tout dans le surf, c’est de pouvoir s’exprimer. Dans son cœur, elle est déjà championne, quoi qu’il arrive. Et Carissa Moore remporte les deux tours suivants avec une facilité si déconcertante qu’elle cloue le bec à Old Riss, se retrouve sacrée pour la première fois deux saisons de suite et remporte ainsi sa cinquième victoire mondiale. Le couronnement d’une année 2021 placée sous le signe de l’excellence : tous tournois confondus, elle a toujours fini sur le podium et n’a jamais retiré son maillot jaune de leader un seul jour. De plus, lors de la Rip Curl Newcastle Cup en Australie, elle a réussi un 360 degrés en l’air, l’une des figures les plus spectaculaires jamais

THE RED BULLETIN


THE RED BULLETIN

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Moore au Maui Pro 2020. Après avoir triomphé de la Brésilienne Tatiana Weston-Webb en demi-­ finale, elle a terminé deuxième face à la championne de l’année, la surfeuse australienne Tyler Wright.


Carissa Moore

« Plus tard, j’aimerais que l’on se souvienne de mon surf parce qu’il a provoqué des émotions. »

TREVOR MORAN/RED BULL CONTENT POOL

C

arissa Moore a fini par faire un burn-out, après avoir remporté la coupe du monde en 2015. Il a fallu qu’elle apprenne à ne pas définir sa valeur en fonction de son curriculum. « Parfois, dit-elle en faisant le bilan de cette époque, il faut simplement recommencer à zéro. Dans mon cas, il s’agissait de retrouver l’amour, le bonheur et de libérer du temps pour me détendre et bien vivre. » Banco ! En 2017, elle épouse Luke Untermann, son amour de lycée, consacre du temps à ses amis et sa famille, fait des randonnées en forêt près de chez elle dans les collines d’Honolulu et saupoudre le tout de séances de bricolage et de skate avec ses deux chiens Maya et Tuffy. En 2018, elle fonde Moore Aloha, une organisation à but non lucratif qui accompagne les jeunes filles pour les rendre fortes, sûres d’elles et empathiques. Si l’on demande à ses proches de décrire Carissa Moore en une phrase, la plupart vous répondront : « C’est quelqu’un de bien. » Pas si simple pour quelqu’un auréolé d’un tel statut. Mais Moore a toujours eu le chic pour surprendre les gens. La preuve : après sa première victoire sur le circuit professionnel en 2010 en Nouvelle-Zélande, elle reverse la somme qu’elle a gagnée à une association de surf locale. Récemment, elle a prononcé un discours en japonais pour remercier les organisateurs d’avoir permis à l’équipe de surf américaine de s’entraîner sur place en préparation des Jeux de Tokyo. Aujourd’hui, elle a 29 ans. Difficile de faire mieux qu’elle dans le domaine du surf. Elle a inspiré toute une nouvelle génération de jeunes surfeuses prêtes à porter leur sport à un niveau encore jamais atteint. « Ce qu’elles font, il me faudrait plusieurs vies pour y parvenir et c’est très bien comme ça, dit-elle en riant avant d’ajouter : Mais j’espère pouvoir les suivre encore un peu ». Après les succès de 2021, Carissa se sent détachée et libre pour la première fois de sa vie : « J’ai l’impression que c’est seulement maintenant que je commence à être en phase avec mon moi personnel et professionnel. » Quels objectifs peut-elle encore avoir ? Elle rêve par exemple d’améliorer sa technique de Backside Barrel Ride, le trick le plus difficile de tous. Et elle considère qu’elle a encore des progrès à faire pour surfer sur les vagues géantes de la plage de Teahupo’o : son style doit devenir encore plus fluide, plus élégant et plus radical. Mais au final, il n’y a qu’une chose qui compte pour elle : « Plus tard, j’aimerais que l’on se souvienne de mon surf parce qu’il a provoqué des émotions. » Instagram : @rissmoore10 75


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PERSPECTIVES Expériences et équipements pour une vie améliorée

LE DAKAR DES VAGUES

THIAGO DIZ

Le 1er rallye de kitesurf au monde

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PERSPECTIVES voyage

« Les écarts entre concurrents sont passés de 15 à 30 minutes à près de 4 heures, poussant nombre d’entre eux à l’abandon. »

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Pedro Macedo Soares de Araujo franchit la ligne d’arrivée au 3e jour ; (cidessus) le point de départ au Kauli Seadi Kite Center.

TOM WARD

u troisième jour de l’édition 2021 du Sertões Kitesurf 500 km, la cadence ne faiblit pas. L’eau alourdit ma planche, mes pieds en sang me torturent, et le vent sans cesse changeant abat régulièrement ma voile. Et, pour couronner le tout, je rate la bouée, l’un des passages de contrôle balisant ce premier ­rallye de kitesurf d’endurance au monde. Les bouées encouragent les participants à rester dans la course, mais si vous en manquez une, vous écopez de 30 minutes de pénalité. Mais il y a pire : les coureurs lents peuvent être distancés, ce qui peut s’avérer dangereux. L’eau est chaude, et si je n’ai jamais entendu parler d’attaques de requins par ici, cela reste l’océan. Ce rallye est le premier du genre : une course de six jours sur l’Atlantique Sud le long de la côte nord-est du Brésil, de São Miguel do Gostoso dans le Rio Grande do Norte à Preá, dans le Ceará ; un rallye d’endurance où les kitesurfeurs passent

THIAGO DIZ, GABRIEL HEUSI

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Marcela Witt, kitesurfeuse brésilienne

THE RED BULLETIN


PERSPECTIVES voyage Marcela Witt, kitesurfeuse brésilienne et auteure de l’article, prépare son équipement en vue du départ de la compétition.

de longues heures sur l’eau, soutenus par des équipes qui les suivent en voiture. Cette première édition compte une centaine de riders, âgés de 14 ans et plus, répartis en quatre catégories : Aventure pour les amateurs ; Double, où les coéquipiers se relaient ; Masters, pour les plus de 50 ans ; et Elite. Je concours en catégorie Elite femme, dont le premier prix est de 4 000 R$ (660 €). J’ai grandi en pratiquant le kitesurf avec ma famille à Rio. Contrairement au surf classique, cette discipline ne nécessite pas de vagues ; le vent propulse une grande aile contrôlée par les mains. Et un kitesurf, ça va vite. À la fin des années 2000, les kitesurfeurs battaient souvent des records de vitesse ; en 2010, l’Américain Rob Douglas atteint 103 km/h, record qu’il détiendra pendant deux ans. Le kitesurf prend son essor au tournant du millénaire. En 2005, je participe à ma première compétition à l’âge de 14 ans THE RED BULLETIN

et à ma première épreuve d’endurance dos au vent à 20 ans. J’étais inconsciente et hors de ma zone de confort, mais l’expérience fut l’une des meilleures de ma vie. Depuis, je suis accro. Mais mon expérience ne m’immunise pas contre les caprices d’une course comme le Sertões Kitesurf 500 km. La météo est instable sur les côtes du Brésil ; le vent marin ou de terre vous propulse quand le vent latéral vous ralentit. Ce sport est épuisant. À l’instar de la course à pied, vous pouvez vous amuser à courir deux heures à un rythme constant, mais en compétition, ça devient un sprint, vous êtes à fond – environ 30 km/h – pendant plusieurs jours. Vous surpasser pendant une journée passe encore, mais le faire jour après jour vous éreinte. La plupart du temps, vous ne connaissez ni la position des concurrents ni la vôtre. Initialement, je vous voulais participer pour le plaisir. D’où mon choix d’utiliser une planche de

Itinéraire de vol

ARRIVÉE Preá

Le parcours du Sertões Kitesurf 500 km

Icaraizinho

Porto do Pecém Beberibe Icapuí Guamaré DÉPART São Miguel do Gostoso

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PERSPECTIVES voyage

Se nourrir et se loger Où séjourner et où s’amuser pendant l’événement Kauli Seadi Kite Center « C’est le point de départ du rallye, précise Witt. Kauli est un champion du monde de windsurf et dirige à présent cette géniale école de windsurf. » Hôtel Ilha dos Poldros, Maranhão « L’un de mes spots préférés à l’ouest de Preá. Faire du kite dans l’océan exige un bon niveau, mais la rivière Parnaíba est à la portée de tous. » Hôtel Vila Guará, Atins Beach, Maranhão « Superbes bungalows de plage et une autre école de kite géniale. » Hôtel Vila Kalango, Jericoacoara, Ceará « Le parc national de Jericoacoara est paradisiaque. Idéal pour le surf et la détente. » Rancho do Peixe, Preá, Ceará « Point final de la course. On y trouve de beaux bungalows sur la plage et la cuisine et le vin sont top. »

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Le soir, la récupération se révèle difficile. Au départ, je comptais m’arrêter et manger en route, mais ma décision d’être compétitive me pousse à avancer toujours plus. Les tentes où nous dormons se trouvent dans les terres, mais les organisateurs ne s’attendaient pas à ce que nous soyons aussi rapides. Les concurrents arrivent les premiers au point de rencontre et attendent les voitures sous le soleil, sans ravitaillement. Au quatrième jour, le vent faible accentue les écarts entre les concurrents, passant de 15 à 30 minutes à près de 3 ou

4 heures, poussant nombre d’entre eux à l’abandon. Au dernier jour de la course, mon avance sur ma plus proche rivale est de deux heures, mais elle est vaillante et tout reste possible. Je boucle finalement la course en 17 heures, 6 minutes et 34 secondes et ne crois à ma victoire qu’après avoir posé le pied sur le podium. Sortir de sa zone de confort a du bon. En compétition comme dans la vie, être devant un jour n’a de sens que si vous faites tout pour le rester le jour suivant. Et qu’importe si vous êtes lent, l’essentiel est de ne jamais arrêter d’avancer.

« Mon expérience ne m’immunise pas contre les caprices du rallye. »

La Brésilienne Marcela Witt est kitesurfeuse professionnelle, la première femme à avoir pratiqué le kitesurf en Antarctique et sur le redoutable spot de surf big wave de Nazaré, au Portugal. Instagram : @marcelawitt ; sertoeskitesurf.com.br THE RED BULLETIN

THIAGO DIZ

surf moins rapide, mais plus agréable alors que beaucoup d’athlètes optent pour le twintip, une planche à double sens ne nécessitant pas de rotation à 180°, et bien plus rapide. Je termine néanmoins la première étape à la deuxième place à 20 min de la tête de course. En comparant nos vitesses, je me dis qu’avec un twintip, j’ai des chances de gagner. Le lendemain, je repars sur un twintip. Ma progression subit un coup d’arrêt au troisième jour en ratant la bouée de passage située dans une baie au bout de la section la plus longue de l’épreuve, plus de 100 km. L’écart du point de passage est inférieur à une minute, mais les commissaires de course l’ont vu sur le GPS. J ­ ’enrage, mais poursuis ma route et termine l’étape en tête avec trois heures d’avance sur ma poursuivante.

TOM WARD

Vague d’émotion : (en haut) les participants en catégorie Elite sur la ligne de départ au jour 1 ; (ci-dessus) le kitesurfeur Bruno Graça Melo Côrtes sur la ligne d’arrivée.



PERSPECTIVES Comment…

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AMÉLIORER

Vous êtes la solution Emily Penn emmène des équipes de femmes sur les océans pour lutter contre la pollution plastique. Comment pouvons-nous tous contribuer à cet objectif ?

« Encouragez les entreprises à proposer les produits que vous souhaitez », déclare Emily. Cela pourrait aller des brosses à dents biodégradables aux alternatives aux produits chimiques utilisés pour imperméabiliser les vêtements. « Là, les gouvernements pourront légiférer. Si nous nous concentrons uniquement sur le nettoyage, nous ne gagnerons jamais. Nous devons conduire le changement aussi près de la source que possible. »

Fouillez bien vos poubelles

« Faites le tour de votre maison, exhorte Penn. Qu’est-ce qui remplit votre poubelle ?

Les emballages alimentaires sont vraiment difficiles à éviter, mais il existe des solutions. » En 2020, Emily Penn a créé SHiFT, une plateforme en ligne qui propose des moyens pratiques de réduire le plastique à usage unique, de l’utilisation de thé en vrac à la livraison de lait dans des bouteilles en verre. « Nous avons rassemblé des innovateurs brillants du monde entier qui proposent des alternatives étonnantes. »

« Nous devons conduire le changement à la source. » Emily Penn

Rejoignez l’expédition

Plus de 300 femmes ont entrepris un voyage eXXpedition à bord du SV TravelEdge, et il n’est pas nécessaire d’être une scientifique. « En créant cette communauté, nous encourageons les femmes à devenir les actrices du changement dont le monde a besoin. »

Micro-agissez

« Nous n’avons pas besoin de tout faire, juste de faire quelque chose, dit Penn. Nos micro-actions s’additionnent. Vous pourriez penser : “Quelle différence fera un sac en plastique de plus ?” Cela fait toute la différence si tout le monde change son comportement. »

Pour vous investir sur ce projet, visitez exxpedition.com ; emilypenn.com THE RED BULLETIN

NINA ZIETMAN

Prônez les ­alternatives

NOMAD NMEUMONICS/EXXPEDITION

elon des recherches menées par le Programme des Nations unies pour l’environnement, 300 millions de tonnes de déchets en plastique sont produits chaque année dans le monde, et 79 % de tout le plastique créé finit dans des décharges ou dans la nature. Née à Swansea (Pays de Galles), la militante Emily Penn a passé la dernière décennie à parcourir la planète à la recherche de moyens de réduire la pollution plastique. En 2010, à 23 ans, elle a cofondé Pangaea Exploration, un projet qui permet aux scientifiques et aux cinéastes d’atteindre en bateau les régions les plus reculées de la planète. Au cours de ces voyages, d’immenses zones d’océan remplies de microplastiques ont été découvertes. « Je craignais qu’ils n’entrent dans la chaîne alimentaire et n’aient un impact sur la santé humaine », dit-elle. Pour vérifier le bien-fondé de ses inquiétudes, Emily Penn a fait analyser un échantillon de son sang pour y rechercher 35 produits chimiques interdits par les Nations unies, dont beaucoup sont présents dans les plastiques. Vingt-neuf de ces produits se trouvaient dans son sang… Un grand nombre des toxines détectées étaient des perturbateurs endocriniens, qui interfèrent avec les hormones. En tant que femme, Emily a trouvé cela particulièrement inquiétant. Stimulée par ses découvertes, elle a fondé en 2014 eXXpedition, une association à but non lucratif qui organise des voyages en voilier axés sur la recherche de la pollution plastique et de ses effets sur la santé des femmes. Chaque voyage eXXpedition a un équipage de dix femmes, « de milieux différents : des cinéastes, des artistes, des scientifiques, etc. Ces femmes du monde entier aux compétences diverses ­travaillent à résoudre les problèmes de leurs industries. » Mais comment ?


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PERSPECTIVES matos

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LED, jack-wolfskin.fr ; ALTURA Heritage 12L, altura.com ; ORTLIEB Metrosphere Daypack, ortlieb.com ; BEARMADE Gouthwaite Backpack, bearmade.co.uk ; CHROME INDUSTRIES Barrage Session, chromeindustries.com

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PERSPECTIVES matos COURSE

Une longueur d’avance

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PERSPECTIVES matos

Page de gauche, depuis le haut : THE NORTH FACE Flight Vectiv, thenorthface.fr ; LA SPORTIVA Jackal, lasportiva.com ; HELLY HANSEN Okapi ATS, hellyhansen.com ; ARC’TERYX Norvan LD 2, arcteryx.com ; ADIDAS TERREX Agravic Ultra, adidas.fr Ci-dessus, dans le sens des aiguilles d’une montre depuis le haut : COLUMBIA Escape Ascent, columbiasportswear.fr ; LA SPORTIVA Karacal, lasportiva.com ; SALOMON Speedcross 5, salomon.com ; BROOKS Catamount, brooksrunning. com ; MERRELL Moab Flight, merrell.com THE RED BULLETIN

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PERSPECTIVES matos gaming

JOUER

Comme à la maison

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STEAM DECK

Le Steam Deck comporte les boutons ABXY, deux sticks analogiques et quatre gâchettes de commande standard. Il dispose également de trackpads adaptés au pouce.

Pour les passionnés de gaming, un seul matos compte : le PC. Même les consoles récentes, comme la PlayStation 5 ou la Xbox Series X, ne peuvent être comparées à une plateforme de jeu haut de gamme, ce qui explique pourquoi certains des jeux les plus avant-gardistes sortent d’abord sur PC. Mais il y a un mais : pas facile de trimbaler son set-up. Le développeur de jeux américain Valve Corporation voulait changer cela et, en tant que propriétaire de Steam, la plateforme numérique qui représente 75 % des ventes de jeux sur PC, il était dans une position idéale pour le faire. Sa solution ? Construire un PC portatif comme la très populaire Switch de Nintendo. À l’instar de cette console hybride portable/de salon, le Steam Deck est une console de jeu complète munie d’un écran tactile haute résolution. Ce qui est différent, c’est la puissance brute qu’elle renferme, comparable à celle de la PS4 ou de la Xbox One S, ce qui en fait la machine de jeu portable la plus puissante. Plus important, elle abrite la boutique de jeux Steam de Valve, qui donne accès à de nombreux jeux PC. Et comme il s’agit d’un véritable PC, le Steam Deck peut être chargé avec Windows OS ou d’autres magasins de jeux tels que Xbox Game Pass. steampowered.com/steamdeck

TOM GUISE

Puissance ou portabilité ? C’est l’éternel dilemme du jeu vidéo… maintenant résolu grâce au Steam Deck.


PERSPECTIVES gaming COACH

Boss du foot jeu

alors qu’il était encore écolier. La version 2022 ajoute des statistiques visuelles des zones de perte de balle, de la gestion de communication et la réalisation des objectifs du club.

Pourriez-vous détecter un Messi si vous étiez recruteur ? Accros aux données FM dispose comme dans la Jouer à Football Manager vraie vie de milliers de recrupourrait vous y former… teurs sillonnant le globe en Les aspirants Pep Guardiola sont partout, devant leur télé, dans les tribunes, dans les pubs, tous persuadés d’être meilleurs en tactique que tous les incompétents surpayés à la tête des clubs. L’engouement des experts en chambre est tel que chaque année, près de huit millions de joueurs choisissent la dernière édition de Football Manager (FM) pour tester leurs compétences. Un joueur moyen de FM consacre plus de 250 heures par an au jeu, une assiduité qui a fait l’objet d’au moins deux divorces. Mais selon Simon Parkin, critique de jeux vidéo, ce profil de joueur a de fortes chances de détenir la clé du succès.

quête de talents nouveaux ou confirmés en disposant d’une base de 650 000 joueurs cumulant chacun 250 points de données. « Des footballeurs bien réels s’y affronteraient afin de jauger la crédibilité du jeu », explique Miles Jacobson, directeur de Sports Interactive, studio des développeurs à Londres. Lorsqu’il entraînait Chelsea, André Villas-­Boas utilisait le jeu pour prendre des décisions, et Alex McLeish, ex-entraîneur des Glasgow Rangers, admet avoir ignoré le conseil de son fils au

sujet d’un joueur de la réserve de Barcelone qu’il avait repéré dans FM : Lionel Messi.

Des enseignements

« La critique du jeu la plus récurrente concerne le nombre de blessures, confie Jacobson, pourtant elles ne représentent que 70 % de la réalité. » Selon lui, les leçons à tirer du jeu peuvent profiter à tout manager, au-delà du sport. « Si vous mettez tout

Simon Parkin est écrivain et critique jeu vidéo pour le quotidien anglais The Observer. simonparkin.com

votre budget sur une star au salaire élevé, vous vous privez de nouvelles recrues. Cela vaut pour toute entreprise. Diversifier les talents est plus judicieux. »

Hyperréalisme

Les joueurs pros utilisent FM pour parfaire leur connaissance du foot. Lorsque Gareth Barry signe à Aston Villa à 16 ans, son contrat prévoie la présence de prises de courant dans le bus du club pour pouvoir jouer à FM sur son ordi. Parfois, le jeu s’invite dans la vraie vie comme lorsque Andros Townsend (Everton) reçoit un SMS de sa petite amie qui apprend par un tabloïd que le joueur a écopé d’une amende pour avoir loupé l’entraînement... Cela s’était passé dans Football Manager.

Football Manager 2022 sur Xbox, Switch, Windows, MacOS, iOS et Android ; ­footballmanager.com

Du foot performant

SIMON PARKIN

FM compile plus de feuilles de calcul complexes que d’actions de jeu, mais pour le jeu, il y a FIFA. Certes, il y est question de composition d’équipes, de remplacements et de tactiques, mais pour l’essentiel, il s’agit de négocier des transferts, gérer les blessures, échafauder des programmes d’entraînement, et de corriger une communication désastreuse. « Nous voulions un monde de foot performant », explique Paul Collyer, créateur de la version initiale de FM (lancée en 1992 sous le nom de Championship Manager) avec son frère Oliver,

Dédoublement en défense centrale, xGs, système en « sapin de Noël »… si cela vous parle, alors F­ ootball Manager ­devrait vous plaire.

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PERSPECTIVES fitness ­ ermet de garder la fraîcheur. p On s’attend à être bon dans quelque chose de nouveau parce qu’on est bon en vélo, mais ce n’est pas comme ça que ça marche. On apprend toujours. »

Creuser pour la forme

« Creuser, c’est un bon entraînement musculaire. Je vais à Virgin l’esprit ouvert et je trouve des caractéristiques qui s’inspirent du motocross et du BMX. Il faut généralement trois ou quatre jours pour concevoir une nouvelle ligne, selon qu’il pleut ou qu’il fait super sec. Nous y passons trois jours d’affilée, du lever au coucher du soleil. En été, comme la température peut atteindre 43 °C en milieu de journée, nous partons à 4 heures du matin. Épuisant ! »

ENTRAÎNEMENT

Sachons chuter Le prodige du VTT freeride Jaxson Riddle explique comment envoyer de grandes lignes sur les pistes les plus sauvages. La première fois que Jaxson Riddle s’est rendu à Virgin, dans l’Utah, pour se lancer sur la célèbre compétition de VTT freeride Red Bull Rampage, il n’avait que 15 ans et avait pris son BMX, le seul vélo qu’il possédait. Après ce voyage, Riddle le vend et investit dans son premier vélo de descente. Il a trouvé son sport. Une journée typique pour Riddle, 21 ans, consiste à ­franchir des sauts au Snake Hollow Bike Park, dans sa ville natale de Saint George, dans l’Utah, à maîtriser une figure aérienne à haut risque ou à donner des conseils amicaux aux enfants du skatepark du coin. « Je m’inspire du moto90

cross freestyle et j’essaie de transposer ces figures au VTT », explique-t-il. La star du VTT freeride détaille l’entraînement nécessaire pour rouler plus vite, monter mieux et descendre plus vite.

L’erreur fait le bien

Un bon mix

« J’ai beaucoup de respect pour les personnes qui ont une routine et s’y tiennent, déclare Riddle, mais pour moi, c’est différent. J’essaie de rouler tous les jours, mais je n’ai pas de temps fixe à consacrer au vélo. Je vais à Virgin ou au skatepark, puis je fais de la moto ou du skate. Je viens de me mettre au skate, c’est génial parce que ça

« Je dois être bon pour rouler comme pour tomber. » Jaxson Riddle

« Je dois être aussi bon pour rouler que pour tomber. Avec la répétition, on apprend ce qu’il ne faut pas faire. Il est utile de savoir comment se dégager de son vélo pour qu’il ne vous atterrisse pas dessus. Je n’essaie rien sans savoir si ça va marcher, mais je me prépare en pensant à tout ce qui pourrait mal tourner. Ensuite, je respire trois fois et j’essaie. En général, ça marche. »

Instagram : @jaxsonriddle THE RED BULLETIN

WILL SAUNDERS/RED BULL CONTENT POOL, CHRIS WELLHAUSEN/RED BULL CONTENT POOL

« Je vais regarder une vidéo une centaine de fois, puis je la visualise quand je suis sur le terrain. Je le fais par étapes. S’il s’agit d’un Superman (mains sur le guidon, pieds décollés des pédales et tendus vers l’arrière, ndlr), je fais d’abord un no-footer, puis j’y vais progressivement. Je fais la ligne plusieurs fois, et je m’imagine faisant le saut. Je le travaille dans ma tête au début de la descente, puis j’essaie de faire ce que je viens de visualiser. Si je continue à bloquer sans progresser, je fais une pause et je reviens avec un état d’esprit frais. »

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Tout visualiser


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PERSPECTIVES motos

En selle !

Du sauvage au smart, du désert à la ville, du super stylé au super pratique, ­voici des motos parmi les plus attendues de l’année. Texte WERNER JESSNER

MODÈLE UNIQUE Seul Moto Guzzi bénéficie d’un moteur en V orienté face à la route. Et refroidi par eau !

LA BELLE DU LAC DE CÔME MOTO GUZZI V100 MANDELLO Pour fêter son deuxième siècle d’existence, le constructeur culte italien donne le nom de sa ville de naissance à ce modèle cross­ over aussi maniable qu’un roadster qui vous protègera du vent comme une routière. Les déflecteurs latéraux dynamiques s’adaptent à la vitesse et au mode de conduite choisis, un « aérodynamisme actif » selon les propres termes de Moto Guzzi. Vitesse de croisière assurée grâce au nouveau moteur en V de 115 ch refroidi par eau. Le prix n’a pas encore été dévoilé ; motoguzzi.com

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PERSPECTIVES motos

LUCKY EXPLORER C’était le nom du modèle de la petite sœur du groupe, Cagiva, dont s’inspire la DesertX.

Fantôme du désert

Ducati DesertX

Le design de la DesertX se veut une interprétation moderne de la Cagiva, une incontournable du Paris-Dakar dans les années 90. Clairement orienté sur le tout-terrain, le modèle bénéficie d’un châssis off-road robuste, d’un moteur Testastretta de 110 ch, de plusieurs modes de conduite, de phares LED, d’un écran TFT et d’une connectivité complète, le tout contenu en 202 kg à sec. 18 395 € ; ducati.com

Gros calibre BMW R18 B

La majestueuse BMW puise certes dans le passé mais techniquement, elle joue sur un tout nouveau tableau. Plus que les 91 ch, ce sont les impressionnants 150 Nm qui lui confèrent un sentiment de liberté totale encore renforcé par ses formes voluptueuses. Le carénage avant, le réservoir en forme de goutte et l’arrière en pente douce équipé de sacoches ne trompent pas : on est bien en face d’un Bagger. À partir de 32 800 € ; bmw-motorrad.fr

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BAGGER : CÉKOIDON ? Bagger (prononcez « bégueur »), le nom vient de l’arrière aplati et des poches latérales (bags en anglais).

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PERSPECTIVES motos

Classique à l’autrichienne Brixton Cromwell 1200

Un roadster britannique traditionnel ? Oui, sauf qu’il vient d’Autriche : Brixton est en effet une marque du groupe KSR qui conceptualise ses motos en Autriche et les fabrique en Chine. Nouveau fleuron de la marque, la Cromwell 1200 séduit non seulement par son délicieux look néo-rétro mais aussi par son impressionnant bicylindre de 82 ch, ses composants soignés et ses trois choix de couleurs sobres. Le prix n’a pas encore été dévoilé ; brixton-motorcycles.com

YACHT SUR ROUES BMW K 1600 GT Six cylindres, 160 ch, 343 kilos. Un volume de rangement incroyable (64 litres) et une ­vitesse de pointe que BMW annonce fièrement à « plus de 200 km/h ». Difficile de faire plus luxueux et plus confortable en matière de deux roues. La liste des équipements supplémentaires donne le vertige : tout est possible, du système audio à l’écran couleur TFT géant en passant par l’éclairage au sol (!) et les roues forgées. À partir de 30 700 € ; bmw-motorrad.fr

Corsaire urbain Piaggio Beverly 400

En ville, peu pourront se mesurer à la Beverly, notamment dans sa version 400 cc de 35 ch. Combinant les avantages d’un scooter et la souplesse d’une moto, elle disparaîtra bien vite entre les colonnes de voitures. L’espace sous la selle permet de loger deux casques Jet et le réservoir centré assure une conduite encore plus équilibrée. À partir de 6 899 € ; piaggio.com

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CAP SUR LA PUISSANCE Grâce à sa roue avant de 16 pouces, la Beverly atteind les 135 km/h en toute stabilité.

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PERSPECTIVES motos

Pas de quartier !

KTM 1290 Super Duke R Evo On ne l’appelle pas « The Beast » pour rien : cette nouvelle version est encore plus affûtée. Technique et performance sont au service de la course jusque dans les moindres détails, que ce soit au niveau du moteur de 180 ch équipé de soupapes en titane, du châssis semi-actif ou des systèmes électroniques supplémentaires. Pour être toujours plus rapide en toutes circonstances. À partir de 24 099 € ; ktm.com

COMME EN MOTOGP Deux kilos de moins, notamment grâce au cadre en acier (tubes plus larges, parois plus fines).

RELANCE PARFAITE MALAGUTI DRAKON 125 Depuis sa reprise par le groupe autrichien KSR en 2018, le mythique constructeur italien ­Malaguti, né dans les années 30 près de ­Bologne, connaît un second souffle en proposant des motos d’entrée de gamme et des ­vélos électriques. Avec son design aux lignes épurées, la Drakon est un roadster au caractère bien trempé aussi bien à l’aise en ville qu’à la campagne. Écran numérique et moteur de 14 ch pour une vitesse de pointe de 99 km/h. À partir de 3 999 € ; malaguti.bike

Sur du velours Honda NT1100

Spacieuse, la nouvelle Honda permet le voyage à deux en tout confort grâce à ses débattements de suspension généreux et sa bulle réglable. Vous pourrez utiliser l’écran tactile de 6,5 pouces sans ôter vos gants. Mais la NT1100 est aussi une sportive : son moteur de 102 ch a suffisamment de couple pour une escapade dans l’arrière-pays. Également disponible avec une boîte à double embrayage à six vitesses. À partir de 15 590 € ; honda.fr THE RED BULLETIN

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MENTIONS LÉGALES

THE RED BULLETIN WORLDWIDE

The Red B ­ ulletin est distribué chaque mois dans six pays. Vous ­découvrez ici la couverture de l’édition anglaise dédiée au phénomène de la pop locale, Self Esteem. Le plein d’histoires hors du commun sur redbulletin.com

Les journalistes de SO PRESS n’ont pas pris part à la réalisation de The Red Bulletin. SO PRESS n’est pas r­ esponsable des textes, photos, ­illustrations et dessins qui engagent la seule responsabilité des auteurs.

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Direction générale Alexander Müller-Macheck, Sara Car-Varming (adj.) Rédacteurs en chef Andreas Rottenschlager, Andreas Wollinger (adj.) Direction créative Erik Turek, Kasimir Reimann (adj.) Direction artistique Marion Bernert-Thomann, Miles English, Tara Thompson Maquette Martina de Carvalho-Hutter, Kevin Faustmann-Goll, Cornelia Gleichweit Rédaction photo Eva Kerschbaum (dir.), Marion Batty (adj.), Susie Forman, Tahira Mirza, Rudi Übelhör Rédaction web Christian Eberle-Abasolo (dir.), Marie-Maxime Dricot, Melissa Gordon, Lisa Hechenberger, Elena Rodriguez Angelina Responsable des contenus audios Florian Obkircher Gestion de la rédaction Ulrich Corazza, Marion Lukas-Wildmann Gestion de l’édition Ivona Glibusic, Bernhard Schmied, Melissa Stutz, Anna Wilczek Directeur exécutif Stefan Ebner Directeur Ventes médias & Partenariat Lukas Scharmbacher Directrice de Co-édition Susanne Degn-Pfleger Gestion de projet Co-édition, Marketing & Communication B2B Katrin Sigl (dir.), Katrin Dollenz, Thomas Hammerschmied, Sophia Wahl, Teresa Kronreif (B2B), Eva Pech, Valentina Pierer, Stefan Portenkirchner (communication), Jennifer Silberschneider Solutions créatives Verena Schörkhuber-Zöhrer (dir.), Sara Wonka, Julia Bianca Zmek, Edith ZöchlingMarchart, Tanja Zimmermann Gestion commerciale Co-édition Alexandra Ita Rédaction Co-édition Raffael Fritz (dir.), Gundi Bittermann, Mariella Reithoffer, Wolfgang Wieser Directeur exécutif de la création Markus Kietreiber Gestion de projet création Elisabeth Kopanz Direction artistique Co-édition Peter Knehtl (dir.), Erwin Edtmaier, Andreea Parvu, Carina Schaittenberger, Dominik Uhl Design commercial Simone Fischer, Martina Maier, Alexandra Schendl, Julia Schinzel, Florian Solly, ­S tephan Zenz Direct to Consumer Business Peter Schiffer (dir.), Marija Althajm, ­Victoria Schwärzler, Yoldaş Yarar (abonnements) Manager Vente et projets spécifiques Klaus Pleninger Service de publicité Manuela Brandstätter, Monika Spitaler Fabrication & Production Veronika Felder (dir.), Martin Brandhofer, Walter O. Sádaba, Sabine Wessig Lithographie Clemens Ragotzky (dir.), Claudia Heis, Nenad Isailović, Sandra Maiko Krutz, Josef Mühlbacher Finances Mariia Gerutska (dir.), Simone Kratochwill MIT Christoph Kocsisek, Michael Thaler IT Service Maximilian Auerbach Opérations Alice Gafitanu, Melanie Grasserbauer, Alexander Peham, Thomas Platzer Gestion de projet Dominik Debriacher, Gabriela-Teresa Humer Assistante du Management général Sandra Artacker Éditeur et directeur général Andreas Kornhofer Adresse Am Grünen Prater 3, 1020 Vienne, Autriche Téléphone +43 1 90221-0 Fax +43 1 90221-28809 Web redbulletin.com Propriétaire, éditeur et rédaction Médias Red Bull Media House GmbH, Oberst-Lepperdinger-Straße 11–15, 5071 Wals bei Salzburg, Autriche, FN 297115i, Landesgericht Salzburg, ATU63611700 Directeurs généraux Dietrich Mateschitz, Dietmar Otti, Christopher Reindl, Marcus Weber

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HORS DU COMMUN Retrouvez votre prochain numéro en mars en abonnement avec et avec dans une sélection de points de distribution et sur abonnement. LITTLE SHAO/RED BULL CONTENT POOL

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Pour finir en beauté

Voici le skieur canadien Logan Pehota et son « cheval de trait » (workhorse en anglais, ndlr) en action dans sa région, à Pemberton, en Colombie-­ Britannique. Bien connu de la scène ski freeride et backcountry, il voulait vous montrer la glisse d’une manière différente : avec un motoneige ! Pour son nouveau projet vidéo, Logan dompte des lignes à ski et avec son « snowmobile », en combinant les deux disciplines avec un engagement ­radical. La vidéo Workhorse de Logan est à découvrir sur redbull.com

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Le prochain THE RED BULLETIN sortira le 28 avril 2022.

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Elegance is an attitude* Marco Odermatt

*L’élégance est une attitude

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