The Red Bulletin CF 05/24

Page 1


FORMULE 1 DES MERS

ALINGHI RED BULL RACING MET LE CAP SUR L’AMERICA’S CUP

LONGINES SPIRIT FLYBACK

Karin Wenger est journaliste indépendante. Quand elle n’est pas en voyage au Moyen-Orient, elle rencontre pour nous la la première femme stayer dans l’histoire du demifond, traditionnellement masculine. Page 58

TSam Riley

« J’ai toujours aimé regarder les gens faire du roller, raconte le photographe basé à Londres. En explorant la scène plus en avant, j’ai découvert une communauté étonnante. » Page 74

Laura Wohnlich est journaliste indépendante, autrice de livres et mère depuis huit mois. Dans notre rubrique On a positive Note, elle nous raconte l’importance que revêt pour elle l’activité physique. Page 96

out, on veut tout savoir sur les avancées technologiques et les innovations qui font flirter la voile avec la Formule 1. Pour ce faire, petit tour dans les coulisses d’Alinghi Red Bull Racing (p. 36). Nous rendons aussi visite à l’équipe suisse qui participe à la première épreuve féminine de la prestigieuse America’s Cup (p. 46).

Il n’y a pas que sur l’eau qu’on file à toute allure, il y a aussi sur l’asphalte et le béton : avec la star du vélo de course Primož Roglič (p. 66), l’élite du skateboard (p. 22) et la scène florissante du roller à Londres (p. 74). Et p. 58, Nicole Fry met tout simplement sens dessus dessous l’une des compétitions cyclistes les plus traditionnelles dans le vélodrome d’Oerlikon.

La Rédaction

Héros & HéroÏnes

Justine Dupont 16

Surfeuse de gros

Jwles 18

Rappeur

Simone Ashley 20

Actrice

Portfolio

Bonne glisse 22

Quand le photographe devient une star : Atiba Jefferson nous emmène dans son univers du skate.

Voile

Nouveaux 36 horizons

Qu’ont en commun la F1 et la voile ? Beaucoup de choses ! Dans les coulisses d’Alinghi Red Bull Racing.

brèche

La Suisse envoie des pros absolues dans la première compétition féminine de voile.

Course de demi-fond

Pacemaker

au féminin

Nicole Fry rompt avec la tradition : elle est la première femme slayer.

Cyclisme

Philosophe

en selle

Passion, lucidité, sangfroid  : dans la tête du leader de l’équipe Red BullBORA-hansgrohe.

Roller

Comme sur

des roulettes

Le rollerskating célèbre un style de vie unique et ouvert sur le monde.

De Tony Hawk à Jagger Eaton (ici en photo) : Atiba Jefferson les a tous photographiés.

Beaufort, France

Longue distance

Le monolithe du Beaufortain est l’un des blocs de roche isolés les plus spectaculaires d’Europe, avec l’un des plus hauts niveaux de difficulté d’escalade : 8a. À l’aube, le photographe francais Jérémy Bernard a réussi à prendre cette photo de sa compagne, l’ancienne grimpeuse professionnelle suisse Nina Caprez. « Bien qu’étant en couple, il est souvent difficile de travailler ensemble. Mais là, on avait l’impression de ne faire qu’un, même si Nina était loin », relate son conjoint. redbullillume.com

Tyrol du Sud, Italie Voir la lumière

Afin de mener son entreprise à bien, à savoir traverser un tunnel routier de 152 mètres de long, le parapente de Patrick von Känel (29 ans) devait remplir une condition : être ultra-léger. En effet, il ne pèse que 1,7 kilo. L’athlète compare la précision nécessaire à cette action à un lancer de ballon de basketball à 30 mètres du panier, sans le toucher. Un record mondial ! Le fait que la traversée de six secondes ait réussi dès le deuxième essai a même surpris le Bernois : « Pendant des mois, j’ai tenté l’exploit dans différents tunnels de Suisse, mais jamais, au cours de ces 35 essais , je ne voyais le bout du tunnel. » Ici, tu trouveras plus de détails sur le record du monde de Patrick von Känel.

Détroit de Messine, Italie Ligne de conduite

Le détroit de Messine, entre la Sicile et la Calabre, dans le sud de l’Italie, abrite de redoutables monstres marins nommés Charybde et Scylla. C’est du moins ce que raconte Homère dans L’Odyssée, au VIIIe siècle avant J.-C. Qui pourrait le contredire ?

Le slacklineur de haut niveau Jan Roose n’avait pas besoin d’un plus grand sentiment de danger lorsqu’il a parcouru 3,6 km sur sa ligne de 1,9 cm d’épaisseur, à 130 m au-dessus du détroit, en juillet dernier. « Je me sens Jan-tastique », a déclaré l’Estonien après sa première traversée mondiale. Scannez le code pour voir la vidéo sur redbull.com

Complètement gaga

Stefani Germanotta, 38 ans, aka Lady Gaga, brillera à partir du 2 oct. dans Joker : Folie à Deux. La carrière de la New-Yorkaise paraît encore plus dingue que son rôle.

407

récompenses sur 930 nominations remportées par l’artiste jusqu’à présent, dont 1 Oscar (en 2019, pour Shallow), 13 Grammys et 2 Golden Globes.

1984

L’année où Queen sort le single Radio Ga Ga, dont s’inspirera Lady Gaga en 2006 pour choisir son nom de scène.

70

de ses tenues les plus folles et de nombreux autres souvenirs peuvent être admirés dans son musée, Haus of Gaga, à l’hôtel Park MGM de Las Vegas.

436 388 866

250 000

dollars ont été versés en 2023 via sa fondation caritative Born This Way Foundation à plus de 40 projets pour les jeunes de la communauté LGBTQ+ dans le monde entier.

22

30 000 000

de flacons de Fame, son premier parfum, ont été achetés en 2013, dépassé seulement par sept autres parfums aux États-Unis cette année-là.

15

chansons célèbres sont interprétées par Lady Gaga et Joaquin Phoenix à l’écran, donnant au film Joker 2 un côté comédie musicale déjanté.

4

de ses singles (Poker Face, Bad Romance, Shallow et Just Dance) se sont vendus à plus de dix millions d’exemplaires chacun. Elle surpasse ainsi toutes les autres chanteuses.

de dollars, c’est la somme qu’a rapporté A Star is Born dans lequel elle a joué avec Bradley Cooper en 2018. C’est environ douze fois plus que ce que le film avait coûté.

kilos est le poids de la robe en viande de bœuf crue avec laquelle elle a fait le buzz aux MTV Music Awards en 2010.

163

langues sont proposées pour les pages Wikipedia sur Lady Gaga. Les articles sur Beyoncé sont en 145 langues, Taylor Swift 136, Rihanna et Shakira 129 chacune.

Elle est petite. Elle est puissante. Elle est arrivée.

L a nouvelle Volvo E X 30 100% électrique.

Notre S U V le plus compact à ce jour séduit par ses per formances puissantes, son design innovant et l’empreinte carbone la plus faible de toutes les Volvo. Souvent, la petitesse s’accompagne de grandeur.

Essayez-la maintenant.

Bague à part

La Galaxy Ring de Samsung mesure ta forme physique et permet d’utiliser ton portable par la gestuelle. Kirafn, tech checker, l’a testée pour nous.

Kirafin

Jonas Willbold aka Kirafin a 29 ans et divertit son 1,3 M de followers sur TikTok avec des formats comiques. Il partage sa fascination pour les produits et les tendances technologiques. Pour nous, il passe au crible les tendances actuelles.

L’objet

Grâce à des capteurs et à l’IA, l’anneau en alliage de titane mesure ta fréquence cardiaque, évalue ton sommeil, ta respiration et tes séances d’entraînement. Tu peux commander ton smartphone Galaxy du bout des doigts. Il suffit de presser le pouce et l’index l’un contre l’autre pour déclencher l’appareil photo.

La vague de Hype

L’ensemble de la scène TikTok-Tech télécharge des vidéos sur #galaxyring. À sa sortie fin juillet, on en comptait déjà 1 500, la plus réussie étant celle de @danielsinfilms avec 7,5 M de vues.

L’avis

Véritable alternative à la smartwatch, cette bague mesure vraiment toutes les données dont tu as besoin, et fait aussi office de bijou mat noir, doré ou argenté. Mais je ne dépenserais 425 francs que si j’avais un portable Samsung.

Idéale pour… … toute personne préférant porter une montre classique plutôt qu’une Smartwatch.

Inadaptée pour… … les amateurs et amatrices de bijoux authentiques.

Justine Dupont

a peur – et n’a aucun problème avec cela.
La meilleure surfeuse de grosses vagues du monde sait qu’elle évolue dans un domaine où l’instinct est essentiel à la survie.

Texte : Alex Lisetz

the red bulletin : Justine, aux Big Wave Challenge 2023, tu as reçu le titre de surfeuse de l’année, du meilleur ride de l’année, et tu détiens le record du monde féminin de la plus grosse vague… Serais-tu la femme la plus téméraire de la planète (et de l’océan) ?

justine dupont : Je ne pense pas, je m’entraîne dur pour pouvoir surfer ces vagues. Je prends énormément de plaisir à le faire même s’il m’arrive de temps en temps d’avoir des appréhensions, comme toute personne. Je cherche à exploiter le maximum de mes capacités.

Comme en janvier dernier, en Californie, à Cortes Bank, où tu as maîtrisé une vague de 22 mètres de haut ? Ça reste à ce jour le meilleur surf trip de ma vie. Tout était parfait : le crew, la météo, l’aventure, les vagues… J’ai eu l’honneur de faire équipe avec Lucas Chumbo, le leader de la discipline. Fred, mon conjoint, s’occupait de la sécurité. C’était le scénario idéal, je ne pouvais pas rêver mieux.

Comment fais-tu fi de ta peur ?

Je ne l’ignore pas, je l’utilise. Elle m’aide à me concentrer pleinement sur le moment. Je suis attentive à tout ce qui se passe dans l’eau. Ça m’aide à être connectée à l’instant. Je ressens l’eau salée dans ma bouche, je regarde, j’écoute. Mes sens sont alors éveillés et je suis prête à surfer et à m’adapter à tout ce qui peut se présenter.

Un jour, tu as dit que le surf, c’est une question d’équilibre entre la prise de contrôle et le lâcher-prise du jeu… J’essaye de maîtriser tout ce que je peux. D’abord, il y a la préparation. Je m’entraîne deux fois par jour : une fois en salle,

Focus

Palmarès Multiple championne du monde de surf dans diverses disciplines, du big wave au stand up paddle, et conférencière en motivation Âge 32 ans Résidence Nazaré, Portugal

et une fois dans l’eau. Je travaille pour avoir le meilleur équipement possible. Avec l’équipe, on fait tout pour mettre en place le meilleur système de sécurité qui soit. On se remet beaucoup en question. J’étudie méticuleusement les conditions météo de chaque spot. Je fais tout ça pour pouvoir, une fois sur la planche, fonctionner de manière purement intuitive. C’est le moment d’être uniquement dans l’instant, de lâcher prise et de devenir animal.

En janvier de cette année, tu as mis ton fils, Elio, au monde. C’est la plus grande perte de contrôle qui soit, non ?

Il faut accepter que plus rien ne se passe comme on l’avait prévu. Elio m’apprend chaque jour à prendre les choses comme elles viennent.

Et toi, qu’aimerais-tu lui transmettre ? J’aimerais lui donner l’envie d’explorer le monde et la vie le sourire aux lèvres et l’esprit ouvert. Nous allons essayer de lui faire vivre plein d’expériences différentes et profiter de chaque instant avec lui.

Ton compagnon, Fred, est aussi ton coéquipier, ton sauveteur… C’est lui qui te tracte dans les vagues. Depuis quelque temps, Fred s’occupe plus de ma sécurité dans l’eau et d’autres surfeurs me tractent. C’est un super équilibre que l’on a trouvé. À Nazaré, je surfe principalement avec Lucas Chumbo et Éric Rebière sur les grosses sessions et Fred

est toujours à l’eau pour veiller sur moi. J’ai confiance en eux. Quand je vais sur un spot que je connais moins, je préfère faire équipe avec un surfeur local qui, lui, maîtrise toutes les ficelles de l’endroit.

J’aimerais revenir sur le sujet de la peur. La plupart d’entre nous l’associent à un sentiment désagréable qu’on essaie de minimiser. Comment se fait-il que tu la ressentes différemment ?

Je vois la peur comme mon alliée. Il faut la doser. Un petit peu de peur m’aide à être alerte, focus. C’est dans ces moments que je performe. Si je ne ressens pas la peur, je suis moins attentive. Peut-être même trop sûre de moi. Ça peut devenir dangereux. Enfin, si la peur est trop présente, c’est un signal d’alarme. C’est le moment de se poser les bonnes questions. C’est aussi le moment où il faut être assez conscient, surtout capable de rebrousser chemin et attendre une autre opportunité.

Parce que dans le doute, ton adversaire, l’océan, est toujours le plus fort ?

L’océan et la nature seront toujours plus forts que nous. Je ne le vois jamais comme un adversaire. C’est un partenaire que je respecte énormément. J’aime imaginer qu’il me respecte autant que je le respecte.

Est-ce que ta façon de surfer a changé depuis que tu es devenue maman ?

Je travaille dur pour la saison à venir. Je suis consciente que je dois être encore mieux préparée pour être de nouveau la plus performante possible dans l’océan. J’ai encore plein de beaux objectifs sportifs à atteindre. C’est excitant. Un de mes principaux sera de resurfer une très belle vague à Nazaré. J’ai aussi la responsabilité de montrer à Elio qu’il est une force et que je peux continuer de réussir dans ma carrière avec lui dans notre vie.

Et tu as aussi développé une seconde activité pro : on peut te booker comme conférencière en motivation… Absolument. J’aborde une conférence comme une vague. Je m’y prépare pour pouvoir transmettre au mieux les sensations et expériences que j’ai la chance de vivre dans l’océan.

Instagram : @justinedupont33

« Ma peur, je ne l’ignore pas, je l’utilise. Elle m’aide à me concentrer sur le moment. »
derrière
de jeu, l’Atlantique.
Justine Dupont à Nazaré,
son terrain

Jwles

Alors que son nouvel album, Bijoux, vient de voir le jour, le rappeur français incarne une génération d’artistes francophones biberonnée au rap US, et dont la musique se conjugue en anglais.

Texte : Nicolas Rogès Photo : Yulya Shadrinsky

Une basket en Seine Saint-Denis et l’autre ancrée à New-York, Jules Abecassis aka Jwles évolue à cheval entre deux continents, revendiquant ses infuences américaines et les célébrant fèrement. Logique, pour un artiste né en France, mais qui déménage vite à New-York, où il vit jusqu’à ses huit ans. De retour dans l’Hexagone, ses parents s’installent à Grasse, petite ville du Sud proche de Nice. Passé par Hong-Kong, puis diférentes zones de Paris, il trouve fnalement dans le 93 un lieu où poser ses valises.

Fruits de ses voyages, les premiers textes de Jwles sont d’abord écrits en anglais : plus simple pour lui, bilingue, et davantage fdèle à ses premières infuences. Mais ses proches ne comprennent pas ce qu’il dit, et il a la sensation de rapper face à un mur ne lui renvoyant aucun écho. Le français fait alors son retour dans la danse et Jwles apprend à apprécier les explorations permises par la langue. Elle est mélodieuse, capable de contrastes ; l’anglais est remisé au placard, mais les ÉtatsUnis lui servent toujours de modèle.

En 2018, au cours d’un voyage à Atlanta, Jwles comprend comment tirer proft d’une manière de rapper novatrice, le DMV Flow. Enregistré phrase par phrase, puis posé en décalé sur des instrumentaux brumeux, son fow se pare de nouvelles nuances. Pour donner corps à ses envies d’expérimentation, Jwles n’hésite pas à aller toquer à la porte de celles et ceux qui dictent le mouvement : « Si je cherche un son en particulier, je ne vais pas demander à mes gars, mais je vais aller trouver la personne qui a créé ce son », résume-t-il.

Focus

Prochains concerts Le 11 octobre à Genève et le 12 octobre à Bienne ; puis en tournée en France. Écouter L’album Bijoux (en scannant le code ci­contre) IG @shahjwles

En résulte des albums et chansons qui multiplient les infuences ; de la trap à la drill, en passant par la house et l’électro, Jwles nourrit son goût pour l’exploration. Au contact de DJ Mad Rey, signature du label Ed Banger Records, il s’essaye à la house, avant que le tonton du rap français, Rim’K, membre du 113, lui ofre une oreille attentive et un couplet. Comme un trait d’union entre l’ancienne et la nouvelle génération.

La fliation n’est pas anodine : le père de Jwles lui faisait écouter les premiers albums du 113 quand il était enfant, notamment Les Princes de la ville, presque entièrement produit par DJ Mehdi. Jwles était fasciné par le travail du producteur, qui, avant sa disparition soudaine, avait plus que jamais à l’esprit de mêler le rap à l’électro, au contact d’Ed Banger. Une afaire de réinvention, de prolongement, mais aussi de ruptures. Car Jwles prend un malin plaisir à créer la surprise, à l’image de son dernier album, Bijoux. Onze pistes, alors que l’artiste est coutumier des formats courts, distillant EPs et singles avec une régularité presque maladive. L’œuvre d’un esprit en ébullition, se mettant en danger pour tester ses limites. Avec les États-Unis, où il commence à développer une carrière, en guise de boussole.

Il s’y rend plusieurs fois par an, cultivant des liens avec la scène locale et prenant la mesure des dernières tendances. Jusqu’à rapper avec certains de ses modèles : « J’écoute les gens avec qui je collabore aujourd’hui, s’étonne-t-il. Pour moi, ça veut dire que j’ai réussi quelque chose. L’autre jour, je donnais un concert à New-York, j’étais avec mon frère, Le Lij’, et on a fait nos sons pendant un événement organisé par Shawny Binladen, avec tout le Grinch Set, Big Yaya, etc. Et moi, je fais partie de tout ça ? C’est exceptionnel. Je n’en reviens pas, mais en même temps je travaille dur pour en arriver là. »

En dépit de son statut d’ovni de la scène francophone, Jwles tient à cultiver sa diférence. Quitte à essuyer son lot de critiques, le public français étant parfois réticent à l’heure d’accueillir des propositions artistiques qui tranchent avec l’existant. Il faut dire que Jwles brouille les pistes : ses textes sont enfumés, sa musique semble chaotique et il paraît impossible à défnir. « Aujourd’hui le rap français est devenu tellement important qu’il se suft lui-même, analyse-t-il. Et les gens préfèrent écouter ce qu’ils comprennent, c’est normal. Aujourd’hui, presque tout est possible. Beaucoup de portes se sont ouvertes. Même si tu poses sur de la house ou de l’euro-dance, on peut considérer que tu fais du rap. » Sur Bijoux, Blasé, collaborateur de longue date, lui ofre l’écrin nécessaire pour dérouler ses murmures, ses phrases décalées et ses gimmicks ciselés. Et Jwles de trouver une nouvelle formule, celle d’un rap singulier mais plus lisible que sur ses précédentes sorties. Conscient que sa musique peut être cryptique, il l’ouvre à d’autres infuences, plongeant dans le jazz, la soul et le blues. Une évidence, pour un homme amateur du rappeur Guru et de sa série d’albums de rap infusés au jazz, Jazzmatazz, et la musique d’Erykah Badu, fgure de la neo-soul. Discrètes, presque dissimulées par Blasé, ces touches structurent les onze pistes de Bijoux. L’objectif ? Donner à leur musique des atours luxueux, mais aussi creuser un sillon qu’ils ont eux-mêmes tracé. Le tout sans perdre de vue leur passion, et en mesurant le chemin parcouru : « Je suis tellement fan de musique que je me dis que pouvoir en vivre est fou, conclut Jwles. J’ai parfois l’impression d’être dans un flm : je fais exactement ce que je veux. »

« Tu poses sur de la house ou de l’eurodance, on peut considérer que c’est du rap. »

Le

regard frais du rappeur franco-américian Jwles.

Simone Ashley

a décidé, à seulement 16 ans, de se fier à son instinct, de tout laisser derrière elle et de quitter l’école pour réaliser son rêve. Aujourd’hui, l’actrice de Bridgerton se révèle être une symbole de diversité et d’empowerment.

a décidé, à seulement ans, de se fier à son instinct, de tout laisser derrière elle et de quitter l’école pour réaliser son rêve. Aujourd’hui, l’actrice de Bridgerton se révèle être une symbole de diversité et d’empowerment.

: Holger

Devant l’entrée du Grimaldi Forum, au cœur de la ville de Monaco, Simone Ashley sort de sa limousine, sourire aux lèvres, sous les acclamations du public venu assister au festival de télé de MonteCarlo. Du haut de ses 29 ans, l’Anglaise a déjà joué dans deux séries à succès : Bridgerton et Sex Education. De plus, le monde de la mode se l’arrache. Rien que cette année, elle a brillé du Met Gala de New York jusqu’au Festival de Cannes. Véritable icône, elle représente une génération entière de jeunes actrices issues de l’immigration.

Rebelle dans l’âme

Face à une telle réussite, tout le monde se demande quelle est la clé de son succès. Pour le savoir, il faut remonter jusqu’à son enfance. Fille d’immigrés d’origine indienne, Simone Ashley a grandi à Surrey, une ville de 30 000 âmes au sud-ouest de Londres.

Ce sont ses parents, ou plutôt leur opinion très conservatrice portée sur le monde du spectacle, qui vont pousser la future prodige à exploiter son talent. En efet, les deux universitaires voient d’un œil perplexe l’attrait de leur flle pour le chant et le théâtre. La petite Simone grandit donc sans être initiée à de telles formes d’art lyrique, et encore moins à l’expression de ses émotions. Mais, loin de la décourager, la méfance de ses parents envers l’univers du showbiz va la pousser à s’y intéresser, et éveiller chez elle une curiosité qui la guidera toute sa carrière. Ce désir d’en apprendre plus, tel une boussole la guidant vers la nouveauté, lui permettra de trouver sa voie. Un GPS de la rébellion qui lui indiquera

Focus

Naissance Camberley, Surrey, Angleterre Âge 29 ans Séries télé Sex Education, Bridgerton Followers 4 M sur Instagram A révélé dans l’émission Jimmy Kimmel Live qu’elle avait appris à se tatouer via une vidéo YouTube et qu’elle s’était fait un tatouage de sphinx.

le chemin de la réussite. « Je n’avais pas les mêmes privilèges, ni les mêmes possibilités que les autres flles de mon âge, témoigne -t-elle. Personne, dans ma famille, ne s’intéressait à l’art, et l’industrie du divertissement semblait hors d’atteinte. Alors j’ai développé mes propres stratégies. J’ai poursuivi mes objectifs avec acharnement. Car je voulais absolument devenir actrice, je l’ai su très tôt. J’ai donc appris, dès mon plus jeune âge, à suivre mon instinct. »

Mais d’où vient cette afection toute particulière pour le cinéma ? Son premier coup de cœur en 16/9e a lieu avec un certain Quentin Tarantino. La jeune femme se remémore le premier volume de Kill Bill, flm culte du réalisateur américain, à la télé. « Il y a quelque chose dans sa manière de faire des flms qui me touche et m’inspire, explique-t-elle. La façon dont il associe la musique aux histoires est unique. Je voulais, moi aussi, faire partie de cet univers. »

Simone, alors âgée de 16 ans, quitte l’école et le foyer familial pour s’installer chez des parents éloignés en Californie. Elle s’inscrit dans une agence de mannequinat et se met à passer des auditions. Sa première apparition à l’écran a lieu dans l’univers hip-hop du biopic Straight

Outta Compton, dans lequel elle incarne une ado fêtarde. De retour à Londres, elle se forme à l’Arts Educational School. Mais c’est lors de la sortie de Sex Education que l’actrice connaîtra son premier véritable succès. Son rôle dans la série Netfix en tant qu’Olivia Hanan représente plus qu’une apparition furtive à l’écran : sa carrière est désormais lancée.

Shonda, la fée marraine

Simone fait ses premiers pas dans le monde du cinéma lorsqu’elle fait une rencontre déterminante : son chemin va croiser celui de la productrice Shonda Rhimes, une magicienne du petit écran détentrice d’une formule secrète pour faire cartonner ses productions. C’est à elle que l’on doit les séries Grey’s Anatomy, Scandal et plus récemment Bridgerton. C’est encore elle qui va désigner Simone pour le rôle principal de la deuxième saison de Bridgerton, qui incarne alors une héroïne de comédie romantique déterminée à défer l’adversité et prendre son destin en main. Propulsée sur le devant de la scène dans la peau d’un personnage fort et indépendant, l’actrice devient un modèle et une inspiration pour des milliers d’ados. « J’ai beau avoir grandi en regardant des comédies romantiques, je n’ai jamais pu m’identifer à l’héroïne. Aucun personnage principal n’était une femme de couleur. Mais j’avais envie d’y fgurer, moi aussi. J’ai toujours voulu jouer une héroïne de rom-com dans le style de Bridget Jones. Et je veux pouvoir donner de la visibilité à ma communauté », explique la jeune femme. Un déf de plus relevé haut la main pour Simone, qui, après avoir tourné Bridgerton, se retrouve directement nommée dans la liste des 30 under 30 in European Entertainment du magazine Forbes.

Prochainement dans nos salles de cinéma, on pourra retrouver Simone Ashley dans les flms Picture This et This Tempting Madness. Seulement l’ambition de l’actrice ne s’arrête pas là. « Je suis à la recherche de choses que je n’ai encore jamais faites. J’aimerais tourner dans un flm d’action qui nécessite un grand efort physique. » Peut-être devrait-elle songer à contacter sa source d’inspiration, Tarantino, pour réaliser son rêve de cascadeuse. « Quentin et Simone », un futur duo de choc ?

Instagram : @simoneashley

« J’ai grandi avec les comédies romantiques, mais je n’ai jamais pu m’identifier à l’héroïne. »

L’actrice se bat pour plus de diversité dans le show-business.

Atiba Jefferson Bonne glisse !

Le photographe US

Atiba Jefferson raconte ses meilleures photos de skate – et le TRB fait la playlist des titres qui ont marqué la scène.

« Souriez ! Vous êtes filmé », indique un panneau jaune. Un rappel des caméras de surveillance. Mais Ryan Decenzo n’a pas le temps pour ça : son Smithgrind sur la rampe qui tremble, « c’est fort », commente Atiba. Beaucoup de style dans des conditions pas faciles. Souriez ! Ryan est filmé.

Texte Marc Baumann
Photos Atiba Jefferson

Les skateur·euse·s sont en général les stars et le photographe, lui, reste inconnu. Avec Atiba Jefferson, c’est parfois l’inverse. Il est une légende de la photographie de skate, sans compter des apparitions dans trois jeux vidéo Tony Hawk.

La preuve en images.

Avec un grind le plus long, le plus grand nombre de marches, la rampe la plus raide –les photos de skateboard sont souvent spectacu‑ laires. Mais photogra phier un kickflip sur une surface plane, comme ici avec Ryan ? Le rendre fluide et naturel ? C’est du grand art, avec ce petit truc en plus.

« Le train en fond rend pas mal », se félicite Atiba. Bien que Ryan Sheckler ait une vie mouvementée ‑ skateur pro à 13 ans et plus jeune vainqueur des X Games, il a sa propre émission MTV et une marque de mode ‑, « il est resté un mec nor mal ». Atiba le photogra phie depuis maintenant deux décennies.

« Je pourrais faire croire aux gens qui ne skatent pas que je suis bon », dit Atiba Jefferson. À 48 ans, il sait encore faire un 360 flip, mais il a toujours été plus doué derrière l’appareil photo. « Une bonne photo dépend à 75 % de compétences sociales et à 25 % de connaissances techniques », nous dit l’Américain. La popularité d’Atiba se note à sa présence dans trois jeux vidéo de skateboard.

Il n’y a pas de nom plus grand dans ce domaine. Depuis trois décennies, il produit des images emblématiques – comme une couverture avec des portraits de skateurs noirs pour le magazine Thrasher. Personne ne travaille aussi habilement avec la lumière que lui. Jefferson a introduit les angles de vue fish-eye dans la photo de skate et aime capturer le millième de seconde décisif lors de prises de vue à haute vitesse. Il photographie aussi des stars de la NBA, des artistes, ou encore le footballeur Thomas Müller.

Le photographe professionnel typique : toute la journée passée à mettre les autres devant l’appareil, mais à quand son tour alors ? « Je ne me sens pas à l’aise devant l’objectif », avoue Atiba Jefferson. Cela ne se voit pourtant pas sur cet autoportrait très sympa.

Quatre skateurs, un photographe, les immenses étendues de l’Arizona, pas de plan à part celui de s’amuser et de trouver les meilleurs spots. À bientôt 50 ans, Atiba Jefferson aime toujours autant voyager. « Le skate n’a pas d’âge, il n’y a pas ici de discrimination liée à ce sujet, dit Atiba. Même si je suis clairement le vieux type qui aime parler aux jeunes de l’ancien temps. »

On pourrait presque dire : la grande dame du street skate. Letícia Bufoni mesure 1,58 mètre et n’a que 31 ans, mais elle a déjà vécu et accompli beaucoup de choses sur son skateboard. Elle a obtenu de nombreux trophées, et surtout, elle a inspiré une nouvelle génération de skateurs et skateuses de rue. Avec justement cette étincelle dans les yeux qu’Atiba nous montre ici.

La sécheresse a frappé la Californie dans les années 70. Pour la communauté du skate, ça a changé ce sport : dans les piscines vides a commencé l’époque du poolskating. « Je trouve cool que Letícia skate cette piscine différemment : au lieu de slider sur le bord, elle saute dedans avec un ollie », s’exclame Atiba.

« On dit qu’on ne devrait jamais rencontrer ses héros. Moi je dis : what the fuck”. Je les ai rencontrés et c’était génial. Quand tu côtoies les gens qui qui t’inspirent, tu kiffes ton travail. »

Qui a le plus apporté à l’autre ? Ryan Sheckler au photographe avec son BS Nosebluntslide stylé ? Ou Atiba au skateur avec son savant jeu de lumière ? L’éclairage qu’Atiba a repris de la technique de studio a définitivement marqué la photographie de skate.

En haut à gauche : Tony Hawk (en bas/devant), 56 ans, fait partie de la première génération de skateur·euse·s qui peuvent vivre de leur art jusqu’à la retraite. Fera­til encore des figures dans le halfpipe dans dix ans?

En haut à droite : le secret d’un bon portrait ? « Je donne le minimum d’instructions », précise Atiba. Cela semble bien fonctionner avec Zion Wright.

En bas à gauche : « Torey Pudwill est un type très drôle, il a une super énergie. » Ça facilite la prise !

En bas à droite : le trick doit­il être réussi pour qu’une photo soit géniale ? Pour Jamie Foy (skateur de l’année 2017), c’est une question d’honneur, même pour un nosegrind de 20 marches.

Wells Fargo, US Airways et Ryan Sheckler : trois institutions américaines réunies sur une même photo. Certes, seulement deux d’entre elles sont cotées en bourse. « L’endroit était cool parce qu’il racontait tellement de choses sur la ville en arrière-plan », explique Atiba. Le trick s’appellerait-t-il alors Frontside Feeble Sightseeing Grind ?

« C’est à la fois une jolie photo de skate et un bon portrait », estime Atiba Jefferson. Et un skateur aussi talentueux que Jagger Eaton, qui vient de remporter l’argent aux Jeux olympiques, peut aussi sourire en plein vol pour l’appareil photo de l’artiste.

« La photo me donne le meilleur des accès au sport que j’aime. À Paris, j’ai pu voir un ami gagner une médaille aux JO. »

Play ! Les titres phares de la scène skate.

Années 60

Skate Out

Artiste : Mike Curb, Sidewalk Sounds

Genre : surfrock

Les surfeur· euse·s ont inventé le skate dans les années 1950 en tant que « surf sur l’asphalte » les jours sans vagues. En conséquence, le surf rock est la bande-son des premières années et du tout premier film de skate, Skaterdater, de 1965. La BO est signée Mike Curb (trottoir, en anglais).

Années 70

Police Truck

Artiste : Dead Kennedys

Genre : punk rock

À cette époque, l’invention du rouleau en polyuréthane change la pratique du skate. Les planches roulent plus vite et sont plus souples, ce qui permet des descentes plus radicales dans les airs et les piscines. Le skate devient sauvage et rebelle, la musique qui va avec aussi.

Années 80

Skate and Destroy

Artiste : The Faction

Genre : hardcore

Nombre de proskateur·euse·s jouent dans des groupes, comme Steve Caballero, légende du halfpipe et guitariste de The Faction. Jim Muir, qui a fait connaître le skate avec les Z-Boys, est le frère de Mike Muir, chanteur de Suicidal Tendencies, dont les chansons ont été intégrées à la BO du jeu Tony Hawk Pro Skater

Années 90

Risin’ High

Artiste : H-Blockx, Genre : skatepunk Los Angeles et San Francisco sont les épicentres du skate. C’est là qu’est né le skatepunk de groupes comme Greenday, The Offspring, NOFX ou Millencolin. En Allemagne, des groupes comme H-Blockx adaptent le son et jouent au Mastership de Dortmund, le plus grand concours de skate des années 90.

Années 2000

Get down

Artiste : Nas, Genre : rap

Les pros ne se contentent pas de montrer les tricks les plus durs dans les vidéos de skate, ils accordent aussi une importance énorme à la BO. Cette décennie, c’est le hip-hop qui domine. Certains rappeurs célèbres comme Eazy-E, Lil Wayne ou Tyler, The Creator font euxmêmes du skate.

Années 2010

Electric Feel

Artiste : MGMT, Genre : électro Tout devient possible ! Qu’il s’agisse de chansons cultes comme Fly Me To The Moon de Franck Sinatra, de titres de trash metal, de gangster rap, d’indie rock, de musique classique ou de techno… aucune limite en termes de style.

Qu’est-ce qui nous pousse à nous dépasser ? À braver l’inconnu ? À nous aventurer au-delà de nos propres limites ? C’est l’état d’esprit à l’origine de la marque TUDOR, le même qui habite les femmes et les hommes qui portent ces montres. Sans eux, il n’y aurait ni histoires, ni légendes, ni victoires. C’est l’état d’esprit qui donne chaque jour à Alinghi Red Bull Racing l’envie de se dépasser. Celui incarné par chaque montre TUDOR. Certains se contentent de suivre. D’autres sont nés pour oser.

L’équipage Alinghi Red Bull Racing s’entraîne au large de Barcelone, en juin 2024. Les foils du BoatOne lui permettent de voler au-dessus de l’eau deux fois plus vite que le vent.

Que se passe-t-il lorsque l’une des plus grandes équipes de voile de l’histoire s’associe au champion du monde en titre de F1 pour disputer la plus grande régate qui soit ? Alinghi Red Bull Racing ose s’aventurer dans des eaux inexplorées pour gagner l’America’s Cup.

NOUVEAUX HORIZONS VERS DE

Texte Tom Guise
Photos Konstantin Reyer

Nous sommes en février 2003 dans le golfe de Hauraki, au large des côtes néozélandaises. Team New Zealand (TNZ) est le champion en titre lors de cette 31e America’s Cup, une compétition qui, depuis plus de 150 ans, fait figure de référence dans le domaine de la voile à haute vitesse. Les lois d’airain de la course obligent le défenseur de la Coupe à en assurer l’organisation, une tradition qui offre au champion néozélandais un considérable avantage dans le duel contre son challenger, l’outsider Alinghi, originaire de la très continentale Suisse.

Le BoatOne d’Alinghi Red Bull Racing au large de Barcelone.

Durant la compétition, les événements se précipitent : victime de problèmes techniques, le bateau de TNZ prend l’eau lors de la première manche. Mer houleuse, vent tempétueux, puis calme plat ; pendant neuf jours, les bateaux restent à quai en attendant une fenêtre météo favorable. Lorsque celle-ci s’ouvre enfin, les Kiwis voient leur mât se briser, laissant ainsi la victoire aux Suisses. C’est la première fois qu’un pays enclavé l’emporte et la première fois qu’une équipe triomphe dès ses débuts.

Arnaud Psarofaghis se souvient parfaitement de ce moment. Il avait 14 ans à l’époque et vivait à 200 m du lac Léman. C’est sur les rives de celui-ci que la Société Nautique de Genève a son siège, le club de voile sous les couleurs duquel Alinghi a concouru en 2003. La Suisse n’a peut-être pas accès à la mer, mais elle regorge de lacs, ce qui offre aussi des avantages, comme l’explique Psarofaghis. « Comparé à la mer, un lac est très calme. C’est ce qui nous permet de développer des bateaux aux performances plus extrêmes. » Il était présent lorsque l’équipe a ramené en Suisse le légendaire trophée surnommé the Auld Mug (la vieille aiguière), au milieu des 40 000 personnes venues célébrer le retour de leurs héros. « C’est ce jour-là que j’ai commencé à rêver de faire un jour partie de cette équipe. » Rêve qu’il réalise en 2016. S’il était parvenu à maintenir son cap, celui de l’équipe, en revanche, avait changé.

Nouveax défis

En 2007, Alinghi réussit à défendre son titre contre TNZ pour la deuxième fois. Mais en 2010, ils sont défaits par l’Oracle Team USA au cours d’un combat très disputé, qui s’est joué non seulement sur l’eau, mais aussi devant les tribunaux. Alinghi se retire alors de la compétition. Onze ans plus tard, en 2021, Alinghi annonce son retour. Son fondateur, Ernesto Bertarelli, promet « quelque chose de totalement inédit » : un partenariat avec Red Bull pour former une nouvelle équipe réunissant à la fois l’expertise de la F1 et celle de la voile. L’équipe Alinghi Red Bull Racing était née. Vainqueur du trophée en 2021, TNZ était chargé de choisir le lieu de l’événement. À la surprise générale, le défenseur de la coupe renonçait à l’avantage du terrain. Au mois d’octobre prochain, les épreuves se dérouleront donc au large de la côte barcelonaise. La ville est pourvue d’une riche histoire nautique. Dans le port, la base d’Alinghi Red Bull Racing se démarque par son esthétique rouge et bleue bien connue des fans de F1. Devant la base, un bateau en cale sèche arbore les couleurs d’Alinghi Red Bull Racing. Il s’agit d’un AC75, la catégorie des monocoques de 20,5 mètres de long sur lesquels navigueront l’ensemble des équipes engagées. Voici BoatZero, l’un des bateaux de la dernière édition que les Suisses ont acheté à TNZ pour en faire un bateau d’entraînement. Celui-ci a parfaitement rempli son rôle : permettre à l’équipe de développer un bateau optimisé, BoatOne. « La comparaison entre BoatOne et BoatZero, c’est le jour et la nuit, estime Silvio Arrivabene, co-directeur général des opérations techniques et sportives de l’équipe. La coque, les foils, le safran, tout. »

Le navigateur et architecte naval italien faisait déjà partie de l’équipe de construction d’Alinghi lors de l’édition 2010. Il a ensuite rejoint American Magic –l’équipe du New York Yacht Club, le plus vieux syndicat de l’histoire du sport nautique – et a travaillé au développement de leur bateau en vue de l’édition 2021. Après celle-ci, Arrivabene reçoit un appel de Bertarelli. « Ernesto voulait absolument revenir et m’a demandé si j’étais intéressé, se souvient-il. Il n’a pas fallu grandchose pour me convaincre. Ce simple appel a suffi. »

Le fait qu’Arrivabene ait déjà fait partie de l’équipe plaidait en sa faveur, mais l’expérience acquise lors de l’America’s Cup 2021 s’est révélée encore plus déterminante. Car depuis lors, c’est une véritable révolution technologique qui a déferlé sur ce sport.

L’hydrofoil – l’utilisation de structures ailées destinées à soulever l’embarcation hors de l’eau – était loin

Arnaud Psarofaghis, le skipper d’Alinghi Red Bull Racing.

LES PROGRÈS AU FIL DU TEMPS

À l’abordage !

Dans l’histoire de longue date de l’America’s Cup, toutes les équipes ont donné le maximum pour le développement continu des bateaux en lice. Voici une petite chronologie.

1988 STARS & STRIPES

CLUB : San Diego Yacht Club (USA) LONGUEUR : 17,8 m ; MAÎTRE-BAU : 8,9 m ; TIRANT D’EAU : 3 m ; POIDS : 2,8 t ; VOILURE MAX. : 167 m²

Le premier catamaran à concourir dans l’épreuve. TNZ proteste mais perd le procès et la course.

1851 AMERICA

CLUB : New York Yacht Club (USA)

LONGUEUR : 29,9 m ; MAÎTRE-BAU : 6,8 m ; TIRANT D’EAU : 3,4 m ; POIDS : 170,55 t ; ; VOILURE MAX. : 461 m²

Le voilier par lequel tout est arrivé. Il est le premier vainqueur de la Coupe et le premier voilier de course à traverser l’Atlantique.

1937 ENDEAVOUR II

CLUB : Royal Yacht Squadron (GB)

LONGUEUR : 40,2 m ; MAÎTRE-BAU : 6,4 m ; TIRANT D’EAU : 4,5 m ; POIDS : 163 t ; VOILURE MAX. : 660 m² C’est l’un des voiliers les plus aboutis de la Classe J. Pour rentrer, il affronte de terribles tempêtes à travers l’Atlantique.

1992 AMERICA 3

CLUB : San Diego Yacht Club (USA) LONGUEUR : 22,2 m ; MAÎTRE-BAU : 5,3 m ; TIRANT D’EAU : 3,8 m ; POIDS : 16,2 t ; VOILURE MAX. : 263 m²

La jauge Class America apparaît : moins de poids, plus de surface de voile pour plus de vitesse.

1903 RELIANCE

CLUB : New York Yacht Club (USA)

LONGUEUR : 42,5 m ; MAÎTRE-BAU : 7,6 m ; TIRANT D’EAU : 6,1 m ; POIDS : 140 t ; VOILURE MAX. : 1415 m²

C’est le plus grand bateau construit pour l’AC. Le mât en acier atteint

60 m et la grand-voile pèse 1,5 t.

1958 SCEPTRE

CLUB : Royal Yacht Squadron (GB)

LONGUEUR : 20,4 m ; MAÎTRE-BAU : 3,5 m ; TIRANT D’EAU : 2,7 m ; POIDS : 30 t ; VOILURE MAX. : 160 m²

La Seconde Guerre mondiale et l’amoindrissement des ressources imposent des bateaux significativement plus petits.

2012 AC72

LONGUEUR : 21,9 m ; MAÎTRE-BAU : 14 m ; TIRANT D’EAU : 4,42 m ; POIDS : 6,2 t ; VOILURE MAX. : 580m²

Les AC72 sont normés. Très rapides, ils requièrent un attelage de dix équipiers préparés à tout supporter.

d’être une nouveauté. Cette technique était appréciée dans le kitesurf et équipait déjà de petits voiliers, comme le Moth, une catégorie de dériveurs en solitaire. Mais c’est TNZ, alors challenger du champion en titre Oracle Team USA, qui fut la première équipe à décider d’adopter cette technologie sur des bateaux plus imposants, notamment les catamarans qui allaient être alignés sur l’édition suivante de l’America’s Cup. « Jusqu’en 2013, les bateaux de l’America’s Cup restaient toujours en contact avec l’eau, explique Arrivabene. Aujourd’hui, on n’a plus besoin ni de quille ni de ballast, et il n’y a plus de gîte (inclinaison latérale du bateau, ndlr). Les voiles sont comme des ailes. Quant à la vitesse... » Techniquement, ce que décrit Arrivabene en gesticulant, c’est le passage de l’hydrodynamique – la physique du mouvement à travers les liquides – à l’aérodynamique, la traversée de l’air.

Transition élémentaire

Outre ses 126 ronds-points, Milton Keynes (UK) abrite aussi le siège de l’équipe de F1 Red Bull Racing. Face à la rue se dressent les locaux de Red Bull Advanced Technologies (RBAT), véritable temple de la connaissance technique qui, après sept titres de champions du monde des pilotes et six couronnes mondiales des constructeurs en F1, est désormais affecté à d’autres projets. Il s’agit, entre autres, de développer une voiture à hydrogène destinée aux 24 heures du Mans ou de construire un bowl de BMX suffisamment léger pour être suspendu à une montgolfière. Depuis 2021, l’une de ses missions consiste également à concevoir des bateaux volants. Le directeur technique de RBAT,

Rob Gray, n’a pas hésité à accepter cette coopération : « Vous êtes les experts en bateau, nous avons la technologie – comment pouvons-nous vous aider ? »

Cette alliance consacre la rencontre de l’hydrodynamique et de l’aérodynamique. Selon Adolfo Carrau, coordinateur de la conception chez Alinghi Red Bull Racing, la science des matériaux sur laquelle repose la construction des bateaux est très proche de celle de la F1. « Nous utilisons des fibres de carbone associées au titane et sommes tenus d’économiser autant de poids que possible. » C’est donnant-donnant : « Quand un département me dit qu’il a besoin de trois kilos supplémentaires, je leur demande : “Quel gain de vitesse du bateau vous me donnez en échange ?” »

Cela vaut surtout pour la coque. « Avant de décoller, elle est en contact à la fois avec l’eau et avec l’air, explique Carrau. Il est tentant de construire une forme qui soit 100 % aérodynamique, mais si elle génère trop de traînée dans l’eau – surtout à Barcelone, réputée pour ses grosses vagues –, ça ne décollera pas. »

C’est là qu’intervient l’expertise de RBAT. « Les aérodynamiciens rendent les choses plus petites, plus fines, explique Ed Collings, responsable des matériaux

Alliance de l’hydro dynamique et de l’aérodynamique.

BoatOne est soulevé du quai et mis à l’eau.

Le bateau

composites et de l’analyse structurelle chez RBAT. Les matériaux plus lourds et à la section transversale plus fine – par exemple dans le safran – réduisent la traînée. Si tu arrives à réduire encore ce poids, tu pourras transporter davantage de systèmes de contrôle – ce qui entraînera de meilleures performances. »

Aujourd’hui coordinateur de la conception, Carrau est aussi un ancien navigateur, ce qui s’avère être un atout dans ses attributions actuelles. Les départements de conception des équipes de l’America’s Cup sont relativement peu fournis, il est donc crucial de comprendre le moindre détail. Une équipe de F1, en revanche, travaille avec des centaines de personne pour la conception. « Des spécialistes consacrent toute leur carrière à développer un seul type de composants, comme des ailerons avant ou des suspensions. »

L’un des composants essentiels de l’AC75 est le système permettant de manœuvrer la grand-voile. Sur un voilier, les voiles font office de moteur. Le vent tient lieu de carburant, mais l’hydraulique utilisée pour régler les voiles doit être actionnée par la force humaine. Jusqu’à présent, on utilisait pour cela des treuils manuels. En 2024, ce sont les jambes qui seront mises à contribution : quatre membres d’équipage connus sous

Avant que BoatOne ne file en mer, marins et ingénieurs vérifient les systèmes.

le nom de « cyclors » pédaleront sur des vélos montés sur le pont. « Toute réduction de la friction permet d’économiser de l’énergie qui peut être utilisée ailleurs, explique Collings. Nous avons donc revu de fond en comble la conception du traveller. » Arrivabene se souvient des débuts de la coopération : « Nous sommes les bûcherons, vous êtes les horlogers. » Telle était la formule consacrée, à l’époque, pour définir l’orientation souhaitée pour la micro-optimisation des bateaux. « Lorsqu’on développe une voiture, on travaille avec des petits outils. Dans notre hangar à bateaux, on a besoin de gros outils. Ça génère beaucoup de poussière et de bruit. La voile, c’est un milieu rude. »

La hi-tech en action

Ce n’est pas exactement l’univers des bûcherons qui nous vient à l’esprit en franchissant les portes de la base d’Alinghi Red Bull Racing. C’est Romain Fornell, chef étoilé du cru, qui officie dans les cuisines du salon des invité·e·s avec vue sur mer. Au fond de la base se déploie une salle de sport de 250 m². Le dock abrite trois hangars auxquels The Red Bulletin a le privilège de pouvoir accéder jusque dans les coulisses. Dans le premier hangar, un ouvrier voilier actionne une machine à coudre surdimensionnée et encastrée dans le sol. Étalées par terre, les bandes de tissu composées d’un matériau composite en fibres de carbone doivent pouvoir supporter jusqu’à 15 tonnes de pression à vitesse maximale. Comme les pneus d’une F1, les voiles perdent en efficacité à mesure qu’elles s’usent et chaque équipe n’a le droit d’utiliser que six grandvoiles sur toute la durée de la compétition.

Une nouvelle porte mène à l’atelier de gréement, où se trouve également le mât de l’AC75. Le dernier hangar, qui est aussi le plus grand, abrite les bateaux. La porte a beau être grande ouverte, BoatOne est recouvert d’une bâche. De nombreuses zones de la base ne sont pas destinées à être exposées aux regards des visiteur·euse·s non autorisé·e·s. Une chose est sûre : nulle part on ne trouvera de soufflerie ou de bassin à vagues. Le règlement stipule en effet que les bateaux ne peuvent être testés qu’en mer et sous la supervision des photographes de l’équipe de reconnaissance char-

« Alinghi Red Bull Racing est neuf, notre équipage
Silvio Arrivabene, co-directeur général d’Alinghi Red Bull Racing.

Un ouvrier voilier travaille sur une machine à coudre géante dans l’atelier de voiles

Alinghi Red Bull Racing, qui doit rester impeccable.

La coque de BoatOne doit fonctionner dans l’eau et dans l’air. Bien que la majorité des tests aient eu lieu en simulateur, les autres équipes peuvent espionner ce qu’il a accompli.

« Aucun élément n’est utilisé sans avoir été testé dans le simulateur. »

gés de tout documenter. La phase de tests est une opération particulièrement fastidieuse. Contrairement à la F1, où le développement d’une voiture se poursuit tout au long d’une saison, BoatOne ne pourra humer le parfum de la compétition que deux mois avant la Coupe, lors de la dernière pré-régate. En attendant, l’équipe s’entraîne avec un simulateur sur une copie du bateau, explique Joseph Ozanne, responsable du simulateur. Rien à voir, cependant, avec les simulateurs de F1 composés d’un châssis mobile et d’un écran. « En F1, le pilote bouge à peine la tête, il utilise ses rétros. Sur un bateau de course, les athlètes ne peuvent pas partager un écran, car les coéquipiers situés de part et d’autre du bateau ne peuvent pas se voir. » La solution est venue de la réalité mixte. « Une réalité virtuelle qui permet de voir ses mains. »

Tandis que les cyclors s’entraînent à la salle, les quatre membres de la cellule arrière – deux barreurs, le contrôleur de vol (qui actionne les foils) et le régleur de voiles – passent jusqu’à cinq heures par jour dans le simulateur. Au début, il s’agissait d’apprivoiser le fonctionnement du bateau. Les membres des équipages doivent être originaires du même pays que le syndicat qu’ils représentent et, dans la mesure où cette équipe suisse est totalement inédite, aucun de ses membres n’avait encore jamais piloté un AC75. « La première année, ils ont fait l’équivalent de deux fois le tour du monde en virtuel, raconte Ozanne. Puis est intervenue la deuxième étape. La course. Ils élaborent tout un manuel dans le monde virtuel avant d’affronter un adversaire dans le monde réel. » Le simulateur s’est révélé essentiel au développement de BoatOne. « Aucun élément n’est utlisé sans avoir été testé dans le simulateur », ajoute Ozanne. Une fois le voilier achevé, les personnes chargées de la conception se sont muées en analystes de performances avec la mission de scruter le comportement de l’AC75 et de réinjecter les données recueillies dans le simulateur. Un processus accéléré par l’IA : « Quand je quitte le travail le soir, j’appuie sur un bouton et le lendemain matin, je me retrouve avec des heures de simulation. » Il s’agit de réduire l’écart entre la conception, l’optimisation et le monde réel.

En avant toute

Il est neuf heures du matin. De nombreux membres de l’équipage suisse sont déjà sur le dock depuis l’aube. C’est le moment pour BoatOne d’être mis à l’eau. Ce bateau se distingue résolument de son prédécesseur, BoatZero. La proue présente une rainure qui rappelle

une bouche. La conception du pont et des flancs a été repensée. On remarque notamment que les parois de la poupe ont été supprimées, laissant un espace ouvert au profil incurvé à l’arrière. Un design plus proche de la Batmobile que d’un bateau.

8 membres d’équipage : quatre cyclors, deux barreurs et deux régleurs de grand-voile/ contrôleurs de vol.

20,5 m

La longueur du bateau.

50

La vitesse en nœuds que BoatOne peut dépasser en vol.

26,5 m

La hauteur réglementaire du mât.

15 000

La pression en tonnes exercée à certains endroits de la grand-voile quand le bateau est à pleine vitesse.

6

voiles principales autorisées pour toute la compétition. Quinze focs (la plus petite voile) sont admises.

Le mât de 26,5 mètres de haut est hissé à l’aide d’une grue et monté sur le pont. L’équipe de reconnaissance prend des photos, les analystes de données travaillent sur leurs ordinateurs portables, tandis que sur un autre bateau, on charge des bouées qui serviront à baliser le parcours. « Il y a toujours des gens qui surveillent ce qui se passe sur l’AC75 et montent à bord entre les sessions pour s’assurer que tout fonctionne », confie Barnabé Delarze, l’un des cyclors et ancien rameur olympique. Certains cyclors viennent du cyclisme, mais la plupart sont des rameurs, un sport qui repose à 60 % sur le travail des jambes. « Nous ne hissons pas les voiles dans le port, explique Delarze. Nous sommes remorqués jusqu’à la mer, car si le vent se lève, la situation peut vite devenir très dangereuse. » Le bateau suiveur le plus performant affiche une puissance de 1 800 chevaux. « C’est ce qu’il faut pour suivre l’AC75, qui peut atteindre jusqu’à 50 nœuds (92 km/h) », précise Delarze. Les voiles sont attachées, le système logistique, l’électronique et l’hydraulique contrôlés. Les cyclors testent leur équipement dans les cockpits, les membres de la cellule arrière arrivent munis de casques et d’appareils de communication étanches. Psarofaghis est l’un d’eux. Il a réalisé son rêve d’enfant, il fait partie de l’équipe. Mais pour le barreur de 35 ans, il reste encore beaucoup à faire. Lors de leurs deux premières pré-régates disputées l’an dernier dans la ville voisine de Vilanova i la Geltrú, puis à Djeddah (Arabie Saoudite), ils ont fini respectivement cinquièmes et troisièmes. « À la première course, tu n’as pas d’attentes ; à la seconde, tu sais où tu veux aller. » Mais désormais, ils savaient ce qu’ils devaient améliorer. L’expérience de l’AC40 sur lequel ils ont navigué par le passé ne se laisse pas aussi facilement transposer à l’AC75. C’est pourquoi Psarofaghis souhaiterait que la période séparant deux éditions de la Coupe passe de trois-quatre ans actuellement à deux ans, afin de multiplier les occasions de naviguer sur ce géant des mers. « On est pris dans cette dynamique extraordinaire, puis plus rien. C’est frustrant. C’est pourquoi on veut gagner et changer ça. » Savoir comment fonctionne un AC75 est une chose, c’en est une autre de le voir : aucune partie du bateau n’est en contact avec l’eau, en dehors du safran et de l’un des foils. Lorsqu’il vire, le bateau reste droit. C’est surréaliste. Arrivabene s’y est habitué : un bateau à la verticale, des ailes qui montent et descendent. « Nous n’imaginons pas revenir à la voile traditionnelle. » On peut difficilement faire plus traditionnel qu’une compétition de voile disputée depuis 173 ans. Pourtant, l’America’s Cup s’est toujours caractérisée par sa quête de progrès. Voilà qui n’est pas pour déplaire à Arrivabene. « Alinghi Red Bull Racing est un nouveau syndicat, notre équipage est jeune, les navigateurs n’ont jamais participé à la Coupe. Les autres équipes pensaient sans doute : “Ces gars-là ont beaucoup de retard à rattraper”, estime Arrivabene. Quand bien même on avait du retard, on l’a rattrapé. Voire plus. » alinghiredbullracing.com

Anja von Allmen lors d’une vérification technique avant un entraînement à Barcelone. Elle est l’une des six membres de l’équipe féminine d’Alinghi Red Bull Racing.

ESPRIT DE RENOUVEAU

Texte Anna Kerber
Photos Shamil Tanna

Un vent frais souffle sur les côtes espagnoles. L’America’s Cup est largement connue pour deux choses : la tradition et le progrès technique. Ce dernier implique un changement longtemps attendu.

Pour la première fois en 173 ans d’histoire, il y a une compétition exclusivement féminine. La Suisse envoie des professionnelles dans la course : des Championnes du monde junior à l’athlète olympique.

L’équipe avant l’entraînement à Barcelone.

Seule Maja Siegenthaler manque à la photo, car elle était déjà en route pour les Jeux olympiques.

L’AC40 atteint une vitesse de pointe allant jusqu’à 45 nœuds. Même pour les navigatrices les plus expérimentées de l’équipe, le bateau représente un nouveau défi.

Vue sur le cockpit.

Lorsque les voiles sont hissées, les athlètes communiquent via un casque.

Dans un chantier naval du port de Barcelone, ça bouge. Du hip­hop résonne dans les enceintes, l’AC40 est tracté à l’extérieur, la grue est prête, les vérifications techniques sont en cours. Ce n’est pas la base principale d’Alinghi Red Bull Racing, mais une version délocalisée pour l’équipe féminine et l’équipe jeune.

La participation des femmes n’a jamais été interdite sur les bateaux de l’America’s Cup historiquement. Elles étaient simplement des exceptions, en raison des exigences physiques requises. Cela a changé, en partie grâce à la nouvelle conception technique des bateaux. « Les hommes sont généralement plus forts physiquement que les femmes. Mis à part cet aspect, nous sommes égaux. Il ne reste plus qu’à s’entraîner, à renforcer nos capacités cognitives, à acquérir de l’expérience. »

Coraline Jonet, chef de projet pour les jeunes et les femmes chez Alinghi Red Bull Racing, aborde le sport avec pragmatisme en tant que navigatrice expérimentée. L’équipe a sélectionné six femmes et six hommes parmi les candidatures, ouvertes à tous les profils marins suisses. « Trois des femmes remplissent les critères d’âge pour la Youth America’s Cup », explique Jonet, ce qui signifie qu’elles pourraient concourir dans les deux Coupes. Cela leur apporterait énormément d’expérience. Et de la visibilité – car la finale de la Women’s America’s Cup coïncide avec celle de l’America’s Cup. « Les filles verront des femmes en compétition et se diront : “Moi aussi je veux faire ça. Je peux le faire.” » Quand verrons-nous des femmes sur l’AC75 ? « Peut-être lors de la prochaine édition », espèr-t-elle. La navigatrice de 42 ans a remporté six championnats sur des catamarans D35 avec Alinghi. Elle-même aimerait être de la partie. « Je navigue depuis l’âge de sept ans. Ce serait parfait maintenant dans ma carrière. »

Alexandra Stalder

est arrivée dans l’équipe comme « l’Inconnue ». « Dans la voile suisse, on se connaît toutes et tous », dit Anja. Ale est italienne, elle naviguait là-bas. En plus d e ses compétences comme Championne du monde junior, son second passeport (suisse) lui a permis de se qualifier pour l’équipe.

Maintenant, la jeune femme de 25 ans d’Oppeano apporte la « vibe italienne » à l’équipe. « Elle a beaucoup de puissance, de passion, une voix forte, aucun filtre et pousse les limites », disent unanimement ses coéquipières. Sa capacité à aborder directement les problèmes aide tout le monde à les résoudre.

Alexandra Stalder aide à la mise à l’eau du bateau avec la grue avant l’entraînement.

Toutes les membres de l’équipe ont dû s’adapter rapidement à l’AC40. Anja et Laurane avant de sortir pour l’entraînement.

Anja von Allmen

est passée directement du bateau le plus lent au plus rapide. Avec un Laser ILCA, la Championne du monde junior et Championne d’Europe (ILCA 4) se préparait pour sa saison olympique, quand son entraîneur l’a convaincue de participer au processus de sélection d’Alinghi Red Bull Racing. Ses coéquipières appellent la jeune femme de 21 ans de Spiez « la Têtue ».

Elle est aussi « super structurée et disciplinée ». « Nous vivons ici de très longues et intenses journées, précise Nathalie Brugger, et pardessus ça, Anja réussit à maintenir son programme de préparation physique pour le Laser. » Et pour cause : elle souhaite participer aux JO dans quatre ans. Anja elle-même considère le qualificatif de « têtue » comme un compliment : « Cela me fait avancer. »

Anja von Allmen au port de Barcelone. Elle est passée du bateau à voile le plus lent au plus rapide.

L’équipage de l’AC40 prépare le bateau avec le coach Matías Bühler pour une sortie d’entraînement.

À partir d’environ 30 km/h, l’AC40 s’élève hors de l’eau. Le bateau atteint une vitesse de pointe de 45 nœuds, soit près de 80 km/h.

L’égalité des sexes comme objectif Jonet reconnaît les différences physiques entre les sexes. Elle voit que, en général, les hommes sont nécessaires pour apporter de la puissance. Dans le cas d’Alinghi Red Bull Racing, les « cyclors », parmi lesquels des rameurs olympiques, contribuent à la performance de l’équipe grâce à la force dans les jambes. Jonet note une différence dans la façon de communiquer et de penser entre les genres, et estime que les femmes sont « plus précises, plus minutieuses » que les hommes. Et elle voit là la force des équipes mixtes en termes de genre. L’égalité n’est pas nécessaire, mais un bon équilibre l’est. Ce serait un gain pour le sport.

C’est ce que les nouveaux bateaux de l’America’s Cup rendent possible. Certaines positions sur l’AC75, qui concourt dans l’épreuve principale, exigent plus de performance cognitive que physique. Il s’agit de piloter, de décider du cap à suivre, de régler les

L’AC40 est mis à l’eau par une grue pour l’entraînement.
Marie Mazuay en pleins préparatifs sur le pont.

Maja Siegenthaler

est l’une des navigatrices en 470 les plus expérimentées de Suisse. Elle apporte savoir-faire et expérience à l’équipe. Lors de notre séance photo, la femme de 31 ans de Spiez n’était malheureusement pas présente, car elle se préparait pour les JO à Marseille. Lancienne Championne du monde junior en 420 y participe pour la troisième fois après Rio et Tokyo, cette fois dans une équipe mixte.

Marie Mazuay

est la benjamine de l’équipe, mais personne ici ne sous-estime ses compétences et la volonté de la Championne du monde junior. La jeune femme de 19 ans d’Airela-Ville apporte son expérience, sur des petits catamarans rapides Nacra 15 (jusqu’à 20 nœuds). En tant que « force tranquille », elle suscite le calme au sein de l’équipe, impressionne par son sens de l’observation et sa rapidité d’apprentissage. Marie a grandi avec Alinghi : son père faisait partie de l’équipe, et concevait les voiles. Elle qui connaît le monde de la voile depuis toujours y a trouvé sa voie.

Laurane Mettraux

apporte beaucoup d’expérience à l’équipe, ce que ses coéquipières savent apprécier. Comme le dit Nathalie Brugger : « Tu peux mettre Lolo sur n’importe quel bateau, elle fera le job. » Elle sait ce qu’elle veut et s’attèle à la tâche avec calme et détermination. « Elle vise la perfection. » Juste après notre séance photo, elle s’en allait pour une épreuve de SailGP à San Fransisco.

Laurane Mettraux concentrée sur l’AC40, à Barcelone.

une grande expérience en tant que triple participante aux JO.

voiles et les foils avec des boutons et des manettes. Cela se fait sur ces bateaux high-tech via l’électronique. Et c’est d’autant plus vrai pour l’AC40, qui sert de bateau d’entraînement pour l’équipe principale et avec lequel l’équipe féminine entre en course. Il ne faut pas sous-estimer ce modeste yacht. « Nous l’appelons “le petit bateau”, mais c’est la machine de course idéale, éclaire Jonet. Il va très vite –45 nœuds – et en tant que membre de l’équipage, on acquiert de l’expérience dans tous les rôles et toutes les positions sur le bateau. »

C’est bien l’objectif : l’expérience, laquelle est essentielle dans la voile, car le vent, les vagues et les bateaux changent constamment.

Toutes les navigatrices de l’équipe Alinghi Red Bull Racing viennent avec leur expérience : sur différents bateaux, dans différentes compétitions, presque toutes sont des olympiennes confirmées ou en devenir. Cette régate vise à faire en sorte que les femmes trouvent à l’avenir leur place sur l’America’s Cup.

Nathalie

Brugger

est surnommée « Grandma » par ses coéquipières. À 38 ans et trois participations aux JO, elle apporte calme, savoir-faire et une grande expérience. Elle a participé aux Jeux de Pékin, Rio, Londres et enfin Tokyo en tant qu’entraîneuse de Maud Jayet. En tant que skippeuse, la Fribourgeoise dirige désormais l’équipe. « Nous ne verrons des résultats que si nous travaillons ensemble et prenons les décisions en commun. »

Puig Women’s America’s Cup : americascup.com ; alinghiredbullracing. americascup.com/ywac

Nathalie Brugger apporte à bord

Les motos rugissantes entraînent derrière elles des cyclistes qui filent à toute allure. La course de demi-fond était une affaire d’hommes, et rares étaient celles et ceux qui voulaient que ça change… jusqu’à l’arrivée de Nicole Fry.

Pacemaker

Texte Karin Wenger Photos Pascal Mora

au féminin

Nicole Fry avec le stayer (le cycliste) Martin Ruepp lors de leur première course sur le vélodrome d’Oerlikon, en 2023.

bien trempé et bonne dose d’humour : Nicole

après l’entraînement sur le vélodrome de Zurich Oerlikon.

Caractère
Fry

Le calme avant la tempête. Nicole Fry discute avec le coureur Martin Ruepp avant une première course.

Nicole Fry avec sa Yamaha et son stayer lors d’une séance d’entraînement sur le vélodrome à ciel ouvert de Zurich Oerlikon.

Sur l’anneau en béton, la combinaison en cuir délibérément extralarge de Nicole Fry coupe le vent pour offrir le plus d’aspiration possible au stayer.

Pour comprendre Nicole Fry, il faut savoir une chose essentielle : elle carbure aux émotions. Elle suit les bonnes vibes sans trop se poser de questions, et quand les choses se compliquent, elle est bien trop têtue pour faire marche arrière. Pour comprendre pourquoi cette femme de 48 ans a décidé de devenir la première femme dans un sport d’une autre époque qui lui était totalement étranger, il faut aller faire un tour sur le vélodrome de Zurich Oerlikon, un mardi soir, quand les moteurs rugissent.

Le signal du départ retentit au milieu du concert de moteurs des Yamaha 850 des années 1990, sans silencieux, qui ont déjà envahi la piste ovale. En combinaison de cuir noire, les pacemakers se rapprochent au plus près de leurs cyclistes, eux-mêmes équipés de maillots ultramoulants et écrasant leurs pédales. Quelques secondes suffisent pour s’accrocher, puis les binômes filent à toute allure sur la piste à des vitesses de 80 km/h voire 90 km/h pour les plus rapides. Dans les virages, la piste est si inclinée qu’il est impossible de courir jusqu’en haut même en prenant de l’élan. Mais la force centrifuge pousse les motards et les cyclistes au point qu’on pourrait penser qu’ils vont décoller. Ce sont ces moments que Nicole Fry apprécie tant. Petite et athlétique, elle est depuis un an la première pilote de moto féminine à voler sur la piste.

« J’aime ce côté minimaliste, tout est à sa place sur un vélodrome. Sans parler de cette odeur d’essence. »

Tour après tour, les duos filent, et ce ballet à l’apparence si fluide est en réalité un exercice très complexe et très dur, surtout pour une femme. Les courses de demi-fond, dont le dernier championnat du monde a eu lieu en 1994, remontent à une époque où l’on ne remettait pas la domination des hommes en question. Les cyclistes fabriquent eux-mêmes leurs propres vélos avec une roue plus petite à l’avant. En Suisse, seuls quelques binômes expérimentés sont encore actifs. Mais autour de Zurich, nombreux·euses sont les fans de ces lourdes motos qui font vibrer les douces nuits d’été, Nicole Fry en tête.

« J’aime ce côté minimaliste, tout est à sa place sur un vélodrome. Sans parler de cette odeur d’essence », s’enthousiasmet-elle en ce mardi de juin à quelques heures du départ de la course. Le calme règne encore sur la piste, seules les chaussures à clips des cyclistes résonnent sur le béton. Sept ans plus tôt, elle est venue ici pour la première fois, sur les gradins, avec toute sa famille. L’ambiance était tellement bonne qu’elle est revenue régulièrement. « La piste exerce une fascination difficile à expliquer. »

L’opiniâtreté compte

« Je suis toujours nerveuse avant une course, raconte Nicole, surtout à cause des collègues sur la piste. » Après la dernière course, quelqu’un lui a reproché de ne pas laisser assez d’espace. C’est également sur un coup de tête qu’elle a écrit au responsable du vélodrome : « Je suis une femme et j’ai envie d’apprendre le métier. C’est possible ? » Fry avait entendu dire qu’ils cherchaient des pacemakers. Elle faisait de la moto depuis plusieurs années déjà et voulait se lancer un nouveau défi. « Je pensais que l’ambiance sur la piste serait aussi cool que sur le podium, qu’on allait tous se congratuler les uns les autres. Tu parles.… C’est très compétitif, c’est un nid de vipères. »

Fry se rend à une réunion, est ajoutée au groupe de discussion, s’entraîne, chute, est couverte de bleus et de courbatures mais par amour-propre, elle ne lâche rien et est finalement autorisée à passer l’examen. Pendant plusieurs mois, elle cherche un cycliste qui veuille bien courir derrière elle et profite du soutien de l’un des responsables du vélodrome ainsi que d’un pacemaker

Nicole Fry part s’entraîner sur le vélodrome avec son imposante Yamaha.
Allez et Ho !
Sur le vélodrome, la pacemaker ne quitte pas son stayer d’une semelle.

La première femme pacemaker au monde est célébrée comme il se doit par ses pairs à l’issue de sa première course.

« Je pensais que l’ambiance sur la piste serait aussi cool que sur le podium et qu’on se congratulerait tous les uns les autres… Mais c’est un vrai nid de vipères. »

chevronné. La plupart des autres la saluent d’un bref hochement de tête mais ne lui adressent jamais la parole. Elle doit découvrir elle-même toutes les astuces pour mieux contrôler sa lourde machine et créer un maximum d’aspiration. « Je n’ai jamais fait de courses de vélo et je suis totalement étrangère au milieu du demi-fond. » Pour certains, c’est toute leur vie. « Je ne suis pas aussi sectaire, pour moi c’est plus une question de plaisir. » Et c’est peut-être ce qui lui a permis de réussir : elle ne craint pas les accrochages.

Juste avant la course, Fry sort des vestiaires dans sa combinaison de cuir si large qu’on pourrait en faire rentrer deux comme elle dedans. Pendant la course, la combinaison va gonfler et créer autant d’aspiration que chez ses homologues plus massifs. Son mari et sa fille la saluent de la main. Sa mère, qui a elle aussi fait le déplacement, commente avec toute la fierté et l’émotion d’une maman : « Il lui faut toujours une sacrée dose de courage. »

La clé, c’est la communication Le rugissement des moteurs commence. Nicole porte un casque qui dispose de trous pour les oreilles avec des coques orientées vers l’arrière pour pouvoir entendre son stayer crier « Ho » ou « Allez » (ralentis ou accélère) malgré le tintamarre environnant. Pour ne pas se perdre, il faut être en communication constante. Elle adore ce travail en binôme avec son stayer : affronter en équipe une situation exceptionnelle, être ultra concentrée. Au cours de la course, ils se feront dépasser à quatre reprises par le duo le plus rapide. Micha Plüss, 20 ans, qui court avec Fry depuis la saison dernière, explique que cette fois-ci, c’était de sa faute : « Je n’avais tout simplement pas les jambes aujourd’hui. » Il considère que les préjugés contre sa coéquipière sont stupides. « Il y a probablement certains domaines où les femmes sont moins fortes, mais certainement pas en moto. » La course terminée, Nicole gare son engin, sourit et hausse les épaules. Au moins, ils n’ont fini qu’avant-derniers.

Elle s’est souvent demandé quel était le sens de tout cela, surtout quand elle sentait qu’elle n’était pas la bienvenue sur la piste et que les autres pacemakers l’accablaient de commentaires acerbes. « Mais si j’arrête maintenant, les hommes diront qu’ils avaient raison. Et ça ne rendra pas services aux autres femmes qui voudront se lancer un jour. » La persévérance n’est pas la seule raison pour laquelle Nicole Fry continue. Elle possède également une autre qualité que beaucoup perdent en devenant adultes : elle se réjouit des petits instants de joie comme s’ils étaient immenses. Et ces instants la sortent encore et toujours de la frustration.

Comme lorsque Micha lui a écrit sur WhatsApp avant la course qu’il croyait qu’ils pouvaient se qualifier pour la finale, ou quand un pacemaker français qui participait à la compétition lui a conseillé de tenir les bras plus près du corps et lui a demandé s’ils pouvaient prendre une photo ensemble, ou encore quand une femme de l’association du vélodrome lui a imprimé un panneau d’emplacement de parking. « Regarde, c’est trop mignon, sourit Nicole Fry en montrant le panneau, elle a même pris la peine de l’adapter (en allemand, ndlr) » Sur le panneau est imprimé : « Schrittmacherin » (littéralement, «Pacemakerin »).

Philosophe en selle

D’abord champion de saut à ski, le Slovène Primož Roglič s’est hissé parmi l’élite mondiale du cyclisme sur route malgré une approche assez inhabituelle de cette discipline.

Texte Christof Gertsch
Photos Joerg Mitter

Primož Roglič a entamé le Tour de France 2024 en tant que leader de la nouvelle équipe Red BullBORA-hansgrohe.

Demandez à cent personnes passionnées de cyclisme quelle a été la plus grande défaite de toute la carrière de Primož Roglič, et nonante-neuf vous répondront que c’est le jour où il a perdu le Tour de France 2020 dans le contre-la-montre de l’avant-dernière étape alors qu’il avait quasiment la victoire en poche.

Le seul qui vous donnera une réponse diférente n’est autre que Primož Roglič, père de deux enfants, devenu l’un des plus grands champions du cyclisme moderne. Le Slovène ne considère pas qu’il est passé « à côté » de la victoire, ni que son Tour de France 2020 était un échec. Pour lui, c’est déjà une victoire en soi de terminer deuxième de la plus grande course cycliste du monde. Peut-on vraiment lui donner tort ? En tout cas, il n’est plus parvenu à monter sur le podium depuis lors.

Pourquoi un tel fossé entre sa propre appréciation et celle du public sur ce résultat ?

Roglič portait déjà le maillot jaune depuis onze jours jusqu’à cette vingtième étape décisive pour le classement général, un contre-la-montre individuel jusqu’au sommet de La Planche des Belles Filles. Tout le monde pensait que ce serait une simple formalité pour ce spécialiste du chrono par ailleurs excellent grimpeur. Tous, sauf Primož Roglič.

Dans un contre-la-montre, chaque coureur part l’un après l’autre dans l’ordre inverse du classement général. Roglič est donc parti en dernier, à 17 h 14, après le second du classement général, Tadej Pogačar, Slovène lui aussi, plus jeune et bourré de talent.

Roglič avait 57 secondes d’avance sur Pogačar au classement général, une marge appréciable dans un contre-la-montre de 36 kilomètres. Pour perdre 57 secondes sur une telle distance, il faut soit commettre une grosse erreur, soit faire face à un concurrent qui se trouve dans la forme de sa vie.

Roglič n’a commis aucune erreur. Il a donné son maximum ce jour-là, c’était peut-être même l’un des meilleurs chronos de sa vie. Mais ça n’a pas suf. Il a franchi la ligne d’arrivée complètement vidé, le teint blafard, le casque de travers et perdu près de deux minutes sur Pogačar. Il dira plus tard aux journalistes : « Parfois, on gagne, parfois on perd. »

C’est le genre de phrases typiques de Roglič. Il penche légèrement la tête, se fend d’une large sourire et agite les bras. « Parfois, on gagne, parfois on perd. », ou « La course n’est fnie que quand elle est fnie. », ou encore : « Soit tu as les jambes, soit tu ne les a pas. » Quand il s’exprime ainsi, on ne sait pas sur quel pied danser : est-il sérieux ou cherche-t-il à se débarrasser poliment des journalistes ? Mais ces sentences, qui pourraient passer pour des banalités, sont peut-être des vérités qui touchent à l’essence même de Primož Roglič. Il ne dit pas ce genre de choses par lassitude ou par manque d’entrain, mais parce qu’il les pense vraiment.

«Je veux avoir été celui qui a pris du plaisir à faire du vélo et qui a su transmettre ce plaisir. »

Départ du Col de la Madeleine lors de la 17e étape de la 107e édition du Tour de France 2020, qui s’est déroulée sur 170 kilomètres, avec un départ à Grenoble et une arrivée au Col de la Loze, à Méribel.

Primož Roglič à Tignes, France, en juin 2024. Il y a onze ans, le coureur de 34 ans signait son premier contrat professionnel.

Roglič en liesse alors qu’il passe la ligne d’arrivée en premier. Il est vainqueur au classement général du Giro 2023.

Vuelta a España, 2022. Roglič, a déjà remporté trois fois cette épreuve.

Une carrière atypique

Âgé de 34 ans, Primož Roglič a grandi à l’est de Ljubljana (Slovénie) et vit actuellement à Monaco avec sa famille. Depuis le début de cette saison, il est le leader de l’équipe Red Bull-BORA-hansgrohe. Il sait que l’on peut contrôler certaines choses et d’autres non. On peut travailler sur ses propres performances ou sur son autodétermination mais on n’a aucune infuence sur le parcours, la météo, l’état des routes, la tactique des équipes adverses ou la forme des concurrents. Gagner ou perdre une course ne dépend pas forcément de soi, mais donner le meilleur de soi-même, oui.

Une attitude qui plaît à Rolf Aldag. Ancien coéquipier de Bjarne Riis et Jan Ullrich, Aldag a été décisif dans leurs victoires respectives sur le Tour de France. Désormais directeur sportif de Red Bull-BORA-hansgrohe, il découvre chaque jour Roglič un peu plus et n’en fnit pas d’être impressionné. « Primož a une ouverture d’esprit comme j’en ai rarement rencontrée, mais c’est tout sauf de la naïveté. Ce n’est pas un rêveur, il est simplement ouvert à toutes les possibilités. Il sait que ça peut parfois très bien se passer et parfois très mal. C’est ce qui rend le travail avec lui tellement exaltant. »

Une autre chose plaît à Aldag : alors que tout le monde le compare aux anciennes gloires du cyclisme, Roglič lui-même ne semble y attacher aucune importance. Il ne fait pas partie de ces professionnels qui ont passé toute leur enfance à dévorer les classiques et les grand tours à la télé ou peuvent vous réciter par cœur quel cycliste a gagné quelle course. Enfant, il n’était pas vraiment fan... il ne faisait même pas de vélo. Adolescent non plus d’ailleurs.

Primož Roglič est un ovni dans le monde du sport, un généraliste. Capable de briller dans deux disciplines complètement diférentes, il est en passe de devenir l’un des sauteurs à ski les plus doués de sa généra-

« Primož a une ouverture d’esprit comme j’en ai

Rolf Aldag

tion quand une chute met un terme à sa carrière en 2011, à l’âge de 21 ans. Il soufre de problèmes de genoux et n’a plus vraiment envie de skier, tout simplement. Il vend sa moto (son principal hobby à l’époque) et s’achète un vélo de course avec l’argent reçu. Très vite, il réalise qu’il adore ce sport et y trouve beaucoup de points communs avec son ancienne discipline : il faut être mince et avoir de bonnes jambes. Mais il y a également une diférence de taille : si les jambes n’ont pas besoin d’être aussi explosives, il faut qu’elles soient bien plus endurantes. Roglič se met donc au travail, et ça lui plaît : en cyclisme, il faut travailler dur, mais ça rapporte gros. Et justement, il aime travailler dur. Il considère le cyclisme comme une passion et comme un métier. Comme il l’explique, le cyclisme n’est pas seulement sa vie, mais celle de toute sa famille, tout son quotidien tourne autour de ce sport. Parfois, c’est très dur, mais quand les victoires sont au rendez-vous, la satisfaction n’en est que plus grande.

Et les succès se sont enchaînés régulièrement depuis son premier contrat professionnel en 2013 à l’âge de 23 ans, âge assez élevé dans ce sport. Sa polyvalence est remarquable : sacré champion olympique du contre-la-montre, il a remporté LiègeBastogne-Liège, l’un des cinq monuments du cyclisme, est considéré comme un spécialiste des courses par étapes d’une semaine mais brille également sur les grands tours de trois semaines, Tour de France, Giro d’Italia et Vuelta a España. Il s’est imposé sur le Giro en 2023 et a remporté la Vuelta à trois reprises, en 2019, 2020 et 2021. Il ne lui manque plus que le Tour, cédé en 2020 à Pogačar avant d’abandonner sur chute en 2021 et 2022. L’an dernier, il fait l’impasse sur le Tour pour se concentrer sur le Giro au printemps et la Vuelta en fn d’été. Et cette année ? Encore victime d’une chute, il a de nouveau dû abandonner.

Beaucoup considèrent que la carrière de Primož Roglič ne sera vraiment complète que quand il aura remporté le Tour de France. Un avis que Primož Roglič est loin de partager.

Le bonheur au bout du guidon

Très ambitieux, il espère remporter le Tour un jour, il aurait voulu le faire cet été avec sa nouvelle équipe. Il était l’un des grands favoris, malgré un chute début avril sur le Tour du Pays Basque dont il est sorti avec le corps couverts de bleus et d’abrasions alors qu’il portait le maillot de leader du classement général. Mais si ça ne marche pas cet été, il n’en fera pas une drame. « Les défaites font partie de la vie. » Encore une phrase à la Roglič.

« Tu sais, dit-il en interview, je ne pense pas que remporter le Tour ferait de moi une personne diférente. Et je ne veux pas non plus que les gens se souviennent de moi uniquement pour ça. » Petite pause. « Je préfère que les gens se souviennent de moi comme d’un coureur qui s’est toujours donné à fond. Si je fais un jour le bilan de ma carrière, si je regarde en arrière, je veux me rappeler de quelqu’un qui était heureux de faire du vélo et qui transmettait cette joie autour de lui. »

Et c’est vrai que regarder Roglič courir est un vrai bonheur. Oui, il ne fait pas autant le pitre que le surdoué Pogačar, capable de gagner sans avoir l’air de forcer, en souriant aux caméras, et qui a, entre-temps, remporté son troisième Tour de France. Mais il n’est pas non plus aussi réservé que Jonas Vingegaard, le Danois vainqueur des deux dernières éditions de la Grande Boucle, qui semble toujours un peu calculateur et efacé. Pendant et après les courses, Roglič dégage quelque chose de mystérieux. On le regarde et

on se demande : qui est vraiment cet homme ? Que cache-t-il en lui ? Qu’a-t-il encore en réserve ? On en a eu un petit aperçu l’an passé en septembre.

La route étroite et sinueuse du col de l’Angliru était enveloppée par un épais brouillard, mais les images des caméras de télé étaient très nettes, et le monde entier a vu ce qui se tramait dans l’interminable et terrible montée fnale jusqu’au sommet de la dix-septième étape de la Vuelta a España : Primož Roglič attaquant son propre coéquipier Sepp Kuss, porteur du maillot rouge de leader, avant de le distancer dans les deux derniers kilomètres.

Dans les studios d’Eurosport, la principale chaîne de cyclisme mondiale, les commentateurs étaient complètement efarés. « C’est déloyal, irrespectueux », s’est emporté l’ancien coureur Adam Blythe, tandis que Sean Kelly, l’un des plus grands cyclistes

« Soit tu as les jambes, soit tu ne les as pas. »

Ascension près de Tignes, lors du Tour de France 2024.

Au cours de la douzième étape, peu après, Primož Roglič fait une chute grave et est forcé d’abandonner.

des années 1980, secouait la tête, perplexe. Il y a une règle non écrite selon laquelle on n’attaque pas son coéquipier. Surtout pas quand on n’a aucune chance de gagner soi-même. Et encore moins quand votre coéquipier touche la victoire du doigt et n’a plus qu’à franchir la ligne d’arrivée. Alors pourquoi Roglič n’est-il pas resté avec Sepp Kuss jusqu’à la fn de l’étape ? Cela aurait été la meilleure manière de le remercier de ses bons et loyaux services, lui qui avait été son fdèle lieutenant pendant toutes ces années.

Leaders et porteurs de bidons

Petite précision pour celles et ceux qui n’y connaissent pas grand-chose en cyclisme sur route : ce qui rend cette discipline tellement unique, c’est que c’est à la fois un sport individuel et d’équipe. Individuel car au fnal, une seule personne se tient sur la plus haute marche du podium. Et d’équipe car une seule personne n’a aucune chance de gagner sans le soutien de tous ses coéquipiers. Souvent, ces derniers, à l’instar de Sepp Kuss, restent dans l’ombre du leader. Leur job est de protéger les stars comme Primož Roglič du vent pour qu’ils dépensent le moins d’énergie possible, d’imprimer une certaine cadence à l’avant du peloton ou de les ravitailler. Mais parfois, la situation s’inverse, comme lors de cette Vuelta 2023.

Pourquoi Roglič n’a-t-il pas saisi cette parfaite occasion de remercier son fdèle lieutenant ? On lui a souvent posé cette question et il répond invariablement la même chose : primo, il avait fait le point avec Kuss avant l’étape, et deuxio : « Je ne suis redevable qu’à moi-même. »

Un discours qui peut paraître extrêmement égoïste mais qui décrit fnalement toute l’essence des sports de haut niveau. Il ne s’agit pas de gagner à tout prix, mais de donner le meilleur de soi-même. On n’est pas vraiment en compétition avec les autres, car on n’a pas beaucoup d’infuence sur leurs actions, leur état de forme ou les limites qu’ils sont capables de dépasser. On n’a aucune infuence non plus sur la météo, c’est hors de notre contrôle. En revanche, on peut contrôler si l’on a donné le meilleur de soimême ou non. Et si on a encore des réserves et qu’on ne les utilise pas, c’est qu’on n’a pas tout donné. On est déçu par ses propres performances et on perd ce combat intérieur.

Pour comprendre ce qui est du domaine de votre contrôle et ce qui ne l’est pas, il faut une sacrée force mentale. Et ça, Primož Roglič l’a bien compris.

Comme sur des roulettes

Texte Jessica Holland Photos Sam Riley

À Londres, le roller se pratique sur des sons de jungle et en marche arrière toute, privilégiant les skills et le style. Le « jam skate » – un mix entre danse, freestyle et roller, de préférence sur du R&B – occupe aussi une place importante sur la scène du roller. Ici, un groupe de patineuses et de patineurs se rassemble sur un parking à Vauxhall.

Shakeel Kidd-Smith photographié à Greenwich : « Le roller, c’est la communauté, la liberté et le fun. L’amitié passe avant tout. On vit tout en commun, ça rend l’expérience magique. Le roller m’a permis de devenir qui je suis. La communauté du roller a toujours existé, mais elle est beaucoup plus grande aujourd’hui et s’adresse à un public plus vaste. Et ce n’est pas près de s’arrêter. Je ne pourrais pas imaginer ma vie sans elle. »

La popularité du roller atteint des sommets à Londres, grâce à une génération de patineur·euse·s qui redonnent vie à l’asphalte, aux parkings et aux ruelles, tout en invitant à porter un regard nouveau sur l’existence. Véritable hype du moment, la dynamique persistante de la discipline est boostée par les réseaux sociaux. « C’est un effet boule de neige, explique Shakeel “Shak” Kidd-Smith. Le patineur de 28 ans, qui pratique régulièrement depuis 2011, a fondé en 2019 une équipe de roller baptisée Wavy On 8. De plus en plus de gens s’intéressent à nous. »

Nalan Derby, du collectif Sk8gotchi, dans les rues de Holborn : « J’ai renoué avec l’Islam il y a quelque temps. C’était comme une renaissance, et le roller m’a beaucoup aidée. Je vais au parking, je patine, je sors mon tapis, je prie au sol et je repars patiner. Le roller a le pouvoir de rassembler un gay, une musulmane, un fils de bourge et un mec des quartiers. J’adore ça. On est tous unis. »

Mohammed Awwal Azeez à Greenwich : « Le roller, c’est comme une autre vie, une échappatoire au monde réel. L’été dernier, j’ai fait la route de Tottenham à Greenwich en roller. La chaleur était dingue, mais il y avait un monde fou et des vibes ultra-puissantes. Quand la nuit est tombée, on s’est posés devant l’entrée de l’O2 pour continuer à patiner. Le roller en été, c’est le bonheur total ! »

Ashley Murray (à gauche) et Jameka Colquhoun du collectif féminin Sk8gotchi à Greenwich, dont les membres sont reconnaissables aux tamagotchis accrochés à leurs patins : « Avant de commencer le roller, je souffrais d’une grave dépression, confie Murray. Sans le roller, je serais une autre personne. Le simple fait de chausser des patins me donne de l’énergie. »

Des jeunes en roller transforment la ville en un immense terrain de jeu.

Jodie Stewart, du collectif Sk8gotchi, pendant une session solo à Westfield Stratford City : « Le roller, c’est un sentiment qui vient du plus profond de l’intérieur de soi. Ça me rend libre. C’est un art, un moyen de m’exprimer. Le roller me donne de la force. Je peux être dans mon monde et oublier tout le reste. »

Le roller est un phénomène d’ampleur mondiale : tandis qu’aux USA, de nouveaux styles voient le jour dans des villes comme Detroit et Chicago, Barcelone accueille le plus grand événement annuel de roller en Europe et Vienne célèbre le grand retour du roller-disco. Quant à Londres, elle est connue pour le chop and shuffle, technique qui consiste à patiner en arrière à grande vitesse. Les plus créatif·ve·s et les plus passionné·e·s font de la ville leur terrain de jeu. Kidd-Smith : « Ce sentiment de liberté, le vent dans les cheveux, la montée d’adrénaline quand on descend une colline – on adore ! »

Photo ci-contre (en haut) :

« J’ai découvert la communauté sur TikTok, indique Aliyah “Lee” Puertas-Thomas jeune Londonienne de 18 ans (deuxième à partir de la droite). La communauté ne cesse de croître. Tous les jours, j’attends avec impatience de chausser mes rollers. Les gens sont toujours dispo pour toi et il y a tant de patineurs qui ont des choses à t’apprendre, sur le roller, sur la culture des autres. »

Photo ci-contre (en bas):

Jameka Colquhoun du collectif Sk8gotchi profite des derniers rayons du soleil de la journée sur un spot de roller de Greenwich le long de la Tamise (Angleterre).

Photo sur cette page :

Levi Gonzales à Vauxhall :

« La scène londonienne m’a permis de rencontrer des personnes magnifiques et talentueuses. Je n’aurais jamais imaginé qu’elles feraient un jour partie de mon cercle. Mais le milieu peut aussi être très compétitif. »

Renaissance du roller en Suisse

La hype du roller a atteint la Suisse. Bon nombre de personnes ont découvert ce sport à la mode il y a trois ans, alors que le monde était à l’arrêt. Les réseaux sociaux ont fait grimper l’enthousiasme à un niveau supérieur, les plateformes comme Instagram et TikTok ont donné de la visibilité à cette nouvelle tendance. C’est l’aspect sportif qui l’emporte dans notre pays, les principaux événements se déroulent à l’extérieur. L’aéroport de Zurich offre près de 50 kilomètres de pistes qui se prêtent à merveille à la pratique du roller. Les routes autour du lac de Greifen sont particulièrement appréciées, on y trouve de nombreux parcours parfaitement adaptés aux adeptes de l’endurance.

Voyage / Playlist / Biohacking / Montre / Agenda... À toi !

GLACIER BIKE TOUR

Gravel bike en Suisse

VOYAGE/

EXCURSION ALPINE

Le Glacier Bike Tour est une merveilleuse excursion à travers la Suisse, de St. Moritz à Zermatt. Ancienne championne du monde de VTT électrique, Nathalie Schneitter a effectué pour nous l’itinéraire en un temps record et redécouvert ainsi pourquoi elle aimait tant son pays.

Un coup de pédale après l’autre, je poursuis mon ascension du col de l’Oberalp. La route est raide, froide et sombre, mon visage balayé par la pluie et le brouillard. L’espace d’un instant, je me demande pourquoi je m’inflige cela. La réponse est simple : rien ne me plaît davantage que cette frontière ténue entre zone de confort et douloureuse angoisse. Et le vélo est le médium parfait pour tester mes limites. Je suis là parce que j’en ai envie et que ça me fait du bien. Mon nom est Nathalie Schneitter, j’ai 38 ans et je suis convaincue que le vélo rend heureux. J’ai entrepris cette aventure pour conquérir le Glacier Bike Tour, parcours découverte en vélo électrique en dix étapes, 370 kilomètres et 9 500 mètres de dénivelé à travers les Alpes sur mon gravel. Objectif ? Faire le tour d’une seule traite en vingt-quatre heures.

Raison contre émotion

Mon réveil sonne peu avant six heures du matin. Je me force à avaler trois cuillérées de céréales et une banane. L’idée est de partir de la gare de St. Moritz à sept heures précises. Nous sommes en octobre, les journées raccourcissent, pas vraiment les meilleures conditions pour une folle excursion à travers la Suisse. Il fait encore nuit lorsque je prends le départ depuis St. Moritz à 1 950 mètres d’altitude. Mon parcours descend toute la vallée de l’Inn par l’Engadine. À La Punt m’attend la première ascension de la journée, le col de l’Albula. L’aube baigne ce géant dans une lumière dorée. Mes jambes tournent vite et bien.

Depuis la vallée de l’Albula, la route monte jusqu’à Lenzerheide avant de faire une grande boucle jusqu’à la station de ski. J’ai hâte d’atteindre le tronçon appelé « Vieux Schyn », mais lorsque j’arrive au croisement vers Muldain, la route est fermée. Ma raison l’emporte sur cette irrésistible impulsion de poursuivre l’itinéraire malgré tout. Le détour n’est pas trop important mais n’en bouleverse pas moins mes plans. J’ai déjà six heures et demie de route, 105 kilomètres et

COL DE LA FURKA

Peu après le lever du soleil, chaque mètre parcouru en descente apporte un peu plus de chaleur. Un vrai bonheur !

« Rien ne me plaît davantage que cette frontière ténue entre zone de confort et douloureuse angoisse. »

2 090 mètres de dénivelé quand je finis par atteindre le fond de la vallée. Je passe par Thusis et entame l’ascension du Heinzenberg. Une succession de rampes très raides mettent mes forces à rude épreuve et la chaleur n’arrange rien… Mais bientôt, la vue imprenable depuis l’Alp Razen me fait oublier toutes mes souffrances. Je profite de nombreux kilomètres d’asphalte très roulants à travers les gorges du Rhin, sorte de Grand Canyon à la sauce helvète, puis la longue ascension vers l’Alp Dutjen me pompe toute mon énergie. C’est le moment de faire le plein de caféine.

Je fais une pause dans une épicerie locale et déjà, la nuit tombe. J’aurais bien aimé profiter de plus de lumière mais dépasse Ilanz, première ville sur le Rhin, dans l’obscurité totale. De là, je monte la vallée de la Surselva vers Disentis, point

UNE ROUTE SINUEUSE Le virage le plus célèbre de Suisse se trouve au col de la Furka et descend vers le Valais.
OBERGOMS De l’eau de source coule de chaque fontaine du village.
« J’attends que l’orage passe et dors trois heures dans une grange. »

MAJESTUEUX

En haut : l’imposant

Cervin dans toute sa splendeur. En bas : Sur le col de la Furka, je me sens pousser des ailes en pensant au lever du soleil.

de départ du col de l’Oberalp. Juste avant Disentis, les premières gouttes de pluie m’atteignent sous un ciel zébré d’éclairs. Je n’abandonne pas encore mon rêve des vingt-quatre heures même si j’ai déjà pas mal de retard sur l’itinéraire prévu.

À Disentis, j’attends que l’orage passe, dors trois heures dans une grange et enterre définitivement mes espoirs d’atteindre Zermatt au lever du jour. À deux heures du matin, je repars et lutte contre les rampes de gravier les plus raides que j’aie connues vers le col de l’Oberalp. Il fait quatre degrés, je tremble de tous mes membres, mon unique objectif est d’arri-

Suisse

Berne Andermatt

Zermatt

LE TOUR

De St. Moritz à Zermatt en passant par Andermatt : le Glacier Bike Tour se compose de dix étapes. Il longe la route du Glacier Express, traverse trois cantons, pour un total de 370 km et 9 500 m de dénivelé. C’est l’un des parcours les plus polyvalents des Alpes.

Toutes les infos sur glacierbiketour.ch

ver saine et sauve à Andermatt. Le col de la Furka semble interminable, mais l’ascension dans l’obscurité me berce avec une langueur méditative, je pourrais presque toucher l’éternité du doigt.

Deux heures et demie plus tard, j’atteins le sommet du col. Tout est plongé dans le brouillard, il fait zéro degré. Heureusement, le ciel s’ouvre devant moi et le soleil levant vient réchauffer mon cœur. Organisé à la perfection par des passionnés du coin, le Glacier Bike Tour, parcours découverte à travers les Alpes suisses, me rappelle pourquoi j’aime tellement mon pays. L’ambiance matinale sur l’Albula et le lever du soleil sur la Furka me tirent des larmes de joie.

Au début, la rapide descente vers Goms glace mes os, mais chaque nouveau kilomètre parcouru me réchauffe un peu plus. En atteignant Visp, j’ai l’impression de me préparer au sprint final. Pour autant, les trente-sept derniers kilomètres ne sont pas une partie de plaisir. Enfin, mon objectif se dessine à l’horizon, les derniers mètres jusqu’à Zermatt sont très roulants et quand je tourne au coin du village, le Cervin se dresse devant moi dans toute sa splendeur. J’arrive à la gare. Quand je déclipse mes chaussures et pose mes pieds sur le sol, je ferme un instant les yeux. Mon voyage de St. Moritz à Zermatt a duré trente heures et trente minutes. Même si je n’ai pas atteint la marque des vingt-quatre heures, je suis très fière de mon exploit.

Instagram : @natuzzchen

St. Moritz

Des moments naturellement beaux.

PLAYLIST/ ESSENCE

Le rappeur de Paris Est Loveni revient sur sa sélection spéciale Bon Gamin, qui nous rappelle que l’ADN même de son crew peut résider en chacun.e de nous.

Loveni, c’est une technique indéniable au flow intermittent et trépidant, l’incarnation vivante d’une nonchalance pourtant dynamique, qui a ce pouvoir de nous faire bouger à toute heure de la journée. D’après lui, l’essence d’un Bon Gamin, aussi abstraite que concrète, relève de l’authenticité, pour mieux s’inscrire dans sa vérité, comme il s’évertue à le faire avec ses amis Ichon et Myth Syzer  : «  On se moque des diktats du moment ou de répondre à certains codes que le rap peut parfois imposer.  » Il ne s’agit pas d’être anti-rap et anti-codes, mais d’affirmer sa singularité, qui, dans son cas, a été inspirée par la musique afro-américaine, et notamment le rap du Sud des USA avec la Three 6 Mafia. Comme son nom l’indique, Loveni vient d’ailleurs : ce n’est pas un rappeur de l’industrie, mais un  artisan. Il nous propose ici quatre tracks qui reflètent la nature d’un Bon Gamin. IG  : @doublexlov

Scanne le code ci-contre et écoute le dernier album de Loveni, Mad Lov, 2024, Bon Gamin Entertainment.

Pharrell Williams

You Can Do it Too (2006)

«  Gros fan de Pharrell. Je tenais un skyblog, style compte fan, sur lui. Je crois avoir séché les cours le jour de la sortie de l’album In My Mind pour aller l’acheter. J’ai tout de suite adoré ce track… Entendre “ You can do it too young love”, de la part de ton artiste préféré lorsque tu as 13 ans, ça motive. Comme si tu pouvais tout faire.  »

EFFERVESCENCE C’est à Bruxelles, avec le soutien du producteur Daïk, que Loveni a pu concevoir son projet le plus ambitieux à ce jour.

Dom Kennedy Watermelon Sundae (feat. Jason Madison) (2008)

«  Ce titre est sorti l’été où j’ai rencontré Myth Syzer, on n’arrêtait pas d’écouter ce son. C’est vraiment mon morceau ultime de l’été, c’est un hymne aux histoires d’amour. Avec les thèmes qu’il aborde, son flow, ses choix de prod, Dom Kennedy aurait pu faire partie du crew Bon Gamin.  »

Kanye West Slow Jamz (Twista & Jamie Foxx) (2004)

«  Il est sur The College Dropout, un des premiers albums que j’ai vraiment saignés. Je m’identifiais à Kanye West, à son image hors normes et au titre du LP – quitter l’école, pour aller au bout de sa passion. Sans parler de la prod, avec plein de réfs à Marvin Gaye et de slow jams 70’s et 80’s.  »

Plastic Bertrand Stop ou encore (1980)

«  Stop ou encore est hyper Bon Gamin, ça parle du passage à l’âge adulte. Il y a un gimmick qui revient  : “J’ai 15 ans, qu’est-ce que j’fais ?” (x3), et après c’est 20 ans, puis 30, avec cette phrase qui revient  : “Je m’arrête ou je continue”, de flâner et boire des coups. C’est un titre funk boogie, on a l’impression qu’il rappe.  »

BIOHACKING/ L’ASTUCE N° 1 POUR

S’ENDORMIR

Le biohackeur Andreas Breitfeld nous révèle comment retrouver un meilleur rythme circadien.

Journées très longues, nuits trop courtes… L’été est la période la plus difficile de l’année pour toutes celles et ceux qui ont du mal à dormir. Beaucoup de facteurs sont responsables d’un mauvais sommeil, le plus commun étant sans doute une horloge interne déréglée. Voici la meilleure astuce pour rétablir idéalement le rythme biologique de votre organisme.

Avant tout, ne vous dites pas que vous êtes éternellement condamnés à ne pas pouvoir sortir du lit après d’interminables nuits blanches : j’ai longtemps pensé que j’étais un oiseau de nuit et que je travaillais mieux le soir, jusqu’à ce que je découvre qu’au lieu de booster mes fonctions cognitives après le coucher du soleil, je devais au contraire réduire mes distractions. Le prix de cette erreur ? Un manque de sommeil et tout ce qui allait avec :

Pourquoi se lever avec le soleil marche si bien ?

Pour une raison simple : douze à quatorze heures après la première exposition à la lumière réelle, le corps vous dit bonne nuit de lui-même. Il commence à produire de la mélatonine, fait baisser la température du corps et ralentit naturellement le fonctionnement central de l’organisme...

irritation, problèmes pour s’endormir et baisse des performances intellectuelles.

Je m’en suis sorti grâce au neurochirurgien américain Jack Kruse, lequel prône de se lever en même temps que le soleil, peu importe à quelle heure se termine la journée précédente. Résultat : le premier jour, j’étais complètement à la masse, mais petit à petit, mon rythme s’est naturellement ajusté. Comme j’étais fatigué, je me couchais volontairement plus tôt. Et miracle : le matin, j’étais suffisamment bien reposé pour travailler de manière plus concentrée. On est plus frais, plus productif et le sommeil s’améliore automatiquement.

Si l’on pousse son corps à produire trop de dopamine, de cortisol ou d’adrénaline le soir, le projet de se lever avec le soleil sera rapidement réduit à néant. C’est pourquoi il faut absolument réduire la lumière artificielle, les activités stimulantes sur le téléphone portable et débrancher tous les appareils électroniques deux heures avant de s’endormir.

ANDREAS BREITFELD est le biohackeur le plus connu d’Allemagne. Il fait de la recherche dans son laboratoire à Munich. Pour simplifier, on peut dire que le biohacking regroupe tout ce que les gens font de manière autonome pour améliorer leur santé, leur qualité de vie et leur longévité.

ÉQUIPEMENT/

LE JEU DE LA DAME

Depuis 1917, Rado ne cesse de révolutionner l’univers de l’horlogerie avec ses innovations techniques et ses designs iconiques. Cette True Square Open Heart est éditée en série limitée.

Cadran brossé vertical avec index des heures marqués par huit diamants blanc extra (G) et quatre diamants noirs.

Alors qu’elle enrichit régulièrement sa palette de nouvelles teintes, la maison suisse introduit, avec la Rado True Square Open Heart Limited Edition, deux interprétations bicolores en noir et blanc. Conçue en céramique haute technologie, le matériau emblématique de la marque, elle offre une légèreté et une résistance aux rayures exceptionnelles dans un design à cœur ouvert et des index en diamants blancs et noirs. Produites en série limitée à 888 exemplaires, elles évoquent la précision des cases alternées d’un échiquier. Deux modèles qui incarnent parfaitement l’audace et la maîtrise artistique de Rado, subtil équilibre entre design et innovation. 3  050 CHF, rado.com

DÉJÀ PLUS RUSÉ QUE LES CONFIRMÉS ?

RED BULL DONNE DES AIIILES.

AGENDA/

ÇA ROULE

À la fin de l’été, les choses continuent de bien tourner. Voici des événements à ne pas manquer.

5

octobre

Red Bull Alpenbrevet

La 14 e édition du Red Bull Alpenbrevet aura lieu cette année. Le coup d’envoi sera donné à 10 heures au JungfrauPark d’Interlaken. 1 400 amateurs et amatrices de mobylettes pourront participer et, pour la première fois, choisir entre une balade matinale et une excursion d’une journée. Le parcours passe par les lacs de Thoune et de Brienz, offrant des vues rapprochées des géants montagneux de l’Oberland bernois. redbull.com/alpenbrevet

14

au 15 septembre Pumptrack-SM

Virages à pic et bosses : les pumptracks sont en plein boom. Que ce soit en kickboard, en rollers, en VTT ou en vélo BMX, les passionné·e·s de tout le pays convergent vers les pumptracks attirent nombre de. Les championnats suisses de VTT pumptrack à Monthey font office de répétition pour les championnats du monde qui s’y dérouleront l’année prochaine. swiss-cycling.ch

10

octobre au 24 novembre

Expo Red Bull Illume

La Maison de la Photographie à Olten met à l’honneur les photos d’action de Red Bull Illume. Les cinquantes meilleures images de l’Image Quest 2023 y sont exposées sur des caissons lumineux de 2×2 mètres, offrant une présentation à la hauteur de la créativité et de l’intensité des photos. Un lieu idéal pour admirer les meilleures images d’aventure et de sport extrême au monde. redbullillume.com

8 septembre & du 13 au 15 septembre

ÖKK Bike Revolution

Avis aux fans de cross-country : le 8 septembre, une action vélo palpitante est prévue dans le cadre pittoresque de Gruyère. L’ÖKK Bike Revolution réunit l’élite nationale pour des courses rapides, des paysages à couper le souffle, et un programme varié avec des Gusto Rides et des cours de vélo. Une semaine plus tard, du 13 au 15 septembre, l’ÖKK Bike Revolution marque déjà la fin de saison à Huttwil, dans le canton de Berne, attirant les pros pour les courses HC dans la paisible région de l’Emmental. Les courses de l’élite seront diffusées en direct sur Red Bull TV.

septembre

La nuit des musées

La 23e Nuit des Musées promet d’être aussi éclatante que les aurores boréales ! Ce samedi, trente institutions à Lausanne s’animeront de 14 heures jusqu’à 2 heures du matin avec plus d’une centaine d’activités et d’expositions. Parmi les nouveautés, on trouve le Musée de la Machine à Écrire, un village sur la Place des Pionnières, de nouvelles lignes de bus, et une afterparty. Infos : lanuitdesmusees.ch

4 et 5 octobre DPC Jam

Le légendaire crew zurichois D.Point.C (DPC) fête cette année ses dix ans de DPC Jam. Les meilleur·e·s danseur·euse·s du monde se retrouveront au GZ Heuried à Zurich. Les nouveaux·elles venu· e·s y trouveront également leur compte grâce à des ateliers. Infos : dpcjam.com

21 et 22 septembre

Groove Session

Les meilleur·e·s B-Boys et B-Girls au monde se retrouvent à nouveau à Neuchâtel. Un programme varié sur deux jours avec des Kids Battle, des Crew Battles & divers workshops enthousiasmera cette année encore la scène du breaking. Plus d’infos ici : groovesession.ch

Directeur de la publication

Andreas Kornhofer

Rédacteur en chef

Andreas Rottenschlager

Rédacteur adjoint

Werner Jessner

Directeur exécutif de la création

Markus Kietreiber

Direction créative

Erik Turek (dir.), Kasimir Reimann

Maquette

Marion Bernert-Thomann, Martina de Carvalho-Hutter, Miles English, Kevin FaustmannGoll, Carita Najewitz, Tara Thompson

Rédaction photo

Eva Kerschbaum (dir.), Marion Batty (adj.), Susie Forman, Rudi Übelhör

Gestion de la rédaction

Marion Lukas-Wildmann

Managing editor

Ulrich Corazza

Global content

Tom Guise (dir.), Lou Boyd

Publishing management

Sara Car-Varming (dir.), Hope Elizabeth Frater

Direction artistique commerciale

Peter Knehtl (dir.), Lisa Jeschko, Martina Maier, Julia Schinzel, Florian Solly

Direction des opé. éditoriales

Sigurd Abele

Direct to consumer business

Peter Schiffer (dir.), Marija Althajm, Matteo Luciani, Melanie Schmid, Katharina Tirouflet, Yoldaş Yarar

Management vente et projets spé.

Klaus Pleninger

Fabrication & production

Veronika Felder (dir.), Martin Brandhofer, Walter O. Sádaba, Sabine Wessig

Iconographie

Clemens Ragotzky (dir.), Claudia Heis, Nenad Isailovic, Josef Mühlbacher

Finances

Žiga Balič, Nora Kovacs-Horvath, Simone Kratochwill

Managament de projet

publishing

Katrin Dollenz

Assistante du mngt général

Sandra Stolzer

Directeur général Red Bull

Media House Publishing

Stefan Ebner

Adresse de la publication

Am Grünen Prater 3

1020 Wien

Autriche

Tel. : +43 1 90221-0 redbulletin.com

Propriétaire médias et éditeur

Red Bull Media House GmbH, Oberst-Lepperdinger-Straße 11–15, A-5071 Wals bei Salzburg, FN 297115i, Landesgericht Salzburg, ATU63611700

Directeurs généraux

Dietmar Otti, Christopher Reindl, Marcus Weber

THE RED BULLETIN Suisse ISSN 2308-5886

Rédaction

Anna Mayumi Kerber (dir.), Christine Vitel

Traductions & correction

Willy Bottemer, Louise Donzé, Valérie Guillouet, Gwendolyn de Vries, Lucie Donzé (corr.)

Country Project Management

Meike Koch

Ventes médias & partenariats

Christian Bürgi (dir.), Marcel Bannwart, Lauritz Putze, Michael Wipraechtiger, Goldbach Publishing: Patricia Ziegler

Abonnements

Prix  : 14,90 EUR, 8 numéros par an getredbulletin.com, abo@ch.redbulletin.com

Impression

Quad/Graphics Europe Sp. z o.o., Pułtuska 120, 07-200 Wyszków, Pologne

Publication conformément au §25 de la loi sur les médias

Les informations sur le propriétaire des médias sont disponibles directement à l’adresse suivante : redbull.com/im/de_AT

Contact redaktion@at.redbulletin.com

THE RED BULLETIN

Allemagne

ISSN 2079-4258

Rédaction

David Mayer

Country project management

Natascha Djodat

THE RED BULLETIN France ISSN 2225-4722

Rédaction

Pierre-Henri Camy (dir.), Marie-Maxime Dricot, Christine Vitel

Country project management

Kevin Variengien

THE RED BULLETIN Grande-Bretagne

ISSN 2308-5894

Rédaction

Ruth McLeod

Country project management

Ollie Stretton

THE RED BULLETIN

Autriche

ISSN 1995-8838

Rédaction

Nina Kaltenböck (dir.), Lisa Hechenberger, Petra Sturma

Country project management

Julian Vater

THE RED BULLETIN USA ISSN 2308-586X

Rédaction

Peter Flax (dir.),

Melissa Gordon, Nora O’Donnell

Country project management

Branden Peters

Des talents littéraires suisses se livrent sur des sujets qui leur tiennent à cœur, en leur donnant un twist positif.

Jeune maman, Laura Wohnlich n’a cessé de pratiquer son sport.

Haraka Baraka. Autrement dit : le bonheur est dans le sport. Je me suis fait tatouer cette devise sur le corps il y a quelques années. Pas (seulement) parce que j’avais atteint l’âge critique de 24 ans, mais aussi parce que l’exercice physique a toujours fait partie de ma vie. Je fais de la course à pied depuis l’âge de 13 ans, et depuis, rares ont été les jours ou les semaines où je n’ai pas couru. Quand je vais courir, je le fais seule, sans cardiofréquencemètre et sans objectif précis quant à mon rythme ou au nombre de kilomètres parcourus. Je ne cours pas pour être plus belle toute nue et – contrairement à ce que certaines personnes mal intentionnées ont tenté de me faire croire – je ne fuis rien non plus. Ce qui est vrai en revanche, c’est que je cours pour des raisons thérapeutiques. Parce que les endorphines libérées pendant la course m’aident à garder mon esprit et mon corps en harmonie. Parce que mon bien-être mental est étroitement lié à mon activité physique. Et parce que sans la course à pied, je ne pourrais jamais m’asseoir à un bureau et écrire des livres.

Quand j’ai commencé à courir à treize ans, les réseaux sociaux n’existaient pas. Ado, je n’étais pas confrontée aux modèles toxiques d’Instagram, tout au plus à ceux de Bravo Girl ! Mais les réseaux sociaux, ça ne m’évoque pas seulement les modèles toxiques, c’est aussi la simultanéité des extrêmes. D’un côté, on a le clan des « parfaits » : ces personnes à l’apparence filtrée zéro défaut, qui gagnent leur vie grâce à leur physique et dont le principal message est qu’elles ont une vie parfaite et l’allure qui va avec. Celles-là, tout le monde les connaît. Mais depuis quelque temps, j’ai repéré une autre tendance qui se dessine de plus en plus, la tendance opposée, pour ainsi dire : celle des « honnêtes ». Des personnes – curieusement, une majorité de femmes là encore – qui montrent que leur vie ne se résume pas à des strass, du glamour et un joli cul.

Quand je suis tombée enceinte, mon algorithme personnel a réussi à me faire entrer dans un monde où le thème du corps féminin et de sa diversité atteignait de toutes nouvelles dimensions.

Au début, j’ai trouvé ça génial. J’étais contente qu’il y ait des femmes qui disent : « Hey ho, donner naissance à un enfant, ce n’est pas du gâteau ! » J’appréciais de voir toutes ces femmes parler de leurs nausées matinales, du traumatisme de l’accouchement ou des difficultés de l’allaitement. Mais au fil de ma grossesse et de mes conversations avec des femmes à ce sujet dans la « vraie vie », j’ai compris que le pessimisme était bel et bien socialement admis, si ce n’est valorisé, dans le contexte de l’accouchement – un événement que, personnellement, j’avais jusque-là attendu avec la plus grande impatience. Oui, elles étaient vraiment présentes dans mon esprit, alimentées par Internet : ces femmes qui vivaient une grossesse – soi-disant ? – parfaite et qui semblaient retrouver leur six-pack dès la sortie de la maternité. Mais il y avait aussi l’autre côté. Le côté obscur. Celui dont je ne pouvais pas m’empêcher d’avoir peur.

« Ton corps ne sera plus jamais le même » : c’est encore l’une des prédictions – non sollicitées – les plus sympas qui m’ait été donné d’entendre. J’ai aussi eu droit à des explications sur ce qui m’attendait si –malheur à moi ! – je ne me trouvais pas un bon cours de rééducation périnéale après l’accouchement ou si je reprenais la course trop tôt. Travailler les grands droits ? Certainement pas avant six mois ! Tu ne voudrais quand même pas que ta diastase abdominale ne guérisse jamais et que tes organes finissent par ressortir devant, Laura ! Et je ne vous parlerai même pas des conséquences dramatiques qu’un périnée délaissé pourrait avoir sur ma vie sexuelle (pour peu que j’aie encore une vie sexuelle une fois l’enfant arrivé, bien sûr).

J’étais inquiète. Et aussi perplexe : comment se faisait-il qu’à une époque où nous n’étions – enfin et encore heureux ! – plus considérées comme de vulgaires machines à faire des bébés, mais comme des êtres humains à part entière, nous, les femmes, soyons encore confrontées à une telle peur de tout ce qui entoure la naissance ? J’avais l’impression de ne plus avoir que ces deux options autour de moi : la romantisation absurde de la naissance – et son exact opposé. C’était soit faire croire à tout un chacun que mettre un enfant au monde était une promenade de santé, soit se résigner à abandonner toute relation positive avec son corps une fois le test de grossesse positif entre les mains. Non, me suis-je alors dit. Ce sera sans moi. Ma vision des choses était claire : mon corps et moi, nous formions une équipe. Je n’allais pas céder à la panique face aux grosses têtes de bébé, aux seins flasques ou à l’incontinence. Je n’en avais pas envie, tout simplement. Voilà pourquoi je n’ai pas écouté ma gynécologue quand elle m’a recommandé d’arrêter la course à pied à partir de la trentième semaine. Non pas parce que je suis une tête de mule notoire, mais parce que je connais mieux mon corps qu’elle, qui se contentait de me faire une échographie abdominale en passant une fois par mois et qui, selon toute vraisemblance, ressort le même conseil à toutes ses patientes enceintes depuis quinze ans. Après avoir vécu trente-deux ans dans mon propre corps,

« L’essentiel, c’est que je sois en paix avec mon corps. »

je suis la mieux placée pour savoir ce qui est bon pour lui et ce qui ne l’est pas. Et, dans mon cas, le fait de devoir rester cloîtrée chez moi aurait eu des conséquences désastreuses sur mon psychisme. La course à pied m’a aidée à me préparer mentalement à l’accouchement. À vrai dire, cela m’a aussi aidée sur le plan physique, car un accouchement peut s’apparenter à un marathon. Et enfin – pardon pour le côté un peu ésotérique –, cela m’a aidée à me connecter avec le petit habitant dans mon ventre. Je lui ai fait comprendre que je faisais quelque chose qui me faisait du bien. Et je pense que s’il y a bien une chose que l’on doit à son bébé – et plus généralement aux personnes que l’on aime –, c’est de se sentir bien avec soi-même. C’est difficile d’être agréable avec les gens qui nous entourent autrement.

Donc, j’ai couru. Jusqu’à la date de l’accouchement. Attention, oui, je courais, mais dans le respect des nouvelles limites de mon corps. Pendant cette période, courir pour moi, ça pouvait aussi être faire une pause pour marcher toutes les deux minutes. Ou ne courir que quatre kilomètres en tout. Ou devoir faire un crochet par les buissons tous les cinquante mètres pour faire pipi (bon, ça a été le cas à chaque fois).

J’ai fait des compromis parce que je ne pouvais pas faire autrement. Et c’est quelque chose que j’ai non seulement appris à accepter, mais aussi à « embrasser », comme on dit aujourd’hui. Le bonheur est dans le sport – mais faire du sport, ce n’est pas forcément performer, et le bonheur ne passe pas nécessairement par un résultat quantifiable. Pour moi – et c’est la grossesse qui m’a appris cela –, c’est être à l’écoute de mon corps. Et aussi me fier à mon instinct, au lieu de me laisser influencer par mon entourage ou les réseaux sociaux. L’accouchement a été tout sauf facile pour moi. Les jours qui ont suivi ont été épuisants et m’ont demandé beaucoup d’énergie. Mais non, contrairement à ce qu’on m’avait prédit un jour mot pour mot, mon corps n’avait pas l’air d’avoir été mangé, ruminé puis recraché par une vache. J’aimais bien mon corps. Aujourd’hui, six mois après avoir accouché, il me plaît encore plus qu’avant.

Je ne suis ni Heidi Klum, ni Kylie Jenner, ni Viola Polt. Mais je ne suis pas non plus la Katharina du cours de préparation à l’accouchement, ma tante ou encore la dame âgée que je ne connaissais ni d’Ève ni d’Adam et qui est venue me parler à la Coop parce qu’elle avait mis au monde trois enfants à domicile. Je suis Laura et je cours. Que ce soit avec un bébé dans le ventre ou avec une poussette – peu importe, l’essentiel, c’est que je sois en paix avec mon corps. Pour beaucoup, cette méthode dynamique n’est peutêtre pas la bonne, chacun voit midi à sa porte, mais moi, c’est ce qu’il me fallait. Nous ne sommes pas tous égaux, et c’est très bien comme cela.

LAURA WOHNLICH a étudié la germanistique et les sciences des médias à Bâle, puis à Berlin, où elle a bénéficié d’une bourse au Literarisches Colloquium.Son premier roman, Sweet Rotation, est paru en allemand chez Piper. Quand elle n’écrit pas, elle s’entraîne pour le marathon.

10 questions à Julia Haller

À bientôt 24 ans, l’infuenceuse française partage sa vie entre Genève et Monaco, pour l’amour des belles carrosseries et des moteurs rugissants.

Ton sport ?

La boxe anglaise. Ça fait 6 ans que je la pratique. Maintenant, je m’entraîne avec un coach, ça reste assez chill.

; TikTok: @juliaahlr – 1,5M

Qui est la dernière personne contactée dans ta liste d’appels  ?

Ma mams. (Elle a appelé 3 fois pendant l’interview, ndlr).

Voyager 5 heures en train sans Internet : avec qui ?

Mes trois meilleurs copines. Avec trois filles, impossible de s’ennuyer.

Tes vidéos YouTube préférées ?

Le Home Tour de Gaelle Garcia Diaz, MCfly et Carlito ou mes vidéos avec Gmk évidemment !

Rêve le plus absurde ?

Aller dans un bar à chats au Japon.

Ton leitmotiv?

« Si tu y crois, ça va se passer. »

Édition Red Bull préférée ?

La Red Bull Green Edition

Conduire une F4 ou être passagère d’une F1 ?

L’expérience en F1 est dingue, mais la F4, ça a été la plus belle expérience automobile de ma vie. J’adore conduire, dès que je peux conduire, je conduis.

Talent caché

La pâtisserie. J’adore en faire : framboisier, cookies, macarons, des trucs comme ça…

Destination de voyage ?

Singapour, Bahamas, Zanzibar, Maldives. Moi je veux des palmiers.

CONDUITE EXEMPLAIRE Depuis qu’elle a le permis, Julia se passionne pour le sport auto et la F1. IG : @julia.hhlrr – 659K

DES AIIILES AVEC UN NOUVEAU GOÛT.

SANS SUCRE

STIMULE LE CORPS ET L’ESPRIT.

Baies des bois

Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.