No 10 l'Ecole primaire, 15 mars 1884

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N• 10.

Sion, 16 Mars.

1888-84.

ORGANE DE LA

• SOCIÉTÉ VALAISANNE D 'ÉDUCATION •

L'INSTITUTEUR Si, d'un côté, rien n'est plus intéressant que la jeunesse, rien n'égale, à mon avis, l'importance et le mérite de l'instituteur, cet infatigable soldat de la paix, ce modeste auxiliaire des familles, qui prépare l'homme en élevant l'enfant ; qui, du haut de sa chaire en bois blanc, s'adresse à l'avenir, instruit le fils du prolétaire et façonne aujourd'hui ces intelligences et ces cœurs qui seront la patrie de demain. Je ne connais guère de rôle plus pénible et plus doux, de mission plus modeste et plus grande, de dévoQment plus obscur et plus fécond. C'est un labeur incessant: la journée finit, non l'étude; à l'enfant succède l'adulte, dont le maître d'école dirige Rur l'ardoise ou le papier la main alourdie par les travaux de l'usine ou des champs. Le devoir, ce n'est pas assez; on rencontre des instituteurs qui mettent je ne sais quel zèle inventif et tendre à agrandir leur rôle, à compléter leur mission. Il y a quelques années, l'un de ces hommes dont on ne parle jamais. eut une idée aussi ingénieuse qu' utile, poétique comme une églogue, simple et touchante comme une page de la morale en action. Il forma, pour la conservation des nids d'oiseaux, une association qui a, comme une administration politique et financière, ses statuts, son bureau, son président. Les membres de cette association charmante sont tous les enfants de l'école: voyez-vous le nid, ce berceau aérien exposé à tous les périls et à tous les vents, si dé1icat et si fragile, placé sous la protection des enfants ? Voyez-vous l'écolier tuteur attendri et zélé de ces nouveaux-nés qu'hier encore il arrachait avec une insouciance cruelle à l'aile de leurs mères 'l N'est-ce pas tout à la fois un enseignement agricole et une leçon d'humanité ? Humain envers les bêtes, l'enfant sera un jour plus dévoué à ses semblables, plus charitable à ses frères, et dans la bergeronnette ou le rouge-gorge, il apprend à respecter l'ennemi des insectes, l'auxiliaire du laboureur, la providence des sillons. Vers la même époque, un autre maitre d'école intelligent et bon, imagina une association à peu près semblable en organisant


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à l'aide de ses élèves la destruction des insectes nuisibles. ll eut encore l'idée d'établir autour de son école des jardinets dont la culture est répartie entre les élèves comme récompense de leurs travaux. Il plante avec eux des arbres fruitiers qu'ils greffent ensemble et qu'il leur distribue ensuite en guise de prix. Ce prix d'un nouveau genre, transplanté dans le jardin paternel, sera soigné avec amour et grandira avec l'enfant: et ce sera, pour ainsi dire, un compagnon, un ami, un souvenir vivant, toujours présent, de sa jeunesse appliquée. Homme, il le montrera un jour à ses enfants~ et son émotion se renouvellera toute la vie avec les fruits de chaque automne et les fleurs de chaque printemps. N'est-on pas touché du stratagème du maitre d'école qui sait ainsi, aux heures de repos, déguiser le travail sous la forme d'un jeu agricole et appliquer le plaisir à un enseignement utile"/ Une seule chose égale quelquefois le dévoûment et la peine de l'instiluteur, c'est sa pauvreté. Que de privations et de misères! que d'efforts apparents ou secrets pour corriger l'insuffisance de ses petits appointements 1 Celui-ci copie les rôles du percepteur ; celui-là chante au lutrin ou accompagne sur un ophicléide les cantiques des enfants de chœur : un autre est l'écrivain public des campagnes voisines; un autre est secrétaire de la commune ; un autre remonte les horloges du village. J 'en ai connu un qui passait ses soirés d'hiver à sculpter des emblêmes religieux sur des noyaux de pêche, que sa femme vendait à des pélerins ! li avait sept enfants. Mais la pauvreté n'est rien à côté de la contrainte: la vie du maître d'école s'écoule tout entière entre l'autorilé respectée du maire et l'influence ménagée du prêtre, les caprices de l'enfant, la susceptibilité des familles, quelquefois les dédains du riche, lee cancans du bourg, les tracasseries d' un conseiller, quelquefois encore les tentations de cette politique qu'il doit repousser comme un péril, comme un fléau. Pour résister à tous ces dangers, il .lui faudrait toute l'habileté d:un diplomate ; il se borne à rester simple, impartial, dévoué. Son école, c'est son cloitre; son alphabet, c'est son évangile. Mais cet alphabet janni est comme le pivot autour duquel tournent les sociétés modernes. Mais du fond de cette école il instruit le peuple; il parle aux générations que sa vo~ c?nquiert à la mor~le et à l'aisance ; il répand l'amour de la rehg10n et de la patne ; il élève l'âme et il fortifie le corps de la nation. (Extrait de Voyage au Pays du Bien, par FULBERT DUMoNTEIL).

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EXERCICES CONCERNANT LA LECTURE Ill. Pour que les élèves arrivent à se faire une idée nette de la phrase, }'analyse logique devient absolument nécessaire. Beaucoup d 'instituteurs la trouvent tt·op difficile parce qu'ils la font consister dans des kyrielles de dénominations qui mettent les enfants à la torture sans leur être d'aucun avantage. Nous allons encore montrer comment le morceau de lecture pourra être utilisé à ce point de vue. Analyse logique à faire avec les élèves de la division supérieure. 1

MON LIVRE EST FORMÉ DF. FEUIJ,LETS ET D UNE COUVERTURE

Cette phrase est formée de combien de propositions ? Rép. Elle n'est formée que d'une proposition. - Pourquoi ne contient-elle qu'une proposition"/ Rép. Elle ne contient qu'une proposition parce qu'elle ne compte qu'un verbe à un mode personnel. Qu'est-cequ'une proposition ? Rép. Une proposition est l'expression d'ml jugement. - Quelles sont les parties essentielles de toute proposition ? Rép. Les parties essentielles de toute proposition sont: le sujet, le verbe et l'attribut. - Quel est le sujet dans la proposition ci-dessus ? Rép. C'est le mot livre. - Quel est le verbe de cette proposition 1 Rép. Le verbe de cette proposition est le mot est. - Quel est l'attribut dans cette proposition ? Rép. L'attribut dans cette proposition est le mot formé. - Pourquoi le sujet livre est-il simple? Rép. U est simple parce qu'il n'est exprimé que par un mot. - Quand un sujet est exprimé par plusieurs mots, comment l'appelle-t-on ? Rép. On l'appelle alors composé. - Quel autre terme de la proposition peut également être simple ou composé ? Rép. L'attribut peut égalemt>nt être simple ou composé selon qu'il est exprimé par un ou plusieurs mots. Quand le sujet et l'attribut sont-ils incomplexes ? Rép. Le sujet et l'attl'ibut sont incomplexes quand ils n'ont aucune espèCE> de complément. - Pourquoi le sujet livre est-il complexe? Rép. Il est complexe parce qu'il est accompagné du complément mon. Pourquoi l'attribut formé est-il complexe? Rép. L'attribut formé est complexe parce qu'il est accompagné des compléments feuillets et couverture. - Combien y a-t-il d'espèces de propositions ? Rép. Il y a deux espèces de propositions : les propositions principales et les propositions dépendantes. . Si les élèves n'étaient pas encore familiarisés avec la connatssance des di verses espèces de propositions, on pourrait se contenter de leur faire chercher d'abord toutes les propositions isolées du morceau de lecture ; une autre fois, on étudierait avec eux toutes les propositions principales, après quoi seulement, on


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aborderait l'étude des propositions dépendantes · car il .u.u,....r ... beaucoup de vaincre les difficultés une à une ~vec les ~........" ... afin d'éviter la confusion dans leur esprit. Il est. très avan!ageux d'exercer les élèves à trouver tous les mots qm font pa~tie de. chaque proposition, car souvent ces mots n.e sont pas réums. ~a1s cet e~erc~ce serait presque impossible. s1 les enfants ne savaient pas bien l analyse grammaticale · car il faut qu'ils v~ient sans trop d' hésitation les rapports des mo~ entre eux. P?'!r aider aux co.mll!ençants à décomposer une phrase en propos1hons, on pourrrut d abord leur faire nommer ou souligner tous les ver.bes à mode personnel ; puis, au moyen de questions on leur ferait tro_uyer le suj.et et les compléments de chaque verbe! ' enfin les propositiOns seraient lues l'une après l'autre. Prenons. pour exempl.e la phrase suivante qui serait écrite au tableau notr : • ~a charité que nous aurons eue pour nos frères nous sera comp~e. au centuple quand viendra le jour du jug~ ment. • Un des eleves ayant souligné les trois verbes à mode pe~sonnel, on pourrait poser les questions suivantes: • Qu'est-ce qu~ sera compté 'l Rép. La charité. - La charité sera comptée l q~1 ? Rép. A nous. - ~a ch~rlté nous sera comptée comment? Rep .. Au centuple. - Lisez a présent tonte la proposition. La cha~~é nous sera comptee au centuple. On procédera de la même mamere pour les deux autres propositions. Après _un certain nomb~~ d'exercices de ce genre, les élèves ~evron~ hre cha9.u~ proposition, sans qu'on ait recours aux questions ct-dessus mdtquées pour leur faire trouver tous les mots qui en font partie. On f~ra ensuit~ remarquer aux élèves que la 2• proposition répond a la questwn : • Quelle charité 'l • et la 3• à la question: • Quand la charité nous sera-t-elle comptée au centuple? • L'une s~rt donc à d~te~miner le s~bst~ntif ~harité auquel elle se rapporte; c est une a~~ecti~e détermi!Iahve; 1autre, marquant le temps, est une compl~~Ive etrconstan~Ielle qui dépend du verbe sera comptée. L~ propo~tion: • La chanté nous sera comptée au centuple •, ne depend d ~ucun aut!e mot, c'est une principale. C~ dermer exercJce ne peut se faire que si les élèves ont déjl 1me Jdée assez nette des parties constitutives de la proposition et de la phrase ; notre but, en l'indiquant ici, est de montrer comment Il faut rattacher les connaissances grammaticales à la leçon de lecture et de faire voir par là combien un alinéa ou un chapitre lu par les enfants peut devenir Ulle source féconde d'ut.iles conversations entre maître et élèves. Corn~~ la lecture ~st le premier pas à faire pour arriver à la composition de style, Il est mdispensable que le morceau lu par

enfants, soit de temps en temps utilisé pour les devoirs écrits. Plusieurs des exercices que nous avons précédemment indiqués, se prêtent à ce genre de devoirs ; nous allons néanmoins en signaler encore d'autres. 1) Quand un alinéa est lu avec intelligence et que les enfants, à la suite de nombreuses explications et interrogations, en ont bien saisi le sens, on peut leur donner quelques points de repère, ou planter quelques jalons, afin de les guider dans la reproduction écrite de la même pièce. (Il est toujours question du -chapitre • Le livre • ). Ex. Livre, feuillet, page, phrase, lettres, couverture, auteur, reliem·, libraire. 2) D'autres fois les élèves répondront par écrit à des questions que le maître leur dicte sur le contenu d'un morceau déjà travaillé oralement. Ex. Qu'appelle-t-on pages 'l On appelle pages les deux côtés d'un feuillet. 8) Parfois aussi, le régent choisit quelques mots de la pièce qui a été lue ; il les écrit au tableau noir, les élèves les copient et s'en servent pour composer un certain nombre de phrases d'une ou de plusieurs propositions. Ex. le mot • Phrase • : Un alinéa se compose d'une ou de plusieurs phrases. - Nous devons exprimer nos pensées par le moyen des phrases.- Les phrases se composent d'une ou de plusieurs propositions, etc. 4) Souvent les élèves seront appelés à reproduire . sur leurs cahiers des phrases semblables à une phrase type choisie dans l'alinéa lu précédemment. Ex. Celui qui fait ou rédige un livre. se nomme auteur. Celui qui fait les habits, se nomme tailleur. On nomme cordonnier celui qui fait les souliers, etc. 5) Il est également bon de faire quelquefois les diverses permutations auxquelles une phrase peut donner lieu. Ex. Sur la première page de mon livre se trouve le titre. - Le titre se trouve sur la première page de mon livre. - Le titre de mon livre se trouve sur la première page, etc. Nous avons multiplié c.es exercices à dessein afin de montrer aux: jeunes maîtres, une manière simple et agréable d'entretenir avec fruit les élèves, et de les amener graduellement à l'attention, à la réflexion et à la conversation. Nous ne devons jamais perdre de vue que le double but à atteindre, par l'enseignement de la langue, c'est d'apprendre aux élèves à s'exprimer couramment par la parole et par l'écriture. Soyons aussi convaincus qu'une certaine aisance d'élocution facilitera beaucoup la composition de style. MM. les instituteurs verront bien que si les morceaux de lecture sont traités d'après


-- ir>o la méthode plus haut indiquée, l'Ami de l'enfance avec la Bible et l'histoire nationale, fournira longtemps d'amples matières an~ leçons de lecture, comme aussi à la conversation, soit aux exl'rcices intuitifs ; ils se convaincront également une fois de plus que les morceaux travaillés de la sorte, laisseront des traces durables dans l'intelligence des enfants et l'enrichiront d'une foule d'idées ; leurs connaissances seront même assez variées, car le petit livre de lecture, dans les cent-soixante-dix pages qu'il renferme, traite les sujets les plus divers. 'fous les instituteurs savent aussi que la Bible, le livre par excellence de l'enfance, est une riche mine pour l'instruction de la jeunesse. Suivons cette voie et nous atteindrons plus sûrement le but de l'enseignement de la langue : nos élèves apprendront de bonne heure à s'exprimer; l'éducation proprement dite gagnera aussi, et il en résultera pour l'élève une formation plus complète. Ce sont là des avantages que ne doivent nullement dédaigner ceux qui s'intéressent à la jeunesse.

DE l'INSTRUCTION CIVIQUE D'APRÈS LES PRINCIPES CATHOLIQUES (Suite)

§ f. DEVOffiS DES CITOYENS a) Envers la patrie. Les devoirs des citoyens envers la patrie sont : i• De l'aimer, non pas seulement d'un amour de phrases, mais, et ceci est plus méritoire et plus difficile, d'un amour effectif. La patrie représente cette société civile au sein de laquelle nous sommes nés et qui nous a procuré les immenses avantages que comporte J'état social. La patrie, c'est le pays de nos pères (Vaterland), là qu'ils ont vécu avant nous et que leurs cendres reposen~ là qu'ils ont défriché le sol, qu'ils l'ont fécondé de leurs sueurs, qu'ils ont bâti des villages et des villes, qu'ils ont fait en un mot ce qu'ils ont pu pour nous faciliter l'existence: la patrie nous procure tous ces avantages que nous devons à la sollicitude de nos ancêtres qui travaillaient à notre intention des siècles avant que nous soyons venus au monde. Pour nous, républicains, la patrie est le pays qui nous procure d'autres avantages encore, que les nations voisines nous envient: ici, le service militaire est court et léger; ici, les impôts sont relativement fai.bles; ici, tous les citoyens peuvent exercer leur influence sur l'administration de la chose publique. 2• Le second devoir est de contribuer à la sécurité de la patrie

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ar le service militaire. Quand la jeune recrue commence son

~ole militaire, elle doit se dire que le temps passé sous les armes

n'est pas suivant ses dispositions, ou une corvée désagréable, on une dh'e;sion souhaitée à sa vie habituelle, c'est un devoir sacré qu'elle remplit envers la patrie, et il fant qu'elle le remp~isse consciencieusement, s'e~orçant de profiter des le~ns et. ~es. directions qui lui sont donnees par ses chefs. Le service mthtaire est surtout un devoir, quand une circonstance grave appelle le soldat sous les armes pour la défense de la frontière et de la neu· tralité suisse. La patrie a le droit de n~us demander pour ~a défense le sacrifice de notre temps, et, s ll le faut, de notre ne. 3• L~ patrie nous demande aussi une part de notre revenu ou de notre gain, sous forme d'impôt. Rien n'est plus ~uste. Cru; J'Etat ne pourvoit pas gratuitement aux services pubhcs. Il lm ~aut de l'argent pour lever et entretenir l'armée, pour la fouJ?lir ~e matériel et de munition ; il faut de l'argent pour les tralte'Jients des employés des diverses administrations ; il .fa~t de l'argent pour payer la police qui veille à notre tranqmllité, la yendarmerie qui surveille et arrête les hommes dangereux, pour ~ntretenir les prisons où les malfaiteurs sont punis et mis hors d'état de nuire. ' L'impôt est une dette de conscience. Le citoyen qui, profitant des innombrables avantages de !"état social, refuse de supporter les charges correspondantes, commet une véritable injustice envers ~a société et envers les autres citoyens. Il est évident, en effet, ijue si une partie des citoyens échappent à l'imp~t, les autre_s, plus consciencieux, devront payer pour eux ; car 1Etat ~ besom d' une somme déterminée, portée au budget p~ur l:entr~ben des . ~ervices publics, et il faut que cette somme lm arrtve dune manière ou d'une autre. Supposez qu'une contribution de 2 ••foo sur le revenu fOt suffisante, mais qu'un tiers du revenu écha~pe par !rraude à l'impôt, le revenu imposé devra payer 8 pour mille : ~e 'sera donc de 1 "/•• que les non-payants feront tort aux contribuables plus consciencieux. . . 4• Les citoyens doivent user de.l~urs dr01t~ de CI~oyens dans les élections, car le devoir de parLICiper à la v1e publique. a pour 'corrélatif un devoir et une responsabilité. L'électeur, qm donne )sciemment sa voix à un homme indigne des fonctions auxquelles !il aspire, fait un tort grave à la société ; il doit se consid~rer 1 comme responsable jusqu'à un certain point des fautes C?mm1ses par son mandataire indigne ou peu capable. De même les electeurs , qui, par négligence ou de parti pris, s'abstiennent dans une éle?/ tion, sont responsables dans une c~rtaine mes~re des mauvrus choix que leurs votes auraient peut-etre empêches.

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Nous verrons plus tard quels sont les devoirs des magistrats, ce sera indiquer en même temps sur quels principes les citoyens doh·ent se diriger dans le choix de leurs candidats aux élections. (A sui·vre.) _

:Mais dira-t-on ce sera fournir là aux élèves un snoir purement empii ~e to~t fait et dont ils ne pourront pas vérifier les d_onnees pa.rce que l!Jr ~ture de fonds leur manquera toujours et que le mveau des etudes. pr•cuaires ne permettra à aucun, sauf a quelques rares ~t heureuse~ exceptwns, 111 01uer le beau littéraire et de perrectionner _leur JUg"~ent a_ ce pon~l de de Certes, cette objection mérite d'être pnse ~n c_on5I~ératw_n, mais _on '~ui la détruire d'un seul mot: Le but de J'école pr1ma1re n 11st pomt de f!J-Ire Ses littérateurs, mais d'exercer et de mettre en œu.vre t_outes les fo~ces v1ves de l'enfant, en se servant de tous les moyens presentes par I~s etudes. Le but de l'école est surtout de donner_le goùt d~s boJ?n~s et sames l~ctures: C'est un des plus puissants remèdes a opposer a la ht~erature malsame _qm nous envahit. Pour cela, mettons de bonne heure les ~leves en commum~a­ tion avec les gloires les plus pures de notre pays. La tac~e ne s~ra pas ramie, nous le savons, mais si un seul d'entre eux peut l_es a1mer d abord et !es comprendre plus tard, nous n'aurons pas à nous plamdre: nous aur~os eté payés de nos peines. (Eàucatwn.)

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DE L'ENSEIGNEMENT DE LA LANGUE FRANÇAISE dans le coure supérieur de l'école primaire.

(Suite et fin.) Nous demanderons aussi qu'avant de livrer les élèves à eux-mêmes dans Je travail de composition frança1se. on leur trace, au moins pendant un certain temps, un petit plan que l'on préparera en commun et au moyen d'inter· rogations verbales. Chacun bénéficiera des pensées de tous, et les cerveaux les plus rebelles ne résisteront pas longtemps à cette méthode de préparation. Les exercices grammaticaux comprennent les dictées, les analyses. la conjugaison des verbes et quelques autres petits travaux dans lesquels l'inven tion a une certaine part, comme les devoirs lexicologiques. - Pendant long; temps l'enseignement du français s'est borné à ces divers travaux, et nou1 devons dire qu'à cette époque il ne laissait pas que d'être fastidieux, désa.. gréable même. Aussi, par un esprit de réaction fort exagéré, nous semble-t-il on a mis, ou l'on tend à mettre absolument de côté ces exercices. Agir de U sorte, c'est abandonner un abus pour tomber dans un autre. L'étude de 1: grammaire et les exercices d'application qu'elle comporte ont assurément dt bon. Il faut y habituer les élèves. Donnez ici une grande part à la parole faites de vive voix la plupart de ces exercices, rien de mieux. Ils n'en seront que plus intéressants, plus fréquents et par conséquent plus fructueux. Mais ne les abandonnez pas tout à fait; ne rer.ulez pas devant la nécessité d'en exiger de temps à autre par écrit. Ce serait tantôt quelques temps d'un verbe1 tantôt quelques phrases d'analyse, d'autres fois des mots à transformer, des homonymes à rechercher, etc ... La seule recommandation à retenir, c'est de laisser le plus possible une très large part à l'invention et au travail personnel. Quant à J'étude de la grammaire proprement dite, c'est-à-dire du livre lui-même, elle nous semble indispensable, quelque aride qu'elle paraisse. Il faut que l'élève puisse trouver dans son livre les définitions et les..termes exacts que son inexpérience et son degré de culture intellectuelle ne sauraient lui fournir. La science du langage est, de toutes, celle qui touche le plus à la métaphysique. Comment s'étonner alors que, si nous livrons un enfant à luimême, il soit muet devant un de nos pourquoi, et qu'il ne puisse donner une définition ril!'oureusement exacte en cette manière? Le livre ne doit être qu'un auxiliâire du maitre, il est vrai, car celui-ci aura tout expliqué; mais il sera un auxiliaire puissant qu'il ne faut point commettre la maladresse de négliger. Enfin le couronnement des études françaises ce seraient quelques notions de littérature, qui n'ont cependant point encore trouvé place dans le programme rigoureuJ des écoles primaires. Pourtant peut-il y avoir un enseignement complet d'une langue sans la connaissance des chefs-d'œuvre principaux qu'elle a fait éclore'! Nous ne le pensons pas. Nous croyons donc qu'il n'ec;t ni superflu ni diftlcilb de compléter le programme à ce point de vue. On pourra, à J'occasion des lectures faites, parler de nos plus grands écrivains, donner quelques détails snr leur vie et leurs principaux ouvrages, caractériser d'un mot leur génie et passer de la sorte en revue nos grands siècles littéraires.

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ENCORE LES BANCS D'~COLE J'ai lu dans un précédent numéro de cette publicati_on que le sysèm~ d~ bancs d'école exposé dernièrement à Zurich par un Vala1san, l'emporteraat, ~

n'en pas douter, sur celui qui est préconisé par M. Wetzler dans un prieedent article de l'Ecole primaire. . ,

le dois avouer que je n'en doute pas non plus, et qu'1~ e_st même d autres systèmes encore qui l'emporter~ient à leur tou~ ~ur celm-la, et cep~ndant ce sont les meilleurs systèmes qu1 sont les plus VICieux - pour certam.~s gens non directement intéressées à un mobilier convenable ·- attendu qu 1ls sont plus chers. .. é · l' Pour ménager autant que possible les tympans deh~ats, en cr1va~t , article sur les bancs d'école. j'ai voulu être raiso~n!ible: )e me cont~nta1s d une légère amélioration qui n'entraînait qu'une mm1me depense. J'a• voulu con: cilier le confortable et J'économique, ce qui est cel?end~nt presque auss1 difficile que d'amener chat et souris à vivre en bonne mtelhgence. . . Bien que le spécimen exposé à Zurich ait, sur l'ameublement qu~ )'~u~a1s désiré, l'avantage de flatter l'œil, d'isoler les élèves a~ p~o~t de la dJsc1plme, de faire servir chaque pupitre de dossier a!l ban~ qm prec~de,. et de rendre plus facile au maitre la circulation d'un elève a l autre, JI prese_nte cepentlant, a part le coùt, ~es_ désavaJ?tages que l'on ne rencontrerait pas dans l'humble système que ]'a1 propose. . D'abord si en présence de certaines oreilles vous allez lacher les mots joli, comn:od•, et a!!'tres sembla~les, vous _exciter~z au~sitôt _la défia_nce, et J'expression peu couteux ne modtfiera en rten la desagrflable tmpres~tOn que vous aurez produite. Ce sera le bloc enfariné de la Fable, et la souns ne s'y laissera pas prendr~. bien q0:e le da~ger ne soit pas de même natur~, et que Je léger sacrifice smt appele a prodmre de nombreux et h_eureux. tru.tts; .Sans avoir lu Franklin, le gros bonnet, qui n'a plus personne a envoyer a_I ecole, se dira : c C'est une folie d'employer son argent a acheter un re_pent1r. • f~e développement de l'instruction le fera treiJ!bl~r pour so~ f~uteutl,_ auquel Il tient autant qu'à la prunelle de ses yeux: 11 ~y t.r~uve SI b~en ass1s 1 Tentez de Je lui arracher il s'y cramponnera, car 11 destre en fa1rfl un meuble de famille, et le transmettre à sa postérité. En second lieu bien que r.es bancs diminuent ou augmentent graduellement de hauteur,' et que vous y placiez le~ élèves ~·après l~ur taille, il ~st bien difficile que tous .s'y trouv~nt pa~fa1tement a le?~ aiSe, ~~mme ~Ils avaient étê faits tout exprès d'apres la tallle de chaque eleve de 1 ecole: l un


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!54 se trou~era. trop bas, l'a_utre trop haut, un troisième sera trop rapproché 0 trop. élOigne de son pup_ltre, tandis qu:avec un siège tournant. et à piédes~ mo~Jie, cha~un pou~raJt prendre la distance et la hauteur qu1 lui convie • dra1ent le m1eux. et SI ce sièg~ n'a pas de dossier, sera-t-il difficile d'en ajoutn un. _et a ce défaut, le banc smvant ne pourrait-il pas en tenir lieu 't er 8~ l'école, qui s_erait dotée de bancs d'après le même modèle exposé · Zuncb, com~r~nalt tou~ les degrés, les sections seraient pêle-mêle, et tablea~ de_ mertt~ ~fficbe dans la salle ne remédierait pas suffisamment a plus d p.n mcon':ement g~ave. Pour surveiller, par exemple. la leçon d'écriture d une. se~t1on tandts que les autres seraient occupées à une autr branch.~, l'mst1tuteur, ou le _mol!iteur, ~evrait constamment circuler daO: toute 1etendue d~ la salle, d1~tra1re c~otmuel_lement l~s autres élèves, et la leçol! de gramt_Da•r~. pour m arrêter la, sera1t plus fecon!le encore en distractions, t.a~d1s qu en occupant un même compartiment chaque section peut être_dmg~e ~t ~urveillée plus facilement et avec plus de fruit. _Quant a la dt_ScJphn~. placez les élèves d'après leur savoir ou d'après leur t~11le, vous aunez tOUJOUrs quelque élilve dont la conduite laissera a désirer S1 le bon exemple ~xerce une cert~ine influence, elle est moins puissantë que ~Ile du mauva1s exet_Dple, et d1sposez l'école de quelque manière que ce s.Ol.t, _pour renfor~er ~t etayer le bon exemple, la surveillance, l'énergie, 1a séver1te même de lmst1tute!lr ne seront jamais de trop. , ~epen~ant, ~u mdm~ prrx de revient, je sacrifie sans hésiter mon banc d, ecole, a ~elm. propose da~s le s_usdit article, mais cela moyennant une legère m_od1fic_at10n. Q!le le s1ege SOit construit de façon à pouvoir l'exhausser ou 1~ ba_Jsser ~ volon_te. Ap~ès cel_a, j'admets sans restriction que ce banc est cel~ QUI co!lv1endra1t le ~"~~:•eux a nos écoles primaires. parce qu'alors tous les elèves d une, même. sect1on pourraien~ être réunis. s.eul.ement, pour posséder. ce b~n~ d école, il ne suffit pas de 1 admettre en prmCJpe, il faut encore que 1autort~e communale en ~rd~nne la construction, et que les menuisiers mettent s~rtausement la mam a l'œuvre. Mais combien de maaistrats se 0 contenteraient d'en susp~ndre le des~in à l'une des parois de la salle de classe r~ga~dant cette concess1_on économtque comme une demi-jouissance, et u~ tem?1gnage de ~Y!DPath1e en faveur de l'instruction populaire 1 D autres adr~umstrateury; ne manqueront pas de vous faire des objections comm~ les ~mvantes, _et J~ .v~~s demande ce que vous y répondriez? On vous d1ra qu on a ausst éte a 1ecole que l'on s'est très bien trouvé des bancs actuels, et 9ue si l'o~ s'est dévié la coionne vertébrale, ce n'est pas en étudiant. On vous cuera de.s jeu~e~ g~ns qui sont droits comme des bambous, et qui cepen~a~t n ont Jamais JOUI d~ ces agréments coûteux, bien qu'ils n'aient pas br!llll aux examens de recrue~. On ~ous dir~ qt,te Jes enfants passent à ~a !fla1son une plus grande _partie du JOUr qu'a l'ecole; cependant ils n'y JOU!ssent pas de ces CO!fimOdltés que vous voudriez introduire et pourtant ils éc~1vent penda~t plus1eurs heures à côté d'une table et sur' un hanc ordinaire, ne se pla1gn~nt que d'une chose, c'est-à-dire que les devoirs sont trop longs, ~t D;e l~ur l~1ss_e~11 pas ~s~ez de temps pour prendre leurs ébats sur un sol_ qut n ~ 1am~1s e_te mod1fie en vue des accidents qui pourraient leur amver: neanmoms, 1ls se portent bien ; ils grandissent, deviennent sveltes, forts et robustes: avec vos agréments et vos douceurs vous allez gâter tout cela 1 , c·~s~ do~c pour ne pas trop elfarou.cher ces économistes que j'ai proposé 1amehor~t1on la pl.as urgente et relattvement la moins coûteuse. Mais si l'on ne p~ut r1en ~btemr de c~rtaines administrations quand il s'agit d'un intérêt sco!~tre, les .mst~nces rattes en faveur de l'école ne seront cependant pas entterement muttles: la ~ou~te d'eau. finit par creuser le roc sur lequel elle tombe. Malgré ses ennemts, ltnstructton marche toujours plus ou moins ra-

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pidement. Sur sa route, elle améliore les cœurs, adoucit les caractères, et le temps emporte les obstacles vivants, laissant à certaines écoles, comme souvemr de triste sollicitude, de ladrerie et d'égoïsme, les monuments surannés que démoliront des successeurs plus dignes. o. w.

Comment diriger la récréation. Nous détachons de la Vie de Mgr Dwpa;nloup par M. l'abbé Lagrange, son légataire universel, une page sur les récréations. On ne saurait mieux dire que le biographe et surtout mieux faire que l'évêque d'Orléans, appelé par M. Renan lui-même le premier éducateur de ce siècle. Laissons maintenant l'auteur nous entretenir de l'éminent prélat dont une partie de la carrière a été passée dans le professorat: Son bonheur était de partager les récréations de ses élèves, d'être témoin de leurs jeux. Ill' a dit lui-même en des termes qui le peignent trop bien pour que nous ne !~s citions pas _ici: • J'ai connu un Sl}périeu~ - ~ais c·~st ,de lui-même qu 11 parle, - qu1, lorsque sa charge pesatt sur 101, allatt en recreation trouver ses enfants, et, se promenant en silence au milieu de sa jeune et nombreuse famille, les regardait jouer et se donnait à lui-même un doux et ferme courage en se disant : Qui me les a confiés, ces chers enfants ? Dieu et leurs parents ; Dieu qui est le meilleur et le plus tendre des pères ; je le remplace auprès d'eux, je ne dois jamais me lasser. Leurs pères et leurs mères me les ont aussi donnés; j'ai accepté leur confiance; mais puis-je oublier que leur cœur est un foyer inépUisable de dévouement et de patience? Et puis-je les remplacer auprès de leurs enfants, si je n'ai pas quelque chose de leurs cœurs 'f • Tantôt donc il apparaissait dans la cour de récréation, doux et souriant, mais attentif, observant tout, cherchant à saisir les enfants sur le vif, afin de leur dire ensuite le mot utile. • Car il faut savoir,disait-U, que dans l'ardeur du jeu l'enfant déploie toute sa nature et se fait connaître tout enlier tel qu'il est. Le caractère le plus timide ou le plus dissimulé oublie là de s'observer et se trahit de mille façons. Vous reconnaîtrez en voyant jouer un enfant telle qualité ou tel défaut que vous n'auriez jamais soupçonné en lui, mais qui sera pour vous. pour vutre manière de prendre cet enfant, une précieuse lumière. • Vous eussiez vu alors les enfants, les plus petits surtout, accourir à lui et se disputer ses bras, et il marchait ainsi les couvrant pour ainsi dire de ses deux bras, de ses deux ailes étendues. C'était bien, selon le mot de notre Seigneur, La poule rassemblant ses poussins sous ses ailes. Certes qui l'aurait aperçu ainsi entouré, n'eût pas eu besoin de demander si ce supérieur aimait ses enfants et s'il en était aimé. Le plus souvent il prenait part aux jeux avec une ardeur extrême, et une habileté, une adresse, qui, on le conçoit, charmait les enfants: trop heureux quand ils parvenaient à le vaincre - mais ce n'était pas facile, - aux barres, au cerceau. a la balle surtout, son jeu favori. A son exemple, tous les maîtres se mêlaient activement aux jeux. Un détail ici dira tout. Il menait un jour une palpitante partie de barres au cerceau : dix d'un côté, dix de l'autre; neuf de ses compagnons étaient prisonniers, il ne restait plus qüe lui à prendre. Mais, hélas 1 la fin de la récréation arrive au grand regret d~s enfants de n'avoir pas le temps d'achever leur victoire. Alor~ il ordonne. non pas au soleil comme Josué. mais à la cloche de s'arrêter jusqu'à ce que la partie soit achevée. Cris de joie, trépignements des eoJants : toute la maison se groupe sur deux rangs pour assister


!56 à eette lutte suprême ; les dix rivaux étaient là, leurs cerceaux en arrêt,

gardant toutes les avenues de leur prisonnier: le pren1rait-on Y les déu; vrerait·il Y Après quelques minutes d'une fiévreuse anxiété. tout à r.oup il lanctl avec une adresse et une vigueur égale son cerceau à travers tous les cerceaux adverses, et délivre 1 Applaudissements universels 1 Il était, comme partout, vainqueur 1 C'est ici le lieu de redire une de ses paroles: « Rien n'est petit dans une chose où tout est grand. , C'est qu'en homme expérimenté et en père, il attachait aux jeux des enfants la plus grande importance: « Et sous le nom de jeux j'entends, disait· il, non-seulement les jeux proprement dits, mais encore toute récréation, toute relâche, tout divertissement; j'entends le plaisir procuré aux enfants, la dilatation do cœur, la joie des âmes, la vie rendue heureuse dans une maison par tous les moyens possibles. • Il a dit sur tout cela des paroles délicieuses et profondes: • Pour être capable d'une éducation libérale, ne faut-il pas que les enfants se sentent libéralement traités, qu'ils soient à l'aise. qu'ils soient joyeux près de leurs maîtres, dans l'asile de leur jeunesse y Et n'est-ce pas sur l'amour des jeunes gens pour leurs maîtres, pour la maison qui les élève, que compte surtout notre éducation? Ne veut-elle pas être avant tout une éducation par l'amour YQu'elle soit donc aussi, s'il m'est permis de le dire, une éducation par le bonheur 1 Qu'elle s'applique à faire plaisir aux enfants, à les récompenser du travail et des courageux efforts par le plaisir; qu'elle leur ménage une vie à la fois sérieuse et douce, laborieuse et joyeuse; qu'elle s'applique à les récréer incessamment, à les charmer. à les enchanter; qu'elle leur laisse de ses récréations, de <;es promenades, de ses fêtes de famille, pour leur vie tout entière, de doux et ine1Ja9ables souvenirs. qu'elle crée aussi et à jamais des liens de cœur entre les elèves et leurs maîtres, entre les enfants et la maison qui aura été pour eux une famille, et à laquelle ils auront dû le bonheur de si vives et si pures joies dans les plus riantes années de leur vie. • C'est pour ces raisons élevées, et d'autres encore, qu'il voulait de toute nécessite, en récréation, faire jouer. « C'est là, disait-il, et ce doit être un point de la règle. 11 faut que les enfants sachent qu'ils sont positivement en faute s'ils ne jouent pas. Qu'est-ce que c'est que ces groupes d'adolescents réunis dans quelques coins d'une cour, et où pérorent deux ou trois parleurs Y Qu'est-ce encore que ces promenades philosophiques d'enfants qui conversent au lieu de jouer, et ces causeries à deux le long des murailles? Il faut faire la guerre à tout cela. Point de ces philosovhes péripatéticiens, point de ces colloques suspects, point de ces groupes plus ou moins inertes ou séditieux. La paresse trouve là, comme partout, son compte; le mauvais esprit ne demande pas mieux que de s'y glisser, les mœurs s'y perdent souve.nt. Qu'on joue, qu'on cause, qu'on s'amuse, que le sang circule, que l'esprit s~détende, que le mouvement et la vie soient partout. On peut juger avec exactitude du bon et du mauvais esprit d'une maison par le plus ou moins d'activité des jeux en récréation. • Dans sa perspicacité extrême, il évitait cependant, tout en ordonnant le jeu, de l'imposer et d'y dominer. « Le jeu, disait-il, doit être à la fois commandé et libre. Toute apparence de contrainte dans les jeux est odieuse aux enfants. • Et il aimait à citer ce mot de l'un d'eux, qui avait été pour lui sur ce point une lumière : • Si vous savitlz, monsieur le supérieur, comme cela nous ennuie de nous amuser comme ca. •

Messieurs les instituteurs et Mêsdames les institutrices, serait-ce au-dessous de votre dignité d'imiter cet exemple ?

157 (lOMIIIENT ON BÉPBIIIIA.NDA.IT &1JTBEF018

Un aimable vieillard rn~ racontait naguère une anecdote d_e son enfance, anecdote bien simple, ma1s elle porte avec elle un, haut ens~1~nem~nt. _Que e puis-je vous rapporter les paroles mêmes de 1homme d1stmgue qu1 _m_e ~t ce petit rt\cit 1 Mais non, je n'essaierai pas: quand une âme a c~emm~. comme celle de mon vieil ami, quatre-vingts ans da:ns Ja VOie de la VIe, rce1J sur meu, toujour~ travaillant au bien de ses frères, 11 se dégage de cette ame un parfum que nen ne peut rendre. _J'avais dix ans environ, me disait M. P... quand il m'arriva de commettre une faute que, même aujourd'hui, je re~reue. . . Le maitre de l'école où ma famille m'envoyait chaque JOur, un matm, me gronda très fort, parce que mon devoir avait été griffonné à la bât~. Héla:s! c'était chez moi un péché d'habitude. Nous avio~s un si ~eau jard1~ ~ue J'Y passais de lonaues heures, et pendant ce temps-la le devmr ne se fa1sa1t pas. Vite vite au moment de partir, je le sabrais au galop. . . Ainsi avais-je fait ce jour-là et j'étais grondé sévèrement; je le ménta,IS. sur Je banc, en face de moi, était assis un camarade plus jeun~ d'une a~nee, c'était le fils de notre voisine, un charmant enfant, frète, malad1~ et labor1eux, tandis que je ne l'étais pas. Au moment où le maitre me d~nna1t la se~once méritée. je surpris - ou je crus surprendre - sur les tra1ts de ~enr1 quelque chose qui ressemblait à un reproche, assaisonné d'un sounre doux: et railleur. Je ne pouvais me fàcher ~<?ntre_ le maitre ; je fis retombe~ ma co!ère su~ mon petit camarade. Ah 1 s1J'avals pu le frapper tout de su1te 1 Ma1s n~n. 11 fallut attendre que la classe s'achevât. Ce délai aurait dû me calmer ; Il ne me ramena pas à des sentiments meilleurs. A peine sorti de l'école, je marchai droit sur Henri, et, après quelques injustes re~roches. je lui donn.ai.deux soumets. Henri ba~ssa la tête et se m1t a pleurer. Quant à moi, je rentrai, fort ému, à la maison. Avec cette perspicacité d'une bonne mère qui lit dans rftme de son enfant jusqu'au fond, la mienne comprit qu'il y avait eu du trouble dans mon cœur. · d·'u . p terre · - Pierre, me dit-elle, tu ne t'es pas conduit comme tu l'aurais tu as fait quelque chose de mal, quoi Yje veux l'apprendre. . , Grâce à Dieu, j'ai toujours eu le mensonge en dégoût. ~es. yeux ba1sses, d'une voix que l'émotion, le remords naissant et la honte fatsa1ent trembler. je racontai ma vilaine action sans en rien dissimuler. . . Quand je me tus, ma mère garda quelque temps un tr!~te s!lence ; enfi~ m'ayant fait signe de me tourner vers elle, de raçon_que J ava1s deva.nt m?t J'image de notre Seigneur et celle de sa Hère, admtrablement representes dans un vieux tableau, œuvre d'un maitre : , Pierre, me dit-elle, quand tu as méchamment frappé Henr_i. plus j~une que toi et plus faible, Henri qui n'avait rien fait de mal, tandts qu~ t01, tu avais de graves reproches à t'adresser, tu n'as .donc pas pensé que p teu, que ta sainte Vierge, que ton ange gardien te voya1ent Y Ah 1 mon amt, de quel péché tu t'es rendu coupable 1 , Et tes camarades et la mère de Henri, et ton maitre d'école, tous ceux enfin qui vont appr~ndre ta mauvaise action, que p~nseront-ils de toi! Ils diront qu'à la pare3se tu joins la m_échanceté. lls.seratent ~ême e}l drmt de t'appeler un làche. car tu as frappe un enfant qot ne pouvatt.se .defendre. c Penses-tu te faire ainsi des amis Yespères-tu les garder amst YNon, tout le monde s'écartera de toi; ta mauvaise réputation partout te suivra; tu vivras méprisé, malheureux.


Ui8 '. Ah 1 ~on ~ierre, j'avais r~vé ~e mon fils serait pieux. qu'il serait doux qu'~ sera1~ agreable au bon D1~u, a1mé de tout le monde. Quel chagrin pour

m01 de v~1r que tu profites SI mal de m~s leçons. ,q~e tu trahis mes espé. rances 1P1erre, veux-tu donc que ta mêre, a cause de 101, soit malheureuse y • Ici je n'y tins plus. je fondis en larmes et, du fond du cœur, je promi!l de lutter contre ma. paresse et mes méchants instincts. Cette promesse même ne me suffit pas. j'entraînai ma mère chez Henri: je lui demandai pardon. E~! ~o!llment n·~u~sé·je pas été ému par cett~ réprimande maternelle, à la f01s SI Simple et SI eloquente 't Regardez de pres, en effet. ce discours de ma mère : avec quel art il était conçu 1 D'abord elle se mit en présence de l'idée la plus grande, l'offense faite à Dieu 1 Puis, elle fit intervenir le jugement du prochain, mon propre intérêt, et enfin, se mettant elle·même en scène, elle adressait à mon cœur un appel qui devait tout vaincre. L'orateur le plus habile n'eât pas mieux fait. Mais quel orateur comparer à une mère chrétienne quand il s'agit de parler à l'àme de son enfant 'f L'aimable vieillard avait raison; en de telles réprimandes, on trouve tout ce qu'il raut pour corriger les âmes, et elles les corrigeaient. D'où vient que les réprimandes aujourd'hui produisent peu d'effet T Dieu n'y intervient pas ni la conviction: c'est trop souvent le caprice, ce sont les nerfs qui motivent ces réprimandes et qui en règlent le ton. J'eus dernièrement sous les yp,ux un exemple de ces gronderies malheureuses, comme on en fait trop aujourd'hui. C'était dans une bonne famille. Un enfant de huil ans avait dit un mot injurieux à sa vieille domestique. On le gronda, on le menaça de le punir si le fait se reproduisait; tout cela d'un ton banal et sans que les parents eussent l'air d'attacher une grande importance à une faute très grave au fond: l'enfant avait, en effet, manqué à la fois à un devoir de charité, à un devoir de reconnaissance. Vint l'heure du dîner. A table, le malheureux petit, par un de ces mouve· ments brusques et irrétlécbis comme en ont les enfants, fit tomber son assiette. Le bruit porta aux nerfs de papa, aux nerfs de maman, lesquels étaient encore plus sensibles. Maman bondit de sa chaise, papa se fàcba; brer, le moutard reçut deux tapes, fut grondé, envoyé à la cuisine. Quant à moi, spectateur de cette scène, je me demandais ce que ce bébé devait penser de procédés semblables. Pour avoir injurié sa vieille nourrice, à peine avait· il été repris; et voici qu'à l'occasion d'une maladresse, qui ne constitU!l.it pas même une faute légère, on le frappait, on lui adressait des reproches !lan· glants, on lui infligeait une dure punition 1 Evidemment l'enfant, avec cette logique impitoyable qu'ils ont, se sera dit: injurier sa nourrice, c'est petl de chose; mais casser une assiette, voilà qui est grave 1 - Ou plutôt : une faute qui ne gêne ni papa ni maman, ce n'est rien. Avouez que les réprimandes d'autrefois valaient mieux 1 celles·là étaient données en présence de Dieu; elles déposaient dans l'âme de l'enfant IJUi se sentait justement repris une semence profonde, a jamais salutaire. Que font nos gronderies rêveuses d'aujourd'hui? Elles irritent l'enfant, elles le dés· orientent ; hélas 1 elles laissent parfois dans cette jeune âme, qui se sent injustement malmenée, un ferment de rancune. L'Ecole primaire à'H wy (Belgique). UTILITÉ DES LEÇONS COMMUNES

L'émulation bien entendue est le facteur le plus puissant que l'homme d'école ait à sa disposition pour amener l'enfance à l'œuvre bienfaisante de l'instruction et de l'éducation. Peut·elle exister là où l'élève se sent isolé,

i59 . seul avec la personne qui a charge de l'instruire. D'une manière l a sen ...&oérale nous d.1sons «non •· . . &"Nous ions qui enseignons depuis plus ou m?m~ longt,em.ps a ces ~roupes d · unes lutteurs, ne voyons-nous pas les pettts Jeux s ammer, bnller dès e Je nous avons su faire vibrer à l'unisson les fibres de ces tendr~s cerveaux? · ~ua entons-nous pas comme un feu qui ét~hauffe ces natures na1ssantes, em· e ~ées dès que nous avons jeté au milieu de cette bruyante mêlée la note po~ie d~ la douce émulation ' . vrOn a beau dire; certes, chacun tâche de .m~ntrer au m~1tr~ son .talent, n esprit ; mais combien il est plus extr~ordma1re de po~v~nr s établi~ a la ~te ou au nombre des plus forts 1 On biarne cet ar~ent d~Sif de voulOir pa· raitre aux yeux de tous en le disant fuoest~ pour 1educatiOn. . Pour réprimer ca trav~rs, si c'e~ est u~. JI faut changer ~a uat~e humame. 11 est beau, assurément, 11 est sublime, d1rons-no~s. de vo1r ~rtams hommes qui se dévouent pour eux-mêmes, pour autrUI, dans le Silence, par pur esJJrit du devoir. Sont-ils nombreux? . Jetons les yeux auti)Uf de nous. Et, au·dessous de tous ces devoueme.nts, de ces luttes de ces travaux, qu'y a·t·il? L'idée du lucre ou de la gl01re ; eut· être l'une et l'autre acco~pagnées d~ l'espoir d'être ' ·utile •· p Si nous découvrons ce sent1ment dommant dans les actes des bommes, n'est-il pas rationnel de le supposer quelque pe~ chez les enf~nts '! Mais à côté de cette critique que l'on peut presenter, on dmt aligner toute une sÛie d'excellentes raisons qui militent en faveur des ~eçons commu~es. Certainement l'enfant devient plus sociable par cette habitude de trava1ller en groupe • il est moins raide dans son ton, dans ses allures, et s'écarte inseosiblem'ent du froid égoïsme; l'esprit, par le contact, y gagne en spon· tanéité, en justice, en promptitude. . . Ces leçons données en commun sont donc b1en propres a: allumer ~ans tous les rangs ce feu sacré qui fouette, active, forti!ie les .actiOf?S humames. Et comme conséquence il y aura même volonte de b1en fa1re en toutes leçons, en tous exercices. Cette pousséP. morale ne se fera .pas p~r sacc~de, mais el\o aura un effet constant sur l'ensemble des devmrs. C est fac1le a comprendre. L'idée de passer .aux yeux de ses co~pagnons, pour un sot, un paresseux, empêchera un écolier, possédant l~ D?omdre dose d amour-propr~. de faire un devoir, d'apprendre une leçon. n~ghgell!ment. Non·seulement tl raut éviter une semonce, un pensum, mats 11 faut ecarter, le plus grave, le ridicule des voisins. . . Dans toute catégorie d'élèves il y a aus.si disproportion d:aptttudes mtellec· tuelles, d'activité naturelle; toutes ces différences ne ~e mv:elleront:elles pas par le concours des plus vaillants et les efforts des moms b1en doues ? C est ce que nous constatons chaque jour. . Et pour voir toutes les matières qui figurent au nou~eau.progra~me, a coup sûr le maitre a besoin de tirer parti de toutes les sJtuatw.ns QUI se présentent. Or, le groupement des élèves en càtégories plus ou moms homogènes permet d'avancer rapidement, et pourtant aus~1 fructueusement. Pour certaines branches rien ne s'oppose a ce que l'on fonde da~s une même série les élèves de la 6• année d'études avec. ceux de .la 5•, les el~ves de la 5• avec ceux de la 4•, etc. Le tout ici est de b1en comb.mer ~.e mamère l ne pas se répéter à ne pas revenir plus tard sur un terram déJa. battu. ~ ce point de vue les leçons communes ne sont pa~ seulement utiles, mats indispensables. C'est de cett~ mani~re que .les matières pourront être vues, du moins avec quelque ospmr .d~ fa1re du bJeo. . . . Inutile, je pense, d'exposer JCJ 1~ f:!Iatlères q!-11 s~ prêtent. a ces faCJies e~ urgentes combinaisons; chaque mst1tuteur dmt vo1r par lm-même ce q~1 convient oui ou non, aux éléments de sa classe. Du reste, ce n'est pas tout a


1.60 fait la place pour en parler, et nous nous promettons d'en faire sous peu, l'objet d'un article spécial, article qui, selon nous, aura sa raison d'être. (Ecole communale belge).

BIBLJ:OGR.&.PHIE La future ménagère, lectures et leçons sur l'économie domestique, la science du ménage, l'hygiène, les qualités et les connaissances nécessaires à une maîtresse de maison, à l'usage des écoles et des pensionnats de demoiselles par M"• Ernestine Wirth. 2m• édition. Paris, librairie Hachette et Cl•. Prix i fr. 80. Tel est le titre d'un ouvrage fort utile que la librairie susnommée a édit6 l'année dernière et qui a trouvé un écoulement assez rapide dans le canton de Fribourg. Ce livre s'adresse d'une manière toute particulière à M•••Ies institutrices. Elles y trouveront une foule de conseils et de recettes utiles, non-seulement pour elles-mêmes, mais encore pour leurs élèves, car l'ou. vrage, comme l'indique son titre, s'adresse aussi à l'école. Les maîtresses pourront en outre y puiser deux cents sujets de style propres à éveiller chez leurs élèves des idées d'ordre, d'économie et de savoir·faire, ce qui vaut mieux que la vanité. S'il est nécessaire de donner aux jeunes filles de l'ins~ truction il ne leur sera pas moins utile de leur apprendre la science du m4o nage et un peu d'économie domestique. De nos jours on remarque que beau. coup de familles végètent ou tombent dans la misère faute d'avoir à leur tête une mère assez intelligente pour en bien Caire marcher l'intérieur. Or, c'est justement dans le but de remédier au mal et de bien préparer les jennes personnes à la vie pratique que l'ouvrage que nous annonçons a été conçu. Afin de le mieux faire connaître on nous permettra de donner ci-après un court résumé de la table des matières. Ir• Pat·tie. - La famille et le foyer domestique. - La femme de ménage, mission de la femme, la femme de ménage, trP.sor de la famille. - De l'es. prit de famille, bonheur domestique, vocation de la jeune fille. - De l'économie domestique. IIm• Partie. - La prévenance, égalité d'humeur, la douceur et la modestie, la présence d'esprit, etc. - Les fêtes et l~s réunions de famille, devoin du voisinage. - Visite et soirées d'amis. - La lecture. - Du rôle de la femme dans l'éducation des enfants. - Proverbes, maximes et pensées. III•• Partie. -Apprentissage de l'économie domestique.- Des qualités de la bonne ménagère, amour de l'ordre, la richesse et l'éronomie, ordre es désordre, de la propreté, amour du travail. - De l'économie, comment on fait des économies. - Emploi de la journée d'une maîtresse de maison. Installation d'un ménage. - Distribution intérieure de la maison : cuisine, office, boulangerie, utensiles et accessoires de cuisine. - Des domestiques.Blanchissage et entretien du linge, - Entretien et conservation des vêtements, la toilette et la coquetterie. - Des travaux à l'aiguille. - Des provi· sions. - Manière d'ordonner un dîner.- De l'apprentissage de la cuisine.Notions élémentaires de cuisine.- La ferme et la fermière, le lait, le beurn et le fromage, la basse-cour, le clapier, les étables, etc. - Le jardin po· tager. - Chauffage et éclairage. - Recettes et connaissances utiles. - De la comptabilité. - Conseils d'hygiène, etc. etc. A. R.·M. Note de l'Editeur. - Nous allons entrer en relations avec la librairie Hachette aux fins de procurer l'ouvrage annoncé ci-haut aux meilleures con• ditions possibles. Nous en ferons connattre ultérieurement le résultat.



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