No 10 l'Ecole primaire, 15 Décembre 1915

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15 ])éeemmbre 191o

192 imagina de placer dans la mine un tonneau qui l'obstruait complètement. Ce tonneau, rempli de petites plumes, était fermé du côté des assiégeants, par un couvercle en fer qu' on avait percé de trous. L'autre couvercle était traversé par un tLiyau en ter auquel I'Etolien avait adapté un soumet de forge, de manière à. pouvoir attiser le feu qu'il allumait dans le tonneau. La combustion des plumes produisait une fumée atroce qui, poussée par le jeu du souille!, se portait nécessairement vers les assiégeants; el ceux-ci ne pou· vaient détruire ~l'engin de suffocation, car ils étaient tenus à distance par des lances longues de vingt pieds qui traversaient le tonneau et que les Etoliens agitaient de leur côté. La fumée asphyxiante se répandait ainsi dans toute la galerie creusée par les Romains, et ceux-ci en souffrirent lxaucoup, car il leur était aussi impossibl.e de l'arrêter que de la supporter. Polybe affirm~ que ce stratagème prolongea quelque temps le siège; on doit penser que les Etoliens se défendirent de la sorte jusqu'à leur dernier édredon. 00000

LES BONS M01 S Un bon ou mauvais mot a parfois su!Ii à ridiculiser el à perd re une réputation. ll y en eut d'heureux. Les courtisans de Phil ippe IV d'Espagne firent eu ce genre une trouvaille. Ce monarque perdit ~uccessivement le Roussillon, les Flandres, le Portugal, puis la Cata·logne. On ,J'avait, avant ces fâcheux événements, surnommé le Grand. Des malins dessinèrent sur ses arn1es un fossé, avec cette devise: • Plus on lui ôte, p ius il est grand., Voici encore un trait platsant, décoché contre les abus criants de la !erme générale ct dQS finances de jadis, vrais r1alandrins en dentelles. Le contrôleur général des finances, Orry parJ.ait de ses innombrables employés: - C'est une véritable armée. Si je les rassemblais tous en un camp .. · Un plaisant l'interrompit: - Cela ferait un camp volant. Ceci encore est assez bien trouvé. Le ùuc

d'Orléans étaJt tort gros. Il racontait qu'il avait failli tomber dans un !ossé. Un courtisan observé: _ Il eût été comblé cie vous recevoir. ooooooo PROBITE En 1726, un procès s'ouvre sur un testa. ment. L'une des parties prétend qu'il est faux l'autre ·q u'il est authentique. On plaide en première instance devant la cour de • Chillon •, qui déclare le testa111e1t faux. II y a appel à • Be me ", où la pièce est déclarée valable. M. l'avocat « Brandouin • de • Vevey •, qui avait défendu le testament et gagné Il cause, ayant eu dans la suite des preuves que cet ade était supposé, fut tourmenté par l'i· dée d'avoir fa it servir sa .plume et ses talenta au triomphe de l'iniquité. Pour tranquiUilll!r sa conscience, cet hoonête homme ne trouva qu·u-n moyen, ce fut d'indemniser à ses ~ pens la partie injustement condamnée et de lui payer la valeur du dommage causé par la perte du procès et de l'héritage. Ce trait extrêmement rare dans les annales du barreau, méritait d'être sauvé de l'oubli d il n'a pas besoin de commentaire. 0000000

• A la marée. C'éta it dans une des viUes vaudoises, où l'aulorité en raison de l,l vie chère, avait fait venir de' la marée, qu'elle vendait au prix de revient à la population peu aisée. Deux bonnes femmes se rencontrent: - Eh bien, madame Bolomey, a-vez-vous déjà acheté de ces poissons de mer que la ville a fait venir? - Oui, j'en ai acheté une fois. C'était du • carbi llo •· -- Ah! Et puis, avez-vous été contente? - Oh! ma foi non. je l'ai mis cuire sur des choux et quand j'ai été découvr·ir nd marmite, j'ai plus trouvé qu'une peignette. La bonne dame a·vait fait cuire si vivement et si longuement son poisson, qu'elle n'en trouva plus que les arêtes.

utmatre @~{ ®l~l~JJ& DE tA

So~iété valai~avJJe d'édu~aticn

Pnblicaüon du MUSEE PEDAGOGIQUE L'Ecole primaire donne une dizaine de livraisons d'au moins 8 pages, non compris la couverture, et autant de suppléments de 8-16 pages pendant l'aunée ordinaire (soit du 1er Janvier au 31 Décembre).

Snlewe fr. 2.50 Par an: Union postale fr. 3 'Les abonnements se règlent par chèque postal II 56 ou à ce défaut contre remboursement. Annonces : 20 cent. la ligne sur toute la largeur Tout ee qui eoneeme 1" pubUeœtion doit itre œciressé d.freetement à son gér~Ut, M. P. PIQNAT, Seerétœlre œu Dépœrtement d.e l'lnstruc::tlon publique, à Sion. -

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Cette livraison est la dernière de l'année .


3 se trouvera à son tour honoré ratifiée par le Grand Conseil. la présidence du Conseil des Etats. la teneur: -0Pensée. - La politesse à 1'école pri«Un !logement convenable sera un make. - De l'éducation physique. logement convenablement meublé. Nouvelle Société helvétique Le ·citoyen et 1es 'devoN-s !SOciaux. Le 28 novembre dernier s'est fondé, Vive la joie. - A prorpos .d'éducation. · faudra une chambre assez grande pour Sion, un groupe valaisan de l.a Nou- Partie pratique: Composition, sujejs qu'·eHe puisse servir de chambre à cou. cher et de chambre de ·travail ainsi qu' Société Helvétique. de ·rédaction. une cuisine. Dans la chambre il y au. Le Comité en a été constitué comme -0rait un lit monfé, sans les draps de Jit suit : jn-Ch. de Colllrten, juge cantonal, n.i les essuie-mains, une 1armoire, UQe Sommaire du Supplément No 10 Sion, président; Dr V. Petrig, avocat, tab1e, deux ou trois chaises, un poêle et Brigue, vice-président; Dr Mee Man(Cette annexe a 24 pages.) les ustensiles de toilette. Dan•s la cuiLes morts abandonnés. - Pleure, es- sine se trouveront un fourneau, la bat- gi~ch, inspecteur scolaire, Sion, s'ecrétatre; ]. Couchepin, ingénieur, Martipère, prie. - De rpar Je cœur . . . . terie de cuisine et la vaisset!e . ., Bourg, et ]. Oern, professeur, Sion. Le serment. - Les femmes et la patrie. -0teneur de ses statuts ce111traux, l'es- Misha Turukhanis. - Le chefde cette société est œlui d'une end'œuvre de Chouchou. -Ceux qui sont Instruction publique fraternd• le en dehors et au-dessus morts. - 'Les feuilles d'automne. partis, Depuis plusieurs années déjà, les en vue du bien-être du pays. Les voilà. - Cités et pays suisses. Sous aucun prétexte, elle ne deviendra chefs-lieux de nos différents cantotJ$ Les yeux des écoliers. - Les 15estes réun parti politique. Chaque membre y vélateurs. - Au .charbon. - Messe à voient successivement se réunir déUIS conservera sa pleine Hberté d'action. et leurs murs, les directeurs de Flnstrutla fron.tière. - 'Les joies domestiques. d'opinion. Le but de la Nouvelle Société tion publique. Chaque séance a son or- Mourir et viv-re. - Variétés. vét·ique est de traveiHer dans :la medre au jour comprenant des questions Pensées. d'enseignement qui font l'objet de <&. sure de ses forces à sauvegarder le paeussions propres à permettre ~a réal- trimoine nationa:l, à fortifier 1·e senti* * Au prochain numéro ser<1 joint 1e titre et sation de nouveaux progrès dans ment national, à préparer la Suisse à la table des matières de !',Ecole primaire'' · l'avenir. important domaine. pour 1915, ainsi que 'l'Annu·aire promis du EUe cherche à développer le sens de Le Valais n'a pas encore eu son tOlU', Département, dont l'impression n'est pas engénéral, tout en respec·tant 1e c'est..:à-dire l'honneur de recevoir liS core achevée en ce moment. ••"r"''t.:. .... propre de chacune des parties Ciiefs des Départements de l'InstructiOn Les arti·oles de son programme -0publique des Etats confédérés, Mait ii sont entre autres: Développer l'él'aura en 1916, en automne, d!après la Loi sur les traitements nationaloe, renouveler l'esprit décision prise récemment à Coire, oit ~uttant ,contre la préoccupation Cette loi ·contient, à son art. 5, la dis- Sion a été •choisi ·comme Vorort pour des intérêts matériels, resserposition suivante: l'année p.rochaine, avec M. Burg~er •les liens et multiplier 'les relations comme président de Ja conférence. Le « Les instituteurs et ·les institutrices Suisses à l'intérieur du pays et à directeur valaisan de l'Instruction oubliqui enseignent dans une localité ~11tre que ceHe de ~eur domicile, ont droit à que. qui dirigera ·les délibérations deeet doute que ce programme ne lui 4 stères de bois et à un logement con- collègues, représentera d'autant mieut les sympathies non seulement venable ou, à ce défaut, à une équitaMe le gouvernement en cette circonstaDC! mais aussi celles de toùs autorités, que, par .une coïncidence toute fortuitê, indemnité. ., citoyens. Le Département de .J'Instruction pu- il sera alors président du Conseil d'f. -oblique s'étant trouvé récemment appelé, tat. Lorsqu'il lui sera donné de recenoorriture à propos de 1'un ou 1'autre cas, ·à inter- voir ses collègues des autres d'apr~s nos ressources prèter cet article quant à la portée des nous aurons sans doute 1e mots un lo[[emertt convenable, a r<~ppeilé saluer également 1e directeur de C'est tà un problème ~omplexe et déla décision y relative prise en son temns truction publique du canton de d'une actuailité constante et p~rtipar Ie Conseil d'Etat et qui fut e.risuite bourg, M. O. Python, qui en ce

Sommaire du présent Numéro

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cuHèrement à l'ordre du jour à l'époque critique et troublée où nous sommes à un moment où, pénible phénomène' à constater, le ,prix d'un œuf est anrivé à dépasser 20 centimes (23 à Sion samedi 4 décembre). On sera dès ·lor; bien aise de trouver dans l'Agenda du V alais 1916_ - qui est en vente depuis quelques ]@Urs - deux tableaux pratiques et nouveaux permettant à chacun de_ calculer - en tenant compte des pnx courant-s et de la valeur en éléments nutritifs des substances aHmentaires y indiquées - lesquelles de cel1es-ci sont Jes moins coûteuses et à combien peut être réduite la pension journ~.fière sans préjudice pour notre orgamsme. Voilà .pour la nourr~ture. · Non moins intéressant est •le second ta.blea~, gar:~. que . cons~c.ré spécialement a •1eqmhbre fmancter, et qui engage chacun à établir au plus près au début de l'~nnée, •son petit budget, puis de noter ~otgneusement ·Chaque jour toutes •les depenses et les recettes qui peuvent être balancées à ·l a fin du mois. Ce jud.icieux, conseil est accompagné d'un peht Bareme au moyen duquel on pourra :se faire une idée de la manière d'endiguer, de canaliser ses dépenses s'ellon son gain. Tout Je monde se trouvera bien de consulter et d'appliquer ces deux tableaux qui figurent dans l'édition de 1916 du dit Agenda (P. 286-7) que l'adm1nistration de ce journal s'dffre à procurer à ses abonnés au prix de faveuil' de 1. 60 (cart.) au lieu de 2 fr. Les demandes en sont reçues dès à présent et ii sera donné suite par retour du courrier.

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Nécessité Si on v~t admettre qu'il y ait en nous, Va~a1sans, un certain fond de par~e, qut ne nous a pas penni's de réahser, dan1s tous :Jes domaines, les pro-


4 grès désir.abaes., peu>t-être se trouvera-til des personnes pour demander: « Estce un mal ? En sommes-nous moins heureux? N'est-ce pas plutôt le contraire qui se produirait? Pourquoi tntrer dans le mouvement de trépidation générale? Le calme est 1si bon, si doux, si agréabk Nous ne réa!lisons pâ:s de gra~ fortunes. Mais nous vivo11s tranqu.i'Ules, contents de notre sort. Or, c'est un point primordial que d'être content de son sovt. Regardez touks ces pe~s~n.nes dont on dit << qu'el~es sont arnvees. :> Comme si eHes arrivaient jamais.! EUes n 'ont pas encore atteint un but que déià e'Hes en visent un autre. Rien ne satisfait leurs ambitions. Parvenues au sommet de la richesse, eUes ne sont pas satisfai·tes. Elles ne songent pas à se reposer mais à acquérir davantage. Le vie' du berger de ·Chèvres est bien préférable à Ja 1eur. » Que la richesse ne cree pas le bonheur, •C'est certain. Qu'il y ait des biens de beaucoup préférables à elle: honneur santé gaîté nul ne le contestera. , Mais' enfin ' elle contribue plus souvent ' . au bonheur qu'eHe ne le chasse, _et nen ne l'oblige à bannir de son vmsmage l'honneur, la santé et la gaîté. Cependant, ii y a :les genres et les moyens. C'était un vieil a'liome que le bonheur réside ordinairement dans les régions moyennes, .d ans ce que nos pères appelaient l'honnête rusance. I:l ne faut .pas oub:lier non plus que la richesse, dans le vrai sens du mot, ne consiste pas nécessairement en numé. raire, mais en biens, c'est-à-dire en ?bjets capables de répondre aux besoms de l'humanité. Aussi n'est-ce pas les pays où s'entassait le plus d'or, mais ecu~ où. co_u~ laient le :lait et 'le miel que ·1 anhqmte avait -coutume de célébrer comme l'es plus fortunés. Mais les phénomènes.,~c?­ nomiques en développant lrs facthtes d'échange, ont un peu tout ramené ·à 1a

5 val-eur commerciale. La spéciaiisation travail a supoprii?é q~ ~énage qui, par sa seule .p rodudion, étatt capable de se suffire. Chacun, pour son travail ne rtçolt -qu'une valeur d'échange avec taqueUe il doit se procurer une nourriture, un habiUement, un logement, qUI de.. viennent ·chaque jour plus ·chers. Nous nous rappelons ici, un pa~ de «Là-Haut», d'Edouard Rod: «De >> temps en temps, un grand sommet Dei» geux se dessinait au bout de l'horizon. » Mais quelque tunnel coupait brut• » ment le ·p aysage; l'on ne voyait pa. » que ·l a ·J.anteme des wagons où réson. » naient les gros •rires d'un groupe de » touristes aHemands. Alors, en regret. >> tant le paysage évanoui, Julien soit. '' geait que ces ·chemins de fer de Il].on» tagne, ·constru~ts à grands frais à tra. »vers tan-t a'obstacles, sont une lm~ » de l·a vie, teHe gue la civili:sation ~'ar­ » range; pour faire te chemin ,plutS vite, >> à mei'Ueur compte, on en supprime ,, toute ·l a joie; on arrive au ter-me sans '' fatigue et sans plaisir. en ignorant » les plus beaux aspects. de 'la route. » sans avoir savouré les déhces des lhat'' tes bienfaisantes au bord de l'eau, '' dans 'l'ombre fraîche, devant les splea'' deurs de l'espace ... . :. Oui, c'est bien ça, et pourtant Julien Sterny et pourtant :t·es poètes, et pour· tan-t l~s amalteurs de rêve, et .pourtant les esthètes montent dans ces trains exé crés. Et de même, malg·ré ~es charmes de la vie des aïeux, par une force à taqueUe nous ne pouvon-s nous opposer, nous sommes entraînés dan:s t•e cour8Al de la vie moderne. D'ailleurs, si 1-es parfums du passé sont célébrés par beau· coup, si on regrette ~a vie plus calmt, plus facile, moins laborieuse d'autrefois, si on demande à ne pas avoir polus de soucis que nos pères, s'accommodet-on, comme conséquence, de Ieur vie 'simple et fruste? Le luxe du dehors f!.e

s'ifllstaHe-t-i<l pas à nos foyers? Ne réclamons-nous pas chaque jour plus d'aises? Ne sentons-nous pas 'l'éblouissement et ~'envie devant !es fortune:; d'ailleurs? Alors, si nous ne pouvon-s rester simples, si nous voulon:s augmenter tou~ les jours notre bien-être, il iaut bien :sc résoudre à imiter ceux . qu'on envie. Pour eux non plus, la fortune n'est pa1s tombée du ciel, nul ne se filit, peut-être, une idée de leurs labeurs et de leurs peines pour arriver au résultat obtenu. Nous supposons ·le cas du résultat sé· rieux. Car il est vrai que les glorieuses apparences ne sont pas Loujour.s obtenues à force de ·travail. Mais la poudre, qui a été jeté aux yeux des badauds, finit toujours alors par se vollatiliser. Notre canton ne peut non plus rester -toujours isolé. Il y a des <.:•)Urants aux· quels on ne résiste pas. Nos forces hydrauliques sont trop importantes. pour ne .pas attirer des personnes désireuse$ de :les utiliser. QueHes que soient 1es opiG-ions. qu'on professe sur :Je développemen-t qui s'en suiv·ra, il est certain que, tous, nous devons préférer rester les maîtres de leur exploitation. . On est si bien, comme maintenant. C'est vrai. Mais si fatalement cela doit changer, ne vaudra-t-i1 pas mieux que ce soit nous qui dirigions le changement? Oui, puisque les avantages qui se rencontreront, à côté d'inconvénients certains, seront pour nous. Ce .point de vue réaliste a sa va:leur. Et en outre, quand on se rend compte de l'influence des rapports économiques, il perd son côté terre à terre, et peut se réclamer des considérations du plus pur patriotisme. Oui, encore, à l'autre po1nt de vue, qui a toute son iJ;nportanœ, celui de la beauté, de la poésie, de .}.a santé. Si nous montrons 'l'énergie voulue, si nous savons vouloir utiliser nous-mêmes, non seulement les ressources agricoles, mais le8 ressources industrieliles de notrè

pays, il nous sera possible de 'le faite sans saccager les _.oharmes de la patrie, en sa~vant Je pomt _de vue esflhétique, le .pomt . de vu~ na~10nal, :le opoint de vue moral, le pomt de vue religieu~ nos traditions, !los penohants et nos goûis. Extratt de la ,Gazette du Valats".

Décembre Que nous apportes-tu pour l'an qui se termine Toujours dos douze mois, toi le dernier venu; Dans ton décor de ciel morose et de sol nu Vieux gnôme, emmitouflé dans ton mantea~ d'hermine? 0

. Nous avons formulé bien des espoirs déçus; Vas-tu réaliser de ces vœux de naguère, Tu viens si tard, vois-tu, qu'on n'espère plus guère Obtenir de ta main, quand on n'a pas reçu. 0

Qu'apportes-tu? la faim, la mort et la misè-re; De la souffrance aussi, cela n'est pas nouveau; Tous ces dons, il faudra te creuser le cerveau, Nous ont été déjà prodigués .par tes frères. 0

j'apporte la froidure, et la bise et le gel, ft la neige aux flooons ténus d'ouate blanche, Et le .pin vénéré dont on orne les branche~ Pour la légende si charmante de Noël. 0

Si ma main ne sait rien semer aux champs arides, Elle sait prodiguer les jouets triomphants Et pour l'homme toujours pressé, cet autre enfant, Arracher les derniers feuillets d'éphémérides. 0

j'apporte aussi la bêche; éternel fossoyeur, Combien en ai,je mis en terre des années! Toutes joyeusement de l'homme abandonnées, A Sylvestre, en l'espoir de trouver du meilleur. 0

Des espoirs, j'en remplis bien peu, mais j'en apporte [venir. Des monceaux chaque année; et chacun ~ut Enterrant le passé, j'ouvre sur l'avenir Et j'offre mes espoirs sur Je seuil de la porte. o· A11ons, prenez, puisez, choisissez, il est temps. C'est au profit de l'an passé que je les donne;


6 7 S;il en est d'un peu creux où le vide résonne, Dans douze mois, songez, j'en aurai tout au tarit.

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dit et distribue inlassa:ble et sans trêve, Mais' déjà l'œil li~é sur Janvier, qu.j paraît Portant son nouveau né; nous voyons sans regret [rêves. Décembre qui s'éloigne en nous laissant ses 0

René MUSSET.

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• A table, au moment du dessert. On présente à Dédé une r•ssiette de gâteaux. Il avance la ,main, hésite, puis la retire el se met à fondre en larmes. Pourquoi p leures-tu? lui demande sa mère. Parce q'ue tu vas me gronder, pour sllr ... quand j'aurai choisi le phJ5 gros! n-o-o-o-o-(M) Les bel·les actions cachées sont les plus esPascal. timables.

••• Bibliographie NOELLE ROGER. - Le carnei d'un témoin . - Le Pasage des Evacués à travers la Suisse. - 1. Genève. - Fr. 1.- . Attinger frères, édit., Neuchâtel. L'auteur continue la série de ses charmants opuscules intitulés Le Carnet d'un Tén:toin, où elle décrivait avec tant de cœur la vte et souvent la mort des héroïqus petits troupiers frança is dans un hôpital de b lessés. Aujourd 'hui elle nous tait assister an passage des évac~és tant Français qu'Allemands à Genève. L'ouvrage est écrit avec la même touchante simplicité, la même grâce, la précision, le sentiment profond qui caractérise les précédents. On assiste à l'arrivée de ces malheureuses épaves, on les suit dans leur marche lent~, dans les salles où ils trouvent secours et reconfort. Les larmes coulent aux yeux au réCit poignant de leurs misères. en même temps qu'on admire la charité et le dévouement des Genevois. ooooo LA SUISSE ECONOMIQUE Nous avons sous les yeux le premier numéro de La Suisse Economique •, la nouvelle revue industrielle, commerciale et scienti-

fique, que viennent de lancer .1\\M. Jaunîn a, primenrs-éditeu.rs à Lausanne. Elle ae 'pl6. sente de la plus heureuse façon et sous let meilleurs auspices. On trouvera dans ce premier numéro ua article sur l'établissement d'une voie navipble du Rhône au Rh in; des vœux d'un hOJnnle d'Etat les plus en vue, M. le Dr E. Chuant, s ur le rétablissement de l'équi libre des tiu.. ces fédéra1es et sur •Je mono.pole du tabac; 1111 exposé des avantages de l'acétylèqe •pour ~ placer le pétrole; de judicieux conseils (aa langue allemande) suT nos déiicits en matire de préparation commerciale; le progra~ d'un • Bottin d'adresses suisse "• dont le besola est, partout, si vivement ressenti, et des peo lites nouvelles économiques variées. 0000000

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RESUME DE L'HISTOIRE DE LA RATURE FRANÇAISE, par M. W~ ber-Silvain, professeur à l'école canionaJe de Lucerne. Troisième édition, revue et :rugmentée, illustrée de 104 (rio vures. Vol. in-8, 116 pages, relié en Coile. Frs. 2. Destiné aux élèves des écoles secondai.rel et moyennes, des collèges et lycées, des pelsionnats de jeunes gens et de jeunes filles, ce distingue pa'!' son langa·ge simple bien que trà clair qui renferme une grande variété et richesse d'expressions. Les diverses époque8 de la littérature ainsi que les mouvements Uttérai•res sont habilement caractéri.s és et aucune époque n'a été négligée. Un appendiœ contient lts 31llalvses de toute une série d'CS. vres littéraires imix>rtantes. Les éditeurs oat enrichi l'ouvrage d'une illustration nombte~~­ se et intéressante. 0000000

HISTOIRE MI LIT AIRE DE LA SUISSt Le bureau de la presse de I'Etat-m3Jjor de l'armée annonce la publication en lascicul• d'une « Histoire militaire de la Suisse •, q• le chef de l'Etat-major général a tait rédiài avec le consentement du général, dans le lill d'éveiller et d'affermir l'esprit national. Les historiens les plus distingués de notre pays ont consacré généreusement leur templ et leurs forces à cette entreprise patriotique et créé une œuvre durable à la fois claire, ac. cessible à tous et d'une valeur scientifique incontestable. L'« Histoire militaire de la Suisse • sera publiée simultanément en allemand, en fraD-

çais et en italien. L'ouvrage complet aura paru dans six mois en trois volumes compre. nant au total douze fascicu les. L'intendance des imprimés du commissariat central des guerres à Berne sera chargée de la vente pour J'armée. Un prix exceptionnel (Ir. 7.20), pour l'ouvrage complet est fixé pour les ofliciers, sous-officiers et soldats de l'armée suisse, sans distinction d'unités (y compris ceux qui sctuellement ne se trouvent pas sous les drapeaux). Les militaires remettront leurs commandes, par l'intermédiaire de leur chef d 'u· nité, à l'intendance des imprimés du commissariat central des guerres. Les personnes non mili taires qui désirent se procurer cet ouvrage pourront s'adresser à toutes Je~ librairies, ainsi qu'aux libraires Ernest Kuhn, à Bienne et Berne, et Arnold, à Lugano; le prix de vente publique a été fixé à ir. 12, pour l'ouvrage complet et à fr. 1.20 par fascicule. Le premier est consacré aux souvenirs des premières luttes de nos ancêtres pour l'indépendance de notre pays et plus particulièremen t à la bataille de Morgarten. ooooo CAUSERIES. Revue mensuelle, paraissant à Fribourg, en Suisse. - Abonnements

~uisse 5 Ir., Etranger () fr.; Pour instituteurs resp. 4 et 5 fr. _ Le numéro 50 centimes. ~ommaire du numéro de novembre: L'Alsacien, par René Tringlot. - Petits décalogues,_- Gerbet, p~te d~ l'âme, par Antonio Crausaz. --:- Queshonnatre d'esthétique, par J.-J. Berthter. - Le testament des oiseaux par B. Joachim. - So!gnons notre sant~, pa; J.-J. B. - Les coquelicots, par J. foram. __ Sur l'Alpe. Recueillement, par une infirmière de la Croix-Rougee. - Pater-Noster. - Pen• sées. 00·00000

NOS OISEAUX. - Bulletin de la Société romande pour l'étude et la protection des oiseaux. - Publication paraissant quatre fois par an au minimum. Sommaire du dernier numéro. - Etudes ornithologiques: Excurs ions au nid de l'aigle royal. - Protection: A propos de la Circulaire du Département fédéral. -- Moyens de protection: Les nids artificiels. - Nourrissage hivernal. - Divers: Les loirs et leurs méfaits. - Désorientation des 01seaux par le brouiHard. - Calendrier ornithologique. Bulletin bibliographique. - Nécrologie.

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SION, to Décembre 1915

année

L'ECOLE PRIMAIRE

TOUT

ORGANE DE LA

SOCIETE V ALAISABRE }}'EDUCATIOB

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ce qui a rapport ou concerne la

Pensée L'instituteur et le jardinier ont tous deux des plantes à cultiver. lb les font prospérer à force de soins; ils leur prodiguent l'eau et l'eugrais; ils les débarrassent d~s mauvaises herbes. Les plantes de l'institut.eur, ce sonl les élèves; -l'eau et l'engra-is qu'il leur distribue, ce sont ses leçons ; les mauvaises herbes qu'il arrache, c'est l'ignorance, ce sont leurs défauts, dont il veut les corriger.

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P,lus d'un mois déjà que maîtres et maîtresses -ont repris leur pénible labeur et se dévouent corps et âme à leurs en· fants. Du matin au soir, un horaire b1en chargé dérouie aux yeux et aux oreille~ de notre jeunesse les ;leçons 1es plus dlVerses, toutes importantes à queL que degré, toutes se disputant une place au soleil et •les soins du régent. Dans ces conditions, quel pourra bien être Ie sort réservé à la politesse si souvent traitée en Cendrillon reb~tée p~r une société de plus en p•lus égaHtarre? Ne ·sera-t·elle pas re1éguée dans un coin perdu, vouée à un abandon presque complet, puisque son nom n'est pas porté explicitement au regisrtre offi· ciel des matières à enseigner? Nous n'osoi-s le penser, car tout éducateur vraiment digne connaît 1a va>leur morale et sociale de •la pauvre délaissée, et n'ignore pas que, souvent même, on juge de son propre mérite .par la politesse de ses élèves. Pourra·t-i1 s'en .trouver un seul qui veuil'Ie se désintéresser de la politesse sous prétexte que c'es·t surtout en famiH~

que se prennent les bonnes manières, que la vraie po•litesse se forme particulièrement sous I'œi'l vigilant d'une mère bien-aimée? Sans doute, l'influence maternelle est prédominante en matière d'éducation; toutefois, elle ne dispense pas l'instituteur d' un devoir qui 1ui incombe en vertu même de sa charge. Par le fait qu'il partage avec les parents l'autorité sur les enfants, il en .assume aussi les obligations. H doit donc non seulement donner aux enfants l'exemple des bonnes manières, mais aussi :les .en instruire directement en faisant de la politesse la matière de son enseignement. Combien d'enfants, d'ailleurs, sont privés des !leçons d'une bonne mère! Et ceux-11à, 1e maître aura-t-il le cœur de ies abandonner à -leur sort, de les laisser sans conseH et sans guide? L'enseignement de la politesse reste tout naturellement da.'ls 1e do· maine de l'éco le, puisqu'ellie est 1le reflet extérieur, la manifestation la pJus aimable d'une bonne éducation. Die tient au cœur par la bonté, à 1l'esprit par ~e tact, au corps par la grâce des manières; elle suppose une façon délicate de penser, de sentir et d'agir, une attention constante à s'effacer soi.même pour faire plaisir aux autres, 'à •les rencl.re contents d'eux et de nous, en d'au· tres termes, elle demande 1a pratique constante de toutes les vertus •socia1es et sait rendre ~a vertu aimable. Le p-oète n'a-t-il pas dit: ·· 1

La politesse est à l'esprit Ce que ·la grâce est au visage; De la bonté du cœur elle est ·Ja douce ·image, Et c'est ·la bonté qu'on chérit.


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siques ou du corps, les facultés · sur les exercices systématiques de tuel:les ou de l'esprit, et 'les facuHés gymnastique. Et c'est tout, complèraies ou du cœur. . tout! En résumé, le candidat au Quant ,à 'l'éducation d'instituteur sait ceci : je dois veut qu'à ,l'école elle soit es~;cn·ttel,ien:lenil le corps, ~'intelligence et [e cœur hygiénique. L'hygiène est Q'art de qui me seront confiés. L'évenir 1es ma'ladies; eUe embrasse """'"''"''' physique développe la force et les fonctions de l'individu; elle courage; elle réagit heureusement sur par conséquent ~le régime '"'"'"·•ncW"l!. auque1 elole procure le repos l'habitation, 'le vêtement, le mou le surmenage, et enfin eUe donne et 1e repos, ;l'exercice des organes et t}'homme certaines qualités virHes développement des for:ces. physiques en la force, l'adresse, :la soupl'esse général. On passe en revue sucdndecourage. Quant à la justification de ment les différents postulats ci-d~ ,.,.,,t."~ ces affirmations, on n'en a cure; ·et on termine par quelques considératrouvez pas davantage ~·ana­ tions d'un vague désespérant sur ies moyens pour obtenir de tels réexercices gymnastiques qui développent - ·.. ·~·~ ni dans les ouvrages de pédala force, l'agilité, l'a vélocité, ~a résisdans les cours manuscrits des tance et .l'adresse. Au point de vue du au ·brevet. Comme, d'autre beau, la gymnastique donne aux mem. on n'a pas manqué de répéter sur bres de la souplesse et de 1a grâce. Mo.. ;les tons aux étudiants, pendant ralement, ellie excite l'énergie, contribue leur sco1arité, la supériorité de au .courage civil et militaire. On cite sur la matière. la distinction des de tout ton cœur et ton prochain comme quelquefois Amoros (1770-1848): c La et des cerveaux meublés, toi-même. Fais aux autres ce que tu gymnastique embrasse 1la pratique dts et 'la grossièreté même des veux qu'Ns te fassent, ne fais pas à au- exercices qui tendent à rendre l'homme dont la force est 1'apanage; tm; ce que tu n'aimes pas qu'on te fasse. p1us courageux, pllus intrépide, plus in· • ~omme on a accordé à Ia didactique géteHigent, pJus fort, plus adroit, plus inet à la didactique spéciale à chadustrieux, plus véloce, p~us souple, plU$ des branches dites < inteHectuelDe l'Education physique agile, et que :le dis.posent à résister aux » la presque totalité du temps accorint-empéries, aux variations du climat, à aux _études de pédag_ogie, le Jeune A l'école normale, on enseigne assez supporter ries privations de 1la vie, à entre dans Ia vocaJtion avec des généra'lement aux futurs pédagogues vaincre 'les di'ffkuHés, 'à triompher des préconçues et pas du tout outill~ qu'ils doiven1: considérer l'homme dans dangers et des obst~des, à renme enfin remplir sa tâche d'éducateur qm l'enfant et .le prévoir dans son milieu, des services signa1és à J'Etat et à l'hu, selon P·laton, « de donner au corps se :satisfaisant à lui-même d'abord, à sa manité. » ].-]. Rousseau: « Le grand à ['âme toute la beauté et toute la famille ensuïte, ~et enfin se rendant utile secret de l'éducation est de faire que les dont ils sont susceptibles». à t}a Société dont il deviendra une unité exercices du corps et ceux de Pesprit Cette mentalité et cette désaffection se pensante et agissante. servent toujours de délassement aux au- retrouvent du haut en bas de la hiérarOn tient que :r'ürganisme humain est tres » 1 ce que St-Marc Girardin ~vait chie sco~aire, et il faut voir ltà une des un, et que «'les forœs physiques. les résumé comme suit dans son hvre: raisons et des plus sérieuses de la diffiforces inteUectueUes et 1es forces mora- Souvenirs de voyages et d'études: « ~ culté du développement de l'éducation les de {'homme sont intimement 1iées et faut se délasser de l'activité de ;}'espnt physique dans nos établissements sc~­ réagissent constamment les unes sur his par l'activité du corps. » laires, de 'la Sursse romande en partiautres aussi ['éducation ne devrait-elle Dans les établissements où on pousse jamais les séparer ni dans l'a théorie les choses très avant, ·on va jusqu'à disLa. théorie de l'éducation physique, serter sur 1la nécessité ou l'utilité des les ,prindp~s modernes qui sont à la ni dans ~a pratique"· On dit encore: Le devoir de l'institu- ·exercices de gymnastique pour les éco- base de cet enseignement ne sont pas teur ·est de développer les facultés phy- Jles rura1es, ou de la supériorité des ou sont peu répandus; c'est pour cornUne p:lace donc à ,la . politesse, et même une honne pl,ace dans votre horaire, et à l'œuvre, chers maîtres; vous rendrez grand service à vos enfants et à 1a société. Votre pŒ"ogramme, évidemment, ne comprendra pas un traité complet de toutes les règl·es de 1'étiquette à .Pusage de œux qui vivent dans la haute société, ni Qes manières .affectées, obséquieuses, reçues dans certains milieux; il ·s'agit p1u~ôt pour ;vous de donner quelques simp1es conseils sur la conduite de l'enfant bien élevé, à la maison, à tab:le, à l'école, à l'église, ·en public, etc., sur 's a tenue, ses gestes, ses paroles, .les petits services à rendre en société. . Vous trouverez dans l'Evangile même les 'bases de votre enseignement. Notre Seigneur y prodame la loi de la charité et celle de la justice: Tu aimeras Dieu

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Mer cette [acune que nous publierons quelques articles sur ce sujet.

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(A. tulvre.)

Le Citoyen et les Devoirs sociaux Né .pour V·ivre en société, l'_homme a nécessairement de mulltiples rapports avec ses semblables. Quels sont nos devoirs ·envers nos concitoyens? TeHes sont les questions auxquel~es essaie de . répondre 'le présent article Le :libéralisme économique ,prône la :Uberté absolue, 1'indépendance vis-~­ vis de toute Qoi oivile, religieuse et morale. Une teNe doctrine ne peut que développer 'l'égoïsme, 1le chacun pour SQi, le ;laisser faire et le laisser passer. D'ail. leurs, Qes abus Ies plus criants, ;l'exploitation du tmvail de la femme et de l'enfant, nous prouvent assez qu'un tel prin. cipe ne peut être t}a règle de nos devoirs sociaux. _ Les théories évo'lutionnistes, qui ne reconnaissent que 1}e droit du plus fort et qui affirment que « nourrir les malheureux est un tort immense causé à 'l'humanité, dont on .arrête ·la marche ascensionneHe vers un état supérieur "• sont trop br:utalres et trop .mhumaines pour être •la règle de nos rapports avec le prooha:in. . ., D'autre part, l'altruisme, la IS01tdarlte sont incapables d'établir en ce monde 1a vraie fraternité. Ces théo·ries ne reconnaissent point l'autorité de Dieu: or, sans Dieu, il n'y a plus d'olbliga~ion mora,le, ni de devoirs ni de sand10n. On a beau dire que nous avons tous la même nature, que 1e bonheur de notre prochain est 1le complément de notre propre bonheur, que nous sommes liés les uns aux autres comme ·les membres du corps humain, que nous bénéficions des travaux et des inventions de nos semblables, que nous avons une dette envers notre prochain : tout cela reste dans le vague et :}'imprécision. Si j'ai


68 une dette envers la société, à qui dois-je, combien dois-je, quel est mon créancier? Et, lorsque j'ai .p~yé .1~ juste. p~ix de la marcfiandise que J'achete, SUIS-Je enc?r.e redevable de quelque chose? Imprecision, manque d'obll.ig.ation morale, manque de .sanction, telles sont les raisons qui nous empêch.ent .d~ considérer !'altruisme et ·l a sohdante comme ·l a regle de nos devoirs sociaux. Seule, ·l 'Eglise <:at~?lique_, qui, a transformé le monde paten, detruit ·l esclavage, relevé 1a dig~i·té d.e la femme, peut nous donner la r~gle tmmuable et universel·le de nos devotrs envers le prochain. Ces devoirs, .J'Eglise ca~hO:iiq~e 1e3 résume dans ces deux mots: JUShce et charité. La justice est l.a volonté f~r.~e et peîsévérante de rendre ISOn droü a ch~cu1~. · Caïque suum: à chacun son droit, :a chacun ·son dû. Les droits du prochatn sont inhérents à sa nature, à sa personne ou bien i1s sont fondés sur le libre c~nsentement des parties contractantes. De .là, une double justice et un double devoir: •le devoir de respecter 'l~a justice naturelle en général, ·c'est-à-dtre les biens inhérents ·à la personne du prochain, te1s que la vie du corps, _la vie de ·l 'âme 'l'honneur, ~e foyer conJUgal, les bien~ matériels l·égiti~eii_Ient acquis· 1e devoir d'observer .l·a JUShce contractuelle, c'est..:à-dire ·les lois de l'équité et de ~a probité dans les échanges et •les contr:ats.. . En rappelant ces différef!-tS .devo~rs, ,J;>n doit condamner .avec mdt&n.ahon certaines pratiques qu! s.ont un ~er~table attentat à la vie de 1 enfant, ams1 qu~ le peu de respect que ~·on a po~r la fol et 1a vertu de l'enfance et de la Jeun~sse. Au nom de 1la justice, on doit Hétru: . 1~ vol, 1e dommage ca~sé ·li la pr~pnete soit privée •soit publlque, .l a neghgence à payer ses dettes. La justice contractuelle nous ordonne d'observer ~l a ·probité dans 'le commerce et 1es contratoS. ·EUe '!ie condam1

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ne pas seu1ement les fraudes dans poids et mesures, mais 'encore les les accaparements monstrueux, la ·se iUicite des marchandises. La ce contractueHe règle au.ssi ~es rat)onrht~ entre les patrons et les ouvriers, Léon XTll a déterminés dans une . mortelle encyclique. Toutefois, la justi·ce ne suffit pa~. Le tris.te éLat de 'la société païenne ' prouve, d'une manière év·idente, combien l'humanité, par ses seules forces, est incapable d'établir, ·en ce monde, le règne de 'la justice. ·Même dans l'âge d'or que rêve ·le socia'lisme, i~ y aura toujours des misères engendrées paries inéga'lités humaines: Qa maladie, la vieülesse, nes acoidents imprévus, et elle sera éternellement vraie la parole du Divin Sauveur: « I1 y aura toujours des pauvres parmi vous: , A .ces pauvres, la justiœ ne doi~ rien et la .charité seulle peut ·l eur vemr t'Il aide. Le devoir de la ,charité nou~ est imposé par un précepte spédal de Jêsus-Chrisl: « Je vous donne un commandement nouveau: aimez-vous lm uns les autres. ,, Les apôtres, .commen.. tant 'l a ·parole du divin 'Maître, nous indiquent ile mot·if de notre charité. « Noœ sommes tous frères, disen-t-iQs, noua avons ·le même ·Père qui est dans les cieux, qui nous a créés à son image, qui nous a adoptés pour ses ~nfall:ts,. et qui nous communique sa VIe d1vme. Nous sommes ~es membres vivants de Jésus-Christ, 1e temple de Dieu. » Notre prochain, :fût-il un criminel, notre ennemi irrêcondliab1e, un païen, Qe dernier des hommes, reste toujouvs l'image de Dieu, ·l 'enfant de Dieu, et mérite, à ~ce titre notre amour et notre respect. Non seulement nous devons aimet tous les hommes, mais nous devons 1et aimer, d'un amour sincère et pratique, comme on s'aime soi-même, comme le Christ nous a aimés. La -charité noU5 impose 'donc des devoirs d'indulgence, c'est-à-dire 1e pardon des injuTes, la

la condescendance; des devoirs de btenfaisance, ia pr·atique des œuvres spirituelles et corporelles de miséricorde et, entre autres, l'aumône, le don d'une · de notre s uperflu aux pauvres. Le précepte de la charité ne suffit pas aux âm.es généreuses, éprise§_?'~­ J110U1' de D1eu. A l'exemple du d1vtn Maître, eUes ne donnent pas seuaement biens, mais elles ·se donnent e1k;~ .mvu.-...,. el:les sacrifient ·leur jeunesse, les affections 'les pllus ,légitimes, pour se consacrer entièrement au service des ,pauvres, au soulagement de toutes les misères ·et de toutes ~es souffrantes humaines. C'est .t'admirab1e légion des re(igieux et des religieuses. 'La justice et la charité, voil'à nos devoirs sociaux, vodà les deux ferments divins qui ont transformé la société païenne et qui aujourd'hui sauveront le monde. Inoculés à notre société du XXe !Siècle, üs seront up.e source de progrès sans fin. Que notre idéal et notre devise soient donc en ·tout et partout: ta justke par 1a charité, p1us :de justice par plus de charité. ou L''-"'·"',

----------*·--.---------Vive la Joie ... La joie est le pain de 1a vie dès nos plus tendres années. Les .petites ioies sont 'les meüleures, en parti·culier quand il s'agit des enfants et de ·l a jeunesse à l'organisation délicate. L'enfant sait naturellement apprécier 1es moindres présents, 1es moindres plaisirs; il a ·le goût inné du petit, du beau, du gentil. P renons garde d'étouffer ces heureuses dispositions. Un rien devient un·e ~source de bonheur quand on .sait s'y prendre et qu'on aime 'à faire .p1aisir. Personne ne s'y entend comme les mères. Du néant, enes savent tirer des merveiJ.les, et ~es enfants, ravis, exu1tent. Le présent 1le plus insignifiant, un jouet, un morceau de .pain, une fleur, accompagné du re1

gard que seules savent composer les mères, du mot que seules leurs lèvres peuvent exprimer, enchante l'enfant ~t le rend heureux comme un roi qui possède tous 1es trésors, C·a r pour un instailt au moins il est au comble de ses vœux. Ain·s i 1a joie .préside à nos premiers pas dans ,l a vie. La gravité, la sévérité, 'la fermeté mesurées qui conviennent dav.an.tage à l'autorité du père ou du maître, doivent s'ingénîer à inonder de rayons de joie -la vie des enfants. MHie occasions se présenilent d'exercer ce devoir: i'l suffit d'aimer. Les bienfaits reçus conservent 1eur douceur, leur charme et 1eur parfum jusqu'aux confins de l'âge mur et même au delà. Or, c'es,t ce facteur de succès et de vie que néghge parfois 1a pédagogie moder.ne, spéculative ou pratique, si attentive aux moindres besoins physiques et intellectLtells de 'la jeunesse. El'le n'en saisit point l'importance capitale pour le développement de -l'enfant, ni ·le 'Prix inestimable pour l'éducateur. Schi'Ner appelle 'le giron maternel une « île sacrée, où « lJenfant est à l'abri de toute peine et de tout ennui». Et Richter écrit: « Comme les œufs des oiseaux, comme le nouveau-né de la tourterelle, l'enfant n'a besoin au début que de ·l a chaleur. Mais qu'est-ce que la chaleur pour l'enfant, sinon la joie? C'est elle qui permet lé\UX forces naissantes de croître, tels les rayons de ·l'aurore; el'le est Je ciel sous •lequel tout prospère, sauf le poison. , La discipline ·et ~'éducation austère s·ont indispensaMes.; l'expansion, la joie est leur auxiliatrice non moins nécessaire. El'le doit les seconder et, à ·côté d'eHes, jouer son rôle bienfaisant: adoucir les rigueurs, rompre les monotonies, aplanir et relever, prévenh a ussi 'les heurts, les ef.fets déprimants et désastreux de la règle inflexible. La discipline et la joie s'appellent l'une 1'autre: qu'on ne -les sépare jamais. La sévérité sans 'la joie manque son effet et n'ob-


70 tient plus rien; •l a j-oie sans la sévérité •se corrompt et tourne en faiblesse. On peut l'observer chez les enfants bien nés, sagement dirigés et ennoblis dès leurs années les plu:s tendres-: -ce qui descend en leur esprit et en leur cœur à la faveur d'un rayon de joie pénètre bien P'lus avant, adhère plus fort à l'inteHio·ence et "à ·la mémoire, atteint plus sûre~ent :le fond même de l'être, la moel·le même du -caractère, que tout ce qu'on in.culque à coups de verge. Celui qui sait inspirer à l'écdlier ·le goût, l'amour, le plaisir de Vétude a gain de __cause; ce plaisir sera son meil"leur alhe. ·Rendez ·la •prière et la piété a1trayantes, ~e travail joyeux; faites que •l'enfant smt heureux de :ses succès, qu'H se réjouisse pleinement et sans contr~inte, qu'il so~t entièrement .content, qu'li prenne platsir à se vaincre et à se dominer, à servir le prochain, 1l'œuvre ~~l'éducation ser~ fort avancée; eHe s'elevera et se pun·fiera · à ces hauteurs, le caractère de l'erif~·t se développera de ~ui-même dans le sens du bien. L'éducation sous ·l 'avalanche des punitions, des reproches, des sévérités.. ~e toutes sortes, ou seulement poursuivi-e sous le ciel morne de 1l'u niforme et ennuyeuse régularité, solennell~en~ promulguée par Madame Qa diSClphne et rigoureusement appliquée. sans ~g~rd à la faiblesse sans le :sounre qm reconforte san:s ie mot qui console et relève, 'l'édu'cation sans les moyens de produire 1'expans.ion, 'le bonheur, ta joie, d'épanouir, pour 1e dire en un mo!, est u!le éducation funeste. Ble ment a sa mission et ne formera point d'hommes. Elle 1laissera à tout le moins dans •les âmes, et parfois jusque darrs l'âge mûr, des traces sanglantes de son passage. Au !Jieu de redresser, de guérir, d'ensolei~~­ ller et de créer, eUe aura brisé, meurtri, assombri, anni·hHé et pour •longtemps. Parents et éducateurs, songez-y!

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A propos d'Education En nous inspirant des pr·incipes développés par Mgr panloup dans son exceJilent Traité l'Education, nous nous proposons d'at. tirer .J'attention de nos lecteurs sur les principales !Sources des défauts qu'il faut -combattre persévéramment dans "l'enfance et la jeunesse. Signalons d'abord Forgueil, ·le -plus fécond des péchés capitaux, 'l a maladie 'la plus ancienne et •la Messure ~a plut danger-euse que Lucifer déchu et jaloUI a ·causée au genre humain: 'le démon, en effet, a mêlé -en quelque sorte au limon dont nous sommes pétris un levain de rébelUon, un ferment d'insubordination et de révolte. Cet amour déréglé de soi-même et des avantages qu'on croit avoir est une suprême injustice envers Dieu de la part d'un être qui n'est rien, qui n'a rien par soi-même que misères réeMes ·et faiblesses pitoyables-. Quiconque se aoit exempt de tout orgueH ·se fait à ·lui-même 1a ,p'l us pernicieuse i'llusion. N'a-t-on pas dit œtte parole moins ·paradoxale qu'elle ne paraît: « L'orgueH meurt demi~heure après nous»? On rapporte que 1a foudre ayant frap.. pé ·secrètement une co1onne d~ns une église, y alluma un, inœnd!~ g~1 pro~o­ qua •la ruine complete de 1l edlf.Ice. Amsi, parfois, les ravages de l'amour-propre sans frein se rév~1ent subiteme~t: cela est vrai surtout d un enfant qw a grandi dans une atmosphère de condescendance et d'admiration aveugles et qui passe entre les mains d'un éd~c.a-­ teur sachant joindre à ~'éloge met;tté 1a discrétion et [·e correctif nécessaire. Les tentations de l'orgueH n'épargnent personne: c'est ~·u~e ~o!lsé­ quences manifestes du peche onr.1nel. Rappelons à ce propos 1~ mot. ~e. -~·as­ sinon à un auditeur qm ile felmt.;ut à gistra~lement

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suite d'un s.ermon: « ASISez assez le me l'a dit p.lus éloque~ment que us!» Si Pascal .a pu écrire que le moi ·est haïssab~e, Jésus-Chri•st seul a prescrit le remède souverain et efficace contre l'orgueil quand Il a dit: « Apprenezd:e moi que je suis doux et humble de cœur.» Suivant pas à pas ['éminent éducateur que fut Mgr Dupanlloup, mentionnons les désastr-eux effets de 'l 'or~uei:l dans l'enfan-ce, dans 'l a jeunesse et à tous les âges de 'la vie. Ces funeste.s conséquences nous montrent combien il est nécessaire que toute personne ayant un rôle à remp1ir au point de vue éducatif .combatte ce vice 'Capital avec persévérance et tena-cité. Le premier effet de 'l'orgueil est la désobéissance à un ·o rdre formel émanant d'une autor.H:é 1ég-itime, le mépris d'une recommandati:on, d'un conseil dicté par I'expérience, Que penser d'un jeune homme qui se croit •capab1e de se gouverner 1ui-même? Les faute.s provenant de 1a légèreté sont plus ou moins dignes d'indulgence, mais on doit se montrer rigide et sévère pour œl·les qui procèdent de •l'orgueil. De l'orgueil naissent l'envie, 1la tristesse qu'on ressent de 1la prospérité d'•a utrui, 1la jalousie qui exôte au désir de posséder à tout prix Ies biens, 'les avantages dont jouit le prochain, ~a joie des ma~heurs qui l'atteignent, oJ·es médisances et les calomnies, voile pharisaïque derrière 'lequel on abrite ses turpitudes, piédestal :sur !lequel on se dresse pour se grandir aux dépens de ses victimes ou pour satisf,aire son amourpropre effréné. L'orgueil produit cette variété de mensonge qui consist·e à déguiser une vérité pénible, 1le refus d'indulgence et pardon, lla tendance au mépris, <à 1la raiHerie blessante, au :s arcasme cruel, à la plaisanterie humiliante, à Ia critique acerbe, ~'hypocrisie qui -cache, sous

un manteau d'honneur et de retenue, 9ous des apparences de vertu, 'les honteuses passions qui dominent "le cœur. D~ _1'orguei'l encore procède 1la folle ambdwn qui fait rêver d'avenirs brillants, de titres pompeux, de situations en vue où ;le devoir et ~e dévouement ne sont plus que des mobiles accessoires. Si ces rêves sont déçus, ils font place à toutes :!es manifestations d'une haine sourde qui porte à soupçonner te1 ou tel, sinon 'à le rendre responsalYie des échecs et des insuccès qu'on se refus-e à considérer comme •le juste châtiment de son orguei·l effron•té et av·eugle.

Partie pratique Ma Distraction favorite Quelle est voire distraction favorite? Comment vous est venu ce goût? Comment comptez-vous le développer? DEVBLOPIPEMENT Lire, c·est gentil, c'est même charmant, surtout lorsquïl s'agi t d 'un de ces jolis livres qui vous captivent au point de vous en laire rêver la nuit; faire de la musique, rien de tel pour .passer agréablement le lemps, mais, il me semble qu 'il y a enco.re mieux .... Oh ! oui. sûrement! Là, j'ai trouvé maintenant, c'e~t le dessin. Comment n"y ai-je pas pensé plus tôt, alors que, grâce à lui, j'ai passé de si bons moments! Lorsque j'étais encore petite, quel plaisir il me causait déjà! je prenais un crayon et une gr~nde feu ille de papier, puis je me relirais clan s un coin oi:l personne ne pouvait venir me déranger. Je m'installais devant la table, et j'étais là , le regard plongé dans Je vague , passant et repassant mon crayon sur ma langue, en attendant que l ïnspiration arrivât. Enfin, elle était là, Ah! c'était quelque chose de génial, de phénoménal. Alors. gravement, je commençais. C'était d'abord une maison aux fenêtres immenses, à la porte minuscule, et rehaussée d'une grande cheminée, pas très droite, par exemple, mais d'où la fumée, par contre, ne manquait ,pas de s'échap-


72 per à flots. Et ensuite, - pourquoi n'auraisje pas aussi essayé de dessiner des p~rson­ nages? - j'~bauchais, ou plutôt, non , c'est faux, car j'appuyais s i fort avec mon crayon, que c'éta~t miracle s' il ne se cassait pas, je crayonnats donc un amas de ronds et cte lignes où il fallait toute ma p~rspicacité el tout mon amour de mère pour découvrir l'illlagc de ma g rande Magali, ma poupée préférée. Et j'étais si fière de ce gribouillage que, le monde entier eftt-il été proster·né à mes pieds, je n'en aurais pas ressenti plus de satisfaction. Je Je regardais dans tou s les sens, puis j'allais, toute triomphante, le soumettre à l'appréciation de mes frères et sœtu·5. Et savez-vous ce qu 'il 3 me disa.ient, ces méchants: « Oh! ta pauvre ma.ison, je 11 C rachèterai s pas pour deux sous! • ou encore: • C:à, c'est M'agalie, tu as bien lait de Je marquer à côté, car autrement on aurait pu croire que c'étajt un crabe ou bien u·n cul-de-jatte. , Il n'était .pas jusqu'à René qui me criait de sa petite voix pointue: • Oh! on dirait Loulou quand il est colère! • N'éiait-cc pas révoltant? Enfin, je faisais Je poing dans la poche en me disant que c'était bien là la méchanceté et la raillerie de ce monde. Maintenant, mes goûts ont un peu changé, mais je trouve toujours un égal plaisir dans le dessin. Je n'ai plus envie de faire des bonshommes, ni des maisons disproportionnées, ou que sais-je encore! Mais quelle joie, lorsque mes leçons et mes devoirs me lai ssent un peu de répit, de sortir tout mon attirail de dessin et de m''appliquer à recopier un modèle ou alors, quand le jardin est plein de fleurs, à en chercher une qui me plaise et à essayer de la reproduire. Par exemple, l'autre jour, en feuilletant un album de cartes postales, j'en avais découvert une vraiment jolie: c'étaient de grands bateaux à voiles, qui avaient J'air de glisser, légers comme des mouettes, sur une mer d'huile. aux teintes d'une .infinie douceur. Vite, je ' J'ai mise de côté, et mercredi, comme j'avais congé, j'ai essayé de la reproduire; naturellement la copie n'aurait pas pu être confondue avec le modèle, mais enfin, c'était quelque chose d'approchant. Et maintenant, plus que jamais, j'apprécie le dessin, car il va me rendre un précieux service. Bie·ntôt, c'est Noël, et, chut, . . . . ne le dites à personne, car c'est encore un secret, j'ai commencé une gerbe de fleurs que je destine à Maman. Pourvu que mon dessin soit présentable, car alors je le vois déjà figu-

rant près de l'arbre de Noël, et i'enfenda Maman me dire: • C'est bien, Gaby ton ba vail me fait plaisir. • ' • G. S. (15 ans), éc. sec., Sion.

upplémenf du 3-/o 10 de ,t' &cole" LES MORTS ABANDONNÉS

()o()-0-0-0-0

Sujets de rédaction Les 1Jo111mes ont besoi·n les uns de~ autres et se rendent de mutuels services. trez-le par quelques exemples. ooo • On recueille toujours ce que l'on a aemé • Développer ce proverbe quj est vrai: l '' pour le laboureur qui a bien cultivé 8011

champ; - 2' pour l'écolier qui a em~ consciencieusement ses années de classe. _ Conrlusion. 0 00

La maison que vous voudriez habiter. Vous l'avez remarqu~ dans vos promenadea, ou vous la voyez en imagination. Le site] la maison elle-même, sa disposition, le jardin. Comment y arrangerez-vous votre vie? 000

Etes-vous heureux d'avoir votre âge? Voudriez-vous redevenir petit enfant ou ~tre plus âgé? 000

Un homme de votre connaissance est parvenu, à force de travail et de persévérance, à se créer une position ais~ dans l'agriaJl. ture. Vous ferez connaître le récit de sa vie.

ono faire l'éloge de la simplicité. Indiquer Jes différentes lormes qu'elle peut revêtir. Montrer son importance dans les relations sociales.

ooo Quel métier pensez-vous exercer plus tard? Dites les rai sons de votre choix. ooo Un jour de neige à l'école: départ de la maison, le paysage, les chemins, la journée Cil classe et dans la cour, la rentrée à la maiSOD. 000

le feu. Quels sont ses bienfaits? Ne cali" se-t-il pas parfois aussi des malheurs?

ooo L'espérance est un bien précieux pour toul le monde. - Le malade espère. . . Le prisonnier. . . Le pauvre. . . Le riche. . . Ceux qui sont jeunes· et bien portants. . . - Et voul' mêmes ... qu'espérez-vous?

lis ·sont innombrahles.

H e&t vrai de dire que 11olre cœur est un autre tombeau où l'oubli dévore, conune un ver insa~iable, !Ja mémoire des morts. Combien auxquels personne ne pense. dont ·personne ne parle et qu'un oubli irrévo·cable enveloppe ·comme un autre linœuil! En même temps qu'Hs se souviennent de Jeurs morts, les cafuoliques. doivent recommander à Dieu ceux dont personne ne tui parile, :les oubliés, •les abandonnés, tles morts de 1a famille 1ibrepenseuse, ou de 'l a famiHe indifféren1e, ou de œs famiUes encore c..luétiennes, mais où une incurable négligence éteint les mei11eurs sentiments de l'âme. Q ue 'les catholiques intercèdent auprès du Tout-Puissant pour œs vk!imes de ~'ingra:titude, afin qn'a'Près s'être montrés 1es plus généreux à I'égarrl des vivants, ils apparais~ent e!l'core comme 1es plus ohafi.tables envers les morts! Oui, pour tant de pauvres oubUés, offrons à Dieu nos peines présentes, adressons de ferventes prières et R"agnons de nombreuses indu-lgences. En agissant ainsi, nous accomp1irons un grand acte âe compassion ,à 'leur égard, mais nous soignerons en même temps nos propres ·intérêts. En effet, pourquoi cares.ser des iHusions sur notre compte? Pourquoi ne serions-nous pas oubliés à notre tour ~t même presque au lendemain de notr:e trépas? A notre époque d'agitation et de fièvre, ~chaque individu occupe Id-bas une bien petite place; i:l atyparaît le matin, iil disparaît 'l e ·s oir; un -autre prend sa pl•ace et ·en ·efface le souvenir. Un simple coup d'œil sur le paJSsé doit nous persuader qu'i~ en est aimsL Combien nous en avons ·connus qui ont a.t-

~iré un ··i nstant les regards tl qui peutetre. même furent assez naïfs pour se cro1re nécessaires! Très promptement et p~esque à l'insu du monde, ils sont enürs dans 1a maison de 1leur éternité et ·l e silence a 1enveloppé ~eur tombeau~ Si nous visitons le cimetière, tout à coup des noms provoqueront en nous un re· pro~he: Ah! celui-là, je le connaissais bien, mais je n'y pen,sais p1lus! Hélas! l'oub1i ~C'hez les survivants e-~t le véritaMe tombeau des trépassés ! Or, ce qui arrive à tant d'autres nous menace a ussi. Résignons-nous donc à ne transmettre à 'la postérité ni notre souvenir ni notre nom, mais aUors cherchons ail'leurs des amis et des soutiens pour le temps où nous aurons besoin d'être secourus après notre dernier soupir. Contribuons maintenant à ·l a délivrance des âmes les p1.us abandonnées dans le purgatoire, afin qu'à ~eur tour, une fois sauvées eUes-mêmes, eHes aient pi-tié de nous et interviennent en notre faveur auprès de 1a miséricorde divine, ou hien inspirent à ·que1qurs fidèles qui nous survivront la pensée de prier pour nous ..

Pleure, Espère, Prie A genoux, sur la tombe de mes chers trépassés, en cette vallée de larmes, je dema::tde à l'Eglise catholique les paroles de consolation pour mon âme en deuil. ]'ai si grand besoin qu'on me parle de mes bien~aimés a!J' sents! Elle me dit: • Pleure, les larmes sont per· mises. Jésus n 'a-t-H pas pleuré devant le tombeau de son ami Lazare? N'a-t.il pas tremblé de pe·ur et d'angoisse lui-même, en face de la mort, au soir du Jeudi-Saint? • Oui, mourir est affreux. 0 mort, qu'as-tu Iait de .mes bien-aimés? Ces yeux éteints ne me verront plus; celte bouche impitoyablement muette ne satlJI'a


195 194 plus se plaindre ni m'adresser jlln mot d'amour; ce sœur si tendre est glacé 0 mort, tu nous as ·s éparés; pour un temps, il est 1vrai, mais 1oujou:rs trop long ,pour qui aime. Et mes larmes coulent. Mais ces pleurs, l'Eglise les !Console en me donnant 'l'espérance. Elle m'a d.it que quiconque croit en JésusChrist, fût-il mort, vivra. Elle me dit qu\Jne âme pure, si elle Jaisse de ce côté-ci une [amille éplorée, trouve de l'autre une famille radieuse. Elle me dit: ce corps lui-même, que la mort dévore et dévorera pendant des siècle'>, a aussi des promesses. La mort ,sème les co11ps des chrétiens, comme le laboureur jette le grain dans le sillon. N'y eut-il plus de chaque corps qu'un seul grain de poussière; vivifié à nouveau par son ,âme et frappé d'un rayon de la toute-<pUissance de Dieu, ce germe humain refleurira, s'épanouira, ressuscitera dans la gloire! Quelle espérance pour l'au-revoir! Enfin et surtout 'l'Eglise mc dit: Prie. Elle me dit que parmi les âmes qu.i ;se sauvent, ·il n'y en a que fort peu qui n'emportent pas de œ monde des dettes considérables, e1 qu'il serait cruei de les croire déjà au ciel, tandis que .peut-être souffrent-elles encore et terriblement au Purgatoire. 0 égoïsme barbare, qui se contente de pleurer, d'orner les tombes, de louanger les disparus, tandis que ceux-ci soupirent 11.près le soulagement el ~a délivrance! On passe de long:ues heures -au cimetière et pas une à .l'église. On a sous ·la main des trésors d'expiation et de rédemption: mille bonnes œuvres, mille secours. On a Je jeûne, l'es pénitences, les pauvres, les malades. On a les indulgences, les sacrements, la sainte Communion. On a la messe! la messe, le sang versé de Jésus, le sang rédempteur tombant jusqu'a~ fond du ·P urgatoire comme une rosée rafrllchissante, comme un lleuve de purification et d'expiation? Et ·l'on ne pu.ise pas dans ces trésors ou-

verts. On n'entend pas .]a plainte de l'itne sou.firanle: • Ayez pitié de moi! ....

De par le Cœur . .. La nature fut le premier livre des hommes. Les fleurs en restent encore l'alphabet d 'amour. La fleur est un langage .... Elle dit des choses frivoles et douces, elle exprime des amitiés profondes el des deuils affreux. Tout Je monde a besoin de la fleur: b .pâle ouvrière 'la cultive à sa ff'nêtre; J'anar· chiste lui-même a voulu s'exprimer .par el1e: la pauvre et jolie ég.Jantine, si Mlicatement ci. selée par le Créateur, a fleuri Je ,bourgeon des • purs • et chanté ;Je pi'lonnage des bourgeois. La semaine qui s'ouvre par la Toussaint aura été la semaine de la fleur. Tous ces jours, des mains pieuses sont allées fleurir les sépuHures: tombes silencie~L ses des cimetières solennels, rustiques tumu!i bombant à peine sur la plaine. On veut que la tombe soit bel1e et riante pour le jour des Trépassés. On veut sou· haiter la fête à ceux qui sont partis vers l'audelà. Et comme la mort est ténébreuse, on troutra ce noir avec de la vibrante lumière. Cette lumière, on la demande .à la Heur, aux roses de toutes 1es nuances et de tous Jes par· fums, aux œillets aigus et tourmentés, aux grands chrysanthèmes qui ont .!'air de chevelures défaites et de flammes qui ne veulent pas mourir. Cette tradition est bonne et belle. Rappelez-vous ce geste joli des femmes grecques, au soir du n-aufrage du • Bouvet., effeuillant des fleurs sur ·la mer qui venait d'e ngloutir des centaines de marins. Mais si l'on se borne à ce geste, il faut avouer qu'i·l est bien peu de chofe, et qu'il ne pèse pas plus dans la balance éternelle que le pauvre petit pétale sur l 'imm~nsité des f!ots. Vous tous, qui lirez ces ligues, portez, SI

vous ·le voulez, des fleurs - pa.s trop à vos tombes. Mais portez .sUJrlout de Ja prière! Où est-il celui qui est parti ... ? Son COI'ps est étendu ~à. M.ais l'âme qut animait ce corps? . .. ? l'âme qui souriait par ses yeux . . . qui parlait par ses lèvres . · · ? l'âme qui, .si souvent, a !l'échauffé votre âme . . . où est-elle ... ? jetez à l'au-de}à l'angoissante question ; c'est le ,silence qui r6pondra. Silence providentiel .... Dieu semble dire: • Prie d'abord . .. prje toujours... prie pour l'aider... peut-être pour l'honorer, mais. . . prie! ... • feuilletez toute J'histoire, regardez autour de vous. Vous verrez toujours, et dans tous les pays. l'humanité à genoux, priant pour ses disparus... les morts de demain suppliant poor les morts d'hier ... Et sans vous laisser troubler, même une seconde . . . avec des fleurs a,pportez des prières. Et puisque je m'adresse l des chrétiens, j'ajoute : apportez la meilleure prière, qui est celle du Christ: faites la sainte communion! ... La communion de Pâques est obligatoire de par pn commandement. Celle de la Toussaint l'est de par le cœur. Il y a une Semaine sainte du Christ ... Il y en a une autre... celle de nos défunts. Trouvez-moi une raison, une seule, qui dispense un chrétien de communier pour ses morts. Que cette semaine soit donc toute de recueillement. Penchés sur le passé, écoutez les voix de ceux qui y sont entrés. .Pour mieux entendre, purifiez vos âmes. Puis venez à ce Christ qui a dit ces paroles augustes: • Je suis la Résurrection et la Vie! Celui qui croit en moi, même s'il esr mort, vivra. Et moi, je le ressusciterai an dernier jour .... -Et alors vos yeux rougis de larmes ne fixeront plus avec désespoir la terre Jourde ~'au­ tomne opprimant de tout son poids 'le bienaimé . . ..

·Le bien-aimé n 'est plus ~à. . . . Il est tout près, dans le monde .invisible des esprlts . . . . Il est dans ce pays que chante l'Eglise avec une précision si consolatrice, < dans ~e lieu de la lumière, du rafraîchissement et de la paix •· Communiez tous .pour ,vos chers morts! ... PIERRE L'ERlMITE.

Le Serment Il avait p lu la veille. ft~

n

avaH plu l'avant1

La mobilisation, rapidement menée, était achevée. On deva,it ce jour-ci, prêter serment au drapeau. Le soir même, les troupes partaient pour la frontière. Deux jours, iJ avait plu. je vois encore, sous les frondaisons ruisselantes des avenues la sombre ligne des compagnies rassemblées derrière les faisceaux; 'l es hommes si:Jencieux, graves; les sergents-~ors faisant leur distribution; et soucieux, les officiers, par eroupes, discutaient la marche rapide des. événe. ments: Le Luxembourg envahi, la menace allemande en Belgique; les première rencontres entre français et ,Allemands à notre frontière; l'énigme italienne .... Je vois encore l'arsenal pris d'assaut. Dans la cour, encombrée de matériel, une batterie d'artilleurs. Les canonOJers contrôlent les pièces; les conducteurs, les harnachements. Bourdonnemenis sonores. d'appels et de voix mêlées dans la vaste ha1Je dallée. Roulements des canons qu'on traîne; fracas des fourgons quittant les ateliers; caisses entrechoquées. . Des subdivisions entrent, d 'autres. sorteat. Des crosses :résonnent sur les dalles. Et sur tout cela, sur cette fièvre mal dissimulée, ces angoisses devinées, sur cette attente des sens énervés, trompé par ces actifs préliminaires, ,Ja pluie. .. la pluie... la pluie .... Je vois encore aux abords de la petite cité, dans d'immenses vergers, parqués et tassés à la corde, des centaines et des centaines de mulets et de chevaux, serrés, tranquilles, les


196 197 orei11es couchées sous la mouillure. Il fallait choisir et répartir, dans ce formidable troupeau, les bêtes pour l'infanterie et les armes spéciales. Et non loin, sur la route cantonale, où des sections stationnaient, le licol en ma ins, il y avait, abrités sous de larges para· pluies aux couleurs .variées, une foule de montagnards - propriétaires de ch.:vaux et mulets, attendant patiemment qu'une voix de stentor partie de l'abri de planches, où siégeait la Commission d 'estimation, appelât leur numéro. Et sur ces milliers de bêtes descendues des quatre coins des montagnes du canton, .sur la foule des paraplu;es de couleur ct les Commissions d'estimation ... la .pluie ... la pluie. . . la pluie. Je revois tout cela d'une façon si nette! ... Et derrière cette image à laquelle les circonstances donnaient un mordant Încisif, d'autres souvenirs militaires surgissent. . . mobilisation de paix, écoles de recrues, cours de répétition ... souvenirs déjà embut:s de passé. La vei.lle de la prestation, ou avait remis le dra.peau au régiment. Nous artilleurs, nous regardions le magnifique spertacle avec une attention profonde. Ce drapeau, que 'l'on voyal! de loin, aux défilés ou aux manœuvre3, et auquel nous n'étions pas accoutumés, pour la première fois, il nous avait presque effleurés dans cette sorte de marcha votive qu'on lui faisait accomplir autour des çompagnies dans le cercle occulte qu'il avait dessiné audessus des bataillons sentirent passer en elles l'héroïque frisson qui soulevait l'âme du rég:ment vers sa pourpre resplendis5ante. Trois mille baïonnettes étincelèrent. Trois mille crosses heurtèrent le sol. Et Je sol trembla ... Jour de prestation. Un jour gris. Un vrai jour d'arrière-automne, morose, plein de nuages menaçants, entraînés par le vent du s ud. Il ne pleuvait pas. Le brouillard cachait les montagnes. Une lumière terne fil'trait des nuées remuantes. Et on ne devinait le soleil, nuLle part. Nous nous retrouvions, comme la veille, sur la place; le régiment et nous, les armes spéciales, artillerie, mitrailleurs el génie. Au fond du régiment, les ~rois bannières Hottaient librement. EUes illuminaient le morne pay~e

sur .lequel pesait l'ombre de la guerre. Le ra· yonnement descendu du drapeau nous ew. ta i!; on écoutait, ravi, le froissement de la soie rouge dans J'espace, comme des voix.... Autour de nous, la rumeur de ·l a foule, avide de voir et participant, elle aussi, de J'enthousiasme sacré qui nous é1reignait. Ma'1s ce sacrifice - ce don de soi-même, cette ol· frande ~e notre vie; cette abdication totale el absolue - sans retour - que nous aviou fai ts la veille solennellement, au drapeau, dans le silence de notre cœur, - il fallait ·Je renouveler, il fallait en exprimer le sens par k! geste et la parole. La patrie avait besoin d'en. tendre -les voix de ses soldats prononcer !e serment de fidélité! Le vent de la terre na· tale avait besoin de rafraîchir ces mains Jevées ! le ciel du pays natal avait besoin d'accueillir cet acte de foi, comme jadis, avant d'engagèr la bataille, nos pères, déposant leurs hallebardes, tête nue, s'genouilla ient pour prier . ... Et comme une incantation magique, le • je 'le jure! •, prononcé par mille ei mille voix, s'éleva des troupes immobiles, dépassa la multitude des bras dressés et monta dans n lumière, se confondre avec J'âme de la race, s~ confondre avec l'immortelle épopée helv6tique, c:u i veille ,au fond de notre passé, debout dans sa gloire. CHARLES GOS.

Les femmes et la patrie Toutes les fois que le patriotisme monte jusqu'à l'enthousiasme dans un pays, les femmes l'éprouvent au même degré, et même à un degré su.périeur aux hommes. La patrie ne leur appartient pas plus qu'à nous. mais, comme elles so11t, par leur nature, plus impressionnables, plus sensibles et plus aimantes, elles s'incorporent plus personnellement, pu tous leurs sens et par 1out leur cœur, l ce qui les entoure. Cette chère et délicieu:;e ima· ge de la patrie se compose, pour elles, de leurs mères, de leurs sœurs, de leurs frère&, de leurs époux, de leurs enfants, de leurs foyers, de .Jeurs tombeaux, de leurs temples, de leurs dieux, et elles s'y attachent comme les

choses faibles aux choses fortes avec aut.m·t plus d'enl.ace~~n4s et de frénési~ qpe, quand ces appu1s s ecroulent, eHt>s périssent avec eux.

*

*

de ses correspondants, qui se trouvait dans le dernier train de Varsovie au moment de ·l'avance allemande. Le récit s'ouvre sur ia pla.tefonne de ·la gan., avant le départ du tram:

. ~~ puis (nos pères le savaien.t), la femme, ~nfeneure par s~s sens, est supérieure .par son - On ne fume pas ici! ame. Les Gaul?t~ lui at1ribuaient un seJts de plus, le sens diVIn. Ils avaient raison La naLe . Cosaq.ue jeta sa cigarette comme si t~re leH.r a donné deux sens douloure~x ma is celle-cJ venatt de brO.ler ses lèvres et fit le celestes, qui les distinguent et qui les élèvent salut militaire. L'ordre, lancé d'un~ voix aisou~~~ au~dessus de la condition humaine: gre, .perça?te, semblait venir de quelqu'un qui la p1hé et 1enth?usiasme. Par la pi-tié, elles se dévoue~t,. par l enthousiasme, el'les s'exaltent. bse · trou.va tt à la ha·ut~ur de mon coude e,t ats~ant mon regard, j'aperçus, à .mes côtés, ~xalt~.t10n et dévouemem, n'est-ce .pas là tout 1~érot~me? Elles ont plus ~ cœur et plus sur la plate-forme encombrée, un gentil petit d.tm~gmahon que l'homme: c'est dans J'ima. garçon vêtu d'un uniforme d'officier de cogmat10n , qu'est l'enthousiasme, c'est dans le saques. 11. n'avait pas .vius de trois pieds de cœur qu est le dévouement. Les femmes sont hau~ (moms d 'un mètre) et ses bottes atteidonc plus naturellement héroïques que les hé- gn.ale?t presque l'endroit où, sr1r sa poitrine, ros. Et quand cet héroïsme doit .aller jusqu' au merveille~, c'est d~une femme qu'i l faut bnLiatent deux croix de Saint-Georges. . Le ~ong avertisseur résonna deux fois. La attendre le mt racle. Les hommes s'arrêteraient VOIX Cfla: à la venu. - Ici, .fes enfants! * . Les énormes Cosaques qui allaient et Toutes les nations ont dans leurs annGies que.Jques-uns de ces miracles de patriotisme vena1ent sur la plate-forme· se réunirent de· do~t une fe~me est l'instrument dans les vant le marchepied du compartiment de troi· ma ms de D1eu. 9 uand tout est désespéré siè~e classe qui leur était destiné, pénétrèrent dans une cause nahonale, il ne faut pas déses- un a un dans le compartiment et comme le pérer encore, s'il reste un foyer de résistance troisième son de gong se fais~it entendre et d~ns un .cœur de femme, qu'elle s'appelle Judt.th, C:lélte, Jeanne d 'Arc, la Cava en Espagne, que le train s'ébranlait, l'étrange petit officier Vtttona. Colonna ~ Italie, C~arlotte Corday s'é~ança sur le marchepied et pénétra dans Ja de nos JOUrs. A _Dteu ne pla tse que je com- voiture, ·le dernier, à la suite de ses • enpare cc Iles <!ue !e ''!tt' r Judith et Chariotte fa nts •. Corday se devouerent, mais elles se dévouèC'était Misha Turukhani-s. m~.nt Jusqu:au crime. Lcru ms.piration fut héIl Y a beaucoup de ses pareils dans l'arrOtq·~e, ~a 1s Jeu~ héroïsme se trom.pa d'armée russe. Ceci, je l'appris plus tard avec me: 1! pnt le ~tgnard du meurtrier, au lieu d'autres détails, lorsque les officiers ;usses de sa~str le glat_ve ~u héros. Leur dévouement lut celèb~e, mais tl fut flétri, et c'est juste. allèrent chercher le petit Misha et l'amenèrent Jeanne d ~c ne s'arma que de l'épée de son dans un compartiment qui seyatt mieux à son , , auss~. fut~lle •pour s~n .temps, non pas grade. l t.nsptrée du patno!tsme, mais I'insPourquoi voyageait-il en troisième ~l~s~:>' de Dteu. tout bonnement ,parce que ses hommes étaie>nt A. DE LAMARTINE. heureux de J'avoir avec eux. Mais il avoua ~u~ le nouveau compartiment où il se trouvait eta t! plus conf'Ortable. Misha Turukhanis obs~rv~i! ·une ~ttitu~e qui ne manquait pas de dtgntfe et qut éta1t en harmonie avec ses 13 Dans son dernier supplément russe Je ans. ~e ne l~i en aurais donné que 10, san.s son dtre. Mats on ne doit pas mettre en doute publie un très curieux récit d'un la parole d'un officier ....

Misha Tnrokhanis


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I!J9

lait se produire, je sauiai à son cou, que j'entourai de mon bras gauche,_ et, m_'étant affermi, je pressai av~ ma mam d1"ootte la gueule du revolver contre ·l a poitrine et je ;il> auss·itôt jouer l'arme, qui le perça d'une balle. Il poussa un hurlement, s'ébranla et tomba de tout son haut, m'entraînant avec lui. Jt parvins à me dégager, le retournai et m'employai à le fouiller. • Il portait des dépêches. Je m'e_n emparai. • A ce moment, .j'aperçus les cmq uhlliiS qui, sur le sommet d'une élévation, ~­ daient autour d'eux, se demandant évtdem-ment d'où avaient pu partir le coup de feu et le cri qu'ils venaient d'en~endre. Je courus vers le cheval de l'Allemand - ils avaient tué le mien - et je sautai en selle juste au moment où les cinq uh lans me découvrirent. llr. se mirent à me poursuivre et à tirer sur moi, mais c'étaient des manchots, ces pauvrtt uhlans et ils duretlll finalement abandonner 'la pou~suite, car mes camarades ~t'étaient plus loin. Je regagnai ainsi mon régtment avec le cheval de 1' Allemand que ,j ~vais tué, et avec ses dépêches. • Pour ceci, Misha ne reçut pas seulement la distinction de Sain~-Georges, mais Je grade de lieutenant honoraire (praporshchik). S. nomination fut confirmée. H obtenaii: bient6t une seconde médaille à la suite de deux bletsures reçues dans l'attaque d'une redoute. _ Mais demandai-je bientôt à Misha, que pensent vo~ hommes de votre sévérité à l'énou. . _ Or dit Misfta avec un sounre, c'est là gard des cigarettes? que j'av;is placé mon revolver ~utoma_tique. Et Misha me répondit: Quand l'homme me déclara qu tl allatt t~e - Evidemment, on ne s'attendait pas à les conduire avec :une corde au lieu de me tentr voir obéir à un petit garçon comme moi. par la nuque, comme il l'av~it f~it jusque:-~à! Mais, voyez-vous, .i l ne faut l'as oublier que je lui dis: • Oui, cela vaudrut ~teux, car 1~'~ je suis un officier. , des dèmangea'isons dans mes Jambes et Je Telle est la discipline dans l'armee russe. pourrai me 21'atter sans vous demander la pernli$sion de me pencher.• • Nous allâmes ainsi, continua Misha, vers son cheval qui se trouvait à Wle certaine distance dans la direction de nos •ltgnes. Qua~d Ce 1·our-là on faisait des confitures. LI nous' lûmes arrivés à mi-chemin, je me bats• ' de la petik Char1o tte sur• maman et la bonne sai, glissai ma main dans la poche de mon nommée Chouchou, étaient si fort occup&l ~ pantalon, saisis mon revolver et, avant. que à la cuisine, qu'elles avaient pr ié le papa de ~ l'homme pût se rendre .compte de ce qut al-

Comment avait-il gagné sa première distinction de Saint-Georges? 11 consentit à me l'apprendre. On avait eu des raisona de supposer que son régiment, opérant dans une région légè: rement boisée, courait danger ~'être e~t~ur~ par les force.s allemandes. li avatt été depeche en reconnaissance comme d'autres et se tro~­ vait bientôt séparé de ses ~o~lpagno~s; JI avait aperçu un Allemand qut s·avançaJt vers lui. fort de l'espoir que le regard de 1_' All~­ mand n'était pas aussi perçant c;ue le st_en? ~1 avait gJissé de son chevaJI,_ ior_cé . celu~t-ct a s'éloigner et rampant, s'éta·tt dtsstmu1e dertrière un bou~uet d'arbustes. Mais l'Allemand l'avait vu avait sauté à bas de son cheval qu'il avait attaché à un arbre e~ profi~ant cte ce que le petit Misha se trouv.ut empech~ --: par Vépais feuillage de son a?rt - de sulvr~ ses mouvements s'était adrmtement approch_e de ·lui et, le pr~nant par surprise, 'l'a~ait lat~ prisonnier. Aussitôt le vainqueur avatt donne à entendre qu'il 11'avait besoin d'aucune ;~s­ sistance puisqu'il ne s'agissait, après tout, que d'un enfant. Les nouveaux venus s'en allèrent donc, e~­ portant, toutefois, le fusil et la lance du pet.tt Misha. . l'AHemand se mit à touiller l'enfant, m~t~ ne s'aperçut pas que le pantalon de celut-cl avait une poche pratiquée au-dessus du ge-

Le Chef-d'œuvre de Chouchou

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garder la fillette dans son cabinet • seulement pendant une 'petite heure •. ·le palp a fort occupé à corriger les compositions de ses élèves (il était professeur de mathématiques) avait dit: - Je veux bien, mais c'est à la condition qu'eJ.Ie se tiendra tranquille, j< n'ai pas le temps de jouer. - Chouchou sera très sage dit la maman . Je vais lui prêter • l'Histoire d'un Ecolier ' · Ce livre-là l'amuse beaucoup. Or • PHistoire d'un Ecolier • un gros livre dans lequel l'oncle de Chouchou avait jadis retracé sa propre histoJTe. On l'y vo· yait commençant ses études ~ J'âge de six ans chez le boJthomme Foue!lard, instituteur à Trépigny-les-Anons, les continuant ensuite à Paris, chez tes bons Frères, puis chez les Pères Jésuites, et, après avoir traversé l'ère des retenues, arriver à l'époque glorieu· se des prix d'excellence et des bou•les blan· ches du baccalauréat, le tout entremêlé d'a· ventures plus ou moins burlesques. Cet album avait fait .!es délices des trois frères aînés de Chouchou, si bien qu'il n'était plu.:; de la première fraîcheur, mais on y tenait beaucot~p dans la famille, et le papa ne trouvait pas prudent de le confier à Chouchou. Mais elle le tenait déjà, et, si on le ~ui eût retiré, elle aurait poussé des cris, mademoi· selle Chouchou étant une petite personne passablement volontaire et gâtée. Donc 1a maman s'en retourna vers ses confitures, le papa se replongea dans les X, et Chouchou se mit à regarder les images en gazouillant doucement ses peti te:o réflexions. Mais voici qu'on entendit sonner à la porte; un visiteur fut introduit au salon, ·le professeur alla l'y rejoindre en laissant la porte mtr'ouverte: - Sois bien sage, Chouchou, dit-il en pasliant près de sa fi11ette. Dès que Chouchou se vit seule, eHe s'en alla grimper sur le fauteuil de son père et inventorier le dessus de son bureau. Des livres, des papiers, pas une image, pas un k>nbon, mais une écritoire .remplie jusqu'au bord et plusieurs plumes.

.- . V~ilà mon affaire, se à ii Chouchou, je vats ecnre. Mais elle se rappelle qu'elie a été fouettée Ja semaine précédente p our avoir collé des pains à cacheter sur une lctlre commencée par son père, et, sagement, cilt.: en conclut qu' il ne faut pas toucher aux papiers :paternels. Elle trempe alors une plume dans l'encrier, et retourne à .sa place. Puis, choisissant parmi les figures des écoliers ccHe qui lui ~lait le moins, un affreux gamin en pénitence, fa,sant la moue, elle lui barbo~ 1 ille 1a face, cot agrémente son pantalon el sa veste de dessins fantas tiques. Cela l ui paraît la plus jolie chose du monde, elle se complaît dans son œuvre, elle la perfectionne avec un soin digne d'une meilleure cause, ci par trois lois elle retourne à l'écritoire, -marquant son p_;Issage sur le tapis pa.r force taches d'encre, hélas! Pauvre Chouchou! voilà (;ue le visiteur s'en va, 'le papa revient, el en voyant le chef· d'œuvre de sa fille, jette un cri de détresse. La maman accourt, la bonne, effarée, la suit, tes cotiitures qui &'obstinaient ·à ne ·pas bouillir, atteignent tout à coup les cent degrés centigrades, se gonflent, débordent, remplissent la maison d'un nuage de va·p eur parfumé de fraises et de caramel! Cris, tumulte, désolation. Chouchou, très étonnée, dit si!tjplement: - Je vou·lais faire un petit nègre, mot! Exaspérées par le débordement de leurs confitures, la maman et la bor.nc ne parlaieni que de punir sévèrement Chouchou; mais Je papa s'en prenant à lui-mên;e de l'accident, ne voulut infliger à la petit<! qu'une légère admonestation. - C'est ma faute, dit-i l j'aurais dû ne pas la laisser seule. Et, perchant s ur le plus haut rayon de sa bibliothèque • l'Histoire d'un Ec0lier •, il décida que Chouchou n'en reverrait les images que 1orsqu'elle aurait atteint l'âge de raison. Mlle Julie. LAVERGNE.


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Variétés CE QUE LA GUERRE ACTUELLE CONSOMME DE MUNITIONS Du ,Bulletin des Armées françaises": Pendant la totalité de la campagne de 1870, l'artillerie a:llemande tira environ &17 mille obus, à savoir 479,000 sur des for• feresses françaises el 338,000 en ra se campagne. La dixième partie de ce dernier chilfre représente les projectiles tirés au cours de la bataille de Saint-Privat, qui lu! ia plus grande mangeuse d'obus de foute la guerre. Dans la guerre russo-japonaise, qui a êté plus longue, mais où .)es forces en présence étaient bien inférieures et où les journées de combat a·I1ernaient à de grands intervalles, l'artillerie tira seulement 954,000 obus, eu grande majo rité avec les canons de campagne. Pour ce qui est de la guerre présente, les indications précises font encore défaut. Ce· pendant, de quelques faits connus et officiellement enregistrés, on peut déduire que la consommation des munitions a dépassé tout ce qu'on pouvait imaginer. Il est arrivé, par exemple, qu'en une seule journée l'un des belligérents a lancé plus de 100.000 obus sur un front de 8 kilomètres. Le nombre de coups par mètre de front est en moyenne six fois supérieur à celui des journées les plus chaudes de la guerre de 1870. On sait que, d'après 1es communiqués rus· ses les Allemands, au cours de la }}1laille de Galicie, prodiguèrent 700.000 obus, menés par un millier de vagons. D'après un communiqué lrançais du 17 juin, notre artillerie a tiré au nord d'Arras, en vingt-quatre heures, 300,000 obus. c'est-àdire presque autant que toute l'artillerie de campagne allemande en 1870-1871. · Le poids de ces 300,000 coups de canon peut êlre évalué à 4 millions 500,000 kilogrammes, c'est-à-dire que leur transport a exigé plus de 300 grands fourgons, soit plus de six convois de chemins de fer. Ce transport eût demandé par route 4000 voitures à six chevaux. La dépense ressort à 9 millions 375,000 francs. l'

LE SURNATUREL ET LA GUERRE Dans son • Histoire illustrée de la Ouerre •, en cours de publication, M. Gabriel Hanotaux se pose les deux questions suivantes: • Comment l'étonnante organisation de l'Allemagne n'a-.t-elle pas assuré la victoire l cette puissance? Comment, après Charleroi, les armées frança;ises ont-elles pu se ressatsir et courir sus à l'ennemi dans l'Aisne et dans les Flandres? • La réponse que lait l'éminent académicien mérile d'être marquée. La voici : • Cette 1·e.prise merveilleuse de la !orhme lient au mirarle ... Miracle de résolution et d'énergie de la part des chels, miracle d'endurance et d'entrain de la France qui ne voulait pas périr, miracle de la loi immanente des choses et de la volonté divine qui ne vou. lait pas que la France périt. • Au lendemain de ce • miracle • , l'un de ceux qui y avaient le plus contribué, le général Foch, répondait à Mgr I'Evêque de Cahors: • Monseigneur, ce n'est pas moi qu'il faut remercier et féliciter, mais bien Celui qui est là-haut et qui seul donne la victoire. • Dans le même lemps, exactement le· 15 septembre, le général .Pau, de passage à Paray· le-Monial, se rend au sanctuaire des apparitions où il s'agenouille et prie quelques instants el dit ensuite au Supérieur des chapelains: • Il faut prier beaucoup. • • Plus récemment, le général de Castelnau répondait à son évêque el ami: • PlllS que jamais je constate à chaque pas quel role capital jouent à la guerre comme ailleurs, œ qu'on est convenu d'appeler les • impond& nbles •· Ces impondérables sont manifeste· ment entre les mains de Celui qui sait tout, qui mène toutes choses. «.Combien je vous remercie de prier avec ardeur le Tôut-Puissant de bénir nos armes et d'éclairer en ma pauvre personne le débilll instrument de ses saintes volontés! Le ::on· cours d'âmes privilégiées comme la vôtre m'est un réconfort et accroît ma contianœ dans le résultat final. . . •

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Ceux qui sont morts La grande el triste erreur de quelques-uns mêmè bons, c'est de s'imaginer que ceux qu~ la mort emporte nous quittent. Ils ne nous quittent pas, iJs restent. Où sont-ils? Dans l'ombre? Oh! non, c'est nous qui sommes dans l'ombre. Eux sont à côté de nous sous le voile 1 • ' ) pus presents que jamais. Nous ne les voyons pas, parce que ·le nua·ge obscur nous enveloppe, mais eux nous voient. Ils tiennent leurs beaux yeux pt~ins de gloire arrêtés su.r nos yeux pleins de larmes. 0 cousolaiion ineffable! Les morts sont des invisibles, ce ne sont pas des absents! . fai souvent pensé ~ ce qui pourrait le nueux consoler ceux qui pleurent. •Le voici: c'est la foi à cette présence réelle et ininterrompue de nos morts chéris. C'est l'intuition claire, pénétrante, que par la mort ils ne sont ni éteints, ni éloignés, ni même absents mais vivants près de nous; heureux, transfigurés el_ n'ayant perdu dans ce changement glorieux m une délicatesse de leur âme ni une tendresse de leur cœur, ni une ,préférence de leur amour; ayant, au contraire, dans ces profonds et doux sentiments grandi de cent coudées. La mort est pour les bons la bonté éblouissante dans la lumière, dans la puis· sance et dans l'amour. Ceux qui jusque-là n'étaient que des chrétiens ordinaires deviennent parlaits; ceux qui n'étaient que beaux deviennent bons; ceux qu.j étaient bons deviennent sublimes! Mgr BOUGAUD.

Les Feuilles d'Automne . Elles atteude.Jt, pour mourir. d'avoir at-

feu~! l'apogée de _leur beauté. j'en fus parti· culJè.rement f~appe cette année où jamais je

ne VIS .les feuilles d'automne si belies. Les deJnières semaines d'arrière-saison à J'atmosphère . si douce encore et ensoleillée, ont mûri la feu1lle avant les précoces gelées. Elles ont sans surprises hâtives, sans ouragan préma~

tu.ré, acquis la plénitude de Jeurs coloris, at· lemt le terme de leur vie et matnlenant parées en beauté, elles quitt~nt une à une ' leur r~!fleau, au gré du vent qui passe, avec J110ins d apreté pour .eLles que pour nous. Oh! ces coms de bois, ces jours derniers! Les avez-vous remarqués sous ce soleil autonmal aux rayons ad~ucis, glissant comme une caresse SJ I~ l~ s femlles 1aunies et légèremen~ ;ecroquevJ~lees? Avez-vous vu la somptuosJie de ces temtcs, l'harmonie de ces tons-;~ Avez-vous saisi la délicatesse de .ce bouleau'· le charme de ce coin, là. sur la péute · la beau~ té de toute la forêt. La ,richesse et ia variété lies couleurs semblait un rayonnement de vie. J'ai cru voir des feuilles vibrer, et prêtant l'oreille, j'ai été surpris de ne pas 'entendre s'élancer d'elles un cha 1t sentblable à celui de la cigale. Hélas ! c'eût été un chant du {Cygne! Car les feuilles ne sont si jolies que pour mounr bientôt. La forêt en a bien conscience. Mal· gré celte rutilante beauté, elle est d'un calme qu i, pour n'être pas aust<he encore, est ,plei11 d'une mystérieuse mélancolie. Il n'y a plus de chants d'oiseaux. Quelques mésanges charbonnières, une nonnette par-ci, par-là, sont les derniers hôtes de l'été. Sur terre, plus de cette vie n;muante et ac· live des insectes. J_e sol, jonché de brindilles et de feuilles trépassées, est morne. Le seul bruit qui s'en élève est celui des rameaux que l'on casse en ,marchant. Mais toul cela a un charme si pénétrant! Ou ne parcourt pas la forêt en automne comme au printemps. Il y a plus de recueillement ,en octobre qu'en avnl. Les yeux saisissent, avec davan!age de profondeur cette beauté qui va disparaître. I...t cœur comprend mieux la paix de ces grands lieux. De sentir la fin prochaine de toutes ces feuilles, )'âme semble s'épanouir et s'élancer en haut. De la mélancolie s'infiltre peu à peu dans le cœur. Les yeux errent des touffes de bois aux nuages argentés .susnendus dans le ciel .... · Et tout en marchant, le vent qui frôle le dessus des arbres détache quelques feuilles d'or frangées de pourpre. Elles voltigent dan s l'air, belles et légères, et viennent choir à nos pieds, comme pour nous Jaire l'hommage de leur pauvre dépouille. La beauté de la feuille est Je commencement de son agt nie. Se parer et mourir! La .mort de la feuille est plus belle que la nôtre! F. DES SAULES.


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Les Voilà r >>

Il y avait cinq semaines que la compagnie avait fiché son bivouac sur l'alpe de 0., une alpe sèche, sans plis, sans al1bres, sauf ces derniers tronçons de mélèzes éventrés par la foudre, et dont les :restes faisaient juste pour :les cuisines et les feux de nuit. Ce secteur de la frontière est le pays le plus coupé que je conna~sse. Quatre torrents, qui beaucoup plus bas rse ll'enouent .pour former le va'l Bedrasco, vous le partagent en quatre cai-ssons profonds entre lesquels vous pouvez chercher les chemins! La carte en offre quelques-uns .pour la bonne façon, mais les indigènes s'en passent. Une fois leur troupeau cantonné dans l'un de ces box, il y broute rjusqu'à la rracine ce que ,lui laissent d'herbe ·les genêts et les rhododendrons, repassant dix fois par jour au même endroit; on l'y laisse crever de faim plutôt que de « remuer •, et dans cette 'in d'août, •le pâ'turage n'était p1us depuis longtemps qu'une pelu.che terreuse, que le troupeau s'y :promenait encore, les flancs maigres, les tétines à sec, reléchant la natte jaunâtre, et poussant le jour et la nuit de longues bramées de famine. La nuit, les bêtes se rapprochaient des tentes et faisaient aliment de tout, papier, linge, chaussettes; on -était réveiHé par des renmements au ras du sol: c'en ,était une qui vous tiraillall par :Je bout la ramée de sapin de votre litière. Alol"s la garde de bivouac accourait avec des jurements, des sabots détalaient, on entendait ce bruit mou de caiUou contre un cuir . .• J'ignore ce q.ue valent les secteurs d'alentour, mais ·le nôtre devait les surpasser tous en déso1ation. Car un ,peu plus bas, le vallon se coudait, de ·sorte que du seul côté où les yeux espéraient a'horizon, i~s se butaient à d'horribles vantaux de montagne pourrie; et de tous les côtés le même encerclement, les mêmes pierrailles désolées, où traînait tout ·le jour la 'lave grise du soleill. Ce soleil était le pire de tout. Le ,bivouac accroché à la pente, sur une console étroite, n'en perdait pas un trait, pas une calorie.

Entre le soir et l'aube, le terraàn minœ 111 refroidissait pas. Aux premiers pas hors de la tente, vous SOU!Ieviez ria poussière de Il veiUe, que la rosée n'avriva~t :plus l tasaer. Cette ,poussière de montagne, 9Ubti1e, Ùlslnuante, qui vous traverse les habits et Je liage et colle au corps. Il n'y avait pour Mnai dire pas de matin, les journées COillDleQ.. çaient et s'achevaient dans un midi continueL Pour nos hommes, habitués aux vallons lraia qui .s'éveillent sous un givre de ·rosée, tout bruissants de cascades blanches, ce soleil était dur! Et pour nous! Pas un abri, ou bien trop loin, et qu'on n'al'lait plu.s chercher, à cause de cet engourdissement qui noua avait :pi1Îs. Les premiers jours on était œ. cendu à la forêt, les hommes en avaient ramené de jluissant& cha·rgements de branches, dont ils avaient fait des litières, des masquea, des pavillons. En quatre jours, le soleil avait tout grillé, alors ils ,s'étaient dit: • A quoi bon • ? Cette torpeur avait commencé. D'abonl une douleur des yeux, que 1'édat acharll6 obligeait à clrigner tout le temps ou l tenir demi-fermés. On essaya des lunettes de fla· cier, mais la monture vous écorchait la peau, à la longue, et quand on les retirait, I'klat de l'air en était plus •intolérable. Le rebonl des .paupières gonflai1, crevait, se chargeait d'une chassie acide, qui iaisa•it croûte. Eu l'arrachant, vous déchiriez la peau. Les hommes tout le temps démangés aHaient se lei baigner à l'eau froide, et chaque fois en revenaient avec leurs bobos aggravés. Les vues naturetJement s'altéraient, vous inventaient d'étranges hallucinations, un halo perpétuel qui vous cernait les objets, vous doublait les crêtes, et plus près aussi, accrochait à tou~ les re1iefs son arc-en-ciel treniblotant, q111 vous ôtait la ·juste notion des choses. Vingt fois le jour un mirage vous tendait son piège; tantôi le sol vous .paraissait manquer, tantôt vous preniez une colline pour une taupinée; vous ·leviez le ,pied IJ>OUr enjamber une motte, c'était un creux qui avait pris figure de bosse. A la fin ces riens vous donna•ient sur -le tem.pérament. Et .joignez-y ces compresses brO: Jantes du soleil sur la peau, les vessies qu• vous lèvent partout, aux oreilles, aux lèvret,

~os

qui orèvent, la brûlure du co'l et des manaa démangeaison des 'corps sa•les sous le trop rarement changé. Au. commenceon jura.it, ça soulageait, mais peU! à peu s'était mis à sè replier sur soi, dans. sa Jlllluvaise humeur. Le bivouac mâchait sa bile, ne chantait :plus, ne sacrait plus, ne ~;ausa•it plus. Seuls les ordres traversaient Jaconiques et bourrus ·Je si'lence, et l'homme qu' ils allaient déranger 'bougonnait quelque chose et passait lourdement, avec sa démarche incertaine d'aveugle, tête hasse. A part Je ddl'l du matin, naturei.Jement, on chômait toutè la sainte journée; ·la soupe distrilbuée, sans un mot, avalée en cinq sec, toute la compagnie .se mettait sur Je ventre, à deminue, vautrée par ·paquets dans ces .rectangles d'ombre étroite qui bordaient les tentes. Trois ou quatre obstinés tapaient le carton sur une pierre plate,· mais sans plaisir, avec une espèce de rage. Un mot rauque partait de temps en temps du jeu, ou bien des aJtercat·ions ~urieuses, les cartes volaient en l'air. Sans notre présence, les couteaux seraient sortis des .poches. Le cafani, 'l'ignoble cafard, rongeait peu à peu Je bivouac. La nuit, si l'insomnie vous tenait, si vous ne vous étiez pas proprement étourdi avec • quelque chose •, il y avait de quoi devenir fou : Toutes ·les tentes .rêvaient, un cauchemar d'un bout à l'autre. Il y en avait qui chantaient, qui discouraient dans leur patois, des cris .partaient, 'les rancunes du jour parlaient tout haut, on s'attaquait, on allait fai.re son affaire à un tel . . . Souvent nous crûmes à des- affaires sérieuses, on hélait la garde de bivouac, on y allait, on levait le tendelet des tentes: tout dormait, mais d'un vHain sommeirl re· muant, et le rêveuii' révei.IJé se .Jevait sur le coude, semblant revenir de ·loin, et fixant la ·lanterne d'un mauva.is œil hagard. Evidemment, quand je repense à cette alerte, nous nous sommes conduits comme des ânes, mais voici les faits. La compagnie tormait, l'ai-je dit? Ùn poste-frontière, mais sans garde, attendu -l'éloignement considérable du théâtre de 1a guerre. En ·fait d'ennemi, on n'a. percevait guère que des douaniers désœuvrés ou des groupes d'a'lpins sans armes qui mon-

laient _aux crêtes des baraques des plus proches, histoire de changer d'hor·izon et de se moquer de nous. Nulle menace donc, nul su. Jet d'alerte. Pourtant ce fut une belle alerte. Une nuit, en plein minuit, des cris enragés éclatèrent dans le bivouac: « Les voill, ~es voilà! " Des voix essouflées, comme de deux ou trois hommes qui auraient couru pour ap·p orter la nouvelle. Et trois ou quatre tois: « Les voi•là. . . les voilà ..• •, et _les voix qui s'éloignent du côté de la montagne. On se dresse .s ur son séant, on ne veut pas y croire: • Les .... • D'abord qui, • les •? tes Ita· liens, les Boches? En voiJà une aHa·ire! Et vous pensez si, après cinq semaines, on se conchût encore en toilette d 'alarme. On était en chemise, les souliers devant la tente, 'le!> vêtements Dieu sait où. Tandis qu'On. cherche des allumettes, le bivouac se met à remuer. Un seul grognement d'un bout à 'l'autre. Le chef de compagnie, un jeune intér.imaire lent à .se réveiller, se demandait encore si c'était de vrai ou du .rêve . ... Quand au même instam, voÏ'Ià que .pèt.ent un, deux, trois coups de fusil, toute une fu· sillade, pas très ioin du rbivouac, à deux cents mètres peut-être, avec un .roulement d'écho de tous les diables. Oh, oh! ça se dessinait. Ça n'éta.it plus l'heur~ de 11aisonner. C'en était, pas d'erreur. Il y eut une débrouHte terrible, en deux minutes tout le monde avait retrouvé son saint frusquio, et sautait dehors dans la nuit. QueUe nuit! fraîche, haute, pétiHante d'étoi•les. Et le bivoüac grouiJ.Iait, le chef de compagnie, Je sergent-major, 'les sou.soffs qui retrouvaient Ieur.s esprits, des ordres justes, des lanternes courant de-ci de-là. · . . Les 1premiers prêts arrachaient déjà les faiscea.ux, un lieutenant partait avec e.ux en essa·im naturellement, à la débrouille, direction la fusillade. Et rlà-haut, ·un peu plu.s ·loin qu'avant, ça continuait là crépiter, une vraie mitrailleuse. Ils ne devaient .pas être dts tas, ma·is ·ils mettaient du cœur à l'ouvrage. Pourvu qu'ils ttennenl! Maintenant qu.i c'était, on y :penserait plus tard. Sauf une ,poignée d'ahuris ·qui pleura.ient encore leurs souliers ou ·leur baïonnette, les sections se mettaient en branle. L'appel à plus tard, darne! Quelle fiè·


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204 vrel Pas un mot, seulement ce crissement de rhododendrons fauchés par .quatre cents pieds. N'est-ce pas, l'idée qu'on aurait pu se faire prendre comme marmotte au trou, qu'o~ 1'~­ vait échappée belle, et qulon marchait la maintenant avec sa belle baïonnette en avant, qu'on allait en .retendre, que c'était le combat, la guerre, qui sa,it? la guerre enfin! Il Y avait de quoi vous saoûler comme cinquante tonneaux de fendant. Ce tonnerre d'écho empêchait de distinguer les coups, mais ils devaient être une ,poignée des _deux côtés. Ce qu'on allait leur laire ·l a peau, et sauver celle aux camal'ades! On approchait grand train, dans le noir absolu, marchant •à contre-pente · plus que cètte terrasse •à escalader. A prése~t les coups pouvaient se compter, ils tiraient dur ,ils devaient se mitrailler à bout portant, s~ns quoi on aurait distingué des coups plus éloignés. Tout de .même! .. . La section de gauche qui avait le meiUeur cheminement ;prenait de ·l'avance, ·ie vois des hommes se ,profiler noirs sur gris au bord de la terrasse des voix hors de souffle demandent: où sont-ils? Un coup de collier, et nous débouchons à notre tour. Et on s'ar.rête debout, en paquets, un désordre effroyable dans la ·lig:ne. Le capitaine avait beau sacrer: à terre, mille noms de non! rien n'obéissait. C'est qu'il devait se passer quelque chose, là, au milieu de la cohue, que ni ·lui ni moi ne ,pou· vions voir autour de quoi on se poussait, on jurait, on 'se mettait à rire. J'Y arrive enfin. C'étaient deux hommes .couchés à plat ventre dans la fougère, et que deux ·ca,poraux s'occupaient à désarmer. On les fit lever, je re· connus alors deux types de la compagnie, un nommé Denis Fraire et j'ai oublié le nom de l'autre, mais les yeux déments, les épaules et les mains tremblants de fièvre, ,puant la poudre et sans écouter mes questions, qui con· tin~aie~t à bégayer: • Les .. . voilà .. . oui. ·. · la . .. direct.ion... l'arbre ... mort... feu·· · feu .... » Par terre, leurs fusils et leurs boîtes à cartouches. Et la compagnie entière tout autour maintenant, qui se bousculait pour voir. Il fallait en finir. On 'ligotta ·tes tireurs avec des -ceinturons, jls se défendaient comme des diables, on dut les empoigner et les ar-

racher de là. • Fausse a·lerte! oroonna le capitaine, compagnie rentre au bivouac. » Alors il y eut ce coup de théâtre, Un lotmidable éclat de rire fusa d'un bout à l'autre des sections, un rire à réveiller les Italieaa dans leurs baraques, un rire à vous caaaer les côtes, et à vous guérir radicalement de cinq bougresses de semaines de bile et de chiendent. Et hardi! les la.ngues en l'air, tea • ringues • en branle, les • youtzées • à vous enrouer les échos. Mes deux gaillards venaient de tuer le ca• iard. MARC ROSSET.

Cités et Pays suisses 1> M. de Reynold, que le Consei'l d'Etat de Berne vient d'appeler comme .professeur l. .]'Université de la Ville iédéra·le, nous a déjt prouvé. l'hiver dernier, dans ses • Contes et légendes de la Suisse héroïque •, que notre histoire contient de belles figures d'épop&, des fables intéressantes, des laits dignes d'~ tre rappelés à la jeunesse ouhlieuse. Si nos héros ne se servent point d'otiphants d'ivoire comme •les .preux de France, ·Je son rauque de la trompe d'Unterwald ne manque pas de grandeur farouche, Jorsque l'écho des vallée& le muruplie à l'infinie. Or, aujourd'hui, M. de Reyno.Jd nous remémore encore notre histoire nationale, tout en dépliant avec nous la carte de Ia Suisse où, dans notre enfance, nous avons déchiffré •les noms de nos lacs, de nos cols, de nos glaciers. Il nous conduit, aimable guide qui a fleuri son chapeau car les poètes cueillent toujours des fleurs le ·long de la route - il nous conduit à tra· vers notre pays, en contant le passé héroïque ou paisible des villes et des villages parcourus. Et, tout en nous parlant des Helvètes sur leurs pilotis ou des légions d' Avenches, il nous fait remarquer combien Ja crête dU 1 o. de Reynold, • Cités et ·Pays suisses •· Lausanne. Librairie Payot et C. 1 vot 3 fr. 50.

Jura est bleue, combiert les pampres sont do· rés aux coteaux du Vully, Ah! que nous voilà loin, avec ce ~oli volume, vêtu de vert pâle et d'-or Jéger ,par les soins de ·la maison Payot, de cette littératu,re hôtelière dont la mission est de louer à grands renforts d'épithètes nos villes et nos montagnes, avec une admiration de co·mmande, banale et stéréotypée comme les sourires des gérants d'hôtels! On n'y parle jamais de la pluie, pourtant si fidèle compagnon de nos étés, ni d'aucune chose susceptible d'offusquer les étrangers. Notre compatriote, .lui, ne nie .p as -les tempêtes du lac de Constance, les brouillards de la contrée de Morat et la laideur des remblais trop souvent couverts d'ordures autour des cités iéoda.Jes. Mais qu'im· portent quelques rides sur le visage aimé de la patr·ie! Le livre de M. de Reynold se compose d'une série de morceaux: tableaux descriptifs et historiques, petits poèmes en prose et chansons, récemment parus dans =la ,Semaine littéra·ire'', le ,Journal de Genève", la ,Re· vue des Familles", etc. Ce volume plus spécialement consacré à la Suisse latine serait le .premier tome d'un ouvrage dont la seconde partie décrirait surtout ·la Suisse allemande. Son but: il Je révèle dans le premier chapitre intitulé c Vue d'ensemble •. Ce chapitre une sorte de vision schématique de notre pays, des races, civilisations, inHuences qui sly côtoient et s'y pénètrent. Son but est encore de nous montrer comment l'existence d'une nation, formée d'éléments si disparates, peut atteindre à l'unité quand bien même • notre caradère national, à nous, fédéralistes, est fait de tout ce qui semble contredire notion même de nationalité: de variétés et ïions. • Et non seulement M. de Reyconnaît bien son pays et son histoire, il a voyagé dans les pays avoisinants • •ux~1ue1s nous devons beaucowp: l'Allemagne du Sud, le Br.isgau, patrie des Ziihringen, Alsace, la Bourgogne, la Savoie, le Nord de i'ltalie, le Tyrol. Ainsi, il .peut observer les affinités entre l'art d'un Oeiler et celui des arfranconiens qui voyagèrent en Lomhar· die à l'époque de ·l a Renaissance, et noter

l'influence bourgulgrtotlitè visible à Neuchl· tel, la grâce italienne adoucissant la rudesse des riches demeures valaisannes et le caractère nettement savoyard de Romont. Nous le remarquons avec plaisir, ce livre tout pénétré d'esprit, d'érudoitioo, de traditions suisses, n'est point écrit à la suisse, c'est-à· d1re avec de longs développements et des explications sans f.in. Vif, rapide, sans hésita· tions, il donne tantôt en quelques lignes le résumé du passé d'une cité, tantôt en quelques phrases heureuses la vision d'une contrée. Peut-être nos historiens ethnographes et géographes s'écrieront-ils, effarés: • Ah! que c'est Jà simplifier et trancher de graves questions sur lesquelles nous blanchissons de· puis tant d'années! • Et ils s'étonneront ·de l'assurance avec laquelle le jeune écrivain fribourgeois glane et choisit, dans les théories Jes plu.s 'limpides, les plus piausib!es, pour les réunir en gerbe et -les offrir au public en un volume élégant et concis. Mais c'est ·justement parce que ce livre .preste, co-loré, diffère des autres ouvrages consacrés à notre pays qu~il plaira à la fois au public helvétique et aux étrangers ca.pables d'aimer et de comprendre notre patrie. La variété de • Cités et Pays suisses • nous captive comme 'la variété de nos contrées qui se succèdent, au cours du voyage, si différentes .Jes unes des autres. D'abord, 'l'auteur célèbre la nature et 'les lacs suisses, dans un chapitre débutant ,par un beau poème en prose et clos :par un dialogue entre te passa.nt qui chemine et le moulin, les collines, la forêt, assis dans le ,paysage. On croirait feuilleter ces gravures de Locher et de Freudenberg, dont le caractère champêtre s'allie à une grâce naïve. Puis nous voici à Genève, ·la cité la· tine, le • relài entre l'Italie et la France • évoqué avec beaucoup de .justesse et de gollt. Ici, les remarques ingénieuses et fines abon· dent, de même que dans l'article consacré à Neuchâtel et au Jura bernois. •Le pays de Vaud inspire au poète une sorte de cantique des cantiques rustique, où chante le printemps qui fait jaillir des sarments ·les petites feuilles vertes et flamber les pêchers roses. A côté des pages historiques de style sobre


206 et serré, relatant 1e passé d'Orbe ou de la Sarraz, on voit s'échelonner de délicats paysages estompés de brume: ceux de la Sarine, de la Nuithonie, d' Avenches, et ·les petits tableaux frustes des A4>fs rhétiennes aux passages foulés par ,Jes lansquenets. Quelle verte vision que la Gruyère, si gaie avec ses comtes et sa coraule! Les chansons tradui tes, de la Suisse allemande, alternent avec les fQrtes pages sur le Valais, où 'l'auteur exalte, dans le cardinal Schinner, campé dans son décor de dures montagnes, toute l'âme valaisanne. Elle flotte avec un claquement d 'étendard Ia prose vigoureuse dont il se sert pour apostropher ·M orat 'la belliqueuse, et le ton devient grave, solenne·l, lorsqu'oil se trouve au sommet du Ootha·rd, tributaire, ,p ar ses f.leuves, des mers lointaines, ce Oothard « où il semble que, au moment de s'incliner vers J'Italie, cette âpre nature ait voulu, pour rendre plus violent ·Je contraste, rassembler toutes ses froides et sublimes horreurs. ,. Les c Cités et Pays suisses ,. fourmillent d'images originales, justes, bien frappées, à la manière de Michelet, qui avait le don de synthétiser et de :rendre concrets les paysages, les époques et les nations. Ainsi, pour définir la Suisse, M. de Raynold nous donne cette vision héraldique : • Notre patrie a.pparait tel un corps germanique aux deux ai.Jes latines: le corps, l'Aiémanie; •les ailes, à l'ouest le pays romand, là l'est les Grisons; le Tessin géogr-aphiquement en dehors de nos frontières, s'étale comme une noble queue de gueules et d'azur, ocellée de lacs, lampassée d 'or au soleil d 'Italie. ,. Et, en parlant de l'extrémité du Tessin: • Le Mendrisiotto lambeau de l'étendard milanais à la pique des Suisses. ,. On a 'l'impression d'accomplir, avec M. de Reynold, 'le plus charmant des voyages en diligence. C'est en artiste qu' il nous a fait admirer la beauté d'une partie de notre pays, nous racontant aux relais l'histoire des baillages et des cités. Il ne nous reste plus qu'à l'en remercier en attendant que, les chevaux et le postillon rafraîchis à l'auberge qui ba-

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lance une belle enseigne, il nous conduise encore dans la Suisse allemande. Helène DE DIESBACH.

Les yeux des écoliers Au moment ou débute l'année scolaire j,l est très .i mportant d'appeler l'attention dea professeurs, des parents et des .jeunes gena eux-mêmes sur les dangers de l'étude à l'lg·ard des yeux. La myopie est une affection constatée pree. que universellement. Le professeur Coltn eu a fixé la moyenne à 57 % pour l'Allemagne; Çmmerth à 50 % pour la Suisse; Montais l 46 % pour .)a france. Les maxima ont ~ trouvés dans les classes de philosophie, ·et l'accroissement su<:cessif, en relation directe avec la marche des études à la même époqUe en france et en Suède. Dans la classe ·inférieure, on relève: Myopie o. Aw commenœment de la seconde anuée, il y a 3,33 %· Puis, c'est 6% à la troisième année; 7 '% à la quatr~ème année; 32% à la rhétorique. Un qua.rt des sujets examinés par M. Morlais ne présentent que Jea caractères d'une infirmité s~mple; les trois autres quarts sont atteints de complicatiOilJ entraînant chez certains l'obligation d'abandonner la carrière choisie. Il est démontré que ce grave état de choses d~: 1. de l'écLairage défectueux; 2. de la mauvaise dis.positioo. des tables de travail; 3. et surtout, de la prolongation exagérée dea heures d'études. Les deux premiers points ont été modi· fiées en beaucoup d'endroits par la substitution de Ja lumière électrique profuse au gaz, ~ par l'adoption des tables à crans. On y a a,jouté avec raison l'emploi de l'écriture d.roite, des cahiers droits. Si l'on .joignait encore l'impression des livres sur papier jaune, la question de l'adaptation opportune de ta lumière sera.it résolue. Reste la durée trop longue des heures d'itudes. Dans certains établissements où les études n'ont •j amais dépassé une heure et

quart à une heure et demie, la myopie s'est Un. homme surpris dans la ,pensée qu'il ~enue ~onstamment à un niveau très ·inférieur voula1t cacher, se mord la lhre . 1~, . f . tn .,r•eure, a ~IUJ . des ·lycées. Expliquer cette différence 1 est mutrle. Tout Je monde comprend que l'or- que que ots l~s deux lèvres même lorsqu'il n'a pas prononce une parole. ga~t~ d: la vue .ne peut suppo.rter sans fatigue Celu.i qui vient de commettre une bévue la . hxa!Jon appliquée d'un papier couvert d 'ése .passe la main derrière la tête cnture, durant des heures. L'artiste ou le négociant ou .t'~rtisan con. L'alternance fréquente des heures de tratents de leur travail se passe la ma·in sur la vail et des re.pos marqués par Je jeu n 'est barbe ou se frotte le menton donc pas seulement souhaitable au point de . Certaines personnes pré~cupées se morvue d~ moral; elle évitera également nombre dtllent les doigts tant que la pensée su·bsiste d: lésJO~s ~cu.laires graves, telles que le stra~es personnes rêveu ses ou .préoccupée~ bisme, 1astlgna!isme, 'la myorie, etc. pr<_>'Jetfent leurs regards en avant fixent un On ne saurait trop insister pour que les ObJe~. qu.i .n'existe que dans leur i:nagtination. ~rogrammes des établissements d 'instruction L ~~dlVldtJ correct tire souvent le bas de IJennent compte de cette t . • . d'h .. res seneuse ques. son gilet ou touche sa cravare. t IOJJ yglene.

Les gestes révélateurs = c :cst une chose connue que l'individu se trahit par les gestes. 'd~es tics/ ne sont .pas toujours des aestes n •cules. . "

~n

Un homme d'Etat, un penseur, poète se. ~assent la main sur le front entier, tout enfler lorsque une difficu1té se présente et sur le ?aut du front ·q uand l'idée ou la 1 t' arnvent. sou wn Si l'inspiratin est forte, la main

rej~tte les

•• Variétés Le CAFE AU LAIT • A L'ANCIBNNE. Pour faire le café au lait • à l'ancienne •, ~n. prend d 'abord . . . la réso}.u!ion de .r ester fl~ele ~ ce principe Œondamental: le café au lad dott Se faire sans eau. Le. lait a en effet horreur de ·J'eau. Le café au. lad. du matin devra donc, avant ·fout, êfre prepare avec du Ja.it loyal, tel qu'il sort des mamelles de notre seconde mère à fous: la vache.

Or, ~e lait, _qui ~e peut souffrir J'eau pu.re,· a la mtmte repulsiOn poulf l'eau noircie de ~lam ~u 'le doigt se pose à la partie d~ la c~ fé. Tout le secret du café au 'lait ., à l'antete_QUI c~rrespond au lobe cérébral momenCienne • , ou mieux du • lait cafeté » comme tanement mfluencé. Certains gestes nobles des grands penseurs on disai~ au bon vieux temps, est d~ns cette et de~ grands passionnés sont imités par le observahon. Et voici la façon dont les raffinés procèdent: vulgaire et deviennent des tics. Venez dans le bol même où vous dégusfJ ,Un homme d'affaires, un paysan rusé qui tere~ le !tedar le lait bien bouillant. Ayez .aire une bonne aubaine, se frottent le nez un hnge 'a beurre bien rincé afin d'éviter le a;fec les doi?'ts ou bien le pincent; si I'affa·i re g o~tt d'étoffe. J e tez-y de la 'poudre -de café o re soudam quelque diffioulté, au lieu de fra1chemen.t torréfié, fraîchement moulu en se frotter le nez, il le gratte A ,p etits cou s quantité suivant votre goût. Laissez to~r d'o?gles, parfois c'est la ba.rbe que touche pl mam. a au fond. Ensuite - détail capital _ couvrez • · ou distrait, ' t' L'homme souvent se le bol ,pour que le mélange intime s'opère , ·. preoccupe s~us la vapeur du lait. Au bout de quelques tre 1 oreille lorsqu'une image agréabl se mmules, découvrez le bol, saisissez ·Je linge e présente à l'e sprit. par les quatre coins, soulevez doucement pour

ch~veux en arrière. Très souvent aussi )a


208 209 enlraîner le marc glissé au fond, laissez égoutIer, sucrez, !buvez... et rendez grâces - aux dieux, créateurs des bonnes choses. 0000000

LA CONFESSION Une pieuse Anglaise, s'occupant des œuvres et des ambulances de Douvres (Angle· terre), a racon1é le trait suivant à fln religieux français: Un soldai angla is, blessé grièvement, voulut se confesser. Un prêtre vint; il ·ignorait la langue et fi t dire au mourant, par un officier protestant, de se repentir, car il allait l'absoudre. Mais l'édifiant pénitent; voulant absolument déclarer ses fautes, ~'en accusa à l'o'fficier, Je priant de ·les traduire au prêtre. Lorsque cette méritoire confession fut finie, l'officier protestant, touché de tant d'humilité, mani.festa la volonté de se faire catholique. Le prêtre français hésita à l'admettre aussi vite dans l'Eglise. Mais le postulant lui dit: - -Et si j'étais en danger de mort, que leriez-vous? - Ce serait différent. ~ Au front, ne su·is-je pas toujours ~n danger de mort? Vaincu par ·le désir, la bonne volonté el les bonnes raisons du soldat, le prêtre fut heureux de le recevoir dans la confession catholique, par un baptême administré sous condition. Le soir même, le nouveau converti succombait sous la mitraiHe. 0000000

on passe par un corridor de chaque côté duquel se trouve une cuisine, un petit cabinet et une pièce pour le dynamo; la sortie se trouve à l'arrière. Cet aé.robus est actionné par quatre moteurs de 500 HP. et la surface de son aile est cinq fois plus grande que celle d'aucun aéroplane; disons en terminant que sa charpente d'acier a 66 pieds de long (soit 20 m. envi~on). Au ·point de vue militaire, cet appareil a rendu .de irès appréciés services sur le front de Gal·icie par des bombardements incessants, par des prises de clichés relevant les positions ennemies et pour Je réglage des tirs d'artillerie. Au début de la guerre, la Russie a eu à déplorer la perte d'un avion de ce genre en bombardant des ravitaillements autrichiens; la témérité de l'aviateur lui avait permis d'approcher à une distance de 200 m. d'un train de munitions; queloues bombes eurent tôt fait de détruire en partie ce convoi, mais la lenteur ascensionnelle de l'appareil l'avait fait repé.rer et détruire. Des modifications importantes sont faites à l'heure actuelle pour doter d'une vitesse plus grande ces aéroplanes géants et, dans un avenir très proche, il sera permis de voir ces colosses faire la police des airs et rendre, par la puissance de leur armement et de leur vitesse, de grands services aux armées. • ~o-o-o-o

PENSEES Le temps ·perdu ne se retrouve jamais. 0

L'AEROPLANE GEANT L'on des plus grands aéroplanes a été construit il y a une année, en Russie; il peut voler sans atterrir pendant 15 et 20 heures, couvrant une moyenne de 100 km. à l'heure, répondant à une distance de 2000 km. sans escale. L'aménagement intérieur de l'aéwbus est très curieux; derrière le balcon antérieur se trouvait la salle à manger des pilotes, aujourd'hui magasin à munitions. Puis une vaste cabine éclairée par un petit lustre pour les vols de nuit; cette cabine est munie a l'heure actuelle de canons de 37 mm.; de Ià

Patience et longueur de temps Font plus que force ni que .rage. ·La Fontaine. 0

Nos plus sûrs protecteurs sont nos talents. Vauvenargues. 0

Les mauvaises sociétés i:orrompent les bonnes mœurs. 0

Une belle action est œ1le qui a de la beauté, et qui demande de la force pour la. faire. Montesquteu.

Au charbon· - Charbon, mesdames! A cette vojx glapissante, Je sculpteur, debout à ébauchoir, interro!llpit le travail commencé, et s'approchant de la large baie vitrée ouvrant sur le boulevard Bineau, suivit d'un regard pensif la lourde charette attelée d'un âne :poussif, sur laquelle une grosse Auvergnate, à la carrure massive, trônait au milieu des sacs de charbon. Elle enfila la rue de Chézy et s'en alla cahincaha, répétant d'un accent traînard son cri monotone et discordant qui s'éteignit peu à peu dans le lointain, tandis que le vieil artiste, dont une rosette rouge étoilait le simple veston, passait une main nerveuse sur son large front inspiré, comme pour chasser une douloureuse obsession, et revenait lentement à l'œuvre abandonnée. M'ais ses doigts tremblaient en pétrissant la glaise, l'âme n'Y était plus, e1 renonçant à lutter contre la vague tristesse qui J'engourdissait insensiblement, il jeta un linge mouillé sur son ébauche, une robuste fille du peuple, aux traits encore informes el indécis, et décrochant un vieux Ieutre pendu à la muraine, il l'enfonça sur ses cheveux et s'en fut à l'aventure, les mains dans ses poches, le dos courbé sous un poids qui n'était pas celui des ans. . . . Pierre M'altoni avait eu des débuts difficiles, et dans le grand vieillard, profes• seur aux Beaux-Arts, membre de l'Institut, maître vénéré de l'ancienne et de 1a nouvelle école, on aurait eu peine à reconnaître ·Je petit Pietro, allant de café en café, de terrasse en terrasse, offrir ses statuettes de plâtre ou de simili-terre cuite, aux consommateurs attablés. Houspillé par les garçons, chassé par les sergents de ville, battu par son :patron Giuseppe, un Savoyard retors, avide et brutal, ex;ploitant sans vergogne ses jeunes compatriotes, le pauvre était fort à plaindre ... et nul ne le plaignait. Orphelin dès 1e ~eau, jamais ·u n doux sourire, une bonne parole, une fendre caresse

n'avait réchauffé son cœur endolori, et cette vi.11e de trois millions d'âmes où sort l'avait jeté comme un atome pe~u, seuls amis étaient ces figurines de na,roiJll'l dernier mot de l'art à ses yeux éblouis, il s'efforçait d'imiter la forme et les .rn'"'""'.,;i en tail1ant grossièrement quelque morceau bois avec un méchant couteau ou en sant quelque boulette de cire ramass~ le coin d'un atelier. Cependant, quelles que fussent ses sances artistiques, elles ne pouvaient à combler le vide de son existence et de cœur, lorsque la Providence, pitoyable malheureux, lui envoya une protectrice, sœur, une amie. Ce u'était pas, comme dans les • Contes • de M. Bouilly, une demoiselle bien née, rich sensible, soupirant volontiers la: • .Pauv11 petit! .pars pour la France! • cher à nos aïeules, ou versant des lannes à la • Garde d Dieu! • Non! c'était une siMple enfant de J'Au vergne, à la bonne figure réjO'.Jie, sous la c che de charbon qui la recouvrait, et qui traînait bravement son âne dans les rues escarpées de la • Butte • en criant cent de terroir: - Charbon, mesdames! ·La première fois qu'ils se rencontrèrent, au coin de la rue Lepic, 1ui, sa planchette sur J'épaule, elle, mordant à belles dents dans une épaisse tartine, ils échangèrent un regard de réciproque sympathie. - La bonne tartine! pensait Pietro, dont le ventre criait famine. _ Les jolies poupées! dit Mathurine en écarquillant ses gros yeux ronds. Complaisamment, en hon prinœ, Pietro s'arrêta pour qu'elle pOt jouir d'un coup d'œil et les considérer à son aise. - Ça, c'est Napoléon, ça Vénus, ça la Ma· done, ça Brutus, expliqua-t-il gravement, en lui désignant chacune des figurines se coudoyant dans un éclectisme bizarre. Mathurine, bouche bée, oubliait sa tartine et son lue, qui se dgalait d'une feuille de chou à l'éventaire d'une truffière.


210 211 - C'est cher, hein? interrogea-t-elle avec un respect craintif. - Oh, oui! répondit Pietro, pour quJ la moindre pièce blanche représentait une fortune. - C'est bon pour les riches! - Mais tu peux les regarder, 'les toucher même, pourvu que tu ne ·1es casses pas. Joyeuse, Ja petite profita.it de .Ja pennission généreusement octroyée, quand une gros. se voix enrouée l'arracha à sa contemplation. - Allons, Thurine, tu t'endors! C'était l'oncle Anselme, le propriétaire de l'âne, de Ia voiture et de la nièce, descendant de chez une pratique. Les deux enfants échangèrent un adieu hâtif. - Demain, si tu repasses par ki, je te donnerai quelque chose, dit mystérieusement Pietro. Mathurine 1e remercia d'un regard éloquent, et obéissant à œ d~licat instinct de la femme, à tous Jes âges et à toutes les conditions, elle glissa Ja tartine dans ·la main du pauvre affamé et se sauva, toute rouge de son audace. : Le lendemain, quand la charrette se mon~ tra à l'angle de la rue, un large sourire découvrit les dents blanches de la fillette en reconnaissant son nouvel ami. - Je t'ai apporté ce que je ·f'ai promis, déclara-t-i.m avec importance, dès ·qu'ils se trouvèrent seuls. - Montre, demanda-t-elle, le cœur battant. -Regarde. C'était une Vénus informe et quelque peu bossue avec un nez camard et des jambes cagneuses; mais Mathurine n'en poussa pas moins un cri d'admiration, lorsque Pietro ajouta majestueusement: - Je t'en fa,is cadeau: c'est mon œuvre! - Vrai! c'est toi! ... faùt-il que tu sois capable, bégaya-t-elle les mains jointes. ·Lui jouissait modestement de son !riomplie! - La 'belle dame! répéia la petite charbonnière avec conviction. Tu me la donnes? Bien sCtr? Je peux l'emporter?

- Sans doute. - Oh! que je suis contente! Etle lui sauta au cou, puis courant à la voiture: - Moi aussi, j'ai pensé à toi! Aimes~tu Ies châtaignes? Sans attendre sa réponse, elle en bourrait ses poches, sa casquette. . . et la massive carrure de l'oncle Anselme apparaissant sous la por·te cochère, i•ls se séparèrent avec un joyeux: - A demain! Dès lors, Pietro ne fut plus seul, il ne souffrit plus de 1'abandon, du froid, de Ja faim. Mathurine lui apportait chaque jour Ja moitié de son déjeuner, elle ·lui tricotait des mitaines, des chaussettes bien chaudes ·p our l'hiver, et surtout lui donnait une grosse part de son cœur, le pain de l'âme avec le pain du corps. · Cette petite Auvergnate, tombée de son village, ignorante, à peine dégrossie, trouvait des paroles exquises, des consolations délicates, pour relever J'esprit abattu du pauvre garçon, encourager ses rêves de gloire, fortifier sa vocation artistique. - Plus tard, vois-tu, Pierrot (c'était sa fa· çon de franciser son nom), quand je serai grande, nous nous marierons. Moi je gagnerai de J'argent pour nous deux, avec mon . charbon; toi tu pourras faire des bonshommes toute la journée. Et, dans son admiration religieuse .pour son artiste en herbe, cet arrangement lui semblait simple et naturel.

*

*

Ces beaux :projets devaient se réaliser en partie: ,! 1 Un matin, Mathurine, qui allait sur ses 15 ans et faisait sewle la tournée (L'oncle étant cloué sur son fauteuil par les rhumatismes), aperçut son ami tout penaud lès mains vides. Maître Giuseppe, blessé mortellement dans une rixe de cabaret, était à l'hôpital, ses pensionnaires s'étaient éparpillés comme une volée de moineaux: lui, indolent et timide, ne savait que faire, où aller.

- Pardine! viens chez nous! déclara tranquillement Mathurine, tu prendras la cham:bre du cousin Antoine qui part faire ses sept ans et tout sera dit. L'oncle Anse'lme grogna bien un peu, de voir à sa table, sous son toit, dans Je lit même de son garçon, • ce grand flandrin aux mains blanches, mangeant pour deux et ne travaillant pas pou,r un~, mais en revanche Mathurine faisait l'ouvrage d'un homme, menant à elle seule ·la maison, et soignant, dorlotant si bien le vieux qu'il n'osait pas bougonner trop haut ni fai,re -trop grise mine à l'intrus. D'ailleurs, ce • benet d 'Antoine ~. qui ne voyait que par les yeux de sa cousine, avait été Je premier à applaudir à la combinaison et était parti, le cœur Iéger, avec une cordiale poignée de main à son remplaçant et deux gros baisers sonores sur les joues brunes de la ffflette. A peine si elle s'aperçut de ce départ, et cependant toute la besogne lui retombait sur les bras, non que Pietro justifiât absolument la mauvaise o.pinion de l'oncle Anselme et ne ~herchât pas à se rendre utile, mais il n'ava·it pas la vocation ... on ne peut pas .tout avoir! Du reste, Mathurine ne souffrait pas qu'H perdît son temps ·à fendre du bois ou à cribler le charbon. Il devait travailler, devenir un grand artiste et ne pas. s'occuper d'autre chose. Il protestait mollement ct cédait à. cette douce violence profitable à son tempérament artistique ... mais quelque peu nuisible à son sens moral. En somme, c'étaient encore deux enfants; à cet âge heureux le tien et le mien ont une valeur relative; recevoir est aussi naturel que de donner, et, le matin, quand Mathurine, levée dès l'aube, attelait son âne, chare-eait sa voiture et 'Pllriait bravement dans le brouillard, la pluie, J.a neige, jetant à tous les échos son cri aigu conune le chant du coq: • Charbon, mesdames·!~, lui, rêvassant à l'œuvre éba·uchée, se bornait à munnurer entre dewc bâillements: - Brave fitle! je lui revaudrai ça quand je serai célèbre!

•• •

Pietro était maintenant un jeUile

h~mnté

un peu délicat, un peu frêle, avec de grands

yeux veloutés, de .longs cheveux noirs, des mains blanches; Mathurjne, une iTobuste fille, à la large carrure, aux bras rouges, aux joues rondes, aux traits vulgaires, mais éclairés par un regard très doux. Lui suivait l'Ecole des Beaux-Arts, dont il était un des meilleurs élèves; elle continuait à parcourir les rues escarpées de ]a Butte. On ne se voyait guère que Je soir à la table de famiLle, égayée du récit de quelque charge d 'atelier qui dér-idait l'oncle An_selme et faisait hausser les épaules à sa nièce. Avec les années, son affection s'était fai·te plus maternelle encore, et sévère. Mentor en jupon de futaine, elle n'admettait pas que • son artiste • se laissât distraire de sa tâche plus qu'eLle de la sienne. Lui obéissait, en rongeant parfois un .pëu son frein .. . il avait vingt ans! Mais il ne s'agissait pas de s'endormir, il fallait décrocher le prix de Rome pour éviter la conscription. . Par 'quelles émotions, quelles angoisses passa la bonne créature tant que son Pierre fut en loge! Quelles ferventes prière6 à toutes les chapelles! « La première fois que l'on entre dans une église, on est sCtr d'être exaucé. ~ Imbue de cette croyance populaire, Mathurine allongeait sa tournée déjà Jongue pour découvrir de nouveawc sanctuaires, et le viei~ âne, patient et résiil!é comme sa maîtresse, en arriva·it à s'arrêter de lui-même devant le moindre porche surmonté d 'une croix. Tant de dévouement, de sacrifiœs, d'abné. gation devaient avoir leur récompense: .Pierre remporta le prix! - Alors, comme ça, il va partir pour Rome? dit le père Anselme avec .une sansfaction mal déguisée, tandis que sa nièce, toute de joie, mouillait de ses larmes 'la bienheureuse dépêche. ~'étaH vrai! il allait partir, la quitter pour trois ans, - plus, peut-être. - ..·Heureusement qu'Antoine va revenir· la matson ne restera pas vjde, ajouta 1e ·bon·

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212 homme en frottan t ses mains déformés par la d'une gratitude déjà pesante, n'étaient plus que du remplissage : descriptions à la Baedecker, goutte. Hélas! ça n'était pas la même chose, et à enthousiasme à f·roid pour les maî.tres: David, Canova, ·.Miche[cA!nge. la profonde détresse qui noya son pauvre • Mais j'oublie que tu ne cnnnais pas ces cœur aimant, Mathurine, si naïve qu'elle fût, • messieurs-là., plaisantait-il un peu ironi· comprit la différence, et vit bien qu'eUe aimait Pierrot autrement que son cousin. Ce- quement. • Alors, pourquoi t'en parle-t-il? • obserpendant, toujours vaiilante, elle refoula son chagrin pour ne pas jeter une ombre sur son va it non sans • jugeo1te . l'oncle Anselme. C'était les dernières feuilles rouillées à ivresse à lui. II était si joyeux, si fier, si reconnaissant aussi! Et quand, lui prenant les l'arbre du souvenir; avec Je second automne, balayées au vent impétueux des passions, elles mains il lui avait dit d'un accent pénétré: ne reverd-irent plus au renouveau. - 'c'est à 1oi que je dois cela, rna bonne Quand Mathurine compr-it que c'était fini, Mathurine, je ne l'oublierai jamais! elle s'ébien fini, etle se résigna sans révolte, sans retait trouvée trop payée de ses peines. proche .. . non sans larmes, et deux ans après, Quand sonna l'heure du départ, ce fut un Obéissant aLL VœU SUprême de SOn oncle, elle déchirement· elle eût voulu prolonger les épousa Je cous.in Antoine. .. mais n'oublia ad ieux, Je c:mduire au chemin de fer. pas l'oublieux. Impossible! un déjei.Nler d'amis, c'était la coutume, on ne pouvait s'en dispenser! D'ail• * leurs, un peu plus tôt, un peu plus tard.··· l.A.Ii aussi devait se souvenir, plus tard ... Fiévreux, agité, il serrait la main de l'on- trop tard! cle Anselme, embrassait la pauvre fille en Vieilli, solitaire, désabu.sé, fatigué, même larmes. de sa gloire, l'image eHacée de la protectrice - Tu nous éc-r iras, dis, Pierrot? de son enfance, sortant peu à peu de l'ombre, Sans doute! me prends-tu pour un in- était venue s'asseoir à son foyer désert où grat? elle régnait maintenant .sans partage. Ingrat? Pas encore. Alors, i l avait connu le regret, le repentir, Cependant, 'l orsque, arrivant à la gare de Je remords, son ingratitude lui était devenue Lyon avec sa bruyante escorte, il aperçut si lourde, si odieuse qu'en dépit du temps et !"humble charbonnière qui avait traversé tout de ses cheveux gris, il était allé droit à l'humParis avec son âne pour l'entrevoir encore ble asile, berceau de ses rêves d'artiste, po.u.r une fois, il craignit les railleries des • coy chercher .Je pardon, le repos, la paix. pains • et rougissa it déjà de celle à qui il Hélas! une importante bâtisse remplaçait devait gon triomphe, il passa en détournant la misérable masure, il ne put recueillir la la tête. mondre indication: Mathurine était disparue . . . morte peut-être .. .. * * Mais combien vivante pour lui. Mathuri-ne ne devait plus le revoir. Tout la lui rappelait quand même et sans D'abord il écriva·it assez régulièrement, cesse· ni les dis-tractions mondaines ni le la· évoquant les souvenirs du passé au milieu beur 'acharné du cerveau, rien ne pouvait le des enivrements du .présent "?t mêlant encore distraire de cette pensée. son amie à ses rêves d'avenir ... puis les letIl voulut faire revivre les traits de l'humtres commencèrent à .se faire plus rares.··· ble fille dans quelque œuvre i~r·issable Absorbé par les préoccupations artistiques un issant à jamais l'artiste et le modèle: tels et autres entraîné par les plaisirs faciles et les irré;istibles séductions d~ la Ville-Eter- Raphaël el Fornarina, Dante et Béatrix; mais pour la première fois, la glaise refusait d'onelle, Pierre s'y adonnait tout entier avec la béir à sa volonté. Il entassait vainement ébaufougue de son âge. Ses billets hâtifs, tribut

21ii che sw· ébauche, aucune ne le satisfaisait p leinement, ne réalisait tout à fait son rêve; son bras s'engourdissait en modeiant cette chère figure qu'il eût voulu rendre immortelle et, découragé, ii pensait avec wte sorte de crainte su persli tieuse: - Elle ne m'a pas pardo1mé! Ce jou.r-là, plus triste, plus accablé que de coutume, il regagnait len~ement son petit hôtel du boulevard Bineau, quand il aperçut, arrêté devant sa porte, un gamin à peu .près de son âge lors de sa première rencontre avec Mathurine, qui, pour compléter la ressembLance, étalait sur le perron quelques statuettes plus ou moins réussies, qu'.jj considérait avec son indulgence d'auteur. - Que fais-tu là, petit? interrogea le sculpteur, souriant à cette évocation de son lointain passé. L'enfant, su.r;pris, se retourna et salua gauchement son interlocuteur: - ]'attends Je monsieur qui est sorti, répondit-il timidement. Il avait une figure ouverte, et un bon regard clair qui réchauffa le cœur de l'artiste cotmne un vieil ami retrouvé - C'est toi qui as fait ces bonshommes? Ce n'est pas mal, continua-t-il, les examinant l'un après l'autre; à ton âge, je ne faisais pas mieux. . . et même .... Brusquement, il s'arrêta: - Qui? ... ce n'est pas toi? ... Il désignait d'un doigt tremblant une Vénus informe et quelque peu boss.ue, avec un nez camard et les jambes cagneuses. - Oh! non, protesta le jeune garçon avec une nuance de res.pect, c'est du monsieur qui demeure là. - Tu le connais? - Pas moi, grand'mère; c'est un cadeau qu'il lui a fait quand elle était petite. . - Ta grand'mère s'appelait donc Mathurine? béi"aya le sculpteur d'une voix étranglée. -Oui, monsieur. Radieux, transfiguré, le vieillard attira l'enfant sur sa poitrine. - C'est vrai : tu lui ressembles! Bonne MAthurine, je ne l'ai pas oubl4ie, va! depuis

si longtemps que je la cherche. Eile a bien fait de t'envoyer à moi. Conune nous allons lui faire une vieillesse heureuse! Il riait, pleurait, embrassait le pauvret, é!ourdi par ce flot de paroles. - Pourquoi n'est-eUe pas venue avec toi? Où est-elle? Les yeux humides, le petit répondit triste· ment: - Au cimetière de notre village, monsieur, eUe est morle voilà un mois. Elle était morte! il ne devait plus la revo ir! Mais par une touchante inspiration de sa délicate tendresse, la boune vieiHe lui adressait en guise de pardon, l'enfant à qui elle avait donné, avec son visage à elle, l 'âme d'artiste de son cher Pierrot. Pierre Malloni n'est plus seul; un fils, son élève, son orgueil, ·Sa joie, console sa verte vieillesse toujours féconde, dont ·la dernière œuvre, la c Charbonnière •, est peut-être la plus géniale inspi ration. Arthur OOURUAC.

----------------Messe la à

Frontièr~

Un officier d'artillerie, qu i est en même temps un écrivain d'un beau talent, M. Charles Gos, écrit au ,,Journal de Genève": En éventail, face à l'autel où l'aumônier célébrait le saint mystère, les bataillons étaient alignés, en colonnes de compagnie3. Derrière 1a claie brillante des baïonnettes, au fond, un trait scandé de points rouges - des pompons - révélait la présence des artilleurs, et tout à côté, les pompons blancs des convoyeurs. Les hommes se tenaient au repos, l'arme au pied. Devant ·la troupe, sur deux rangs, les · officiers. L'eurythmie des !iles profondes donnait à la sombre masse du régiment une beauté géométrique, admirablement équilibrée, par les lignes montantes des pentes; alentour, c'était l'habituel décor presque toujours pareil, mais toujours beau et jamais suranllé parce que les grands spectacles sont


215

zi4 éternels éternels comme une grande .pensée que le' temps n'altère pas. C'était _l'habituel décor montagnard, paisible et sounant, dans la Suisse demeurée sereine, durant qu'autour d'e1le dans ·les heures entrelacées et toll'rbillonn~ntes, fiat à coups éperdus le cœur tragique des nations en démence. L'arête qui encadrait le plateau, circonvoisine, légèrement surélevée, marquait .Ja frontière avec l'Italie. Elle festonnait .Je ciel bleu pâle d'un dessin infiniment délicat. Un soutfle imperceptible poussait, très haut et .lentement de fugitives vapeurs, et dans Ja tranquiJ.llté douce du dimanche matin, ·la soie rou· ge des bannières retombait le long des hampes en une attitude lasse. Or pendant la messe, une silhouette grise p;rut, .Jà-haut, sur l'arête .frontière, puts une deuxième, puis trois, quatre, plus encore. La crête fut bientôt garnie de silhoue!tes . ou g rises debout sur les roch ers, asstses . ' parmi les rhododendrons. E''• _~_ couchées son perchoir, dominant les troupes helvetiques recueillies, la section d'al~i_ns, _sur2'te à l'improviste, prit part à la celebral!on de notre culte. , Tout à coup, trépidèrent, atguës, 1:~ clochettes à l'autel; .Je commandant du regtment prononça l'impérieux «garde à vous, ftxe • ; les cuivres sonnèrent l'appel au drapeau, et au-dessus des bataiHons prosternés, .Je prêtre éleva le calice. . . . U-haut, sur l'arête irontière, les l!aJ,iens s'étaient agenouillés.

Les Joies domestiques

tl faut dans la vie des délassements pour en interompre 'les mon~tonies, ~n adoucir le_s peines. Chez les chrétien~, . samt Je~n avatt sa .perdrix et Appolon nat! au moms une fois l'an chez les païens. Les délassements maintiennent ou rétablissent la bonne humeur, -!'·Un des plus grands bienfaits que Dieu puisse accorder pour ce monde à ceux qui le reçoivent, parce qu'ils e11 obÜennent, dit l 'Ecriture, • la santé des os,, et que, à leur tour, ils en font part au prochain. La vertu elle-même y trouve son compte . en devenant plus facile. Elles sont indispensables dans les fam.tl.les, oü elles amènent l'affabilité, la compénétration des âmes, nécessaires au foyer_ d~~e~ tique plus que dans null~ ~u!r~ so~téte. ICI· ba~ à raison même de l'mtlmtte qut d01t en êtr~ la base. Là on rencontre l'unité du sang, l'unité du nom l'unité de labeur et de préOccupation, .l'unité de la maison et de la tapie; là aussi. doit exister à titre meilleur i'umté des joies, qui émoussent les aspérités des contacts. Nulle part, en réalité, vous ne trou~erez autant que là les gaîtés fran~hes _et co~dt~les, épanouies et simples. Les sttuattOns eqmvoqu·~s et fausses, les conversations . vides et niaises en sont absentes; les affech~ns son! sans ,périls, sous les yeux des murarlles qut voient tout. Les amis qui viennent ,Je sa·vent et ~n acceptent les conséquences, auxquelles tls se conforment .spontanément. Les parents sonl heureux les enfants sont heureux, les témoins eux-mên'tes en éprouvent une 'joie qu~ leur lait du bien à l'âme. Aujourd'hui, hélas! ce spectacle est plus rare. Pour se réjouir, il faut quitter le foyer, ·Puis ce fut l'• lte missa est ,, L'aumônier, p~longeant Je geste de bénédiction 9u'i\ courir au club, au théâtre, où si rarement ~es -joies sont honnêtes, où e1les ne sont p01nt adressait aux soldats suisses, le transporta partagées par tous, où l'on prend le goùt du dans la d'tredion des soldats du royaume ~I­ luxe des dépenses · où l'esprit et le cœur se talie. Et ce geste divin, promené -sur l'ho_nfaus~nt également : où s'exalte l'amour d'une zon en dehors de nos frontières. voulait dtre ' 'Me. indépendance ma:lsaine et fatale, ,~arce que qu'ii n'y a qu'un Dieu, un Dieu pour tous, manque de contrôle et de correcttons aulonpour tous le même. sées et dévouées. Et lorsqu'on abandonne ainsi le f~yer domestique :pour se rendre à des réumon~ même honnêtes, l'inconvénient reste . tOUJoutl, quand il y a exagération, que le.s liens de la ·P ousse tes afta1res et qu'elles ne te poustamHle se distendent, et qu'au heu de restes' sent pas. franklin.

dans son ·centre naturel on court un peu à la circonférence. ' Les jeu~es filles peuvent beaucoup pour rendre agreables et faire pénétrer la vie et les joies de la maison. Qu'elles vivent dies-mêmes 1e plus possible, qu'elles y apportent leur charme et leur bonté : elles rappelleront tout le monde au foyer que Dieu a fa·it. Aux réflexions qui précèdent une autre se doit ajouter. Les enfants ne sa~raient oublier qu'ils sont la joie de leurs parents; ils sont leur œuvre, l'o!bjet de leur amour et de -leur labeur dans la vie; ils sont leur récompense. La mère des Gracques disait que ses enfants étaient sa parure; l'Ecriture tient le même langage et affirme que les enfants sont la couronne des parents. C'est la Providence qui l'a ordonné ainsi, afin que -les parents prodiguent pour leurs enfants la sueur et le sang. Ils se complaisent par suite dans ce qui est le but même de leur propre existence. Voyez une mère regardant ses enfaHts qui font honneur. Ses paroles, son attitude sa manière de les interpeller vous diront tou't si vous êtes attentif. Comprenez tout ce qu'Ù y a de tnstesse profonde et aimante dans ce mot que l'on entend parfois : « Mes enfants m'abandonnent! Ils ne sont heureux qu'en dehors du -logis. » Et ceci est vrai surtout envers la jeune fille, tendre, .pure, dévouée. Ne convient-il .pas, dès 1ors, que les enfants rendent amour pour amour e t fassen t part de 'leurs joies à ceux qui ·le~r ont tout donné? Une fête de la jeunesse c'est la seule fête des vieux parents. Comment se fait-il que des enfants ne comprennent pas qu'ils doivent être ·la joie de ceux qui n'espèrent plus d'autres joies? · On entend pariais des enfants nous dire quand on leur rappelle cette vérité: • ·Mais noIre maison est tel'lement ennuyeuse!. _ Eh bien! restez-y donc et elle ne sera plus ennuyeus~. C'est à vous de l'égayer par vos bons sounres, par vos délicates attentions. Ceci à yo.us, jeunes filles surtout, d'y rayonner la JOie. L'affection, la reconnaissance que vous devez à vos parents vous dictent ce devoir. Acceptt:z ce devoir, et vous verrez combien il ~ous sera bientôt agréable, quand vous senlirez que vous donnez ce dont vous aurez be~in vous-mêmes un jour, sans compter que Dteu et les hommes vous béniront. (,Les causeries.") ].-]. B-

Mourir et Vivre Quand on assiste à nos nombreuses fête• quand on écoute l'éloquence de nos orateu de cantine, de nos aumôniers, de nos patri~ tes de Jeûne fédéral et de Premier Août o ne peut douter que nous ne soyons un Pe ple patriote. Ce patriotisme des fêtes suisse nous fait penser à de la musique de phone graphe. Suivant Ies besoins on met tel o tel disque sur la machine, on donne un toJ de manivelle, et la voix enrouée se met chanter: • A toi patrie, le sang la vie ... • Mourir pour la patrie est le .sort le pl beau ... ", • Nous sommes à toi dans la mo Notre mère, ô patrie! . On voudrait se bo cher les oreilles et s'enfuir. Malédiction de phrases que la bouche prononce sans que cœu·r y prenne part! 0

Mais écoutez un peu nos orateurs, ajou l',Aargauer Volksblatt" : Les intérêts de no ire parti sont trop peu ménagés. On no traite en citoyens de seconde catégorie. Ap puyé! Nos conseillers ne répondent pas l notre attente. Ils ne p~trlent pas. Ils parlen trop. Hs parlent sans consulter leurs électeurs Le poids des impôts est insupportable. ~ gouvernement est incapable. Tant que nou n'aurons pas revisé la Constitution, la vi publique n'aura plus de saveur. On traite no1 soldats d'une manière honteuse. Les officier n'ont plus aucun respect pour ,Je peuple. ce pendant, nous sommes rassemblés aujourd'h pour fêter, une fois de plus, l'idéal de nos an cêlres. Ah! si l'étranger menace un jour no~· foyers, nous serons tous prêts à donner n tre vie pour l'indépendance de la patrie. L sang des héros de Sempach coule encore dan• nos veines, et nous répétons a vec le poète • Nous voulons être un seul peuple de frères! Bravos unanimes. Puis, on ouvre la discusl sion; on médit de tous les autres partis, e1 Fon vote enfin la résolution. . . de revendi· ·g uer un siège aux prochaines élections. Ainsi parlent nos patr-iotes. Si la jeunesse d'hier avait perdu tout idéal el se désintéressait complètement de la patrie ne lui en voulons pas trop. La petite polili· que d'intérêts et de parti ne lui offrait rie qui pût la fasciner. Les phrases ont perd leur puissance d'attraction. Un ,père qui nour. rit ses enfants de sucre d'orge leur abîme t'es tornac au point qu'i1s repoussent enfin la nour·


2HI rilure saine et lo.rte aussi bioen que les sucreries et qt.~'ils dépérissent. Les phrases patriotiques sont un sucre colorié, douceâtre et débilitant. Il y a tant de gens 'qut, le verre en main, jurent de • mourir • pour la patrie. Nous souhaitons de voir maintenant une gé· .n ération qui veuille et sache • vivre . pour son pays. Nous ne voulons pas le patriotisme de la mort, mais le patriotisme de la vie. 0

Un peuple qui cultive modestement sa terre et fait bien son travail, qui inculque à ses enfants les principes exacts de la simplicité et des bonnes mœurs, qui s'élève économiquement par l'épargne et moralement par la vie de famille, un peuple qui porte aux magistratu· res non pas les plus riches, mais les meilleurs, et qui respecte le magistrat, tout en gardant son indépendance à l'égard de la personne élue, un peuple qui fait lui-même son opinion avant de décider, et qui ne croit pas sur pa· role ses orateurs et ses publicistes, prêt en· suite à se .plaindre de tout, sauf de sa propre sottise, un tel peuple vit pour sa patrie. Le Christ disait que ce ne sont pas ceux qui soupirent toujours • Seigneur, Seigneur • qui sont pieux. Nous pouvons dire de même que ce ne sont pas ceux qui ont toujours à la bouche le mot de patrie qui sont p~triotes. Notre patrie ne dem'lnde pas aujourd 'hui notre mort, elle demande notre vie. Elle nr veut pas notre sang. Elle veut notre cœur. Aimer notre pays, ce n 'est pas seulement acimirer nos montagnes et trouver nos ~acs charmants. Nous devons aimer et compren· dre le peuple, qui habite ces montagnes et !es rives de ces lacs. Nous devons nous sentir liés à ce peuple par une parenté fraternelle, quand même ses égl ises ne sont pas sembla· bles aux nôtres et si même sa langu~ n 'a pas le même son que la nôtre. n·une excursion et d 'un voyage à travers la Suisse, nous devons rentrer avec une idée plus ferrne et plus pro· fonde de l'unité suisse. Les bornes des com· munes ct celles qui marquent la frontière cies cantons doivent paraître plus petit~ s à oos yeux et ce qui est au-delà dQil nous sembler plus proche et plus grand .... On ne parle ni trop ni trop haut de ce qu' on aime vraiment. Le sentiment du devoir s'éveille dans l'activité silencieuse. Il est naturel que nous soutenions' les autorités que nous avons élues dans le travail qu'eUes font pour 'l'ordre el pour Je bien public; il est naturel que nous ,portions les charges publiques et

que nous sutvwns Je drapeau. On ne discute pas, on ne mentionne même pas ce qui est naturel. On Je fait et on le vit. Le rapprochement des races et des classes diverses de notre Suisse, les mai.ns unies ·pour ,permettre à l'électricité communicative de l'idée suisse de passer dans tout le peuple, la force de mai· triser les colères intérieures et de taire la critique qui déchire des compatriotes, la cal· me décision vis-à-vis de l'étranger, la tolérance et la fraternité parmi les citoyens, tout cela c'est le patriotisme de la vie. Il n'a pas besoin de discours, ce patriotisme-là, il n'a que faire de phrases. Il nous suffit de connaître que nous sommes petits aujourd'hui, et de vouloir être plus grands demain dans une vic consacrée au travai'l si· lencieux et à l'amour réciproque.

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Malgré de rares tours de lorce, il est cer· la·in que ee qui est véritablement beau est l'ouvrage du temps et du recueillement, et qu'H n'y a pas de génie sans patience. A. de Musset. 0

L'llerbe d'ennui se fane où ileur·i t le devoir. Chantavoine. 0

En toute chose il faut considérer la fin. La Fontaine. 0

Ne remettez jamais à demain ee que vous pouvez faire au.jourd'hu·i. Franklin. 0

Sachez à vos devoirs immoler vos plaisirs; Et tp our vous rendre heureux modérez vos désirs. Blanc}tard. 0

Pour bien savoir les choses, il faut en savoir le détail, et comme Œ l est presque in· fini, nos connaissances sont tou1ours super· ficielles et imparfa·ites. La Rocheiouêauld. 0

Aimer à lire, c'est faire un échange des heures d'ennui que l'on doit avoir en sa vie, contre des heures délicieuses. MontesqUJieu.


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