No 04 l'Ecole primaire, 15 Janvier 1903

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xxue année

1902/03

8 frontières du gourcl·ucllHmt ùe •.rotJOlsk, üvant avec sa famille de la modique rétribution de dix kopecks par jour, assignée aux prisonniers qui ne sont pas condamnés aux travaux publics. LaJ jeune Prascovie contl'ibu ait par son tJ:avail il la subsistance de ses parents, en aidant les blanchisseuses du village ou ll's moissonneurs, et en prenant part à tous les ouvrages de la campagne dont ses forces lui permetta·ient de s'occuper : elle rapportait du blé, des œufs ou quelques légumes en payement. Arrivée en Sibérie dans son enfance, et n 'a.yant aucune idée d'un meilleur sort, elle s e livrait avec joie à. ces pénibles traYaux, qu'elle avait bien de la peine à s upporter. Ses mains délicates semblaient avoir êté formées pour d'autres occupations. Sa mère, tout entière aux soins du pauvre ménage, sembla it prendre eu patience sa dêplorable' situation; mais son 11ère, accoutumé dès oo première jeunesse :l la vie' active des armées, ne pouvait se résigner à son s ort, et s'aba.ndonua it souvent à des accès de dêsespo it• que l'excès même du ma!J1eur ne saurait justifier. Quoiqu'il évitât de laisser voir il. P rnscovie lrs chagrins qui le dévoraient, elle' avoit été pins d'une fois témoin de SPs la·r mes ù tnlVPI'S les f~utes d' une c·lolson qui sGparait flOu réduit de la chambre de se'S parents, et elle commeucait depuis quelque temps it réflllchir sm· lem· cmeiiC' destinée.

Loponloff avait •:Hlrcssé depnis quelques m ois une supplique au gouverneur de la Sibérie, qui n 'ava.it jamais répondu il, Res demandes précêclentes. Un offi<:ier, pns~ant par lscllim pour des affaires de service•, s'é1ait chnrgé cle' la dépêche et Juj avait promis d'appuyer ses réclamations a upt•ès du gom·er neut·. LP mnlhcm·eux exilé en avait con!)u quelque espoir; mai s on ne lui flt pas plus rle réponse qu'auparavant. Chaque voyageur, chn.que comri er venant de Tobolsk (êvf'neme:nt bien rare), njoutait le 1ourment de l'esPél'unce clilGUP aux maux dont il 6ta·it aerablé. Dans tm de ces triStPs moments, la jeune tille, revenant de la moisson, tt·ouva sa mè-

n' IJaiguec ùc l;u•mc;:, ct fut effr.a·yiÎe de la pâlem· et de:; sombres regards <le ::;on Itère, q ui se livrait ù tout le délire de la douleur. « Voilil., s'écria-t-il, lorsqu'il la vit paraître, le plus cruel de tous mes malheurs !! voilà l'enfant que Dieu m'a donnée dans sa colère, afin que je souff re doublement de ses mra'llx et des miens, afin que je la voie dépérit· lente<mC'nt sous mes yeux, ôpuisée par de serviles tJ'Ii vaux, et q uc le titre de père, qui fait lt• bonheur de t ous les hommes, soit pour moi seul le dernie1· terme de la malédicüou du ciel. >> Pmscovie épouvantée se jeta dans ses bras. La mère et 1aJ fille parviment à le tranquilliser en mêlan t leurs larmes aux siennes ; ma is cette sct'ne fit la plus grande impression sur l'esprit de la jeune fill e. Pour la première f ois, ses pnrents avaient ouvertement parlé eleva nt elle de leur situaHon dtssespérée; twm· la première fois, elle pnt se former une idée de tout le malheur de sa famille. Cc fnt ii cette époque, ct clans la quinzième a nnée de son il.ge, que la première idf'e d'allet· à Saint-Pétf'lrsbourg demander la gr:l. ce de son père lui vint ii. l'esprit. Elle r::lC'ontait elle-même qn' nn jour cette hc nren~e prn sée se présenta· il. elle comme nn éclair, au moment oi\ elle achevait se::; pr ièl'l'IS, et lni causa un 1:ronùle inexprimable. E lle a tou. jours Hé persuadée que ce fut une iuspimtion de lrr Pl'O"''idcnce, et cette ferme confhmce la soutint <lnus ln. suite au milieu des ci rcoustn nces le.s plus décou rageantes. .Ju1;qu'nlor s l'espérance de I:t li berté n'élait point entrée dans sou cœnr. Cc scutl ll ll'.llt nouve·nn pom· C'Jie la remplit d'nue grande! joie: elle se remit aussit<it en prière; ma is ses iclC-es étaient Ai confuses, que ue oocù ant elle-mérue ce qu'elle voulait demaui1et· A Dieu, elle le pria Reniement de ne pas la priYer du bonbenr qn'elle I"J1ronva it ct qu'elle ne savoit définir. BiE-ntôt rependnnt le pt·o;et d'allet· il Saint-Pétersbonrg se jeter aux pircla rlc l'PmpC'renr ct lui dem~nder la· grilcc de ~<on pi're se Mveloppn. danR son E-sprit et l'occupa llOi!]ucment.

ORGANE DE LA

SOCIETE VALAIS ANNE D 'EDUCAT ION

L'Ecole primaire donne de 12 à 15 livraisons de 16 pages

~ha~une, non compris la couverture, et autant de suppléments de 8

a 1" pages pendant le cours scolaire.

Prix d'abonnement : Suisse fr. 2.50 lJnion postale f•·· 3 Tout cc qui c.::-ncerne Ill publlc~:tticn doit être ndressé directement

èt M. P . PIONAT, 1er secrétaire èt l'Instruction publique, èt S ion.

(A. B1tivre.)

C'est la bonté seule qui pal'le au cœur de la jeune et•éature et à laquelle elle t•époud par la gt•atitude qui est aussi la bonté. S . Fran çois de Sales.


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