L'Ecole valaisanne, mars 1977

Page 1

MACHINES A ECRIRE ET A CALCULER

Vente - Location - Réparations Demandez nos conditions et prospectus

HaJienbarter Téléphone (027) 22 1063

SION

~I ~ I Monthe Sion Sierre

SCHMID & DIRREN

Fournitures scolaires -

Meubles et machines

Demandez nos offres sans engagement

-


Bulletin mensuel du personnel enseignant du Valais romand

~PIM~·IIII 'n-' -~I ~il_lliiMI 1rJJœ~~1 IiI

I:~O~~~~~~re~~)~!~sG

Mars 1977 XXIe année

No

7

ab 21.4.77 (fj (01) 9105653 8642 Ebnat-Kappel SG (j) (074) 3 24 24 Fabrique d'engins de gymnastique, de sports et de jeux

Le spécialiste du mobilier sco-Iaire et de salles 50 ans d'expérience!

85 ans de construction d'engins de gymnastique

ZESAR S.A.

Livreur de. tous les engins pour la compétition et des tapis mousses des championnats d'Europe de gymnastique 1975 à Berne

Case postale 25 2501 BIENNE Téléphone (032) 25 25 94

Vente directe de la fabrique aux écoles, sociétés autorités et privés '

An.ïf'iI11IIC:!l!11 !l!rrt;; "~llÎfl Ill~_ •

'-~~fJ

'-' Il

.-.

ni

~

Institut de jeunes filles de la région Vevey - Montreux cherche

L'ECOLE VALAISANNE

paraît à Sion le 15 de chaque mois, juillet et août exceptés.

REDACTEUR

M. Jean-Pierre Rausis

DELAI DE REDACTION

Le 25 de chaque mois.

EDITION; ADMINISTRATION, REDACTION

ODIS, Gravelone 5, 1950 Sion, tél. (027) 21 53 65.

IMPRESSION, EXPEDITION

Imprimerie Valprint S.A., Sion.

ABONNEMENT ANNUEL

Fr. 20.-, CCP 19 - 12, Etat du Valais, Sion (pour le personnel enseignant, l'abonnement est retenu sur le traitement).

T ARIF DE PUBLICITE

Couverture : 4e page avec 1 couleur (minimum 10 fois) mais avec changement de texte possible

2e et 3e pages avec 1 couleur (minimum 10 fois) mais avec changement de texte possible

1/1 page 1/2 page 1/4 page 1/8 page

1/1 1/2 1/4 1/8

MAITRESSE MENAGERE QUALIFIEE ou CUISINIERE capable de donner des cours de cuisine fine. Poste à plein temps. Date d'entrée à convenir. Faire offre détaillée sous chiffre PW 40635 à Publicitas, 10'02 Lausanne.

Fr. 3500.Fr. 1 800.Fr. 1 000.Fr. 600.-

page page page page

Fr. 3200.Fr. 1 650.Fr. 900.Fr. 500.-

Pages intérieures 1/1 page Fr. 300.1/2 page Fr. 160.1/3 page Fr. 120.1/4 page Fr. 90.1/8 page Fr. 50.-

TOUJOURS BIEN SERVIS AUX MAGASINS

Rabais pour ordres fermes: 5 fois: 5 %, 10 fois: 10 %.

DONNEES TECHNIQUES

Délai des annonces: le 1er de chaque mois. Surface de la composition: 150 x 215 mm. Impression: offset.

REGIE DES ANNONCES

. Publicitas S.A., Sion, tél. (027) 21 21 Il et ses agences de Brigue, Martigny, Monthey.

MONTHEY - MARTIGNY - SION - VIEGE

ENCART

Les encarts sont acceptés. Prière de se renseigner de cas en cas auprès de Publicitas S.A.


Sommaire AVANT-PROPOS

INTRODUCTION

Avant-propos

par A. Zufferey, chef du Département de l'instruction publique. . . " "

3

par J.-P. Rausis

4

L'Ecole valaisanne présente un nouveau numéro spécial consacré cl des aspects de la vie culturelle valaisanne. Cette étude volontairement limitée dans ses objectifs n'en demeure pas moins un document intéressant pour les enseignants, surtout au niveau de l'information qu'il apporte et des prolongements pédagogiques qu'il suggère.

SITUATION DES LETTRES VALAISANNES J.-L. Bagnoud H. Maître J.-L. Bagnoud

Introduction Suites monographiques Réflexions pédagogiques

6 10 20

Après le numéro consacré au patrimoine architectural, cette nouvelle publication contribue à une meilleure connaissance de notre patrimoine culturel. Les différentes formes d'expression présentées sont autant de témoignages de la vivacité d'une expression valaisanne. On ne peut que s'en réjouir. Les textes qu'on lira ne prétendent bien sûr pas à l'exhaustivité, ils veulent être simplement des approches que les enseignants sauront prolonger et compléter par des recherches et des contacts personnels. La réalisation de telles activités répond du reste à la nécessité que nous avons d'approfondir et de faire connaître nos valeurs culturelles fondamentales. Nous le devons pour nous-mêmes dans une recherche constante de notre identité, mais nous le devons aussi à la communauté dont le rayonnement dépend de la richesse, du dynamisme et de la solidité de chacun de ses membres.

THEATRE ET ART DRAMATIQUE par M. Deléglise

23

par M. Veuthey

33

LA VIE MUSICALE

LES BEAUX-ARTS EN VALAIS AU XXe SIECLE par B. Wyder .

47

LE CINEMA: UNE FORME DE CULTURE? J.-P. Rausis R. Chédel P. Bruchez

Films tournés en Valais . Le cinéma à l'école primaire . . . . . ~spects de l'ac~ivité cinématographique au college de St-Maunce . . . . . . . .

75 81 85

Iconographie rassemblée par Jean-Pierre Rausis (couverture et cinéma) et Bernard Wyder. Crédits photographiques: ~ctu~lités s~isses, Lausan~lc: p. 24; Archiv~s cantonales (Fonds Emile Gos), . SIOn. p. ~8 , Jean-~arc. Bmer: couverture; PIerre Bohrer, La Neuveville: p. 72; Raoul p 51 M'etrai'11 er, 6 ' MartIgny. p. 82, 83. '. Kun sthaus , ZurI'ch'" ,. Ph'l' 1 Ippe . . Chedel, S Ion. p. 7, Oswald Ruppen, DlOlly' p 58' Schw InstI'tut fu" r K t ' . h' 50 T . E . . ..,. uns Wissensc h a f t Z ~nc : p. ; relze tOIles, Martigny: p. 33, 75, 76, 77, 78, 79 ; Bernard W der' Samt-Plerre-de-Clages: p. 11, 13, 14, 15, 18, 28, 30, 32, 35, 36, 38, 40, 43, 41. 45: 48, 51, 52, 55, 56, 59, 61, 62, 63, 65, 66, 68, 73 ; Alice Zuber, Sierre: p. 60.

Page de couverture: Initiale manuscrit liturgique de la seconde moitié du XIV e siee " 1e, conserve' aux d " b l h" · d'un arch Ives u venera e c apItre de SIOn. Photo J.-M. Biner.

2

Cette formation ne dépend pas seulement des enseignants puisque l'on sait très bien que l'éducation familiale, le milieu social et professionnel, l'environnement dans le sens le plus large du terme vont entraîner des comportements différents chez les individus, mais le rôle des maîtres à ce niveau revêt une grande importance, car c'est à eux qu'échoit le devoir de faire connaître et aimer les valeurs culturelles de notre pays. Nous espérons que les études présentées dans ce numéro favoriseront cette éducation et que l'intérêt de l'ensemble de la population de notre canton pour les manifestations culturelles ira ainsi en grandissant. Qu'il nous soit permis, en concluant, de remercier M. Jean-Pierre Rausis, rédacteur responsable, de la peine qu'il s'est donnée pour mettre au point ce numéro spécial dont nous ne doutons pas qu'il rencontre le plus vif intérêt. Le chef du Département de l'instruction publique A.

Z~lfferey


C'est dans cet esprit et avec en plus une constante préoccupation pédagogique que les cinq chapitres consacrés à la littérature, au théâtre, à la musique, aux beaux-arts et au cinéma ont été conçus. Nous adressons nos plus vifs rem~rciements ~ux ~u­ teurs pour l'intérêt qu'Ils ont mamfeste et pour le travail important qu'ils ont four ni. Dans le prolongement de cette étude nous avons prévu revenir soit dans des numéros de l'Ecole valaisanne, soit au moyen de pu blications particulièr~s sur un certain nombre de pOll1ts souleves par ce travail. C'est ainsi qu'un document

Introduction Afin de rompre le rythme mensuel de ses publications, l'Ecole valaisanne vous propose un numéro spécial consacré à des aspects de la vie culturelle valaisanne. Pourquoi un tel numéro? Cette formule d'une publication spéciale a rencontré l'in térêt des lecteurs, c'est la raison pour laquelle nous avons décidé pour la quatrième année consécutive de consacrer un numéro entier à l'étude d'un thème. Peutêtre que certains lecteurs aimeraient savoir comment nous avons choisi ce sujet? Eh bien, nous avons tout simplement, parmi les membres du conseil de rédaction, effectué une enquête où nous demandions à un certain nombre de lecteurs de nous suggérer des thèmes à traiter dans un numéro spécial. C'est donc sur la base de ces propositions, fort peu nombreuses d'ai11eurs, que le conseil de rédaction a porté son choix sur ce sujet. Dès le début de nos discussions, et il est peut-être intéressant de signaler que cela remonte au mois de juin 1976, nous nous sommes trouvés face à deux problèmes importants concernant ce choix: -

ce thème est-il en relation avec le travail des enseignants;

-

ce thème n'est-il pas trop vaste pour être traité dans un numéro de l'Ecole valaisanne.

Cette double question nous a donc amené à fixer des objectifs clairs et limités pour cette publication. Nous tenons donc à préciser que ce numéro spécial ne prétend en aucun cas à l'exhaustivité et tend encore moins à aborder la problématique d'une politique culturelle. Nous voulons simplement, tout en restant dans une optique pédagogique, sensibiliser nos lecteurs à l'importance d'une ouverture de l'école sur la culture locale. Ce sont des objectifs d'information et de sensibilisation à la vie culturelle valaisanne que nous visons. Nous sommes tout à fait conscients de l'ampleur de la démarche, c'est la raison pour laquelle nous

avons limité nos objectifs étant entendu que seuls les enseignants dans leur classe et dans le cadre de démarches personnelles seront à même de transmettre à leurs élèves un réel intérêt culturel. Ces objectifs généraux étant arrêtés nous avons bien sûr dû nous pencher sur le champ recouvert par la notion de culture. Nous avons pour cela largement consulté un document fédéral 1 et c'est à la lumière de ce rapport que nous avons défini le contenu de cette étude. L'on peut dire que l'esprit de ce travail se voudrait conforme à la définition que l'UNESCO donne de la culture qui « englobe les structures, modes et conditions de vie d'une société et les diverses façons dont l'individu s'exprime et s'accomplit dans cette société ». Nous avons donc tenté, conformément à cette définition, de présenter les activités culturelles de notre canton en considérant que «le développement des connaissances, l'essor conjoint de la science et des techniques, les progrès de J'industrialisation, l'accélération de la mobilité sociale ont transformé rapidement et profondément les cadres et les modes de vie des hommes, ont bousculé les systèmes de pensée, de valeur et la perception sensible du monde qui étaient les leurs - en bref, les a souvent déracinés de culture qui, pendant des siècles, leur avaient permis de se situer dans leur temps, leur société, la vie. C'est ainsi qu'il a fallu que le paysan soit arraché à sa terre, à tout ce qui lui permettait de vivre en harmonie avec elle et soit jeté dans les vi11es, derrière des machines ou des bureaux, pour qu'on s'aperçoive de l'importance fondamentale de ces cultures qui, pour les sociétés humaines allaient jusqu'alors de soi, comme l'air qu'on respire ».

1 Eléments pour une politique culturelle en Suisse. Rapport de la commission fédérale d'experts pour l'étude de questions concernant la politique culturelle suisse. Berne, août 1975.

5

concernant la littérature est à l'étude en collaboration avec quelques écrivains valaisan's. Nous profiterons également des contacts établis lors de l'élaboration de ce travail pour développer une ?ocume~t~­ tian plus étoffée sur les chapitres .traites. Enfin nous espérons que les enseIgnants profiteront de cette sensib!lisation ~o~r ouvrir leur classe à des artIstes, des eCrIvains, des cinéastes, afin de cré~r le COl?tact avec les élèves et de leur faIre sentIr et surtout aimer les richesses de notre patrimoine culturel. J.-P. Rausis


-----

Situation des lettres valaisannes On doit, me semble-t-il, prêter beaucoup d'attention à la littérature qui se fait, aujourd'hui, en Valais. Certes, le panorama que l'on trouvera ici sous la signature de M. Henri Maître étonnerait sans doute le lecteur français par le petit nombre de noms qui ont atteint la notoriété internationale. Ne sous-estimons pas, cependant, une littérature qui fournit l'écrivain de Suisse romande le plus lu, une littérature où les formes classiques de la culture et du style éclatent chez Maurice Zermatten et Marcel Michelet, où des voies nouvelles sont tentées par Germain CJavien et Maurice Chappaz, où le Valais d'hier est conté par Jean FoIlonier, où la poésie tient son rang, où Jacques Darbellay et Gabriel Pont ont une remarquable vigueur de plume. Les noms qui méritent de figurer au palmarès sont nombreux, et les registres variés. Paul Valéry disait qu'il est des monuments qui parlent et des monuments qui chantent. Le cas de l'écriture est, en définitive, semblable. L'œuvre littéraire ne vaut pas tellement par son sujet, mais sans ce sujet, elle ne pourrait être ce qu'e1Je est. L'art n'esf pas dans le sujet, mais il dépend de lui. Le plaisir du lecteur vient donc d'entendre parler juste, le contenu importe peu. Le véritable écrivain se reconnaît à son chant. Certaines œuvres peuvent donc être mal composées, mais le ton de l'écrivain transforme en vérités évidentes des maladresses techniques. Le Valais est entré dans la littérature romande et universelle par quelques-uns de ses écrivains chez qui le critique littéraire peut discerner des contradictions; mais leur chant les résout implicitement.

Dresser un catalogue des lettres valaisannes dépasse le cadre de cet article. J'aimerais' plus simplement - de façon partielle, et donc partiale - situer le climat dans lequel est néle Valais qui s'exprime.

une langue heurtée, viol~nte et ~usclée, prédit l'agonie du «Va!aIs du ?OlS» et se fait le héraut d'un ValaIS archalque, parce que l'irruption de la mac.hine et. un to~­ risme en passe de devemr une m?ustne arrachent au vieux pays tout ce qUI constituait sa culture et sa civilisation. Il n'est pas sans intérêt de noter à ce propos que Toepffer, déjà, avait remarque. le com?at acharné que se livrent en ValaIS « l~ ha~e précipitée du progrès et la tenace mertIe des coutumes séculaires ».

LE PASSE ET LE PRESENT C'est autour des valeurs que représente ce diptyque - Valais d'autrefois et Valais d'aujourd'hui - que s'est faite et se fait encore une partie de la littérature de chez nous, réaliste ou lyrique, nostalgique ou agressive. Le passé? c'est la lutte contre les éléments, c'est l'extrême pauvreté, la quête du pain quotidien, l'isolement, la « civilisation du bois ». Le Valais fut, durant des siècles, fermé dans ses montagnes, tourné vers ses besoins. Et c'est ce Valais nécessiteux que des écrivains, ayant euxmêmes eu des difficultés de tous ordres, étant eux-mêmes de la montagne, ayant vu des enfants avoir faim, décrivent avec réalisme. «Je ne puis être heureux là où je vois partout les fatigues de l'homme et ses travaux inouïs qu'une terre ingrate refuse de payer », s'était écrié Chateaubriand à propos du Valais, à l'époque où il fai1Jit occuper le poste d'ambassadeur de France à Sion. Cette dureté de la terre, cette âpreté du climat, des 'conditions de vie difficiles ont inspiré à des écrivains valaisans - à Maurice Zermatten notamment - des œuvres rudes, des personnages à la sensibilité primitive, des êtres entiers que la bonne société - préférant l'image idéalisée du Valaisan - accueille avec réticence d'abord et n'appréciera, à leur juste valeur, que plus tard. Ce Valais de l'âpreté, pays des «jeunes gens de la silicose », apparaît à certains bardes de chez nous comme le haut pays géographique aux trésors méconnus que disent les vieilles légendes et les contes, le pays des enracinements que ne doivent pas saper «les puissantes mâchoires des pelles mécaniques, de l'argent et du progrès ». Les uns, tel Jean Follonier, chantent l'atmosphère des villages, des veillées, des fêtes et des travaux d'autrefois. Ils disent le Valais des vignes et des bisses, les pratiques traditionnelles, les institutions anciennes, la force du vieux pays sacré. Parmi d'autres, Maurice Chappaz, dans

« J'ai assisté à la fin des visages» s'écrie l'auteur. des MAQUEREAUX DES C.IMES BLANCHES. Cri du poète, témom - douloureux mais impuissant - de la lente dégradation morale d'un peuple livré aux plus matérielles « nourntures te!'restres » ? Ou bien grinçant éclat de VOlX d'enfant gâté qui médit de l~ civilisation dont il profite? Ce n'est nt le moment ni le lieu de nuancer l'alternative, encore moins de prendre positi~n dans un dél?at - passionné sinon paSSIOnnant - qUI a eu le mérite d'attirer l'attention d~ grand pu blic suisse sur les lettres valaIsannes. Ce débat témoigne, en tout cas, de la valeur du dialogue entretenu pendant des siècles entre le Valaisan et la terre et des difficiles aggiornamentos des époques, d.e croissance, quand les homm.es ne se reSIgnent pas aux ruptures faCIles. Car, audelà du conflit, dans ce monde en mutation, il s'agit bien de valeurs fondamentales, de vertus ancestrales que nous avons à sauver et à incarner dans d~ nouvelles structures économiques et SOCIales: elles s'appellent, dit l'auteur du GRAND CAPUCIN un amoureux de la montagne ~t de la vérité humaine: «fi?élité à la ~01, droiture de l'esprit, fermete du caractere, ouverture du cœur ».

LA FOI RELIGIEUSE

6

7

J'ai parlé des ;raleurs. La f,ai est une de ces valeurs sures ~u passe et, p,e~t­ être l'héritage le plus Important de 1 hIStoir~ valaisanne. Il ajouterait à l~ collection « CE QUE JE CROIS» un hvre sans

doute intéressant, celui qui tracerait les itinéraires spirituels des écrivain~ de ce canton. Entreprise périlleuse, malS combien passionnante! Car ils sont nés .dans une certaine religion, ils l'ont vu pratIquer autour d'eux, ils l'ont respirée, tous o~t rencontré le fait religieux, croyants ou desintéressés, apôtres ou indifférents. Mens agitat molem : la belle expressio~ de Virgile n'a rien perdu de sa force. ~UI, l'esprit travaille la masse d~s ,choses. C est la notion fondamentale, generalement reconnue, de ceux qui sentent Dieu ~omme l'enveloppement d'une présence vivant.e. La plupart de nos écrivains vont plus l?m et font coïncider cette essen~e de DIeu avec la forme du Dieu de la BIble. Certains écrivains posent au lecteur les questions existen,Üelles .qui ont secoué l'Eglise de l'apres-concile. (UNE ~OU­ TANE AUX ORTIES), VOlent les raIsons de la déchristianisation des masses et de la démission des élites dans l,a recher~?~ forcenée des satisfactions qu une SOCIete de consommation promet de combler. Certains disent les nécessaires engagements dans la société, prennent e~ compte les réalités quotidiennes de la VIe, et en référence à la Création, voient .dans la terre un laboratoire, un chantIer, une tâche à accomplir. Les ouvrages ~e .plusieurs écrivains, qui se défendent, a Jl1:ste titre d'ailleurs, d'être - sel?n .1'expressIO~ de Mauriac - des «écrIvams ~athoh­ ques », donnent cependant de la :'l? et de la mort, des déchirements et des JOies, des amours humaines et de l'engagement politique, une vision chrétienne. « Etre chrétien, a-t-on dit, ce n'est I?as professer un humanisme plus ou moms climatisé par les influences morales de l'Evangile»: oui, certes, c'est plus qU,e cela et autre chose. C'est ?onner s?n a?hesion à une personne VIvante, a ~ esusChrist. Marcel Michelet, Marcel ~Iche~­ lod et Gabriel Pont l'ont re~cont.re; Ammés du sens de l'urgence, lllu?lmes par une grande richesse intérieure, Ils s'adressent aux hommes avec leur âme de prêtre


et témoignent de leur présence à la présence de Dieu qui visite son peuple. Ils produisent une œuvre éminemment spirituelle, chantent les béatitudes et les mystères du christianisme. De tempérament mystique et nourris d'une spiritualité de la montagne à la manière de Gratien Volluz, au lieu de toujours parler de Dieu aux hommes, ils parlent des hommes à Dieu et leur élévation spirituelle nous vaut de belles œuvres. A travers eux, le GrandSaint-Bernard et l'Abbaye de Saint-Maurice continuent à être des lieux inspirés où souffle l'Esprit.

PASSAGE DU POETE L'écrivain valaisan s'est appliqué à tous les genres littéraires: roman, conte, fable, théâtre, essai, poésie. Au terme de cette étude, je me tourne vers la poésie, parce qu'il est peu d'auteurs qui n'aient été, en vers ou en prose, des poètes. Une autre raison de nous intéresser particulièrement à l'avenir de la poésie en Valais, c'est que ces dix dernières années, aucune voix nouvelle ne s'est fait spécialement remarquer. La poésie va-t-elle disparaître faute de poète, ou se décourager faute d'être comprise ou lue?

Poésie chargée d'émotion, «qui capte les nuances de la nostalgie et de la tendresse, qui parle au cœur et à l'intelligence, telle est la poésie de Germain Clavien: «Une lanne Est-ce moins qu'une goutte de pluie Sur le limbe des feuilles Un rayon de soleil à travers les branches Pèse-toi! davantage Qu'un sourire Et ces jeux d'ombre et de lumière Dans le fourré de la vie Quand notre cœur se serre» (AMOUR)

Avec Germain Clavien, nous entrons dans un univers connu - « l'épine-vinette de mon enfance et le sifflement du merle» - auquel nous sommes liés par toutes les fibres sensibles de notre âme. Dans AMOUR, DESERT DE MON AGE et LA MONTAGNE ET LA MER, la poésie n'est presque jamais ornement, description ; elle se veut mystère, recherche d'une vérité cachée que le bon sens et l'observation ignorent. Cette poésie est appel à la vie et pari: gageure d'exprimer avec des mots humains une émotion ou une vérité que le langage humain n'est point fait pour exprimer. Germain Clavien rejoint, en cela, l'aventure poétique du XXe siècle français.

et de la communion humaine. Poésie rompue à toutes les Sil btilités de la technique et, en même temps, poésie des drames intimes et de la Joie qui n'est donnée qu'au terme de longs cheminements humains.

Chez Corinna Bille, poésie fascinante d'une œuvre placée « sous la double invocation de la sensualité ingénue et de la mort ». Poésie tout imprégnée du message mystique du Valais d'hier et poésie de l'étrange dans le tout récent SALON OVALE.

Ce poète aux éclats fulgurants et aux ruades cinglantes est, en définitive, le peintre d'un éden dont nous n'avons plus que la nostalgie. Pour y parvenir, il faudrait s'élever au-dessus des vignes, des mélèzes et des vernes, afin de traquer dans la jungle des glaces - comme il l'a fait dans LA HAUTE ROUTE - les chamois et les grives, les silences et les « ouinements », et ces appels d'animaux « qui inspirent au skieur des métaphysiques fauves ».

Maurice Chappaz cache, au côté du pamphlétaire (poète lui aussi !), un poète d'essence paysanne,' « Le Valais de mon cœur est plus grand que l'autre. De toute éternité, il existe. Je l'ai connu Quand il avait du bois de raccard et du sang de gentiane» (LE V ALAIS AU GOSIER DE GRIVE)

Poésie dense et vivante de Pierrette Micheloud, troubadour nouveau-style, qui entre dans les cafés et donne lecture de ses poèmes. Poète du Rhône, elle voudrait « Redevenir la goutte d'eau pure Qui recommence le monde»

cvALAIS DE CŒUR) L'œuvre poétique de Marcel Michelet a été couronnée de hautes distinctions. Séduit par la poésie toute formelle,

« Quarante ans je suai Dans le champ de Malherbe Triant la mauvaise herbe Et le faux minerai» (LE LOTUS PARFUME) le poète est, par la suite, inspiré par des cartes postales et ce qu'elles représentent: le chardon, l'anémone soufrée, le four communal, puis il se tourne à nouveau vers les hommes, leurs souffrances et leurs joies, afin de dire - comme le fait l'ensemble de son œuvre - la richesse de la solitude

9

Chant d'amour délicatement modulé sur les berges du Rhône, rappel de l'âpreté d'un pays où sans cesse le grandiose côtoie le tragique, écho de nos similitudes et de nos divergences, toute la poésie valaisanne ne saurait être là, car cette énumération est loin d'être complète. Il aurait fallu parler aussi de Gabriel Pont, poète dont l'acte créateur est proche de l'essentiel et prophète de la sérénité joyeuse et de la ce~­ titude intérieure; de Jean Graven qUI, dans son PAYS EN FLEURS, un des plus beaux livres que le Valais ait inspirés, protège de l'oubli toute une dimension de notre passé. Puisque le mouvement poétique issu des différen tes manières symbolistes refuse, non sans raison de se confiner dans une tâche lyrique ou décorative, refuse d'être parure de l'univers connaissable; puisque la poésie veut, légitimement, dire ce que seule elle peut dire, nous faisons volontiers nôtre la remarque d'Alfred Berchtold : « nous avons besoin du passage du poète aussi bien que du dialogue avec des hommes de foi, d'amour et de lucide bonne volonté ». Jean-Luc Bagnoud


monde. Ramuz s'éloigne «d'un réalisme de microscope», écrit Maurice Zermatten, et quête «des signes et des symboles». « Au-dessus de l'existence humaine encadrée par la naissance et la mort» il sait que pour ces hommes «le retentissement des paroles et des actes» va jusqu'à l'infini. Avec Ramuz, le Valais fait son entrée dans la littérature. Le peuple des montagnes est placé face à face avec le destin; la réalité quotidienne et ses prolongements spirituels sont écrits en pages inou blia bles ; le pa ys a désormais une noix fidèle et poétique. Ramuz a donné à la montagne valaisanne « un sens nouveau» écrit A. Berchtold, ou plutôt, en ce1le-ci il a {( retrouvé le sens des mythes perdus» ; « la montagne est le personnage agissant et terrible d'un drame éternel et quotidien». «Ramuz s'est attaché surtout à montrer l'armature, l'ossature d'un pays de dureté et d'amour concentrés ».

SUITES MONOGRAPHIQUES Pour dire très succinctement ce que fut la littérature valaisanne avant que s'affirment dans le Vieux Pays de véritables vocations littéraires, empruntons à Henri PERROCHON. ce bref aperçu: {( Longtemps le ValaIs romand n'a guère eu d'écrivains remarquables. Certes, des prêtres s'intéressaient à l'histoire, et, dans la solitude de leur cure ou d'un couvent composaient des vers pieux, parfois ils fai~ saient jouer des pièces de théâtre de leur cru; des magistrats versifiaient au sortir de leurs audiences. Le conseiller d'Etat Charles-Louis de Bons écrivait des poèmes sur les hirondelles, le martyre de saint Maurice ou les aventures de Divico' il alimentait revues et journaux de récit; et de contes peuplés de revenants et de mulets bavards. Son fils Roger fut à son tour poète et nouvelliste; il fut le biographe de Louis Gross, président du tribunal de 1tlartigny et auteur de Gerbes poétiques. Un Bagnard, exilé à Paris, y célébra les Voix du Rhône, se voulut dramaturge avec un Nabuchodonosor et un Brunehaut et Frédégonde, dédié à Rachel. La mort prématurée de Louis de Courten priva peut-être son pays d'un poète de valeur. Un instituteur-chef de gare pu blia une Lyre valaisanne. » Et pourtant le Valais suscitait des admirations littéraires aussi illustres que nombreuses. Maurice Métral, Claire-Eliane Engel, Charles Gos, Lucien Lathion en ont dressé des listes prestigieuses : Gœthe et Haller, Rousseau et Senancour, Chateaubriand et Dumas père, Théophile Gautier, Musset, Nodier, et tous les poètes du Cervin, dont Paul Budry et Werner Kaempfen ont réuni les témoignages. On ne saurait oublier Rilke, Toepffer, Edouard Rod, Edmond Bille, CharlesAlbert Cingria, René Morax, Pierre Vallette ... Et Ramuz: Robert Marclay n'a-t-il pas écrit une thèse sur Ramuz et le Valais? » L'attrait du Valais demeure bien vivant: Gonzague de Reynold, Robert-Be-

noît Cherix, Jean Villars-Gilles Jean-Daniel Bovey, André Guex, Vio-Martin ... » Et les écrivains valaisans sont aujourd'hui nombreux. » Parmi. les précurs~urs, il faut rappeler le so~vel11r de Mano (Marie Trolliet), vaudOIse mais de lointaine ascendance valaisan.ne, et .qui, fixée à Sierre, s'efforça de pemdre sItes et habitants. Louis Courthion fut l'historien de la vallée de Bagnes; ses Scènes valaisannes, ses contes, son Jeune Suisse eurent du succès. Le chanoin~ Jules Gross, lyrique et dramaturge, expnma en prose et en vers les sentiments d'une âme généreuse. Solandieu (Albert Duruz) mit en opéra des œuvres de Charles-Louis de Bons et de Louis de Courten et p~bli~ chroniques, contes, croquis du ValaIS pittoresque. En collaboration avec Pierre Délèze ou seul, l'abbé Jean-Emile Tamini narra l'histoire du Val d'IlIiez et de Sierre, et ses légendes font la joie des enfants. Marguerite Burnat-Provins fut une ardente Anna de Noail1es. »

C.F. Ramuz, gravure d'Edouard Vallet

On peut signaler que le peuple fut assez tôt éveillé aux idées politiques et partisanes car les partis créèrent une presse d:oI?inion qui engagea le pays dans les polemiques de plume: exigences de réforme dans {( L'Echo des Alpes» fondé en 1839 ; défense des traditions dans «La Gazette du Valais» éditée seize ans plus tard. Naissent aussi des sociétés culturelles comme «La Murithienne» et la «Société d'Histoire du Valais romand ». «L'esprit s'ouvre aux réalités les plus diverses», écrit Maurice Zermatten; «au seuil du vingtième siècle, le Valais prend une place, enfin, dans la vie culturelle helvétique» ; une lente germination inte]]ectue]]e créait en profondeur des ramifications multiples et invisibles; une littérature valaisanne allait naître et s'épanouir... Mais il faut revenir quelques années plus tôt car l'impulsion vint de l'extérieur. En 1907 Ramuz passe quelques semaines à

10

Il

Chandolin, qui lui inspire« Village dans la montagne », puis il s'installe quelques mois à Lens où il écrit «Jean-Luc persécuté» et prépare d'autres ouvrages. Ramuz comprend le Valais dans ce qu'il a d'élémentaire et de grand à la fois, d'original et d'universel, de rudesse et de tendresse. Il trouve en Valais un pays qui a gardé l'aspect de ses lointaines origines, un pays qui a pourtant une histoire longue de plusieurs siècles; là se trouve l'homme enraciné et fidèle, comme les hommes de la Bible: c'est ce que le génie de Ramuz cherche pour s'exprimer pleinement, pour abandonner la ferme du gros de Vaud, écrit Maurice Zermatten, pour chercher une autre inspiration que celle de la littérature bourgeoise. Et Ramuz pense que, placé ainsi dans la solitude d'une nature sauvage presque, ressentant sa fragilité et sa petitesse, l'homme de Chandolin et de Lens est un personnage idéal de tragédie, et qu'il atteint la grandeur des âmes fières et fidèles. Ramuz part de la réalité, dans ce qu'elle a de pitoyable et de sacré, mêlant le charnel et le spirituel; et il conduit le réalisme vers une vision mystique du

Rainer Maria Rilke connaît le Valais en 1920. Le pays est pour lui une découverte; il trouve à cette vallée des Alpes une dimension spirituelle et cosmique; il y

! I ! ' · ~··; / / If

R.M. Rilke, gravure de Fred Fay


trouve son accomplissement poétique; c'est à Muzot que son génie éclate; là jaillissent en quelques mois dans la sérénité du paysage et la tension de l'âme des œuvres que le poète portait en lui depuis des mois et des ans: les «Elégies », les « Sonnets à Orphée », « La lettre du jeune ouvrier », poésie parfois ambiguë et hermétique, aux formules sibyllines, méditation essentielle à l'expression pure, purifiée par l'impossibilité même de dire son frémissement intérieur. Le Valais peut honorer ce poète qui est selon Musil «l'une de ces hauteurs sur lesquelles le destin de l'esprit avance de siècle en siècle ». Grâce à lui, Sierre, Muzot, Rarogne sont des lieux connus de la littérature allemande, comme le manoir de Combourg et Saint-Malo dans la littérature française. Et puis R.M. Rilke a chanté le Valais dans « Quatrains valaisans» ; il aime « ce pays arrêté à mi-chemin / Entre la terre et les cieux / Aux voix d'eau et d'airain / Doux et dur, jeune et vieux»; c'est un attendrissement poétique fait des impressions fugitives que lui procurent à fleur de peau le charme du paysage, la poésie des vignes, les bruits, les voix, les murmures, et le silence de l'espace dans lequel tout cela s'entend si bien. René Morax trouve dans le haut val d'Hérens le thème et le cadre de «La Servante d'Evolène» ; ce peuple ardent et fidèle, attaché comme l'arole par de fortes racines à la terre, se trouve subitement confronté à la mort qui emporte Catherine « là-haut sur le glacier, dans le ravin des froides ombres ». C'est un drame qui unit la réalité quotidienne, la légende et le surnaturel; c'est une œuvre concentrée au point de vue théâtral et humain, beaucoup plus populaire au sens profond du terme que d'autres pièces de René Morax qui sont des œuvres à grand spectacle lyrique et musical. L'auteur sait être proche de la vie quotidienne, même si la tension essentielle naît et s'entretient dans J'irrationnel.

Ramuz, Rilke, Morax font tour à tour rentrer le Valais dans la littérature romande et universelle. Grâce à eux le Valais sort de l'isolement; l'exemple est don-

né; et les Valaisans se mettent aUSSI a l'écoute de leur pays, cherchent à découvrir son âme, en retracent l'histoire, en recensent ses traditions: Jean Graven écrit le « Jeu des vendanges» en 1934, puis le «Bréviaire du vigneron », «Pays en fleurs» et la première partie de la « Symphonie valaisanne»; en 1936, Maurice Zermatten publie «Le cœur inutile»; Marcel Michelet commence aussi à cette époque-là une fructueuse carrière littéraire. Ils sont les aînés d'une grande famille d'écrivains.

.\ L\l ' IIICE ZEII\I:\TTE\

CONTES ries 11alll~}~ )JUfljS r{,1 Rllône

Marcel Michelet a écrit un grand nombre d'ouvrages: des romans, des essais, des pièces de théâtre, des recueils de poèmes, des biographies. La sensibilité du poète et du prêtre est toujours à fleur de texte pour révéler une âme frémissante aux tourments du monde, profonde, toujours à la recherche d'un apaisement. Lyrisme, vie intérieure; ombre et luminosité, comme les peintures de Rembrandt; innocence enfantine et drame historique; rudesses et enchantements; combat quotidien et grâce mystique; poésie intimiste et culture étendue: ce sont les qua1ités qui apparaissent dans l'elisemble de ses œuvres. Elles sont particulièrement évidentes dans ses deux derniers romans «La Valaisanne» et « Le capitaine» dont la toile de fond est l'histoire valaisanne à une époque tourmentée et sanglante; des personnages y dessinent leur figure et tracent leur chemin; ils deviennent les héros d'une situation que la fatalité modèle autant que la volonté; Marcel Michelet les place finalement au centre d'eux-mêmes; il les «sort» de l'histoire, les place au cœur d'un destin qui pourrait être celui de chacun: c'est l'homme devant la vie et la mort face à l'honneur et la dérision, la justice et l'injustice.

La carrière littéraire de ,Ma[{rice Zermatten a maintenant juste 40 ans; homme d'une vaste culture dont la conscience et la sensibilité sont attentives aux mouvements de la civi1isation aussi biei, qu'à ceux du cœur, il a diversifié son activité, de la poésie au journalisme, de la critique au roman, du drame historique à l'essai. Le Valais est au centre de son œuvre, ce

12

13

pays de soleil et d'ombres, pays encore au moyen âge et déjà dans l'ère moderne; Maurice Zermatten a su l'exprimer dans toute sa diversité: ses chemins rocailleux, ses sites, ses étoiles et ses églises; son peupIe, fier et têtu, avare et pieux, prompt à la querelle, passionné, enraciné à la terre et aux coutumes. Pages épiques et lyrisme, tendresse et âpreté, recherche du plaisir et présence de la mort colorent la trame de ses œuvres de «La Colère de Dieu» à «Une soutane aux orties », de «Christine» à «La Porte blanche ». A travers des personnages parfois rudes, au tempérament entier et à la sensibilité primitive, Maurice Zermatten atteint dans ses œuvres à des réalités essentielles: l'amour, la haine, la souffrance, la joie, la naissance, la mort. Par des analyses, des descriptions et des silhouettes précises et authentiques que lui suggèrent le pays et le folklore, il sait créer des œuvres appartenant à la 1ittérature universelle. La connaissance et la vision qu'il a du pays, des choses et des hommes mêlent le réalisme et la poésie; et il traduit ces sentiments et ce regard en milliers de pages : les thè-

mes sont valaisans, son art est « enraciné dans un terroir» écrit Henri Perrochon mais il est «vraiment humain ». Maurice Zermatten est un écrivain authentique à l'imagination fertile, aux thèmes variés; la pensée est toujours claire; les situations, adéquates et bien amenées; la phrase est balancée comme les valIonnements et les modulations de la Toscane, rude comme les aspérités rocheuses, ou sobre, belle, directe et elliptique: elle emprunte l~ rythme de l'événement ou de la sensatlOn; elle est remplie d'images et de symboles; elle refuse la réthorique; dans l'écriture est toujours affirmée la volonté d'avoir un style. Dans l'essai « Pour prolon~er l'adieu» publié en octobre 1976, Maur~ce Zermatten livre une réflexion rétrospective sur son activité professorale et porte un jugement de valeur sur la culture actu,~lle.: ce sont des pages remarquables, par 1 ecnture aussi bien que par l'importance des questions soul.ev~es: ~es, p~ges que tout enseignant auraIt mteret a lIre ... Maurice Chappaz écrit d'abord « Les grandes journées de printemps », plaquette faite d'enchantement et d'émerveillement

~ 1\L'1\ 1( :l '~ (:1

L\ 1) 1) ,\ Z

LEMATCH _ VAIAIS-JUDEE 'Dessins dï~tit'lIn c D"l e''''''1'1

C.\IIII·: US

IlE

1. .\

IIE\\ISS\\(:I·:

\ \lî)(lISE


,j

Portrait de.iiSANS

v'~égende

et en vérité

Dans « La Haute Route» Maurice Chappaz a suggéré l'indicible: le gouffre et l'au-delà, le chaos et l'harmonie, le néant et l'éternité. Le poète s'est soumis au trouble des entrailles, il a écouté sa respiration intérieure; il s'est fait exorciser pour chasser l'ha bitude et le banal.

SCorinlld Bille

Et deux ans plus tard, regardant les cimes blanches, il ne voit plus que des maquereaux ; il jette alors sa plume dans le pamphlet faisant apparaître dans son texte de l'esbrouffe et de la « théâtralisation ». Certains crièrent à l'imposture, d'autres parIèrent de chef-d'œuvre violent. D'André Closuit, il faut lire «Fables et Récits », un recueil paru en 1972. Les faiblesses humaines y sont racontées avec humour et compassion; on devine en filigrane un pessimisme retenu; mais aussi toujours un frémissement du cœur qui leur donne une modulation lyrique. Les hommes sont tous un peu frères de l'épouvantail, suggère André Closuit. La démarche même de l'humanité pour atteindre aux étoiles ne ressemble-t-el1e pas à ce «seigneur maître en la place» qui «narguait les oiseaux sifflants» et qui «croyant finir en beauté », « tomba mort sur le côté dans un déhanchement tragique ». André Closuit a choisi la précision, la concision; ses vers sont ciselés, martelés; ils ne sont pas mélodieux, mais rythmés, par saccades ou longues tirades; l'ornement est rare; on sent que l'imagination est contenue par un style que l'artiste veut fidèle à une exigence de bonne facture.

et « Verdures de la nuit ». Puis il se rend compte que tout change. Ce « Valais de l'abîme, aux joues brunes, aux reins de forêts bleues, beurrées par le fœhn» devient celui de la perforatrice et de l'argent. «Le premier monde disparut et l'autre naquit» écrit Chappaz dans « Valais au gosier de grive ». Dès lors, écartelé entre deux Valais, le poète cherche des mots pour dire son angoisse et sa phrase déborde alors dans le cri, J'impétuosité, la verdeur, la vigueur mais demeure aussi dans la poésie, qui est parfois pure comme un ciel de lune, parfois pétillante de sensibilité, truculente, musclée et aussi insolite, hermétique même. Dans le «Match Corinna Bille, conteuse née, passe du Valais-Judée », Maurice Chappaz jette un roman à la nouvelle, de la subtilité à l'insouffle créateur impétueux, en un mélange nocence, du mystère d'enfance au dram~ de jactance rabelaisienne, de délire théâ- d'amour. Elle débuta par « Printemps» en tral et de poésie pure. Sous des apparences 1939, poèmes d'une tonalité déjà très perparfois frustes, le poète sait créer des ima- sonnelle; suivent «Théoda », «Le Sabot ges neuves, il a le sens du mot et des rac- de Vénus », «La Fraise noire », «Juliette courcis suggestifs; sa phrase devient en éternelle », d'autres œuvres encore et « La certaines lignes proche de l'alchimie ver- Demoiselle sauvage» qui lui valut en 1974 bale avec des secrets et des fulgurations le Prix Schiller et en 1975 la Bourse de à la grande confusion du lecteur; mais la nouvelle de l'Académie Goncourt. L'oriil revient dans la même page à une réa- ginalité et la qualité de son art sont reconlité bien banale, Jusgu'à la scatologie. nues de tous, dans les thèmes et dans l'écri-

les mouvements du cœur, les sentiments inspirés par un retour au pays, n'est pas une poésie facile car il s'y mêle. en pr~­ fondeur une préoccupatIOn phIlosophIque; pourtant c'est de l'authentique poésie, non pas celle qui dit les choses et les êtres mais qui les suggère, qui échappe donc parfois à la langue rationnelle; on ne peut pas toujours traduire son l~n~age mais on le vit, on le sent, on y penetre. Il y a de la nostalgie parfois dans ses vers; on ressent ce manque au cœur de l'homme, et les contrariétés du destin car l'étoile dans le ciel défait ce que le poète propose; mais il y a aussi l'espoir, celui du «Chant de la Terre» Alors laissez-vous ravir de passion par votre sève, Grandissez avec le vent, allez branches et rameaux! L'aube a gagné: de long travail ont été mes rosées ...

ture: présence de la nature, union des êtres avec elle, si profonde, si désirée, jusqu'à la volonté de se fondre en elle, jusqu'au rêve d'être papillon, neige et fleur; confrontation du bonheur et du malheur, de l'amour et de la rupture, de la vie et de la mort; mélange d'ombre et de lumière, d'enfer et de paradis, de spiritualité et de sensualité, de cruauté et d'innocence, de rêve et de réalité, de subtilité et de spontanéité; exubérance. et ~agie ~u décor' un talent incontestable a condUIre un récit et à suggérer les sentiments. Corinna Bille a une vision acérée des tares et des turpitudes; il semble qu'il y ait parfois un choix délibéré pour la cruaute du Destin et certaines situations de désespoir ou de déchéance, comme dans la littérature naturaliste ou dans les théories freudiennes.

14

15

Une poésie solide et flui~e, c'est ce!le de Pierrette Micheloud qUI est repnse comme un refrain dans plusieurs poèmes et qui est aussi dans son réc.ent recueil «Tout un jour, toute une nUIt ». On ne trouve pas toujours le fil conducteur de ce refrain; sa poésie qui évoque l'enfance,

Avec «Valais d'autrefois» en 1968, «Les Greniers vides» en 1970 et «Le Valais des vignes» en 1974, Jean Follonier

J EAN POLLON I ER

VALAISANNES ILL.U ST R1\TI O NS O'Al.B ERT CBAVAZ


fait l'inventaire des traditions valaisannes et les livre au lecteur d'une façon très vivante, dans un langage savoureux: il s'y mêle des accents de légende ou de conte fabuleux, de la saine et douce poésie terrienne, un humour de bonne humeur, parfois des apostrophes qui rappellent la voix des tréteaux, et aussi des messages de sagesse qui, sur le ton de l'épître, disent la permanence des choses et des sentiments. Jean Follonier constate que tout change rapidement et en profondeur; les souvenirs aussi s'en vont «comme les pétales de la fleur finie ». Le progrès exige d'inévitables options; il vient, regarde, offre un prix, paie ... et emporte; il est le grand patron de tous les écumeurs. Cette civilisation que l'écrivain fait revivre a droit pourtant à une «grande vénération ». Le progrès «ne demande pas l'oubli ». Les regrets et les peines sont certes des attitudes vaines, mais le témoignage de cette humanité qui avait une si juste idée de l'homme et de son destin doit demeurer. Les gestes alors étaient grands parce qu'ils étaient liés à la vie; l'allumette et le centime avaient valeur de symbole; les démarches des hommes pour vivre construisaient une civilisation faite pour durer. Cette civilisation nous transmet un message: c'est un appel à l'essentiel, à un bonheur simple et sain; Jean Follonier sait le dire avec infiniment de bonheur. L'écrivain hérensard a aussi écrit des romans, en particulier « La Sommelière» en 1971 ; le ton est celui de la cocasserie, de la fraternité et de la poésie; c'est le langage du conteur qui s'exprime avec cet humour un jeu « blagueur» qui va de la drôlerie à la mélancolie. Des romans tragiques (<< L'Avalanche », «L'Impuissante ») révèlent Mallrice Métral dans les années 60, des récits où la destinée est confrontée aux rudesses de la nature et aux tares physiques et morales. «Le Carrefour des Offensés» paru en 1974 reprend cette pente tragique en l'accentuant, en l'inclinant vers le naturalisme littéraire; il s'agit d'une vaste fresque cristallisée autour de quelques personnages que la vie a meurtris et qui viennent à Pinhaut chercher une raison de vivre: un

savant, un industriel, des drogués, des prêtres, des prostituées ... C'est une œuvre qui se veut sincère dans les thèmes et le langage. On voit que]]e difficult~ une telle entreprise présente: il s'agit de refuser à la fois le langage littéraire filtré et l'expression brute de tous les jours et de tous ces déshérités du destin. Comment éviter toujours ces écueils? Depuis 1972 (<< La Solitaire »), Maurice Métral écrit beaucoup: plus de deux livres par an. Il est devenu le seul écrivain valaisan professionnel, vivant de sa plume. Tour à tour il donne des romans à thèmes (<< Les Vipères rouges », «L'Enfant refusé ») et des récits remplis de soleil, de danger et d'amour. L'écrivain de Grimisuat y maintient son inspiration dans la veine des romans populaires avec une alternance bien dosée du quotidien et de l'exceptionnel, du banal et du grandiose, du doute et de l'espoir, de la tendresse et de la vulgarité, et dans l'écriture aussi, du filtré et du « tout venant ». Cette inspiration, il la module sans vraiment la modifier et l'exprime en de multiples situations sans que change le registre, sans que la voix change de tonalité. Maurice Métral est l'écrivain de cette humble humanité le plus souvent soumise au hasard des événements et à ses propres impulsions, mais capable aussi d'héroïsme et de dépassement. Et il tisse la trame des destins tour à tour dans le bonheur et le malheur, t'arête ensoleillée et le gouffre caverneux, l'espoir et le désespoir; il ménage le suspense par des rebondissements, des allusions, des contrastes; il donne à chaque situation et à chacun son « poids d'humanité » ... situations de chance ou de déveine êtres de chair et de sang; sensibles a~ bien, de bon vouloir et de bon cœur, héroïques parfois mais vulnérables à leurs propres penchants et aux mauvais coups du sort. Les récits proposés ne plongent pas bien profond dans la psychologie des êtres; l'écriture est dans l'ensemble ordinaire avec une phrase courte et simple, des dialogues brefs et elliptiques, quelques lignes soignées pour décrire le paysage, célébrer la fidélité, l'amitié et l'amour; mais les romans ont le mérite de la limpidité et de la clarté dans leur enchaînement linéaire; et l'écrivain parsème son texte de

symboles et de transpositions, il sait parfois décrire les sentiments et les attitudes avec beaucoup de délicatesse et de vérité.

16

17

Après avoir publié des articles, des nouvelles et des poèmes dans des journaux et des revues, Jacqlles Darbellay écrit en 1973 un très beau livre, «Le Grand Capucin» qui le place parmi les meilleurs écrivains de la littérature alpestre. Le volume est composé de quatre nouve]]cs: «Le Grand Capucin» qui donne au livre le titre et le climat, « La Gourde» histoire savoureuse du Parisien et des Helvètes, « L'Enfant des hommes », cette marche de l'enfance vers «l;au-delà des choses» et «Le Braconnier », véritable cheminement de l'homme vers son identité intérieure, vers la purification par le dépouillement et le pardon. Le lieu et le climat des quatre récits sont ceux de la montagne, du village près de la forêt à la haute cime que «l'on n'atteint qu'en se clépassant, le ton est donné dès les première lignes: il s'agit de la montagne bien sûr; mais il s'agit surtout de l'homme. «C'est la vérité humaine qui m'intéresse », écrit l'auteur dans l'avant-propos. Il refuse le sensationnel et les mythes. Il veut demeurer dans le vrai, dans la réalité vécue par des hommes; certes des exploits sont réalisés et il faut les dire; mais l'aventure doit demeurer humaine, car le surhumain trahit l'homme. Placés dans un décor que l'auteur connaît bien, les« héros» agissent et réagissent par rapport à des situations que la nature, les intempéries et les hommes leur imposent, mais leur cœur, leur volonté et leur sensibilité sont toujours sollicités. L'ascension devient un combat audedans de l'homme autant qu'une épreuve physique. Lorsque les yeux picotent et que les membres deviennent lourds d'engourdissement « l'être est engagé tout entier» et la montagne à conquérir met alors l'homme «en marche vers sa propre conquête ». Jacques Darbellay connaît la montagne, ses merveilles et ses dangers, les joies et les peurs qu'on peut y vivre; il sait conduire le récit, et lui donner une signification humaine; par rapport aux événements, il possède à la fois du recul et une grande familiarité. Il a l'expérience

de la montagne, et pour l'homme de la lucidité et de la tendresse. Dans son livre l'échange est continuel entre ce qui est immédiat et ce qui est permanent, entre le matériel et le métaphysique. Une aisance littéraire remarquable permet des passages sans faille entre la description, la narration et le dialogue, entre la réalité et l'affabulation. Germain Clavien en écrivant sa « Lettre à l'Tmaginaire» en plusieurs volumes se lance dans une grande aventure littéraire. Ont déjà paru «Un hiver en Arvèche », «La Saison des mirages », «L'air et la flûte », «Les Filles », « Les Moineaux de l'Arvèche>> et «Le Partage ». Dans ces œuvres Clavien manie parfois la satire: on lui a reproché sa virulence, son agressivité à l'endroit de la société bourgeoise; il s'en prend en effet aux traditions, aux convenances et aux conventions; il s'y exprime parfois avec irrespect, il se complaît aussi dans un érotisme qui va de la tendresse au cynisme. Dans « Les Filles» en particulier, c'est un défilé de demoiselles faciles chez Bertrand Ardou qui ne compte plus ses conquêtes et ses journées râtées et qui se donnent de bonnes raisons d'agir ainsi et de parler librement, qui s'accorde toute la vulgarité sous prétexte d'authenticité. Le thème est intéressant: c'est l'his- . toire d'un homme consumé par son désir, c'est un récit à la frontière de la comédie et de la tragédie, dans un style souvent vif, direct, sans artifice; c'est le thème littéraire de Don Juan ... mais Bertrand Ardou est trop veule et trop vulgaire ... et Don Juan demeure un personnage de corps de garde. C'est dans «Les Moineaux de l'Arvèche» que Clavien donne toute la mesure de son talent d'écrivain: il fait revivre l'enfance de Bertrand Ardou dans sa région natale; les « moineaux» y vivent parmi les choses, dans les travaux quotidiens; et dans cette réalité campagnarde l'illusion et l'émerveillement des gosses font que chaque jour le cœur et la sensibilité sont aux abois; c'est une poésie faite de la découverte du monde et de la vie, de la fraîcheur des sensations et de l'intensité des émotions. Quelles belles pages contient ce livre! Des narrations et


des descriptions admirables et tous ces récits-symboles si bien amenés ... « Amour », recueil de poèmes paru en 1975, est un peu de la même veine: retour sur soi, méditations poétiques, interrogations, tendresses, recueillement, nostalgie et émerveillement. Et Clavien y écrit des idées essentielles au sujet de l'écriture: il faut qu'elle prenne source dans la vie même et non dans l'idée qu'on se fait de la vie; il faut qu'elle soit présence au monde, que le rythme des phrases et des livres soit celui du cœur et des artères; il faut « écrire comme on respire»; et que chaque phrase vienne des racines de l'être, « toute de sève, de souffle, de profondeur ». Dans ce panorama de la littérature valaisanne, il faut bien sûr parler de Georges Borgeaud, prix Renaudot 1974, car

Georges Borgeaud, toile d'Achille Chappaz

il est valaisan, originaire et bourgeois de Collombey et membre de l'Association des écrivains valaisans. «Le Voyage à l'étranger» est un long récit poétique, une découverte de soi, de son intimité la plus profonde: par une longue errance de la

mémoire par la rêverie aussi, par l'introspection, Jean Noverraz se met à nu, fait la recension de ses défauts et de ses manquements, de ses qualités aussi; il les livre d'ailleurs dans le désordre de ses souvenirs de sorte que la construction de l'ouvrage n'est pas des plus rigoureuses. Fondamentalement il s'agit d'une démarche intéressante: comprendre le sens de la vie en interprétant les signes et les événements de sa propre vie, les rayons et les ombres de son destin personnel. La trame du livre, le tissu narratif plutôt, est ténu et ne fait pas la valeur du livre. L'intérêt du «Voyage à l'étranger» est dans cette confession d'un homme sincère, dans une imagination fertile et vagabonde, et aussi dans une poésie sous-jacente qui est comme une célébration lyrique du monde. Ce sont ces qualités-là que l'on trouve aussi dans d'autres ouvrages de Georges Borgeaud: «Le Préau» (1952), «La Vaisselle des Evêques» (1959). Dans tous ses livres, écrit Maurice Zermatten « Borgeaud n'invente pas: il se livre ».

c'est l'achèvement total de notre destinée, c'est la vision des choses et des cœurs, c'est le temps devenu éternité. Dans tous ses ouvrages, Gabriel Pont est très proche des hommes ses frères; cette fraternité est surtout manifestée dans ({ L'Arole tout là-haut », dont les récits sont si ramassés et si dépouillés de ({ littérature », si poignants qu'ils pénètrent en nous comme une morsure: celle du sang, du désespoir, des refus, des rudesses, de la souffrance. Et dans cette humanité abrutie, il faut témoigner de la présence d~ Christ et surtout ({ parler des hommes a Dieu» au lieu de toujours « parler de Dieu aux hommes ». En 1972 et 1973, Laurence Fracheboud écrivit deux livres dont les thèmes sont semblables: «La Désaxée» et «Rendezvous au soleil ». Ce ne sont pas des romans « valaisans ». L'action se déroule à Londres et on y découvre richesse et misère, beauté et laideur: les clans, ce monde un peu secret et suspect qui oscille entre le désordre et le « vedettariat », le monde de la finance aussi, qui se donne une implacable figure d'honnêteté, et le monde de la drogue et de l'illusion. Laurence Fracheboud conduit ces récits d'une manière l~­ néaire, en liant bien les tranches narratIves, et ne cherche pas trop l'intériorisation : c'est la veine de la littérature populaire; ce sont des livres agréables à lire, au style sobre et simple.

Depuis 1968, le chanoine Gabriel Pont écrit régulièrement des ouvrages de spiritualité : ({ Ruth, le livre de l'année », « Elle m'a séduit », ({ Les Dons de l'Esprit-Saint» entre autres. Dans une sorte de vision intuitive et poétique, il offre ainsi à ses lecteurs des commentaires bibliques, des poèmes et des méditations dont la source vivifiante vient à la fois des Ecritures et de ses expériences personnelles vécues dans la Foi et l'Espérance. Le chrétien est un homme de combat; il ne peut atteindre les délices d'une belIe et parfaite Sagesse sans subir la peine inhérente aux épreuves et au travail; c'est en mettant ses faiblesses ({ sous ses pieds» qu'il monte progressivement vers le Christ. Les ouvrage~ de Gabriel Pont sont une véritable dynamique du salut; ils disent que le bonheur de J'homme est dans la vie spirituelle et que l'immortalité est plus vraie que les jours qui passent. Le chrétien ne craint pas l'avenir, qui est au-delà de la vie. Au contraire La mort c'est la réalisation de soi-même c'est la plénitude de vie

18

19

Les écrivains valaisans sont nombreux; la littérature valaisanne est riche d'œuvre~ nombreuses et diversifiées; les pages qUI précèdent signalent l~ plupart des écrivains dont la productIOn romanesque o,u poétique est plus ou moins réguli~r~. Mals presque tous les cant~n~ ~e la httera~ure ont en Valais des speCialistes, des pIOnniers des érudits: l'histoire (Michel Salamin,' Emile Biollay, André Guex, André Donnet, Clément Bérard, Pierre Devanthey, Henri Michelet, le chanoine ~~po~t­ Lachenal, Mme Troillet-Boven) ; 1 hIstOIre de l'art (Pierre Courthion, Albert de Wolff, Bernard Wyder); la faune de montagne

(René-Pierre Bille, Georges Laurent) ; la flore, les sites, la nature, le pays (Ignace Mariétan, le Docteur Contat et Albert Mathier); le théâtre (le chanoi~1e Poncet, Aloys Theytaz, Maurice Deléghse) ; et aux éditions de la Matze sont publiées des collections intéressantes pour le patrimoine culturel, comme « Peintres de chez nous », «Cap sur l'histoire» et ,« ~e ,Shak~ ». Il faut encore signaler des ecnva111S qUI.sont un peu « en réserve» des lettres ,valals~n­ nes parce qu 'ils ont momentanement 111terrompu leur activité littéraire ou ,pa,r~e qu'ils n'habitent plus leur canton d ongIne (Candide Moix, Aloys Praz, ~me ZazaFavre Marcel Michellod, Clall'ette Marquis-Oggier, Jean-Luc Benoziglio, Eva Défago, Ulysse Casanova, René Jacquemet). Quelques écrivains viennent d'apparaître dans les lettres valaisannes: Jean-,Marc Lovey a pu blié chez Gallimard, « Les Régions céréalières », un grand l~vre touffu dont la lecture n'est pas toujours alsee mais qui, posant avec insistance la question de la finalité des actes personnels dans un univers anonyme et étrange met l'homme au cœur de toutes ces longues page~, l'homme et son destin, le sens de ses demarches et de ses recherches. Alfred Monnet se révèle soudain écrivain à la plume déjà bien affirmée :, <~ Le J our ~éro » est un roman dont le reclt est mene avec h~­ bileté conduit serré, avec des pauses poetique;, dans une suite d'acti~ns 9u,i mèneI;t Lucien Radout de l'honnetete a la d~: chéance. Roselyne Konig-Dussex a pubhe trois recueils de poèmes qui disent le doute et l'espoir d'une âme sensible, ~~ec ,des vibrations qui vont du rêve à la medItatI,on, de la sérénité faite d'harmonie à l'an?OISSe faite de nuit. Et Willy Ferrez est entre dans les lettres valaisannes un peu « comme un braconnier », dit-il lui-même, «~n chassant sur un terrain réservé »: I~ y,fIt ?onne chasse puisque son manuscnt 111tItule, « Le passage sur la terre» lui valut le pnx du roman valaisan. Ce panorama des lettres v~laisanne~ est bref, mais il suggère combIen est ~:che notre littérature des quarante derl11eres années. Cette richesse est à la fois dans la


qualité et la quantité, dans la diversité et l'originalité. Cette richesse est réjouissante: la littérature d'un pays est en effet le signe, la preuve que le pays respire, que le pays a une vie intellectuelle, spirituelle. C'est important d'entendre cette respiration profonde et de la soutenir. A l'école on peut le

faire: si on enseigne aux élèves que notre vallée a beaucoup de rivières, de glaciers et de montagnes, on peut aussi dire que notre pa ys a des poètes et des écrivains.

2. La lecture propose des modes de vie ou

de rêve qui aident le lecteur à se situer, à construire sa propre destinée, par l'identification ou par opposition avec divers personnages. Son premier but n'est pas «d'instruire en divertissant », mais d'aider à être, à trouver un style de vie. Elle n'est pas un prétexte commode à divers exercices, mais elle doit alimenter la vie affective présente des élèves.

Henri Maître

Réflexions pédagogiques La preuve est faite de l'existence parmi nous d'autenthiques écrivains. Le patrimoine culturel qu'ils nous lèguent est riche, varié. Comme les autres institutions désireuses de faire connaître l'âme du Valais et de transmettre aux jeunes générations le vécu culturel de ce pays, l'école a son rôle à jouer. Je voudrais faire ici quelques réflexions à l'intention des enseignants et des parents soucieux du vrai développement de l'homme et qui savent que, malgré l'importance des mass media, la lecture - et les activités qui en découlent - reste le moyen privilégié de la culture. LES ENSEIGNANTS, DES PROFESSIONNELS DU LIVRE Malgré d'innombrables efforts, les enseignants n'ont pas encore donné sa vraie place à la lecture, ni dans leur vie (faute de temps), ni dans leur enseignement, pour des raisons évidentes: - l'obsession du programme et des acquis scolaires mesurables prime encore le développement de la personne; - d'anciens préjugés: la lecture est une récompense après le travail, ou une fuite devant l'action, propre aux théoriciens, aux introvertis, aux gens de santé délicate; - des problèmes méthodologiques, notamment l'absence d'une information suffisante touchant à la littérature qui convient aux adolescents et aux jeunes. Il est donc indispensable que les enseignants accordent, en classe et dans les tâches à domicile, une place beaucoup plus

3. La lecture développe les capacités de synthèse du lecteur et assure une fonction de complément des autres moyens de formation et d'information. A la télévision qui donne du moride une vision trop souvent hâtive, fragmentaire, stéréotypée, le livre offre quelque chose de permanent. Le dialogue avec un livre prépare l'affrontement avec soi-même et permet d'éviter la noyade dans l'information superficielle, la dispersion et l'émiettement des intérêts. Radio et télévision disent et montrent l'aspect éphémère, fugace des événements et de la vie des hommes; le livre présente ce qui dure. A l'actualité, courte dans le temps, à l'aspect ponctuel des choses que les autres media présentent, le livre ajoute l'élément universel, prolongé.

considérable à la LECTURE. «Ils doiven.t se convaincre, écrit Raymond Ciais, qu'Ils sont, comme l'éditeur et l'auteur, des professionnels du livre en tant que responsables de son utilisation. S'ils savent l'animer, le livre deviendra entre leurs mains le moyen d'éveiller leurs élèves à plus de conscience, à plus d'intelligence. Ils ont la clef, la règle du jeu, le mode d'emploi. Il leur appartient d'expliquer aux enfants et de leur apprendre à jouer avec leur raison, leurs sentiments, leur imagination. Du premier album aux romans, la démarche idéologique ne doit point se départir de ce caractère ludique. On joue à se reconnaître autant qu'à connaître, à observer, à se regarder. Tout l'effort pédagogique doit tendre à révéler le couple livre-lecteur, sans que l'une ou l'autre des deux parties ne soit prise au piège. Car le livre enferme autant qu'il libère. »

4. Dans les classes, la lecture est une réponse à des intérêts, à des besoins négligés ou mutilés par l'école, une personnalisation de l'information, une nourriture qui échappe à la hantise du programme et de la note.

BREF INVENTAIRE DES VALEURS DE LA LECTURE L'importance de la lecture pour le développement et l'équipement de l'homme est évidente. De l'immense catalogue des valeurs de la lecture, nous ne voulons mettre en lumière que quelques aspects: ]. La lecture peut devenir l'une des formes d'expression, l'une des activités les plus précieuses de la liberté humaine. Elle ne se borne pas à l'apport objectif d'une information - ce qui est déjà beaucoupmais peut entraîner une modification de la personnalité, dans le sens d'un affinement de la perception des autres et de soi.

20

21

5. Toute lecture digne de ce nom est également production. Elle ne peut être passivité. Contrairement à la tendance de certaines personnes qui voient dans le lecteur un paresseux, il faut dire que la lecture est une opération éminemment active. Le POUVOIR DE LIRE est donné, - comme l'a bien dit l'auteur des MOTS - à celui qui sait faire de la lecture une synthèse de la perception et de la création. Lire, c'est être à la fois dans une attitude d'attente et d'interrogation tournées vers l'autre, attitude de re-création d'une pensée étrangère, ce qui suppose qu'on sait écouter - s'écouter. Quand je lis, je produis, d'une certaine manière, mon propre texte: tout acte de lecture est création.

6. La lecture est également instrument, instrument indispensable de mise à distance de toutes les forces aliénantes qui agressent l'homme. La lecture me permet de prendre du recul, elle permet de juger plus sereinement de moi-même, des événements et des choses. Bien conduite, la lecture est une attitude d'ironie. Certainement, elle est une hygiène verbale et idéologique. Comme on le voit par ces quelques réflexions, le POUVOIR DE LIRE est loin de se réduire à une simple acquisition instrumentale: il est le fruit de toute une éducation. Si le livre conduit à la lecture, il ne faut pas oublier qu'un certain niveau de culture est indispensable pour conduire au livre. Ce qui pose en termes nouveaux le problème pédagogique de la lecture. LA LECTURE SUIVIE La lecture suivie est une des activités scolaires destinées à développer le plaisir et le pouvoir de lire chez les jeunes. Elle fournit aux écoliers et aux étudiants l'occasion de lire des œuvres entières, des œllvres complètes. Ces œuvres complètes peuvent, mieux que les extraits et les morceaux d'anthologie, éveiller et maintenir actuelle goût de la lecture. A l'inverse des extraits, une œuvre complète a un commencement, un développement - souvent une action - et une fin. Dans certains cas, le même ouvrage peut contenir deux ou trois œuvres entières. A titre indicatif, on peut considérer que LE GRAND CAPUCIN de Jacques Darbellay contient plusieurs œuvres entières, qu'on peut lire indépendamment l'une de l'autre, malgré la grande unité de ton et de vision qui les caractérise. Une œuvre entière, par ailleurs, n'est pas forcément une œuvre longue: MATEO FALCONE est une œuvre complète, autant que COLOMBA. Ma proposition est simple, apparemment du moins: offrir aux classes de la fin du primaire et du Cycle d'orientation des œuvres de chez nous, qui disent le Valais. En réalité, cela suppose de la part des enseignants une connaissance de la littérature valaisanne, et de la part de l'ODIS


des crédits qui permettraient de mettre à la disposition des écoliers et étudiants un choix de romans, de contes et de poèmes de chez nous. Il y a là un immense travail à accomplir par les enseignants d'entente avec les écrivains eux-mêmes et la Société valaisanne des écrivains. CREER DES SITUATIONS DE COMMUNICATION Etre conscient de l'importance de la lecture, favoriser l'acte de lire, voilà des activités primordiales. Il faut encore aller plus loin. Les maîtres de français du degré secondaire, tout comme les enseignants primaires, pourraient à mon sens faire une place plus grande à la littérature de chez nous dans les programmes: - présenter, lors de leur parution, les œuvres littéraires valaisannes ~ - mettre au programme des lectures de leurs élèves des œuvres valaisannes adaptées à leur âge et à leur développement intellectuel ~ - dans les classes du secondaire, faire une approche, ou mieux une étude approfondie, de l'un ou l'autre écrivain de chez nous ~ - inviter les auteurs dans les classes. L'expérience a montré le grand intérêt que prennent les étudiants de 18 ans à la lecture de certaines œuvres de chez nous, lorsqu'elle est suivie d'un échange avec les écrivains qui les ont produites. Ils gagnent à être connus et sont, - j'espère qu'ils ne me contrediront pas sur ce point - satisfaits de ces rencontres avec les jeunes, rencontres que l'école valaisanne - du primaire et du secondaire - devrait ménager également avec les musiciens et les artistes. Imaginez ce que représente pour un élève de Se primaire la rencontre d'un Daetwyler, d'un Andenmatten, d'un Maurice Métral ou d'une Pierrette Micheloud!

Comme dans tous les domaines de la pédagogie, il n'y a pas ici non plus de recettes toutes faites. Si nous voulons faire connaître nos écrivains, il faut que la rencontre entre eux et les jeunes se fasse d'une manière ou d'une autre. Il n'est donc pas nécessaire d'établir une liste exhaustive des activités possibles. Les idées valent par les hommes qui les incarnent.

Théâtre et art dramatique SITUATION UN EXORCISME Commençons, pour situer le problème, par une constatation: le Valaisan est naturellement porté vers le drame: il a un goût inné pour l'action dramatique.

Je dirai, en guise de conclusion, que les deux dernières suggestions - la lecture suivie et les situations de rencontre avec les écrivains de chez nous - supposent de la part des enseignants une attitude objective. La littérature valaisanne est une des vivantes productions de l'ensemble de la production littéraire française. Il faut donc, à tous les niveaux, bannir le fanatisme chauviniste qui consisterait à croire que nos auteurs représentent le nec plus ultra de la littérature française, autant que la hautaine suffisance de ceux qui ne trouvent de maîtres à penser qu'à l'extérieur du canton, et pour lesquels personne n'est vraiment prophète en Valais, s'il ne vient d'ailleurs.

Cela s'explique aisément par le combat qu'il mène depuis toujours contre une nature qu'il lui a fallu conquérir, apprivoiser et plier à sa volonté. Le sol difficile a forgé son caractère. Qualités et défauts se sont exacerbés si bien que ses rapports sociaux en ont été influencés vigoureusement. Notre histoire est remplie du fracas de nos querelles comme de nos démêlés avec nos voisins. Aujourd'hui encore, quand les circonstances s'y prêtent, notre tempérament s'extériorise dans des éclats qui provoquent chez nos amis une stupeur où se mêlent l'admiration, la surprise et souvent même un peu d'irritation. N'est-ce pas dramatique, tout cela ?

L'attitude que nous devons cultiver à l'égard de la production littéraire valaisanne est celle-là même que nous devons avoir à l'égard de toute œuvre d'art. Dans la mesure où toute œuvre littéraire authentique est la voix d'une conscience profonde, nous avons un devoir spécial de l'écouter. Toute œuvre d'art est un élan vers la vérité, l'amour, la beauté ~ et l'élan - même si la direction peut en être faussée - a toujours sa grandeur. Voilà pourquoi il faut ouvrir notre cœur et notre intelligence, entrer en dialogue, commencer par la sympathie si nous voulons aboutir au jugement. Il est à parier que les deux parties, les écrivains et les lecteurs, jeunes et moins jeunes - n'auront qu'à y gagner.

Il est donc naturel de trouver en nos populations le goût de la confrontation qui s'exprime pacifiquement dans la représentation théâtrale. Les mœurs s'étant assagies, le Valaisan a cherché dans l'action dramatique l'occasion de secouer le joug d'une vie difficile tout en exprimant ses tensions, ses angoisses, ses sentiments et ses refoulements. Le théâtre est apparu comme un merveilleux exorcisme.

Jean-Luc Bagnoud

22

23

Ainsi peut-on expliquer que dans chaque commune l'habitude se soit instaurée de donner des représentations théâtrales. L'occasion en fut tantôt une fête, un anniversaire, tantôt la soirée annuelle de telle ou telle société locale. Le répertoire suivit le goût du responsable plus que celui du public, lequel public d'ailleurs se contenta le plus souvent de ce qu'on lui offrit sans trop montrer d'exigences. Quand les compétences du metteur en scène (le curé, le vicaire ou l'instituteur, au début surtout)

le permettaient, les pièces étaient choisies dans le répertoire des éditions populaires. Cependant on trouva fréquemment, et la tradition se perpétue heureusement, des auteurs du cru ayant assez de talent et d'ambition pour traduire les aspirations de la communauté villageoise et trouver dans les légendes ou l'actualité locale matière à expression dramatique. Si ces créations n'ont pas eu l'honneur de l'impression, quelques-unes ont laissé des souvenirs assez forts pour que nous puissions affirmer qu'il y avait là l'ébauche d'une littérature autochtone digne d'attirer au moins l'attention d'un ethnologue. Sans doute des manuscrits dorment dans des greniers ou dans des bahuts: il serait intéressant de les tirer au jour pour une étude plus approfondie des mœurs et coutumes valaisannes. Quant aux acteurs, il s'agit bien entendu d'amateurs. NE MEDISONS PAS DES AMATEURS Le mot doit être pris ici dans son sens le plus noble: amoureux d'un art que l'on s'applique à servir au mieux de ses facultés. Si ce théâtre d'amateurs n'a pas toujours été de première qualité pour ce qui est du répertoire ou du résultat artistique, il fut dans la plupart des cas remarquable par le désir de bien faire et l'engagement de chacun. A cet égard on p'eut dire que ce théâtre a pleinement rempli son rôle social de lieu de rencontre d'une communauté et d'expression de sa sensibilité. Dans les villes les choses se sont passées un peu différemment. D'a bord la présence des lycées a provoqué le développement du théâtre estudiantin, développé entre autres par les Jésuites, créateurs du Théâtre de Valère, les


chanoines de St-Maurice puis par le collège du St-Esprit de Brigue. Dans ces établissements le théâtre était conçu com'me un élé~ent pédagogique. Après des fort~nes diverses et de brillants moments les Circonstances n'ont laissé su bsister que les rel?résenta~i0!1s régulières du collège de Bng~e qu~ figurent parmi les principales mamfestatiOns culturelles de la vie hautvalaisanne. L'exemple des écoles suscita des émules. Le goüt pris au collège fut entretenu par quelques enthousiastes si bien qu'au siècle dernier on jouait volontiers la comédie dans les salons de Sion ou dans les soirées du Casino. ~uis ?es group~s. se formèrent pour I?am~em,r u~e

actIvIté plus régulière et elargIr 1honzon artistique du spectateur en s'adressant aux troupes étrangères en tournées. Ainsi d'octobre à mai nos scènes présentent un choix intéressant et varié de pièces de répertoire, tant classique que moderne, d'avant-garde même, et celui qui entend se tenir au courant de l'actualité théâtrale n'a rien à envier aux habitants des ~illes .romandes de même importance. IlIUl seraIt même difficile d'épuiser les ressources offertes sur l'ensemble des programmes du canton.

Les raisons sont multiples et n'ont pas partout même valeur. L'argument concernant la qualité des spectacles n'a guère de justification car pour la plupart les troupes sont connues des organisateurs et présentent un travail satisfaisant. Des surprises sont toujours possibles, naturellement, mais elles constituent l'exception.

DIFFICULTES Mais voilà! Une désaffection du public pour l~ théâtre est le lot de presque toutes nos VIlles. Les organisateurs, tous bénévo!~s en ~e. pays puisqu'il n'y a pas de theatre offICIel et que notre politique culturelle est quasiment inexistante au niveau de l'Etat et encore trop timorée sur le plan communal, les organisateurs donc f~nt des prodiges ~'imagination tant pour repondre aux besol11s du public que pour équilibrer leurs budgets.

Le snobisme joue son rôle auprès d'une certaine catégorie de spectateurs qui prétendent par principe que rien n'est bon qui se fait chez nous (alors que les troupes invitées sont professionnelles de l'extérieur et possèdent une renommée) et qui préfèrent aller voir à ' Lausanne, Genève ou Paris les mêmes spectacles par les mêmes troupes. Surtout il yale fait indéniable que la télévision sert à domicile des spectacles de valeur, de toute nature, et que le spectateur, sinon blasé du moins comblé, n'éprouve plus le besoin de sortir de chez lui pour aller en chair et en os au théâtre.

Hélas! leurs efforts sont bien mal répu blic b?ude peu à peu les representatiOns. Il est mutile de prévoir ~eux séances d'un même spectacle, la salle etant rarement pleine la première fois. Quels que soient la pièce, la troupe et l'auteur. com~ensés .. Le

Comme un spectacle de qualité s'achète aujourd'hui entre Fr. 8000 et 10000.-, qu'il faut ajouter Il % de la recette brute en droits d'auteur, 10 % en droit des pauvres, sans compter les frais de publicité, de location de salle et d'organisation, on comprend que les responsables locaux finissent par se lasser. Il faut craindre que cette activité culturelle disparaisse bientôt.

Il est ?e même. impossible d'organiser des scolaIres, le pnx étant prohibitif pour des bourses d'étudiants. Comme aucun ~u bside officiel n'est prévu pour cela, notre Jeunesse reste officiellemel1t à l'écart d'une activité littéraire dont on lui chante les mérites dans ses programmes. Il y a là une contradiction à la fois piquante et déplorable. Mais où réside le mal?

FAIT CURIEUX ET REJOUISSANT Dans le même temps où semble disparaître le goüt du pu bIic, la volonté de maintenir une activité d'expression dramatique subsiste et grandit chez beaucoup de personnes. Principalement parmi les jeunes amateurs. Bravant toutes les difficultés, décidés à s'exprimer malgré les expériences décevantes de leurs devanciers, des mordus d'art dramatique se constituent en groupes, équipes ou mêmes troupes dans les lieux les plus divers et pour des spectacles occasionnels, temporaires ou même réguliers.

24

25

Ainsi ce théâtre amateur a brillé ou brille encore à Monthey, Martigny, Sion, Sierre et Brigue sous la forme de sociétés

ou de théâtre de poche ou d'avant-garde. Généralement ces troupes ont la sagesse de demander des avis compétents à des hommes de métier et entendent se former par un. travail assidu dont les résultats sont tout à fait acceptables et même re- marquables. Maintiennent encore les traditions du théâtre amateur des sociétés qui montent des revues faisant preuve, d'abord d'aptitudes suffisantes, ensuite et surtout d'un esprit créateur empreint de spontanéité, et souvent de qualités artistiques non négligeables (ainsi le« Gai Tourbillon» à Sion). Telle fut et demeure la situation du théâtre en Valais.

THEATRE DES ADULTES UN BESOIN PROFOND

Il est bon de préciser, pour fixer encore mieux l'effort actuel et pour attirer l'attention sur les mérites de tous ceux qui ont foi dans l'avenir du théâtre chez nous, que chez beaucoup le désir de « faire du théâtre» révèle un besoin profond d'expression, une recherche d'identité, l'espoir d'une rencontre chaleureuse au sein d'une équipe homogène et, bien sûr, la satisfaction d'un effort salutaire, la joie du travail bien fait, sans compter l'exaltation voluptueuse ressentie en présence du public et finalement l'impression ineffable de participer à une aventure qui tient de la magie et même de la liturgie. Ainsi nous comprenons la vitalité de la seule troupe organisée qui ait passé le cap des trente ans. Il s'agit des « Compagnons des Arts» de Sierre dont la renommée a largement dépassé les frontières du canton. Elle a même réussi l'exploit d'avoir un fils spirituel, le «Grenier de Borzuat» qui s'affirme comme un élément dynamique et déjà bien sûr de lui. Sierre peut être fière de compter ceux deux réussites à son actif. Chippis est depuis très longtemps tourné vers le théâtre. Il s'y est toujours trouvé


quelque animateur compétent pour entretenir au sein d'un «Cercle théâtral» sans cesse renouvelé une activité régulière et soutenue.

Monthey possédait une troupe à la réputation flatteuse qui, après plusieurs années de vie régulière, n'a pas survécu à son animateur.

En ce dernier demi-siècle, Sion a connu successivement «Les Comédiens sédunois », « Le Théâtre des Collines », «Les Zani », troupes qui ont eu chacune à leur actif de dix à quinze ans d'existence et d'activité intéressante.

Ainsi pouvons-nous constater que la tradition du théâtre d'amateurs se maintient car le besoin d'expression est toujours vivace et trouve encore des acteurs désireux d'exercer leurs talents. La fréquence des spectacles ainsi présentés étant assez faible, le public leur reste fidèle.

LA TRADITION SE MAINTIENT Actuellement, et pour la deuxième année, nous vivons une tentative d'un genre nouveau (nouveau chez nous, s'entend) : un théâtre de poche s'est installé dans une cave de la rue du Vieux Collège, près de la maison de Platea-Zermatten, et s'intitule gaillardement « Petithéâtre ».

L'originalité réside en deux faits qu'il convient de signaler: d'abord, c'est l'appui officiel de la Municipalité et de la Bourgeoisie de Sion, ce qui a permis un agencement de salle tout à fait conforme aux exigences, sans rien de superflu toutefois, et, à titre provisoire encore, le salaire d'une animatrice à mi-temps. Le deuxième trait, c'est que le « Petithéâtre» n'est pas une troupe mais une salle équipée mise à la disposition de quiconque entend s'essayer à un art d'expression, seul ou en groupe. L'aventure vaut la peine d'être suivie et, surtout, encouragée. Nous devrions aussi rappeler que StLéonard et Saxon possèdent aussi des groupes constitués qui cherchent encore leur voie mais ont déjà donné des résultats prometteurs.

vie propre, et de sentir alors, dans l'ambiance de la salle, vibrer une âme collective. Car le théâtre est avant tout un art communautaire dont la fonction est de traduire (ou simplement de susciter) les émotions d'un pu blic.

SITUATION PARADOXALE

La représentation suivie en salle apporte une note vivante que la TV ne peut procurer. On comprend mi~ux ce phén~­ mène avec les sports: le vrai amateur prefère l'atmosphère du stade à la transmission télévisée (et pourtant dans ce cas, la pièce est toujours la même !). Seuls ceux qui recherchent cette présence réelle vont au théâtre. .

Il y a deux façons d'aimer le théâtre: en acteur ou en spectateur.

CULTURE THEATRALE INDIGENE

Le désir de monter soi-même sur les planches ou même simplement de participer à l'élaboration d'un spectacle au titre de décorateur, d'accessoiriste, de machiniste ou de costumière, s'il est réel et impérieux, ne saisit malgré tout qu'une minorité d'amateurs.

Même si les documents n'abondent pas, il est possible d'affirmer que non seulement le goût de la représentation. th~â­ traIe remonte très haut dans notre histOlre mais aussi que la création dramatique n'a jamais fait défaut depuis le Moyen Age.

« Jusqu'à quand? »

LA CREATION CONTINUE

Si l'on se réfère à un article de J.-J. Bertrand paru dans l'Almanach du Valais de 1909 et repris dans son «Etude sur son développement intellectuel à travers les âges» (pp. 65-78) on constate que le Valais n'est pas resté en dehors des courants littéraires des pays environnants.

Par contre on peut considérer la majorité des gens comme des spectateurs en puissance. En effet le spectacle attire non seulement par sa valeur de divertissement mais surtout, inconsciemment peut-être, par l'occasion qu'il offre de vivre une aventure par personne interposée. Pour peu que la pièce soit bien faite les spectateurs s'identifient à tel ou tel héros et en subissent l'influence tout au long de la représentation: le pu blic est sous le charme. La TV offre cela à domicile et pour la pLupart satisfait son public, lequel n'éprouve guère le besoin d'en savoir plus. Nous sommes ici devant une situationquelque peu paradoxale: le public actuel dispose d'un merveilleux moyen d'information théâtrale grâce aux nombreux programmes des diverses chaînes de TV. De ce fait, il peut former son goût et compléter son instruction. On pourrait donc légitimement penser que cela l'inciterait à ne plus se contenter d'images, si belles soient-elles, mais à profiter des occasions de voir jouer des acteurs réels, doués d'une

A l'époque de la Réforme plusieurs curés eurent recours au théâtre pour raffermir la foi en donnant la vie et les mérites des saints en exemples à leurs ouailles. En effet, nombre de Valaisans de retour de l'étranger avaient assez d'expérience et de loisirs pour s'essayer à la composition d'œuvres théâtrales di,~ne? de retenir l'attention des clercs et d evedler l'intérêt du public. D'où, pendant longtemps, l'on vit fleurir un théâtre édifiant tirant ses sujets de la Bible, du Nouvèau Testament et de l'hagiographie, véridique ou légendaire.

Au XIIe siècle il connaissait «La Fête des fous et des rois» comme partout au Moyen Age. Elle se célébrait à l'église et n'était en fait qu'un défoulement carnavalesque de clercs trop longtemps. comp:il?és dans les règles strictes d'une Vie ecc1eslastique ou monacale rigide.

26

27

Puis vinrent les représentations théâtrales proprement dites, sermons en ~mages d'abord, moralités et mystères enSUite. On signale au XIIe siècle un « Mystère de StBernard de Menthon », œuvre monumentale de 4340 vers français, dont l'auteur doit être un moine du Gd-St-Bernard, probablement valaisan. La représentation devait durer deux journées pleines et avoir lieu à l'hospice même, devant les «bonnes gens» accourues des vallées voisines.

Ce genre s'est perpétué jusqu'à nos jo~rs pour aboutir à des œuvres plus achevees et plus dignes d'intérêt littérair~ avec l~ passage du dramatur~e français He~n Ghéon invité à St-Maunce par le chanome Cornut. Ainsi dès l'année 1920 et pendant dix ans le collège de St-Maurice a eu le privilège de faire connaître Ghéon à l.a Suisse romande et a eu l'honneur de VOlr composer spécialement pour lui ({ St~Mau­ rice ou l'obéissance» et ({ La Bergere au pays des loups ». D'une factur~ moins.littéraire peut-être mais tout a~s~1 empremte de poésie fure~t les ~omposltlO,nS dramatiques de Georges Michelet, presente~~nt curé de Veysonnaz, célébrant St-Guenn, St-Nicolas de Flue ou St-Léger, sans omettre quelques jeux à l'intention des enfants, célébrant les travaux et les jours dans nos montagnes. Mentionnons pour mémoire que l'a~t~vité et la création théâtrales de style religIeux ou patriotique (céléb~ations, m1st~res, Schauspiele) se sont mamtenues tres ~~va­ ces dans le Haut-Valais. Le XIX~ sIec1e a été riche en manifestations grandlOses en plusieurs localités (Fer.den, Wyler, Fes.chel, Grengiols, Morel, enf~n ~arogne qUi. ~u­ jourd'hui encore maI~tle~t la tradltlOn dans son théâtre de plem aIr). Parmi les auteurs de langue allemande citons pêle-mêle quelques noms m~r­ quants: le Père Amherd, Clément Bortls,


Kiimpfen, In-Albon, Kalbermatten, etc. Il est plaisant de remarquer que l'un d'entre eux, Léon de Roten, était un ancien conseiller d'Etat. Tandis que s'étendait la vogue des œuvres à sujets religieux ou moralisants, le public s'intéressait aussi au théâtre historique ou profane et des auteurs locaux s'y adonnèrent avec adresse, sinon avec un bonheur toujours égal. Pour nous en tenir au. seul demi-siècle de notre souvenir je pUIS avancer les noms, dont certains fort prestigieux, de Duruz et Charles Haenni (associés dans des opéras, opérettes ou drames lyriques), de René Morax (valaisan par ses sujets et son amour de notre pays), du chanoine Poncet, d'AloÏs Theytaz, de Maurice Zermatten, de Corinna Bille ou de Jean Follonier. Chacun à sa

nos études hors du canton, nous n'ayons pas produit un public plus avide de culture théâtrale. Je crois qu'il ne faut pas jeter la pierre à ceux de nos concitoyens qui se trouvent satisfaits de ce que leur offre la production actuelle, même s'ils ne nous suivent pas dans tous nos désirs.

. Il serait souhaitable de faire un jour le bIla.n de cette activité d'abord pour en ~v~Ir une vue plus précise, ensuite pour mcIter de nouveaux auteurs à reprendre le flambeau. MEME DES PROFESSrONNELS INDIGENES

Il faut néanmoins reprendre le problème à la base, c'est-à-dire à l'école. En effet si notre peuple est naturellement tourné vers le théâtre par un besoin d'expression, par le désir de détente, ces sentiments sont plus que naturels et se manifestent dès la petite enfance. Il faut donc permettre à l'enfant premièrement de s'exprimer lui-même; à l'occasion, et deuxièmement d'avoir des spectacles faits pour lui. Ainsi, nous posons le problème du théâtre de l'enfance.

E?fin nous pouvons signaler que, depuis plusIeurs années, quelques jeunes valaisans ont choisi de faire carrière dans le théâtre. Ne pouvant tro~ver sur place un emploi suffIsant pour VIvre, deux d'entre eux se sont expatriés: Ch. Joris anime avec compétence le TPR (Théâtre populaire romand) à La Chaux-de-Fonds et J.-c. Roduit tente de grouper quelques professionnels da,ns son «Théâtre de la Trappe ». 9~ant a Pascal Dayer, le dernier en date, I~ ma,ug,ure.ces j.o~rs-ci un. cours d'expresSIOn a 1 UmversIte populaIre de Sion.

Il importe d'abord de bien partir des dispositions naturelles de l'enfant pour le jeu, de son attrait pour le merveilleux et le spectacle. Il y a deux façons de le fa ire. D'a bord en lui donnant des spectacles faits pour lui par des artistes adultes soit auteurs, soit acteurs, soit metteurs en scène, et deuxièmement, en lui permettant d'expérimenter lui-même le théâtre par une action qui lui soit propre.

Remarquons avec réalisme et tristesse que, sans un appui officiel sérieux, qui n'es~ pas ~rès .d'être octroyé, il n'est pas pOSSIble d enVIsager chez nous une vie théâtrale professionnelle, si minime soitelle. Une troupe coûte trop cher, même si son activité pouvait s'étendre à toute la parti~ r?mande ~u canton. Cependant il y aurait heu .d~ .cr~er un poste d'enseignant pour une InItIatIOn aux techniques et à l'histoire du théâtre, dans les écoles d'abord, comme on a fini par le faire pour le cinéma, ensuite auprès d'un conservatoire à l'intention des nombreux amateurs qui prétendent au titre de metteurs en scène. Ce serait une façon d'améliorer le niv~au des productions de nos troupes occaSIOnnelles et de former un public plus attentif.

L'ENFANT SPECTATEUR

THEATRE DE L'ENFANCE manière a tenté de donner un aperçu du talent créateur de notre génie propre. Ainsi le répertoire de nos groupes d'amateurs s'est enrichi d'œuvres autochtones constituant un chapitre intéressant de notre his~ toire littéraire valaisanne.

PRINCIPES Evidemment, on peut s'étonner de voir q~'après ~Ius de cent ans d'école obliga-

tOlre, apres avoir ouvert nos portes vers l'extérieur et être allés nous-mêmes finir

28

29

Un théâtre pour l'enfance? II faudrait, et ça existe, faire appel à des adultes parfaitement conscients de la nécessité de donner à l'enfant, par une représentation théâtrale, l'occasion de toucher le merveilleux, de connaître la joie, de voir s'extérioriser devant lui ses désirs, ses angoisses, ses essais personnels et ses joies; cet art sera servi par des gens ayant un grand respect de sa personnalité et cherchant, par une action proche de la perfection, à parler un langage visuel, sonore et poétique qui corresponde aux particularités de l'âme enfantine. Cela demande une grande humilité, un long travail et une recherche passionnée de ce qui fait la psychologie de l'enfant et des moyens pour répondre à son attente. On y parviendrait en s'adressant à des troupes déjà existantes (il y en

a en Suisse comme à l'étranger) et peu à peu en intéressant les artiste$ de chez nous à cette activité. On a déjà trouvé par exemple une recherche dans ce sens par le TPR (Théâtre populaire romand) dont je n'apprécie pas toutes les productions mais qui a au moins eu le souci d'initier les jeunes à l'activité théâtrale et de représenter devant eux des pièces conçues dans l'esprit des jeunes, s'adressant d'ailleurs moins à l'enfant lui~même qu'à l'adolescent. L'ENFANT ACTEUR Ensuite, deuxième point, il yale théâtre de l'enfance fait par l'enfant. Alors ici, le mot théâtre ne devrait plus être employé: on devrait parler d'art dramatique, et le traiter comme une technique éducati ve, forme de pédagogie, moyen parmi d'autres et non comme une panacée. II ne faut pas faire absolument du théâtre ou de l'art dramatique en soi, il faut l'employer comme le moyen de développer les aptitudes de l'enfant, de les lui révéler et de permettre à ses facultés créatrices de se développer, de se donner libre jeu. C'est effectivement une manière de rendre la classe plus active, plus vivante; c'est en même temps une sorte de banc d'essai où l'enfant prend conscience de sa réalité, de sa personnalité, de ses possibilités, de ses difficultés et trouve l'occasion d'exercer ses facultés, de surmonter ses difficultés (angoisses, timidité), en fait, de se libérer et de s'épanouir. De plus il pourra ainsi mieux se situer socialement par rapport à ses camarades dans les différentes actions qu'il sera appelé à illustrer selon les thèmes qu'il aura trouvés ou qu'on lui aura proposés. Il s'agit donc, non pas de préparer des acteurs pour des pièces de théâtre mais' de permettre à l'enfant d'être lui-même acteur de sa propre vie ou de ses propres fantasmes. Pour cela il faudra voir avec lui quels sont ses soucis, ses problèmes et, à l'occasion, lui permettre de les visualiser. Il pourra le faire par lui-même ou par des recherches avec le maître; il pourra le faire sur des textes d'autrui, par exemple en


illustr~nt des leçons. Occasionnellement les petites œuvres qui seront mises au point seront présentées devant d'autres camarades à l'intérieur de l'école, devant des par~n~s, non pour prouver qu'on est des petits gemes malS pour montrer ce que l'on est capable de faire quand on se met tous ensemble à faire quelque chose.

~evant les parents et les camarades, pour eprouver ses forces.

façon de trouver les intonations, les arrêts, etc ... Il ne s'agit pas de lui faire imiter les grands acteurs mais de lui permettre d'essayer de trouver par lui-même comment on peut s'exprimer. Ensuite, on peut reprendre la chose et lui demander d'essayer de la présenter en petit drame (quand je dis drame, j'entends petite action), exécutée par lui seul ou avec d'autres camarades. Ceci ne s'éloigne pas du tout de la leçon, c'est tout simplement un exercice d'expression.

<?n veillera à éloigner toute idée de ca-

bot~nage" de, vedettariat et dans le cas où

les Jeux s executent en public, toujours de~ant .les par~nts ou les amis, il n'y aura JamaIS de ~llse en exergue de tel ou tel: ce s~ra.touJours une production anonyme, aUSSI bIen pour le maître que pour les élèves.

ROLE DE L'ECOLE

La lecture fournit déjà l'occasion d'un entraînement profitable, pour autant que l'on ne se contente pas d'un simple parcours du texte (pour connaître l'histoire ou pour dire qu'on a traité cet objet). Il faut demander à l'enfant de comprendre ce qu'il lit et d'en rendre compte par la voix différenciée selon les circonstances décrites ou les personnages en jeu. Quand l'occasion s'en présente (textes à nombreux personnages s'exprimant, fragments de pièces théâtrales) répartir la lecture entre plusieurs élèves. Voilà un premier point acquis.

A partir de quel âge cette forme d'expressIOn peut-elle être réalisée par l'enfant ~ Eh bi~~, il y a des possibilités à t?ut ~~~. A 1 ecole enfantine cela se réalise d~Ja : c'est un premier pas. En effet, la .maltres~e r~conte une histoire, elle peut faIre ensuIte Jouer cette histoire par les enfants et ça reste un jeu purement localisé dans le temps et l'espace. Cela fait partie de la leç?n d'expression. Là il n'y a pas de p.rob!~me, c'est tout à fait clair: ça se faIt deJà et ça se fait bien. ~lus tard, à l'école primaire? C'est là q~ Il faut commencer et l'on arrive immé-

Forme pa~tic~lière, mais spectaculaire de théâtre e~ plem aIr: le son et lumière. Les acteurs sont ICI deux monuments célèbres de l'histoire valaisanne

Nous nous trouvons ainsi en présence de deux objectifs. Premièrement le jeu dra~atique e~p!oyé com~e moyen pédagogIque sans Idee de representation aucune: ça se passe en classe. Deuxièmement la satisfaction du besoin de jouer en public,

Ensuite on peut s'arranger, en fonction du programme, pour consacrer une heure ou deux à l'expression en se fondant sur des sujets pris dans diverses disciplines (français, histoire, géographie).

dIatement à la deuxième question: que fait l'école actuel!emen~? Elle fait déjà quelque chose, malS le faIt-elle bien ? voilà le problème. On ne peut pas dire que l'on fasse mal les choses: simplement on ne va pas jusqu'au bout du processus. Evidemment on a toujours proposé (imposé !) des textes, des poèmes, des fa bles à réciter ... Là i! .faudrait déjà prendre garde de ne pas utIlIser comme critère de réussite l~ simple mémorisation, parce qu'on obtIent alors un enfant-perroquet ou un enfant-mitrailleuse qui vous débite un texte à toute vitesse. Le· maître se contente le plus souvent de constater que rien n'a été sauté puis met une note là-dessus. C'est un exer~i~e de ~émoire pur et simple: autant reclter le lIvret, ça apporte au moins quelque chose. Pour ce qui est de l'expression il faud,rait, après avoir contrôlé que l'élève possede ~on t~xte par cœur, prendre le temps de lUI explIquer qu'il doit maintenant l'actualiser ne serait-ce que par la parole, la

QUEL REPERTOIRE? Cela nous amène au problème du répertoire. En effet, dans ce genre d'exercice, la question lancinante est: que jouer?

30

31

Sans aller bien loin, on peut titrer parti des manuels officiels: livres de lecture, morceaux choisis fournissent un abondant trésor de thèmes, base de recherches artistiques et d'interprétation. On peut, par exemple, prendre un conte, une nouvelle. Les élèves en font l'analyse pour en extraire les éléments essentiels, les personnages, les situations, les articulations. On leur propose ensuite de reproduire l'action et d'inventer un dialogue adéquat si c'est nécessaire.

Les histoires vécues sont aussi d'excellentes sources d'interprétation: observations diverses, rencontres, événements fortuits, graves ou amusants. L'élève raconte le fait; au cours d'une discussion libre la classe voit ce que l'on peut en tirer; on élague, on choisit puis l'on développe les éléments retenus jusqu'à ce qu'on obtienne la matière d'un jeu dramatique véritable. Evidemment, il ne faut pas vouloir réussir dans l'heure; cela demandera plusieurs heures que l'on prendra sur du temps de tra vail effectif parce que toute la recherche, toute la documentation éventuelle, toutes les discussions provoquées par cette activité enrichissent l'ensemble du programme. La discussion est un exercice d'élocution, un exercice de dialogue pendant lequel le maître peut fort bien reprendre et la syntaxe, et le vocabulaire, et la grammaire. Certaines recherches feront appel à des connaissances d'histoire, de géographie, de sciences naturelles, même de mathématiques et, bien entendu, au chant et à la gymnastique. C'est l'occasion de favoriser une interdisciplinarité fort souhaitable. Les instituteurs primaires ont l'avantage d'être maîtres de leur programme dans leur classe, d'où la possibilité d'organiser de telles activités sans préjudice pour les matières à enseigner; pour qui sait s'y prendre le jeu dramatique est un moyen de rendre le programme plus attrayant et plus efficace. A part cela on peut aussi proposer des jeux fondés sur l'observation des animaux, l'expression des sentiments, la représentation des éléments, le jeu du blé, le jeu du vin, la mécanique, le sport, etc. Cela favorise encore l'imagination créatrice et l'expression.

MAINTENANT QUE FAIRE? D'abord, il faut rendre hommage à de nombreux maîtres qui se sont intéressés à ce problème soit par une réflexion personnelle soit par une impulsion intérieure, intuition qui les a fait tenter l'expérience de temps à autre avec leur classe. Naturellement ils ont été livrés à eux-mêmes, et bien souvent ils ont été pris par le désir de donner une représentation de ce qu'ils


La vie musicale UN PASSE MUSICAL DISCRET Si l'histoire du Valais comporte quelques heures glorieuses et quelques noms illustres, elle se tisse malgré tout sur un fond de pauvreté et d'isolement. Comptant pendant des siècles sur les uniques ressources d'un sol ingrat, privés de contacts avec les régions voisines à cause de leurs montagnes, les Valaisans d'autrefois avaient peu de loisirs, et peu d'exemples capables de , féconder leur imagination créatrice. Seuls quelques secteurs bienheureux - ceux où l'art se fond avec l'artisanat, comme l'architecture, parfois la sculpture, le mobilier, l'orfèvrerie nous ont laissé des œuvres vraiment dignes d'intérêt. Esquisse d'Alexandre Cingria pour une représentation en plein air du « Roi David» à Sion

ont fait, c'est-à-dire un aperçu soit à leur direction, là où il y en avait une, soit aux parents ou aux autorités. Ainsi s'est perpétuée la coutume, qui a encore cours peutêtre ici ou là, de donner une représentation à Noël ou à la fin de l'année. Je me souviens qu'à Sion jadis les écoles primaires se terminaient par une grande fête au Théâtre de Valère; c'était l'époque où tous les enfants de la ville de Sion pouvaient tenir dans cet édifice et il y avait une représentation théâtrale avec la distribution officielle des prix. Ceci a disparu en ville mais subsiste encore en différents endroits la coutume de représentations dramatiques à certains moments de l'année. Dans le désir de bien faire, les maîtres ont été attirés vers l'efficacité immédiate et la réussite de leur représentation, ce qui au point de vue pédagogique a évidemment apporté des entraves à l'idéal présen té tou t à l'heure. Il faut donc abandonner cette idée et reprendre le problème. Nous trouvons deux actions à mener. D'abord l'une auprès des maîtres·en place qui souhaiteraient tenter l'expérience. Il faudrait alors étudier avec eux quels sont les cheminements à prendre pour les aider

à réaliser cette expérience au profit des seuls enfants qui leur sont confiés. Il faudrait ensuite essayer de sensibiliser les futurs maîtres à cette activité considérée comme moyen pédagogique et il conviendrait de travailler avec eux dans leur cours, avec les enfants des écoles d'application, pour trouver les ressorts à faire jouer, les exigences pédagogiques qu'il ne faut pas léser. Ensuite avec ces mêmes personnes on pourra parallèlement pousser plus loin et contribuer à les former pour que plus tard, dans le village où ils enseigneront, ils puissent à leur tour transmettre aussi leurs conseils, leurs avis, aux adultes qui sont toujours désireux d'expérimenter une action dramatique comme moyen de détente ou de perfectionnement. En fait, on devrait aussi leur apprendre à monter une soirée, à régler les détails de départ, puis les répétitions et l'organisation d'un spectacle de qualité; enfin, il serait bon de leur fournir des lumières sur un répertoire qui ne perpétue pas les vieux drames poussiéreux et filandreux que l'on a trop souvent connus, leur permettant de choisir des œuvres en fonction du souci du respect du public ' et de l'art dramatique lui-même. Maurice Deléglise

toire nous renseigne mal, un tel instrument témoigne, à lui seul, d'un sérieux intérêt pour la musique! Mais la vie musicale actuelle semble due surtout à quelques musiciens qui, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, développèrent, dans leur ~one d'influe~ce et dans leur spécialité, une certaine VIe artistique.

Dans le domaine musical, le Valais possédait, à certaines époques, des centres de vie liturgique particulièrement actifs. Malheureusement, les vicissitudes que l'Abbaye de Saint-Maurice a connues au cours des siècles nous ont privés de documents concrets. Les Archives du Chapitre de la Cathédrale de Sion offrent quelques livres intéressants, mais peu de renseignements sur l'influence que ce centre exerça peutêtre sur le pays. Quant à la musique populaire, elle ne présente pas un caractère très original. Certes, nos groupes folkloriques exécutent des « danses valaisannes» et des « chants populaires valaisans»: en réalité, il s'agit de répertoires plus larges, dont il est difficile de retrouver les origines réelles, et qui se sont répandus dans toute la région des Alpes. Certaines vallées du Tessin, ou la Gruyère, semblent avoir conservé un répertoire plus typique que le Valais.

32

33

Pourtant, on s'intéresse depuis longtemps à la musique dans notre canton. Sans cela, comment expliquer la présence à Valère du plus ancien orgue du monde? Nos ancêtres auraient-ils pris la peine de le transporter, avec les moyens pauvres dont ils disposaient, de l'Abbaye de StJean d'Aulps jusqu'à Sion? Même si l'his-

Le «hackbrett », sorte de cithare, appartient traditionnellement à la petite formation de musique champêtre du Haut-Valais. On y trouve également quelques fabricants d'instruments.

Notre siècle se caractérise en effet par une éclosion d'activités musicales diverses, grâce à quelques musiciens professionnels, grâce aussi à de nombreux amateurs, tous étant d'ailleurs assez « amateurs» dans le vrai sens du mot pour communiquer leur enthousiasme à leur entourage. Aujourd'hui, il suffit de parcourir les journaux pour mesurer la place considérable qu'occupe la musique dans notre


• pays: annonces de concerts, comptes-rendus de soirées, nouvelles de sociétés musi~ cales, succès d'artistes valaisans ... Même s'il faut faire la part du chauvinisme local dans cette masse de publications, elle est le signe d'une vitalité incontestable.

OU FAIT-ON DE LA MUSIQUE? De nombreuses chorales

Une église constitue presque toujours un centre d'activités musicales, même si la musique n'est qu'une des formes d'expression de la prière liturgique. C'est à cette origine paroissiale que se rattachent la plupart de nos chorales actuelles. Plus du 80 % des sociétés bas-valaisannes mem bres de la Fédération cantonale sont d'abord des chœurs d'église, alors que cette fédération est en principe une association profane, analogue à la Fédération cantonale vaudoise. (Le cas du Haut-Valais est différent: seules 3 sociétés de langue allemande sont membres de la Fédération cantonale, tous les chœurs d'église étant groupés dans le Cacilienverein du HautValais). On a beaucoup parlé d'une crise des chorales liturgiques, due soi-disant aux transformations qu'a connues la liturgie catholique à la suite du Concile. Les chœurs d'église avaient en effet basé leur activité sur le répertoire latin, le seul qui fût en usage durant les messes chantées jusqu'au Concile Vatican II. La brusque arrivée de la liturgie en français, et surtout la brutalité avec laquelle certains pasteurs introduisirent un répertoire souvent discutable, ébranlèrent la fidélité de nombreux choristes. Mais il ne faut pas exagérer l'importance de cette crise: là où l'on évita les maladresses psychologiques, là où l'on sut les oublier, la réforme liturgique apporta, bien au contraire, une nouvelle raison d'être aux chorales, et un répertoire nouveau dans lequel il existe désormais plusieurs dizaines d'œuvres de qualité, dans des styles très divers. Ceux qui le critiquent encore systématiquement sont ceux qui n'ont jamais pris la peine de l'étudier!

nombre d'observateurs: la multiplication extraordinaire des chœurs d'enfants. Depuis longtemps, la présence de tel instituteur musicien dans un village avait permis la création, ici ou là, d'une chorale scolaire. Mais cela était plutôt rare, et seul un ensemble de Pueri cantores s'était vraiment distingué par sa valeur musicale.

S'il y a une crise, elle est plus générale. EUe se situe d'abord au niveau de l'engagement des jeunes dans des groupes organisés: beaucoup hésitent aujourd'hui à s'engager dans une société qui leur demandera l'assiduité à la répétition hebdomadaire, la présence à telle messe dominicale, plus la participation à diverses manifestations occasionnelles. Mais il faut signaler un autre facteur social dans l'évolution actuelle des choraIes: la place de plus en plus grande qu'occupent les femmes dans la société amène progressivement une mutation des effectifs, et notamment la transformation de nombreux chœurs d'hommes en chœurs mixtes. La Fédération des chanteurs du Valais central offre à cet égard un exemple typique. Avant de quitter les chœurs paroissiaux, il convient de signaler un facteur réjouissant: l'arrivée de répertoires assez différents du répertoire traditionnel a suscité, en plusieurs paroisses, la création de groupes nouveaux - chœurs d'enfants, chœurs de jeunes - qui prennent désormais en charge une messe par dimanche, ou par quinzaine, doublant ainsi la présence du chant choral dans la vie musicale des paroisses. A côté de leur activité religieuse, presque toutes les chorales paroissiales exercent une activité musicale profane plus ou moins développée. Mais il existe aussi un certain nombre de chœurs essentiellement profanes, qu'on peut diviser en 3 catégories: chœurs profanes traditionnels: il s'agit d'un certain nombre de chœurs d'hommes et de chœurs de dames, nés presque toujours dans les villes parallèlement aux chœurs d'église, et qui limitent souvent leur activité à la préparation d'un concert par an; ils participent généralement aux rencontres régionales ou cantonales dont nous parlerons plus loin; chœurs folkloriques: chœurs costumés, le plus souvent à voix mixtes, dont certains divisent leur activité entre le chant et la danse, et qui se consacrent essentiellement à la musique populaire;

FÊTE CANTONALE DE CHAN KANTONALES Sli.NGERFES Affiche d'Edmond Bille pour la fête cantonale de chant de 1931

chœurs de concert: on peut classer dans cette catégorie certains chœurs, rares jusqu'ici, qui dépassent le cadre d'une paroisse ou d'une localité, et qui regroupent des chanteurs de milieux divers, appartenant le plus souvent à d'autres formations; le but de ces ensembles est l'exécution d'œuvres de concert, par un travail dépassant le niveau des exigences moyennes d'une chorale d'amateurs. Mais, même si ces chœurs ne sont rattachés à aucune paroisse, il leur arrive souvent de puiser leurs programmes dans le répertoire religieux, et éventuellement de collaborer à une célébration si l'occasion se présente. Ainsi, la distinction entre chant choral religieux et chant choral profane est plus théorique que pratique!

34

35

Il faut accorder enfin une attention toute spéciale à un phénomène assez r~­ cent, révélateur d'une vitalité qui a surpns

Or, depuis une dizaine d'années, les chœurs d'enfants nés en milieu scolaire, plus les groupes nés sur le plan paroissial, se sont multipliés. Invités à participer à la dernière Fête cantonale de chant, en 1974, près de 40 chœurs d'enfants répondirent à l'appel, envahissant la ville de Monthey durant tout un après-midi, chantant dans les rues, sur les places, dans les hospices et les hôpitaux. Ce phénomène est dû sans doute à de multiples facteurs, mais d'abord à la persévérance de musiciens comme Léon Jordan, dont l'exemple suscita rapidement une sympathique émulation. Le développement de la société, le cloisonnement de plus en plus grand qui se manifeste entre les hommes, l'isolement et l'individualisme croissant qui constituent la rançon d'une urbanisation toujours plus forte, tous ces facteurs invitent la plupart des sociologues à prédire un affaiblissement des activités artistiques collectives. Or l'éclosion imprévisible des chœurs d'e~fants dans notre canton et ailleurs, tout com'me le développement extraordinaire de mouvements comme «A cœur joie» ou « Europa cantat », prouvent que l'art vocal communautaire correspond encore à un besoin de notre époque. En un temps où la collaboration ~t l~ travail en équipe sont de plus en plus mdlspensables, le chant choral apparaît comme le symbole musical de cette nouvelle vision du monde: groupant des personnes de sexes, d'âges, de timbres, de goûts différents, mais réussissant à unifier ces dons les plus divers dans l'unité harmonieuse de la polyphonie, un chœur manifeste n:us,ica~e: ment cette aspiration moderne a 1 umte dans la reconnaissance des diversités. On trouve donc en Valais une vie chorale intense, et cela à des degrés quantita-


tifs très variables, puisque les groupes comptent entre 15 et 80 membres. II en est de même s~r le plan de la qualité, puisque les prestatIOns de ces ensembles vont de la {( soirée» dans la grande salle du village à la retransmission radiophonique, à l'émissio~ télévisée et même au disque commercIal, en passant par la messe dominicale et le concert avec orgue ou orchestre.

Ensembles instrumentaux Toujours chez les musiciens amateurs, les ensembles instrumentaux à vent constituent un second volet tout aussi vivant que les c~orales. Chaque ville, chaque village possede sa fanfare ... et même très souvent ses fanfares! Les Valaisans sont habitués à un phénomène qui paraît tout à fait étrange aux gens de l'extérieur: la coloration politique de nombreuses fanfares

sont beaucoup plus intenses, et la plupart de ces fanfares possèdent non seulement des instruments bien entretenus et renouvelés régulièrement - parfois la couleur des instruments distingue les fanfares rattachées à des partis différents! - mais des costumes à faire pâlir de jalousie les anciens grenadiers.

l'autre à Sion, déploient une activité remarquable, se produisant chaque année dans des concerts dont la qualité est largement reconnue. Le développement des moyens de communication constitue d'ailleurs un facteur favorable, car il permet à plusieurs musiciens d'un ensemble de participer également à l'activité de l'autre.

Un certain nombre de fanfares ont ouvert largement leurs rangs aux bois, se muant en «harmonies », et ouvrant du même coup leurs horizons musicaux à des coloris beaucoup plus riches, à des nuances plus fines, à des répertoires plus variés.

Sans pouvoir nous y arrêter, mentionnons encore un autre genre d'orchestres: les nombreux orchestres de danse qui ont fleuri en Valais depuis la guerre, comme d'ailleurs dans'la plupart des régions. Malgré le développement de la musique enregistrée, les organisateurs de bals ou de soirées préfèrent avoir recours à eux, plutôt qu'à l'anonymat d'un magnétophone.

,. Il faut relever" depuis quelques années, 1 ll1fluence exercee sur nos ensem bles ins-

trumentaux par de célèbres ensem bles anglais : le disque, la radio, et même les tournées ont favorisé largement l'arrivée de styles et de genres nouveaux. Ainsi, à côté de la bonne vieille marche classique, le répertoire des fanfares et des harmonies passe tour à tour par les danses populaires, le néo-jazz, l'ouverture d'opéra du XIXe siècle et même la musique contemporaine.

La « musica domestica »

Même s'il est moins net que chez les chorales, le phénomène de l'arrivée de l'élément féminin se remarque aussi dans les ensembles instrumentaux. Enfin, ici encore, le désir de dépasser l'honnête moyenne des ensembles d'amateurs a favorisé la naissance de groupes formés d'excellents musiciens, qui rivalisent en qualité et dépassent souvent en enthousiasme les ensem bIes professionnels.

Drapeau conçu par l'artiste montheysan Michel Piota

valaisannes. Quand un village possède 2 ou 3 fanfares, il s'agit d'ensem bles rattachés à un parti. Phénomène vraiment curieux que cette musique mise au service de la politique ... à moins que ce ne soit le contraire! II faut en , effet reconnaître à cela certains avantages: l'émulation musicale se double de l'émulation partisane, les soutiens psychologiques et financiers

L'absence de grande ville a toujours compromis en Valais la formation 'd'orc~estres à cord~s ou d'orchestres symphomques: les eXIgences de ces répertoires' dépassent souvent les possibilités des musiciens amateurs, et, surtout, la constitution de tels ensembles suppose un équilibre numérique entre les différents registres qui dépasse les effectifs dont dispose un petit pays: je parle ici ~e la petitesse de la populatIOn, car la dImension géographique c?nstitue au contraire un facteur négatif, gcnant les rassemblements. Malgré cela, deux orchestres, l'un à Saint-Maurice,

36

37

Même s'il est impossible d'en dresser l'inventaire, il faut mentionner ici une série - beaucoup plus nombreuse sans doute qu'on ne le croit - de petits groupes discrets, formés de musiciens amateurs se réunissant régulièrement pour le seul plaisir de jouer ensemble. Ils peuvent aller du duo violon-piano ou du piano à 4 mains au quatuor ou au quintette. Leur cadre, lui aussi, varie beaucoup. Il s'agit parfois de jeunes réunis autour d'un musicien enthousiaste, comme cet « Atelier» de Martigny dont le sérieux égale la discrétion. En d'autres cas, il s'agit d'un sous-groupe né dans le cadre d'une fanfare ou d'une harmonie. Ou encore, mais c'est malheureusement plus rare aujourd'hui qu'autrefois, c'est le milieu familial qui devient centre musical. Alphonse, par exemple, était un « mordu» du chant et du violon: je crois bien qu'aujourd'hui le nombre des instrumentistes dépasse chez lui le nombre des membres de la famille, car certains cumulent les talents, et la famille devient tour à tour chorale ou orchestre; quand j'aurai cité le violon, la guitare, la flûte, le piano, l'orgue et le banjo, j'aurai probablement ou blié quelque instrument, car malgré toutes ces possibilités, il n'est pas rare que la cuiller à potage et la fourchette deviennent instruments de musique sous les

doigts experts de tels musiciens, aussi riches en talent qu'en imagination! Il serait sans doute difficile de dresser l'inventaire de tous les musiciens valaisans qui pratiquent chez eux un instrument ou l'autre, du piano à l'harmonica. Et, si l'orgue mérite encore d'être appelé {( le roi des instruments », il servira à mettre un brillant point final à cette énumération, car presque toutes nos paroisses ont à cœur de posséder un ou plusieurs organistes: une église sans orgue paraît inachevée ... et quand l'orgue est installé, on aurait honte d'avoir fait un tel effort financier s'il n'y avait personne pour en jouer! On craignait parfois, naguère, que l'avènement de la radio et du disque ne finissent par tuer la musique des amateurs. Au contraire, l'exemple multiforme que les moyens modernes de diffusion musicale distribuent partout a provoqué un regain d'intérêt pour la pratique vocale ou instrumentale, et notamment pour un accroissement des exigences de qualité. Cela du moins chez ceux qui possèdent à la fois un certain talent et une authentique persévérance, car il est vrai que l'exemple répandu par la musique de variété ne constitue pas toujours une invitation à l'effort et à la recherche, ni un témoignage en faveur d'une musique exprimant les plus profondes aspirations de l'âme humaine. LA MUSIQUE ORGANISEE Les étrangers sont souvent frappés par une tendance très helvétique: celle de tout réglementer, de légiférer sur tout, de tout organiser. Groupez trois suisses, disent-ils: quand ils se sépareront, ils auront fondé une société; l'un des trois sera président, un autre vice-président, et le troisième secrétaire-caissier; et ils auront sans doute décidé de publier un journal... Dans un pays comme la France, de nombreuses chorales n'ont d'autre existence juridique que le fait de se réunir autour d'un directeur, pour chanter ensemble. Cela est impensable en Suisse: il faut, pour chanter ou pour jouer correctement, rédiger des statuts, «conformément aux


articles 60 et suivants du Code civil suisse », élire un comité, prévoir un budget et convoquer une assemblée générale. Après cela, on pourra faire de la musique. J'exagère à peine, et, dépassant la «cuisine administrative» de nos fanfares et de nos chorales, je voudrais évoquer l'importance qu'on accorde en Valais et dans les autres cantons suisses - aux associations groupant les sociétés d'une région ou du canton tout entier. J'ai l'air d'ironiser: en effet, on peut sourire parfois en constatant la somme d'énergie et le temps consacré à ces problèmes non musicaux. Pourtant, je reconnais sans peine l'utilité de tous ces aspects ... tant qu'ils ne se manifestent pas aux dépens de la musique.

dure deux jours et demi: elle comm~nce le vendredi après-midi par les productlOns des chœurs d'enfants; le samedi est consacré tout entier à l'audition des chorales, classées en catégories, tandis que le dimanche est occupé par les manifestations communautaires : messe, réception de la bannière cantonale -(car on ne saurait faire de la musique en Valais sans avoir ,u~ drapeau !), cortège, hommage aux veterans et chœurs d'ensemble.

pour justifier ces rencontres amicales, et même pour excuser certains abus qui s'y manifesten t. Sans donner ici la liste de toutes les fédérations, caractérisées par leur origine, leur situation géographique, leur dimension, et éventuellement leur tendance politique, il suffira de rappeler que les fédérations régionales se réunissent généralement

Même si tout semble très bien structuré et organisé, il y a pourtant plac.e po~r un~ certaine fantaisie et une certallle 11 berte. Je crois même qu'il n'y a pas deux fédérations musicales valaisannes qui puissent être comparées. L'esprit dans lequel se déroulent les festivals témoigne de cette diversité, et l'on peut les classer dans des catégories très nombreuses:

La plupart de nos ensembles vocaux ou instrumentaux appartiennent à une ou à plusieurs «fédérations ». Ces fédérations tiennent de très sérieuses assemblées, nomment un comité, une commission de musique, déterminent le lieu et la date de la prochaine fête, discutent du montant des cotisations, car la machine administrative coûte cher, même si l'on travaille bénévolement. L'utilité principale de ce système se révèle dans les rencontres qu'il suscite. En effet, il est assez symptomatique de constater que les moins bonnes chorales, les moins bonnes fanfares sont celles qui n'affrontent jamais le public varié des festivals. Pour être juste, il faut toutefois remarquer que le contraire est aussi possible, et que tel ensemble travaille si sérieusement qu'il croirait perdre son temps en consacrant une journée ou une demi-journée à des rencontres où la musique est autant prétexte que véritable moteur. Mais, même si les productions des divers groupes se déroulent parfois dans l'atmosphère troublée d'une cantine, la présence critique des autres constitue pourtant un stimulant qui invite au progrès. Ceux qui suivent régulièrement les rencontres printanières de nos fanfares ou de nos chorales reconnaissent aisément les progrès très nets accomplis en l'espace de dix ans par la plupart des groupes. C'est assez sans doute

-

Il s'agit parfois de rencontres to~t. à fait amicales (elles se nomment d aIlleurs «Amicales »), avec un nombre restreint de participants. Chaque ensemble s'y produit très librement. Certaines fédérations mettent la musique au centre de . leurs pré~c~upa­ tions et elles orgamsent un ventable « co~cert » : les groupes s'y succèdent en ordre dans le silence d'une église ou d'une' salle de concert, et la qualité des productions est vraiment le premier critère.

une fois par an ; chaque société y présente une ou deux pièces de son répertoire ; dans certains cas, une messe en plein air groupe tous les participants, si la fête dure toute la journée; et la rencontre se termine normalement par quelques productions d'ensemble, servant de cadre aux inévitables discours. Les fêtes cantonales sont plus rares, mais elles revêtent une importance plus grande, non seulement par le nombre des participants, mais aussi par les exigences musicales et par l'ampleur du programme. Une fête cantonale de chant, par exemple, ne se déroule que tous les quatre ans, mais

Assez souvent, dans ce cas, un jury est appelé à appréci~r les ex.écu~ions et à rédiger, dans les Jours qUI SUIvent, une critique relevant qualités et défauts, essayant surtout de montrer sur quels points devra porter l'attention du travail futur. Ce système n'est sans doute pas étranger aux progrès accomplis par la plupart des ensembles.

38

39

Autrefois, on allait beaucoup plus loin, et une fédération -la Fédération cantonale des chanteurs valaisans - conserve' encore partiellement un genre de « concours », dans lequel les socié~és sont jugées, critiquées, et même classees

selon des «mentions}); cela engendre chez certains le sentiment d'une gloire éphémère.... ou d'~ne. hont~, qu'on se hâte d'al.lleurs d aynb~,er a l'incompétence du Jury, plutot qu a ses propres lacunes musicales! Il n'y a pas très longtemps, chaque membre du jury était responsable ~'une ou de plusieurs ru briques - Justesse, rythme, harmonie, phrasé, diction, qualité vocale, interprétation, nuances ... - et devait mettre une note précise; l'ensemble des notes déterminait et la mention attribuée et le classement! Comme si les dièzes et les nuances pouvaient se mesurer à la manière des trous dans une cible ou selon le critère des centimètres du saut en hauteur ... Depuis quelques années, un courant se dessine, pour essayer de faire comprendre aux chanteurs que la musique n~ peut. se mesurer ainsi, et que le SOUCI de bIen chanter pour le plaisir de ses a.udite~rs (et pour le sien propre !) devrait suffire à engendrer un travail de l?ré~~ra~ion attentif et persévérant. MalS IlllStlllCt « bagarreur» des Valaisan~ est te~ace : beaucoup préfèrent counr le nsque d'un échec plutôt que de 'perdre l.a chance de cette gloire, et Je connaIS d'excellents chefs de chœur qui craindraient une diminution d'enthousiasme dans la préparation de leurs chanteurs, si l'on renonçait totalement à ce système. Pour l'instant, on a donc co~se~­ vé un compromis: les chœurs qu~ desirent le concours chantent le matm et sont jugés selon des mention~ ;.les autres se présentent l'aprè~-~Il1dl; tous reçoivent du jury une cntIq~e et des conseils. L'évolution se desslll.e lentement, et, dans vingt ans, on nra s~ns doute de cet attachement de certams pour un système vraiment désuet. Malgré leurs faiblesses, et malgré notamment un aspect de plus en plus commercial - une fête peut rapporter plusieurs dizaines de milliers d~ francs à.la société organisatrice - les fetes muslcal~s, qui occupent tous les dim~nches de la. fm avril à la mi-juin, constituent ce~tame­ ment des occasions de contacts utiles et


• sympathiques; quand elles sont bien organisées, elles permettent aux uns et aux autres de s'entendre, et cette émulation sur le plan du répertoire et de l'interprétation favorise certainement les progrès musicaux. C'est bien suffisant, semble-t-il, pour qu'on les conserve! LA « GRANDE MUSIQUE» La musique symphonique et la musique de chambre ne jouissent pas, et de loin, des chances dont bénéficie la musique des chorales et des ensembles instrumentaux d'amateurs. En effet, pour faire vivre un orchestre symphonique, ou même un petit ensemble de musique de chambre, il faut un centre culturel plus important que ne le sont nos petites villes. D'autre part, la situation décentrée du Valais par rapport aux grandes villes du reste du pays ne facilite pas la venue chez nous des orchestres extérieurs: le public s'éparpille le long d'un canton étiré et dans de profondes vallées ; il est donc difficile de grouper tous les amateurs de ce genre de musique, et les concerts sont hors de prix. Le titre de 1'« Orchestre de la Suisse romande» peut nous faire croire que nous avons certains droits sur lui: ils sont minces, et, malgré la constitution d'un groupe d'« Amis de l'OSR », les problèmes de son déplacement sont insolubles, d'autant plus que cet ensemble « romand» a pour « centre » Genève ... On a parfois plus de chance avec certains orchestres étrangers en tournée, car les déplacements font alors partie du programme, et les cachets sont calculés eux aussi dans un ensemble de concerts. La musique de chambre est, de ce point de vue, plus favorisée, puisque le nombre des artistes est restreint. Mais il faut compter alors avec un autre problème, celui d'un certain « snobisme» d'une partie du public. Même s'il n'est pas gâté, notre pu blic ne se dérange guère pour des artistes simplement recommandés: il lui faut vraiment « la » grande vedette. Et, durant

- - -n

les saisons d'hiver de ces dernières années,

Le Festival de l'orgue ancien

les plus grands succès ont sans doute été obtenus par des artistes comme Rubinstein et Wilhelm Kempff.

Indépendamment du Festival Varga, Sion connaît, durant la même période estivale, un autre festival unique en son genre: celui de l'orgue ancien. Organisé de toutes pièces par Maurice Wenger, gardien de Valère et grand amateur de musique, ce festival a pris en quelques années un essor d'autant plus réjouissant qu'il ne devait son existence qu'à l'intuition et à la générosité de son promoteur, soutenu par le Chapitre de la cathédrale et l'Etat, dont dépendent l'église et les musées. Chaque samedi après-midi, .des organistes du monde entier montent à Valère pour faire résonner les voûtes grâce aux jeux du plus vieil orgue du monde encore jouable.

Le Festival Varga Les concerts et récitals seraient donc assez rares, si le Valais n'avait pas eu la chance d'accueillir il y a quelques années un violoniste hongrois, Tibor Varga, venu s'installer à Grimisuat avec sa famille. Bien que son centre principal d'activité se situe dans une Académie allemande, Tibor Varga consacre une part importante de son temps et surtout de son enthousiasme à son pays d'adoption.

ffSliVAl

... et une enclave Ajoutons encore, bien qu'il ne soit pas valaisan, le Festival de Montreux-Vevey, qui a profité de la basilique de St-M~uri,ce et de son organiste, Georges Athanasmdes, pour ouvrir une brèche jusqu'en Valais.

11808 VA8GA

SION

Les Jeunesses musicales Dans l'organisation de la vie musicale valaisanne et dans la formation du public, il convient de mentionner le rôle important, parfois obscur, joué par les J eunesses musicales depuis bientôt 30 ans.

VAlAIS

Chaque été, le Festival Varga, en plus des cours dont nous parlerons plus loin, propose une série impressionnante de concerts, soit à Sion même, centre du festival, soit en d'autres villes du Valais, soit enfin dans quelques stations touristiques. Pendant plusieurs semaines, les Valaisans et leurs hôtes peuvent ainsi consacrer leurs soirées à la musique. La présence de l'Orchestre du Festival permet l'organisation de plusieurs concerts symphoniques, offrant au Valais la découverte merveilleuse d'un répertoire réservé, durant 10 mois de l'année, aux postes de radio et aux électrophones.

En certains milieux dépourvus d'autres organismes, comme ce fut le cas à SaintMaurice au début, les JM furent durant longtemps la seule source de concerts. Ailleurs, par exemple à Sion, les JM collaborèrent avec le Comité des Manifestations artistiques, assurant l'ensemble des manifestations culturelles de la saison, concerts, représentations théâtrales et conférences.

40

41

Créées peu après la fin de la guerre pour offrir aux jeunes des possibilités de concerts à prix réduit - à ce moment-là, la carte annuelle coûtait Fr. 5.- et le prix maximum autorisé pour un concert était de 80 ct. ! - les JM se voulaient d'abord. éducatrices, et l'on a connu à cette

époque un grand nombre de récitals commentés. Ce style de soirée a pratiquement disparu, faisant place à des concerts de style habituel.

Le mécénat Ce mot, écrit à propos du Valais, peut étonner. Il est pourtant vrai, même si l'on ne peut l'employer que rarement. En effet, ici ou là, il existe un particulier assez dynamique pour faire venir à ses frais un artiste, pour inviter quelques amis à en profiter, le nombre des .audit~urs re~tant bien sûr limité par les dImenSIOns memes des locaux à disposition. Même si les heureux bénéficiaires de telles initiatives sont rares, ces manifestations font partie de la vie musicale valaisanne et méritent d'être signalées: peut-être cela donnera-t-il l'idée à d'éventuels imitateurs? peut-être une commission scolaire ou une direction d'école essaiera-t-elle d'engager un artiste de chez nous, pour révéler à nos enfants le monde mystérieux de la musique?

OU SE FORMENT LES MUSICIENS VALAISANS?

Le rôle de l'école Je viens d'émettre un vœu: celui de voir nos centres scolaires découvrir la musique. Certes, si l'on y chante, si l'on y forme les enfants musicalement, si l'on développe et encourage les chœurs ~'enfants, ?n aura déjà fait beaucoup. MalS, pour faIre éclore une vocation de musicien, pour révéler une sensibilité sortant de l'honnête moyenne, il faut parfois cette étincelle qu~ donne la participation à un concert o~ a un récital. En attendant que cela pUIsse se réaliser, il importe que les ensei?na~ts utilisent les nombreux moyens dont Ils dISposent: la radio, les disques, les cassettes. Mais, évidemment, ils ne le feront correctement et assidûment que s'ils ont reçu à l'Ecole normale non seulement une formation musicale technique et méthodologique, mais une certaine culture. L'alourdissement progressif des programmes rend


• cela difficile, mais c'est un effort indispensable, si l'on ne veut pas bloquer les autres. Signalons d'ailleurs le développement, dans chacune de nos écoles normales, du chant choral, et même la collaboration régulière des deux maisons pour constituer chaque année un authentique chœur mixte.

Les cours privés Mais l'école ne peut donner qu'une impulsion de départ. On ne saurait lui demander - car nous ne sommes mal heu reusement pas en Hongrie, où la vie musicale est si intense à l'école - de former de futurs musiciens. Entre l'école et le conservatoire, il existe toute une gamme de possibilités de formation, et notamment des dizaines de professeurs de chant de piano, de violon, de flûte ou d'autres 'instruments qui, dans la discrétion de leur studio, initient semaine après semaine à la musique des centaines de jeunes élèves. On a de la peine à imaginer la somme de patience et la persévérance que suppose cette lente formation. Travail souvent obscur et ingrat, car tous les élèves ne sont pas .forcément doués et persévérants, et la SocIété suisse de pédagogie musicale est plus soucieuse de résultats en profondeur que de publicité en faveur de ses membres!

Cours collectifs, week ends et sessions Entre les cours privés et les cours d'un conservatoire, il y a souvent une certaine continuité, et de nombreux professeurs enseignent aux deux niveaux; leurs élèves les suivent généralement, devenant ainsi candidats à un certificat ou à un diplôme. Mais, malgré cette continuité, il faut faire ici la place à une série de moyens de formation qui échappent à l'une et à l'autre espèce de cours. Certaines fédérations de musiciens amateurs organisent parfois durant l'hiver des séries de cours de perfectionnement pour leurs membres, durant la fin de la semaine. Chaque automne, l'Association valaisanne des chefs de

ans sous la conduite de son fondateur Georges Haenni, et maintenant sous la direction de Cécil Rudaz. Le pu bIic imagine difficilement la somme des efforts de toutes sortes qü'il faut déployer pour mettre sur pied et maintenir une œuvre de c~ genre. On peut s'en faire pourtant une certaine idée si l'on songe simplement à la nécessité d'engager des professeurs spécialisés dans les multiples branches d'une telle école: branches théoriques, solfège, et toute la série des instruments qu'il faut . pouvoir enseigner; autre problème majeur : la quantité de locaux qu'il faut équiper d'instruments ... et si possible isoler les uns des autres, car la musique ne saurait être silencieuse à ce niveau! Le nombre des élèves n'a cessé d'augmenter depuis la fondation du Conservatoire, et, si la plus grande partie s'est contentée du niveau amateur, plusieurs anciens élèves sont devenus des musiciens professionnels, et même des concertistes. Si le rôle du directeur méritait d'être souligné, il faut ajouter aussi le dévouement des professeurs, et même une certaine abnégation de leur part, car, malgré les subsides que lui octroient l'Etat et la ville de Sion, le Conservatoire est une fondation privée qui doit vivre avec les taxes forcément modestes payées par les élèves: quand on songe que la plupart des cours sont individuels, on imagine les problèmes de budget que cela peut engendrer.

chœur organise un week-end de perfectionnement, qui permet des contacts et des échanges d'expériences. Dans le domaine du chant liturgique et de l'orgue, il faut mentionner la Semaine romande de musique sacrée, qui se déroule ~haque été à Saint-Maurice; quoique son Importance dépasse les limites du Valais, de nombreux directeurs de chorales, de nombreux choristes et quelques organistes valai.sans viennent y chercher un approfondIssement de leurs connaissances et un enrichissement de leur répertoire. Là encore, on pe~t parler d'un grand développement, pUIsque cette session a passé en quelques ~nnées de 100 à 200 participants; en. 1976, Il a même fallu refuser une vingta~ne de pe:sonnes inscrites après les délaIs, de cramte de ne pouvoir assurer la qualité de l'enseignement avec un nombre excessif. Une session d'été existe également à Isérables pour les instruments de cuivre. Dans le cadre des cours de perfectionnement organisés par l'Etat du Valais à l'intention des enseignants, on relève la place occupée par la musique, notamment par la méthodologie Ward, en liaison avec le Centre suisse Ward, à Bulle; mais d'autres stages viennent parfois compléter cet éventail. Enfin, certains ensembles - chorales fanfare.s et surtout harmonies - organi~ sent SOlt des cours réguliers, destinés à la formation de leurs membres débutants soit des fins de semaine de perfectionne~ ment. Parfois, les cours de solfège et d'instrument acquièrent un caractère assez sta?le pour dOl.mer naissance à une petite ecol~ de mUSIque, correspondant approximatIvement au niveau élémentaire d'un conservatoire.

Conservatoire et Académie de musique C'est au dynamisme, à la persévérance et à l'enthousiasme communicatif dë Georges Haenni que le Valais doit l'existence d'un Conservatoire cantonal. Parti avec des moyens pauvres, le Conservatoire de Sion n'a cessé de se développer, durant 25

42

43

Dans le cadre du Festival Varga - qui naquit en relation étroite avec le Conservatoire - un autre organisme s'est créé: l'Académie de musique de Sion, qui offre durant les mois de juillet et d'août une gamme de disciplines parmi lesquelles on trouve le piano et le clavecin, les instruments à cordes, le chant, plusieurs instruments à vent, la direction d'orchestre et la percussion, sans oublier bien sûr la musique de chambre. Même si le terme« Académie}) risque d'impressionner le public, les responsables de celle de Sion ont le souci d'éviter une coupure entre les musiciens et leur public, soit par l'organisation de démonstrations, soit en s'efforçant d'intéresser les musiciens valaisans aux cours donnés dans leur propre canton.

LA CREATION MUSICALE Nous allons retrouver ici une distinction analogue à ceIle que nous avons rencontrée à propos des ensembles musicaux. et c'est normal: la présence d'un orchestre, celle d'une fanfare, orientent les options des compositeurs. La création musicale valaisanne est donc à l'image des interprètes auxquels elle est destinée.

Mais, avant d'essayer d'en dresser un rapide inventaire, il convient de souligner que la plus grande partie du répertoire exécuté en Valais provient des siècles passés. Du Moyen Age, la plupart des chœurs d'église interprètent encore régulièrement des pièces grégoriennes, tandis que l'orgue de Valère incite ses utilisateurs à rechercher les « bicinia }) ou les « organa }) de la polyphonie primitive. Les chorales ont encore peu découvert, par contre, la polyphonie vocale des XIIIe et XIVe siècles : leur répertoire à plusieurs voix commence timidement avec le XVe, et s'épanouit dans la profusion des œuvres du XVIe, qu'il s'agisse de la musique religieuse ou des madrigaux et chansons profanes . Quelques auteurs du XVIIe apparaissent encore à leur programme, puis ce


• sont les orchestres qui prennent la relève, et quelques chœurs de concert, avec les œuvres du XVIIIe siècle. Les harmonies et les fanfares puisent largement dans des arrangements d'ouvertures ou d'autres pièces du XIXe siècle, dans lequel les chorales trouvent rarement leur répertoire. Ainsi, presque tous les siècles de notre millénaire apparaissent à l'horizon musical valaisan, les concerts de musique classique étant surtout consacrés aux deux siècles qui précèdent le nôtre. Qu'en est-il du XXe siècle? On peut dire qu'il est assez bien représenté dans les programmes, mais le temps n'a pas encore décanté suffisamment la production moderne pour laisser mourir les œuvres banales. Ainsi, on entend assez souvent des compositions médiocres, qu'il s'agisse de musique vocale ou de musique instrumentale: je crois que le goût musical se forme encore plus lentement que la technique, ce qui expliquerait sans doute les efforts énormes accordés par certains à des productions sans intérêt véritable. Dans la masse des compositions récentes ou contemporaines, les auteurs valaisans ne font pas mauvaise figure: il semble même qu'ils aient mieux évité que d'autres les clichés post-romantiques qui fleurirent un peu partout dans le premier tiers de notre siècle. Après des compositeurs comme Charles Haenni, Arthur Parchet et Louis Braquet, une autre génération prit la relève. Mais peu de musiciens consacrèrent à la composition l'essentiel de leurs talents, car le travail créateur demande une grande disponibilité, et les exigences de la vie moderne, même pour des musiciens, rétrécissent considérablement les heures de loisirs. Les catalogues des maisons d'édition comportent un nombre appréciable d'œuvres d'aUteurs valaisans - de naissance ou d'adoption - en particulier dans le domaine choral: après Georges Haenni, on vit apparaître le nom de Charly Martin, mais son décès prématuré interrompit une veine prometteuse; ~1arius Pasquier, successeur du chanoine Braquet à l'Abbaye de Saint-Maurice, signa plusieurs œuvres intéressantes, profanes et surtout

puisé aux sources vives du pays, mais créé dans l'actualité du Valais d'aujourd'hui. Cela, il le réalise dans ses chœurs, dans les danses instrumentales qu'il a écrites pour le groupe dirigé par sa fille, et dans un certain nombre d'œuvres orchestrales. Car, si Jean Daetwyler a beaucoup écrit pour fanfares et harmonies - son expérience dans ce domaine faisait de lui un auteur particulièrement compétent - il a largement ouvert la palette de ses orchestrations, allant jusqu'au concerto, à la symphonie, à l'oratorio. Chercheur inlassable,

religieuses; actuellement, le compositeur le plus actif est sans doute Oscar Lagger, notamment dans des arrangements originaux de chansons populaires. Il y aurait plusieurs autres auteurs à signaler, mais leur timidité ou le manque de temps les empêche de publier ce que leur muse leur inspire trop rarement: seuls les ensembles qu'ils dirigent ont l'honneur d'en profiter! Avec les auteurs précédents, j'aurais dû citer le nom de Jean Daetwyler, car il a pu blié de nombreux chœurs, et composé encore plus, puisqu'il réserve à son ensemble certaines de ses œuvres. Mais j'ai préféré lui faire une place spéciale, sûr que ses collègues ne m'en voudront pas de le citer à part: cela n'est pas dû à son 70e anniversaire, mais bien au fait que, de tous les musiciens habitant actuellement le Valais, Jean Daetwyler est le seul qui considère la composition comme sa vocation première. Le catalogue de ses œuvres est impressionnant, tant par leur nombre que par

la découverte d'une belle voix lui inspire une œuvre pour soliste et orchestre; puis c'est son amour du rythme qui le conduit à utiliser la richesse de la percussion moderne ; il se laisse enfin séduire par l'originalité - sonore et visuelle! - du cor des alpes, dont il fait avec succès un instrument de concert. leur diversité. J'ai fait allusion à ses œuvres chorales, religieuses, profanes, et surtout folkloriques. Daetwyler ne s'est pas contenté de sauvegarder une tradition mourante et d'entretenir un folklore vieillissant. Peut-être a-t-il eu connaissance de la 'phrase du grand peintre allemand Franz Marc: «Une tradition est belle quand on la crée, non pas quand on en vit. » Ce que Daetwyler veut faire, c'est un folklore vivant.

44

45

Le Festival Varga eut le mérite de créer certaines de ses œuvres, comme il eut l'audace d'inscrire à son programme quelques compositions d'avant-garde, et notamment celles d'un autre valaisan, émigré celui-là, Pierre Mariétan. Musique étrange, déconcertante - curieux adjectif pour une œuvre musicale! - qui étonne la plupart de ses auditeurs: en cela, n'est-elle pas précisément digne d'être la musique d'aujourd'hui, puisque notre époque nous étonne

souvent par ses contradictions, ses renversements de valeurs, ses refus de certaines formes du passé? Même si la chanson se contente souvent d'un langage musical relativement vieillot, il ne faudrait pas oublier, en terminant, que plusieurs chanteurs valaisans font actuellement leur carrière dans cet art difficile, témoin, lui aussi, des aspirations et des questions profondes de notre époque.

QUELQUES CONCLUSIONS Parti d'origines modestes, l'art musical valaisan a pris un véritable essor au cours du XXe siècle, dans des genres très divers. Pourtant, même si l'on additionne tous les musiciens valaisans amateurs et tous les musiciens professionnels que compte le Valais, leur nombre total ne constitue qu'une faible proportion de la populati~n totale. Si le développement des mass medIa n'a certainement pas tué la vie musicale active dans notre pays, il semble pourtant qu'elle devrait manifester encore plus de dynamisme. L'école doit apprendre aux enfants l'art d'écouter de la musique comme elle leur apprend l'art d'observer la nature ; elle doit aussi entraîner leurs facultés créatrices, repérer les élèves doués et guider leur formation dans les domaines qui échappent à ses limites. Après l'école, viennent les groupements de jeunes et d'adultes. Il faut certamement co~server les cadres traditionnels dans lesquels s'exerce cette musique d'amateurs dont nous avons longuement parlé. Certains se demandent si le développement des ensembles vocaux ou instrumentaux ne risque pas de faire tort aux chorales et aux fanfares aux ambitions plus limitées. Le risque n'existera pas, tant que les membres de ces ensembles consentiront à poursuivre leur activité dans les groupes plus modestes de leur ville ou de leur village, car, s'ils atteignent eux-mêmes un niveau supérieur de formation technique et de culture, ils contribueront à faire progresser les autres, et l'ensemble de la qualité y gagnera.


On parle beaucoup d'égalité de droits, de démocratisation des études, et tout cela est juste. Il n'en reste pas moins vrai que, dans les domaines les plus profonds de la vie humaine - comme d'ailleurs dans la nature -l'égalité absolue n'existe pas. TI y aura toujours des saints, des génies, des poètes, des artistes, des savants, des meneurs d'hommes, pour servir de phares. Pour que la masse progresse dans un domaine, il lui faut des guides et des modèles. Si les bons deviennent encore meilleurs, les médiocres progresseront et se rapprocheront des bons. Les démocraties sont souvent tentées de vouloir niveler par la moyenne: le «medium» latin, ne l'oublions pas, a donné naissance au mot français «médiocre»! Mais il est tout aussi important de se rappeler un autre facteur: les génies et les talents ont d'autant plus de chances de surgir d'une société que l'ensemble de ses membres auront reçu un embryon de culture.

Culture de masse et formation d'une élite ne doivent pas s'opposer, mais se combiner, car elles se conditionnent l'une l'autre. Si l'une des deux est négligée, l'autre en pâtit également. Que peut-on souhaiter en terminant? Tout simplement qu'à tous les niveaux on encourage ceux qui font de la musique. Quand on parle d'« encouragement aux arts », on pense aussitôt à des subsides et à de 'belles paroles. C'est déjà quelque chose, et c'est même important. Mais la condition essentielle d'un véritable progrès est 'certainement une prise de conscience de plus en plus large qu'en faisant de la musique, on est utile aux autres, qu'on leur apporte un enrichissement humain, une source de joie; qu'on améliore cette« qualité de la vie» dont on commence enfin à parler même chez nous, après avoir découvert les limites d'un essor purement économique et matériel. Michel Veu they

Les Beaux-Arts en Valais au XXe siècle Ignorer quelqu'un à Paris n'est rien, ignorer quelqu'un en Valais est plus grave. Pourquoi? Parce que si ce quelqu'un existe, il est bien seul et il n'y a pas beaucoup de gens qui existent.

Maurice Chappaz

Si tous ceux qui, en Valais, se prennent pour des artisteS", existaient en tant que tels, Chappaz se serait bien trompé dans son jugement, puisque les coupures de la presse valaisanne de ces cinq dernières années nous en révèlent quelque cent cinquante. L'analyse qui suit ne s'occupera pas de chacun d'eux; pis, elle ne fera pas forcément place à ceux dont on parle le plus. La constante référence au contexte historique, l'accent mis sur la valeur créatrice et novatrice de la démarche artistique font que seuls les artistes répondant à ces critères ont été retenus dans les développements de cette étude.

46

47

L'avenir se chargera de confirmer ou d'infirmer ces choix. A l'époque, on ne donnait pas cher, chez nous d'un Edouard Vallet ou d'un Cingria qui, malgré une personnalité'bien marquée, n'apportait pas la révolution. Il est dès lors normal que des audaces plus grandes ne valent qu'indifférence à ceux qui s'en font les Coura.: geux propagateurs. L'avant-garde a bien, ici ou là, bénéficié d'une oasis dans Ce désert culturel, mais l'esprit nouveau souffle, en Valais, à la manière d'un asthmatique. Relevons ces dernières années: « 53 peintres .rhodaniens d'aujourd'hui », « Recherche et expérimentation» (organisée par les artistes eux-mêmes !) et « Artistes bernois à Sion» (Exposition inaugurale de La Grange à l'Evêque). Mais « les invités n'ont pas été entièrement convaincus par les artistes bernois qui ont eu l'honneur d'inaugurer les lieux ». Par contre, «ils furent tous enthousiasmés par la beauté des locaux, tout imprégnés d'histoire, de

fantaisie, d'ambiance chaleureuse et pittoresque» 1. Aussi cette première est-elle restée sans suite, la facilité faisant le bonheur de nos responsables culturels. Le manque d'audace et la peur de l'ouverture ont été néfastes à la vie artistique valaisanne. C'est pour ces raisons, principalement, que notre histoire de l'art du XXe siècle ne s'inscrit pas en parallèle avec l'Histoire de l'art de la même période. Aucun épisode de cette aventure pourtant riche en événements n'eut le Valais comme décor; aucun acteur valaisan n'y joua le plus petit rôle. Il est évidemment plus facile, comme on l'a fait artificiellement, de s'inventer un Dali, un Douanier Rousseau, un Tinguely ou un Lurçat valaisans que de favoriser, par une politique d'ouverture, l'éclosion de réelles et solides personnalités artistiques.

SURVOL HISTORIQUE Biéler et l'Ecole de Savièse Le développement de nos beaux-arts est cependant intéressant, d'autant plus qu'il n'a jamais été écrit. On peut légitimement faire remonter à Raphaël Ritz (1829-1894) l'origine de l'histoire de la peinture moderne en Valais. L'artiste sédunois jouissait d'un grand renom: plusieurs achats par différents musées suisses et l'amitié de nombreux collègues en témoighent. C'est la veI1ue à Sion de l'un d'eux, un jour de l'été] 884, qui fut déterminant. Ernest Biéler (1863-1948) rendait visite à Ritz, quand ce dernier lui recommanda le détour par Savièse. TI y monta un dimanche. «A St-Germain Biéler assiste à la sortie de la messe et à la procession qui suit.. . Cette sortie de messe impressionne profondément le jeune artiste: l'opposition du noir et du blanc, les costumes foncés, les murs clairs de

1

Tribune-le-Matin du Il novembre 1973 .


l'église et, plus que tout le reste, la lumière de ce pays, déjà orientale» 2. De cette première rencontre naît un tableau de grandes dimensions, qui peut être considéré comme le manifeste de ce que l'on a appelé ({ l'Ecole de Savièse ». Car Biéler a d'ores et déjà choisi ce lieu auquel il sera fidèle jusqu'à l'année de sa mort. Au début de son séjour, il loge successivement dans différents locaux qu'il peut louer (vicariat, maison d'école). En 1900. avec l'appui des amis qu'il s'est déjà faits. il acquiert un terrain et y bâtit un atelier. C'est là qu'il élabore patiemment un nouveau langage. ({ Pour ses figures, il adopte une mise en page foncièrement originale: la tête occupe la presque totalité de la surface peinte, la marge étant réservée à un paysage miniaturisé, détaillé avec autant de finesse que de précision. 3 » Biéler ne se limite pas aux innovations stylistiques: il se met à la recherche d'un procédé technique qui puisse traduire au mieux ses compositions. ({ Pour exprimer le caractère si marqué de ces paysans aux traits comme gravés dans le bois, il me fallait un procédé plus linéaire, plus graphique ... C'est l'étude des vases grecs avec leurs décors d'une ligne si pure et si expressive, et tout le parti tiré des noirs et des rouges qui m'influencèrent. Ce fut là mon point de départ. Ensuite, je me livrai à des recherches me permettant de garder ma ligne, de l'accuser, de l'employer comme principal moyen. Ces recherches me conduisirent à user de tempéra, moyen utilisé par les Primitifs italiens, flamands, germaniques. Un contour, des tons plats, peu de modelé, des oppositions franches. 4» Mais l'existence de l'artiste ne va pas sans difficultés, malgré le soutien que lui apportent les Tissières, de Martigny, qui furent de passionnés collectionneurs de ses œuvres valaisannes. En 1934, il fait construire une maison de bois et de pierre dans le style du pays. La même année, il conçoit pour 2 Madeleine Biéler, Ernest Biéler. Sa vie, son œuvre, Lausanne, 1953, p. 36.

3 Maurice Jean-Petit-Matile, Biéler, Lutry, 1976, p. 38. 4

Madeleine Biéler, op. cit., p. 76.

activité, aussi diverse qu'elle fut dans les modes d'expression, eut une source iconographique commune: Savièse. Autres centres artistiques Mais Savièse n'a pas eu l'exclusivité de la présence d'artistes sur son territoire. Dans le même temps, d'autres contrées attirèrent les peintres. On retrouve certains noms de l'Ecole de Savièse parmi les habitués du val d'Hérens; ainsi Virchaux, van Muyden et Biéler plantèrent-ils souvent leur chevalet dans les environs d'Evolène. Avant eux, 'Edouard Ravel (18471920) dont le sujet de prédilection fut la chapelle de N otre-Dame de La Garde, Paul Perrelet qui séjourna dès 1901 aux Haudères et, plus tard, François de Ribaupierre s'inspirèrent des coutumes et des paysages hérensards. Henri Gaspoz leur a consacré une intéressante suite d'articles dans le supplément littéraire de la Feuille d'Avis du Valais. Jean Morax (18691939), qui signa les décors de ({ La Servante d'Evolène» sur un texte de son frère René, fréquenta la vallée. On lui doit le paysage de Sion, au Palais fédéral à Berne (1924). En décembre 1899, Edmond Bille (1878-1959) découvre Chandolin. Son premier contact avec le Valais remonte cependant à 1897 (Zinal). En 1904, l'artiste se construit un atelier à Sierre, où une rue, aujourd'hui, porte son nom. De tous les artistes venus de l'extérieur, Bille est celui qui s'intégra le plus intimement dans son pays d'élection. Dans les vitraux et les peintures murales dont il dota les églises comme dans ses tableaux de chevalet et ses gravures, il interpréta d'une façon originale et généreuse l'esprit et l'image du Valais. Ecrivain, polémiste, critique d'art, grand voyageur, Bille déploya également une importante activité dans les arts graphiques, créant décorations de pavillons, étiquettes de vin, affiches, couvertures et illustrations de livres remarquées.

C'est dans cet accoutrement que les peintres de l'Ecole de Savièse travaillaient sur le motif. Ici H. van Muyden, peint par Biéler en 1910

l'église de Saint-Germain, un chemin de croix. en mosaïque. Plus tard, il réalisera des vItraux pour ce même sanctuaire. Le Val~is lui fait un honneur insigne, en lui confIant la décoration de la salle de son parlement. L'enthousiasme du peintre pour le site de Sa,vièse sera à ce point communicatif, que bIentôt une véritable colonie d'artistes sillonne le plateau saviésan à la belle saison. Henry van Muyden, Paul Virchaux, Albert Silvestre, John-Pierre Simonet Otto Vautier, François de Lapalud, Gus~' tave Maunoir et Alfred Rehfous (qui m~,urt à, S~i1l~n en 1912) forment la premlere generatlOn de cette ({ Ecole de Savièse.» qu'un critique d'art appela ({ le BarbIzon des paysagistes romands ». Plus tard, Marguerite Burnat-Provins, peintre et écrivain, Eugène Gilliard et ses deux filles Valentine et Marguerite, Edouard Vallet, William Métein et Raphy Dallèves se rejoignirent au groupe initial. Leur

48

49

Lens est plus connu par Ramuz que par Muret ou Auberjonois. Ce sont pourtant ces deux peintres qui s'installèrent à Lens en 1901 ,et révélèrent le site au poète.

Albert Muret (1874-1955) pratiqua, avec une palette colorée et variée, une technique fort apparentée au pointillisme. Quant à René Auberjonois (1872-1957), l'importance du Valais dans son œuvre est teJJe, qu'une exposition qui rassembla près de deux cents peintures et dessins eut lieu au Manoir de Martigny en 1968, sous le titre ({ Le ,Valais d'Auberjonois ». ({ La vallée du Rhône et ses habitants ont été pour lui une expérience essentielle, et il est resté fidèle au Valais toute sa vie. La mention ({ Départ pour le Valais» se retrouve année après année dans ses carnets. Il fallut la vieillesse et la maladie pour l'effacer. Les thèmes valaisans occupent dans son œuvre une situation particulière ... Le fait que ce pays austère n'ait cessé de susciter des tableaux essentiels, en dépit de leur petit format, atteste la profondeur du lien qui le liait à l'artiste luttant pour atteindre la simplicité et la grandeur. » 5 Au berjonois ne se limite pas aux thèmes traditionnels, puisque, dans sa dernière période, il va jusqu'à multiplier les études inspirées par le pénitencier et les prisonniers de Sion. Le Neuchâtelois CharlesClos Olsommer s'installe à Veyras en 19] 2. Le Valais lui était déjà familier par des séjours chez un parent, à Ardon. Le Valais sera plus le cadre idéal pour son activité créatrice que la source iconographique indispensable. p~ur son inspi:ation. Son ({ Portrait du sohtaire Clos faIt a Veyras en mai 1925» en est une preuve aussi éloquente que ses œuvres qui, échappant aux modes, nous transportent dans un monde tout imprégné de rêve et de mystique. ({ L'art d'Olsommer, dans ses réalisations les plus accomplies, est une tentative de synthèse entre l'idéalisme linéaire, volontiers visionnaire, hérité de l'Art nouveau et l'art somptueux, précieux, foisonnant et symbolique de l'Orient. » 6

5 Guido Fischer, René Auberjonois, dans Catalogue Exposition «Le Valais d'Auberjonois », Martigny, 1968, p. 13. 6 Romain Goldron, C.C. Olsommer, Sion, Ed. de La Matze, 1975, n.p.


En cette même année 1912, Edouard Vallet (1876-1929), en quête d'une même solitude fertile, acquiert un chalet à Vercorin. Cet épisode représente l'accomplissement d'une aspiration profonde de l'artiste qui, en 1903 déjà, écrivait à un ami:

le nom. Tant dans ses toiles, souvent monumentales, à la palette sourde mais riche en nuances, que dans la suite impressionnante d'eaux-fortes qu'il grave et imprime sur la presse qu'il a fait installer à Vercorin, il traduit un Valais authentique, loin du folklore clinquant ou du paysage pour calendrier. «Vallet aura vraiment révélé, dans ses tableaux et ses gravures, un monde primitif, une création à son époque originelle, et fixé, sans complaisance comme sans réthorique, sur la toile ou le cuivre, les démarches d'une humanité paysanne. Dernier témoin bouleversant d'un monde qui se meurt, il haussa au rang d'épopée l'humble réalité des jours. » 7

Plus nombreux encore furent les peintres qui, sans influencer les activités locales, s'inspirèrent du Valais, au hasard d'un passage ou d'un séjour. François Diday et Alexandre Calame en furent les précurseurs. Puis vinrent Auguste Baud-Bovy (en 1872, dans le val de Tourtemagne), Charles Giron et Barthélémy Menn à qui l'on doit une belle série de paysages, peints vers 1860 dans la région de Sion et proches de la manière de Corot. Au début du siècle, le Valais accueillit sur son sol deux des plus grands artistes suisses: Félix Vallotton et Ferdinand Hodler. Le premier réalisa une petite suite de gravures sur bois - art qu'il renouvela magistralement - consacrée à six paysages de montagne, parmi lesquels figurent un glacier du Rhône, un Cervin et un Breithorn. Il peignit également quelques toiles «valaisannes». Quant à Ferdinand Hodler (1853-1918), il fit des séjours ré-

Albert Gos (1852-1942) et son fils François (1880-1975) furent les peintres du Cervin. Le Lotschental attira l'artiste bernois Albert Nyfeler (1883-1969). A côté de sa peinture, conventionnelle dans son style comme dans ses thèmes, on découvre aujourd'hui, avec admiration, l'originalité de l'œuvre photographique de Nyfeler.

pétés dans notre canton: à Champéry (1906 et 1916) et à Montana (1915) qui lui inspirèrent plusieurs séries riches en variations. De Chesières (en 1912) et de Caux (en 1917), il représenta la plaine du Rhône, le Grammont ou les Dents du Midi en des paysages où s'affirme la monumentalité qui caractérise la manière hodlérienne de la dernière époque.

A Liddes, il faut mentionner la présence de Joseph Mégard (1850-1918) dont la commune possède une intéressante collection de tableaux et d'eaux-fortes. Fred Fay (né en 1901) se rend à Bagnes, en 1918, en compagnie de Louis Courthion, avant de rejoindre les peintres de l'Ecole de Savièse. François Duval (1869-1937) mourut à Sion. Il réalisa la décoration du pavillon valaisan à l'Exposition nationale de Berne en 1914.

«Une vie très retirée est la seule façon pour moi de pouvoir mettre toute ma passion dans mes œuvres, car elle est la seule qui réponde à ma nature intime.» En 1908, il se rend à Hérémence : ce fut son premier contact avec le Valais central. Il est à Ayent en 1909, à Savièse en 1910. Il devient le peintre par excellence de ce pays dont - signe ou hasard? - il porte

Le Valais comme source iconographique Les artistes que nous avons cités jusqu'à présent vécurent chez nous; certa:ins s'assimilèrent si harmonieusement qu'ils devinrent valaisans.

, 7 Maurice Zermatten, Edouard Vallet, Geneve, 1956, p. 91.

50

51

Montana-Village par O. Kokoschka


Wilhelm Gimmi (1886-1965) traduisit Quelques artistes valaisans nos paysages, de 1908 à 1910, dans le lanA lire cette étude, il semble que l'actigage du fauvisme. Certains artistes choisirent le Valais pour leurs compositions vité picturale, en ce Valais du début de cu bis tes : ainsi N iklaus Stoecklin (né en siècle, se déroulait sans la participation 1896) peignait-il une vue de Viège (Musée d'artistes autochtones. On en dénombre de Bâle), Alice Bailly un « Cimetière va- cependant trois, que la fondation de la laisan» (Musée d'Aarau) et, plus tard, section valaisanne de la Société des peinRodolphe-Th. Bosshard un « Château de tres, sculpteurs et architectes suisses reValère» (1925) selon l'esthétique nouvelle. groupa pendant sa brève existence: J 0Alexandre Blanchet mérite une mention seph Morand, Raphy Dallèves et Ludwig particulière. Aux paysages, il préféra les Werlen . Joseph Morand (1865-1932) fut à scènes de la vie valaisanne. On lui doit les la fois artiste, professeur, archéologue imposantes toiles (trois mètres sur trois) . cantonal et conservateur du Musée de Valère. Il pratiqua avec succès le portrait « Vendanges» (1917) et « Marché en Valais» (1920) conservées dans la célèbre Fondation Oskar Reinhart à Winterthur, ainsi qu'une série de natures mortes, où le peintre fait volontiers figurer le chapeau typique de nos paysannes. Les artistes de Suisse alémanique furent, eux aussi, attirés par les paysages et les coutumes du Haut~Pays: Adolf et Else Thomann, Fred Stauffer, Alfred H. Pellegrini, Max Hunziker (dans la vallée de Saas) et Otto Staiger. Ce dernier réalisa, en Anniviers, des aquarelles d'une grande liberté d'expression . On sait que Louis Soutter, dans ses vagabondages fréquents, aimait à se rendre en Valais; Johann Robert Schürch se réfugia à Choëx (en 1920) avant de créer une œuvre expressionniste d'une rare densité. De grands noms de la peinture mondiale ont planté leur chevalet face à nos paysages. Crans reçoit en 1936 le peintre français Albert Marquet. Oskar Kokoschka peignit, durant le printemps et l'été 1947, de grandes compositions tourmentées du Cervin, de Loèche, de Montana et de Sion. La liste des artistes séduits par le Valais est loin d'être exhaustive. Notre contrée représente une source iconographique si riche, qu'il est impossible aux historiens de l'art d'en dresser l'inventaire, tout comme il est également impossible aux peintres d'en épuiser les sujets. Tous n'ont malheureusement pas su éviter les écueils du folklore ou de la carte postale, à l'image d'Henri Robert et de ses innombrables Valaisannes en costume.

qui fut son genre de prédilection: magistrats, prélats, vieillards ou jeunes filles posèrent tour à tour dans son atelier. Elève de Morand, Raphy Dallèves (1878-1940) alla ensuite se former à Paris. En 1906, il est de retour en Valais. « Raphy Dallèves devint le peintre national valaisan ... Humble, modeste, charitable, il consacra son temps au travail, à la prière et aux bonnes œuvres. Certaines de ses toiles évoquent les vieilles traditions si charmantes et si touchantes, image émouvante d'une population attentive aux mouvements de l'âme et que Dallèves représenta de la façon la plus parfaite. D'autres tableaux rappellent les vieux costumes valaisans qui, malheureusement, tendent à disparaîre et que Dallèves reproduisit avec un art patient, minutieux, ne laissant dans l'ombre aucun détail... Nul mieux que lui ne fut le peintre de la race valaisanne. Dans ces visages dorés par le soleil, chaque ride, chaque sillon dit l'effort et le travail tandis que dans les yeux on lit la sérénité de l'âme. Il traita 'également de nombreux sujets religieux qui sont de véritables chefsd'œuvre: l'Epiphanie, la Nativité, entre autres, qui le rapprochent de Durer et de Holbein. » 8 Par le legs de ses œuvres qu'il fit à l'Etat du Valais, il suscita la création d'un musée des Beaux-Arts. A côté de scènes populaires, l'artiste haut-valaisan Ludwig Werlen (1884-1928) réalisa des compositions historiques (La Matze) et symboliques (Le Temps, le Repentir) influencées par l'art de Rolder. Tl fut aussi un peintre religieux qui apporta, spécialement dans son chemin de croix de l'église de Gampel (1910), une note originale, empreinte de J ugendstil. Quelques femmes s'adonnaient alors à la peinture. Citons Berthe Roten-Calpini (1873-1962) et Anna Dubuis (1878-1929) dont le pastel fut la technique favorite.

L'art religieux: un renouveau La deuxième vague artistique qui déferla sur le Valais le marqua plus profondémen t. En 1919 s'était fondé à Genève le Groupe de Saint-Luc et Saint-Maurice qui se proposait « de développer l'art religieux et le faire collaborer plus efficacement à l'action de la liturgie catholique .. . Les œuvres d'art que le Groupe de Saint-Luc offre par son intermédiaire au clergé, aux communautés religieuses et aux fidèles, ne présentent rien de commun avec les productions industrielles fabriquées en séries à bon marché pour la décoration des églises. » I.l Ce fut spécialement par l'art du vitrail et par la peinture murale que ces artistes s'exprimèrent chez nous. L'influence de l'Eglise était totale dans ce Valais des années vingt. C'était donc un terrain propice pour ces artistes animés d'un esprit de prosélytisme absolu et résolus à faire triompher leurs généreuses idées. L'âme de ce mouvement est Alexandre Cingria (1879-1945),« peintre ambulant» comme il se nomme lui-même. Ce « prince de la couleur» excella dans le vitrail: l'église de Saint-Maurice-de-Laques (1929) et la chapelle du scolasticat des Capucins de Saint-Maurice d'Agaune (1932) en sont de lumineux et somptueux exemples. « Orpailleur sans égal, n'a-t-il pas allumé aux fenêtres des cathédrales des gerbes incandescentes où toutes les couleurs s'amalgament en alliages précieux ~t tran~for­ ment les plus modestes sanctuaIres en mestimables joyaux? » 10 Un autre membre du groupe, Marcel Poncet (1894-1953) avait, en 1917 déjà, réalisé deux vitraux pour la chapelle de la Prévôté du Saint-Bernard à Martigny. Puis ce fut le Français Maurice Denis qui signa, en 1920, la mosaïque du maîtreautel de l'Abbatiale de Saint-Maurice. Les chanoines de Saint-Maurice - l'un d'eux, Edgar Voirol, fit même une carrière de graveur et de verrier - furent également 9 Groupe de Saint-Luc et de Saint-Maurice. Catalogue illustré, Genève, 1920, n.p.

52

53

8 P. de Rivaz, Raphaël Dallèves, dans Les Alpes, 1941, pp. 41-42.

10 Hélène Cingria, Alexandre Cingria, dans Catalogue A.c. Genève, 1965, p. 12.


à l'origine de la réalisation la plus spectaculaire de ce renouveau de l'art religieux. La paroisse de Finhaut fit en effet appel aux membres du Groupe de Saint-Luc pour la construction de son église (19281929). Le Fribourgeois Fernand Dumas en fut l'architecte; Cingria en anima les parois d'un grand triptyque représentant la Vierge de Misérircorde entre David et Salomon ; François Baud sculpta la chaire, la table de communion et la porte d'entrée de l'église. On retrouvera Baud à Montana (en 1932) et à Saint-Martin (en 1950). D'autres artistes du Groupe, tels Gaston Faravel, Théophile Robert, JeanLouis Gampert avec leurs peintures, Marguerite Naville avec ses broderies ainsi que l'orfèvre Marcel Feuillat ont participé à cette éclosion qui eut un grand retentissement dans tout le pays. Edmond Bille qui avait créé, de 1922 à 1924, quatre vitraux pour la nef de l'église paroissiale de Sierre, entreprit deux grandes réalisations, pour lesquelles il engagea des aides qui marquèrent l'étape suivante de l'histoire de l'art valaisan: Joseph Gautschi à Chamoson (1929-1930) et Albert Chavaz à Fully (1934-1936). Ici aussi mosaïques, fresques à la caséine et vitraux constituent l'éventail des techniques mises en œuvre pour la décoration monumentale des deux sanctuaires. La naissance d'une « Ecole valaisanne» Avec l'arrivée en Valais de Joseph Gautschi s'ouvrit une nouvelle ère pour l'activité picturale de notre canton. Cet Argovien, né en 1900, répondit à l'invitation d'Edmond Bille, rencontré en Suisse centrale, dont le rayonnement à la fin des années vingt était à son apogée. Certains signes pouvaient laisser prévoir ce printemps artistique: l'exposition cantonale de Sierre (en 1928) où les artistes avaient pris une part importante à la décoration des pavillons et où le secteur « Beaux-Arts» offrait l'image d'un changement prometteur ; l'exposition rétrospective, organisée à Sion à l'occasion du cent-cinquantième

Suisse romande, les gens qui s'arrêtent devant un tableau de Chavaz disent: «Ça me plaît! » C'est comme s'il y avait eu entente préalable entre le peintre et son visiteur pour se confier l'un à l'autre. Le visiteur éprouve un sentiment de satisfaction: cette peinture, elle ne lui pose aucun problème, il la comprend immédiatement. Surtout elle le touche: elle est empreinte de tranquillité, elle ne crie pas, elle parle un langage que chacun enten~, elle est se~­ suelle mais sans provocatIOn. ToutefOIs ces qualités-là, elles sont romandes par excel1ence, que l'on soit du bord des lacs, du vignoble ou des .montagnes. Comment pourrait-on nier cette appartenance de Chavaz à la terre romande, à la sensibilité romande, à l'esprit romand? » 11

anniversaire de la naissance de Raphaël Ritz ; le renouveau de l'art religieux, enfin. Ce mouvement al1ait attirer en Valais des forces jeunes qui devaient y trouver un terrain propice à leur expression. Si Gautschi a marqué de son empreinte l'art monumental valaisan, c'est que son professeur à l'Ecole des Beaux-Arts de Zurich, Paul Bodmer, l'un des maîtres suisses de la peinture murale, lui en révéla les secrets. On ne s'étonnera donc pas de la place importante qu'occupent dans son œuvre les mosaïques (Martigny, Chippis, Sierre, Pont-de-Ia-Morge), les fresques (Montana, Bagnes, Sion) et les sgraffiti (Sion, Montana, Visperterminen, Monthey). On lui doit aussi d'avoir remis à l'honneur le cadran solaire, jusque sur les façades des maisons particulières (une quinzaine, de Viège à Saint-Gingolph). Gautschi, devenu plus que jamais Sédunois, après l'obtention du Prix 1976 de la capitale valaisanne, s'est également consacré à la peinture de chevalet et à la tailledouce, y faisant une place de choix au paysage, dont les plans, solidement construits, sont soulignés par des tons denses et sombres. Sa palette s'anime cependant lorsqu'il s'exprime par la gouache ou l'aquarelle. .Albert Chavaz et Paul Monnier, nés tous deux en 1907, ont eu, en début de carrière, une destinée commune: ils firent connaissance à l'Ecole des Beaux-Arts de Genève, partagèrent le même atelier, firent partie l'un et l'autre de 1'« Ecole des Pâquis» et travaillèrent ensemble à la décoration de l'église paroissiale de FuIly. Après quoi ils se fixèrent en Valais, Chavaz à Sion, puis dès 1939 à Savièse ; Monnier à Sierre de 1934 à 1949. On peut le's considérer comme les prototypes de l'Artiste, s'intéressant à toutes les techniques et abordant tous les genres classiques. Chavaz se distingua, à ses débuts, dans le portrait, obtenant à trois reprises le Prix Harvey. Par la suite, sans abandonner ce genre, il lui préféra le paysage et la nature morte, en des compositions subtiles dans la construction et raffinées dans l'ambiance chromatique. «Un peu partout en

Chavaz est devenu, dans ce pays qui l'a adopté, le peintre officiel du Valais. Le peintre excelle aujourd'hui dans l'aquarelle. Par la luminosité et la transparence qui la caractérisent, mais aussi par la justesse et la rapidité de la traduction qu'elle autorise, l'aquarelle était une technique qui devaifconvenir à cet artiste de grande sensibilité. Bien qu'originaire de Grimentz, Monnier est le moins valaisan des artistes de sa génération à travailler dans ce canton. Il eut cependant l'honneur d'i~~ugurer ~n 1936 les cimaises de la premlere galerIe privée en Val.ais, «L'Atelier.», ouvert à Sion par LOUIS Moret. Monmer, dans ses ta bl~aux de chevalet, modernise la scène de genre: les bistrots lui fournissent le prétexte à des compositions aux formes et aux couleurs solidement posées. «Paul Monnier fonde sa composition sur l'ambivalence de la dualité forme-couleur et, en conséquence, dé~init les,. rappOI:t~ ,color~s en termes de statIsme, d ImmobIlite, de s~­ lence (<< Je déteste le mouvement», dIt Monnier). Autrement dit: la couleur accompagne la forme dan~ le processus. ~e stylisation. D'où la fUSIOn d~s ton~l!tes dans un halo évanescent, lacomque ; 1 etablissement de rapports monochromes:

54

55

11 Arnold Kohler, Coopération du 9 septembre 1967.

noir sur noir, ocre sur ocre, bordeaux sur bordeaux; et la dissolution de leurs relations complémentaires.» 12 Chavaz et Monnier ont encore ceci en commun: ils furent les plus grands créateurs d'images monumentales pour nos sanctuaires et édifices publics. Leurs réalisations dans le domaine de la peinture et de la céramique murales, du vitrail et de la mosaïque ne se comptent plus, tant chez nous qu'au-delà de nos frontières cantonales. L'œuvre que Pierre-Barthélémy Pitteloud (1910-1939), Valaisan de Genève, élabora au cours d'une existence discrète et trop brève, se caractérise par des natures mortes, où le contour accentue la plasticité des objets et leur confère une atmosphère magique. Paris attira deux artistes sédunois : Fernand Du buis (né en 1908) mit le cap sur 12 Bernard Zumthor, Paul Monnier, Sion, Ed. de La Matze, 1975, n.p.


la ville lumière en 1928 et Léonce-Maurice Gaudin (né en 1903), une année plus tard. Ils y subirent l'influence bénéfique du cu bisme de Lhote, Severini et Léger, puis évoluèrent tous deux, au début des années cinquante, vers ,le non-figuratif. Leurs premières années parisiennes furent difficiles, mais l'idéal qui les avait animés ne pas demeurer un peintre régionalisteleur permit, selon les termes mêmes de Du buis, de se dépasser: «Le dilemne qui se pose à l'artiste qui choisit de s'expatrier est le suivant: vaut-il mieux être le premier chez soi ou se contenter d'un rang plus modeste ailleurs, là où la concurrence existe, mais où les échanges et l'émulation qu'elle permet constituent des conditions de progrès et de renouveau? » Cette attitude n'empêcha pas les Valaisans de se souvenir de Du buis et de le choisir pour la première exposition du Musée cantonal des beaux-arts, à la Majorie, en octobre 1948. Cette attitude favorisa surtout un langage, qui, tout en obéissant à des sensations observées et vécues, s'exprimait

uniquement par la couleur. «Le fait pictural n'est-il pas, avant tout, la mise en œuvre de la puissance secrète de l'expression colorée? Par ailleurs, si tant de peintres ont constaté que les rapports de couleurs, leur saturation, en analogie rigoureuse avec ceux que propose le spectacle observé, prennent valeur de vie, pourquoi ne pas utiliser ce pouvoir, à l'exclusion de tout autre, pour retrouver l'espace, le poids des choses, et leur réalité. Et pourquoi ne pas tenter cette métamorphose

sans recourir à quelque allusion ou identification objective? » 13

lieux de culte. Les peintures murales qu'il réalisa, particulièrement «La Stigmatisation de saint François », firent l'effet d'une véritable agression à l'esthétique. Les mêmes capucins récidivèrent, quelque trente ans plus tard, lorsqu'ils confièrent la reconstruction de leur couvent à l'architecte Mirco Ravanne. L'Italien Alberto Burri et l'Espagnol Antoni Tapiès y créèrent des œuvres d'une grande audace, autant dans leur utilisation révolutiol1liaire des techniques traditionnelles que dans leurs propositions visuelles.

Du buis et Gaudin exposèrent à Genève (Galerie Moos) et dans les principaux Salons parisiens (Artistes français, Automne, Indépendants ou Réalités nouvelles). Bruno Gherri-Moro (1899-1967) peintre et sculpteur, fit le chemin inverse. Italien de naissance, il passa, en compagnie de Gino Severini et de de Chirico, quinze ans à Paris, parmi les « Montparnos », avant ,de découvrir le Valais en 1938 (Les Haudères) et d'y rester.

Entre ces deux pôles, magnétisés par des créateurs de renommée mondiale, œuvrèrent toute une phalange d'artistes: certains s'étaient déjà distingués lors de la première renaissance de l'art religieux, à la fin des années vingt ; d'autres noms apparurent: les verriers Yoki Aebischer, Théodore Strawinsky, Anne-Marie Ebener, Alfred Grünwald, Jean-Claude MOl'end et Theo 1mboden, l'émailleur François Ribas, les sculpteurs Remo Rossi, Antoine Claraz et Hans Loretan, le peintre Richard Seewald. Le mouvement prit une telle ampleur que l'on ne put pas toujours éviter les excès de zèle qui conduisirent souvent à des modernisations fâcheuses et immodérées, réalisées au détriment d'œuvres d'art baroques de qualité, purement et simplement détruites, là où il eût été possible d'intégrer les nouvelles formes d'expression.

Quelques années auparavant, en 1927, un autre artiste transalpin, Alfredo Cini (1887 -1970) s'installait à Sierre, où il peignit les paysages des environs, avec une préférence marquée pour la haute montagne, passant vers la fin de sa vie à une abstraction inspirée de l'orphisme et du futurisme. Entre 1934 et 1941, le Bâlois Albert Neuenschwander (né en 1902) vécut à Brigue, où, à côté de peinture de chevalet, il réalisa quelques décorations murales. D'autres artistes exercèrent une activité picturale durant cette période de pioniérisme: Joseph-André Mussler (né en 1904), Germaine Hainard-Roten (née en 1906) et Al bert Wolff (né en 1916) qui colla bora, avec Biéler, à la fresque de la salle du Grand Conseil à Sion et pratiqua avec succès la gravure à l'eau-forte. En 1947, il devint le premier (et, jusqu'à aujourd'hui, l'unique) directeur du musée cantonal des beaux-arts et cessa toute activité artistique. Un pays en voie de développement culturel Sitôt le second conflit mondial terminé, l'art religieux bénéficia d'un nouvel âge d'or, marqué par la venue à Sion, en 1947, de Gino Severini qui déclencha, dans l'église du couvent des capucins, le processus de modernisation de la décoration des 13 Catalogue Exposition Jacques MassoI, 1970, n.p.

Dubuis

Galerie

56

57

L'après-guerre, avec l'amélioration des conditions économiques qu'elle apporta en Valais, rendit possible l'exercice des arts. Ainsi naquirent un Musée cantonal des Beaux-Arts, officiellement inauguré à Sion, en mai 1947 et une Ecole cantonale des Beaux-Arts, fondée par le peintre Fred Fay à Saxon en 1949. Cette école, qui devint Académie internationale en 1961, bénéficia de l'enseignement, malheureusement éphémère, d'illustres professeurs, tels que Oskar 'Kokoschka, Fernand Léger et Jean Lurçat. Elle dispense, aujourd'hui encore, à une cinquantaine d'élèves, les rudiments pratiques de la démarche artistique. C'est dans ce contexte nouveau qu'une pléïade de jeunes peintres valaisans, parmi lesquels plusieurs femmes, se lancèrent

dans l'aventure artistique. Le Sédunois Charles Menge, après s'être ad onné avec un certain succès au graphisme industriel, décide, en 1944, de se vouer entièrement à la peinture. Il donne de son pays une image originale en des tableaux grouillant de minuscules personnages, taches colorées qui animent des scènes de travaux viticoles, de fêtes ou de légendes fantastiques . II réalise des décorations murales et de nombreuses illustrations de la même veine. Une fois de solides études à Genève, Zurich et Paris achevées, Christiane Zufferey revient à Sierre, en 1946. Elle aime poser sur la toile une matière abondante, où les épaisseurs obtenues forment une sorte de bas-relief aux couleurs fiévreusement mêlées. Natures mortes aux poissons et Intérieurs à la fenêtre comptent parmi ses thèmes favoris. Simone de Quay, Simone Guhl-Bonvin, Germaine Luyet (1928-1971) et Anne-Marie Duarte-Ebener (1929-1973) appartiennent à cette génération d'artistes qui, après des études dans' des écoles d'art hors Valais, y revinrent et se firent connaître, à partir des années cinquante, dans les expositions collectives. Lor Olsommer, fille du peintre de Veyras, s'adonna à la peinture avant de mettre au point, en 1950, une technique originale, apparentée à la mosaïque, utilisant les cailloux de rivière. Ses mosaïques de galets patiemment recueillis et sélectionnés, lui permettent des compositions où les animaux de chez nous et les symboles de religions asiatiques occupent une place de choix. Premiers fruits de l'Ecole cantonale des Beaux-Arts, Mizette Putallaz et Michel Roduit font une œuvre figurative appréciée du public. Léo Andenmatten (né en 1922) se mit à la peinture, en amateur, en 1943 déjà . Sa première exposition remonte à 1953, année où il présenta également ses tableaux à Sion (L'Atelier). Sous la conduite de Jaques Berger, il abandonna les compositions figuratives de ses débuts pour parler, entre 1957 et 1959, le langage de l'abstraction. Mais il revint à une figuration


T exposition par mois, elle propose à un public restreint mais fidèle des expressions nouvelles qui susciteront des vocations d'artiste et de collectionneur. Cette même année voit la mise sur pied de la première exposition collective des artistes valaisans dans leur musée cantonal. A côté des tendances figuratives traditionnelles, le public découvre, surpris, l'existence d'un art abstrait, représenté par un gro'upe imposant d'œuvres signées Léo Andenmatten, Gustave Cerutti, Fernand Dubuis, Walter Fischer, Luc Lathion, Paul Messerli, Jean Col1aud et André-Paul Zeller. A ces noms s'ajoutèrent bientôt ceux de Mirza Zwissig, Marco Pellegdni et Robert Tanner. L'impulsion était donnée: d'où était-elle venue? Pour Du buis, c'était un langage déjà connu. Quant aux plus jeunes, ils avaient pu voir l'importante exposition « La peinture abstraite en Suisse» que les

dimensions capables de recevoir des couleurs à fresque. Avec sa mort prématurée, le Valais perdit un de ses talents les plus prometteurs. Werner Zurbriggen (né en 1931) peint de larges compositions, avec des personnages «géométrisés », colorés en aplats, tons sur tons. Ce style particulier, l'artiste qui s'est installé à Saas-Fee en 1958, de retour de ses années de formation, l'applique également à ses linogravures de grand format et à ses nom breuses peintures murales.

simplifiée, faite quelquefois de deux ou trois plans horizontaux aux tonalités douces et transparentes. Andenmatten allait jouer un rôle primordial dans la diffusion des expressions contemporaines en ouvrant, en automne 1959, une petite galerie d'art, « Au Carrefour des Arts» à Sion. Il organisa, en onze ans d'existence, cent trente-quatre expositions de toutes tendances. Il fut également à l'origine de la renaissance de la section valaisanne de la SPSAS en 1973 et en fut le premier président. Le Haut-Valais vit éclore simultanément trois vocations d'artiste: Hans Loretan, sculpteur, Alfred Grünwald et Werner Zurbriggen, peintres. Grünwald (1929-1966) a laissé, malgré la brièveté de sa carrière artistique, une œuvre riche. Tempérament expressionniste généreux, il fut le peintre des couleurs audacieuses, étalées en larges et vifs aplats. Portraitiste et paysagiste passionné, il mit son art au service d'une expression religieuse profonde, forte et originale. Artisan complet, il pratiqua avec bonheur des techniques tom bées en désuétude, comme le pastel, ou peu connues comme le monotype et s'inventa, sur un support badigeonné de chaux, des surfaces de petites

Les artistes étrangers au canton continuèrent à s'installer chez nous . En 1943, Gérard de Palézieux élut domicile à Veyras, où œuvrait encore, dans la solitude, C.C. Olsommer. C'est ce même silence que Palézieux le discret recherchait pour la poursuite d'un art subtil qu'il exprime dans des compositions-miniatures - paysages (de neige) et natures mortes - aquarelIées ou gravées dans le cuivre. Paul Messerli (né en 1899) vint habiter Verbier en 1948, puis Le Châble. Six ans plus tard, il s'établit à Martigny et y ouvre une école de peinture. Il compose en atelier des paysages qui, par les simplifications qu'il leur fait subir, l'amène vers 1959 aux confins de l'abstraction pure. Il s'y lance, mettant au point une pâte, mélange de poudre d'aluminium et de couleur, qui confère à ses toiles une solidité et une densité caractéristiques.

Composition de Paul Messerli

58

", •• , •• ,y., •••••• """""y •• ,y""""""",'v""'" •

:

.

1

Les artistes ne cessent d'être attirés par le Valais. Henry Roulet élit domicile à Corin (en 1962) pour l'atmosphère de silence dont son œuvre a besoin pour être: un climat nostalgique que l'on retrouve dans ses petites peintures qui disent, avec poésie et sensibilité, la vie quotidienne. Joseph Lachat fait subir à son expression des transformations fondamentales, passant de l'informel (Vercorin, 19601961) à un dépouillement qui s'organise et évolue vers un art construit (dans l'ambiance recueillie de l'ancien couvent d'Uvrier, de 1961 à 1969). Dans le HautValais, s'installe le peintre expressionniste allemand Wilhelm Dreesen.

André-Paul Zeller séjourne à Sierre de 1952 à 1956. C'est à Monthey qu'il se livre, dès 1956, à des expériences de peintures non-figurative, pour lesquelles il a recours à des matériaux bruts (sables, tissus, pierres). Il dirige ensuite sa recherche dans le domaine de la sculpture, procédant à des essais de mobiles. 1959 marque une date importante dans l'évolution picturale valaisanne. Après la création, une année plus tôt, de« La "Petite Galerie» à Martigny, par Mathilde Spagnoli, Sion voit s'ouvrir «Au Carrefour des Arts» une galerie dont le rayonnement sera durable et profond. A raison d'une

1960 annonce un nouveau tournant: la naissance du Cercle des Beaux-Arts qui fera, jusqu'en 1970, les beaux jours de la vie culturelle de Martigny, particulièrement par l'organisation d'expositions prestigieuses au Manoir (dès 1964) ; l'arrivée en Valais d'Angel Duarte, plasticien espagnol; la création, en décembre, d'un supplément littéraire et culturel, la Feuille d'Avis du Valais-Dimanche, dû à l'initiative de Maurice Zermatten. Cette pu blication, qui s'éteignit à fin 1967, fit une large place aux manifestations artistiques dans notre canton.

59

musées de Neuchâtel et de Winterthur avaient organisée en 1957. L'expression des Poliakoff, de Staël, Tapiès s'imposait enfin et influençait même nos artistes.

Les artistes sentent le besoin de s'unir pour défendre leurs intérêts. Ainsi se créent l'AVA (Association Valaisanne des Artistes) en 1963 et dont Chavaz est le premier président; le groupe y (Duarte, Fischer, Tanner) en 1968, qui expose ses objectifs en ces termes: «Nous pensons que le groupe est une forme de travail qui convient particulièrement bien aux travaux de recherches d'une part et, d'autre part, permet plus facilement d'échanger des idées et des informations et aussi d'échapper à la grande tentation du vedettisme avec tout ce que cela comporte.» 14 ; l'AJPV (Association des Jeunes Peintres Valaisans) en 1970; le Groupe des Six (Andenmatten, Duarte, Messerli, Ra boud, 14 Walliser Künstler in Bern, Catalogue de l'exposition homonyme, p. 27.

~.yy.y • • • • • • y . .

j

1


Rouiller, Zeller) en 1971 ; la section valaisanne de la SPSAS (Société des Peintres, Sculpteurs et Architectes Suisses) en 1973. L'organisation d'expositions demeure le souci primordial de ces associations. D'autres phénomènes viennent marquer l'évolution des arts visuels, en ce Valais de la surchauffe économique et touristique: l'essai d'introduction d'une éducation artistique à l'école, par un cours de Gottfried Tritten (qui s'installe à Grimisuat) à la session pédagogique d'été du personnel enseignant; le culte de la vedette, avec le piédestal dressé, à réitérées occasions, pour Hans Erni qui se voit invité à des expositions de plus en plus ronflantes (Grône, Martigny et Verbier) et à qui l'on confie une importante décoration monumentale dans un collège à St-Maurice, une banque à Sion et une gare à Ver bier. L'intérêt pour les arts ne cesse de s'amplifier encore. La multiplication des galeries (on en ouvre même dans les villages) offre, presque à chaque nouvelle exposition, la découverte d'un nouveau nom. C'est le règne des autodidactes qui s'instaure. Mais cette situation, au demeurant positive, n'est pas sans inquiéter, car, si elle favorise la liberté et la démocratisation de l'expression artistique, elle permet également un nivellement d'autant plus pernicieux que le public n'est pas prêt à différencier les vessies d'avec les lanternes. Parmi les signatures nouvelles qui apparaissent, certaines s'imposent rapidement: Jean-Claude Rouiller, André Raboud, Michel Bovisi, François Gay, Daniel Bollin, Albin Blanchet. Quelques artistes adoptent des techniques inédites et séduisantes: Jean-Pierre Coutaz, de Saint-Maurice, utilisa d'abord le monotype puis recourut au gaufrage; Denise Fux (19471976) artiste viégeoise trop tôt disparue et la mystérieuse et secrète Marietta Hesshaimer, cloîtrée à Grimisuat, excellent dans le ba tik. Même l'art figuratif revêt des formes plus originales: Walter Willisch parle sur le tori expressionnisme mélancolique, inspiré du Valais traditionnel, violenté par le Progrès; Yvone Duruz dit, en termes violents et déchirants, sa protestation de-

REFLEXIONS CRITIQUES Les chapitres qui suivent se proposent d'aborder certains asp~cts de l'expression plastique en Valais, sous un éclairage souvent cru, qui en révèlera le visage sans masque ni maquillage. Les lieux de l'art Notre société veut des artistes: elle a créé des écoles d'art; eIIe entretient un marché, très vivant et très florissant, de l'œuvre d'art. Qui donne à nos peintres l'occasion de jouer le rôle de pourvoyeurs d'images qu'on attend d'eux? En Valais, l'Eglise, qui, par une attitude souvent progressiste, a favorisé l'art moderne (églises de Finhaut, Lourtier, Hérémence, couvent des capucins de Sion), a suscité, au cours des siècles, les témoins artistiques les plus importants. A son service, l'art peut remplir diverses fonctions: simple ornementation symbolique ou géométrique; défense et illustration de l'Ecriture et de la foi; hommage au saint auquel le sanctuaire est dédié. L'artiste dispose, pour accomplir ces différents programmes, d'un éventail de techniques qui va de la mosaïque au vitrail, en passant par la peinture murale et la sculpture. L'intervention de l'artiste peut se limiter à la création des objets indispensables au déroulement des cérémonies liturgiques: tabernacle, calice, parements, chemins de croix, chaire. L'église du vingtième siècle n'a pas failli à la tradition et nombreux furent nos artistes à œuvrer pour l'embellissement des lieux de culte.

Yvone Duruz: «La photographie X», 1975

vant l'agression sociale dont la femme est l'objet; Pierre Loye renouvelle, dans un foisonnement parfois trop généreux d'expressions diverses, la thématique figurative; François Boson est ouvert aux choses de la vie, racontées 'avec froideur et humour, dans un langage précis et coloré. Les mouvements contemporains, tels l'art concret (avec Cerutti), le pop-art (avec Boson) ou l'art cinétique (avec Duarte et Zeller), sont devenus un peu plus familiers au public valaisan qui fréquente les expositions. Le rythme des manifestations ne baisse pas; celui des vocations artistiques, pas plus. L'Etat y est allé de son écot, en ouvrant une galerie, «La Grange à l'Evêque» (fin 1973), destinée «à susciter l'éclosion des arts dans le canton, en favorisant l'art contemporain et les jeunes artistes ». Vingt-cinq Valaisans participèrent 'en janvier 1977 à la Bourse fédérale des Beaux-Arts; deux envois y furent primés. Quelles promesses seront tenues par ces artistes en devenir, aux expressions aussi différentes que celles de Gianni Grosso, Christiane Muheim-Lo'.lay, Richard Seiler, Philippe Délèze, José Pitteloud, Achille Chappaz ou Michel Piota, tous présents à la cimaise de cette importante confrontation nationale?

60

61

L'Etat valaisan a eu pendant longtemps des problèmes bien plus urgents à résoudre que ceux de l'environnement esthétique de ses concitoyens ou de l'aide à ses artistes. Pour enrichir les collections de son musée cantonal des Beaux-Arts créé il y a trente ans seulement et décorer les bureaux de ses fonctionnaires, l'Etat procède à des achats de tableaux (par qüi? selon quels critères ?). L'usage, puisque l'intervention du député François de Preux demandant de légiférer en la matière est

Hydromobile d'André-Paul Zeller, pour une école à Monthey

restée lettre morte, recommande l'attribution du 1 % du coût des constructions officieIIes (des postes de gendarmerie, aux écoles et aux stations d'épuration des eaux) pour la réalisation d'une œuvre monumentale. Mais cette recommandation n'est pas toujours suivie et rares sont les cas où elle donne lieu à une mise au concours largement ouverte. Ainsi sont nés reliefs, sculptures, sgraffiti, fresques, peintures, céramiques, mosaïques et vitraux. La commande officielle pour commémoter un événement (la «Catherine» de la Planta ou le « Saint-Théodule » de la Majorie) ou pour offrir une décoration pour elle-même (fontaine ou sculpture sur une place) n'intervient que dans des cas exceptionnels. Certaines collectivités pallient à cette carence: commune et bourgeoisie de Sion, par exemple. L'industrie apporte un soutien varié aux artistes. Chez nous, certains marchands de vins ont fait décorer leurs caves. D'autres ont confié à des peintres (Bille, Chavaz,


Fred Fay (Portes du Lac), Max Hunziker (Terre du ciel), Eugen Früh (Chant de notre Rhône), Hans Berger (La grande peur dans la montagne). Il y eut souvent collaboration entre peintres et écrivains (Monnier et Zermatten ; Chavaz et Chappaz) l'homme de plume consacrant volontiers une étude à l'œuvre peint de son ami. L'exemple le plus parfait nous vient de Marguerite Burnat-Provins qui fut auteur à la fois du texte et de l'illustration de ses livres. Les ({ Petits Tableaux Valaisans », poèmes en prose, enrichis de soixante-trois planches et vignettes, en deux cent cinquante-deux tons différents, furent salués à leur parution en 1903, comme un triomphe de la typographie suisse. Le Département de l'instruction publique du canton du Valais a confié successivement à Menge et à Mizette Putallaz, l'illustration du « Livre de Lecture ». Une trentaine d'artistes ont été appelés, à tour de rôle, à rehausser de compositions originales les menus des chapitres de l'Ordre de la Channe. Certains journaux s'assurèrent la collaboration régulière d'artistes: Michel Roduit pour «La Terre valaisanne» et Robert Héritier pour « Trente Jours» furent des illustrateurs appréciés.

de notre histoire de l'art, ce qui donna naissance à une petite industrie de faux Ritz et d'Auberjonois douteux voire même, récemment, à un faux Chavaz. Le collectionneur qui veut acquérir une œuvre, s'il ne fréquente pas l'atelier du peintre, n'aura pas d'autre ressource que de visiter une exposition-vente, collective ou particulière. Commercialement, le rôle de la galerie est primordial; il équivaut à celui du libraire, entre l'éditeur et le lecteur. De nombreuses galeries se sont ouvertes en Valais, souvent éphémères; la plupart d'entre elles présentaient, options délibérément commerciales, soit des artistes locaux, soit des peintres d'un figuratif gentil.

Etiquette de Robert Héritier, représentant saint Théodule

Menge, Robert Héritier) la réalisation d'étiquettes de vin. Mais ce sont sans doute les banques qui, par des achats de tableaux pour leurs bureaux d'une part, par des décorations monumentales, sur la façade ou dans le hall des guichets d'autre part, ont favorisé l'expression artistique locale. Si l'on en croit une récente publication, le haut-lieu de l'art moderne en Valais serait le bâtiment de la carrosserie Torsa à Sierre. Comme l'auteur de cette étude s'est permis d'omettre (entre autres) Dallèves, Cingria, Dubuis, Messerli, Roulet et Duarte alors qu'il cite ({ Rudi Biel, le merveilleux sculpteur de racines et André Pont, dont le burin excelle à saisir les ondulations des fleurs alpestres sous le vent », on appréciera à sa juste valeur ce choix inattendu. Le collectionneur privé valaisan a su s'entourer d'œuvres d'art: une exposition au Manoir de Martigny, en 1971, révéla au grand pu blic d'étonnantes pièces de l'art de ce siècle, conservées dans les intérieurs privés, à l'exclusion de toute œuvre d'artiste valaisan. C'est pourtant à lui que vont les faveurs des collectionneurs de chez nous, qui rassemblent, souvent avec passion, les œuvres signées des grands noms

L'art, aujourd'hui, est dans la rue ou en vitrine (souvent même il fait le trottoir) ; il est au bistrot ou au tea-room ; il fait du camping ou s'offre des hôtels de première catégorie. Ce faisant, les artistes servent un autre maître, commerçant avisé, qui profite d'une exposition de tableaux, souvent mal accrochés et lamentablement éclairés, pour orchestrer sa propre pu blicité (gratuite). L'art aujourd'hui, on le marie de force à des ({ Fêtes de la bière », à des manifestations sportives, ou à des tombolas pour l'inauguration d'une nouvelle bannière où, sur la planche des lots, entre une pendule neuchâteloise et une machine à calculer, figurent des toiles d'artistes valaisans. Pour être approché, l'art a cependant besoin de ses lieux de culte, musées et galeries. Les stations touristiques ont également ajouté dans l'éventail de leurs atouts la carte culturelle avec plus ou moins de réussite, d'Ovronnaz à Saint-Luc, de Liddes à Vercorin, d'Anzère à Chandolih ... Promotion de l'art ou utilisation des artistes à des fins de propagande touristique? L'artiste peut participer à l'environnement esthétique sous des formes moins spectaculaires, mais tout aussi importantes: ainsi la création de la couverture ou des illustrations d'un livre. On ne compte plus les peintres ayant, par exemple, illustré Ramuz: Bille (Le village dans la montagne), Vallet (Jean-Luc persécuté),

62

63

Edmond Bille fonda en pleine guerre un ournal satirique bi-mensuel, «L'Arbalète », dont l'existence fut éphémère (juillet 1916 - décembre 1917). Il y faisait une large place à l'illustration et compta le Martignerain André Closuit parmi ses collaborateurs. Dans la presse valaisanne contemporaine, les dessinateurs humoristiques qui s'inspirent de l'actualité politique pour la persifler font Pen à voir. Cette formule se veut plus un pastiche des légendes qui accompagnent les dessins (humoristiques ?) de Julien Péneveyre, qu'une contribution sérieuse à l'histoire de l'art valaisan. On pourrait en dire autant de ceux d'Alfred Wicky dans« Le Peuple valaisan ». Les compositions tendres et piquantes de Skyll, alias Jean-François Burgener, exprimées sobrement dans un langage universel parce que « sans paroles» et les bandes dessinées (dont Céxapil) de Simon Tschopp méritent notre sourire complice.

L'affiche ne laissa pas indifférents les artistes valaisans, qu'elle vantât un produit (Conserves et Confitures de Saxon de Marguerite Burnat-Provins) ou un site touristique (l'affiche «Sion» de Bille pour les CFF), qu'elle invitât à une manifestation économique (Exposition industrielle de Sion en 1909, par Werlen) ou sportive (l'affiche de Chavaz pour le hockey-club de Sierre). Les responsables de l'industrie ou du tourisme valaisans s'adressèrent fréquemment aux meilleurs graphistes suisses pour une publicité réussie (Cardinaux, Hermès, Leupin). La réalisation de décors de théâtre fait également partie du champ d'activité de l'artiste-peintre (Cingria, Poncet, J. Morax). A.P. Zeller composa des masques, alors que Fernand Du buis signa les décors d'« Une Voix sans Personne» de Jean Tardieu (1956) et de« La Rose noire de Marignan» de Maurice Zermatten (1964). Les peintres mirent aussi leur talent au service des musiciens, créant le nouveau drapeau d'innombrables sociétés de chant et de musique.


Pour soutenir l'effort des artistes, des éditeurs lancèrent des collections de monographies, comme «Peintres de chez nous» (La Matze, Sion). Le Rottenverlag (Viège) a publié un Grünwald, alors que les Editions Collette et ColIette à Dorénaz se spécialisent dans l'ouvrage de grand luxe, à l'intention des bibliophiles. Les catalogues d'exposition représentent une source précieuse d'informations; le Manoir de Martigny s'est fait un devoir d'en pu blier à chaque exposition importante.

œuvre s'en ressent: peu d'originalité dans les différents GENRES traités d'une façon classique et conventionnelle.

L'art religieux, tout en parlant chez nous un langage renouvelé par les innovations de Cingria et de Bille, a continué à inspirer nos peintres. Monnier dans ses mosaïques, Chavaz dans ses vitraux et Grünwald dans ses tableaux, ont poursuivi l'évolution, marquant cet art religieux de leur empreinte. Joseph Lachat a doté le Pour l'information de son public, l'ar- . nouveau temple protestant de Sion de vitiste valaisan dispose d'une presse en qua- traux non-figuratifs tout de recueillement drichromie qui lui fait généralement la et de sérénité, qui sont les plus expressifs part trop belle, les appréciations eupho- de cette tendance. riques et les superlatifs constelIant un texte débile. « Il faut mesurer le degré d'abaisLe portrait, très florissant dans le Vasement des masses chez un peuple par lais du dix-neuvième siècle, avec Xavierl'exagération de ses œuvres d'art et l'im- Antoine Recht, Pierre-Joseph Brouchoud portance donnée à ses artistes. Ça a été le et Laurent-Justin Ritz, connut une lonsecret des sacerdoces et des despotes de gue éclipse due à l'apparition des phototromper le paupérisme des masses par le graphes. Ce siècle compte néanmoins, avec prestige des monuments. » 15 Les comptes- Joson Morand et Albert Chavaz, deux rendus d'un vernissage ne reproduisent portraitistes qui ont, dans leur œuvre, reque rarement une œuvre du peintre, pré- donné à ce genre quelque peu délaissé une férant monter en gros plan la physionomie place de choix. de l'artiste. Le lecteur s'intéresse plus à l'homme qu'à son œuvre. Ce vedettariat La nature morte, qui permet mieux que incite souvent l'artiste à prendre au sérieux tout autre genre des exercices de virtuosité, son rôle de bouffon, en s'affublant d'attritant dans la composition que dans la lubuts qui font de lui un farfelu ou un mière, a séduit de nombreux artistes de marginal. La Neuchâteloise Sarah J eannot chez nous. II n'eut, pour ses modèles, qu'à (1883-1958) va jusqu'à revêtir le costume puiser dans la corbeille de fruits que la des femmes d'Hérémence pour peindre, généreuse nature valaisanne produit en ainsi qu'elle se représente dans un autosuffisance. A ce jeu, Menge s'est montré portrait de 1918. 16 très habile et très méticuleux. Les formes de l'art L'artiste, pour s'exprimer, dispose de registres différenciés, selon que l'on considère la mise en œuvre, le style ou le genre. Le peintre valaisan tra vai1Ie dans un milieu respectueux de la tradition. Son 15 Proud'hon , cité dans Michel Ragon. L'art: pour quoi faire? Paris, Casterman, 1971, p. 70.

16 Reproduit d;ms le catalogue « Le Valais _ Ses p~intres », La Chaux-de-Fonds, 1918, en hors texte, face à la page 19.

Le paysage valaisan est resté une source intarissable pour les peintres. Par la luminosité particulière qui le baigne et par les géométries accentuées qui le découpent, il permet des variations impressionnistes ou cubistes qui n'obligent pas le peintre à une traduction trop littérale. Les hauts sommets n'ont pas eu la faveur des artistes. Si, au début du siècle, les coutumes inspirèrent de nom breuses processions et autres compositions, si les costumes égayèrent maintes scènes de genre, leur rôle ne fit que décroître pour disparaître complètement aujourd'hui.

Alfred Grünwald : La vision d'Ezéchiel

Seule tendance à correspondre intimement à l'âme valaisanne, l'expressionnisme gagna à sa cause, longtemps après sa première apparition, des artistes comme Grünwald, Christiane Zufferey et WiI1isch.

combattantes qu'il dessinait avec application et talent pour leur heureux propriétaire. Par nécessité intérieure, Joseph Georges (1920-1973), petit hôtelier des Haudères, se mit à peindre des œuvres inégales, inspirées de sa contrée. II fut lauréat du « Prix Douanier Rousseau» en 1961. Le Valais fut représenté par trois peintres naïfs à la troisième grande manifestation luganaise, consacrée à cet art: Achille Chappaz de Sion, Pierre Devanthéry de Chalais et Michel Caillet-Bois de Val d'IlIiez.

Le phénomène de l'art naïf prit chez nous les traits d'un curieux personnage, que l'on ressuscita et réinventa pour la légende: l'énigmatique C.F.B., mieux connu sous son seyant pseudonyme, «Le Déserteur ». Au début du siècle œuvrèrent à Sion deux artistes obscurs que la vogue de l'art naïf a tirés de l'oubli: Hermann Cabrin (1855-1930) qui plagiait malhabilement le célèbre Raphaël Ritz et Robert Calpini (1840-1918) «portraitiste» des « reines» de la race d'Hérens, ces vaches

1959 révéla la présence d'un groupe de jeunes artistes refusant l'expression figurative. Leur abstraction procédait surtout de démarches fort différentes: certaines étaient influencées par de Staël, d'autres rejoignaient les expériences de Tapiès. Luc Lathion et Léo Andenmatten retournèrent bientôt au figuratif. Seuls Messerli et Cerutti poursuivirent inlassablement la quête exigeante d'une expression sans concessions. Cerutti a discipliné et systématisé

Les TENDANCES nouvelles de l'art ne trouvèrent pas en Valais un terrain favorable. Fauvisme, cubisme, surréalisme: aucun «isme» n'y fit le moindre adepte. La dure réalité quotidienne n'avait que faire de ces abstractions et de ces mondes imaginaires.

64

65


ses formes, tout en animant sa palette, s'orientant vers les rigueurs de l'art concret. Quant à Messerli, il a mis au point une matière qui confère à son œuvre une identité propre. A part le pop-art qui a inspiré à François Boson des compositions originales, les autres tendances de l'art contemporain (nouveau réalisme, art conceptuel, hyperréalisme, minimal art, etc.) n'ont exercé aucun attrait sur la jeune génération des artistes valaisans.

Une œuvre pop de François Boson

Les peintres valaisans sont restés traditionnels jusque dans le recours aux TECHNIQUES. La plupart d'entre eux sont fidèles au support classique, la toile, et si l'huile ne convient plus à chacun, ils adoptent l'acryl qui ne s'en distingue pas fondamentalement, aux yeux du profane.

L'aquarelle, qui exige une grande sensibilité et une maîtrise technique totale, a suscité, en Valais, de remarquables talents. Jean-Claude Rouiller s'y voua exclusivement en début de carrière. Chavaz et de Palézieux y excellent. Biéler et Dallèves remirent à l'honneur la tempéra, procédé des Primitifs, qui se caractérise par sa matité. Michel Roduit la pratique aujourd'hui avec réussite. Avec la part qu'il

A l'instar de la mosaïque, le vitrail servit d'abord à la décoration des églises. Cingria s'y distingua par ses couleurs somptueuses et ses compositions mouvementées, alors que Poncet utilisa une palette plus sombre et que Bille construisit ses scènes avec plus de rigueur. Biéler, à la même époque, créa des cartons, proches de l'Art nouveau. Monnier fut le premier artiste valaisan à pratiquer le vitrail. On ne compte plus ses réalisations animées, à réminiscences classiques. Cha vaz excelle dans la technique de la dalle de verre,

fait au hasard, le monotype a séduit Coutaz et GrÜnwald. Ce dernier s'adonna également au pastel et s'inventa des fresques miniatures. Le collage, par contre, ne suscita que quelques timides essais, restés sans suite (Menge, Boson). Le dessin à la mine de plomb ou au fusain constitue, la plupart du temps, un exercice qui prépare sous forme d'esquisse, l'œuvre définitive, peinte à l'huile. Mais il a été aussi considéré comme une œuvre aboutie, spécialement dans les minutieuses réalisations ~ux crayons de couleur de Raphy Dallèves. La tapisserie valaisanne est née à la suite du passage de Jean Lurçat à l'Académie des Beaux-Arts de Sion. Francis Michelet en est un fervent disciple. J 0sette Karlen, sur des cartons d'Alain Rey, pratique la lisse, tandis qu'Henriette Taramarcaz fait appel à des techniques plus libres et à des matériaux autres que la seule laine. Le batik, réalisé sur tissu, voire sur papier est l'apanage des artistes-femmes: Denise Fux, Marietta Hesshaimer, Alice Roth, Josy Pont. Les métiers d'art font souvent appel à la collaboration entre artistes et artisans, particulièrement dans les techniques utilisées pour les décorations monumentales. Le peintre n'y joue habituellement que le rôle d'imagier, créant le carton qui sert de modèle au lissier, au verrier ou au céramiste. Au vingtième siècle, la mosaïque valaisanne se manifesta d'abord dans les églises. (Maurice Denis, Biéler, Bille). Monnier, secondé par Viglino, prit leur relève dans l'art religieux. Dans le do~aine profane, Menge, assisté par Suzann'é Grichting-Le Bourgeois, elle-même mosaïste, décora des écoles. Après avoir orné le hall de la gare de Sion, Andenmatten signa une composition non-figurative à Vevey. De Palézieux crée, pour les façades aussi bien que pour les salons, des œuvres d'inspiration antiquisante, alors que Lor OJsommer travaille selon un procédé original avec des cailloux choisis dans la nature. Alfred Wicky, Chavaz et Morend (tous deux à Martigny), ainsi que Grünwald (à l'Ecole normale des garçons à Sion) ont pratiqué la céramique murale.

(Brigue) et Richard Seewald (Sion, église Saint-Théodule). ({ Oeuvrant pour le Couvent des capucins, à Sion, Alberto Burri s'est exprimé au moyen de polyester brûlé au chalumeau, alors qu'Enrico (sic) Tapiès innovait, quant à lui, en intercalant entre deux verres une simple toile, peinte dans un esprit gestuel. }) 17 Si le vitrail profane est peu représenté en Valais, on y compte cependant la plus grande verrière de Suisse (55 m 2), à l'Hôtel de Ville de Martigny. L'œuvre monumentale, réalisé par Edmond Bille de 1947 à 1949, raconte l'histoire de la cité bas-valaisanne. Albert Muret décora d'un vitrail la maison de commune de Lens, où il s'était installé en début de siècle. Il convient de réserver une place particulière à la gravure. Elle se distingue de toutes les techniques abordées jusqu'ici, par la possibilité qu'elle offre d'être reproduite à plusieurs exemplaires, l'importance du tirage étant laissée au libre choix cie l'artiste ou de l'éditeur.

Adam et Eve chassés du Paradis, vitrail d'A. Chavaz, pour la chapelle de l'Ecole normale des garçons, à Sion

66

67

stylisant ses images figuratives, les réduisant à des taches de couleur transparentes. Il renouvela magistralement cet art lumineux. Anne-Marie Ebener et Jean-Claude Morend furent souvent sollicités pour la décoration des nombreuses églises construites dès les années soixante. On doit à Joseph Lachat des vitraux non-figuratifs remarquables dans le temple protestant de Sion. En pays de Vaud, le Saviésan Robert Héritier (1926-1971) appliqua au vitrail les compositions linéaires, aux cernes accentués, de ses dessins et de ses gravures. Quelques grands noms du vitrail religieux vinrent travailler en Valais: citons Ferdinand Gehr (Bettmeralp), Jacques Düblin

Procédé le plus ancien, la gravure sur hois a convenu aux violences et aux âpretés des expressionnistes. Les Haut-Valaisans Alfred Grünwald, Anton Mutter et Werner Zurbriggen ont utilisé fréquemment cette technique. Robert Héritier s'y est trouvé à l'aise pour traduire, en noir exclusivement, ses personnages très stylisés. La mode, au début du siècle, fut aux albums de gravures sur bois. Le Valais inspira de nombreux recueils: ainsi Alice Bailly, ({ En Valais}); Valentine MéteinGilliard, ({ Figures valaisannes (linogravures) ; la Bâloise Jeanne Pflüger, ({ La vie en Valais}) et Fred Fay ({ Portes du Lac }) et ({ Valais}). Chavaz et Zurbriggen ont pratiqué la linogravure, dont .le procédé s'apparente à la gravure sur bOlS. La taille-douce est une discipline particulière qui n'a malheureusement pas rencontré chez nous une audience assez large. Le premier, Edouard fit installer une presse, dans son atelier de Vercorin. Son œuvre 17 Yoki, Vitraux modernes en Suisse, Fribourg, 1971, p. 132.


La sculpture valaisanne n'a pas attendu le vingtième siècle pour inscrire quelques belles pages dans le grand livre de l'histoire de l'art de ce pays. Le baroque, avec Johann Ritz et Anton Sigristen, étincela de mil1e expressions mouvementées et dorées. Puis vint un long silence. Les débouchés du sculpteur sont limités. S'il peut, à l'occasion, participer à de grandes décorations de bâtimel~ts (églises spécialement) et de places pu bhques (par des monuments ou des fontaines), il ne trouve en revanche que peu de collectionneurs, qui s'intéréssent à ses créations li: bres et par conséquent peu de galeries qUI daignent les exposer. De plus, le sculpteur se trouve confronté à des problèmes pratiques que le peintre ne connaît pas: cherté des matéri'aux, frais énormes, inhérents au transport et à l'entreposage de ses œuvres monumentales.

Montorge, eau-forte de Gérard de Palézieux

gravé, l'un des plus importants de l'art suisse de ce siècle, compte un soixantaine d'eaux-fortes à sujet valaisan. Bille, Gautschi et Wolff pratiquèrent également cette technique. Aujourd'hui, seuls de Palézieux, qui confie au cuivre les paysages et les natures-mortes familiers à sa peinture et Walter Willisch. qui excelle dans l'aquatinte et s'est essayé avec succès à la délicate manière-noire dans des compositions où les gris veloutés racontent avec nostalgie le monde perdu de son enfance, peuvent être considérés comme de véritables graveurs, créant un œuvre important et suivi. Le Yougoslave Georges Korac réalise des gravures de petit format, fraîches et simples. Jean-Pierre Coutaz a recouru récemment au gaufrage, pour ses «Fragments incomplets d'une archéologie du futur ». La sérigraphie a permis à Duarte et à Boson des compositions franches, sur papier ou sur aluminium, qui mettent en valeur les propriétés de cette technique nouvellement admise dans l'histoire de l'art. Que dire, par contre, des sérigraphies, reproductions photomécaniques 1 d œuvres peintes, signées, au mépris de toute éthique artistique et en méconnaissance totale de la technique, par certains peintres de chez nous?

Il est curieux de noter que dans ce contexte plutôt défavorable, ce fut un sculpteur qui reçut la première bourse fédérale des Beaux-Arts attribuée à un Valaisan, H~nri Marclay (1881-1936), qui en fut le bénéficiaire en 1909. Son œuvre par contre est demeurée méconnue.

Niederwald, aquatinte de Walter Willisch

68

69

Pour commémorer le centenaire de l'entrée du Valais dans la Confédération, nos autorités décidèrent de faire ériger un monument au sommet de la Planta. Conseillées par la commissi.on fédérale,de.s B~au~­ Arts, elles en confIèrent la realIsatlOn a James Vibert (1872-1942), sculpteur genevois renommé. Il présenta trois projets qui avaient tous, comme figure centrale une femme symbolisant le Valais. Dans la version choisie pour l'exécution, la plus simple et la moins onéreuse, el1e est debout, tenant une guirlande de fleurs. La guerre vint contrarier le programme établi. Au lieu de pouvoir procéder à l'érection de l~ monumentale figure de pierre en 1915, Il fallut attendre 1919 pour l'inauguration officieIIe de la statue qui, entre temps, avait été baptisée «La Catherine », sans que l'on en connaisse les raisons précises.

Un jeune sculpteur valaisan assista le maître dans son œuvre: Jean Casanova (1887-1968) qui fut l'élève de Vibert à Genève. Longtemps, il fut l'unique sculpteur autochtone, ce qui lui valut l'exclusivité des (rares) commandes officielles de l'époque. II réalisa même plusieurs «Monuments aux morts» en Savoie voisine. En Valais, on lui doit de nombreux monu: ments (Chavez, Repond, Gabbud et celUI dédié aux soldats valaisans morts pour la patrie durant la guerre. de 14-18~, et d~s fontaines dont l'allégone «La Vleze dechaînée» à Monthey (1917). Casanova fut également un sculpteur animalier f~~ond et apprécié, ainsi qu'un sculpteur rehgleux original (Lourtier, 1933). Il vaut la peine de mentionner ici un artiste naïf qui taillait dans le bois d.es vaches ou des oiseaux aux formes SImples qui firent l'admiration de Rilk~, jadis secrétaire personnel du g.rand ~odl11. Les ,o~­ jets réalisés par Maunce Michellod, dece-


dé dans le val de Bagnes en 1928 déjà, étaient utilisés comme jouets par les enfants de la région. La frontière qui sépare l'artisan de l'artiste n'est nulle part aussi ténue que dans la sculpture. On rencontre, en Valais, plusieurs menuisiers et marbriers qui s'adonnèrent à cet art, à côté d'une activité professionnelle qui les amenait à accomplir les mêmes gestes, la fonction seule de l'œuvre qui en découlait, déterminant son appartenance à l'art ou à l'artisanat. Citons Joseph Gaspoz (1867 _ 1946) d'Evolène et Polykarp Lagger (né en 1912) de Reckingen. . ~e Genevois François Baud (1889-1960) lImita son activité valaisanne à la décoration d'églises, rôle que l'artiste médiéval joua de merveilleuse et anonyme façon. Seul sculpteur du Groupe de Saint-Luc et Saint-Maurice, il participa à la décoration des sanctuaires de Finhaut, de Montana et de Saint-Martin. La collaboration avec ses amis peintres rappelle celle des artisans de l'époque gothique: la polychromie de ses reliefs ou de ses statues était réalisée par Cingria, Faravel ou Gaeng. L'activité des sculpteurs retomba en léthargie pour ne trouver son second souffle que dans le proche après-guerre. Les œuvres qui naquirent en cette période furent, pour la plupart, réalisées par des artistes étrangers au canton. Edouard-Marcel Sandoz (1881-1971), sculpteur animalier réputé, orna quelques fontaines (Zermatt et Sion) et créa le célèbre «Monument au mulet» (1966). Autre sculpteur animalier qui œuvra souvent chez nous, Willy Vuilleumier (né en 1898) fut aussi professeur de modelage à l'Ecole cantonale des Beaux-Arts, de sa fondation jusqu'en 1972. Son bestiaire de bronze va du bouquetin au pélican, de l'aigle au chamois. Le Tessinois Remo Rossi (né en 1909) vint en Valais pour participer au second renouveau de l'art religieux. On lui doit l'antependium de l'église des capucins à Sion et la monumentale statue de saint Pancrace sur la façade de celle de Grimisuat. Il orna de reliefs de pierre (Banque Cantonale, à Brigue et Sion) ou de bronze

(Crédit Suisse à Sion) les façades d'institutions bancaires. Son contemporain, le Fribourgeois Antoine Claraz créa nombre d'autels, tabernacles, fonts baptismaux et statues d'église. Bruno Gherri-Moro se mit aussi à la sculpture, repoussant le cuivre pour les stations d'un chemin de croix (MontanaStation) ou modelant l'argile pour les portraits de René Morax et C.F. Ramuz. . Ces réalisations et le nouveau climat artistique qui se mettait à rayonner en Valais permirent l'éclosion de talents locaux. Constantin Grichting (1900-1950), après des études à Paris, à l'issue desquelles il épousa la fille de son professeur, Suzanne Le Bourgeois (qui eut en Valais une grande activité en tant que mosaïste), sculpta des aménagements liturgiques (MontanaVillage, Loèche-les-Bains) et des pierres tombales.

Antoine Fornage (1922-1971) et Cyrille Evêquoz perpétuent la tradition de la sculpture animalière valaisanne. Jean Collaud et René Pedretti pratiquent le métier en professionnels: leur expérience nous a valu des œuvres techniquement abouties. Collaud, pour la première fois chez nous, a parlé le langage des formes, sans référence immédiate avec la réalité. Aujourd'hui cette expression nous est familière, mais en 1961, à l'occasion de la première exposition consacrée aux sculpteurs valaisans (on en comptait sept, d'après le catalogue), ce fut une révélation.

André-Paul Zeller était devenu Valaisan en 1952 déjà . C'est à la fin des années cinquante qu'il se mit à étudier systématiquement les possibilités offertes par l'utilisation d'expressions et de matériaux nouveaux. Ses mobiles, ses reliefs lumineux, ses kaléidoscopes, ses objets cinétiques allaient le conduire dès 1963 à la mise au point des hydromobiles qui l'ont fait connaître au-delà de nos frontières. A l'état de maquette ou réalisées sous forme de fontaine en perpétuel mouvement, ces constructions sont un apport original à l'histoire de la sculpture.

Deux sculpteurs' connus œuvrèrent en Valais à des commandes officielles. Casimir Reymond modela le portrait de Maurice Troillet (1964-65) alors que le Zurichois Franz Fischer réalisa, en hommage aux ouvriers du barrage de Mauvoisin, un bronze géant de sept mètres de haut, représentant deux mineurs.

Une autre arrivée en Valais, en 1960, allait bouleverser d'une façon plus radicale encore les conceptions que l'on se faisait de la sculpture: Angel Duarte et ses compositions à la fois strictes et séduisantes. Basées sur la théorie de l'interactivité de l'espace et, plus concrètement, sur le paraboloïde hyperbolique, elles permettent

S'il travaille à Lausanne, Jacques Barman (1921) n'en est pas moins Valaisan d'origine. Il fut appelé à réaliser des œuvres importantes: le «Saint Théodule» qui fut pour la place de la Majorie ce que «La Catherine» fut pour la Planta et l'imposante composition non-figurative en Cor-ten, à la sortie est de Sion. . Hans Loretan, né à Brigue en 1920, étudIa à Lucerne et Genève, où il fut remarqué. En 1954, il suivit les cours de Giacomo Manzù à l'Académie estivale de Salzburg. Cette rencontre fut décisive et marqua les nombreuses réalisations que Loretan signa dans les églises du Haut-Valais (aménagements liturgiques du chœur). Loretan a besoin du monumental pour s'exprimer totalement. Il a approché en quelques occasions le non-figuratif (chemin de croix de la chapelle de l'Ecole d'agriculture de Châteauneuf). Il a réalisé le monument Schiner sur la place d'Ernen et s'est vu attribuer, pour l'ensemble de son œuvre, le prix culturel du Rottenbund en 1971.

70

71

Duarte a créé cette sculpture pou; décorer les bords du Léman à Ouchy


d'obtenir des structures modulaires, différentes selon les données initiales, qui, multipliées et organisées, créent une architecture de l'espace. L'artiste peut ensuite mettre l'accent soit sur la ligne, par des tiges d'acier soudées, soit sur la surface, en habillant l'ossature, de plâtre ou en moulant la forme en polyester. Oublié, chez nous, pendant de longues années, Duarte est devenu, en peu de temps, un des artistes officiels les plus demandés, comme en témoignent deux œuvres monumentales récentes à Sion et une exposition dans les locaux étatisés de la Grange à l'Evêque. Il a en outre signé des réalisations à Pully, Ouchy (commande du Rotary-Club), Serrières (Fabriques de tabac réunies), Tramelan, Baden (Brown Boveri) et Bienne (Asuag). Duarte a prôné le travail en groupe, fondant successivement «Equipo 57» et, en Valais, le «Groupe y» (avec Fischer et Tanner). Il fut aussi à l'origine de plusieurs associations d'artistes, créant le sigle de l'AVA (Association Valaisanne des Artistes). De nouveaux noms sont apparus dans le cercIe toujours plus large des sculpteurs. Si Albin Blanchet et Michel Favre ont encore peu créé, André Ra boud et Marco Pellegrini occupent déjà une place enviable parmi les jeunes plasticiens d'aujourd'hui. Raboud, qu'une histoire de faux van Gogh avait rapidement projeté sur le devant de la scène artistique, a progressivement purifié et travai11é son langage. L'artiste montheysan propose aujourd'hui des formes belles, anonymes qui jouent à se mettre en valeur par opposition ou alternance. Marco Pellegrini est venu tard à la sculpture (1971), après s'être adonné longtemps à la peinture. JI utilise la fontealuminium pour ses personnages - machines, ainsi que pour les masques et les heaumes qu'il crée pour son auto-défense. Il compose des êtres robotiques et inquiétants, faits de fragments de machines et d'éléments humains, qu'il revêt de titres mystérieux. Il a signé quelques importantes réalisations d'animation murale (Salle des Sports de Martigny-Bourg, en 1973).

La sculpture valaisanne se partage entre les œuvres d'église, les décorations de façade et l'animation de places. Son langage est presque toujours figuratif, avec une prédilection pour les représentations d'animaux. Les techniques utilisées 'sont plus diversifiées: aux pierres et aux marbres (on en tire de très beaux de nos carrières d'Ovronnaz, de Saillon ou de Collombey) répondent le bois, le cuivre repoussé, le bronze classique. Aujourd'hui, le béton (le relief de Joseph Lachat pour l'Ecole professionnelle de Martigny est une réussite rare), le Cor-ten, le polyester, le plexiglas et les autres plastiques appartiennent éga-

lement à l'éventail des possibilités offertes à l'artiste. Quelques réalisations marginales peuvent être rattachées à la sculpture: les objets insolites de Pierre Loye, les boîtes historiées de François Boson, les figurines enchanteresses de Charlotte Girard, la miniaturiste. La céramique a perdu l'étiquette exclusive d'artisanat. Après Alfred Wicky, Jean-Jacques Putallaz, auquel un solide métier autorise toutes les audaces formelles, utilise la terre pour composer des reliefs et créer des formes d'où le fonctionnel est absent. Tl réalise ainsi de véritables sculptures en céramique.

Une sculpture en aluminium de Marco Pellegrini

Il existe des peintres qui se sont faits sculpteurs, le temps d'une commande officielle; mieux vaut ne pas en parler ici. Sion, reprenant l'expérience déjà tentée avec un succès relatif dans d'autres villes de Suisse, a accueil1i, l'été dernier, une exposition de sculptures en liberté, sur une de ses places. Dans l'utilisation des sources iconographiques, la sculpture ne peut pas rivaliser avec la peinture. Relevons toutefois, dans l'histoire du portrait valaisan, ceux de l'écrivain Georges Borgeaud par la grande Germaine Richier et de Maurice TroiIlet par Casimir Reymond. Quant au« type valaisan », il a inspiré aux sculpteurs suisses alémaniques Karl Geiser (1898-1957) et Franz Fischer (né en 1900) une « Valaisanne» de bronze.

72

73

Pour être approché, l'art a besoin de ses sanctuaires: les musées


En guise de point de suspension

Aujourd'hui, malgré ses nombreux artistes, le Valais n'est pas plus présent sur la scène artistique qu'à l'époque où aucun peintre autochtone ne s'exprimait, mais où des créateurs venus d'ailleurs, exposaient, dans tous les centres de l'Europe artistique, des œuvres inspirées par ses paysages ou ses costumes. L'ouverture, la confrontation, les échanges qui conduisent à un dépassement et à une remise en question ne sont pas pratiqués avec assez de constance en ce pays, marqué par une géographie peu favorable. Le rôle accordé à l'expression artistique n'est pas encore celui d'un peuple libéré. «L'art est surtout apprécié pour ses valeurs de détente, d'agrément, pour son rôle décoratif. C'est cette fonction «anesthésiante» de l'art qui est une des qualités les plus prisées par tout pouvoir. » 18

Jésuites où la promiscuité entre jeunes artistes (professionnels en début de carrière, voire« en apprentissage ») et artistes amateurs de tout âge relativisait habilement la supériorité des uns sur les autres, on crée les conditions idéales pour rendre impossible l'acceptation de l'art authentique, qui n'a pas besoin du consensus populaire immédiat pour être valable, mais qui, l'histoire l'a toujours prouvé, devance le soidisant bon goût du grand public. Si la loi de la majorité est une condition sine qua non de l'existence politique, elle est non 'avenue dans la vie artistique. Dans un budget étatique comme dans les préoccupations du citoyen moyen, « la culture est la goutte d'eau qui ne fera jamais déborder le vase. » 19 Quand viendra le jour où les artistes auront compris ctte vérité première et, devenus réalistes, demanderont l'impossible? 20 Bernard Wyder, historien d'art

En favorisant l'art amateur, comme ce fut le cas à l'occasion de l'expositionconcours, organisée en 1975 en l'église des

19 Sylvie Caster, dans « Charlie-Hebdo », No 322 du 13 janvier 1977, p. 12.

Michel Ragon, L'art: pour quoi faire? Paris, Casterman, 1971, p. 93.

20 Paraphrase de l'expression « Siamo realisti / Chiediamo l'impossibile », apparue sur les murs de l'Université de Rome, lors du soulèvement estudiantin de mars 1977.

18

Le cinéma: une forme de culture? Vouloir aborder cette forme d'expression propre au XXe siècle n'est pas une mince affaire surtout lorsqu'on se fixe pour objectif de s'intéresser spécialement à ce qui s'est réalisé en Valais. Il faut avoir à première vue, une certaine dose d'optimisme pour traiter ce sujet. Cependant, plus on avance dans l'étude de ce moyen d'expression, plus on est étonné d'en découvrir sa richesse. En effet face aux impressionnantes super-productions commercialisées la production de films sur le Valais et en Valais peut paraître dérisoire et si le critère de comparaison est la quantité, alors il est évident que comparer n'est plus possible. Cependant, si nous nous plaçons sous un autre angle qui est celui du cinéma comme forme d'expression culturelle d'une région, comme témoin d'un pays, de l'évolution des us et coutumes de ses habitants,

74

75

alors force nous est de constater que le Valais possède des richesses que nous voulons nous efforcer de revaloriser par cette modeste présentation. Nous ne nous arrêterons donc pas sur le cinéma commercial si ce n'est pour relever quelques aspects d'information. 1. FILMS TOURNES EN VALAIS

Pour approcher cette étude d'une façon plus claire, nous allons distinguer les aspects suivants: - films tournés à partir de créations littéraires ou musicales valaisannes; - films tournés en Valais sur la base d'œuvres extérieures au Valais mais dont les auteurs avaient choisi pour cadre notre canton;

Roland Müller tournant « Le président de Viouc»


-

films tournés en Valais pour la production commerciale; films présentant le Valais sous différents aspects; autres réalisations.

Avant d'entrer dans le vif du sujet nous tenons à signaler que les œuvres citées ou les photos présentées ne sont pas exhaustives, mais à considérer comme des exemples choisis pour mieux illustrer notre texte ; nous reviendrons du reste sur ce problème à la fin du présent article.

romande et diffusée sur tous les écrans de l'Europe, en eurovision. Parmi les écrivains valaisans portés à l'écran pour un large pu blic il faut bien sûr citer l'écrivain qui marque de son empreinte notre canton depuis bientôt un demi-siècle, je veux citer M. Maurice Zermatten. Deux de ses œuvres ont été montées par la télévision, «La Fontaine d'Aréthuse» et «Christine». Ce dernier film, tourné en grande partie à Sai1lon a été réalisé avec la collaboration des « Compagnons des Arts» et présenté sur les écrans le soir de Noël 1966.

1.2. Films tournés en Valais sur la base d'œuvres extérieures au Valais, mais dont les auteurs avaient choisi pour cadre notre canton Un premier nom s'impose immédiatement à nous, c'est celui de C.-F. Ramuz. Il faut ici renvoyer le lecteur au chapitre présentant « La situation des l.ettres .va~ laisannes» où l'auteur s'exprIme amSI «Avec Ramuz, le Valais fait son entrée dans la littérature ». Cet auteur qui a marqué la littérature,~om~nd~ a trouvA é en Valais une terre d ll1SpiratlOn extremement riche. Le cinéma l'a bien compris et nous lui devons deux 'réalisations poignantes « Jean-Luc persécuté» et «Farinet ». La première toute empreinte de la tragédie humaine, nous replonge dans les drames r~­ des et austères qui ont marqué les habItants de notre canton à une certaine époque. Le deuxième « Farinet » met en sc~ne le fameux , voire quelque peu légen~aIre, « faux-monnayeur gentleman» de SaIllon. Ce film a vu la participation d'acteurs talentueux tels que Jean-Louis Barrault qui déclarait encore ~n 1975 lor.s de.l'émi~­ sion télévisée « Destm » combIen 11 avaIt été marqué par le tourn~ge en Vala.is et le souvenir inoubliable qu'Il en gardaIt.

1.1. Films tournés à partir de créations littéraires ou musicales valaisannes Un fait intéressant peut être retenu ici, c'est la collaboration heureuse qui s'instaure entre formes d'expression (écrivains, compositeurs, comédiens) lors de la création d'un film. Pour illustrer cette affirmation, arrêtons-nous quelques instants sur la création de quelques films de ce genre. Prenons tout d'abord «Le Président de Viouc ». Ce film nous montre très bien cette heureuse colla boration de différentes formes d'expression. Tourné par Roland Müller, Vaudois d'origine mais Valaisan d'adoption, ce film a pris pour thème une pièce folklorique d'Aloys Theytaz créée en 1942 par la troupe théâtrale de Sierre «Les Compagnons des Arts». La mise en image d'une tranche de notre vie valaisanne dans laqueI1e les habitants du val d'Anniviers ont pris une part active représente un document d'une réelle valeur. Des œuvres semblables existent dans notre canton, citons encore de Roland Müller le film « Barrage» tourné en collaboration avec A. Theytaz pour le texte et J. Daetwyler pour la musique et joué par d'authentiques Valaisans; «Sentiers valaisans » chanson corn posée par G. Haenni sur des paroles de Sœur Marie-Rémy a également été retenu par un cinéaste vaudois. Sur le plan folklorique, l'heureuse collaboration entre la «Chanson du Rhône» et «Les Zachéos» a permis la réalisation d'une émission tournée par la TV

Un autre écrivain français Jean Giono a vu l'une de ses œuvres portée à l'écran en Valais, il s'agit du « Déserteur ». Le cinéma a ici réuni la littérature aux beaux arts puisque nous trouvons encore de nombreux tableaux de Charles-Fréd~ric Br~n, dit le déserteur, à travers le ValaIs. Ce fIlm réalisé par la télévision voit également la participation des« Compagnons ~es Arts» avec comme figurant la populatIOn de la vallée. L'histoire de ce peintre un peu mystérieux portée à l'écran nous pe.rmet d.e faire revivre une tranche de la Vie valaIsanne de cette époque et les images prennent ici, comme d'ailleurs d.ans la plupart des films cités dans cet artIcle, valeur de documents, autant culturels qu'historiques.

Tournage de «Christine» à Saillon

Ces quelques exemples illustrent très bien ce que nous soulignions au début de ce chapitre, c'est-à-dire la collaboration enrichissante de différentes formes d'expression. Ceci nous prouve s'il est" encore nécessaire de le démontrer que le cinéma en tant que forme d'expression artistique existe réellement en Valais, il suffit de s'y intéresser pour le découvrir.

d'être cité. En effet, nombreux sont les réalisateurs qui ont choisi le V~lais pour y tourner des séquences de le~r fIlm. Nous avons ici l'embarras du ChOIX: nous retiendrons tout d'abord un film. proche ~~ Valais tel que les «Eaux sallltes», tIre d'un roman allemand et présentant la lutte pour l'eau et con.tr~ l'eau; }e. tournage a été réalisé dans dIfferentes reglOns du V~­ lais. D'un tout autre genre fut «La crOIsade des enfants» relatant l'épop~~ , dramatique de ces 7000 enfants SaCrIfIe~ au XlIe siècle pour libérer la Terr.e salllte. Enfin, l'illustration présentée Cl-?e,SSous nous montre que de grands cmeast~s comme Walt Disney ou de grandes. maIsons de production comf!1e Columbm ont éaalement choisi le ValaIs pour y tourner d~s films. Aujourd'hui encore et peut-être plus que jamais le climat, le paysa~e, en un mot le cadre prestigieux de nos sI~es alp~~tres attirent les metteurs en scène frIands d Images « illusion du bonheur consommable en salle obscure ».

76

77

1.3. Films tournés en Valais pour les productions commerciales Nous abordons ici un aspect du cinéma en Valais qui ne nous retiendra pas l~ng­ temps, mais qui mérite tout de meme

Walt Disney tournant à Zermatt


1.4. Fibns présentant le Valais sous différents aspects Il s'agit donc ici de film dont le sujet est le Valais. La richesse de ces films est considérable, car il est indéniable que tous ces documents, indépendamment de leur qualité technique, qui n'est du reste pas le critère qui nous préoccupe ici, seront d'ici cinquante ou cent ans d'une valeur historique considérable. Pour la première fois dans l'histoire de notre canton, des enfants des années 2020 ou 2050 pourront voir vivre leurs ancêtres, pourront admirer les beautés de leur pays. Peut-être découvriront-ils alors qu'il fut un temps où la plaine du Rhône possédait encore quelque peu de verdure et nos alpages quelques espaces verts non recouverts de béton armé! Ceci pour illustrer, un peu naÏvement peut-être, la valeur de tous ces films. Il serait bien trop difficile de les citer tous ici; nous pouvons cependant retenir d'abord, les films de montagne ou d'alpinisme. Nous possédons dans ce

Les deux Michel Darbellay à l'Eiger

pays, représentent également une valeur de document. Grâce aux archives cantonales qui ont su acquérir ce «fond de photos» et que nous devons féliciter pour cette heureuse initiative, l'on possède aujourd'hui un magnifique livre d'histoire imagée de notre canton et ce n'est pas sans émotion que l'on consulte ces impressionnants albums. Dans un autre registre il faut mentionner les films consacrés à la flore et à la faune de notre pays. Ici un nom s'impose immédiatement à nous, celui de René-Pierre Bille. Une fois de plus nous sommes amenés à établir des relations entre différentes formes d'expression puisque René-Pierre Bille est le fils d'Edmond Bille, peintre et verrier, (voir chapitre consacré aux beaux arts) et frère de Corina Bille, écrivain (voire chapitre consacré à la littérature). L'exemple de cette famille démontre que le sens artistique et le besoin d'expression peuvent s'extérioriser sous diverses formes. Le « Braconnier de l'image» a su peindre autant par l:image que par le film une fresque grandIOse et merveilleuse de la nature, de la faune et de la flore de notre pays. Nous lui devons plus particu·lièrement un film magnifique: «Le monde sauvage de l'Alpe». Avec beaucoup d'autres, il a su entrer en communication avec ce qui fait l'essentiel de notre identité et il nous restitue par l'ima-

Emile Gos tournant au Cervin en 1923

genre de magnifiques et impressionnantes prises de vue telles que celles réalisées dans «L'Ascension de la face nord du Portalet» où les trois Michel: «Michel Darbellay, guide, Michel Vaucher, guide, et Michel Darbellay, guide, photographe et cinéaste », font frémir les spectateurs autant par leur audace et leur témérité que par la qualité artistique et technique du film. Le Valais a du reste une longue tradition dans le tournage des films de montagne puisqu'en 1923 déjà, le premier film tourné dans les Alpes a été réalisé au Cervin par Emile Gos; l'illustration originale présentée ci-contre nous atteste de ce fabuleux film qui est malheureusement perdu. Peut-être se trouve-til dans un galetas de notre pays? Des recherches permettraient éventuellement de découvrir ce document cinématographique d'une réelle valeur. Signalons en passant qu'Emile Gos a réalisé de magnifiques photos sur le Valais et que ces documents qui ont gravé à jamais sur la plaque sensible des personnages, des scènes folkloriques, des paysages magnifiques de notre

78

79

René-Pierre Bille

ge et dans un profond respect d'authenticité le dialogue de l'être avec la nature. Enfin, en ouvrant le 3e volet de cette présentation des films sur le Valais, il faut s'arrêter sur plusieurs réalisations présentant divers aspects de notre canton: industrie, agriculture, tourisme, culture, etc. Abordons ici à part les œuvres de Roland Müller déjà citées au début de cet article, un cinéaste qui depuis une quinzaine d'années produit d'excellents films; Michel DarbelIay, déjà cité au sujet des films d'alpinisme. Suivant les traces de son père, Oscar Darbellay qui tourna entre autres « Eternel printemps », Michel Darbellay a réalisé de nombreux films de qualité. Citons par exemple «Sion - Valais - Suisse» réalisé à l'occasion de la candidature du Valais aux jeux olympiques; un film consacré à la vigne et au vin, ainsi qu'une œuvre intéressante intitulée «Retour» montrant la désertion d'un village de montagne et le retour de ses habitants grâce au tourisme. Très prochainement sortira le dernier film tourné par ce cinéaste et produit par le Département de l'instruction publique, à l'occasion de l'année européenne du patrimoine architectural. Il faudrait, bien sûr, encore citer beaucoup de réalisations sur le Valais, étant donné leur nombre, nous signalons au lecteur que l'ODIS peut leur mettre à disposition des listes avec conditions de prêt de certains de ces films. 1.5. Autres réalisations II serait intéressant de s'arrêter encore sur une quantité de films réalisés dans des collèges, dans des instituts ainsi que sur de multiples réalisations individuelles de réelle valeur. Le temps et la place nous manquent pour le faire. Relevons toutefois une réalisation d'un genre un peu particulier, il s'agit d'un film de F. Premand, «L'est où Jacky» produit par l'association valaisanne d'enfants mentalement déficients. C'est un film bouleversant qui est la première partie d'une thèse sur le langage gestuel. Au terme de cette trop brève présentation des films inventoriés par nous en Valais, il faut bien remarquer que le réper-


toire est riche et varié. Le peu de temps imparti à la rédaction de cette approche ne nous a bien sûr pas permis d'approfondir le sujet. Nous pouvons toutefois attester que les recherches effectuées nous ont mis en présence d'une somme considérable de documents qui, faute de temps, n'ont pas pu être dépouillés. Nous ne pouvons que suggérer à des personnes intéressées par le sujet ou en recherche d'un thème de thèse ou de licence de reprendre ce travail et d'en faire une étude exhaustive. Cette recherche s'impose, car d' une part nous ne trouvons aucune synthèse sur ce sujet, d'autre part, il devient urgent de répertorier et de conserver des œuvres importantes avant qu'elles ne soient à jamais perdues.

l.6. Conclusion En conclusion il est important de rappeler encore une fois que nous nous sommes limités à vous présenter des informations sur l'existence de documents filmés

2. LE CINEMA A L'ECOLE PRIMAIRE

sur le Valais. Nous l'avons fait dans le cadre de ce numéro consacré à des aspects de la vie culturelle valaisanne, car nous pensons que ces documents font réellement partie du patrimoine culturel tel que nous l'avons présenté dans notre introduction générale.

Admettons d'emblée que le C1l1ema à l'école dans notre canton en est à ses premiers pas. Certes, il y a longtemps que la Centrale du film scolaire de Berne distribue ses bobines dans nos classes.

Dans la perspective d'un prolongement et surtout d'un approfondissement de cet article, nous reviendrons ultérieurement sur les aspects de la formation cinématographique et de l'éducation aux média dans notre canton. Monsieur H. Pellegrini, responsable cantonal de la formation cinématographique nous fera mieux connaître son travail, ses moyens d'action et sa conception de l'éducation des élèves et du public en général dans le domaine du cinéma. Nous espérons ainsi pouvoir susciter de l'intérêt pour cette forme d'expression et pourquoi pas favoriser l'éclosion de jeunes cinéastes valaisans.

Il y a plus de dix ans que la Session pédagogique offre un cours sur l'utilisation du film à l'école. 1 Ces dernières années, quelques réalisations ont vu le jour dans no sclasses. Elles sont dues à l'enthousiasme de maîtres qui, suffisamment motivés ont voulu tirer parti de ce mode de communication. 2 Mais, comparativement à la part que les mass média se taillent dans le quotidien, bizarrement, l'école est le secteur où la pénétration de l'information et de la communication audio-visuelle est le plus sujette à controverse, voire à réticences.

J .-P. RausÏs

On peut trouver plusieurs raisons à cet état de fait. ANALPHABETISME AUDIO-VISUEL Toute forme de transmission d'un message est basé ~ur le principe: EMETTEUR MESSAGE RECEPTEUR Or la communication n'est possible qu'à l'aide d'un code (linguistique, visuel, audio-visuel, etc.) ou d'une combinaison de plusieurs codes. Pour que le code soit valable, il faut que la plus grande partie des signes qu'il utilise soit connue de l'émetteur (professeur) et du récepteur (élève). C'est ce qu'on appelle le répertoire commun. 3 1 Le film à l'école; cours de M. E. Sauvain, maître spécialisé à Bienne.

L'utilisation du code permettant la communication audio-visuelle comporte un entraînement à plusieurs niveaux de la part de l'émetteur comme du récepteur.

DEFI A LA PEDAGOGIE « L'existence du cmema et de la télévision est sans doute le plus grand défi qui depuis longtemps ait été lancé à la pédagogie. » 4

Le cinéma (la télévision) dérange le pédagogue. Il lui conteste le droit de dispenser la connaissance. Certains pensent que l'école ne dispense plus aujourd'hui que le 25 % des connaissances acquises par l'élève. -

Il apporte le meilleur et le pire, en général simultanément. Comment discerner le bon du mauvais? Qu'est-ce qui est vrai? qu'est-ce' qui est faux? A qui et à quoi se référer? Il est nouveau dans la sphère active de l'école. Or on sait que l'enseignant aime transmettre des valeurs sûres, contrôlées, éprouvées, reconnues comme telles par tous, bref classiques. Le cinéma n'est pas - ou pas encore une de ces valeurs dont l'ignorance des règles qui la régissent constitue une lacune dans un bagage socio-culturel.

Ajoutons encore à ces éléments des difficultés techniques, financières, d'organisation et d'intégration dans les programmes déjà engorgés et on se rendra compte que le problème est complexe et que si le cinéma n'est pas pratiqué couramment dans nos classes, on ne peut tout de go imputer à tel ou tel niveau la lenteur des processus d'introduction systématique,

2 Ces films peuvent être obtenus par l'intermédiaire de l'ODIS.

80

81

3 Théo Décaigny. Communication audio-visuelle et pédagogie. Ed. 2000 Nathan Labor, 1973, p. 66.

4 Michel Tardy. Le professeur et les images. PUF , 1973, p. 23.


RECHERCHE Si l'école veut intervenir dans la formation du spectateur, elle peut diriger son action dans des domaines encore quasiment inexplorés. Peut-être faut-il différencier encore une fois l'utilisation du cinéma en tant qu'outil pédagogique de l'apprentissage du langage cinématographique à l'école. Les deux versions ont leur valeur respective. La première est déjà utilisée avec profit et le sera toujours davantage car l'évolution des programmes incite à l'élargissement des moyen, didactiques. Quant à la seconde, il faut admettre qu'elle ne dispose pas de bases théoriques structurées et éprouvées. Il faudrait d'abord semble-t-il apporter à l'enfant une information sur les aspects purement techniques du cinéma. Cette information ne devant pas être considérée comme un but mais comme un moyen per-

Comment faire un travelling?

DES SPECTATEURS Toutefois un fait est certain: , «,Le .film ~st la. littérature des jeunes generatlOn qUl en dIscutent autant que des ouvrages littéraires sinon davantage. » 5 L'école devrait pouvoir participer à cette nouvelle forme de culture. Le spectateur qu'est déjà l'élève, contrairement à une i~ée. très répandue, n'est jamais passif. Il reagIt constamment selon son statut personnel, selon sa position socio-culturelle selon son état physique et psychique dl~ moment. Ses réactions consistent à opérer des choix, à retenir ce qui plaît, à délaisser

5 Théo Décaigny. Communication audio-visuelle et pédagogie. Ed. 2000 Nathan Labor 1973, p. 150. '

mettant de mieux discerner au travers des procédés techniques le message iconique. Le vocabulaire cinématographique, les règles essentielles de réalisation, la pratique du cinéma en classe devraient permettre à l'enfant de se familiariser avec les outils servant à l'élaboration et à la diffusion d'une forme de communication qui prend dans sa vie une place toujours plus grande et qu'il n'approche jamais que par la vision d'un produit fini, presque toujours commercialisé. Donc une éducation à la technique cinématographique est souhaitable, mais il est tout aussi souhaitable de dépasser ce stade et d'aborder l'étude du phénomène lU travers de ses contenus. Hélas, là encore, pas de règles précises, pas de lois sécurisantes. Le spectateur seul dispose du contenu d'un film; c'est son droit le plus strict. Encore faut-il qu'il soit conscient qu'il possède cette liberté de disposer des images qu'il a bien voulu regarder. Or, comment concevoir une action pédagogique qui mène vers la sensibilisation du spectateur enfant?

ce qui d.éplaît, ce qui n'est pas compris o~ ce qUI ne veut pas être compris. Il établIt entre les éléments des liens selon son vécu ant~rieur, selon sa propre logique, et selon le Jeu de son imagination et de son affectivité. Le spectateur effectue un travail inconscient ou semi-conscient de sélection dans la globalité des images perçues.

Il n'existe pas de définition du spectateur idéal. Nous pouvons tout de même penser qu'une attitude positive serait celle qui consiste en un mouvement d'engagement et de désengagement face au film une attitude qui laisse place à l'affectivité tout en restant critique, un va et vient entre l'imagination, la réalité et le rêve une a.ttitude qui permette d'appréhend~r le fIlm dans sa totalité, d'en évaluer le contenu et les diverses interprétations, en un mot, effectuer une sélection intelligente et partant plus consciente des concepts véhiculés par le film.

82

83

Pour faire du cinéma il faut avoir du coffre !...


Avec cette interrogation, c'est un problème supplémentaire posé à la pédagogie. La recherche de solutions adéquates se poursuit, incertaine, hésitante. Le cinéma lui-même est en constante mutation. Peut-

être est-ce une cause de l'incertitude de

4. ASPECT DE L'ACTIVITE CINEMATOGRAPHIQUE AU COLLEGE DE SAINT-MAURICE

l'e~1seignant et. du chercheur face au pro-

bleme .. SouhaItons que cela ne soit pas une raIson de son inaction. R. Chedel

Parmi les nombreux exemples d'animation cinématographique dans les collèges ou les instituts, nous vous présentons ci-dessous, ce qui se fait cl St-Maurice. Il s'agit pour nous de présenter un exemple tout en étant conscient que des activités semblables se réalisent dans beaucoup d'établissements de notre canton. Nous serions du reste heureux de recevoir des articles présentant d'au tres réalisations. L'échange d'idées et d'expériences qui en résulterait serait certainement bénéfique pour tout le monde.

R~ppe/~ns que. M. C.hédel a ré~lisé des expériences cinématographiques intéressantes dans . b'te 1976) L es 'l ' {' , le caelte de ,sa, classe (vOlr Ecole valaisanne No 3 ' n ovem f l ms rea sont une preuve des réelles valeurs pe'rl . . 'd · d lses. ,avec ,ses l" eleves / ~,agoglques et e uca,t lves Li ctnema a les personnes qui voudraient tent et. Gee 1 t Il es. ex. , deco e. Toutes " ~erze"nces peuvent sa resset.' a IODIS qu i les mettra en contact avec des er . a meme de leur apporter alde et conseils. p sonnes

3. VERS LA CREATION D'UN GROUPE POUR LA SAUVEGARDE DES PRODUCTIONS AUDIO-VISUELLES SUR LE VALAIS? La présente étude nous a montré l'existence réelle d'une production cinématographique en Valais et sur le Valais. Nous pourrions évoquer également la richesse des montages diapositives réalisés sur le Valais. Nous pouvons relever ici les noms d~ ,R~la~d Müller, René-Pierre Bille, déjà CIte amsI que ceux de Cyrille Clerc, Georges Laurent et bien d'autres qui ont su immortaliser sur l'image fixe, paysages, faune, flore, us et coutumes de notre pays. Toutes ces richesses doivent être diffusées dans nos classes. Un travail important

HISTORIQUE Lorsque, à l'initiative du club UNESCO, un ciné-club fut mis sur pied au collège en 1970, il s'inscrivait dans une tradition déjà ancienne. En effet quelques passionnés, dont les chanoines Rappaz et Vogel, avaient assuré auprès des étudiants une animation cinématographique à la qualité de laquelle contribuaient régulièrement M. et Mme Henri Agel, les éminents spécialistes du français.

doit être réalisé afin que chaque enseignant sache où trouver ces documents sur le Valais. L'office du tourisme œuvre déjà dan.s. ce sens en mettant volontiers à dispOSItIOn des réalisations fort intéressantes. II nous semble cependant que le moment est venu pour notre canton de franchir ~ne n~uve]]e étape et d'envisager la création d une centrale de conservation et de prêt de ces documents. Pour cela il faudrait ~ue toutes les personnes qui ont pris conSCIence de cette nécessité et qui s'intéressent à cette action s'annoncent à l'ODIS route de Gra velone 5. Ensemble nous essaierons de voir ce qui peut êt~e fait et nous espérons ainsi sauver un certain nombre de ces réalisations si importantes pour la connaissance de notre canton.

Il s'agissait bien sûr de projections, de discussions et de conférences mais aussi de l'introduction dans certains cours d'une initiative à la ({ grammaire du cinéma ». Les dimensions du collège et son statut ayant profondément changé vers les années soixante, ce premier ciné-club cessa ses activités, non sans avoir constitué avec soin une riche bibliothèque. On pouvait penser aussi que la haute consommation d'images, offerte avec tant de facilité à la jeunesse par notre époque, rendait inutile la présence du cinéma à l'école. On pouvait, et pour les mêmes raisons, penser exactement le contraire ... Après avoir, par un questionnaire détaillé, sondé les désirs réels des élèves, un nouveau ({ ciné-collège» naissait, avec les encouragements bienveillants de la direction.

84

85

Il se donnait un but large d'abord: développer la culture générale des élèves en convergence avec les objectifs du collège; mais d'une manière plus ambitieuse et sans trop d'illusions, il se voulait lieu de formation et surtout lieu de création.

Toutes ses activités sont commandées par cette visée fondamentale.

ACTIVITES a) Formation

1. Les séances de projection sont préparées par une classe ou par un groupe d'élèves avec la participation de professeurs. Une fiche comportant indications techniques, analyse sommaire du film, filmographie et directions d'étude est rédigée et distribuée. Une présentation orale a lieu avant la projection; une discussion, à laquel1e les professeurs intéressés donnent en classe les prolongements voulus, a lieu immédiatement après. 2. Des journées de cinéma réunissent tout le collège autour d'un réalisateur venu présenter et discuter son œuvre (Michel Soutter, Georges Fanju, etc.) ; d'un spécialiste des questions techniques (Louis Page, directeur de la photographie pour l'Espoir de Malraux; Henry Alekan, chef opérateur; Simon Edelstein, cameraman etc.) ou d'un thème (M. et Mme Agel: le poétique, le comique, le tragique au cinéma ... ). Les discussions s'organisent par groupes de classes. 3. Un cours d'initiation au cinéma donné aux jeunes élèves par M. H. Pellegrini, sans être dû à l'initiative de ({ ciné-collège », ne manquera pas de faire ressentir ses heureux effets sur nos adhérents. b) Création 1. Le cours de réalisation est encore un projet qui se décrétisera l'an prochain.


2. Le concours de réalisation est, en revanche, depuis plusieurs années le fer de lance de« ciné-collège ». Il offre à l'appréciation d'un jury formé de personnalités du monde des arts (cinéma, peinture, littérature, télévision), d'étudiants et de professeurs, des courts métrages de 15 minutes, en 8 mm. Les thèmes proposés font appel tantôt à l'imagination la plus libre (thèmes généraux: la clef; mais comment font-ils donc ça ? etc.) tantôt à la maîtrise de l'invention (une situation comique) ou à celle de problèmes plus techniques (illustration

d'un passage d'une nouvelle de S. Corinna Bille). Les résultats sont toujours très intéressants et souvent stimulants si l'on songe que la TV a projeté plusieurs films primés et que d'autres ont été distingués dans le cadre du festival de Nyon. C'est à de tels résultats que le «cinécollège» de Saint-Maurice subordonne toute son activité et mesure à la fois sa nécessité et sa vitalité. Ciné-collège de St-Maurice P. Bruchez

LIBRAIRIE CATHOLIQUE

LIBRAIRIE-PAPETERIE M.VERNAY Littérature générale, spiritualité art religieux Avenue de la Gare 32 1950 SION Téléphone (027) 225572

Rétroprojecteur Modèle 601

Fournitures scolaires Papeterie R. Troillet 1920 MARTIGNY

Ecole pédagogique privée

FLORIANA Pontaise 151 Laus~nne - Tél. 363428

'~" -. '..

~ ,

f1\1i1ff1

Direction: E. Piotet Excellente formation de JARDINIERES D'ENFANTS et D'INSTITUTRICES PRIVEES

Haute qualité d'image Rétroprojecteur L1ESEGANG modèle 60t, boîtier ~é~al~ Iique, format image de 285 x 285 mm (D,IN A4), eqUipe d'un objectif 3 lentilles 5,4 - 340 mm., d une lampe halogène 900 W avec dispositif d'économie et supports pour rouleau d'acétate. ACTION VALABLE JUSQU'AU 30 AVRIL 1977 Rétroprojecteur L1ESEGANG modèle 601 Fr. 1 153.Rouleau d'acétate 10 mètres Fr. 19.Fr. 48.Filtre anti-éblouissant Fr. 30.Housse de protection Soit au total

Fr. 1 25'0.-

NOTRE PRIX ACTION (avec 2 ans de garantie)

Fr.

850·-

--

SACO SA LAINERIE et ses matières pour l'artisanat 75 sortes à filer cardes, 5 rouets dès Fr. 168. -, fuseaux et fils de lin à dentelle. Laine, soie, coton fin à géa~t pour tricot, tissage. Métier à tis . Ryall. Batik: Saco,lor, tissus, soie, coton. Cires, mèches. moules pour bougie. Catalogue gratuit, venez nous vOir. 2006 NEUCHATEL, Ch. Valangines 3 - Av. Alpes Téléphone (038) 253208 Ouvert: du lundi au vendredi et le 2e samedi du mois, heures de bureau.

~._-pour une documentation._c=-o=-:m~p__lè:..-t_e_ __ _ _ _ _ _ _ __ A envoyer à : :....:N:..:::o~m~:_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ __ AVISA Prénom :

__________

AUDIO-VISUEL SATI SA ~=~~ Grand-Rue 26 ~R:.:u:.:e~:~_ _ _ _ _ _ _ _ _ __ 1890 ST-MAURICE (Suisse) NP / Lieu: Tél. (025) 375 76 ~~=~

__________


La jeunesse . c'est notre avenir Dites-le à haute voix à vos amis et à vos connaissances:

LE FONDS JEUNESSE DE lA CEV créé à l'ocçasion de son Centenaire réco mpense des performances pa rticulièrement méritoires de jeunes valaisannes et valaisans de toutes professions. Demandez des renseignements complémentaires à nos gui~hets.

CAISSE D'EPARGNE DU VALAIS

olivetti pour écrire et calculer

·Rochers-de-Naye SI

Henri Caloz Rue du Mont Papeterie + Papiers en gros 1951 SION Tëléphone (027) 22 11 92

MONTREUX, 2045 m

Panorama le plus grandiose sur le Lac Léman, les Alpes suisses et françaises . Jardin alpin . Hôtel-restaurant. Prix spéciaux pour écoles.

Modèle portable dès Fr. 295.Service d'entretien et de revision rapide et sûr pour tout le Valais

Nombreux itinéraires pédestres. possibilité de rejoindre le chemin de fer MontreuxOberland bernois à Allières ou aux ·Avants.

Renseignements, service de publicité MaS, 1815 Clarens, tél. (021) '6 15522.

~-----------------------------------~--------------------------~

SI ERRE - Tél. (027) 551734 SION - Tél. (027) 233410 Repr. P. STUDER - Tél. (027) 223991

Mme E. Olivier-Elsig et Michel Rudaz Rue de Lausanne ' SION


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.