No 01 l'Ecole primaire, 15 Novembre 1892

Page 1

-

16

trois ans, dès qu'elle est bien développée, on la tend en quatre morceaux, dans le sens de la longueur, et on la fait dessécher ainsi au soleil, à l'air ou à l'étuve. Si elle n'était pas desséchée, elle pourrirait. Aussi longtemps qu'allo reste verte, il ne s'en exhale aucun arome, maïa dès que la dessication est achevée, elle répand une douce odeur qui lient de celle do J'iris et de la violette. Alors on l'introduit dans Je linge sec ou dans les armoires 0~ il est d'usage de le renfermer. 1uée par une toile d'araignée. - A Liverpool, une femme s'était fait une coupure à la main. Pour arrêter le sang elle employa ce qu'on appelle un • remède de bonne femme • : elle mit sur la coupure une toile d'araignée. Sa main ne tarda pas à enfle1·, puis le bras, etc, Six semaines après elle était morte. Elle avait succom. bé à un empoisonnement du sang causé par quelque ordure contenue dans la toile d'araignée. Avis aux personnes qui préconisent l'emploi des toiles d'araignées contre les coupures. lntelltgence des chiens. - On a vu, il y a quelques jours à Londres, un chien accourir, une lettre toute affranchie à la gueule, vers la boîte aux lettres. Le facteur venait précisément de faire sa levée et s'éloignait rapidement. Le chien l'aperçut, s'élança sur ces traces, le ratrappa, lui mit sa lettre entre les mains et se sauva avec l'air satisfait d'un chien qui a rempli son devoir, Les yeux fatigués. - Il arrive souvent qu'on ait lea yeux rougis et fa~igués par diverse~ causes1 ~ont la principale est la veille trop prolongee. Vo1c1 un remède aussi simple qu'efficace. Il suffit de se laver les yeux, deux ou trois fois par jour, avec du thé tiède et non sucré. Ce collyre élémentaire dissipe la douleur, dégonfle les paupières et redonne à l'œil sa fraîcheur ot son éclat ordinaires.

-oEn classe. -

Elève Jolimufle, quels changements se sont produits depuis deux ans dans la carte d'Europe! - M'sieu, on l'a vernie deux fois. A l'école. - Paul: Combien foot 2 fois 3.- 4, Msieu. - Mon garçon, tu ne feras jamais ton chemin • dans • le monde. - Tant pis je le ferai ~ autour •. ---------------~~~~e~--------

X II••

AX~EE

REVUE PÉDAGOGIQUE P UBLIÉE SOUS LES AUSPICES DE LA

SOCIETE VALAISANNE D'EDUCATION L'ÉCOLE PRIMAIRE paratt chaque quinzaine, de Novembre à Avril inclusivement, en livraisons de i6 pages. Prix d'abonnement pour Ja 8ulsflle, 2 .fr. 5 0 . Union po11tale 3 Cr. ~nnonee11,

p 1·ia, 20 cent. la lig11e ou so" espace.

~ou t

ouvr age dont l ' E cole p1·imai1'e recevra deux exemplaires aura droit à une ann one~> ou à un compte-rendu, s'il y a lieu.

SOMMAIRE: Attention. - De nouveau la lecture. - De l'Éducation. - D e la musique et du cha nt. L 'enseignem ent de l'histoire nationale. - De l'é m ulation à l'é cole. - L 'homme qui sait lire et écrire. - Partie pratique. - Dictées . Sujets de composition fra nçaise. - Supplé ment: Le dmier de la Veuve. - !,es poù-es du notairt!. - La P érinette par J1!ario.

Tout ce qui concerne la publication doit être adressé

à l'éditeur : M. P. PIGNAT, secrétaire au Département de l'Instruction publique, à Sion.


publication d'un intéressant article intitulé: Les instituteurs

et l'abus du tabac, dft à notre toujours dé,·oué et désintéressé collaborateur M. A. ( 'harron. ancien professem

à Montargis (Loiret, !''rance).

OUVRAGE S ET MATÉRIEL SCOLAIRES AUTEUR •

* •

.. "'

$

• "

..

TITRE

Grammain du Valais , La rive d: Fleury Grammainl prépa.-atoire XXX Catèchisme d" diocèse XXX Ami de l'enfance, 1er livre de lecture, 10me édit. GuYAU 2me Li1JI·e de lecl!u·e (livre de l'èlève) , >> (livre du maître), xxx Elément.• de _qéogmphie à l'usage des éco les prim. Bible illustrée â l'us~gc de ln jeunesse 80URQUARII s. l\1. IITéthnde de lecltt•·e correspondant avec les tableaux du même Abrégé d'histoire de la Smsse, suivi d'un précis J. ST. w. d'inst. civ. xxx Eléments d'm·ithmétique, suivi de plus de 2000 exercic~s et problèmes à l'uEage des éco les primaires (1) Kœhl, prof. Recueil de chants r>our l'école et IH famille, précédé d'une méthode élèmentaire et d'un petit solfège lt) PERRIARO et Aux 1·ec•·ues s"isses, opuscule spécialement GoLAz d·estiné aux élèves des cours de répétition LAROUSSE Dictionnail·e complet de la langue franç~ise, tllustré, (1464 p. ) NouvetJit dictionnai1'e de la langue française, i llnstré, ( 1224 pages) LKUZII'IGIIR Ca•·tedelaSuüse pour les écoles (papier japonais) Sujets et modèles de leçons de choses PAR OZ Nou1Jelle méthode de calcul oral (maitre) HKINRICH Jlfétlwde analytique de styl!l (année prépnratoire) Frère P. (1re année , , (2e a•mée) Lr. Li,rc drt maît1·e pour chacun · des cours, BaRNARD

PRIX -80 60

1 2 ·1

50 60 50 50 5\l -

-

45

-

80

1 fr. clans le canton du \"alai~

L'ECOLE PRIMAIRE REVUE PÉDAGOGIQUE PUBLIÉE SOUS L ES AUSPICES DE LA.

SOCIÉTÉ VALAISANNE D'ÉDUCATION

1 :!5

1 25 -

1.99::2-93

60 3 50 2 60

;;o

1 ·1 1 1 1 3

30 20 20 20 -

Une remise de 10 OJo est accordée sor le prix de• ouvrages marqués d:on * au personnel enseignant et. d'une manière générale, aux autorités communal es et détaillants. 1)

1

"==================,=========== L'ÉCOLE PRIMAIRE parait chaque quinzaine, de Novembre à Avril inclusivement, en livraisons de 16 pages. Prix d'abonnement pour la 8nls8e, 2 fr. 50. Union postale 3 fr.

Tout ce qui concerne la publication doit être adressé à l'éditeur : M. P. PIGNAT, secrétaire au Département de l'Instruction publique, à Sion.


1.'ABLE DES MATIÈRES contmues dans l'mmdc z892-93 de l'Ecole Primaire

Les articles marqués d'un * émanent de la rédaction ou de ses collaborateurs et correspondants spéciaux. rases

• De nouveau la lecture 1, • De l 'éduca.tiou . . 2, 72, De la musique et ùu chaut. . . . . 5, 21. 41, • L'enseignement de l'Histoire nationale, par Senectus De l'émulation à. l'école, par S. JUontavon 8, 25, • L'homme qui sait lire et écrire . . . 19, • Les instituteurs et l'abus du tabac, par A. Chanon 26, La curiosité mise à. profit • . 33, • De l'élocution et de la rédaction 49, • Gouvernement d'tme classe . . • Apostolat de l'instituteur, par J.-B. S. • Quelques réflexions à. propos de la lecture ' De l'autorité, par Vital Latt.ion . . . . . . • L'histoire nationale à. l'école primaire, par J os. Quinodoz • Nos conférences d'instituteurs . . . . . . • Quelques réflexions, par B'* ' Résignation, par Mario*•• . 82, Cnlture de la volonté . . . Du dévouement, par Vital Lattiou La Gymnastique à. l'école . . 71, De l'affaiblissement des caractères, par Dom Bosco lllS'"lLutLetll' et les autorités supérieures, par A. C. . l'ordre, par Victorien Darbellay . . . Importance du choix des sujets de lecture par J.-B. S. lfos bibliothèques d'instituteurs, par un instituteur Les nigauds . . . . . . . 113, Lu dictées à. l 'école primaire, par A. C. 116, Du Cours de répétition, par J.-B. S. Les travanx manuels, par A. Gilliérou . que vaut un nid d'oiseau . . . 129, 146, 167, de notre vocation d'instituteur première éducation de l'enfant

.

.

17 84

121 7

37 10 35 40 55

65 51 52 57 61

67 70 81 98 85 88 90 98 100 103 156 137 114 133 118

122

177 131


SION. 15 Novembre

* lmportance

de l'histoire, par Vital Lattion

* Primes d'instituteurs •

0

. 139, . 140, 171,

*

Echos des conférences La Uontre psychologique . * Déboires de l'instituteur . . . . * Les rapporteurs à nos réunions générales . * Le compte-rendu de la lecture, par C. W. 152, * La. visite d'tm inspecteur . . . . . . * Société valaisanne d'éducation (Appel et relahon) • ] 61, * Un vieux maître aux débutants . . * Examens des recrues valaisannes de 1892 La réforme orthographique . . · .· . · · . ,, Les sciences physiques et naturelles à l'école pnmau·e, par A. C. ~ Les vacances • . . . . . . . . . Pa1·tie pratiqtte: Thèmes donnés aux examens <les recrues, sujets de style, dictée~, calcul oral, etc. 14, 28, 42, 58, 76, 93, 110, 124, 144, 156, Vm-iétés: Récits, poésies, anecdotes 11colaires 31, 49, 64, 79, 111, 126, 160, Au sujet de la table qui précède1 nous a~ons omis l'indic~tion des variétés, chi"oniques, avis offiCiels et _Pl"lV:és, annonces diversea, mentionnés dans la couverture de la pubhcahon. A la présente table est encore joint le titre. A ce sujet, nous nuons à engager ceux de nos abonnés q~i aurai.ent la collection de l'Ecole pdmaù·e et voudraient la fa1re reher, de conserver corps <le la publication les suppléments et la couverture de quels peuvent., en raison de leur contenu, être consultés à. avec utilité.

1892-93

L'ECOLE PRIMAIRE ORGANE DE LA

SOCIÉTÉ VALAISANNE D'ÉDUCATION

0

0

0

Annexes à l'Ecole primaire Indépendamment des matières contenues dans le corps de cation, l'Ecole JWimail·e a don~é en 1892-~3 de no_m?reux su~1plê:IUII contenant : La l'él·inette, les Powes dtt notau·e, Le geme des sannes, par :Uario. Du caractère. Diverses légen~es d'~~ •• t ...Q.mn•nt Valais il y a deux siècles. Tableau du personnel enseignant pour Nos frères noil·s, par l\Ia.ri?, Une S_œur va~a.isa:nne dans l'Inde, de Nettilloz, par L. Courtbion, Hol""tZons lotntams, par lles animattx, par C. W. L'Esclavagi$me au Sattdan, par nombreux antres articles et variétés intéressant l'agriculture, le l'industrie, l'économie sociale. Il est à désirer que ces suppléments soient conservés et reliés aveo publication elle-même. Ils peuvent figurer avantageusement à la 1111 volume.

·~·

..A..tt enti on. Toutes les personnes qui recevront les Nos 1 et 2 de J'ECOLE PRIMAIRE sans les .avoir refusés dans le délai de 10 jours après leur I'éception, seront censées abonnées. La signature <le celles qui refusent est nécessaire pour constater (lüment le renvoi de la publication. L'EDITEUR

De nouveau la lecture. Les derniers examens des recrues ont de nouveau constaté un pt·ogrès dans la marche de nos classes primaires: la moyenne générale s'est encore améliorée de près de trois dixièmes; de 10,26 qu'elle était en 189·1, elle n'est plus que de 9,90, résultat dont nous avons tout lieu de nous réjouir, d'autant plus que nous nous rapprochons de plus en plus de la moyenne générale des autres cantons, et qu'il n'y a plus que quelques centièmea qui nous séparent de ceux qui nous devancent immédiatement. Le progrès de 189'1 se fait surtout sentir pour l'histoire, la géographie et l'instruction civique. Pour ces trois branches, le Valais occupe le seizième rang de la Confédération, tandis que nous n'arrivons qu'au vingt-troisième pout· la lecture; au:~si cette dernière année n'avons-uous avancé que d'un centième pour cette matière, tandis que les deux années précédentes, nous avons diminué la moyenne d'un treizième et d'un ueuvième. Ces résultats nous montrent bien clairement que la lecture, cependant si utile et si nécessaire, est à peu près toujours la partie la plus faible et la plus négligée de notre enseignement primaire. Si nos recl'Ues peuvent apprendre l'histoire, la géographie et l'instruction civique, pourquoi, avec de bons procédés et une habile


-

2 -

direction, n'arriveraient-ils pas, pend ant le même temps, à lü·e avec aisance et cot·t·ection? Que tout le personnel enseignant veuille de nouveau r·edoublet· d'efforts, prêter une attention toute spéciale à cette branche d'enseignement_. et la cultiver si bien qu'il ne sorte plus d'élèves de nos écoles, embarrassés pour la lecture; soyons bien persuadés que les soins tout particuliers donnés à. cette branche ne seront pas perdus pour les autr~s matières, le slyle et l'histoire surtout s'en t·essenLiront d'noe manière avantageuse. Un premier moyen, selon nous, à employer pour bien enseigner la lecture, c'est la syllabisation, c'est-à-dire, l'articulation lente et bien distincte avec pauses de toutes les syllabes, muettes comme les autres, et cela tont le temps que les élèves mettent à parcourir les tableaux de lecture, ainsi que les 20 ou 30 premières pages de l'Ami de l'enfance; si bien que les deux premières années, il ne peut, à aucun prix, être question d'une lecture courante. Cet exercice peut et doit se faire même souvent en chœur par tous les enfants d'une même division. De grands avantages en résultent: les élèves d'une même division s'encouragent, s'en har·dissen t ; la timidité naturelle disparaît, leurs organes et leur oreille se forment, tous les enfants d'une section sont occupés à la fois, les plus lents sont entraînés par les autres. Ils sont en général plus attentifs, les meilleurs communiquent la bonne prononciation à ceux chez qui elle est vicieuse, et les élèves lisant de la sorte plus souvent, prennent l'habitude de la lecture à haute voix; ainsi préparés pendant les deux premières années qu'ils fréquentent l'école, ils n'éprouveront plus aucune difficulté à se mettre à la lecLnre courante. Familiarisés avec les syllabes et les pauses, ils arriveront vite à lire cout·amment, et les mots de quatre à cinq syllabes ne les embarrasseront pas plus que ceux d'une ou de deux. (A suivre.) DE L'ÉDUCATION . L

Il y a quelque temps, un journal a publié sur ce sujet

-

3

un article, dû ~robablement à la plume d'un pédagogue. L'auteur s Y plamt du pen de savoir-vivre d'une certaine partie de ~otre jeunesse, qu'il attribue à la négligence des parents qm ont le tort de se décharger sur l'école d'un 11oio qu'eux seuls devraient. t'emplir. Ce n'est pas, en effet )a prer~:üère fois que notre jeunesse est accusée de manquet: de politesse et surtout de respect envers la vieille3se. Les personnes âgées prétendent qu'autrefois les jeunes gens étaient_ bea?coup plus polis qu'aujourd'hui et qu'ils n'aurai~nt Jamats renc?ntré_ quelqu'un sans lui dire un bonjour amtcal. On pourrait vmr, sans doute, dans cette affirmation, l'e:fpression de ce regl'et du bon vieux temps qu'on retrouve à tous les àges de l'humanité, et dont le ..:ontrepoids se man~feste par 1~ tendance des jeunes générations à glorifier les ep_oq~es qm les ont vues naître et grandir. Quoi qu'il en smt 3. cet égard, et abstraction faite de toute idèe de comparaison avec le pass-é, il faut convenit· qu'tl y a ici une lacune à combler; notre époque est loin d'avoir accompli dans le domaine de l'éducation les mêmes proarès que dans celui de l'instruction, et les expressions trivi~les ou gt·ossières que l'on entend fréquemment sortir· de la bouche des jeunes gens contrastent d'une manière choquante are_c les ~~nn~issances qu'ils ont ~tcquises eu fait de grammatre, d htstmre, de géographie et d'arithmétique. Sans Touloir dégager la responsabilité des parents, nous devons reconnaît!'e que la plupart d'entre eux ne sont nullement capables de donner à letH'S enfants une bonne éducation par la raison bien simple qu'eux-mêmes ne l'ont pas reçue: Les exemp~es qu'ils donnent infirment singuliél'ement l'opinion utrefots l'on était beaucoup plus poli qu'aujourd ' hui. gré, mal gré, il faut bien que l'école prenne sur elle de combler cette lacune qui ne pout ètre que nuisible aux progrès de l'enseignement en général; nons nous sommes demandé 9uel sera1t le moyen le plus pratique à employer att.erndre ce but: J'introduction dans le pt·ogramme de l'Instruction civique nous a amenés à penser des leçous de savoir-vivre pourraient êtra tivnuées dans classe~, sans portee le moindre préjudice anx autres


-

4 -

branches du programme. Il existe snr cette matière de nombreux et excellents ouvrages dont il serait facile d'extraire un manuel approprié aux besoins de la jeunesse. Celui qui eutreprendrait ce travail ferait une œuvre excellente et dont les bienfaits ne tarderaient pas à être appréciés de chacun. Certains instituteurs ne songent à donner à leurs enfants que de l'instruction et néghgen t leur éducation. Sou vent même, sous prétexte de se mettre à la portée de leurs élèves, ils emploient des expressions communes qui se gravent d'autant mieux dans la mémoire qu'on les a entendues à la maison. Et cependant nous ne doutons pas qu'avec un peu de bonne volonté, on ne parvienne à mettre en harmonie l'éducation et l'instruction, ces deux facteurs si nécessaires aux progrès de l'humanité. En terminant l'article auquel nous avons fait allu~IOD, l'auteur consacre quelques mots à l'habitude de saluer les pet·sonnes avec lesquelles on est en relation. Il voudrait chez les enfants plus de déférence; peut-être le gl'ief qu'il soulève est-il fondé dans certaines localités; mais il en est d'a.utrei!, en tous cas. où les enfant~ saluent tout le monde, ce qui ne prouve pas qu'ils soient plus polis pour cela, car la vraie politesse, c'est le vernis de la charité; ot·, pour être vraiment poli, il faut savoir aimet· l~::s autres, vouloir pour eux avant de voulotr pour soi, leur céder la meilleure place, se taire pour les laisser parler, s'effacer pour les faire briller. Sans la politesse, telle qne nous venons de la définir, les relations sociales deviennent insupportables. Le mond e est rempli d'ambitions, d'intét·êts, de rivalités, de convoitises qui se contrarient, Savoir vivre, c'est-à-dire être vraiment poli, consiste donc à s'élever au-dessus de tous ces bas-fonds de la société par la pratique constante de la charité dont la vraie politesse est la sœur. Que l'on soit riche ou pauvre, iostmit ou ignorant, on doit. être poli, parce que dans toutes les situations la politesse 3'impose comme un devoir. On le voit, uou s ne confondons pas la politesse aveG l'étiquette ni avec l'a[ectation du langage. Cette notion si

-

5 -

simple, si élémentait·e du savoir-vivre, est susceptible d'une foule d'applications que les maîtl'es et les parents n'auront pas de peine à découvrir pour peu qu'ils s'en donnent la peine ; ce sr.ra pour eux le meilleur moyen de se faire aimer des enfants et de leur iuspirer cette ~onfiance et ce respect sans lesquels la mission de l'école comme celle de la famille n'aboutira jamais qu'à faire des hommes incomplets, quelque haute instruction qu'iii< aient acquise. De la musique et du chant. Nous reproduiRons ci-apt·ès du Fribourgeois la plus grande partie d'une belle allocution prononcée par M. Je Rév. curè Frossard, de Bulle, à l'occasion d'une fête de chant célébrée dernièrement dans le chef-lieu de la Gruyère.

La musique est l'art d'émouvoir l'âme par la combinaison des sons. Fidèle compague de l'homme, elle embellit son existence; elle exprime ses désirs, sa joie ou sa l.ristesse · elle J'enlraine aux combats, anime son courage, préside ~ ses fê.tes et porte aux cieux l'hommage de sa t'econnaissance; en un mot, la musique est aus~i natut·elle à l'homme que la parole, ce don précieux que Dieu a donné à l'homme pour expt·imer eL communiquer ses pensées. Un savant a dit: « L'homme chante par r-ela seol qu'il pétrie. )) La seule di[érence qui existe entt·e le chant produit par la voix de l'homme qui parle et Je chant produit pat· la musique, c'est que dans la parole ordinaire la voix parcourt des intervalles extrêmement rapprochés les uns des autres, et qui, par là même, sont inappréciables et ne peuvent pas être ramenés à un ordre régulier, tandis que, dans la parole chantée, la voix observe des intet·valles dont l'oreille peut assigner la place dans l'échelle des sons; mais tou$ les deu x. sont de véritables chants par lesquels J'homme célèbre la ~loire .de son Créateur. Et de même que l'homme n'a pas mvente la parole - elle est un don de Dien - de même l'homme n'a point inventé la musique; elle est un présent du Ctel, un doo de la munificence du Créateur. Sans doute, r.homme a pu formu ler les théories de la musique, lui asSigner des lois, imaginer divers in ., truments, inventer des


-

6 -

oraanes pour tt·aduire d'une certaine façon le chan t inté rieaur qui résonne au fond de nos âmes ; mais la musiq elle-même se rattache aux sec~ets instincts de notre nature, et n'a d'antt·e auteur que Dieu lui-même; et les harmo nie& de ce monde ne nous en apportent qu'un écho afi'aibli, Ne peut-on pas dire, en etfet, que les astres forment un admirable chœur d'ensemble'! Ainsi le roi !Jrophète a dit : « Les cieux chantent la gloire de Dieu.» La musique n'e· xiste-t-elle pas dans les flots de l'océan qui viennent ex. pirer en cadeuce sm· la plage ? dans le gl'Ondemen t dll tonnerre, dans les mugissements de ia tempête et dans le chant du rossignol? C'est rlonc avec raison qne la musique a toujours été considérée comme un art divi n. Le but de la musique n'est pas moins remarquable q son ol'lgme. Aujourd'bui, il eii t vrai, on ne lui attnbue d'autre but - au moius bien souvent - que de flatter l'oreille et de capli>er les sens . .Mais il ne faut pas croire qu'un art assez puissant pour produire dans nos âmes lea impressions les plus fortes et les plus pt·vfondes, soit uni· quement destiné à platre. Non, cette dest ination ne serai& pas digne de Dieu, l'auteut· de la musique; elle a un bul plus noble, plus élevé ; elle est appeléa à réveiller le sen1iment religieux et à élevet· les cœur~ vers Dieu. Aussi, nous voyons que dans tous les temps et chez tous lea peuples l'art Je la mnsique a été employé ü rehausser l'éclat des cérémonies sacrées. L'élévation de ce but nous apparaît mieux encore. lorsque nous voyons qne Je chant est de t.outes les formes de la musique, la fot·me la plus sympathique et la pins puis-

sante. En effet, le chant est en quelque sorte la parole vivante et animée; il est l'expression la plus élevée de la pensée et du sen ti ment. Ici l'orateur ci te des textes et des exemples tirés dea Livres saints: paroles de l'Er.clésiast.iqne et de saint Paul ; exemple de David, l'auteur des psaumes que l'Eglise catholiq ue a recueillis comme un précieux héritage; exemple dea chantres chez les HéLreux. Puis il ajoute: « Le chant, a

-

7

dit un grand évêque, est le co~men~~ment de la t.ransfi· guration Lle la parole t~rres lre; c. est 1 elan de la votx humaine vers le monde celes te. » .• Quell e est sa puissance? La votla; , elle est dans ces admirables accords que nous .ve~ons d entendre; elle est dans votre empressement it ventr. st nombreux, d~ns ce, sa 1 ~t temple, pour ,·end re gloir.e à. D1eu et le. rerner~1er d avotr donné à l' homme une vmx st belle, et s t e?lratnante.. , Il n'est don~ pas étonnant que 1E~ltse att. consa~re ~ usage du chaut dans les offices, et qu. elle presen t.~ a Dteu, sous cette forme, la pins gr·ande part\e de ses pn~re~. El~e veut, nous dit un pieux auteur, qu~ l ~Omii_te ~x.tle n ?ublte de la pcttric et qu Il s essate JCI-bas a béPa;:," le Janoaae Cl crayer le lan aaoe des Bienheureux. A suzvre. Cl Cl l!> Ç)

(

)

L'enseignement de l'histoire nationale. Nous penson:'l qu'on doit commenc.er l'élu.de de l'histoi re nationale pat· les temps les plus anctens, b1~u que ce .ne soit point Ht alle!' dll conn u à l'wco unn .. M~1s ~nyent cltre aux enfants que l'ancien nom dn pays etatt. cetm de Helvélie, en indiquer les limites, puis parl e~ enst~Jte, des. peuples qui l'habitaien t. L~ Suisse, d'abot'C! hbre a l ~t·tgtne: fut soumise aux Romams par Jules-Cesar. Envah1e par les Bourgo ndes ou Bourguignons, elle fit partie ?e la Fl'a nce (Gaule) sous les rois de la première race, pu1s fut rénme à J'Allemagne . .Mais la tyrannie des gouverne ur:; allemand s rendit odieux le jou a de l'empereur Albert. Les canto ns de Scbwy tz, d'Unterw:lden et d'Uri se so.ulevère? t en i308 et fonJèrent la Confédération suisse, atnst appelee elu nom du pins considérable des trois cantons. C'est ici que se place le fameux épisode .de Gu!llaume Tell. La nouvelle Confédération eut à soulemr ensmle une lutte temble contre les ducs de Bourgogne qu'elle vainquit en plu s~eu rs rencontres notamment à Morat et à Grandson. En meme temps elle s'~ccroissait successivement, jusqu'en 1513, de dix autres cantons. Vien t ensuite la Réforme, qui trouble profondément la Suisse. Cal vin et son disciple Zwin gli, soldat. devenu curé,


-

8 -

prêchent la nouvelle doctt·ine qui finit par s'implanter dans sept cantons, cenx de Zurich, Berne, Bâle, S0hafibouse, Vaud, Genève et Neuchâtel. Le5 autre5 cantons demeurèrent catholiques. La guerre de trente ans, t6f8-'l648, causée en pat·tie pat· les querelles religieuses, se termiu e par la paix. de Westphalie, qui consacre l'indépendance de la Suisse. Le pays reste relativement tranquille jusqu'à la Révolution franÇil-ise. En '1803, de grands changements s'opérèrent dans la constitution de la Sui3se, sous lit médiation de Nap0léon Bonaparte; plusieurs petits Etats, aupat·a va. nt sujets on alliés de la Suisse, mais qui ne faisaient point partie de la confédération, y entrP.rent et formèrent, avec quelques pat·ties distraites du canton de Berne, les nouveaux. cantons d'Argovie, de Saint-Gall, des Grisons, du Tessin, de Thurgovie et de Vaud. La république helvétique compt·it alors '19 cantons. En ·18'15, le congrès de Vienne y réunit le s trois cantons de Genève, du Va lais et de Neucbàtel. Telles sont les grandes lignes de l'histoire de la Sui::;se. L'in stituteur y joindt·a des développements relatif.s à la féodalité, il compat·era surtout les idées et les préjugés de cette époque aux idées d'aujourd'hui. L'histoire s'enseigne prin ci palemen t par des récits que des tableanx. et des gravures fixent. dans le souvenir; les dates principales seulement seront apprises par cœul' pout· servir de jalons chronologique::; destinés à mettre un ot·dre indispensable dans les faits étudiés. SENEcr~_;s. De l'émulation à l'école. L'article ci-après est de M. Monta von, instituteur j urassieo. Nous l'empruntons à un journal bernois dans lequel il a eu en son temps les honn~urs de la publicité.

L'émulation est chose importante à l'école primaire. Elle est, en effet, un puissant moyen d'éducation et de développement intellectuel, surtout à notre époque où l'on fait tant de sacrifices pour l'instruction. Parlons donc aujourd'hui d'émulation, de cette vertu pédagogique, si je puis l'appeler ainsi, qui pousse les élèves à rivaliset' de zèle et d'ardeur pour progresser.

-

9 -

Mais quels sont les meilleut·s moyens ponr obtenit· le lus d'émulation à l'école primaire? La réponse a cette :uestion est assez difficile à donnet'. Les uns les voient nombreux et variés; d'autres, sans les ignorer, ne les goûtent . que fort peu ?u pa~ tous, alléguant de~> motifs aussi raisonnables que pedagogtq ues. Ici interviennent tout d'abord les punitions et. les récompenses. JI serait beau naturellement que l'on pût conduire l'enfance par le seul se ntiment du devoir, sans employet' le double stimulant de l'espét·ance et de la crainte, sans récompenser, sans punir. Malheureusement, le:; auteurs de cet admit·able système n'ont oublié qu'une chose: la nature de l'homme dont l'enfance présente déJà tous les traits. La vérité est que les enfants. comme les hommes, ne peuvent être dirigés sans pénalité et sans rémunération. - Mais avant de vou.s parlet' des unes et des autres, qu'il me soit permis de rappeler que l'instituteur doit être fortement convaincu de sa noble tâche, qui consiste à élever et former des hommes utiles, à communiquer des connaissances

aux enfants et à développer leurs facultés intellectuelles. II doit posséder aussi les qualités d'un bon maitre, c'est-àdire qu'il est dévo ué, désintéressé et profondément moral. Un tel instituteur pourra employer sûrement et sagemeut tous les moyens négatifs et positifs recommandés pat· les hommes d'école, fai sant le sacrifice de ses vues personnelle5 pour consulter denx grandes autorités: le sens commun et l'expérience. Il sera sobre des uns et des autres, car il n'y a rien de pis que des écoliers blasés sur les punitions et les récompen5es; ils se moquent des premières, se soucient peu des secondes et ne présentent, pour ainsi dire, que plus de prises à la main i nhabi le qui les gouverne. Mais parlons des moyens négatif::;. Il ne faut pas comme on dit gàter le métier, en punissan t sans discernement ou avec violence et ne pas obséder ces pauvres enfants pour des vétilles sans importance. L'éd ucateur doit ignorer certaines fautes légères et ôter à sa surveillance tout caractère inquisitorial, laissant à cet âge mobile une latitude


-

-

10 -

légère et inofiensi ve; toutefois sa vigilance s~-:ra per et sa sévérité inflexible pout· la laute grave et contag1e La gradation, loi salutaire en toutes choses, doit être st tement observée et il est prudent de ne pas aller au terme extrême des punitions. Signe, coup d'œil, avertissement Yerbal, reproche, menace, puis chàliment effectif, voila qu semb le être la règle à suivre pour ce moyen disciplinai Quant à la série des punitions, elle ne doit pas être lo Les cbâ.timen ls corporels proprement d ils seront pro · de l'école. La fél'Ule, employée si fréquemment autt·efois, doit plus être de mode. Cet instrument hypocrite pourtant, encore aujourd'hui, être destiné à marquet· positions sur la t:iule, a indiquer les lettres on chiffre& des tableaux; mais, dans les mains de l'instituteur, elle carte so uvent jusqu'à l'épaule des écoliers distraits et ba.. vards, qn'elle cingle pour les ramener à l'atteutio n et au silence. _ Je ne parlerai pas des différents autres genres de pu t10ns dont certains instiiuteurs peuvent avoir le secret qui so nt pour cela d'autant plus funestes et blâmable.). dii·ai seul emeut que l'illi;ti lu te ur iu telligeu t et consciencie111 doit sans cesse chercher à agir sm· l'espl'it et le cœur lo1·squ'il se voit dans la nécessité de punir. Crwsenana toujours l'égalité d'humeur, la sévérité sera tempérée par une_ bonté qu'elle ne doit jamais exclure et il se rappellera ·tOUJOurs que la prudence prépare et nourrit l'émulation. (tt

suivre.)

L'homme qui sait lire et écl'ire. Quand les premie1·s hommes erraient encore sur la forcés de conduire leurs tJ·oupeaux. là où s'étendaient les plus riches pâtm·ages, un des fils de Japhet s'était endoriQi dans la solitude, près de ses brebis. Or, il fit un rêve, que voici : Il lui sembla qu'il se trouvait sur une haute mon d'où il appercevait au loin les tentes de sa tribu et de beaucoup d'autres tribus amies. A cette vue, son bondit de joie, il tendit les bt·as vers les tentes et éle,·a

11

-

voix. pom· appeler ses parents et ses sœm·s; mais la distance ne lui permettait ni d'entendre, ni d'être entendu. Il ~·a~ressa. en vain a_ux nuages pou~· ]e transporter jusqu a :ses freres, aux. otseaux pour hu prêter leurs ailes, aux vents pour tt'ansmettre ses paroles; le vent, les oiseaux et les nuages passèreut sans l'écouter. Les yeux du pasteur sc remplirent de larmes, il cria au Dieu de ses pères : - Etre_ tout puissant 1 affranchis-moi de l'espace et du temps 1 fais que, dans ma solitude, je puisse parler aux autres hommes, entendre ce qu'ils pensent maintenant et ce qu'ils ont .pensé autrefois. Alors un ange descendit, et, lui remettant une tablette sur laquelle étaient tracés quelques signes, il lui dit: - _A~prends d'abord à reconnaître ces caractères, puis à les 1m1ter, et ton souhait sera accompli. C'était !'_alphabet que Dieu donnait au genre humain, et, avec lut les deux art~ les plus uti les à se:; progrès et à son bonheur: la lecture et l'écritu re! Grâce à eux, en effet, qu'importent l'éloianement et la solitude ? ;, L'homme qui sait lire cause avec les absents; il t·eçoit leurs confidences, il entend Jenrs assurances d'affection il sait ce. qu'ils,_ font, . ce qu'ils pensent., ce qu'ils désir~nt. Le papier qu Il reçoit couvert de signes qu'ils ont tracés est par_eil. à ces_ talismans, qui pouvaient, dit-on, évoque 1• les amis eJOJgne.s, les montret· à nos yeux dans leUI's senti· ments et leurs occupations. Sans la lecture les -absents . ' seraient comme des morts, cal' on cesserait de savoir où ils sont, ce dont ils s'occupent, s'ils se souviennent encot·e et si nous continuons à leur être chers. Otez ces entretiens écrits qui ravivent la mémoire et raniment Je cœur et la plupart des liens seraient rompus par l'éloianement~ L'homme qui sait lire est en communication n~n-seule­ ment avec iies amis, mais avec J'univers. La terre ne finit point pour lui à l'étroit espace que peut embrasset· son regard, il. participe à la ' 'ie commune; il n'y a plus d '~ ­ trangers a ses yeux, ca1· il sait l'histoire de toutes les


-

12 -

nations; plus de contrées inconnues, car les livres lui ont montr·é le monde entier comme dans un miroir. L'homme qui sait lire converse même avec les morts~ penché sm les éerits auxquels ils ont confié leurs pensées, il semble que les par·oles des grands bommes s'élèvent des pages muettes à son esprit; il reçoit les leçons de tous ces génies semés sur la route du temps, comme les ét01les sur la route de notre globe; il profile de leur expérience, il ajoute de leurs réflexions à ses réflexions, il devient le légataire universel de l'héritage de sagesse laissé par les siècles qui l'ont précédé. . L'homme qui sait lire peut tout apprendre; l'enseignement lui arrive directement sans passer· par la bouche du maître ; les livres sont pour lui des éùoles toujours ouvertes qui le suivent jusq u'au milien de la soli tude, et qu'aucune volonté ne peut fermer. L'homme qui sait lire ne connaît pas J'ennui; il a à sa disposition tout ce qui peut éveiller la curiosité, intéresser l'esprit, émouvoir· l'imagination. Veut-il voyag3r au loin, entendre le récit des désastt·es ou des tr·iomphes de son pays, écouter les inspirations des poètes, assister aux merveilleuses découvertP.s des savants, suivre les aventmes romanesques de quelque héros imaginaire, la lecture, comme une fée complaisante, l'emporte où il veut aller 1 souverain tout-puissant. sa cour est fot·mée des plus grands génies que la tel'l'e ait vu naître, et qui, esclave de son plaisir, se taisent ou élèvent la voix selon sa fantaisie. L'homme qui sait lire enfin semble mnltiplier· ses facultés et agrandir· sa nature. Il est mille fonctions qlll ne peuvent être confiées qu'a lui seul; aux yeux de la société, il a un sens de plus que l'ignorant ; il appartient, pour ainsi dire, à un rang plus élevé dans l'ordre des êtres. Mais la lecture n'est quo la moitié de la. science indispensable; elle c.ommence l'homme social; l'écriture le complète. L'homme qui ne sait point écrire lit les pensées des autres. mais il ne peut faire lire ses propres pensèes; il

-

13 -

entend sans avoir la faculté de répondre; il a reçu l'ouïe, il Jui manque la parole 1 ses relations avec les absens se bornent à un éternel monologue dont il est l'auditeur muet ; aucun moyen de faire à son tour ses confidences, d'adresser une question ni de dire ce qu'il veut 1 L'homme q ni oe sait pas écrire se défie en vain des infidélités de sa m~moire; il ne peut fixer par une note invariable le souvenir présent; tout se détruit successivement derriàe lui, les dates, les noms, les circonstances, parce qu'il n'a pu rien rattacher à des signes précis; son cerveau ressèmble à ces peaux préparées sur lesquelles on écrit pour un instant une phrase ou un chiffre fugitifs ; chaque jour y efface le fait de la veille. L'homme qui ne sait pas écrire ne peut expliquer à un absent l'affaire dont dépend sa fortune et son honneur; il voudrait en vain faire parvenir à ceux qui gouvernent sa réclamation ou sa plainte; obligé d'emprunter la main d'un autre homme, il se trouve frappé d'une wrte d'enfance éternelle; c'est nn mineur qui ne peut se produire qu'avec Je secours d'une tutelle. L'homme qui ne sait pas écrire ignore l'art de mettre en ot·dre ses pensées et de les exprimer avec briéveté. Accoutumé à la diffusion de la parole improvisée, il n'él. jamais pu refaire s~s phrases, discuter ses expressions, déplacer ses argumtJnts, étudier enfin c.ette science du langage qui apprend à tout dire sous la meilleure forme et avec le moins de mots. Mais l'homme qui sa.it lire et écrire est comme l'oisean qui a senti pousser ses deux ailes; le monde lui est ouvert 1 il a oLtenu cette victoire sur l'espace et ltl temps que le pasteur demandait à Dieu dans son rêve. Maintenant tout dépend du bon emploi qu'il fera de ses puissants instruments 1 Dès le Paradis terrestre, l'arbre de la science était en même temps l'arbre du bien et du mal. Quiconque saura lire et écrire pourra, certes, faillir, mais, du moins, ce ne sera point sans le savoir; sa faute ne viendra pas de l'ignorance, mais dn choix, et il pourra en être légitimement responsable devant les bommes comme il l'est devant Dieu.


15

t1. Un artisan prévient. ses pratiques qu'à l'avenir il enverra

PARTIE PRATIQUE Nous continuons à publier, comme juaqu'ici, les sujet~ de compositions donnés lor·s des examens de recrues. Lea thèmes ci-après sont ceux de l'automne 1892. Nous com. mençons par les sujet.s de composition. Dans les prochains N•• ce sera Je tour des calculs écrits et oraux. {Tous les sujets peuvent être trattés sous forme de lettre} 1. Ua jeune hommA donne à ses parents des nouvelles de Sùn séjour à l'hôpital, à la ville, à la campagne, etc. 2. Donnllz à un ami des renseignements au sujet d'une placE\ vacante, en lui exposant les avantages de cette place. 3. Sollicitez d'un chef d'atelier des ronseignements SUl' ua ouvrier qui vous a demandé du travail. ~- Ayant l'intention d'acheter un fonds de commerce, voua priez un ami de vous servir de caution. 5. Mettre un ami en garde contre l'émigration en Amérique. 6. Avantages de l'application au travail. 7. Il est nécessau·e de procéder à des réparations urgente" à un bâtiment. Ecrire ùans ce sens à l'artisan qui doit les exécuter. 8. Un jeune homme qui a eu du malheur dans son tour l l'étranger, demande des secours à ses parents. 9. Demandez à un maître de métier s'il serait disposé l prendre votre frère cadet an apprentissage. 10. Donner à un frère absent des nouvelles d'un malheur survenu dans la famille. U. S'informer au sujet d'un objet oublié ou égaré dont on donne la description. i~. Un ouvrier qui a trouvé une bonne place adresse à son ancien maître d'apprentissage une lettre de remerciments. 13. Faire remarquer à un ami les avantages d'un bon examen d'apprenti. 14. Encourager un ami à planter des arbres fruitiers. 15. Les récoltes de cette année. 16. Les dégâts causés par un orage.

ses notes tou~:~ les s1x mo1s. 8 Demandez à un ami, si vous auriez des char;ces de 1 · réussite en vous établissant comme artisan dans sa localité. Il Réponse négative. 110. Réponse affirmative. ~1. Devoirs des enfants envl'rs leurs parents.

DICTÉES LE TRAVAIL Qu'aucune jeune fille ne dédaigne d'apprendre à coudre, à racer, à repasser le lingt>, lors même qu'elle a les moyens de ouvrages par les domestiq11es : elle doit, en effet, les leur et veiller à leur exécution parfaite . Bien conserver le linge fin de l'année un très grand profit, et ici figure à propos proverbe dicté au vieillard par l'expérience: • Il vaut mieux oder un jour que de filer un an. • La jeune fille qui sait ajuster elle-même ses vêtements, et qui pas forcér de rer.ourir pour tous les petits détails de son haà l'aide des ouvrières, mérite des louanges. C'est une économie, si l'on considère que la valeur de l'étoffe d'une est souvent presque égalée par celle de sa façon. Commencez de bonne heure, ô jeune" filles, à tenir vos affaires ordre et propreté 1 Cette louable habitude vous rendra plus le moment eu sera venu, de maintenir l'ordre et la dans vos maisons. LA FAMILLE. Heureux celui que Dieu a fait naltre d'une bonne famille 1 C'est première des bénédictions de la destinée; ot quand je dis un'! famille, je n'entends pas une famille noble, dro cette noblesse hommes honorent et qu'ils enregistrent sur du parchemin. une nobles~e dans toutes les conditions. J'ai connu une famille où cette pureté de sentiruents, où cette chevalerie de fleur de délicatesse, où cette légitimité dt3 traditions la noblesse, étaient aussi visibles dans les actes, dans les manières qu'elles le furent jamais dans les haula monarchie. Il y a la noblesse de la natu re comme celle de la société, et c'est la meilleure. Peu importe à quel de la rue soit le foyer domestique, pourvu qu'il soit le refuge piété, de l'intégrité et de toutes les vertus qui font le bon LAMARTINE.


PIUS Sujets de composition française. SuJet à traitet". VISITE A UNE FERME Les élèves de l'école ont visité une des fHmes de la localité la conduite de leur mallre. Ils ont parcouru le jardin, les ensemencés, visité les étables et la basse-cour. Paul écrit à Jules, qui est depuis peu à Paris, et lui raconte ce qu'il a lui dit pourquoi il veut rester au village et s'ado nner a ux des champs. Pour t P.rminer sa lettre, Paul donne à Jules des velles de leurs parents et lui raconte ce qui s'est passé da111 commune depuis le jour de son départ.

LA MAISONNETTE DE MARGUERITE. Description. Vous décrirez une modeste maison t·ustique habitée par une ûgée; l'aspect extérieU?·; le Jardin; la cuisine, où l'on voit, entrant, Mat·guerite, occupée à (ile1·. ::iur Je pencha nt d 'u n coteau s'élève u ne modeste maison de ~an assez considérabltl, à trés-peu de distance d'un villaj;(e. demeure, à demi cachée par quelques noyers gigantesques, apparence tout à fait ru&tique. Elle est bâlie de pierres de liées par un cimen 1 grossier; sa toiture de tuiles moussues clinée ee prolonge de quelques pieds au delà de l'aplomb railles, et forme ainsi sur deu){ faces du logis une sorte couver te et extérieure, soutenue par des piliers où s' vieux ceps de vigne; un mur de pierres ~:èches, à hauteur maintient les terres du jardin, clos d'une baie d'aubépine, en carrés remplis de divers légumes, et entouré de vieux fruitiers taillés en quenouille ; des touffes de rosiers des saisons forment des buissons à l'angle des carrés; une allée de buis divisaut le jardin en deux parties égales conduit à la La maison se compose d'un rez-de-chaussée surmonté d'un Elle n'a que deux chambres, dont l'une est assez petite; celle par la quelle on en lre dans la maison, est une cuisine, les ustensiles peu nombreux brillent d'une extrême propreté. lit à baldaquin, garni de ses rideaux de serge verte; un buffet monté d'un dressoir, rempll de poti!ries communes; une moire de noyer à ferrures luisantes, quelques escabeaux, à manger, meublent cette pièce ass'!z vaste, éclairée par l'ou d u ballant supérieur de la porte et par une étroite fenêtre. Près de cette fe n être se tient la maltresse de la maison, la vieille Marguerite; elle est assise à cOté de son rouet, qu 'elle tourner vivement. Marguerite porte l'ancien costume des paysans environs de Paris; eL un bonnet ceint d'un mouchoir à rouges rayés de b lanc; sa physionomie est vive et ouvllrte; que âgée de plus de soixante ans, elle sE:mblP. encore trés-alerte d'une santé florissante. X.

ae canrers taches, déchirés, malpropres par le

16

CAH 1ER - S 0 US -MAIN J~c

Secrétariat du Département (le l'Instruction publit]ue, à Sion, fournit les dits calliers, aux conditions suivantes : 8 fr. - le cent, 4: fr. - le demi cent, 2 fr. - le quart de cent. I~e prix ci-dessus représente une t·emise du 20 °j0 sur le cahier, qui ne coûte ainsi que 8 centimes. 40 centimes pour port 1le 60 cahiers et 80 centimes pour 120 cahiers. - Port à la charge flu destinataire. La vente n'a lien qu'au comptant on contre r emboursement postal. Il n' est pas fnit fl'enrois 1l'un pohls inffrienr i1 2 kgs. Pour ce })Oicls le pacJuet contient 23 cahier~; et co11te 1. 85. ~B. En,'oi gratis •l'un spécimen sur 1lemande.

ELÉMENTS D'ARIT HMÉTIQUE A L'USAGE DES ÉCOLES PRIMAIRES

PAR UN PROFESSEOB. DE L'ÉCOLE NORMALE DE SION 1. vol. ca rt. 2··· édition, revue et a ugmentée

Cet ouvrage comprend deux parties; la t-•, théori que et ornéd de figures, la 2m•. pratique , qui compte plus de 2000 exercices Ht problè mes. Au nomb re de ceux-ci, l' on trouve la plupart des s ujets don né.s lors des exa mens des recrues , et don t le Départe ment militaire fédéral a bien vouiu autoriser la reproduction dans ce manuel. C'est une amélioration sensible s ur l'édition pt·écédente. Voici s ur ce classique (très apprécié du corps enseig nant valaisan et accueilli égalemen t avec faveu r dans di verses écoles d'autres canto Ds) e ntr'auh·es appréciations . celles émises par deux ins pecteurs !'colaires étrangors au Valais: • Ce manuel a de r~els avantages sur l e traité de F. P. B. Les définitions thrn riqucs sont plus s impies e t plus précises. J.es p rnblèmcs sont var il·s, en nombre suffisant, ct r~~lle · ment pratiques. f}ou' rage a en outre le nu~rite du bon marché, la reli ure esl d'un Loo goùt et l'impr ession plaît par ses joli ~ caractères . "

Voici l'autre j ugem ent qui concorde avec

1~

précé dent.

• Aux bommes d'~colc lrès nom breux qui re prochaient aux cahiers Zœbr ingcr l'absence complète de tbéorie, l'ouvrage olfre un exposé théoriq ue clair, so bre ct surnsallJment cnm· plct ... . Je garde d'un e xomen attentif du ma nue l lu con viction slncèrc qu:il renre r mt:! un eJCe llent cuurs d'a rithmétique . J'apprécie surtou t le grand nombre et la progr ession Jd~o s raduée des problèmes. »

L~"

Solutions raisonnées r.oût~u t fr. 1. 50 CHOIX DE CANTIQUES CATHOLIQUES

à l'usage de l'ég lise, des écoles et des fa milles, r ecueillis par F.-O. Wolf, professeur au collége et organiste de la cathédrale de Sion. • Ce recueil, dit IR Crerilia, excellente publication ~dltée 11ar ~1. J. Gurtler, a Boncourt Jura -n.), est un des meilleurs de ceux qui ont paru en Suisse, et i1 sem trt-s utile ùans les ~cotes et dan!" l es paroisses pour les offires extra Jiturgit(ues . ..


Ce recueil comprt>nd 70 morceaux doot voici les titres: 1. o .-nctissima. 2. Cantique. 3. Cantique de St-Aipbonse de Ligori. 4. La neur de MHH.•. 5 La mère de misérîeorde.. 6 . .\u saint cœur de l\Jarie. 7. La mère des proscrits. 8. Cantique des pélerins. !l. Hou11m1ge ilia ~ai n te Vierge. 10. Je nms salue, Marie. 11. Jaoua c<Pli. 12. Invitation au culte de Marie. 13. Le mois de mai. 14. A la reine du ciel. 15. La mt'rt: J'afüictioo. 16. L'ima@:e. 17. Le saint nmu de i\htrie. 18. 0 domina mea. 19. Vas insigne devoUonis. 20. Hegina mart!t'om. 21, 22•.·h'e maris stella. 23, 24. Ave MarJa. 25, 26 ~ 2ï. Lita nia Jauretana. 28. Louange à l'Eucbaristie. 29. Uree requies mea in sœcuJum ~;.œ~:uli. 30. Ego dormio et cor weum vigiJat. 31. Discile a me quia mitis sum et humilia rorde. 32 o esca viatormu. SS, 34, 41. 0 salutaris. 35. Vcrhum supcrnum. 36. 0 esca ,·iotorum. 37. Jesus Deus, amor meus. 38. l'ams angeli,.us 39. !\ve vcrum. 40..o\nima Clmsti. 42, 43, 44, 47. Tantum ergu. 4ü, 46. range lingua. 48 .\doranms te. 49. 0 booe Je>u. 50. l'endaot Plvent ül. Gloria. 52. Sur la venue de Jésus-Christ. ii3. ()ans la nuit c e No t-l. 54. Hymnus S lierna.rdi de S Nomine Jesu. 55. negret et amour. 56. Sur le lltJ&tere d~ la croiJ.. 57. Vere languores nostrus. 28. ln domini quadragesimœ. iJ9. Résurrec. th•n de ontre·Seigncur. t;O. Jnvocatiof\_ à PEsprit saint. 61, 69. Veni creator. 63. lAt Tri nité. 64. !>ai nt .Inge gardien. 6:,. Te Ileum l'udamus. 66. Salut catholique. 67. Cantique puur la IJonue mort. 68. cao tique de s. François-Xavier. 69, ïO. ~lotets.

Prix fr. 1. 80 élégamment cartonné. Sur 12 le 13m• P.O

!lUS,

La future Jnénagère Lec:ures et IPÇOnR &ur l'économie tlomPstiqne, la scienM du ménagt>, l'hygièoP et les conuaiRsances né·~essaires à une maîtresse de maison, par M 11• Er·nestine \VIRTH, 3m• édition, cartonné, 4b0 pages.

Division des parties et chapitres. l" PARTIE. - Notions p1·éb'minaires. 1. La famille et le foyer domestique. 2. La femme dr ménage. 3. De l'e~prit de famille. 4. De l'économie domestique. nm• PART!E. - Organisation morale de la maison et qualités d'une bonne ménagère. 1. La prévenance. 2. Les têtes et réunions de famille. 3. Devoirs du voisinage. 4. La lecture Pt la bibliotLéque de la maitresf'e de maison. r•. Du r 6te de la ft-mme dans l'.lducation des enfants. IIIm• PARTIE.- Or.qanisation matél·ielle. et administration éconormque de la maison. 1. Appr~nt1ssage de l'écooomie domestique. 2 Des qualité!l de la bonne ménagère. 3. De l'economie. 4. Emploi de la journée d'une maîtresse de maison. 5. Installation d'un ménage. 6. Distribution intérit?ure de la maison. 7. Cuisine, office, boulangerie, ustensiles et. accessoues de cuisine. 8. Dell domestiques. 9. Blanchissage. et en tretien du linge. 19. Entretien l:'t conservation des aliments. 11. Des travaux à l'aiguille. 12. Des provisions. 13 Manière d'ordonner un dlner. 14. De l'apprentissage de la cuisine. 15. Notions élémentaires de cuisiue. 16. La fermi' et la fermièrP. i 7. Le jardin potager. 18. Chauffag~ et éclairage. 19. R~>cettes et connaiilsances utiles. 20. DA la comptabilité. 21. Conseils d'hygiène.

Au prix réduit de 1 fr. 50 au lieu de 1 fr. 80 qu'il coûte eu libt·arrie.

ALBRECHT, orfèvre, Sion Timbres en caoutchouc, p• qualité, timbres-vitt!sse, dateurs, numéroteurs, médaillons-timbree;, cl·ayons·timbres, timbres· griffes, etc., aux prix les plus modiques.

Supplément aL'ECOLE PRIMAIRE 1 La Périnette. - Le Denier de let Veuve. du Notaire, par Mari o.

L es

Po~res

LA PERINETTE par M.A.RIO (Dédié à l'l!.èole primaire/ Une brave petite vieille, aux yeux limpides comme à quinze ans. Son mari était aveugle. Chargé d'années comme elle, - 145 entre les deux, - ils en comptaient 50 de mar iage. L'idée de célébrer leurs noces d'or ne lfmr vint pas, - et d'ailleurs leur fût-elle venue, que pauvres comme ils l'étaient, ils eussent été bien embarrassés de faire fête, car de temps à autre des semaines entières passaient, où ils auraient eu beau retourner leurs poches, 1l n'en serai t pas tombé le moindre petit sou. A force d'avoir connu les mauvais jours, à force d'avoir eu des revers, leur gêne tournait à la mirère. Ils habitaient une petilf~ maison de bois de chétive apparence, solitairement assise sur la pente, au bord de l'étroit chemin qui conduit au fond d'une des vallées latérales du Valais. Xavier, que son infirmité clouait au logis, ne s'éloignait guère au delà de la clôture du jardin. Dès le premier rayon de soleil du printemps jusqu'aux derniers beaux jours de l'automne, on pouvait le voir la plus grande partie de la journée assis sur un banc vermoulu devant la porte. I l affectionnait cette place qui lui permettait, sinon de voir, du moins d'entend re ce qui se passait sur le chemin, et d'échanger par ci, par là, quelparole avec les gens de la montagne. Il en coûtait au pauvre homme d'être condamné à l'immobi lité. Malgré l'âge, avoir le corps sain, les bras robustes, sen tir en soi la volonté d'agir, - et lorsque la pénurie vous assiège, en être réduit à tourner ses pouces, c'est dur, très dur . Périnette portait à elle seule tout le fardeau des labeurs : soins du ménage, de l'étable et des champs; car depuis que son mari n'y voyait plus, l'énergie de cette vaillante créature avait augmenté du double. P ren dre des ouvriers 1.•• Ah, bien oui 1.•• avec quoi les payer 'P ••• La seule dépense qu'elle osât se permettl a, c'était au temps de la fenaison la journée d'un faucheur pour couper son foin.


-

2 -

3

Pour le resle tout passait par ses mains. Elle ne s'épargnait ni la peine, ni le,s :;ueurs, ~t allait ainsi en se trémoussant d'un bout à 1 autre du JOur, - heureuse le soir quand elle pouvait se dire qu'elle n'avait rien laissé en arrière. Ce n'est pas tout. Elle trouvait encore de bor;nes paro!Ps pour regaillardir son « homme ~, lorsq~'el~e le voyait abattu ou découragé, - même des drolenes à lui conter, qui le faisaient rire malgré lui, et chassaient ses noirs pensers. Pour savoir prendre le vieux à ses heures de • mauvaise lune,, elle était impayable. Moitié grondant, moitié badinant elle arrivait toujours à le ranger de son avis. Lui, 'malgracieux pa~ temp~rament, et . d'è~orce rude marmottait, bougonnait, et neanmoms fimssaJt par se r~sséréner, gagné par l'invincible bonne humeur de sa courageuse moitié. Car bien qu'a~t dehors, s?us la brusque franchise de ses allures ll [l Y. pa~ut guere, 1~ Périnette avait le cœur tendre. Attentive a tout ce IJUI pouvait adoucir les jours de Xavier, All~. ve.illait .à ce qu'il ne manquât pas de tabac, ou qu Il eut tOUJ?urs quelque chose à grignoter pendant les absen.ces qu elle devait faire hors du logis. Et achevant le trw, un gros chat gris, zébré de noir, venait se . frotter contre les jambes de l'aveugle, passait et repa~_sai.L son nez s~r ses souliers, le regarda1t, regardait s elo1gner la Pérmette, et celle-ci partie, venait se pelotonner sur le banc à côté de Xavier. - Puisque tu fais au Mosswu, assis sur ton banc, criait quelquefois la PérineLte à son mari en se retournant dts-voir un chapelet pour moi 1 Il 'y avait b!en un fils, Val<mtin, ~ais O?tt·.e qu'il était marié, et père de quatre marmots, Ii étai.t mdolent au travail, - lâche, - comme on dit au Village, et en somme n'appportait ni aiJe, ni secours à ses parents. Il habitait le hameau voisin, celui cil il avait pris femme, dépensait au fur et à mesure le peu qu'i~ gagn~it, ~.ussi insouciant de l'avenit· de sa propre famille qu ll l etait du ménage des deux 'lieillards. Cela aussi était un gros chagrin pour la mère.

* *

*

A une lieue de la paroisse, et sans voisinage sauf quelques chalets disséminés et habités seulement à ce~· tains moments de l'année, en hivdr le vieux couple VIvait séparé du reste des humains. Rares étaient les pas· sants, plus rares encore les visiteurs. Dans les gros temps de Décembre et de Janvier, où la neige dans sa

danse no~ intA~rompue, s'amasse non seulement par p1eds, ma1s auss1 par to1ses, il y avait des jours, voire des ~ema,1.nes, ~ où le chemin n'était pas même ouvert, ferme qu 11 éta1t par les gonfles et les avalanches. Mais les bonnes gens y étaient fa1 ts, et tell a est la force de l'h~bitude que ni l'un, ni l'autre, ne songeait à s'en plamdre. Sans nouvelles du dehors, sans autre bruit de vie que celui des bestiaux dans l'étable, et le croasse· ment des corbeaux, rien ne les venait distraire de leur isolement. Xavier plus morose se renfermait dans un silenc~ chag1·in, sans autre a~usette que les d iscours pour nre de sa femme, racontés à sa façon histoires d' almanach, etc. La bise fouettait les vitre~ le chat ronronnait, Périnette filait, et l'une après l';utre les heures coulaient. ' Que d'écheveaux filés dans ces lonaues VBillées où ltl cœur gros, plus disposée à pleurer "qu'à plaisanter, la pauvre femme sentait sa gorge se serrPr en pensant aux arriér~s, intérêts, im~ôts à payer, et autres charges que malg~e toutes ses fat1gues et son économie, elle n'avait pu regler à leur écl>.éance. . Car. elle avait. beau ê tre habile fi leuse, le gain en était SI pet1t. Et pms, il y avait toujours le tabac de son homme. C'était là-dessus qu'elle prélevait de. quoi lui en ~chete~. Elle aurait enduré faim et soif plutôt que de l en yr1ver .. ·,: A cette pensée ses doigts couraient plus ag1l es sur 1 etoupe, et plus VIVement aussi son pied faisait mouvoil· la planchette. Mais plus tard, quand venaient les mois d'été la soli t~de s'anim~it du passage des nombreux étrang~rs que Juillet et Aout amena1ent dans les hôtels et pensions du fond de la vallée. C'était sur le chemin un défilé de gens à pi~d ou à cheval, touristes, pensionnats en vacance, gu1des, porteurs, fournisseurs et muletiers. - pes gens du grand monde, - se 1isait Périnette. ébi?~Ie pa_r les ~ostumes au.x couleurs tapageuses, dont cer,ame~ etrangeres se plaisent à faire parade. Des gens qu1 peuvent dépenser sans compter . ... tandis que 1~ pauvre monde comme nous doit travailler toute sa VIe, san~ pouvoir rien épargner pour ses vieux jours ..• ~nfin, c est comme cela ... les uns ont tout, les autres rien. , Ce point noir dl3 la question sociale se dressait comme un problème dans son esprit .... Chaque année se faisait plus dure pour les deux vieillards ~ Nous a~lons en arrière.... tel était leu r mélan ~ col1que refram. A vrai dire, la malechance leur donnait raison. Tout


-

-

4

semblait tourner contre eux. Il avait fallu abat~re leur unique vache, les seigles avaient gelé . . . et b1en que dans la commune on les tînt pour de braves gens, les créanciers se firent plus pressants, . . - Si j'avais encore la vue 'f . . • mu~mura~t Xavier, avec un frisson d'impatience dans les vemes, Je trouverais bien moyen de gagner. Un profond soupir achevait sa pensée. Or un certain été il n'y a pas longtemps, la question dn payement d~s impôts leur était un cauchemar .. .. Tout au plus pouvait-on comp~er 2 à. 3 fr. dans la tasse ébréchée où Périnette déposait les reserv:es ; et p~s n'est besoin de le dire, ce peu de menue D?onna1.e amassee à grand'peine, ne pouvait suffire à les t1r~r. d e~barras. Souvent de toute la nuit, la pauvre VIeille n en fermait pas l'œil. Trop pauvre pour.song~r à. emprunter, du côté des hommes, elle Je savait, il n y avait nen à .attendre. - Si le ciel faisait un miracle .... un petlt m~racle L .. Elle et son vieux en auraiAnt le cœur à l'aise . . .. Et que d'actions de grâces on en rendrait au Bon Dieu"~·:· Mais les semaines passaient, et le miracle ne se faisatt pas.... - Je crois toujours qu'il en vien~ra un . . . ne se las: sait pas de répéter Périnette .pour reconforter ,son, man dans les jours noirs, trop frequents hélas, ou 1 aveugle se laissait aller aux murmures. Puis pour ne pas pleurer, et ne. pas augmenter la tristesse du bonhomme, elle se mettait à ft·edonner quelqu'un des refrains de son jeune temps : • Rossignolet du vert boca~e. •

.

.

Par une belle après-dînée de Juillet, - on etait au_x fenaisons - le soleil dardant d'aplomb sur les pres fraîchem~nt fauchés la brave petite vieille, courbé<> sous une lourde charge de foin serrée dans un drap,_ qu'en dépit de l'âge elle portait vaillamment '3Ur la tete, .essoufflée, haletante, vint s'appuy~r pour re~r~ndre halei_ne, au rebord d'une fontaine rustique, à cole du sentier, simple auge de bois, où le r.ourant ~cumeux d'un filet d'eau limpide, se déversait en gargo~IIlant. Préoccupée, le cœur plus oppresse que de coutun;e, une main sur ses yeux, elle Of:l releva pa~ même la tete au bru it des pas de deux homme~ q01, remontant le chemin s'arrêtèrent devant la fontame. Au ~ême instant, une main se posa sur .son ,épaul~: - Ne remuez pas, ma bonne. femme, Je men vais vous croquer ! ... fit une voix railleuse. Elle tressaillit, et ouvrit les yeux. . Un étranger à la figure satirique, la. regardait .fixe_ment. La voyant si eftarée, il se pnt à rlfe de son emoi.

-------

5 -

- N'ayez peut·; je n'entends pas vous manger ... seulement vous croquer, comprenez-vous 1 .. . avec votre permission ~ . . , De plus en plus ahurie, elle le regardait bouche bée, pensant avoir affaire à un fou. C'était un homme sur la cinquantaine, au regard pet·. çant, à la barbe dt aux cheveux roux, figure de singe ou de guignol, dont l'expression joviale ne tempérait pas la laideur. Et comme Périnette faisait un effort pour se redt·esser, il la retint vivement par le bras : - Ne remuez pas, ma bonne dame, c'est ainsi que je veux faire votre pot·trait . ... - Mon portrait? ... Est-ce cela que 'Tous voule~ dire? - Mais oui, c'est ce que je vous demandA? Tout en parlant, l'étranger avait fait signe à son guide de ui rercettre le sac qu'il portait en bandoulière. Il en sortit un album et des crayons. Interrlite par les façons cavalières de son in~erlocu­ teur, et ne voyant dan.s sa demande qu'une mauvaise plaisanterie, Périnette voulut prétexter que le temps lui manquait. Il fallut que le guide, robuste gars de la montagne,joignit ses instances à celles de l'at·tiste pou1· obtenir qu'elle consentît à poses. La promesse d'une gratification acheva de l'y décider. Elle s'y résigna en disant : Une VIeille comme moi, ça n'en vaut pas la peine ... mais enfin, puisque ça vous fait plaisir. L'ébauche terminée, elle demanda à y jetet· un coup d'œil, ne s'y reconnut guèrl:', et sourit d'un air incrédule. Puis, se disposant à partir : - Ce n'est pas tout de rire, fit-elle, faut sa remettre à l'ouvrage. Encore deux voyages de foin comme celui-ci avant la nuit, et c'est là-haut que je dois aller le chercher .. .. Du doigt, elle montrait sur le revers de la colline un pan de pré à moitié fauché. L'étranger poussa une exclamation de surprise. - Là haut 1 - Ma is n'avez-vous pas quelqu'un à y envoyer à votre place 'f ••. un mari ou des enfants ? Elle secoua la tête. Le guide qui la con naissait, prit alors la parole pour raconter l'infirmité de Xavier, le courage et la persévérance de sa vaillante compagne. - Brave petite femme 1 - s'écria le peintre en lui donnant sur l'épaule une tape d'encouragement-Sapristi 1 on doit reconnaître qu'elle fait honneur à son pays ! ... Et là- dessus, ouvrant son porte-monnaie, il en tira une pièce de 20 fr. qu'il déposa dans la main de la vieille. Etait-ce un rêve? ..• Une de ces pièces d'o r comme jamais encore il n'en avait passé par ses maios ....


-

4

semblait tourner contre eux. Il avait fallu abattre leur unique vache, les seigles avaient gelé . . . et bien que dans la commune on les tint pour de braves gens, les créanciers se firent plus pressants. . . - Si j'avais encore la vue 'P . • • mu~mura~t Xavier, avec un frisson d'impatience dans les vemes, JB trouverais bien moyen de gagner. Un profond soupir achevait sa pensée. Or un certain été il n'y a pas longtemps, la ques' impôts leur était . un caucb emar .... tion 'du payement des Tout au plus pouvait-on compter 2 à. 3 fr. dans la tasse ébréchée où Périnette déposait les reserv:es; et pas n'est besoin de le dire, ce peu de menue monnai,e amaesée à grand'peine, ne pouvait suffire à les tir~r. d e~barras. Souvent de toute la nuit, la pauvre vieille n en fermait pas l'œil. Trop pauvre p~ur .songe.r à. em~runter, du côté des hommes elle le savait, il n y avait nen a attendre. - Si le ciel f~isait un miracle .... un petit miracle 'P .... Elle et son vieux en auraifmt le cœur à l'aise. ... Et que d'actions de grâces on en rendrait au Bon Dieu 'P .... Mais les semaines passaient, et le miracle ne se fa1sa1t pas . ... - Je crois toujours qu'il en viend.ra un ... ne se las: sait pas de répéter Périnette pour reco?forter _son, man dans les jours noirs, trop frequents helas, ou 1aveugle se laissait aller aux murmures. Puis pour ne pas pleurer, et ne. I?as augmenter la tristesse du bonhomme, elle se mettait a fredonner quelqu'un des refrains de son jeune temps: • Rossignolet du vert bocage. • • . Par une belle après-dînée de Juillet, - on etait au.x fenaisons - le soleil dardant d'aplomb sur les pres fraîchem~nt fauchés, la brave pe~ite vieille, courbé<> s~us une lourde charge de foin serree dans un drap,_ qu en dépit de l'âge elle portait vaillamment c;ur la tete, .essoufflée, haletante, vint s'appuyer pour re~rendre halei.ne, au rebord d'une fontaine rustique, à coté du sentier, simple auge de bois, où le courant ~cumeux d'un filet d'eau limpide, se déversait en gargo~illant. Préoccupée, le cœur plus oppresse que d_e coutul':_le, une main sur ses yeux, elle nf:l releva pa~ meme la tete au bruit des pas de <!eux homme~ qm, remontant le chemin s'arrêtèrent devant la fontame. Au ~ême instant, une main se posa sm· .son ,épaul~: - Ne remuez pas, ma bonne. femme, Je men va1s vous croquer 1 .•• fit une voix railleuse. Elle tressaillit, et ouvrit les yeux. . Un étranger à la figure ~atiriqu~, .la. regardait .fixe.ment. La voyant si eftarée, il se prit a nre de son em01.

-

5 -

- N'ayez peut·; ja n'entends pas vous manger . . . seulement vous croque1·, comprenez-vous' .. . avec votre permission "t •.• De plus en plus ahurie, elle le regardait bouche bée, pensant avoir affaire à un fou. C'était un homme sur la cinquantaine, au regard per· çant, à la barbe ot aux cheveux roux, figure de singe ou de guignol, dont l'expression joviale ne tempérait pas la laideur. Et comme Périnette faisait un effort pour se redresser, il la retint vivement par le bras : - Ne remuez pas, ma bonne dame, c'est ainsi que je veux faire votre portrait .. . . -Mon portrait 'P •.• Est-ce cela que "VOus vou! et: dire 'P - Mais oui, c'est ce que je vous demande 'P Tout en parlant, l'étranger avait fait signe à son guide de ui rercettre le sac qu'il portait en bandoulière. Il en sortit un album et des crayons. Interrlite par les façons cavalières de son interlocuteur, et ne voyant dana sa demande qu'une mauvaise plaisanteriE', Périnette voulut prétexter que le temps lui manquait. Il fallut que le guide, robuste gars de la montagne, joignit ses instances à celles de l'artiste pour obtenir qu'elle consentît à poses. La promesse d'une gratification acheva de l'y décider. Elle s'y résigna en disant : - Une vieille comme moi, ça n'en vaut pas la peine ..• mais enfin, puisque ça vous fait plaisir. L'ébauche terminée, elle demanda à y jeter un coup d'œil, ne s'y reconnut guèr€', et sourit d'un air incrédule. Puis, se disposant à partir : - Ce n'est pas tout dfl rire, fit-elle, faut Sd remettre à l'ouvrage. Encore deux voyages de foin comme celui-ci avant la nuit, et c'est là-haut que je dois aller le chercher .... Du doigt, elle montrait sur le revers de la colline un pan de pré à moitié fauché. L'étranger poussa une exclamation de surprise. - Là haut 1 - Mais n'avez·vous pas quelqu'un à y envoyer à votre place 'P ••. un mari ou des enfants "t E lle secoua la tête. Le guide qui la connaissait, prit alors la parole pour raconter l'infirmité de Xavier, le courage et la persévérance de sa vaillante compagne . - Brave petite femme 1 - s'écria le peintre en lui donnant sur l'épaule une tape d'encouragement - Sapristi 1 on doit reconnaître qu'elle fait honneur à son pays 1••• Et là-dessus, ouvrant son porte-monnaie, il en tira une pièce de 20 fr. qu'iL déposa dans la main de la vieille. Etait- ce un rêve 'P ••• Une de ces pièces d'or comme jamais encore il n'en avait passé par ses maios ....


-

6 -

- Combien ça vaut-il ? • . . cette belle pièce ... demanda-t-elle en hésitant. - Vingt francs, ma bonne. - Vingt fraccs 1 - Est-ce bien possible? C'est la première fois que j'en vois comme ça. - Prends-la sflulement, Périnette, lui dit le guide en riant . Il ne vous en tombe_ pas tous les jours dans les mains. Alors, fermant le poing, elle leva sur l'étranger ses deux bons yeux candides, que des larmes de joie obscurcissaient. - Que Dieu vous bénisse ! mon bon Monsieur ... c'est deux pauvres vieux que vons faites bien heureux 1 Et, à la hâte, sans se retourner, ne sentant plus le poids de son fardeau. elle se dirigea vers la maison. Devant la portE>, Xavier, le chat à côté de lui, sommeillait sur le banc. Une joyeuse voix de clairon le fit sursauter. - LA miracle est arrivé 1 • . • lui criait Péri nette. C'est 20 fr. que je t'apporte dans le creux de ma mam 1 MARIO***

LE DENIER DE LA VEUVE par MARIO C'était en l'année ûe grâcA 18 .. la veille de Noël. 4 h. sonnaient à la petite église de Saint-Phi lippe de la Chevroterie. Il p leuvait à torrents. Succédan t à un froid très rigoureux, le dégel était arrivé brusquem~>nt après une for te tom bée de neige. On pataugeait dans une boue profonde e t liquide qui gardait pour un moment l'empreinte des pas. Ruisselant des toits, l'eau débordait des gou ttières et se précipitait dans les tuyaux de descente avec un fracas de cascades, et sous ce dél uge la journée :finissait par un crépuscule hâ ti f, lugub re et oppressant comme une agonie. Au lieu de l'animation habit ue lle à ce jour, la rue était à peu p r ès déserte. Quelques passants à leurs dernières emplettes, des servanles affairéE~s regaguant à pas pressés leur logis, circu laient seuls sur les trottoirs, mal abrités par leurs parapluies qui ne suffisaient pas à les garantir co ntre le choc continu des gouttières. Ce Noël détrempé, boueux et sin istre, portait e n soi

7 quelq~e cho~e d'insolite, une tristesse pénétrante qui gagnait les Jeu~es comme l es vieux. C'était bien fête sur les calendners et aux foyers bien clos des famill'Js, mais pas dans les rues, ni dans l'air. La Chevr?terie, rue étroite et ma lsaine d'un des plus vieux quartters de la VI lle, ne présente que des constructions frustes et sans caractère, des maisons hautes et sombrel", quelques-unes avec des balcons en fer forgé comme on n'en fait plus aujourd'hui; d'autres, lézardées, infectes et suant la mis ère. C'est une rue d'épicier~, d~ ~ruitiers , c!e brocanteurs et àe Juifs, n'étant guère habitee que par le petit commerce et par les pauvres gens qui trouvent à s'y loger à meilleur marché qu'ailleurs. Serrée par le!:! habitations, l'église est à J'unisson du quartier, petite et mesquine. On y accède par une rampe circulaire aux marches détériorées . Une porte grillée s'ouvre sur son porche noirci qui va s'effritant comme la façade . De t'autre côté de la rue lui faisant vis-à-vis, une voûte obscure, sorte de porte-cochère sert d'entrée à une petite auberge. A côté de la voûte' on voit un bureau de tabac, et sur la vitriofl. un écri~ tean poi!'l"fiUX port:mt. r.es mot~ : Bureau des omnibus

J?OUr la Chô.tre, Villeneuve-le-Châtel. Courtilleux et la Rive. Départ à 7 h. du m et 5 h_ du s. * * '·

Un point rouge et lumioeu& se montra au fond de la rue, puis un second plus rapproché suivi de deux à trois .autres. On allumait les. reverbères. L'employé charge de cette besogne, un v1etl lard, s'avançait lentement courbé sous une échelle, qu'il dressa contre le mur dA l'église pour atteindre à la lan terne fixée à l'un de ses angles. Après q uelques efforts infructueux il panint à y faire jaillir une flamme, et posait déjà Je pied en arrière po u r redescendrP, quand une femme penchée sous un paraplu ie déformé vint à passer sur le tro tt oir, rasant do près l'échell e . Chét ivoment vêtue d'une robe d'ind ienne fanée, et couverte d'éclaboussures elle marchait très vi te. ' A pei ne dépassé l'église, elle s'arrêta court pour enfiler la première porte , mais sur le xeu il , dans Je mouvement qu'elle fit. pour fermer son parapluie, ella trébucha et pensa tomber, en même temps qu'un gémi8sement plaint if se faisait entendre à côté d'e lle. Un jeune garçon que, dans sa précipita tion, elle n'avait pas aperçu, était accroupi da ns l'enfoncemen t de l a porte. L a clarté blafa rde du reverbère permettait de distinguer ses trai ts : un pauvre gringalet de 12 à t3 ans, m ouillé jusqu'aux os, tremblant de fièvr1:1.


-

8 -

Elle le considéra un instant. Il avait de gt·ands yeux tristes. - Ah ça, fit-elle, c'est que je ne te voyais pas. Mais aussi, pourquoi t'asseoir ici 'f - J'attends l'omnibus, répondit l'enfant d'une voi.x: creuse . - Pas nécessaire d'arriver sitôt; tu as encore bonnement pour une beure à attendrA . ... - C'est le contre-maîtt•e qui l'a voulu .. .. Il m'a dit: Dépêche-toi de partir pour ne pas le manquer .... Je suis malade, on me renvoie.. . . J'ai marché depuis la manufacture. Il ne put continuer, sa voix se perdit dans un violent accès de toux . Epuisé, il se tut et appuya sa tête contre le mur. La Mariannette, comme on l'appelait, de Marianne, son vrai nom, agrémenté selon l'usage d'un diminutif familier, poussa un soupir, et sans rien ajouter, s'enfonça dans le corridor fangeux que pas une lueur n'éclairait. Bientôt après, T'escalier de bois en colimaçon craqua sous sAs pas. Bien qu'il y fit aussi sombre que dans le corridor, elle le mon tait sans tâtonner, le connaissant trop bien depuie onze mois qu'elle habitait la maison, pour craindre ù'y fait·e une chute. Au-dessus de !'escalie1·, il y avait un étroit palier tout noir aussi, sur lequel s'ouvraient deux ou trois portes d'où s'échappait cette infection particulière aux bouges des cités ouvrières. Mais ce "n'était pas là qu'elle demeurait. Il lui fallut gravir encore trois étages d'escaliers de plus en plus ratdes et tortueux, car la chambt·e qu'elle occupait, une manière de mansarde donnant sur la cour, était au quatrième. Certes, il lui en avait coûté dur de venir se nicher là, mais s'étant trouvée sans ressources à la mort de son mari, elle n'avait eu à choisir qu'entl'e la ï'Ue et ce sordide logis. La maison ... aussi bien aurait-on pu l'appeler - la com· des miracles - connue pour être le ramassis de tous les misérables, crève-la-faim et autres, comprenait pour le moins, assurait-on, une vingtaine de logements. Sale et noire, elle empoisonnait le quartier, et les épidémies, quand elles sévissaient, avaient beau jeu de cet entassement de misères. Au bruit des pas de la Mariannette sur la dernière montée, la porte de son réduit s'ouvrit vivement aux cris de : La mère l la mère 1 ·- et deux gat·çons de cinq à six ans, s'élancèrent dans l'obscurité au-devant d'elle. - Nous appor tes- tu quelque chose? .. . lui demandèrent· ils tous d'une voix.

-

9 -

La voix de la mère s'altéra. - Laissez-moi entrer d'abord, fit-elle avec un peu d'impatience. Comme elle entrait, un autl'e marmot du fond de la chambre, lui cria d'un ton pleureur ! ,-.• - As-tu apporté quelque cho'-'e 'f ... ~;.:.. Et les deux premiers de se suspendre à sa jupe en lui répétant la même question. ., - On vena, je vous dis! ... Voyons que J allume la chandelle. En tâtonnant, elle finit paL' mettre la main sur les allumettes qu'elle tenait en r.lserve à cause des enfants, et en fro tta une contre le mur. Pas de feu. Elle essaie vainement uoA autre, puis une seconde, une troisième. . . . toutes y passeraient, tant le mut", comme tout le reste, est imprégné d'humidité . Heureu~ement elle se souvient que dans sa commode elle en a serré une autre boîte. Peut-être celles-ci prendront en frottant sur le couvercle? ~·Ça y est . Elle a du feu, elle allume un bout de chandelle de suif qui crépite et a l'air de s'éteindre. Cette lumière incurtaine remplit la chambre d'une clarté sépulcrale. Dans le fond, à cô té du lit, il y a une espèce de couchette d'où émerge une petite tête frisée. - Dis, mère? - M'as-tu apporté un Noël 'f - Mes pauvres enfants ..... Il y a dr.s pleurs dans sa voix, elle on a plein les yeux. C'est qu'elle a le cœur bien g~·os, ia Mariannette, et la demande de Jeannot, le petit malade, lui fait mieux sentir toute sa misère. A midi, quand elle était sortie pour aller chez Mlle Séraphine, elle avait donné à espérer, à ses enfants, qu'au retour elle leur apporterait une petite douceut· à cause de la bonne fête, et elle rentrai t l'estomac creux et les mains vides. Pas même du sucre candi pour Jeanoot, qui était p1·is d'un mauvais refroidissement. Cette demoiselle Séraphine était une vieille fille qui l'employait quelques heure~ par semaine à des travaux de nettoyage, et la payait régu lièrement à la fin de chaque mois. Le travail de ce jour achevé, elle l'avait priée d'anticiper ce payement, ou tout au moins de lui en remettre une partie. Par malheur, à ce moment la vieille demoiselle ne se trouvait pas avoir de petite monnaie, et n'entendait pas faire changer un billet à la seule fin de satisfaire la Marian nette.


10

-

Et comme à son refus la pauvre femme avait insisté, alléguant la maladie de Jeannot et la déception des deux autres si elle DA pouvait leur apporter quelque petit régal, elle lui avait répondu avec humeur: - Ce que vous dites . n'a pas l'ombre de bon sens. Où vous mèneront ces gâteries-là~ . . . . Je l'ai dit cent fois, et je le répète encore, les gem~ comme vous n'ont pas d'économie ..... Dépenser votre arg11nt en douceurs, quand du commeucement à la fin de l'année vous ne pouvez nouer les deux bouts 1. . . C'est franchement absurde 1 •.• A cette apostrophe, la Mariannette était restée interdite. Ce n'était pourtant pas qu'on regardât Mll e Séraphine comme une mécba!lto personne. Elle était même charitable , et pour ce motif elle avait été invitée à fair~ partie du Comi té de bienfaisanc(l du quartJet·; ma1s elle avait ses manies, et entr'autres celles de ne vou loir rien changer sous son toit. D'une rigoureuse ponctualité pour tou t ce qui la concernait, son existence était réglée comme un balanci<:r. Elle en exigeait autant du prochain, et sur ce point elle était inexoral1le . Comment donc l'idée àe demander l'avance de son salaire avait-elle pu venir à l'esprit de la Marian nette? - E lle lni paraissait po ur le moins saugrenue.

* Grandes lamentations des enfants lorsqu'ils furent bien convaincus que la mère ne leur cachait pas dans ses poches que lques surprises de Noël. Jtlannot se tordait SUL' sa couchette dans un accès de larmes. Mal remis de la fièvre des jours précédents, agacé par la toux, et faible à ne pas rester un momen t sur ses jambes sans être pris de ver tige, il é tait devenu capricieux et ir ritable. - Bonbon? ... bonbon? ... répétai t-il entre ses hoquets. - Q ue voulez-vous, mes pauvres enfan ts, ce n'est pas ma faute .... Mlle Séraphine n'a rien vou lu m'avancer.... Bien sûr que si je l'avais pu, je vous aurais apporté quelque chose .... bien sût·. Consolez-vous, ce se ra pour l'a nnée prochaine ..... E t les mioches de se désoler de plus belle. Ce désespoir enfan tin fendait le cœur de la Mariannette, car elle étai t sensible malgré que sur son visage il n'y parut guèrl:'. Avec la rude énergie des femmes du peuple q uand elles son t hon nêtes, elle subissai t son sort sans faiblir, et se tenait pour contente de pouvoir donner la palée à ses marmots.

li Mais ce soir-là .... elle sentait son cœur prêt à éclater. Volontiers, elle aussi eût pleuré. sans mot dire, elle décrocha de la paroi un vieux ot de fer·blanc, et sortit de la chambre pour aller ~archer du lait chez la marchande du coin, une brave fem me qui lui en remettait à crédit quand elle n'avait pas d'argent. Sur le seuil, elle retrouva, pelotonné contrA le mur, Je pauvre garçon qui attendait l'omnibus. Sa respiration était sifflante, presque rauque, ses dents claquaient. _ Si ce n'était pas au quatrième, je t'aurais bien dit de monlet· chez moi, fit. elle en se penchant sur lui. L'enfant ouvrit la bouche comme pour parler, mais 811s lèvres n'articulaiont aucun son .... - Encore plus malheu reux que nous, pe nsait la Mariannette en passant outre, - et il en a encore po ur une demi-beure à grelotter.... Pauvre garçon 1 Chez la marchande il y avait une grosse fe mme haute eu voix et en couleurs, Mme Bonnet, la boulangère, qui ae plaignait de n'avoir personne pou r lui aider à porter aoo panier, attendu que par ce déluge elle courait le rif que d'abîmer les rubans de son chapeau. Elle ne demeurait pas loin, et la Mariannette s'offrit l loi rendre ce service. Au moment où après avoir déposé le panier dans l'arrière·boutique, elle se dirigeait vers la sortie, Mme Bonnet la rappela : - Tiens, fit-elle en lui tendant trois brioches dorées et encore toutes chaudes, voilà pour tes mioches, et aussi une pour toi. ... - Vous me rendez la vie 1 s'écria la veuve avec effuaioo, en lPs serrant dans sou tablier. C'é tait un gros erève-cœur pouL' mo i que de n'avoir ri en à donner à mes garçons aujourd 'h ui. · Réjouie par cette généroe ité inatte ndue, olle reprit tivement la di rection de son logis , mais son pas se r aen passan t à côté d u pe tit malheureux toujouL·s dans son coin. - Si j'en avais cinq, se d isai t-elle, je l ui en d onnerais )ien volontiers une .... Pauvre gamin 1 Elle gravit lentement l'escali er. Arr1vée sur le palil'lr du troisième, elle s'arrêta brus!.

Je lui donnerai la mienne 1 fit -elle presque à haute Et comme si elle eût craint que ce bon mouvement se dissipât, elle revint précipitamment sur ses pas. - Prends, mon garçon ; tu as faim, bien sûr ? . ..


-

12

- Merci, répondit l'enfant avec effort, en tendant la ruain. Il ne lui en dit pas davantage, mais incontinent il porta la brioche à sa bouche, et sous la lumière tr~rn. blotante du reverbère , elle eut la satisf'lction de voir son visage s'éclairer. En remontant cette fois, la Mariannette a,·ait le pied plus léger, et le cœur aussi.'~ MARio*•*

.LES

-

-

POIRES DU NOTAIRE par MARIO.

- Ah 1 grredin ... veux-tu bien t'en sauver! ... Je t'apprendrai à ravager mes espaliers 1 . .• Cette mena~e du vieux no taire, dont le visagrl venail d'apparaître dans l'eotrebaillement de la feoêtre, suffit à met.tre en fuite le coupable, un blondin d'une dizaine d'années, pâlot, chétif à fJ.ire pitié, n'ayant pour tout vêtement qu'une chemise en lambeaux, et une vieille culotte garance trop courte pour lui . Fourrant preslement dans sa poche une poit·e jaune d'or sur laquelle pt·écisément tl portait la main - la plus grosse da toutes, - avec une agilité de lézard, il glissa entre les branches du haut en bas de l'espalier, et disparut de toute la vitesse de ses pieds nus par une peWe porte à claire-voie demeurée entr'ouverte. Dans le feu de son indignation, le notait·e, serrant la tabatière dans laquelle il s'apprêtait à prendre une prise, courut avertir sa femme de ce larcin. - Pense-voir un peu! ... le garçon des saltimbanques qui était en train de voler lf'ls poires beurrées 1. •• Courbée sur le foyer où elle préparait le café, dont l'arôme appétissant emplissail la cuisine, Mme Paulina se redressa tout d'une pièce : - Les poires beurrées? ... fit-elle ahurie, pouvant à peine en croire ses oreilles. - Bien sûr, et je crois même quïl a pris la plus belle... Attendste voir, que je vais regarder .... Et de son pas al longé, sa redingote lui battant com· me toujolll's les mollets, sans prendre le temps d'aspirer la pincée de tabac qu'ii tenait entre le pouce el l'index, le notaire sortit de la cuisine. Mme Pauline fit un mouvement pour le suivre, mais

13 -

en fut retenue par la crainte que le lait qu'elle faisait bouillir n'allât au feu. _ C'est trop fort 1••• répéta-t-elle par de ux fois, entre sflS dents qu'elle avait très longues. Les lèvres tremblaient. Le notaire rentt·a : _ C'est comme je l'avais dit ... le mâtin a volé la plus belle, la _rr-eine 1 .- Qu'il y ret?urne, je m'en vais toi faire sentir ma mam. . . . Une pmre comme celle-là qui pesai t au moins la li vre. - C'est honteux de laisser ces jeunes gens stationner dans le village. . . des voleurs, et pas autre chose, répondit Mme Pauline qui ne déridait pas. Et d'un ton plus aigre, elle ajouta avec un 80Upir de chagrin : - Un dessert de moins .... - La faute du syndic, bougonna le notaire en prenant place devant la table où !:'a femme venait de peser la cafetière et le lait fumant. ·- Pourquoi accot·der à des vagabonds l'a y torisation de donner leurs jeux ici f - S'ils avaien t affaire à moi, je n'en accorderais pas une ... gredins que tout çà. - Sans compter qu'il ne manquera pas de revenir puisqu'il a irouvé le chemin de l'espalier, ,observa Mme Pauline. - Ah 1 bien oui 1 • • • r iposta Maître Pédrillon, sitôt que j'aurai avalé mon cad{é, je m'en vais l'aller tt·ouver.... Et il fit comme il l'avait dit. Le repas achevé, d'un geste de mauvaise humeur écartant sa chaise, il prit sa canne, et se [dirigea tout droit vers le hangar où les saltimbanques avaient trouvé un abri. Un homme d'ordre ne laisse point impunément voler ses poires. >Il

*

*

La maison du notaire, voisine de l'église, était au centre du village. C'était une grande bâtisse carrée, d'une uniformité froide, avec une cour pavée devant, et un jardin potager fleuri de plates-bandes derrière. · Maitre Ignace Pédrillon l'occupait seul avec sa femme, - tout son portrait, disait-on, - tant elle semblait avoir été créée à son im;lge. Il l'avait épousée quelque chose comme trois lustres auparavant, deux ans après le décès rle la première Mme Pédrillon, née Benot. Il n'avait jamait:~ eu d'enfant, et - en homme Dien ordonné qu'il était, - en avait aisément pris son parti, - la gent tapageuse n'ap tant, à son avis, qu'un élément de désordre et d'in-


14

-l

subordination jans tout ménage bien rangé. qui par habitude ou tempérament pensait disaH de même. Au physique, le même air de famille - lous grands, gourmés et corrects. Lui, fûté, sec et griso nant; elle, une loogua perchA aux coudLs angule - il semblait qu'uo ressort caché imprimât à leurs vements la même raideur solenLJelle. Cette régrt méthodique se retrouvait dans leurs vêtements comme dans tous les àétails de leur intérieur. Pendant six jours de la semaine, Maître Pédrillon, i variablement vêtu d'une redingote ancien stylo, coul marron, !'échangeait le dimanche contre une autre drap noir à collet de velou':s, accompagnée d'un gilet ramages et d'une cravate blaoche. Vouée comme lui t'lintes sombres, la notairesse ne se départait pas cette sévérité qu'aux graudes fêtes de l'année, ai qu'aux repas de noces et da baptême, où ell13 enuu:~Rillllt'• sa robe de mariage en taffetas violet, genre de fou étriqué et court, qui la serrait étroitement de haut bas, comme pour mieux faire ressortir l'ampleur deux pieds lourds et disgracieux. Seule au village i porter un chapeau fermé, de quelque côté qu'elle tour. nât la tête on ne voyait sortir de cette sorte de cabrio· let que le bout de son oez, qui avait une façon toute drôle de se trouver là, - un nez à corbin, sec et fier, trop prononcé pour une femme, et dépaysé au fond de ce chapeau où, comme factionnaire en sa guérite, il avait toujours l'air de monter la garde. Au dedans mê.ne raideur. Ordre et ponctualité, ils avaient fait de ceLte maxime Jeu1· code de morale, et n'en connaissaient pas d'autre. Peu à peu leur espi·it s'était transformé en une manière de caaier, où tout était calculé, inventorié, chiffré, numéroté. Comme notaire, Maître Pédrillon passait pou1· un homme entendu, possédant toutes les garanties de l'emploi, mais rigide comme la loi, inflexible à faire trembl'3r. Sa femme, dans l'accomplissement de ses devoirs, apportait les mêmes raideurs judaïques. En somme un couple heureux, et qui figé comme il était dans le sentiment de l'ordre et de son bien-être, n'eût pas échangé son sort contre celui de tel ou tel autre entouré du prestige que donne à la richesse l'éclat d'un grand nom,-bonheur compassé et paisible, où l'idéal n'avait riAD à voir, l'élan du cœur encore moins, sans sourire et sana gaieté, que le soleil ne réchauffait pas, et où nulle flamme ne mettait son étincelle.

i5 Il y a des espl'its ainsi faits, qne la routine ench~ine, S Per ceptions sans espaee sans profondeur, à l aise san : d ns le terre à 'terre \<Oulu dune uni'formi't'e s é pu l cra 1e , a trouvant leurs joies, ne voyan.t nen au ~el à, et pou~­ faot heureux. Le ménage du vieux t.abelh.on en offrait le type. Un étang. d'eau stagnante que le Jet du moindre caillou suffisait à troubler. . . . Tombant dans la paix monotone de .?ette vie a deux toute ramasaée sur soi, le vol de la pOire ava1t la portée d'un gros événement. . . Comme il va raide pens.a un VOISID, en voran~ aRser le notaire, tout en le JUivant des. yeux, mtngue ~e savoir cs qui le poussait chez les paûlasses, comme on les appelait au village. . , Tout à son idée, celui-ci h.onora à peine dun reg~rd la scène en plein air, improvisée pour la représe~tatwn du soir, quelques pieux soutenant l~s cordes. ou flott · nt des draperies de cotonnade a grands 1 a mages, ~=Jques oriflammes, u~ drap~au dépena~llé,. plus une iraode affiche en caracteres noirs sur papier J~une, a~­ nonçaut le spectacle alléchant du combat d ArleqUin ec Polichinelle ainsi que les tours merveilleux de ~;ux singes sav;nts, et les ex~rcices de P1er~ot SUI' la corde. Quelques gamins impatients d'en savoir da~an· tage, stationnaient. alent?ur, guettanL par avance 1ouverture de la representatiOn. Mais cela lui importait peu. . .. Ce local une ancienne forge, ne receva1t de lum1ere que par l'entrée, et une lucarn~ pra~iquée a~ dessus du foyer. Pass:>nt de la clarté du JOUr à la. penombre ~e. cette tanière, au premier instant Maitra Padrlllon ne. dis.tiD,g~a rien. La fumée d'un feu de brindill~s obscurc1ssa1t 1 ~tr, une forte odeur d'ail frappa ses narmes, D~s figut·es I.ndécises se mouvaient dans cette atmosphere empeste~. Penché sur une poële de fer devant le feu dans le. debraillé loqueteux de son mètier, un hom~e pâle et maigre, aux yeux tragiques, le front obscurci ~ar .les m~ches noires d'une chevelure en désord1·e, surveillait la cu1~son d'un maigre ragoût. Pas loin: et retenus. par. des cbames sur un perchoir, les deux siDges témoignaient par des grimaces leur dédain pour ce. fru~al so.uper. . DeR enfants, il y en avait bien la une ~ouzaiDe, grouillant à demi vêtus sur 1~ terre nue: ~arm1 e~x, le voleur de la poire assis les Jamb.~s c.roi.sees tenait entre ses bras le dernier né auquel 11 faisait avaler le lait d'une écuelle posée sur le sol, à côté de lui: Dans le fond de ce réduit anfumé, une femme, la mero,. éte ndue sur une misérable paillaRse, la tête soulevee par 0

0

0


-

16 -

un paquet de vieilles hardes, pressait sur ses lèvres haletantes un quartier de la poire, objElt de la conteste Les yeux, démesurément ouverts, se détachaient énor~ mes sur une face cadavérique où la mort, qui ne devait pas être loin, mettait son sceau suprême. Les pommettes saillantes, la peau collée aux os, squelette avant d'avoir cessé de vivre, la malheureuse, à la vue de l'é. tranger, arrêta sur lui un regard angoissé . d'une fixité étrange. Pour un instant, le hoquet convulsif qui secouait ses épaules décharnées se calma. Pressentait-elle une tempête~ ... Les mioches, eux aussi, regardaient ... Une faible rou. geur colorait les joues du petit voleur. Le notaire, interdit, derueurait sans paroles. de cette misère parlait haut à ses oreilles. Que venait-il faire chez ces pauvres diables L. une scène~ .. . leur adresser des reproches 'f •.. • lui, le l'icbard, le repu? . .. en aurait-tl eu le courage 'f.•• La puérilité du motif qui l'avait poussé au milie11 d'eux, le saisit. Pour la première fois de sa vie il veut bonte de lvi-même. Il tom:sota, sentant le ridicule de son entrée dans cette baraque, et cherchant, sans y parvenir, à se donner une contPnance. - Rem, hem ... beaucoup de fumée ici ... se prit-il a dire. L'homme se retomna. - De la fumée 'f ... sapristi 1 nous en sommes aveuglés. La glace était rompue. Maître Pédrillon s'avança vera la malade, et adoucissant sa voix, il lui adressa quelques questions. Ecartani ·1e fragment de poire qui couvrait ses lèvres de sa main amaigrie, alle lui montra sa poitrine nue. - J'ai Je feu ici... articula· t-elle avec effort. - Mais il fallait le dire... il fallait le dire... fit le notaire, qui ne songeait pas à cacher sa compassion. Tout à coup il lui vint une pensée. Avec autant de précipitation qu'il en avait mis à entrer, il s'échappa sans mot dire, puis un moment après on le vit apparaître, essoufflé, cette fois apportant dans les poches de sa redingote les meilleures poires de son espalier. Il les déposa à côté de la femme, et avec un gros hem attendri, il lui glissa une pièce blanche dans la main. MARIO*** -

- ::><:K'= -

-

XII"'" ANKE E

l

a*

SION J cr

Décembre ltf92

L'ECOLE PRIMAIRE REVUE PÉDAGOGIQUE PUBLIÉE SOUS LES AUSPICES DE LA

SOCIETE VALAISANNE D'EDUCATION L'RCOLE PRIIAIRE paraît chaque quinzaine, de Novembre à Avril inclusivement, en livraisons de 16 pages. Pri:J:. d'aboooeme o t pour la 8ois111e, 2 fr. 50. Uoioo postale 3 f'r. "-ooooces, pri:z. 20 ce11t, la lig"e o" son espace. ouvrage dont l'Ecole primai?·e recevra deux exemplaires aura drott à une annone" ou à un compte-rendu, s'il y a lieu. ~out

SOMMAIRE: .Attention. -,De nouveau la lecture (.'>'ttite). - Les instituteurs .et 1 abus du tabac. - De la musique et du chant (Swte}. - De l'émulation à l'école (Suite). La curiosité mise à profit. Partie pratique: Calcul écrit ~~~bll!mes ~{onnés au derniers t':mmens de recrues. - Variétés; L mstructum dans l'arme belge. - Supplément : Le Génie dt's Alpes 11alaismmes, par JJ!ario. Du caractère. - !.a ! (Légende d'l!..lztremout). - .·1 quoi peut sen•Ù' le sel.

Tout ce qui concerne la publication .doit être adressé à l'éditeur : M. P. PIGNAT, secrétaire au Département de l'Instruction publique, à Sion.


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.