Supplément JVo 10 de ,f &cole,
152 2400 fr. En 1910, elle a dû payer le 6 % et en 1911 le 6,75 % d'impôts. Quelle somme cela fait-il pour les deux années?
10. Berne est à 32 kilomètres de fribourg el à 98 kilomètres de Lausanne. De combien de kilomètres la distance Berne-Lausanne dépasse-t-elle la première? 3. Le litre de lait se payant 25 c, pendant combien de jours la somme de 15 Ir suflira-telle à une famille consommant 3 litres par jour? 2. Avec le produit de la vente de 80 kg de fromage à 2 ,50 fr Je kg, on paie l'i~térêt annuel d'une dette de 2500 ir" à 4 %. Que reste-t-il encore de bon? 1. Un détachement de recrues compte 75 hom· mes. 45 sont déclarés aptes au service. Quel est le % des aptes? 4.
11. 4. Vu menuisier vend une table pour le pnx de 45 fr. La valeur du bois est de 15 ir et la main-d'œuvre de 20 ir. Quel est son gain? 3. Notre pièce de 5 centimes pèse 2 grammes, celle de 20 centimes pèse 4 grammes. Que pèsent ensemble 15 pièces de 5 centimes et 15 pièces de 20 centimes? 2. Un livre coùte en Allemagne 4 Mark f1 Mark 1,25 Ir). Que coûtera-i-il en Suisse, si le marchand entend gagner le 25 %? J. Quel est le poids d'un bloc de molasse prismatique de 80 cm de longueur, 60 cm de largeur et 50 cm de hauteur, si 1 dma pèse 2-1/2 kg?
=
12. 4. Mon père avait 19 ans lorsqu'il s'est présenté au recrutement, il y a 28 ans de cela.
Quel âge a-t-il maintenant? 3. Combien un ouvrier gagnera-t-il en 20 jours, s'il gagne 27 fr en 6 jours? 2. Quel est l'intérêt de 450 fr. placés à 4 %
pèndant 4 mois? 1. Quel loyer annuel un employé gagnant 250 Ir par mois paye-t-il, si ce loyer est égal au 20 % de son traitement?
13. 4. j'achète 7 timbres de 5 centimes et je don· ne eu paiement une pièce de 50 centimes. Combien doit-on me rendre? 3. Un patron a deux ouvriers qu'il paye l'un
5 fr l'autre 4,50 fr par jour. Quelle
lui faire visiter une usine. En outre, quelque-s totale ce patron devra-t-il verser à ses expériences élémentaires de laboratoire (le ouvriers pour une semaine? matériel de l'école secondaire n'est pas tou2. Trois frères ont à se partager une l'état actuel de la science, on serait jours de première importance), complètent l'ende 2400 fr. et les intérêts de celle-ci dant 3 mois à 4 %· Quelle sera la part U.tiLtat[Jlt:''" mal venu à méconnaître la nécessité seignement. chacun d'eux? agricole; mais très peu d'aAinsi fait-on pour l'enseignement seconl. Une maison rapporte 920 fr l'an. Quel il faut bien le dire. le comprendaire de J'agriculture. Des tableaux, des mo· le prix d'achat si l'on veut que le 1 qu'il doit être donné. dèles réduits. quelques expériences d'analyse rapporté 8 %? s'imagine, la plupart du temps, qu'on sommaire. et quand c'est possible, la visite • •_... :4""r~ un parfait agriculteur en se contend'exploitations de diverses natures, viennent 14. un arbre, tracer un sillon, faire s;ajouter . aux leçons orales et aux expJi·ca4. Un artisan paie 250 fr de locatiou pour rnnct1onJtler une batteuse, faucher un pré, coutions. Sou~ ce rapport, l'enseignement agrilogement et 350 fr pour son atelier. des céréales, cultiver la vigne, traire des cole ne diffère pas des autres enseignements. bien cela fait-il eu tout? récolter du miel, etc., etc., toutes choOn s'imagine souvent que !"enseignement 3. Un papetier consent à m'échanger une i confinent plus ou moins à la routine agricole n'est pas donné avec fruit si l'élève zaine de crayons à 20 centimes pièce · ne sont en définitive, que l'application ne peut pas, par lui-même, labourer, semer, d'autres crayons à 8 centimes pièce. et simple de la science agronomique !ailler. traire, faucher, etc., etc., etc. C'est une bien en recevrai-je? d'ailleurs. grosse erreur; on peut très bien apprendre 2. A combien reviendra la peinture d'une manière d'enseijlner, essentiellement les choses de l'agriculture sans opérer soiroi de 8 m de longueur sur 3 1/2 de et excellente pour former le plus or· même, fout comme on apprend les détails et leur à 2,50 fr le mz? praticien, c'est-à-dire un simple oule fonctionnement d'une machine sans la 1. Le produit net annuel d'un champ est agricole, peut constituer à la rigueur construire de ses propres mains. Le rôle du lué à 240 fr. A quel laux le capital premiers degrés de l'enseignement. constructeur est dévolu plus tard à des spéprésente est-il placé, si ce champ a On l'a transportée, sous une autre forme, cialistes qui se seront munis ~ l'école, des 4800 fr? J'école primaire, et là, soit au Ill9Yen d'inotions nécessaires, et qui seront dirigés 1:i. soit au moyen de lectuTes spéciales, utilement par ceux qui auront appris seule4. Un billet de chemin de [er Berne-Soleure apprend à l'enfant ce que sont ces diver· ment. mais plus eu détail, la théorie de la èoûte 2 .30 fr. Que me rendra-t-on sur uae choses en attendant de le faire passer construction. pièce de 10 fr? les écoles ott il le fera lui-même. Mais on Toutefois. comme il est reconnu. que celui· 3. Un instituteur achè.te 30 livres à raison apprend sans lui expliquer le Pourquoi là qui a exercé un travail est mieux apte ll 85 ct la pièce. Combien doit-il payer? le Comment, et ce qu'on est convenu d'ap- diriger l'exécution par les autres', certaines 2. 12 ouvriers ont travaillé pendant 35 joun l'enseignement primaire de l'agriculture écoles, appartenant surtout à l'enseig-nement à l'exécution d'un travail. Combien aur·allolltortsti!ue en dé!initive l'application sans l'ex- libre, ont iug-é bon, avec raison. d'adjoindre n et sans le raisonnement. Il se familia· il fallu de temps à 7 ouvriers pour à l'explication dans les classes le travail sur plir le même travail? simplement avec les. opérations qui ne se- le terrain. Ceci leur donna une grande supél. Un détachement de recrues passe 1 appréciées que plus tard, alors que muni riorité sur les lycées de l'Etat. où !!enseignepédagogique. Le 35 ·% obtiennent de notions précédentes. l'élève pourra les ment secondaire ne dispose en général d'aunotes, le 45 % des ~1otes moyennes comprendre. cun de ces moyens~ et où les maîtres eux-mêsont précisément ces données qui cons- mes ne sont, pour la plupart du moins., au notes de 12 recrues sont faibles. de recrues y avait-il en tout? l'enseignement secondaire. Celui-ci courant de rien en ce qui concerne les appli· peut être établi dans les institutions et collè· · 16. de la même man ière qu'y sont établis les cations. C'est dans cet ordre d'idées qu'elles ont 4. Un ouvrier gagne 30 fr en une senlllilt. .,vers enseignements de la physique, de la annexé à l'école proprement dite des champs Combien pourra-t-il économiser s 'il de la mécanique, de la géologie, de d'expérience qui, dans certains cas, atteide l'astrono!llie et de toutes les sc 3 ir. par jour? g-nent l'importance de véritables doma!nes 3. Si une demi-douzaine de mouchoirs en général. 3,90 fr, que coûteront 4 mouchoirs? apprend à l'élève la fabrication de l'a- allant parfois même jusqu'à dépasser un peu 2. Une revendeuse a acheté 20 sulfurique, de la chaux. des bougies, de le but. La partie pratique y domine tout, l'élève d'œufs à 90 ct la douzaine. Elle les sans mettre à sa disposition une 10 ct pièce. Quel est son gain? de plomb, un four à chaux, une fa- en sort avec une éducation trop incomplète, 1. On a placé 900 ir à 4 % et 600 fr. à 5 de bougies, un moulin à huile. Mais et l'enseignement ainsi donné est loin d'être suffisant. Que lui manque-t-il donc dans ce A quel taux unique faudrait-il placer explique tous les procédés, toutes les cas? Il lui manque la théorie et la connaisdeux sommes pour qu'elles rapportent, on lui montre des. images exactes sance des sciences qui doivent l'aider à corntotal, le même intérêt? au besoin on peut, si on en a l~s moyens,
L'Enseignement Agricole
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114 prendre fouies les choses de l'agriculture, par exemple la géologie, la chimie, la botanique, la physique, la zoologie, etc.; il lui. ":'anque ce que donnera l'enseignement supeneur à l'apprenti agriculteur qui veut poursuivre jusqu'au bout ses études spéciales. · Un agriculteur ne sera vraiment agriculteur que s'il connaît aussi bien, d'une part, la bioloR'ie de la plante, et, d'autre part, la chimie des engrais, de façon à pouvoir utilement et en connaissance de cause adapter les uns aux autres. La science du sol lui sera encore indispen.. sable. et, à la condition que la c~.uie, !a géoloR'ie, la botanique. lui en feront c~n_naître et apprécier les moyens, il pourra amehorer ses cultures et rendre son exploitation plus fructueuse. S'agira-t-il pour lui. de faire choix d'~n engrais, il pourra héstter entre . un engrats azoté et non azoté. Comment t'agnculteur saura-t-il qu'il ne doit pas employer indifféreiT)o men~ l'un ou l'autre, s'il ne connaît pas la valeur chimique de chacun d'eux et la nature des plantes auxquelles ils doive~t s'adaJ?' ter? Comment saurait-il encore qu'tl ne dott pas ' mélanger trop long~emps ~ l'avance un superphosphate trop actde (qu1 peut contenir 'de l'acide phosphorique libre) avec uu nitrate de soude, s'il ne co"!laît pas les propriétés de l'acide phosphonque et celle des nitrates. Comment pourra-t-il également discuter la valeur marchande d'un engrais phosphaté, s'il ne sait pas ce que c'est que l'acide phosphorique total et l'acide phospho1'ique so· luble· et comment comprendrait-il ceci, s'il ne ~it pas ce que é'est que l'~cide phospho· tique? Comment se rendra-t-1! compt~ des fermentations? et comment pourra-t-t! les améliorer s'il ne sait pas à fond ce qu'elles contiennent? Comment pourra-t-il conduire avec succès son bétail s'il ne peut s'exp~quer et. corn· prendre toutes les lois biolog1ques qut sont la base de l'hygiène? C'est là surtout que ses connaissances ne sauraient être bornées à la routine. . II faut absolument qu'il sache 1e pourquoi de chaque chose s'il ve~t améli.orer .sa production, et, ce pourquo1 l'ensetgnement supérieur est seul capable de le donner. L'hyR"iène n'est pas la conséq~ence .de. tonies les lois que les sciences phys1co-ch1mtques et biologiques enseignent; il faut donc con·
folll exécuter le travail avec les améliorations nnues par celui qui sait. \laitre ces sciences, c'esil d 'une rigourelllt CO Et par ainsi, l'agriculture devient une véobliR'ation. Lorsque le phylloxéra eut été découWrt ritable industr~e des plu~ profitables à celui par M. félix Sa.hut, ce furent des botanialla qui sait en fa1re sa carnère. B. Marie de la CORBIERE. comme Planchon et des zoologiste.s ~ Balbiana qui s'emparèrent de la question t qui indiquèrent aux agriculteurs ~,·....,"ICII~ai praticiens la voie à suivre pour lutter le parasite. L'agriculteur ignorant franchit haies Malgré toutes les faiblesses de certains fo-ssés pour écraser une innocente tarés de notre époque, malgré tous sous prétexte que c'est une vipère qui oublis qu'on peut reprocher aux siècles poules par son seul regard ou qui se foi, il reste debout une vérité indiscutala nuit dans les étables pour têter les ."'~lll•t~~œ: la religion en général est une bonne cho· et tarir leur lait. II écrase avec stupidifl Je christianisme ou le catholicisme en lier est J'école transcendante du bien. noffensif crapaud, en disant qu'il jette .son alors, d'où vient donc cette oppo~ition, nin à la face des enfants. Il' cloue porte de l'écurie l'utile chouette, et il désarmée, que Je monde maud1t par respectueusement de la chenille, larve st élève contre sa personne divisede dévastateur. S'il connaissait la et son œuvre, l'Eglise? s:rie de tous les êtres au milieu desquels On pourrait répondre par ces simples : • C'est le mystère du mal » . Ce mystèil ne .se priverait pas si souvent de ses Iiaires les plus précieux. est aussi profond et aussi incompréhen11 serait trop long de citer tous les que le mystère du bien. pies qui militent en faveur de la ~onnaisauœ bien! A ce mot, toute l'âme humaine et notre esprit voit .s'ouvrir devant de ces sciences qui, pour un agnculteur ti vent être fondamentales et qui justifient des zons ravissants. le bien! Nous touchons du doigt les merveilles lorsque plement la nécessité d'un ens.eigp.7~nt aup6o rieur en aR'riculture. Cette necesstte a ~If li pensons à la vie de Jésus-Christ ou bien comprise que plusieurs facultés 1ibra lorsque nous nous rappelons tout ce des sciences n'ont pas hésité à organiser nos parents bien-aimés ont fait pour nous; ·pareil enseignement. qu'accomplit dans les hôpitaux la Sœur La science du droit y a même été charité; ce que dit, en tombant per~é de restreinte à ce qui concerne tou-te le soldat qui défend sa patrie inJusteaR'ricole, afin que l'agri~ulteur. as.saillie. Le bien! C'est le beau et le dre ses intérêts et conna1sse bten C'est donc Dieu, c'est Jésus-Christ, c'est cha:r,g-es. Marie, c'est l'Eglise, c'est le devoir, l'amour paternel ou filial, c'est la vert.u, Aussi peut-on dire que les .. sont aujourd'hui armés de toutes pteces Je principe et la fin de nos actes les meilfaire de l'agriculture pius qu'une Hélas! la médaille a son revers. A côté science, pour en faire une ca.rri~re. bien oui vous sourit et vous charme, gri· L'instruction à l'école pnmatre au connnencement ce que c'est que le mal Pourquoi?... Parce que, plus bas ture. Dieu, il y a Satan. Ce que. l'un fait, l'~uL'école secondaire avec ses le déforme. A côté de la ltbe!'té humame amoureusement, se conforme à la vofait les ouvriers agricoles intelligen~s divine, il y a la volonté humaine r~vol· pa bles de bien travailler, mais qu1 contre le souverain législateur. Et t osetoujours des cultivateurs. dé L'enseiR'nerr..~nt supérieur forme les affirmer que la volonté déchue e • tables aR'riculteurs, ceux qui pour.ront des fils du péché a moins d'enthoupour Je mal que la volonté des saints seulement diriger un domaine, ~~s et surtout le faire forcément fructifier. a pour le bien.? C'est le mystère du Ils sont les ingénieurs qui dirig~nt ne. Les précédents sont les contrema1tra
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Le Mystère du Mal
Le mal singe le bien, quoi qu'il en .soit le contre-pied. Ne nous en étonnons pas: s'il veut avoir de J'influence sur l'esprit des hommes, il doit chercher les moyens de tromper et d'éblouir. Il doit donc couvrir ses laideurs de splendeurs apparentes, et troquer au moins un instant ses haillons contre les atours du bien. Le mal, en agissant ainsi, en trompant l'individu ou les générations, réalise chez lui ce que le bien a obtenu ailleurs: il se crée un • sacerdoce •, une •-église », un • martyrolo· ge •. Le .sacerdoce du mal a ses • prêtres • - de.s prêtres sans soutane et sans célibat. II a ses « pontifes • - des pontifes. revêtus du triangle au lieu de l'étole. II a son. • pape • - un pape qui n'est pas habillé de blanc, un pape rouge élu par le conclave révolution· rtaire, un pape qui s'appelle Nathan ou autrement. • L'Eglise du mal • est bâtie, elle, non sur la pie!'re, mais sur la boue ou dans. la boue des chemins tortueux de tous }es Siècles, la boue des carrefours de Sodome et de Paris, la boue des passions innombrables du cœur humain. Et cette Eglise rédige au jour le jour un long • martyrologe • : elle a ses martyrs comme l'Eglise vraie, les martyr.s albigeois. ceux de la Terreur et de la Commune, ceux de J'anarchie, les ferrer de Mont-Juich, tous les martyrs morts en blasphémant, éventrés par les éclats des bombes lancées par leurs mains. Quels martyrs! quelle Eglise! quel sacer· doce! Tout cela ruisselle de sang noir et de haine fratricide. Tout cela forme un titanesque défi jeté par l'enfer rouge au ciel bleu; tout cela est la honte de la création et de l'humanité. C'est le martyre du mal. Tout a été fait pour l'endiguer et le re· fouler dans les abîmes où trône • celui qui fut homicide dès le commencement •· Voilà vingt siècles que le Rédempteur, victime du mystère du mal, étend ses deux bras du haut du Calvaire pour en arrêter la marche à travers Je monde. Et le mal continue à aller de l'avant, .soutenu d'abord par les ~onstre.s couronnés qui précédèrent Constantm, puis par les hérésiarques et les révolutionnaires de tous les pays, par tes faux .savants, les philosophes dévoyés, les littérateurs immond~s, la presse soudoyée ou corrompue, I'humamté déchue et toutes les puissances de l'enfer. Oui, il est effroyable le mystère du mal puisqu'il tient ici-bas tête à Dieu!...
116 Mai,s une pensée doit nous consoler: le mal, qui en un cer tain sens est éternel, puisq ue l'enfer subsistera toujours, demeurera éternellement incapable de détrôner le bien qui est Dieu lui-même.
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Le petit Fabien (CONTE VALAISAN) C'est le soir. La cloche de l' AnR"elu s a déjà répandu son bruit argentin dans le village. On entend au loin des voix, voix de laboureurs; on entend le bruit éteint des char s. Les portes sont ouvertes. Les enfants gambadent autour des maisons. Q uelques paysans rentrent des hauteurs, chargés de hottes de foin embaumé de l'air alpestre. Une jeune femme apparaît sur la rue. C'est une R"rande paysanne, imposante par sa prestance. Elle fait quelques pas et s'arrête pour di riger ses regards du côté des Diablerets. Silencieuse elle rentre au logis. C'est l'épouse qui attend le retour de l'époux. Son âme est dans l'anxiété, car son mari, fabien le guide, est parti pour une course pénible, même dangereuse. Il accompagnait un Anglais, homme excentrique qui se plaisait à braver Je danger, et à le rechercher sans cesse. L'épouse de f abien était en soucis; il lu i semblait que son mari ne l'avait jamais étreinte avec plus d'affection qu'à son départ, son regard avait eu quelque chose d 'infiniment triste. Il avait effleuré un sourire forcé. La nuit est tombée. Au village tout est sombre. On entend les voisins pa~ser, on n'aperçoit que des ombres. Quelques grillons sifflotent dans le silence nocturne. Adèle. l'épouse de fa bien. ne peut entendre ces sifflotements. Les grillons s'appellent. Il y a un malheur. Pour ne plus les entendre, Adèle pousse la porte. Les sifflotements traversent alors la muraille, deviennent sans cesse plus fréq uents. On frappe. Qui est là? Ouvrez, dit une voix inconnue. Adèle ouvre comme par obéissance. Deux paysans entrent d'un pas grave. Ils portent un homme étendu sur une civière. Adèle aperçoit Je visage blême de son mari. L'un des parieurs dit brièvement : Voici ton époux .... inclinons-nous devant la volonté de Dieu.
117 ...
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Il y avait quelques semaines déjà que bien. le guide, dormait du dernier Sa tombe était couverte d'immenses nes, ornées en partie de fleurs des Alpes· el symbolisaient la reconnaissance, l'admi.;.riea et les larmes. 1011 Un bel après--midi, tous les petits de la contrée semblaient réunis autour de maison de Fabien. Rendus attentifs les habitants un petit berceau devant la maison Le soleil inondait de ses rayons la couche rejeton de Fabien. Tout le monde de Plrler alors du petit Fabien. Ses cris enfantins ép. yaient les voisins. Seule 'sa mère ne riait point. Avec un sérieux imperturbable elle ap. pelait son fabien • le petit guide •. Mon enfant, disait Adèle, est destiné Pll Dieu à reprendre la carrière de son ~lt. Notre pays doit avoir ses g uides, de même <JUe la ville de Sion ses gendarmes, ou notll village son garde-champêtre. L'époux d'Adèle ayant été victime d'un accident dans les Alpes, personne, au village Dt romprenait la résolution de la jeune mère. Interrogée, pourquoi cet enfant devrait-il courir les mêmes dangers que son père, Adèle de répondre : - fabien, mon époux. m'a racon té son plai· sir d'errer sur les glaciers. de dominer les Alpes. En montrant aux étrangers les beau· tés des Alpes valaisannes. le guide, tel un prêtre de la nature, étale devant le spectateur la puissance de Dieu, roi des Alpes, maître de l'Univers. Disant ces paroles, la voix d'Adèle avait des vibrations semblables à celle d'un ora· leur.
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Le petit Fabien passe toujours ses belles heures au berceau sous la protection du solei l qui l'inonde des rayons de sa bonté. Sou· vent on aperçoit le plus beau gars du viltage, Emile. se pencher vers le lit miniature et sour ire à l'enfant. · Fabien est un magnifique bébé. Il tient sa blonde chevelure, son teint rose, ses yeux bleus de sa mère. Un front large et énergigue, des petites épaules déjà fermes, sont l'héri· tage de son père. Le gars, son ami, croyant plaire à la mère du petit Fabien, hasarde un jour: Quel dommage . de vouloir faire de; ce beau bébé un
·111ple guide. Mais la mère ne l'entend pas :nsi. frappée dans les plus profonds replis lt son cœur, elle réplique: _ Emile. je sais que vos visites sont pluj{lt destinées à la mère qu'à l'enfant. Le gars de rougir. Et la mère de continuer imperlurblble: Jeune homme, éloignez-vous. Ne vettz plus dans mon foyer. C'est inutile. Je 111is Valaisanne avant tou~ et mon petit Fabien sera guide. A ce moment, le soleil couchant empourpre les cîmes des A_lpes, et l'âme du père fabien chante la desti née du futur guide, son fils. ROMULUS.
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Les Prédictions du Temps à la Campagne A la campagne, il y a un grand nombre baromètres qui permettent de prophétiser Je t,emps qu'il fera. 11 suffit d'être attentif pour n'être jamais pris en défaut et savoir à quoi s'en tenir. Lorsque les poules se grattent et se roulm! dans la poussière, J'orage n'est pas Join; aen est de même lorsque les canards crient, ~ongent, se poursuivent bruyamment sur l'étang ou la mare; ou bien lorsque les pigeons ae s'éloignent pas de la ferm~; picotent aux environs et regagnent le colon~bier pré!l13turément. Attendez-vous à voir la pluie Je lendemain lorsque les pigeons, posés sur le toit de leur asile, présentent leur jabot au levant. la pluie est imminente lorsque les paons des cris per çants; lorsque le~ chiens nonchalants et engourdis; lorsque chèvres recherchent les lieux abrités; lorsque les vaches, dans la prairie, aspirent l'air, Je nez au vent, puis ,se réunissent à l'ombre en plaçant leur tête du côté opposé au vent. Lorsque les vaches sont à l'étable et qu'ellèchent les murs: signe de pluie. L'hude l'atmosphère fait suinter le salpêtre elles sont friandes. Hâtez-vous de rentrer votre fourrage lorsles hirondelles volent en rasant la terre; les moineaux sont rassemblés en bandans les haies ou sur le sol et poussent cris incessants; lorsque le corbeau s'est 'lié de bonne heure et a croassé plus que lume; lorsque les oiseaux de la volière leurs plumes; lorsque les rouges-gor-
gcs deviennent familiers et s'approchent des habitations; lorsque les bergeronnettes sautille~t le long des fossés; lorsque les grenowlles croassent, ou que les poissons bondi ssent hors de l'eau. Lorsque les mouches sont agaçantes et s'acharnent après les hommes ou les animaux, signe de pluie. Signe de pluie encore lorsque les grosses espèces de limaçons et les escargots montrent leurs cornes; lorsque les fourmis véhiculent leurs œufs; lorsque les abeilles se hâtent de regagner la ruche avant le coucher du soleil, pourvues d'un maigre butin ou lorsqu'elles s'éloignent prudemment, avec défiance, de leur demeure. On le voit, les animaux sont aussi instruits que le meilleur baromètre à mercure à nous enseigner les chanR"ements de temps. Tenez pour certain qu'il fera un vent violent lorsque les hirondelles se tiennent d'un ~ eu! côté des arbres, côté où se sont réfuRiés les insectes pour s'abriter; lorsque les porcs crient. secouent la tête et transportent de la paille dans leur bouche; lorsque les oies essayent de prendre leur essor et étendent les ailes; lorsque les vaches font des bonds en secouant la tête; lorsque les chats grattent l'écorce des arbres ou les pieux; lorsq ue les moulons folâtrent et butent leur front; lorsque les pies se réunissent en troupc et jacassent. Les choses elles-mêmes prêtent leur concours au paysan et l'informent du temps qu'il ~ra.
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La pluie es ~ p roche lorsque la lame de la faulx s'irise de bleu et de rose et prend l'humidité; lorsque les gerbes de blé et d'avoine sons p lus pesantes que d'habitude; lorsque le crible se détend dans la grange. Il ~n est de même lorsque la cognée du bûcheron se ternit. Mais le temps sera beau lorsque la cognée ou la faulx seront nettes et luisantes : lorsque leur manche R'lisse dans la main. En automne la rosée indique le beau temps et la gelée blanche la pluie. La nuit on peut prédire le temps qu'il fera. d'après les différents aspects de la lune. Si son éclat est pur et lumineux, il fera beau: si eJle est entourée d'un cercle blafard, signe de pluie; signe de vent si elle est en~ourée d'un halo roug-e. Lorsq ue le rossignal chante toute la nuit; lorsque les hirondelles, de leur vol rapide, dessinent des cercles dans l'azur, à une g rande hauteur, lorsque les pigeons
118 s'éloignent de la maison et rentrent tard; lorsque les cousins se réunissent le soir en colonnes nombreuses qui s'élèvent et s'abaissent dans les airs, on peut être certain qu'on aura du beau temps. Serge DAVRIL.
Les Sports et l'Alimentation Un sport quel qu'il soit est un exercice de force et d'habileté, qui nécessite des dépenses d'énergie considérabes et rapides. Il en est ainsi de la marche, de la course à pied, du saut, de l'équitation, de l'escrime, de la box~, du canotage, du footbaH et même du tennts ou du golf. Les professionnels du sport qui veulent obtenir la meilleure performance, les jeunes gens qui, traversant la période de croissance, ont plus de précautions à prendre que d'autres pour ne pas s'épuiser par des dépenses exagérées, doivent se préoccuper de l'alimentation. Voici quelques indications intéressantes que nous détachons d'un article que M. Jean Réville publie dans I',Actualité": . Les aliments qui comprennent de J'amtdon et des sucres, devront de préférence composer la ration supplémentaire des hommes de sport. L'amidon des céréales peut être utilisé sous forme de bouillies, comme l'a polcn!a. Je poridge, d'entremets, de pudding. de ?âles. de pain. de biscuits, de biscottes. L'armdon des légumes farineux, des pommes de terre, des betteraves des navets, n'est pas moins utile. Les légu~s verts, qui sont beaucoup moins riches en principes nutritifs. n'ont qu'une faible valeur énerg-étique tant qu'ils n'ont pas été renforcés par des artifices culinaires. Pat contre, les légumes secs (pois. haricots. lelltilles) contenant une forte proportion d'amidon unie à une forte dose d'albumini!, représentent des aliments aussi utiles pour le travail que pour l'entretien de l'individu.
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Les fruits tiennent aussi une grande place dans l'alimentation de l'homme de sport, parce que, suivant une pittoresque expression: • ils sont comme des solutions parfumées de sucres ", et que les sucres de fruits représentés par la glucose. la lévulose et la saccharose. sont aussi des producteurs d'énergie.
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Comparable à l'amidon par son énergétique, le sucre en diffère cependant la manière dont il libète l'énergie pour travail prolongé; nous demandons notre étltr. gie au premier, tandis que, pour un efl court et rapide, nous aurons tout avantage~ nous adresser au .sucre. Mais l'aliment sucré qui, entre tous, a JlOiw l'homme de sport une valeur supérieure Je chocolat. '
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Quant aux autres aliments, ceux qui dQj. vent constituer la ration d'entretien néces.aabt au sportsman, citons, en outre, le lait et 4!1 général, tous les laitages, les œufs, les grais. ses et aussi la viande. Celle-ci est un aliment reconstituant de ter ordre. II faut moins compter sur elle COJIIal aliment énergétique; vouloir, au cours d'ua exercice fatigant, réparer ses forces par ua bifteck est un mauvais système; un bâton dt chocolat est bien préférable. C'est que, en elfel, la viande ne contient que bien peu cie glycogène susceptible de fournir économiqutment de l'énergie. Si elle a la réputation dt donner de la force et si certains individus s'imaginent ne pouvoir s'en passer, c'est qu' elle contient des substances ex1ractives qui excitent le système nerveux, donnant aillli, comme le thé et Je café, une énergie artifi. cielle. Enfin, l'alcool qui a pour avantage de br(). 1er rapidement et d'exciter les centres Dfr• veux peut être utilisé dans le,s cas d'ureenœ pour donner un coup de fouet à l'économie. Mais, bien entendu, il ne faudrait pa.s en user régulièrement. Comme on a pu le voir, les aliments Id plus utiles à la production de l'énergie, SOli tous du règne végétal,; et certains auteurs vOIII même jusqu'à soutenir que le végétarisme est le meilleur régime pour les hommes de sport Il est bien difficile de trancher nettement la question , mais on ne peut nier, en eifel, que Je régime végétarien n'ait de grands av& tages. Jean REVILLE.
La Chambre nuptiale Mon cœnr battait quand je descendis de voiture à la porte d'Henri. J'allais Je revoir
quinze ans d'absence. Nous avions été
la chambre «.nuptiale •, comme vous disiez ... Etiez-vous gai dans ce temps-là, monsieur? Vous avez tout de même l'air plus rassis. • Madelon avait toujours trouvé quelque choJtVeties, d'optmons, de chtmeres, enfm comse de très plaisant à ce mot de • chambre ~ons de vingt ans. Nous nous étions asnuptiale • . Elle n'était pas parvenue sans peiris à la même table, la dernière fois, pour le ne à le prononcer correctement', et depuis jeslin de ses noces; et le lendemain~ au mi- quinze ans elte continuait d 'en rire, sans safieu de cette grande fête de sa vie, je lui avais voir pourquoi . 4il adieu. Dérobant une heure à sa joie, il - • Quelle drôle de chose, monsieur, pourBail venu me reconduire seul, bien loin, ne suivit la bonne créature, en s'arrêtant pour pouvant me quitter, ni cesser de me parler. reprendre haleine sur les marches de cet esde sou bonheur. Je l'avais laissé l'homme le calier, qu'autrefois elle franchissait quatre à plus heureux du monde, au comble de ses quatre comme nous; quelle drôle de chose, ~ux, bien établi, plein de confiance, plein cette jeunesse, pour avoir comme ça des mots de projets. II ne songeait qu'à parer sa fem- et des idées qui font rire! En disiez-vous. me. qu'à embellir sa maison, qu'à planter son avec M. Henri! Il y en a qui me reviennent judin. Je verrais comme ses enfants seraient et qui me dérident encore. Peut-être que ça bien élevés, il me les amènerait, je serais par- ne serait pas de même aujourd'hui. Vous ne rain du second, ou tout au moins du troi- le diriez plus, ou je n'en rirais plus. La peine sième. Depuis quinze ans, nous ne nous étions nous arrive de tant de côtés dans la vie de ce point revus; depuis cinq ans, à peine nous monde! Le souci finit par faire .son nid en fiions-nous écrit. dedans de nous, et nous restons tristes, mêCependant, je n'ignorais J?as qu'il avait me sans sujet de chagrin. Ça se ,prend à tout prospéré. que sa vie était paisible. qu'il m'ai- . le tempérament, monsieur; et j'ai peur que vous n'aimiez plus me.s R"alettes. » 1113 it toujours. Je savais, et j'en étais encore plus charmé, qu'il connaissait et qu'il aimait La marche de Madelon s'accordait trop avec Dieu, et que je retrouverais dans l'ami de sa philosophie pour que l'une et l'autre ne 1113 jeunesse un bon chrétien, un fervent cafissent pas sur moi une certaine impression. tholique, un frère. Je me trouvai vieux tout à coup, dans cette Sa maison était celle où je l'avais laissé. maison et sur cet escalier où je me .souvenais Il l'habitait depuis Je jour de son mariage. d'avoir été si jeune. Là. j'avais senti mes jarQue de visites nous y avons faites avant ce rets plus souples, mon cœur plus allègre. jour! Que de conseils et délibérations entre Madelon me mettait quinze ans sur les épaunous, pour la rendre digne de la souveraine les. qu'on y attendait! Une vieille servante m'ouJ'entrai sans me faire annoncer dans la nit: • Quoi! c'est vous, monsieur!» - Je la chambre bleue. Henri me sauta au cou. C'érej!"ardai: c Vous · ne me reconnaissez pas! » tait toujours lui ; c'était cet œil pétillant, ce reprit-elle. - Quoi, Madelon, c'est vous •, cœur vif que j'avais tant aimé. Le moment m'écriai-je à mon tour. • Avez-vous été ma- d'après, il me sembla que je ne le reconnaislade, ma· chère? • - • Ah! poursuivit Madesais plus. Sa taille svelte el droite s'était lon. j'ai lait la maladie de tout le monde, et épaissie et courbée; sa parole si rapide était i'ai quinze ans de plus qu'il y a quinze ans. devenue lente; Je temps avait fait son sillon Je suis arrivée de quarante-cinq à soixante, sur ce front dégarni de son abondante chetoujours sur mes jambes. Mais ne vous in- velure; Iront paisible autrefois, et maintenant quiétez pas. je sais encore faire la galette de plus grave. Plus de flamme de gaieté dans sarrazin. • C'était son j!"rand talent, que nous ces yeux, qui désormais avaient trop regardé avions souvent célébré. Je lui promis mon la vie. Je me rappelai qu'Henri. jadis se plaiappétit d'autrefois. • Et Henri, comment va- R'nait de ne pouvoir dompter au fond de son t-il? • - • Il va bien. monsieur, il a fait com- âme l'opiniâtre sentiment du ridicule. • ]'ai me vous: il a oublié de vieillir. Qu'il sera controp envie de rire, disait-il. j'ai un démon lent de vous voir! Il ne manque pas de par- qui me fait remarquer les grimaces des gens ler de vous quand je lui sers quelque chose qui pleurent, même quand je les aime et que vous aimiez. Venez; il est là-haut, avec quand je les plains. • Ah! je n'eus pas bemadame, dans la chambre bleue; vous savez, soin de lui demander son histoire pour sa~gnons de marches et de cavalcades, com~ons de clairs de June, et de levers de ,oieil; compa~~ons de fêt~s., de lect~res, de
tément 3tlo 10 6is de ,l' ~~~le'~ ( 1! 1 _
120 voir qu'il avait pleuré à son tour, que ce sentiment de l'ironie était dompté, cette flamme du rire à jamais éteinte. La femme d'Henri m'avait moins vu. Elle ne put pas, satts un petit effort, se rappeler ma figure et mon nom. Et moi. partout ailleurs. je lui aurais parlé sans la reconnaître. Dans ma mémoire, c'était la fée de la ,jeunesse, vêtue de _~!aze, couronnée de fleurs, abor· dant la réalité, le sourire aux lèvres, par les chemins verts du printemps. Un cœur que rien n'a froissé, de.s re_~!ards qui n'ont vu rien de tris.te, un esprit qui n'a point conçu d'alarmes, des oreilles qui n'ont entendu que de douces paroles, des mains qui n'ont porté que des bouquets; tout le matin, toute la fleur, ioule la promesse de la vie! Aillsi elle m'était apparue le jour de son mariage, chrétienne, femme, enfant, tout ensemble, h:~.rmo nie de beauté, de foi, d'amour, de candeur; sérieuse parce qu'elle croyait, heureuse parce qu'elle aimait, radieuse parce qu'elle ignorait. ... Après quinze ans, c'était une épouse vieillie aux soucis du ménag-e, une lille en deuil de sa mère, une mère en deuil de ses enfants. Sur son visage pâli, le torrent des larmes avait creusé plus profonde ta trace des années; dans son cœur soumis à la croix, ell·~ étouffait l'inconsolable sang-lot de Rachel. Je me rappelai que nous l'appelions • Stella matutina •· - Maintenant, pensai-je, c'est • Mater dolorosa • qu'il faudrait dire. Et dans ce moment, mes yeux qui parcoJraient la chambre bleue et qui ne la reconnaissaient plus, s'arrêtèrent sur une image de la Mère de douleur, au cœur percé de sept glaives. Henri pria sa femme d'aller chercher ses enfants, qu'il voulait we montrer. ]'avai.s achevé l'examen de la chambre bleue. - Je ne retrouve ici, dis-je à mon ami, quand nous fûmes seuls, que ton visage et ton cœur. Nous avions fait de cette chambre un musée qui n'est oas <!elui que je vois. - Le goût de l'esprit, me répond-il, avait arrangé cette ancienne décoration; peu à peu elle a été remplacée par le g-oût et les besoins du cœur, par la prière, par le souvenir. Ni toi ni moi n'avions song-é au crucifix; le voilà. A l'endroit qu'il occupe se trouvait, si tu t'en souviens la Diane chasseresse: elle nous aurait moins ' consolés, quand la mort est venue ~Humer ici ses flambeaux! J'ai donné à ma femme cette ima~e de Marie au pied de la croix, et elle a remplacé je ne sais quelle R"ravure poétique, après la mort de notre
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Pensées J Le rocher au milieu des flots de la m~, est bien l'imag-e du do,l!me catholique .au Illlieu des passions humaines. Les passiOns el les flots ont beau s'agiter et rugir, le do~ et Je rocher restent immobiles.
La loi de charité, disent-ils, régnera en souverrune dans 1~ Patrie; les bleuheureux aimeront D1eu de tout leur cœur et s'aimeront entre eu~ _com~e des frères. Toutefois, cette chante u_n~versel1e ne supprimera point les _preferences du cœur, ni n'effacera les tl~res que la parenté ou l'amitié donnent a ?es r~l~ tions plus cordiales. T?us les elus sai· meront, mais ils ne s'almeront. pas tou_s de la même manière. « Au Clel, ensel. t Thomas chacun conservera gne sam ' ·1· une affection spéciale pour. ceux ~Ul ~! furent unis sur la terre et tl co~ mue , . d' ses ..ratsons: , l' 1a de les atmer pour , dIVerl' mthe de a· t cause de la paren e, e a ' , liance, des b·ienfaits reçus ou .accordes, d 1 même patrie et de la meme vo~a.e a s motifs d'honnête dilectlon . d t ton, car 1e ne cesseront pas d'agu sur le cœur. es bienheureux. >> Le même ~oct~ur affirme '11 oue Dieu ne detrmra aucune a1 eurs "t 'il des affections bonnes et bonne es .ou mit lui-même dans le cœur humam et . parei"iles a' des fleurs embaument qm. notre vie de suaves parfums. . Or au premier rantr des affechons légiti~es et même né~e~saires se p}ac~~! 1 liens d'amour reClpro,ue entre ~~mbres de l a fami11e C'est ~yr cet~~ affection que la ~amil~e est ~~rt~i~~ Qet elle peut se mamtelllr, ?e , t l', prospérer. Voilà tpoe~r~~o~~~:~~~d~ive~t pouse, les paren s ' 11 croire que la famille, à mesure que sf ici-bas. se recompose au .te·e' de,c:.p.,...rèD"e ~ où~ la- supreme rencont re ne . sera sutvl d'aucune perte ni séparahon.
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t Dans Je labyrinthe de la vie, le. chrêtiea
~eu) a le iii conducteur; quant au philosophe, il marche à l'aventure, n'ayant pour se CO!'" duire que son esprit propre, llambeau vaallan! qui ne l'empêche pas de s'égarer.
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La religion a deux effets admirables, elle
g-randit l'homme dans l'obscurité, et le humble dans la grandeur.
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Après, c'est la lumière -::::....---= Chaque jour on se heurte à _la ~ort. . d • h qu'on lUI dispute ple Cest un etre c er étreinte à pied, et qu'elle emporte dans son froide ...
122 C'est une le~re bordée de noir, qu'on décachette au com d'une table: «Tiens... Un tel! ...• C'est un corbillard qu'on croise dans l'in· différence de la rue... Mais, en ce mois, d'une façon réfléchie voulue, le monde des vivants s'en va vers ce~ lui des morts. Que sont-ils devenus ... ? Qui nous le dira ... Quelles sont les voix qui s'élèvent pour répondre... ?
* • • Il n'y en a que deux. L'une, à la fois hautaine et honteuse, s'ê· crie avec un air d'ironique triomphe: - Où sont-ils... ? Ils sont lA !... dans ce trou! ... Regarde ... ? Cette boîte de chène qui finit de pourrir, et ces quelques débris· d'os terreux.... «C'est tout!..... ... Ton père... ? le vieillard superbe, estimP., aux yeux de lumière, au front comrne penché sous le poids de son expérience et de ses souvenirs ... ? Phosphate de chaux!... ... Ta mère... ? cet être d'exception qui, d'un regard ou d'un sourire un peu tri!!te, obtenait tout de toi ... ? Plrosphate de chaux!. .. ... Cette jeune fille devant laquelle, tbloui, tu t'arrêtas un jour! ... celle qui fut la poésie de ta jeunesse... celle dont tu a vais rêvé de faire fa compagne pour toujours ... ? Ph os· phate de chaux!... ... Ce petit soldat bulgare qui a tout quitté pour l'amour sacré de la patrie, et qu'on vient de pieusement rapporter dans les plis d'un drapeau afin de l'inhumer au cimetière de son viiiage... ? Phosphate de chaux!... · ... Cet enfant, prolongation de ta personnalité, souvenir chéri d'un amour partagé... ? Ce savant qui oublia tout pour arracher quel. ques secrets à l'inconnu ... ? Ce saint qui rêva de réaliser Dieu en lui...? Ce malade qui mourut en murmurant, les yeux au ciel: • J'ru espéré en vous, ô mon Dieu, je ne serai pas confondu ... • ? Phosphate de chaux!... Il n'y a que du phosphate... que de la matière... en attendant qu'il n'y ait plus rien ... rien! ... pas même le trou!
Mais à l'encontre de ces quelques voix isolées, j'entends la solennelle protestation de toute l'humanité affirmant, au travers de tous les siècles, par la voix de toutes les religions: La m6rt est l'épouvantable épreuve, mais elle n'est qu'un passage... Après, c'est
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la lumière... •·Credo vitam aeterna Qu'on trouve un peuple « un nt!. n'ait pa~ tendu les mains v~rs là-hseut., Et s1 une pauvre petite plumeaut..,p prouve Dieu, ce besoin, cette ang · verselle de l'au-delà ne prouverait018!'t ~~? Allons donc 1
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D'ailleurs, la mort n'est horrible qu nos nerfs humains. t Si les arbres pouvaient parler ils leur épouvante des teintes d'or 'et de pre que l'automne leur prodigue et qui eux, sont des teintes de cadavr~. ' S~ la _lumière avait une âme, elle se vera1t hideuse dans la splendeur royale couchants, dans la clarté mourante dea fables soirs d'été. Si la vigne pouvait élever la voix elle dignerait devant l'implacable coutea~ des dangeurs qui poursuit, jusqu'à la ses grappes vermeilles: «La mort!... la hideuse mort!... crieraient-ils tous ble .• Mais ce n'est pas la mort, c'est 1t c'est la graine, recéleuse intense de vie d'ult chêne, va faire mille chênes. C'est le soir qui repose de la clarté du et conduit à la douceur des matins. C'est le vin durement piétiné, uv•••u•,uwq dans l'obscurité des cuves, et qui, sera des topazes et des rubis, de la lorœ la gaieté el des chansons dans le cristal' verres!
...
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celui qui a écrit le livre que tc tiens mains. celui qui gagna la fortune que tu celui auquel tu dois le sang qui tes veines, et l'ardeur qui brille cela ne veut pas dire qu'il
,.. • * • autrement ~ ... mais il est! ... taire un instant les vains bruits du Marche seul dans la campagne à s'allument au fond du ciel les mysétoiles... Entre dans une église solidans un cimetière au tombe... Réfléchis... écoute... alors comme le bruissement tout le passé qui escorte anxieule présent, son œuvre! ftendant les mains, tu rencontrerais les des disparus qui te cherchent dan~ Appelle dans la prière et tu entenla réponse au fond de ton cœur.
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fou celui qui croit que le présent se tout seul! ... .. ,..~•.~., c'est la nouvelle pierre du mur c'est la vague s'ajoutant aux vagues océan ... c'est l'écho de tout l'auc'est déjà. le passé de demain 1 pourquoi, ceux qui, ayant bénéficie l'effort de ce passé éteignent le namrestreignent la vie... vie de l'intellivie du cœur vie matérielle, abîment Ames et com~ettent la faute suprême l'avenir exigera l'expiation. la seule expiation possible, c'est la
Et quand on est on croit à l'au-delà, Amour y préside. physiques sont implacables; les 0 créature humaine qui as perdu un aussi. aimé, je comprends tes larmes et je de souillé n'entre au ciel, et nous avec toi! tous solidaires les uns des autres, Une séparation, même d'un jour, est vérités qui expliquent tout, la douleur prière. tristesse. Mais y a-t-il vraiment séparation? légende raconte qu'une femme de BéVois!... La mort nous entoure partout, con~o,.•. pressentant la Passion du Christ, arme un vêtement. tard à Jérusalem pour accompagner .Maître. Il est mort, celui qui a bâti la maison que tu habites. était déserte. Mort, celui qui a planté l'arbre qui t'ontfemme vit des traces de sang, et brage. Lui. • Mort, celui qui a peint le tableau que tu suivit ces traces au travers des. rues aimes tant à regarder. et ainsi arriva jusqu'au Calvaire.
C'est toujours la même route qui conduit aux sommets et à Dieu. Vérité terrible, mais vérité. Souffrances contre lesquelles nous nous sommes révoltés, larmes amères, vous étiez nécessaires! ... Séparation des miens... visions de deuil... ciel gris d'automne, feuilles qui tombent sur la terre dure, glas funèbre des cloches ... vous êtes le garde A vous perpétuel! ... Et vous me dites: Créature d'un jour qui t'agites une heure, ne prends pas l'ombre pour la réalité. ... Ta patrie est là-haut, par delà cette tombe dont chaque instant te rapproche, et où le fleuve de ta vie coulera à jamais dans le pays de la lumière, du rafraichis!ement et de la paix!... PIERRE L'ERMITE.
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Sans Mère Le soir du 14 juin 1807, non loin des bords de l'Alle, petite rivière qui arrose friedland, un soldat est lA couché, une bles~>ure ensanglante sa poitrine, il gît au milieu d'autres que le trépas a déjà. effleurés de son aile, car la bataille a été particulièrement meurtrière, et si, avec une intrépidité prodl· gieuse, les français ont, sous une pluie de mitraille enlevé la ville, coupé et brûlé les ponts c~la n'a pas été sans laisser un grand nombre de soldats sur le champ de bataille. Les heures s'écoulent lentement, le combat qui dure depuis trois he~res du matin vient enfin de cesser; quatre-vm2'f bouches à feu restent entre les mains des français, 25.000 Russes sont tués, blessés ou noyés, le reste tuit dans le plus grand désordre, c'est une éclatante victoire. Jacques Drumont, qui n'entend plus tonner l'artillerie, se prend à désespérer. Les brancardiers vont-ils donc t~rder à faire leur othee, pourvu qu'ils l'aperçOivent Ru milieu des morts qui l'en1ourent? Une angoisse étreint son cœur et, ~our engou_rdir s'il est possible la douleur qu'JI ressent, 11 se met à songer, à faire appel à tous ses souvenirs. Hélas! ses pensées, au lieu de le réconlor· ter l'attristent davantage; enfant abandonné, il n'a pas connu ses parents, élevé rudement par des paysans dont il menait paître les trou~peaux, il n'a jamais senti la douceur des ca-
124 resses maternelles; la conscription l'a pris il n fait loyalement son métier de soldat rr:ais dans ses campagnes pas une fois il n'~ reçu pour le réconforter ces bonnes lettres du pays qui réjouissent l'âme et relèvent le courage. En ce moment une révolte gronde sourdement en lui. Qu'a-t-il fait pour être privé de ce qu'ont tous les autres? Il va sans doute expirer seul dans ce champ de carnage er nul ne se souviendra de lui; personne ne redira Gon nom avec amour. Les heures passent, le silence a succédé au bruit de la mitraille. Certainement les infirmiers ne l'ont point aperçu. Le blessé voit se lever l'aube avec un découragement profond, par un effort surhumain il relève la tête laisGant errer autour de lui ses regards anxieux; tl aperçoit à quelque distance un vieil arbre uuquel un obus a mis le feu et qui se consume lentement, jusque-là il n'y a point prêté attention; mais à cet instant le feu qui rencontre des branches mortes fait jaillir des llammes et le blessé peut contempler un spectacle étrange et touchant à la fois. Une cigogne qui a établi son nid dans cet arbre est en train d'y couver ses œufs · tant quïl a brûlé sourdement, elle ne s'e~ est point préoccupée et tout à son devoir n'a pas quitté sa nichée, mais dès que les !lammes jaillissent, elle se rend compte du danger, ellé tle soulève, c'est alors que Jacques Drumont l'aperçoit voltigeant perpendiculairement audessus de l'arbre, elle semble chercher du secours. Le nid est isolé, nul autre oiseau ne se montre près de là; la cigogn~ )()in de songer à sa propre sécurité, qu'elle eat pu facilement assurer. ne paraît se soucier que de sa future progéniture. On dirait qu'elle guette Je moment où elle pourra enlever ses œufs au désastre qui les menace. Les flammes gagnent toujours; plusieurs fois elle s'abat sur sa couvée, puis repart à nouveau en quête d'assistance; mais l'incendie continue, les branches sur lesquelles est posé le nid sont atteintes. Alors la mère n'hésite plus, elle essaye de combattre le foyer de ses ailes; voyant qu'elle ne fait que l'activer, par un acte d'amour maternel vraiment sublime, elle pique droit à son nid, s'y pose, étend largement ses ailes sur ses œufs pour les garantir le plus possible du contact du feu et reste là stoïque, sans bouger, jusqu'à ce que la mort la prenne elle et les siens. Ce spectacle émeut à tel point l'âme du
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blessé qu'il en oublie ses propres ces et, par un revirement inattendu il jouit maintenant d'être seul au monde· . 1 tinct maternel d'un oiseau est pou;s: P?i: t edxtrême qu'il pré.fère perdre la Vie d a an onner sa couvee, quels doivent les déchirements d'une mère lorsqu'on lui annoncer que le fils qu'elle aime sus tout a succombé loin d'elle en étranger. • Oui, murmure Jacques, Dieu fait qu'il fait, assez de mères françaises ront leurs enfants, qu'il en soit un au dont la mort ne lasse pas couler de Bientôt des pas résonnent, ce sont les dats qui viennent relever et enterrer morts; ils approchent de Drumont, vent qu'il n'est que blessé; à la hâte, chen! une civière, l'emportent à """''"·L tout en essayant de le réconforter par de nes paroles. " le major va s'occuper de lui tout de te et sûrement le guérira. • Jacques avec un bon sourire. Qu'importe, à l'exemple de l'oiseau a développé en résignation; s'il succombe, l'idée que sa n'affligera pas le cœur si tendre d'llllt aàoucira ses derniers moments; s'il contraire de sa blessure, il reprendra rang au combat, et fera vaillamment son voir en songeant qu'il risque sa vie pour gloire de sa Patrie, de cette mère pour quelle tous ses enfants doivent être fiers verser leur sang. .,..
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La Chambre réservée Qui ne s'est pas trouvé par un soleil dans quelque haute vallée de la Dauphiné ou de la Suisse, i2nore un des sirs physiques les plus intenses. Le ment par le froid communique à tout le une chaleur vivante qu'on sent courir qU''au bout des doig-ts. L'air glacé qu'on pire est comme un breuva2e bouillant qu'on l'a respiré. Autour de soi. le.s ~e~ dont la nei~re frissonne et mi la lumière qui l'attaaue sont les les colonnes d'une cathédrale élarf!Ïe ciel. ott le iour chante et prie, oi't J'on la présence de Dieu... Le ski a. achevé de me révéler la deur de la montagne en hiver. Après
essais au mont Revard, en- Savoie, dont . sont commodes, j'avais résolu de avec une bande de skieurs une expéun peu plus aventureuse. Il s'agissait sser du val d'l.sère à Bonneval, en Maupar le col d'Iseran. Bien que le col soit à 2800 mètres, ce n'est pas une urse difficile, mais pour ~n débutant ce ~ t déJ'à pas mal. Le chenun est marqué, gesï y a un refuge au sommet , rn' assura1e · nt el ~ compa~ons, mieux rompus à ce sport, - ur me convamcre . • et rn,en frat!ler. , po Quand nous voulO.mes parhr du val d Isère. le brouillard était à !lot~e porl.e. Sans doute. nous devions le . franchtr en mon.tant, ais ne valait-il pa.s mteux attendre qu't~ se (ssipât? Nous perdîmes ainsi du iemps, et ~s iours, en janvier, sont si . court~! _A ~a montée. dans la brume qui s'efhl~cha•t. je v!s bien que ma lenteur déc.ourageatt . mes a~s · tous les deux ou trOis cents metre~. s arq·~~·ient pour me convaincre et m'enlramer. re - Allez en avant. leur dis-je. Si j'ai trop de mal, je redescendrai _sur le val d'Isère. S•000 je vous retrouverai à Bonneval. Iis hésitèrent à me lâcher. L'un d'eux, le plus enragé, ayant fait. ~bserver . aux .autres ,ue jusqu'au col 1~ c~emm muleher, d1s~ru sous la neige, est mdtqué par ~es py~amlde~ de pierre, on m'abandonna. L as:~nsw~ me coûta un effort considérable. Je dejeunat sur 1 pente hâtivement. Un ou deux coups de v~n des •œufs durs, une aile de poulet et de la ~onfiture, que je vous reco~ande en mon· taf!lle, me réconfortèrent. Au heu d.e renoncer à la lutte, je repartis, plus gatllard, el j'atteignis enfin le sommet du col., • . Il était. 3 heures passées. Je navalS plus qu'une bonne heure de jour. Prudemment, j'aurais dO. ou rega~er le val ~'lsèr~, dont je connaissais maintenant la dJTt~chon ou m'installer dans le refuge .pour. Y passerdla nuit. Mais quoi! le soleil, ~e~arrass~ ~s nuages. me riait, la neige bn.llalt, et 1~taiS vainqueur. Je n'avais qu'à smvre les traces de mes devanciers, et puis, à la descent:, mes skis allaient enfin me procurer de la VItesse. Je m'engageai donc à _toute allure dan~ le vallon de la Lenla. J'avals en lace de mol les R"laciers de la Levanna, de Roche-Melon, d'Albaron que je voyais danser dans ma course et' dont l'éclat me blessait les y~ux. Une première chute ralentH m~n enthousiasme et cet arrêt forcé me pennü de me re~ dr~ compte que j'avais dO. m'écarter de la vole
frayée par mes compagons, car je c~er.chais en vain les sillons de leurs skis. Allats-)e remonter pour les découvrir? Ah! non. pat' exemple, j'en avais assez de grimper ~ur ces longs patins. Je continuai donc au peflt ?on· heur. Mais il fallait un pont pour franchir le torrent, et je fus bien forcé de courir après le chemin perdu. . Le soleil se coucha, embrasant la netge. A peine accordai-je à ce spectacle exalta~! quelques regards désespé~és. , Je ne ?eva•s être loin de Bonneval, et je n apercevats pas Bonneval. J'étais très las; celie _longue mo~ tée m'avai t épuisé. Et surtout Je me sentat.s pris d'inquiétude A cause de la nuit qui ~lla1t venir qui descendait comme un grand Oiseau noir 'sur ces espaces blancs où la lumièr~ se traînait. Je quittai mes skis dans la .cramte de m'égarer encore en glissant trop vtte. Les jambes rompues, je pus à peine .me r_ernettre en route. Ces imbéciles, qui devatent etre arrivés à Bonneval depuis plusieurs heures, n'auraient pas eu l'idée de faire quelques pas à ma rencontre! J'étais furieux contre eux: lâche-t-on ainsi un camarade, un début~n~ qui, pour les accompa~ner dans leur expedt· lion a accompli des prouesses? Et dan~ celte détresse qui m'envahissait, je comnns la fau~e de m'asseoir pour me reposer quelques instants. Rien n'est plus dangereux: une sor· te de torpeur heureuse vous gagne, vou_s endort, et l'on ne se relève plus; La sohtude, l'obscurité l'inconnu m'entourerent comme une escor~ perfide. Je penchais ~éjà la têt~. Mais je me souvins d'états paretls observes chez d'autres que j'avais dû sec~uer, et, d'un effort suprême. j'écartai ce vertige du sommeil. Cependant, j'étais à bo~t ~e forces. Au bout de quelques pas, n'allats-]e pas retomber? j'aperçus alors, providentiellemen~, ~n feu qui s'allumait à quelque distance. Cétatt u~e petite lumière, pour moi s! impor~ante·. _Là, fût-ce une mauvaise écurie. tl y aVll;_lt ?n etre humain qui me porterait secours; la, Je trouverais un gîte, fût-ce une grange, pour la nuif. Cet espoir me rendit courage et. pour atteindre mon cantonnement. je .sus remett~e mes pieds fatigués l'un devant )·autre et meme remonter une pente assez dur~, avec tout l'embarras de mes skis inutiles. . . Ce n'était ni une grange, ni une _écun~, m même un chalet, mais bien une vrate maison de propriétaire à son aise. Par un des car· reaux, je distinguais la lampe et des ombres
126 qtù allaient et venaient. Je me félicitai inté-1 rieurement d'êt.re .sauvé et je cognai à la por· te. J'entendis qu'on remuait à l'intérieur !en· tement, et puis rien. Je heurtai de nouveau. Enfin. un homme parut, avec une lanterne qui l'éclairait de bas en haut, de sorte que je ne voyais guère du visage qu'une grande barbe en broussaille. - Qui est là? Que voulez-vous? J'expliquai mon aventure e~ demandai l'hospitalité. Pendant que nous parlementions, une femme et deux petits enfants se rangèrent derrière la lanterne. L'homme, qui m'avait laissé parler. se contenta d'un c Entrez! • et me tourna le dos, poussant devant lui sa famille. Je suivis le cortège, et nous pénétrâmes dans une lon{!'Ue pièce basse, qui servait à la fois de cuisine et de salle à manger. - Ah! du feu! m'écriai-je. Et de la soupel C'était même de la soupe aux choux qui commençait de mijoter. Le parfum d 'une soupe aux choux est exquis aux narines du voyageur épuisé. Je la reniflai avec émotion. Pendant que j'étais ainsi occupé, mes bOtes se concertaient. Sûr de ma nourriture et de mon coucher, j'étais bien tranquille. - On va vous montrer votre chambre. - Ce n'est pas pressé. Près dUI fourneau, je ne désirais rien provisoirement. Tout de même, puisqu'on m'offrait une chambre, une chambre pour moi tout seul, ce qui dépassait mes ambitions, il convenait de l'aller voir. Par une échelle as,sez raide, nous montâmes au premier, où l'on me montra une pièce bien tenue, bien propre, avec une lucarne obstruée par la neige. Elle devait être inhabitée depuis longtemps, à en juger par l'odeur de renfermé qu'on y respirait. Mais le lit paraissait bon: ce serait merveille d'y dormir. Je posai mon sac, je défis mes bandes molletières, et, plein de OTatitude, mais le ventre creux, je redescendis surveiller le dîner. Fameuse la soupe aux choux! et pareillement le jambon qui suivit et que nous arrosâmes d'un cidre un peu trop fermenté. Cependant, rna g'aieté ne dérida pas mes hôtes. L'homme restait grave et la femme triste. Je m'ente.ndis mieux avec les enfants. Pierrette et Michel. que je bourrais d'histoires: le Polyphème de « l'Odyssée» les conduit toufl à fait. Après quoi. l'estomac chaud, le cœur généreux, j'allai me coucher. On me souhaita une bonne nuit et on me pourvut d'une chan-
delle, qu'on me recommanda d'konomJser Je riais, en quitlant ma veste, de cette "rt, cornmandation. Car je tombais de som . La chandelle serait vite soufflée. Cepen:t l'odeur de moisi que je retrouvai dans U. chambre me fut si pénible que je voulus ou. vrir la lucarne pour aérer un peu. Je rencou. frai dans cette opération les plus sérieuses difficultés, à cause du poids de la nelat mais je m'obstinai. Quand je parvins à. sou: lever le châssis, j'entendis sur le toit COlllJQe une ~égringol~de de ~ierres, en même te111ps que 1e receva1s au v1sage un courant d'air froid: ce devait être de la neige glacée qui se détachait et roulait. Et, brusquement, par l'ouverture que je maintenais avec peine, un objet passa, se fixa, que je dus reconnaître aussitôt pour un bras d'homme, un bras avec une manche de gros velours, tel qu'en por. lent les paysans. Le saisissement que me causa cette COI13ta. talion me fit lâcher le fer de la fenêtre, de sorte que le bras se trouva coincé. Je me raisonnai, je me rapprochai, j'osai enfin tlter ces doigts tendus : ils étaient gelés, ils craquaient conune de vieux os. Plus de dou~: il y avait un cadavre sur le toit. Ma foi, j'avoue que mon sang s'arrêta. J'ai peu rencontré dans ma vie de sensations aussi désagréables. Je remis en hâte mon vf. tement, sans perdre de vue cette main ill1lJ10o bile qui pendait, et j'imaginai tout un drame. On avait dû assassiner quelqu'un là, dans cette pièce, et l'on s'était débarrassé du mort comme on avait pu•, les amas de neige interdisant pour le moment un transport plus éloigné. C'était peut-être un touriste en d~ tresse, comme moi, qu'on avait hospitalisé, égorgé et volé. Toutes sortes d'indices, main· tenant, m'envahissaient la mémoire, se grou· paient en faisceau.: les chuchotements à mon arrivée, eJ le conciliabule secret de l'homme et de la femme, et cette chambre qui, d'avance, était réservée, qui n'avait pas de serrure. où l'on viendrait sans doute me surprendre tout à l'heure. Mieux valait déguerpir, se confier à la nuit au risque de s'égarer. tâcher de dé· couvrir les feux de Bonneval; j'utiliserais dans cette recherche mes dernières forces; restauré, je pouvais en somme repartir, tenter la chance. Avant tout, il fallait s'en aller. Mes bandes roulées à nouveau autour de mes jambes, le sac au dos, je descendis à pas de loup l'échelle que mes souliers à clous ébranlèrent de sorte que mon hôte, qui n'é·
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tait pas coucM,
m'en~endit et J?OUSS~ l'obli·
ae:ance jusqu'à rn écla1rer. J'éta1s pns. J'ex·
pli!luai tant bien que mal que mes amis de.aient s'inquiéter de moi et qu'à tout pren~ je partais pour les rejoindre. Quand j'eus fjJii ce discours embarrassé pendant lequel je ld'~tais emparé de mes skis et de mon bâton restés en bas, je reçuS en pleine figure un ,pon. retentiss~~· On me barrait .1~ porte. - Laissez-mŒ passer, réclamat·Je avec fptl'll"Îe· L'homme répéta: -Non. Mais cette lois il ajouta brusquement: - On ne s'en va pas par lin temps pareil· Ef soulevant le loquet, il ouvrit. Une bOUr;asque de neige .n~us assail~t aussitôt, ~antis que la lampe filait et fuma1t. Là-haut, 111 lucarne entre-baillée par le mort envoyait son courant d'air. Pendant qu'il refermait, un vacarme descendit sur tt!)US du pre· étage. Nous discernâmes ce cri: - Il est revenu! Il est revenu! Et la femme, à son tour, prit l'échelle et apparut en chemise, la face épouvantée. Eh bien quoi? parle, interrogea le - Il est. revenu. - Mais qui? -Ton père. L'homme monta. Interdit, j'oubhai de prode son absence pour m'enfuir. J'entendis la lucarne, ef tout de suite après voix nous secoua: - Mais non, c'es~ le bras qui sortait. Le bras? On était éntré dans ma chambre, savait que je savais. Mon compte était Et j'allais cette lois me sauv~, quand homme, lestement, fut sur m01. - Ça vous a fait peur, le bras du vieux? pas vous enrayer. Qu'estree que vous il est défunté l'autre semaine. Alors, on meurt en hiver, chez nous, on vous sur le toit. parce que, n'est-ce pas. imposde vous descendre à l'église et au cime· Ils sont bien là-hauf; Je froid ça conAu printemps, on les enterre l!vec la et le curé. On vous a donné sa cham: c'est la meilleure. Mais .si ça vous gêne, vous étendra une paillasse dans la cui~ine. premier qui couche dans la chambre d'un dame c'est sûr et certain que celà ne porte p'as chance. Aussi, on l'offre touà un étranger. C'est la coutume. Mais je l'assurai que maintenant j'y cou-
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chera.is le plus volontiers du monde. Et je dormis très bien, avec le mort, à l'étage audessus. Henry BORDEAUX.
Variétés = LE THE La plante à thé est originaire du sud-ouest de la Chine, de l'Assam et du Mani pour, et est cultivée depuis des siècles en Chine et au Japon. Le thé constitue dans ces pays un des principaux éléments de la consommation publique. A partir du milieu du dix-huitième siècle l'usage s'en répandit en Europe et pen· dant longtemps le thé provint uniquement de la Chine: Fou-Tchéou et Canton étaient les quartiers généraux des grands marchal!ds. Vers 1835 les ellorts du Jardin botanique de Calcutta déterminèrent l'introduction de la culture du thé dans l'Assam, dont la production est à l'heure actuelle très abondante. Ce n'est que plus tard, en 1875, après la ruine du café, que les planteurs de Ceylan entreprirent la culture du thé en vue du commerce. De 1880 à 1890 l'extension de la cul· lure prit des proportions colossales, la su· perficie des plantations atteignit 380,000 acres: elle est restée stationnaire depuis lors. La même culture introduite à une époque plus récente à Java, couvre aujourd'hui une su· periicie évaluée à 50.00<J acres. Cet~e ~r~de extension eut pour consequence la d1mmuhon de l'exportation de Chine, et les marchands quittèrent peu à peu fou-Tchéou pour Cal· cutta et Colombo. En 1905, Ceylan exportait 80.000 tonnes de thé dont 50.000 à destina· lion du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande. La plante à thé, qui est un arbre de petite taille se cultive en champs, la distance d'un arbr~ au suivant étant d'environ 1 rn. 20. On émonde fortement les arbres, qui se présentent alors sous l'aspect d'arbrisseaux trapus au sommet desquels surgissent constamment des pousses qui, prises dans leur en~ernble, sonl dénommées le flux. La préparahon du thé pour le commerce compr~nd 1~ cueill~tte des jeunes pousses et les mampulahons qu on leur fait subir. Les feuilles sont séchées jusqu'à ce qu'elles soient complètement fanées. Elles sont ~nsuite comprimées et tordues dans un appare1l sp~·
o lDéeemmbre
1912
128 cial, et la masse compacte qu'elles forment est divisée en tas que l'on laisse fermenter l l'air. A peu près deux heures plus tard, la ieuille a pris une teinte cuivrée et aco,uis une odeur particulière. On fait ensuite passer un courant d'air chaud à travers la masse hmni1 de des feuilles fermentées jusqu'à ce qu t>lles soient devenues sèches et cassantes. Puis on opère le triage des feuilles, que l'on enferme dans des boîtes garnies intérieurement de plomb et qui contiennent environ 50 kilogrammes de thé. La préparation du thé vert ne dii!ère de celle du thé noir que par l'opération du dessèchement qui se fait alors par la vapeur et l'omission de la fermentation; elle a surtout en vue le marché américain où les thés noirs, réservés aux marchés anglais et -australiens, ne sont pas en laveur. La commerce du thé au Japon a subi une diminution assez importante pendant la saison de l'aimée 1912, comparée à celle de 1911. Le total des arrivJges des ieuilles non travai llées y iut en décroissance de 10 '% environ, mais par contre le prix d'achat moyen a été supérieur, ce qui compense en partie la diminution de la production.
Les lampes correspondent aux touchea la machine à écrire et, reliées avec elle !ils électriques, s'allument ou après l'autre, et c'est ainsi que les sont transmises optiquement. Mais vous, conunent un sourd-muet auquel' phone est-il prévenu qu'il doit se J'appareil? La sonnerie habituelle ne lui virait de rien. Just Lilienthal a pensé à toul et voici tement à quoi sert son indicateur. Le sourd-muet qui veut converser avec autre personne n'a qu'à manœuvrer levier de sa machine électrique pour diatement (ceci pour la nuit) toutes électriques qui se trouvent dans 1 ment du destinataire el servent à s'éteignent pendant une seconde envi au contraire, il !ait grand jour, les lampes s'allument. Est-il besoin d'ajouter que cet qui peut permettre de mettre en rapport personnes très éloignées l'une de l'autre, pas exclusivement réservé aux so•"rrls-tm""''
l.E TELEPHONE DES SOURD&MUETS Cela paraît une mauvaise plaisanterie, mais c'est cependant t'expression de la plus exacte vérité; les sourds-muets vont pouvoir désormais correspondre par téléphone. lis le devront à un de leurs !rères danois, Just Lilienthal, qui, depuis de très longues :111nées, travaille dans le laboratoire expérimental de ta Compagnie Générale électrique de Copenhague. Cet ouvrier, très ingénieux, cherchait depuis de longues années à rendre utilisable le téléphone aux malheureux comme lui privés de l'ouïe et de la parole. Il vient d'y parvenir grâce à un petit appareil qu'il imagina et construisit de toutes pièces. 11 se compose essentiellement de trois organes: L'envoyeur est constitué par un clavier semblable à celui des machines à écrire et sur les touches duquel Je muet qui désire envoyer un message Je pianote exactement comme s'il le voulait télégraphier. Le récepteur - composé d'un cadre dans lequel il y a trente-six J:ampes électriques représentant chacune une lettre de J'alphabet ou un chiiire - se trouve devant les yeux de la personne à laquelle est adressé le message.
vtmatre (Q) 1{{ ~ïll ~Jl
Sceiêté "~alai~~Af)tJe d 'édu~ation .
xxx • C'est une raison, en effet. - Je lis toujours mes vers à un ami de les publier: j'aime à entendre une juste : tiens, écoute ceux-ci? - Pourquoi ne les lis-tu pas à Grille1 est plus connaisseur que moi. - Oh! lui. je lui en ai lu plusieurs il les a toujours trouvés mauvais!
Publication ~u MUSEE PEDAGOGIQUE L'Ecole primaire donne de 10 à 12 livraiso d pages chacune, non compris la couverture et nst e 16 t!U~pléments de 8-16 pages pendant l'a~née au ~?t .de (sOit du 1er Janvier au 31 Décembre) or marre Chaque mois il est en outre appo~té 1 illustré de 8 pages intitulé : Le Foyer
Pensées
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:t. Les sentiments graves ct les OCI:unalioe
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sérieuses prépar('nt siogulièremen! les amusements simples. :~ L'humilité u'est que la connaissance la vérité. Rien ne pénètre auF-si do aussi profondément dans l'âme que ce de J'exemple. :t L'avarice est aussi éloignée de 1 que la prodigalité. t L'homme arrive au tombeau traînanl longue chaîne de ses espérances trompéeR.
Les abonne?Jents se règlent par chèque postal 3 ou- a ce défaut contre remboursement Annonces : 20 cent. la ligne sur toute la Îargeur Tout_ (f;e ~ conc;erne lex publlc;œtion doit être œdr • dlrec;tement ex son gércmt' M ' p · PIGNAT• Che.rD de Ser~iee esse a Dé a pœrtement de l'Instruc;tlon pubUque, à Sion.
t On peut être plus tin qu'un autre, non pas plus fin que tous les autres. t Les esprits médiocres condamnent dinaire tout ce qui passe leur portée.
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qui sont sévères pour les autres ne se sont jamais Texaminés de