LES VISITES D'ÉCOLES M. l'Abbé Horner, professem· à l'Université de Fribourg et rédacteur du Bulletin }Jé!la~ogique, a publié dernièrement une sorte de guide des autorités scolaires sous le titre qui précède. C'est court, clair, méthodique et pratique, comme tout ce qui sort de la plume de l'éminent pédagogue. Ainsi, ]}1. Homer aura ajouté un nouveau service à ceux qu'il a déjà rendus à l'instruction primaire. Nous le félicitons et le remercions, quant à nous, de son beau travail, qu'il a bien voulu remanier et compléter pour l'Ecole pt·imaii·e et qu'il dédie à notre modeste publication.
But. - Les visites d'écoles ont pour but général : a) de contrôler l'instituteur dans son enseignement et dans l'accomplissement de ses devoirs d'éducateur ; b) d'apprécier le savoir et le progrès des écoliers dans l'instruction ; c) de stimuler la bonne volonté et les efforts du maître et des enfants. Importance. - Des visites faites régulièrement et avec un zèle intelligent contribuent puissamment à la bonne marche de l'école, en ce qu'elles préviennent le découragement, la négligence et parfois les écarts chez l'instituteur, et en ce qu'elles dissipent souvent la mésintelligence, les préventions entre le maitre, d'une part:, et les autorités locales et les familles, d'autre part. Elles contribuent aussi, soit à la bonne fréquentation de l'école, soit à la soumission et à la discipline des enfants. L'enseignement du maitre se ressentira inévitablelnent des exigences des examinateurs. Ainsi, si l'inspecteur n'a aucune connaissance de la méthodologie, s'il laisse à l'arrièreplan telle ou telle branche du programme, la marche de l'école ne manquera pas de dévier et de subir la fatale influence de l'incapacité ou de la négligence des autorités scolaires. Combien peu de ces inspections sont faites avec intelligence et avec fruit? Hélas ! le plu s souvent elles sont considérées comme une simple formalité que l'on remplit pour l'acquit de sa conscience, parce que la loi l'exige. Nous croyons cependant que, si ces examens étaient mieux compris, ils ne seraient plus considérés comme une ennuyeuse corvée
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par les autorités scolaires qui y prennent part; ils ne manqueraient pas d'exercer une sérieuse influence sur la marche des écoles. Une visite est avant tout une marque d'intérêt à laquelle maîtré et élèves sont fort sensibles. La présence du pasteur de la paroisse, elu président de la commune aux jours des examens est un stimulant pour l'école. Les enfants préparent mieux leurs leçons, font leurs devoirs avec plus de soin lorsqu'ils apprennent qu e les autorités assisteront aux répétitions générales. Aussi, dans quelques conditions que ces inspections aient lieu, même mal faites, elles encouragent ct réjouissent les écoliers autant que l'instituteur. Mais quelle impulsion n 'imprimeraient-elles pas à l'enseignement, si elles se pratiquaient avec un peu plus de compétence et de méthode ? On répète souvent et avec raison : Tel maître, telle écol,:;; mais ne pourrait-on pas dire aussi, non sans fondement : Tel inspecteur, tel maître? Le jour oit l'instituteur sentira le regard vigilant cl"une autorité scruter son travail, son enseignement, sa contluite, pour contrôler la préparation de ses leçons, la correction journalière des devoirs, sa ponctualité dans la tenue cle son école et dans l'observation de l'ordre du jour, soyez sûrs que ce maître, tenu constamment en haleine par cette surveillance, qui sera pour lni un appui et un précieux encouragement, se dévouera avec plus de générosité à sa t âche et y travaillera avec pl us de succès. Quan<l nous parlons de contrôle de la part des autorités locales, nous n'entendons point par là une sor te d'espionnage qui chercherait à prendre l'instituteur en défaut, mais d'une surveillance bienveillante charitable qui sait ' ' concilier nue bonté sincère avec une juste sévérité, qui sait corriger au besoin, comme aussi fermer les yeux et pardonner. J>our jouir de quelque crédit, un visiteur doit connaître les matières qui forment l'objet cles examens. - Mais il u·est pas possible, me dira-t-on peut-être, que chaque membre d"nne Commission scolaire soit prêt à tout moment à faire subir un examen complet sur toutes les branches du programme scolaire. - Ce serait là, je l'avoue, une exigence ridicule si ce n'est pour lïnspecteur attitré. Cependant, on ne saurait le nier, l~ temps que l'on consacrerait à revoir fie temps à autre les principales règles d'arithmétique, on les plu s belles pages de notre hif'toirc nationrtl<' ou ks él<'ments de la.
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géographie de la Suisse, ne serait pas perdu. Il suffirait de consacrer quelques heures, chaque année, à la révision du programme scolaire, pour être au courant des connaissances que l'école primaire commuuiq ne aux enfants, et pour être à même de faire subir un examen avec compétence ct profit. Les autorités scolaires, qui sont capables - nous ne parlons pas ic\ de l'inspecteur - , pourraient aussi étudier avec avantage les principales méthodes ll"enseignement. L'intérêt que l'on tromerait à cett e étude, le I.Jénéfice qu'en retirerait l'école, devraient paraître lies motifs suffisants pour que l'on ne reculât pas 'levant cette tâche. Et alors nous ne serions plus condamnés à por ter notre examen éternellement sur les mêmes points : snr la lecture, la rédaction et la dictée, qui nous sont :plus familières ; no us pourrions exercer notre contrôle sur tout le savoir des écoliers, comme aussi sur la manière d'enseigner. AYC'C quelques notions de pédagogie, lt>s autorités scolaires ne seraient plus exposées à recommalhlcr ou à introduire dans les t'coles des méthodes absurdes, ou à contrecarrer l'instituteur ou l'inspecteur dans leurs réformes les plus utiles et dans lems mesures les plus rationnelles. Personnel. - c·est la loi et les règlements scolaires qui indiquent les dh·ers examinateurs des écoles et qui déterminent leur compétence respective. Le seul moyen d'éviter les conflits, c'est que chacun respecte scrupuleusement ce que le législateur a statué. Du reste, comment les autorités scolaires pourraient-elles exiger de l'instituteur l'observation des rôglemeuts si elles-mêmes manquaient à leurs devoirs ? Dans la plupart des pays il existe, outre les commissions locales, des inspecteurs scolaires chargés spécialement de la sm·veillauce et des examens des écoles . L'inspecteur doit bien connaître : a) toutes les lois et règlements scolaires ; l1 les branches et les matières !lu programme ; c) les manuels en usage dans les écoles ; d) la meilleure méthode d'enseignement pour chaque hraudw et l'organisation scolaire. Il est évident qu'on ne saurait raisonnablement demander le utêute savoir et la même compétence <le la part Iles commissions scolaires, composées géné ralement, ù r une ou l'autre exception près,
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de geus peu instruits; mais ce qu'on est en droit d'attendre de ces autorités locales, c'ost un appui généreux, énergique au besoin, en faveur de l'instituteur. Celui-ci rencontre-t-il quelques cas graves d'insubordination, d'indiscipline, les parents retiennent-ils leurs enfants sans motif à la maison, l'inspecteur prescrit-il des améliorations relativement au matériel, c'est aux commissions scolaires d'assurer l'exécution de la loi et de sauvegarder les droits de l'autorité à l'école. Défauts à éviter dans les examens scolaires. - Signalons les principaux défauts coutre lesquels les examinateurs doivent se tenir en garde. Nous ne parlerons pas ici de certains procédés primitifs qui n'ont rien de commun avec une bonne éducation comme ' de pénétrer dans la salle d'école sans témoigner à l'instituteur les égards qui lui sont dus, sans le saluer, sans lui adresser la parole, peut-être même le cigare à la bouche et le chapeau sm la tête. Grâce à Dieu, ces manières, dont le bon vieux temps a pu être témoin, ont disparu depuis longtemps. Est-il besoin de le dire? il faut que les visiteurs qui inspectent des écoliers sachent leur donner le bon exemple par leur politesse, leur affabilité ; qu'ils évitent de troubler le silence de l'école en parlant fort, en se promenant, en faisant du tapage. Qu'à leur entrée dans la salle, l'instituteur s'empresse de leur offrir des chaises, afin qu'ils restent tranquilles et que l'ordre le plus strict, un moment troublé par leur arrivée, soit aussitôt rétabli . .Cc sotlt là des vétilles peut-être, mais elles ont pourtant leur importance. Trop souvent il arrive que les examinateurs, s'ils sont instruits et capables, prennent pour uniquB critère de leurs appréciations leur propre savoir. Voici un homme qui connaît bien sa langue maternelle, qui a même fait ses études classiques : il s'étonne que les écoliers du cours supérieur commettent encore des incorrections de style et d'orthographe. Profondément scandalisé sur la faiblesse de l'école, il s'écrie: « Qu'on apprenne donc, avant tout, la langue maternelle. S'il le faut, laissons de côté tout le reste. » Ignore-t-il clone, cet examinateur, que l'ou apprend mieux sa langue en étudiant un manuel d'histoire, de géographie, de sciences naturelles, etc., - si ces branches sont bien enseignées - qu'en épiloguant sur les anomalies de la grammaire ou sur les cas exceptionnels des participes ?
Un autre examinateur, qui a étudié les sciences naturelles, portera exclusivement son attention sur cette branche et se plaindra naturellement de l'insuffisance de l'enseignement sous le rapport scientifique. Les matières que le visiteur pos~ède lui-même, voilà la base, voilà le fondement de toute instruction, voilà ce qu'il faut absolument communiquer aux enfants. Quant aux branches que le visiteur ignore, elles n'ont aucune importance et on pourrait les abandonner sans inconvénient. - Pardon, Messieurs les examinateurs, il ne vous appartient pas de réformer le programme scolaire. Vous devez le faire respecter par l'instituteur et, à cet effet, il faut que vous le respectiez vous-mêmes les premiers, en sachant vous y conformer strictement dans votre visite. Le programme établi par la loi, fractionné dans le règlement général et les manuels obligatoires, distribué, pour ainsi dire~ en rations journalières dans le Journal de classe : tel est le champ parfaitement limité où vous devez prendre toutes vos questions. Beaucoup d'examinateurs, cèclant à la tentation de faire étalage de leur savoir, interrogent les enfants, non sur les connaissances que ceux-ci possèdent, mais sur ce qu 'ils ne savent pas, sur l'étymologie latine d'un mot, sur la signification d'un terme inusité que l'on a trouvé récemment dans une revue ou dans quelque journal, sur un cas difficile et exceptionnel des participes, sur un fait historique peu connu , sur une donnée scientifique que les enfants et l'instituteur ignorent également. La question restant sans réponse, notre visiteur prend un air triomphant et s'empresse de montrer son savoir en répondant lui-même à sa propre question. C'est là du pur péclantisme qui fait perdre à l'examen toute sa valeur. Vous n'avez pas à constater ce que l'écolier ignore, mais ce qu'il sait, ce qu'il doit savoir. Si vous sortez de là, vous ne pouvez porter aucun jugement fondé sur l'école. « Supposons, dit Julien, qu'un inspecteur veuille se rendre compte de ce qu'un enfant a appris. Il prend pour texte cette phrase si connue: « Dieu a créé le monde en six jours. » L' examinateur habile demandera l'analyse grammaticale de cette phrase. Il fera former différents temps du verbe créer) demandera d'où et comment ils se forment ; comment le pluriel jowrs se tire du singulier ; quelle est la marque elu pluriel ; pourquoi si.x n'a pas cette marque, si
8 elle se trouve aux noms de nombres, etc. Vous voyez que, par là, il parcourt, sans peine~ toute cette grammaire élémentaire que tout le monde doit savoir, puisqu'elle est le fondement de notre orthographe. « Au contraire, l'f'xaminateur inhabile ou inexpérimenté va battre la campagne sur ces mêmes mots, et se perdre dans une suite désordonnée de questions insignifiantes et disparates, comme les suivantes : « Qu'est-ce que créer? - C'est faire quelque chose de rien. - Avez-vous quelque chose dans la main? - Oui, j'ai un livre. - De quoi traite votre livre? - De la grammaire. Et quelle grammaire? - De la grammaire français e, etc. « Un examen pareil durerait une journée entière sans fatig uer l'élève, qui n'a presque jamais à répondre que oui ou non, ou des banalités équivalentes; et surtout sans rien apprendre à l'examinateur, puisque ses questions mêmes ne roulent que sur dos enfantillages indignes d'attirer son attention. « Une autre marque de l'inhabileté d'un examinateur, c'est de tendre des pièges à l'enfant, ou de chercher à l'embarrasser Pn lui demandant, par exemple, ou des exceptions rares, ou des difficultés inutiles. Rien n'est plus détestable que cette manie. « C'est encore une preuve de faiblesse et d'incapacité de discuter avec les enfants sur ce qu'on leur a appris, et de vouloir prouver que telle ou telle doctrine du maître est erronée. » « Lorsque l'écolier s'égare, il faut le ramener à la question, mais s'il est arrêté, n'allons pas, sous prétexte de le tirer d'embarras, commencer la réponse et donner la première syllabe d'un mot. Quand l'enfant hésite, on lui adresse des questions plus simples, plus éléllientaires. Ne permettons à personne de souffler la réponse. « llref, ajoute lVI. Julien, poser de bonnes questions dans un ordre naturel ; faire tout ce qu'il faut pour que ces questions soient bien comprises ; et puis écouter, réfléchir sur ce qui est répondu, et raisonner; apprécier exactement les jugements successifs portés sur les réponses : c'est là tout ce que doit faire l'examinateur, en tant qu'examinateur. » Ne donnons jamais à nos questions une forme; un tour ou un ton qui permettent de deviner la réponse : Par exemple: N'est-ce pas Napoléon qtti a donné à la Stâsse l'Acte de Médiation ?
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Sans réfléchir, sans rien savoir , l'enfant peut répondre Otl i sa us danger de se tromper. Différentes espèces de visites. - Les visites n'ont pas toutes Je même but, ni la même importance. Il est d'usage par tout de faire, vers la fin de l'année scolaire, un examen plus approfondi, plus complet, du savoir et des progrès des écoliers. Cet examen est généralement confié à l'inspecteur, qui prend des notes pour les transmettre à l'autorité supérieure. Nous nous en occuperons plus t ard. Parlons d'abord des visites moins importantes faites dans le cours de l'année par l'inspecteur ou par les autorités communales. Visites des autorités locales faites flans le cours de l'aunée scolaire. - Voici les directions à suivre dans ces examens, qui ne manquent pas d'exercer une sPrieuse influence s'ils sont faits avec régularité et d'une manière habile. Toutes les fois que vous vous proposez de visiter une école, vous devez d'avance vous fixer un but bien déterminé, celui de contrôler la manière d'enseigner du maître on la somme des connaissances des écoliers. Dans le premier cas, vous réclamez à l'institut eur son Journal de classe oü sont indiqués les divers devoirs et leçons du jour et vous invitez le maître à faire la classe comme d'habitude. Et alors vous examinez : a) S'il se conforme à l'horaire qui est affiché, et au Journal de classe que vous avez entre les mains ; b) S'il suit une marche rationnelle dans sa leçon, expliquant, interrogeant et récapitulant tour à tour. cj Se sert-il des moyens si utiles, souvent nécessaires même à l'enseignement? .A.-t-il recours fréquemment au tabkau noir pour résumer ses explications ou pour les rendre plus claires, plus frappantes ? Emploie-t-il l'intuition toutes les fois que ce précieux auxiliaire peut être utilisé ? Les devoirs à faire, sont-ils 1lc nature à rendre plus familières les données, les explications de la leçon. cl) Comment parle-t-il, l'instituteur? Est-il clair, lumineux dans son enseignement ? Parle-t-il trop haut, d'un ton criard ct fatigant? Sa figure, ses gestes contribuent-ils avec la parole à rendre la leçon intéressante et tgréable? Est-cc que tous les élèves le sui vent bien dans ses explications ? Les autres coms sont-ils utilement occupés à quelques devoirs?
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Que de choses à examiner, et à examiner de près ! Pendant tout le temps de la leçon , vous restez silenCieux, suivant attentivement le maître dans ses explications et les écoliers dans leurs réponses. Après la classe, si vous êtes satisfaits, vous témoignerez votre contentement à l'instituteur; si vous avez constat é l' un ou l'autre défaut, vous lui présenterez en particulier vos observations avec autant de franchise que de bonté. Soyez-en persuadés, il n'est pas possible qu'un contrôle pratiqué périodiquement dans ces conditions, n'exerce pas une grande et heureuse influence sur un maître. Ce sera pour lui un encouragement s'il est fidèle à ses devoirs, comme aussi une salutaire leçon s'il est négligent. Une autre fois, votre examen aura un tout autre objet. Ce sera la propreté de la salle, la propreté des enfants, des cahiers, des livres, l'éct'iture en général, l'ordre qui règne dans la classe, le côté hygiénique, la tenue des élèves, leur discipline, etc. On pourra même, avec toute la discrétion voulue, faire la nwue des figures, des mains, des vêtements de chaque enfant en accompagnant cet examen d'observations motivées. On regardera dans quel état se trouvent les cartes, les grands tableaux de lecture, les cartes murales et tout le m<..tériel scolaire, et si les devoirs écrits sont corrigés ou non. Une ou deux fois dans l'année, on examinera minutieusement la tenue ùes registres prévus dans le Règlement. Mais le plus souvent, dans vos visites d'école, vous chercherez à constater le savoir des enfants. Si vous n'avez pas par vous-même l'habitude de l'enseignement, si vous ne connaissez pas à fond la branche sur laquelle doit porte_r l'examen, il vaut mieux~ dans ce cas, charger l'instituteur d'interroger les écoliers lui-même. Mais, à vous, examinateu rs, de désigner la branche, les cours, la matière de l'examen. Donnons ici quelques exemples. Je suppose que j'ai l'intention de contrôler le savoir elu cours supérieur en géographie. Le Journal de classe du maître m'apprend que, dans les deux derniers mois, on a étudié la géographie d'Uri, Schwyz, Unterwald et Zurich, d'après le manuel obligatoire. Je ne permettrai pas à l'instituteur de choisir la partie qui lui sourit le plus, mais déterminant moi-même la matière, je lui dirai : Appelez à la carte tel enfant, et veuillez le questionner sur les lieux remar-
quables d'Uri. Un second écolier sera questionné sur les limites du canton de Zurich, ou sur les industries de ce canton, etc., etc. Lorsque je remarque que l'enfant interrogé répond avec facilité, je l'arrête immédiatement pour passer à une autre question ou à un autre écolier. S'il reste muet, on cherchera à l'aider et, en cas d'insuccès, je ne prolongerai pas son supplice. Lorsqu'il hésite ou lorsqu'il se fourvoie, qu'on le remette sur la bonne voie, mais que l'examinateur n'aille pas profiter de cette occasion pour faire la leçon lui-même ct montrer ainsi ses connaissances. Le but d'un examen n'est pas d'instruire les écoliers, mais simplement de constater leur savoir le plu s exactement possible. Ainsi, prenons pour objet rle notre inspection tantôt une branche, tantôt une autre, plus volontiers celle que le maître est tenté peutêtre de négliger. Dans cette branche, il faut faire interroger sur les matières étudiées dernièrement, depuis quinze jours ou un mois. Laissons de côté les détails, les exceptions, les difficultés. Ne permettons pas au maître de réprimander <lVec trop de vivacité un enfant qui se trompe, ni de tenir trop longtemps le même écolier sur la sellette. Ne nous contentons pas d'examiner le savoir des cours supérieurs, mais faisons souvent interroger le eours inférieur. Ainsi, clésignons un morceau du livre de lecture, et disons à l'instituteur de faire lire les enfants en faisant suivre la lecture du compte-rendu et des divers exercices que comporte le texte. Il nous sera facile de voir par là si l'instituteur s' occupe des commençants, s'il les instruit réellement ou s'il les abandonne à l'inexpérience et à la routine des moniteurs. Que le maître soit fréquemment invité à répéter, avec les commençants, la leçon de choses qui doit précéder l'exercice rle lecture. Quelques questions de calcul mental nous suffiront pour constat er et le savoir des commençants dans cette branche et la méthode du maître. Nous croyons superflu de faire observer qu'avant tout examen il faut savoir en combien de cours l'école est divisée, et quels sont les écoliers qui font partie de chaque cours. L 'examen aura lieu de vive voix ou par écrit 1 selon que le visiteur le trouvera à propos. Pour le calcul mental, il désignera luimême, dans le manuel, la série de questions à faire. Dans le calcul
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écrit, au lieu de chercher des problèmes parfois baroques qui sout trop souvent au-dessus de la portée lles écoliers, choisissons, dans le manuel d'arithmétique, les problèmes résolus <h'mièrement. Les sujets de rédaction, les dictées seront empruntés onlinairement aux livres de lecture, aux morceaux déjà étudiés. Si l'examinateur Yeut interroger lui-même, il doit bien connaître les manuels étudiés par les enfants, afin de ne jamais sortir du programme. Les uouues q uestious d'ex an wu sont larges, dit un auteur ; elles ne surprennent personne, elles ne favorisent pas les réussites de hasard, elles permettent d'apprécier exactement le <legré d'intelligence et d'instruction des concmTCllt-,. Qu'en général nos examens rcYêtont donc, tantôt mw forme, tantôt une autre ; qu ïls aient pour objet m1 jour le degré d'instruction d'un cours, une autre fois l'éducation des enfants ; qu 'ils se fassent tour à tour par écrit et de vive voix ; qu'ils s' adressent à la division inférieure comme à la division supérieure. Cette variété rendra nos visites intéressantes pour nous-mêmes et pin s utiles pour le maitre et les écoliers. Cependant, au milieu <le cette riche variété de procédés et de moyens, un esprit observateur saura discerner, dans l'éducation, cc qui est essentiel de ce qui n'est qu'accessoire. L'essentiel, c'est la culture intellectuollc et morale des écoliers, c'est la formation du jugement, c'est le goù.t de l'Ptutle, c'est l'aptitude à acquérir des connaissances ; l'accessoire, c'est l'acquisition des counaissances, c'est l'habileté graphique. Défions-uous smtout des examens dirigés exclusivement par le maître, et consistant dans des lléclarnations ou dans la réeitation de la grammaire, do l'histoire, de la géographie ; défions-nous aussi de ces beaux cahiers de mise au not, remplis de di ctées irréprochables ct do cou1positions poétiques. Co clinquant ost trompeur. Un examinatem, un peu habile et ex périmenté, ne s'y laisse pas prendre. La véritable culture de l'intelligence n' est pas difficile à constater. Ou la remarque aux réponses non préparées de l'écolier, comme aussi à ses raisonnements ct à ses réflexions spontanées. Les exercices de rédaction et tle calcul, l'habileté à tirer une coudusion des prémisses ou à remonter aux causes dans los questions de morale, d'histoire, nous révèlent, d'une manière sûre, le développement intellectuel dos enfants. Ce développement s'obtient, uou par des le<;ous
de mémoire, non par des exercices mécaniques, mais surtout par les efforts personnels des élèves et par la méthode socratique. Examens (le fin d'année. - Cet examen est confié ordinairement aux soins d'un inspecteur scolaire. Il doit être annoncé quelque temps à l'avance. En raison <le son importance et du temps qu'il réclame, on se contentera, à cette occasion, de contrôler les connaissances acquises et les matières enseignées, réservant pour <l'autres visites le soin de passer en revue les points accessoires signalés plus haut. Voici comment l'inspecteur peut procéder : a) Un mois au moins avant cette visite, on invitera l'instituteur à dresser la liste de ses écoliers groupés par cours, avec une note de mérite pour chaque branche prévue au programme officiel et avec l'indication des absences de l'année. Les noms des enfants qui demantlent à être émancipés seront marqués d'un signe. (Jette sorte de catalogue des enfants, avec toutes leurs notes, sera remis à l'inspecteur avant J'examen. lJ} L es questions de l'examen écrit : sujet de rédaction, problèmes, etc., auront été préparés avec soin par l'inspecteur: aucune ne sera prise en dehors du programme et tles manu els étudiés dans le cours de l'année scolaire. Los feuilles des devoirs seront emportées à domicile par l'inspecteur et examinées à loisir. Les compositions françaises seront corrigées au triple poiut do vue du style, de l'orthographe et de l'écriture. c) Dans les examens oraux : lecture, calcul mental, histoire, géographie, chant, etc., ou l'inspecteur iutenogera lui-même, ou il invitera le maître à adresser les questions ; mais, clans ce dernier cas, l'examinateur aura soin de spécifier l'ohjet des interrogations, soit lle désigner les écoliers à interroger. Il contrôlera scrupuleusement, au fur ct ..1. mesure, les notes données par le maitre et, au besoin, il les conigora. Il n'aura pas de peine, avec un peu d'expérience, de se faire une idée exacte de l'appréciation du maître et de voir si celui-ci a été juste ct impartial dans ses notes ou bien si, peut-être, il s 'est montré trop indulgent ou trop sévère. Pour un cours <le 15 écoliers, il suffira à l'inspecteur, en suivant ce système, d'examiner, pour une branche, 5 ou G élèves pour être fixé, grâce aux notes tic l'instituteur, sm· la force, sur les connaissances de tous les enfants qui composent le cours.
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d) li serait sans doute superflu d'indiquer les moyens de gagner du temps. Ainsi, pendant que les deux cours supérieurs travaillent à leur composition ou à la solution des problèmes, on peut faire subir l'examen cle lecture, d'écriture et de calcul aux enfants du cours inférieur; puis on s'empresse de les congédier pour n'avoir plus à s'occuper que des deux cours supérieurs. e) Les observations auxquelles cet examen donnera lieu, seront consignées avec soin dans un tableau, pour être présentées à l'instituteur en particulier en temps voulu et, au besoin, pour être transmises à l'autorité supérieure. Les défauts communs à plusieurs écoles seront signalés plus volontiers dans les conférences d'arrondissement. fJ Si la fréquentation <le l'école est mauvaise, l'inspecteur fera appel à la vigilance et au zèle des autorités locales. Si le matériel d'école est défectueux: bancs, tableaux noirs, cartes, etc., il en réclamera le renouvellement aux mêmes auto1ités. Il faut que l'inspecteur remplisse son devoir tout entier, sans craindre de s'aliéner les bonnes grâces des autorités communales; alors seulement il aura le droit de se montrer exigeant envers l'instituteur. g) Nous n'avons pas à rappeler ici les règles qui doivent présider à l'organisation des cours et à l'enseignement de chaque branche. Tout inspecteur scolaire se fera un devoir de conscience de suivre, non ses caprices, non la routine de son vieux régent, mais les procédés les plus sages que nous enseigne la méthodologie. Il se tromperait gravement en pensant sauvegarder son honneur et couvrir sa responsabilité par un dédain calculé pour les enseignements de la pédagogie. Il s'exposerait, du reste, à donner ainsi une direction erronée à l'école. Il se fera un devoir de conformer ses procédés et ses conseils à ceux que l'école normale inculque aux jeunes instituteurs. Ce n'est pas dans une confiance aveugle en ses propres forces que se trouvera le succès, mais dans une communauté intelligente et généreuse d'efforts, de labeurs de la part de tous ceux qui travaillent à l'éducation intellectuelle et chrétienne de l'enfance: là est le devoir de chacun, là est l'avenir de l'école. UN ANCIEN INSPECTEUR n 'ÉcoLES.