Do it yourself

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Do It Yourself

Faites votre maquette du Swiss Tech Center


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L’atelier. L’atelier est mis en boîte par: Francois Rougeron, Balthazar Donzelot, Hadrien Tricaud et grace à la collaboration de : Marco Ievoli, Marion Vuachet, Margaux Piccot, Imre Loumaye, Felix Parpoil, Donia Jornod, Hélène Chavamal, Francis Laffreux, Alex Sadeghi, Sophie Shiraishi, Olivier Meystre, Luca Conti, Olivier Di Giambattista, Diana Brasil, Régis Widmer

ACTUALITés Semaine charette

Do it yourself

Archinews/Polylines . 4 12 . Taller ciudad abierta

Archigro

Nouveau frigo . 5 16 . Construire sa maison

Rien ne se fait par Asar. 6 Réformes Habileté

hélvétique.

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17 . Punk et DIY 18 . L’architecture crève l’écran

Capitaine . 8 De difficultatibus artium rhetoricarum. 9 poème paranoïaque.10

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https://www.facebook.com/revuelatelier


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Edito

Le semestre s’achève, le rythme s’accélère, les rendezvous découpes s’enchaînent, et les maquettistes comme chaque année organisent le désormais traditionnel Baby foot humain. Steven nous a prévenu : « Le Prix Fèr-plé sera décerné à l’équipe qui aura distribué ses efforts sur l’ensemble du tournoi de la manière la plus généreuse. ». L’atelier sera sous presse au moment de l’événement, nous ne pourront donc pas publier le nom des vainqueurs mais nous essayons dans ce numéro de faire la part belle aux « équipes » qui ont distribué leurs efforts de manière généreuse tout au long du semestre. Deux pages sont dédiées aux premières années qui malgré un engagement permanent dans leurs matrices et autre fragments trouvent le temps de faire bouger la section. Les rédacteurs d’Archinews et Polilynes sont notre coup de cœur de ces dernières semaines. Leurs rédacteurs commentent avec une plume acérée et loufoque l’actualité des ateliers. Tazio et son équipe s’occupent eux d’abreuver généreusement la section. Le Giacometti est au bord de la banqueroute depuis qu’ils ont installé une glacière dont nous divulguons ici les premières photos. Le dossier thématique du numéro est dédié au DIY, acronyme de Do It Yourself , qui sera le thème du workshop d’été proposé par Archizoom en collaboration avec l’université de Valparaiso au Chili. Nous en profitons pour étendre le sujet, du Punk aux nouvelles applications d’urbanisme participatif disponibles. Enfin, last but not least, nous commentons la réforme conduite par notre directeur de section. Critiques enthousiastes nous essayons d’élargir la discussion et de nous saisir, nous aussi, du débat.

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Charette la charette vue par Archi-news

Archinews, né il y a quelques mois, provoque déjà l’engouement dans la section. Plus de news sur http://archi-news.tumblr.com/. Pour la BD http://alex-polylines.tumblr.com/. Texte: Hélène Chavamal et Francis Laffreux. Illustration: Alex Sadeghi Vent de panique sur la section, selon les dernières prévisions, la charrette que l’on sentait approcher depuis quelques semaines risquerait d’atteindre les ateliers du bâtiment SG dès lundi matin. Dans un communiqué éclair, Blieter Blitz a tenu à rassurer les étudiants. De son côté Ruggiero Granini demande à chacun « de rester sereine, comme la pierre ! ». Dans un climat socio-économique déjà aggravé par la pénurie de carton jaune et blanc et le désastre de l’examen de Structure, les architectes s’inquiètent. « Nous on a fermé notre matrice», nous confie le studio Lunaire « ça réduit les courants d’air ». Pourtant déjà la file d’attente s’allonge devant Archigro. Selon le responsable des ventes, le magasin aurait importé de New York (via l’avion normalement réservé au carton susmentionné) plus de deux tonnes de nourriture ainsi que des abris anti-nucléaire et des kits de survie. Devant une situation aussi critique, nous avons tenu à interroger Picassa, qui entre deux croquis nous a affirmé « qu’on y arrivera mes chéris, avec ou sans panini ! ». Les étudiants, quant à eux, ont plus de doutes sur leurs chances de réussite et ont évité systématiquement chacune de nos interviews pour courir à leur projet. En faisant des recherches nous avons fini par débusquer Lira Bandiero, pin-up du studio Evenbynight, qui nous a semblé anormalement confiante. Nous avons voulu connaître ses secrets :

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« Ce qu’il faut », nous a-t-elle expliqué, « c’est un bon emploi du temps et une bonne hygiène de vie. Moi j’ai prévu un programme qui me fait me lever à 5h30 chaque matin de la semaine Charrette. D’abord, je fais une petite heure de course à pieds, histoire de garder la forme. Je prends ensuite un bon petit déjeuner et j’arrive aux ateliers à 7h30. Bien sûr, je fais une pause d’une heure à midi, et s’il ne fait pas trop chaud j’ai prévu d’aller faire un tour de vélo de 16h à 17h pour me dégourdir les jambes. À 19h je vais manger au Corbu, puis je reprends le boulot jusque vers minuit, une heure. Si je dois couler du plâtre j’essaie de le faire entre une heure et trois heures, quand il n’y a pas trop de monde aux ateliers, ou au contraire avant qu’ils n’arrivent le matin. En rentrant je prends le temps de me relaxer : je me fais couler un bain chaud ou je regarde un film, et comme ça je suis d’attaque pour le lendemain ! » La preuve qu’on peut vivre une belle Charrette dans la sérénité. Pour les autres architectes moins organisés ou en manque de kryptonite, nous rappelons que le restaurant le Corbusier est ouvert tout au long de la semaine pour rassasier les rescapés. La rédaction soucieuse du bien être des étudiants souhaite leur recommander de recharger leur carte de rationnement et de rester informés grâce à Archi-news ! Bonne chance à tous.



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Rien ne se fait par Asar

Marco nous livre sa vision de l’association qu’il préside dans un texte à lire à l’envers. Texte: Marco Ievoli Printemps 2013, tout le campus de l’EPFL est sous le joug de la pensée personnelle et de l’individualisme. Tout le campus a appris à penser et à agir à travers les filtres individuels qui se sont formés bon gré, mal gré au fil du temps. Tout le campus survit tant bien que mal au rythme effreiné que lui impose les dirigeants invisibles du CO. Tous sauf une poignée d’irréductibles étudiants qui se réunissent dans l’ombre chaque semaine afin de planifier, organiser et surtout faire vivre une idée. Une idée désuette, post soixante-huitarde, vaine, anecdotique et, du coup, forcément superflue. Une idée si surrannée qu’elle en devient risible. Au jour où l’on s’est habitué à avaler ce que d’autres auront préalablement mâché pour nous, au jours paradoxalement radieux où l’on encourage le travail en groupe tout en réduisant les gens à une masse informe composée d’une multitude de chiffres, une telle idée est fondamentalement à contre-courant. C’est précisément pour cela qu’elle est défendue par une poignée d’entre vous. D’entre nous. Cette idée, pourtant si dérisoire et si infiniment dépassée, nous surclasse tous disent-ils. C’est sans doute la raison de sa marginalité. Cette idée? Le vivre ensemble.Risible et anecdotique n’estce pas? Quelles sont les raisons qui habitent ces irréductibles à défendre une telle aberration? Car, après tout, à quoi sert-il de vivre ensemble? On vit parfaitement bien seuls ou en petit groupe. Pourquoi s’essouffler à promouvoir un concept si utopique? Car, évidemment, à la non question du «mais, finalement, ça sert à quoi?» ils préfèrent se cacher derrière de grands concepts de bien commun en ne répondant jamais franchement. Une façon si peu détournée de soulligner leur inutilité, sans doute. Cependant, ils semblent y tenir dur comme fer à leur concept. Aussi vaudrait-il la peine de s’y attarder quelques secondes, mais quelques secondes pas plus, promis. Apparemment, leurs revendication sont d’ordre social, par conséquent, ils admettent que, par ce substantif, déjà la moitié des étudiants se 6. L’a

désolidarisent du pelotton. Jugeant, à raison, que le «social» soit c’est une vocation, soit c’est un asservilement et qu’étant donné qu’ils n’entrent dans aucune des deux catégories, ils s’en soucient au moins autant que de leur dernière polyligne c’est à dire assez peu. Le groupe d’irreductibles en question argue en invoquant une volonté à toute épreuve ainsi qu’une motivation particulière pour faire «bouger les choses». Bien piètre argument, vous en conviendrez, tant il est gonflé de paternalisme et d’égotisme. Peut-être serait-il temps de remettre les choses dans leur contexte, peut-être que cette minorité parlante, ce groupuscule du happening, cette infime faction d’un doctrine élitisée, ferait bien de se rendre compte de la place qu’elle occupe avant de s’auto-proclamer vox populi. Disons le haut et fort, seule la voix du plus grand nombre compte et, manifestement, cette même voix nous intime de continuer à mener nos vies déjà bien compliquées sans qu’on se perde dans des élucubrations de type «vivons mieux, vivons ensemble». Nous arrivons à nous stimuler tout seuls, on n’a que faire des conférences et des expositions qu’ils organisent. Nous nous informons parfaitement par nos propres moyens, qu’ils gardent leurs journaux et leurs publications pour eux. Nous savons exactement comment nous divertir, ils peuvent sans autre remballer leur bal, leurs voyages et leurs apéritifs. Qu’ils comprennent enfin que si l’on ne s’implique pas dans leur vie associative ce n’est pas par manque de temps - nous sommes étudiants en architecture, nous avons appris sa relativité -, c’est avant tout par manque d’envie. Alors certes, s’ils tiennent à mener tambour battant leur combats seuls, qu’ils le fassent, nous profiteront de leurs manifestations tant qu’il y en aura. Mais, qu’on s’entende, elles ne manqueront à personne quand elles auront disparues avec leurs instigateurs. Ces irréductibles ont certes un nom qui sonne bien à l’oreille, mais un nom après tout, qu’est-ce que c’est? Un nom c’est joli pour ceux qui veulent sortir de la masse, pour nous une suite algorythmée de numéros Sciper nous suffit. Ce nom: l’ASAR


Habileté Helvétique

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Monsieur Gargiani expliquait mercredi dernier la réforme de l’enseignement. A l’opposé de sa dernière conférence, illustrée sur la page de gauche, et malgré quelques réserves, il a su cette fois nous convaincre. Texte: Hadrien Tricaud. Le 10 décembre dernier la faculté d’architecture s’était réunie autour de son directeur. Il souhaitait lui expliquer la réforme du master sur laquelle il travaille depuis la rentrée précédente. Mr Gargiani avait dessiné sur le tableau noir de l’auditoire un walking cursus ; les laboratoires et leurs excroissances servant de vaisseau mère, sur lequel venaient se brancher les enseignements théoriques et ou atterrissaient les professeurs invités. D’autre vaisseaux, quadrupèdes mécaniques, apparaissent aussi à l’horizon : les Orientations,Vision-et-stratégie, l’ Officine-pour-lurbain. Le système est complexe et ambitieux, assez nébuleux aussi. La suite avait tourné au pugilat. Roberto pris sous le feu des réactions véhémentes de plusieurs assistants et élèves se braque : il était venu parler de sa vision et il doit expliquer la plomberie. On lui reproche de raboter l’importance du projet, et de le noyer dans une myriade de cours théoriques. Lui, l’historien de l’architecture, on l’accuse de vouloir saborder le projet. Mercredi dernier, notre directeur nous a proposé une prestation bien différente de la précédente. Il nous attend avec une première slide reprenant l’étrange dessin en coupe qu’il avait esquissé en décembre. Mais fini le tableau noir, on utilisera le beamer, comme tout le monde. Et la présentation s’est étoffée. Monsieur Gargiani développe son projet avec patience et multiplie les « ce n’est pas grave si vous ne voyez pas bien ici on y reviendra en détail dans la suite de la présentation ». Avec éloquence, il parvient en effet à tenir son auditoire pendant près d’une heure et demi dans l’exposé méticuleux des méandres de sa réforme. Il dissipe les doutes sur les mots et les chiffres. L’Officine-pour-l-urbain ne sera pas un bureau de conspiration comme le laisse entendre son sens français ; il s’agit bien de l’ officina italienne c’est à dire d’une sorte de workshop ou de groupe de travail pour approfondir un thème particulier en relation direct avec le corps enseignant et doctoral. Un pas dans la recherche et dans l’expérimentation. Oui, le projet passera effectivement à 10 crédits mais il s’agit d’un ajustement qui suit celui des horaires et qui est équilibré par le rôle de

moteur que prends le projet sur d’autres cours. L’argumentaire est en place, Monsieur Gargiani est prêt à expliquer didactiquement sa réforme et à la faire adopter coûte que coûte, mais sans passer en force. Il inclus même -avec une habileté politique toute helvétique- une intervention des délégués des élèves à la fin de la conférence pour soutenir son propos. L’école « à l’avant-garde » de notre directeur est séduisante. On aurait presque envie de se laisser mener en bateaux, comme le suggère le photomontage que Luca Conti nous avait fait parvenir à la suite de la conférence de décembre. « Allons-y et on verra bien. » entendait on hier à la sortie de la conférence. Mais le chantier reste ouvert et certains points doivent encore être examinés. Y compris et surtout après que la réforme soit en place. Le problème récurant de l’équilibre entre les branches, la question des rythmes de travail, doivent évidemment être constamment réévalués. La charte annoncée pour les ateliers de projets doit être étendue aux cours théoriques et doit inclure des engagements précis en termes d’objectifs didactiques et de temps de travail. Une unité d’enseignement n’est pas un atelier, elle doit entretenir des relations fortes avec le projet, l’alimenter dans le cadre d’une orientation, mais ne peux le concurrencer dans le planning des étudiants. D’autre questions moins abordées méritent d’être soulevées. Qu’est ce que c’est que le diplôme EPFL ? Comment l’encadre-ton et quel sont les professeurs habilités à le faire ? Pourquoi certains professeurs qui bénéficient du soutient unanimes des étudiants et collaborent aux travaux de recherches à l’EPFL depuis de longues années ne semblent-t-ils pas inclus dans la réforme en cours ? Si la section est à même de répondre à ces questions, le projet, renforcé, branché au reste du cursus, deviendra la turbine de la machine de Monsieur Gargiani et l’on peux espérer que la section d’architecture sera plus à même de répondre aux défis qui sont les siens.

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Réformes de l’enseignement A l’occasion de la conférence de Monsieur Gargiani de décembre nous avions demandé à plusieurs assistants d’exprimer leurs opinions. Deux seulement nous avait répondu par un texte et des montages. Le manque de colaborations ne nous avait pas permi de publier un numéro complet sur le sujet mais nous avons choisi de les publier aujourd’hui pour mettre en perspective la récente intervention du directeur. Texte et Illustration: Luca Conti, Sophie Sirashi, Olivier Meystre

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Sophie Shiraishi & Olivier Meystre sur un texte de leurs interlocuteurs

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Poème Paranoïaque En hommage au cours d’histoire de l’architecture VII

S’il en est de ces cours magistraux qui ponctuent le parcours d’un étudiant de master, nous choissirons l’exigeant «des Archizoom à Rem Koolhaas», indiscutablement amarré à la perTexte: Marion Vuachet sonnalité de son professeur et empli ici de références dissimulées.

Cher professeur Gargiani, lors de vos cours d’Histoire, dans ces amphis quasiment noirs, vous nous contiez vos connaissances, et c’est alors que l’histoire commence orateur passionnant, professeur passionné, et nous autres étudiants, les années passant, impressionnés, happés, écoutant et grattant, n’avons ni produit, ni même réfléchi , mais lors de l’oral plutôt, simplement dégluti plongeant dans une piscine de compétences, glissant, déséquilibrés par leur transparence panthéon-isant nos livres, conteneur-isant nos vacances congestionnant toutes nos pensées, nous avons, non sans drames, beaucoup dérivé, puis, attirés par la ville, nous y avons flâné mais nous nous sommes grill-és, nous n’avons pu nous plier aux sessions d’examens, réciter systémique, quantique et mécanique, pentes aux chemins grégariens et fondamentaux abyssiens, lors de cette didactique, effervescence d’une mémorisation sémantique si évolution de l’enseignement, nous nous réjouissons signe du temps passant, sentiment d’anxiété et d’espoir à trouver, nous souhaitons, étudiants parfois bien pensants, que nos esprits trouvent aussi le temps, pour ces activations qu’ils ne s’apparentent jamais à des “surfaces neutres”, ou d’un quelconque degré zéro de cette discipline à l’heure où les réformes se forment, soutenons faste des livres et efficients projets, considérons nos études multiformes et refusons les normes, et, pour marcher pied léger, dans notre métier, prônons architecture des cahiers et des charpentiers, architecture des docteurs et des ingénieurs vital de croire encore au projet d’atelier : nous ne voulons de sa réduction sur le studio nos pensées, ne sont pas uniquement concentrées : nous dénonçons cette stigmatisation avariée, atrophiée ; comme symptôme obsolète d’une époque ou d’une génération nous entraînerons pourtant nos foulées, dans les sentiers proposés, notamment pour les orientations

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La Non-Stop City des Archizoom

comme pour ce journaliste-cinéaste du plat pays et de la grosse pomme, n’est pas réponse cohérente que l’indignation; cruciale, nous choisissons alors l’implication puisse en témoigner ce journal, puisse-t-il en être la démonstration capacités de s’interroger, d’être concerné, de se questionner... attestant en somme de celle de s’engager le rétroactif ne nous sera plus si souvent donné, profitons alors de cette opportunité hier, nous et vous, écoutions avec attention, les fabuleuses histoires, toutes évocatoires, de vos cours d’Histoire demain, vous et nous, concernons l’auditoire, rassemblons territoires et laboratoires écrivons sans abrogatoire les prochaines mémoires nos salutations professeur, ….ainsi qu’à tous ces êtres dans votre tête, qui auront, avec vous, animé nos cours par leurs oratoires

des étudiants de l’Unité n’oeuf L’a 11.


DIY

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Taller Ciudad Abierta

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L’école de Valparaiso (EAD-PUCV) a fêté ses 60 ans. Une exposition ayant pour thème “world, the relationships with others” a marqué l’évènement au Chili. Archizoom prend ce message à la lettre et ouvre son espace pour accueillir ce groupe d’architectes et designers hors norme à l’EPFL. L’année prochaine, s’ouvrira un échange académique au niveau bachelor avec cette école qui porte poésie et construction au centre de sa démarche architecturale. Bref portrait. Texte: Felix Parpoil, François Rougeron, Margaux Piccot, Imre Loumaye. Illustration: école de valparaiso

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école de Valparaiso se distingue en premier lieu par sa pratique de l’enseignement. Chacun des 25 professeurs vivent sur le site, à la “Ciudad Abierta” (ville ouverte), leur motivation est l’école, leur passion l’enseignement. Etudiants et professeurs ont investi ce site et y ont bâti leur lieu de communauté, organisé leur vie et leurs tâches. Chaque année, les professeurs d’atelier tournent, se réattribuant les postes. L’enseignement est ainsi renouvelé, en évolution constante. Le point de départ du projet est une sorte d’acte poétique concernant la thématique. L’enseignement se base ensuite sur trois axes majeurs, l’observation par le dessin à la main, l’élaboration du discours

et la conception du projet. La forme est en développement constant, ce qui implique une conception éphémère du rendu; l’objet s’adaptera à tous les travaux : ceux de la pensée, ceux du dessin, ceux de la construction et ceux du temps. La cinquième année est l’achèvement de la philosophie de l’école mêlant construction, dessin, travail de groupe et poésie, avec un apprentissage axé sur la conception de structures complexes. De plus, une option de cette dernière année, « Taller de obra », consiste en un chantier de construction pour créer différents lieux de vie pour la Ciudad Abierta. Cet enseignement porte une vision forte de l’Architecture. Une Architecture volontairement

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DIY poétique, attachée aux lieux et aux valeurs des communautés. Un bâti qui se sait éphémère et ne tente pas de lutter vainement contre la pression des âges; une Architecture porteuse d’un message global au continent -celui-là même qui ne semble vivre que par ses côtes -, tentant d’en révéler les forces intérieures. Le fonctionnement particulier de l’école de Valparaiso lui apporte une qualité de vie et un lien entre les étudiants, mais aussi avec les professeurs, qui ne se retrouve nulle part ailleurs. L’enseignement, au travers de l’atelier, fait réaliser des projets où toutes les connaissances sont sollicitées, dans des projets très complets. Les années se déroulent sur trois trimestres, durant lesquels le travail hors projet est prévu pour aborder chaque aspect : histoire et théorie au premier trimestre, sciences et techniques au second trimestre, et Travesia au troisième trimestre. Il s’agit d’une épopée constructive autour d’un lieu organisée chaque année. Dans cette école, la Ciudad Abierta est le centre de l’activité productrice des étudiants. En effet, tous les bâtiments que l’on y trouve sont des projets réalisés par des professeurs, des étudiants de 5eme année, ou bien des membres de la corporation Améréida, qui régit la Ciudad. A l’instar des travesias, réalisées lors de leurs précédentes années, les étudiants sont répartis en groupes pour réaliser ce projet. Ces bâtiments, sont projetés mais aussi réalisés par les étudiants soutenus par l’ensemble de la promotion, ce qui, là encore, permet de renforcer le lien développé entre pairs au cours des années. La Ciudad Abierta reprend la structure d’une ville, en y introduisant de l’insolite, du désordre. Les bâtiments érigés au cours de ces divers travaux sont pour la plus part dévolus à un usage communautaire, comme une salle de musique, un amphithéâtre. Mais on y trouve aussi des lieux de vie privée, les « hospederias », qui

sont les logements dans lesquels sont accueillis les professeurs, mais aussi les visiteurs venus de l’extérieur. Ces logements permettent aux professeurs d’avoir un rythme et une implication « La Ciudad Abierta

reprend la structure d’une ville, en y introduisant de l’insolite, du désordre.

»

beaucoup plus importante, dans la vie de l’école et dans celle de leurs élèves, que ce que l’on trouve dans les écoles européennes. L’environnement crée est très fort et permet une cohésion, entre les étudiants. Un lien unique, à l’image de la sensibilité architecturale proposée par cette école. Travesia Améréida, texte fondateur de l’Ecole, est un recueil de poèmes et de cartes né d’un voyage collectif sous la direction de Godofredo Iommi Marini, suite à un voyage organisé par l’école de Valparaiso. Ce livre met en scène la spatialité. Les textes ne sont pas ponctués et leur mise en page joue avec le vide. La page n’est plus un simple support, elle prend vie en entrant en interaction avec les mots. Les cartes qui accompagnent les textes constituent elles aussi le poème : seul le contour du contient est dessiné, l’intérieur reste blanc, vide. Cet intérieur inhabité se réfère au blanc entre les mots ainsi qu’au « vide intérieur » de l’Amérique. Les poètes regrettant l’absence d’un mythe fondateur du continent Sud-Américain, proposent alors la Travesia comme voyage initiatique. Permettant la découverte du territoire et la création d’inventions, la Travesia embarque ses participants au travers du continent pour réaliser une architecture légère, de passage, éphémère, offerte aux habitants, et non un objet modifiant le caractère du territoire. Mobilisés en groupes restreint tous les étudiants s’organisent de façon à pouvoir s’autogérer lors de cette réalisation estivale, sur une durée très courte, de dix jours à un mois de chantier. Cet outil pédagogique insolite créé un lien fédérateur entre les étudiants. La Travesia se conçoit comme l’expression d’une architecture à part, un cadeau aux lieux et aux autres. L’origine de ce concept découle d’une interprétation poétique de l’histoire du continent Sud-Américain. Avec un passé colonial puis dictatorial, l’intérieur des terres, à la différence des côtes, était source de richesse et d’exploitation, non de résidence. Avec La Travesia c’est ainsi cette nature dominée qui est célébrée. Mettant en relief ses qualités d’offrande, la Travesia cherche à rompre avec la continuité de l’exploitation

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DIY colonialiste du territoire lui témoignant son respect. De la construction offerte émerge une spatialité Américaine intérieure habitable. Il en revient aux personnes la recevant de s’en approprier ou de la rejeter. De plus elle donne une valeur au travail accompli suite à une traversée d’une partie du continent, dans des milieux hostiles. Il arrive comme un aboutissement puisqu’il marque la fin d’une épopée, dont le devenir est laissé au temps, au site et à ses habitants. Taller Valparaiso - Lausanne Dans l’art de construire, la pratique et le savoir se nourrissent constamment l’un et l’autre. Le savoir nous permet de conceptualiser et de représenter « Dans l’art de

construire, la pratique et le savoir se nourrissent constamment l’un et l’autre.»

une idée. La pratique, le geste au sens propre, nous permet d’ancrer – durablement ou non – cette idée dans l’espace. Ces deux réalités sont rassemblées par notre intellect et permettent l’apparition d’un savoir-faire, l’idée et l’imaginaire se rapprochent intimement du geste. L’espace dans lequel nous

nous projetons a tendance à se dématérialiser. La relation que nous établissons avec lui implique donc un changement de la manière dont pratique et savoir agissent l’un sur l’autre. Dans cette idée, l’expérience du matériau et de sa mise en œuvre est devenue de plus en plus absente de nos écoles d’architecture. Le taller qui aura lieu en septembre dans notre institution, vise à rétablir ce lien. Nous avons vu précédemment la manière dont l’acte poéticoconstructif est initié, c’est cette idée originelle qui permettra le développement de l’installation. Appelez-le workshop, si vous voulez, le but est avant tout de distiller la poétique du lieu à travers le partage aussi bien d’un savoir que d’une pratique. Nous accueillons à cette occasion quatre professeurs et quatre étudiants de l’école d’architecture de Valparaiso. Pour la participation Lausannoise, huit étudiants de notre école seront conviés pour former l’équipe de travail. Cette même équipe se décomposera pour tour à tour bâtir les quatre éléments d’une installation présentée à Archizoom. Ces deux semaines d’effort commun aboutiront à une installation, mobile, qui un jour, partira, à la faveur d’autres lieux, pour s’enrichir d’expériences diverses. Nous vous invitons donc à réfléchir sur ce sujet et éventuellement vous porter candidat. Auquel cas, vous serez invités à vous entretenir avec l’équipe pour mesurer votre motivation.

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DIY

Construire sa maison

Notre correspondant a visité une petite réalisation conçue pour et réalisée par un maitre d’ouvrage atypique : un menuisier. Texte: François Rougeron. Illustration: Bunq Architecte

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oilà maintenant deux ans, le bureau bunq architectes faisait un projet un peu atypique, au pied du Jura, dans la petite commune de SainteCroix. Le destinataire de ce projet est un menuisier, qui, pour son départ à la retraite, s’installe dans un nouveau cadre pour passer sereinement ses prochaines années. Ce projet, bien qu’ayant un programme « simple » de logement pour un particulier, a une spécificité qui ne laisse pas indifférent. Le projet est conçu sur l’idée d’une maison que cet ancien professionnel du bâtiment pourra construire lui-même, en être le seul maître d’ouvrage. Le bâtiment construit par l’usager.

La maison est alors pensée entièrement en bois, de la structure au revêtement. La structure, qui est extérieure, reprend le dessin de maison carrée avec un toit à deux pans, et c’est elle qui va donner sa forme à toute la maison. Les façades longitudinales sont faites de croisés en bois, tandis que les façades pignon peuvent être entièrement vitrées, grâce à cette structure périphérique. Sur la façade avant, on trouve une grande baie vitrée qui donne sur l’espace de l’entrée, qualifié de caméléon par les architectes, qui peut être entièrement refermé par deux panneaux coulissant de la croisée qui fait le reste de la façade et qui sert de protection solaire, de façon à permettre une circulation transversale de l’air, en été. Cette baie vitrée peut aussi être complètement ouverte, pour faire entrer le soleil et la chaleur dans la maison en hiver. Le qualificatif de caméléon de cette pièce lui vient du fait que cette entrée est à la fois un espace de transition ou de séjour selon la saison, maissert également au chauffage d’une grande partie de la maison. Cet espace vitré est la principale source de chauffage du bâtiment, car orienté au Sud. Ainsi, le seul système de chauffage qui a été installé dans cette maison est un poêle à bois dans l’espace de séjour. Le seul reproche que l’on pourrait formuler à propos de ce projet est la terrasse, qui sans être tout à fait à la hauteur du sol de la maison, qui est un peu surélevée par rapport au terrain, n’est pas non plus au niveau de la terre. Ce niveau entre-deux fait perdre les qualités que cette avancée aurait pu apporter au bâtiment, et en particulier à l’espace d’entrée.

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Le mouvement Punk et le DIY Rebel, politisé, contestataire, anarchiste.Un nouveau courant musical ébranle les maisons de disques : le Punk. Texte: Donia Jornod

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lus qu’un simple genre musical, le mouvement Punk est social, culturel et politique. Avec lui se profile une nouvelle esthétique, une nouvelle façon de penser, qui provoque une panique morale et politique. L’agissement Punk peut être associé à la pensée de liberté sociale développée notamment par le courant existentialiste. Anticonsuméristes et révoltés contre la société capitaliste, les punks prônent l’éthique DIY (Do It Yourself), une alternative au libéralisme existant. L’action prime, en aval d’aucune instance l’individu se libère, le DIY devient le moyen d’acquérir cette liberté. Dans ce décor, émergent les Fanzines (fanatic magazine) qui prêchent l’affranchissement des institutions et ne s’assujettissent à aucun impératif de commercialisation du marché. L’idéologie DIY devient omniprésente dans le quotidien de cette nouvelle génération, allant de la culture de leurs aliments à la création de leurs propres vêtements. 1977, avec Spiral Scratch des Buzzcocks, l’action DIY prend encore plus d’ampleur dans le mouvement ; le processus de production du disque lui-même devient DIY. Le disque des Buzzcocks est entièrement autoproduit et géré par leur propre label New Hormones. Mais l’esprit Punk ne serait-il pas une simple revitalisation politique d’une volonté sempiternelle de réappropriation par l’humain de son environnement et d’interactions créatrices avec ce dernier ? Cet esprit se retrouve également dans des périodes difficiles de l’histoire où les modèles de production abandonnent les besoins quotidiens de la société et poussent l’individu au système

D. La débrouille le sauve de l’abandon d’une industrie préoccupée davantage par les perspectives guerrières. Aujourd’hui, dans une période de crise économique et de repossession des moyens de production, ce même phénomène de révolte – conscient ou non – paraît dépasser les frontières du monde Punk et se popularise. Du Punk à la ménagère, le peuple retrouve ses capacités créatrices. L’action prime sur la consommation passive imposée depuis un demisiècle, et la volonté d’alternatives à l’industrie existante semble être devenue réponse courante à une société dans laquelle les besoins s’accroissent continuellement. Un produit se substitue à un autre, puis un autre lui succède. Inutilement, frénétiquement. Un capitalisme concurrentiel crée ainsi une soumission de l’individu à un système plus forte que la liberté octroyée. Le consommateur qui fait son marché se retrouve, pour Renata Salecl, confronté au choix qui engendre en lui un sentiment d’anxiété. Quel produit choisir ? Pourquoi celui-ci plutôt qu’un autre ? Est-ce raisonnable ? Est-il produit équitablement ? Face à un choix pétrifiant, le DIY semble être une réponse partielle au problème que relève Renata Salecl. L’angoisse qu’éveille le consumérisme s’estompe face à l’intelligibilité de l’objet DIY ; son constructeur le comprend, le possède dans le plus infime de ses détails. Le DIY ne serait-il pas une rédemption pour consommateur ? L’explosion de la machine industrielle a engendré chez l’individu une sensation d’impuissance et de passivité qui ne cesse de subsister. La contestation DIY est en soi anticonsumériste. Certains se tourneront vers le primitivisme afin de retourner vers une naturalité de l’être humain et de boycotter un système libéral jugé aliénant. D’autres trouveront refuge dans la technologie, et se battront pour la liberté du cyberespace, afin de construire une techno-utopie centrée sur l’humain. Le DIY est finalement un tremplin à la créativité de chacun, et l’imprimante 3D peut être l’outil qui offrira au DIY une nouvelle dimension. Le DIY annonce une société où les individus se replaceront au centre du processus productif et retrouveront leur rôle d’acteur d’une société nouvelle.

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DIY

L’architecture crève l’écran

Sur la rencontre de l’architecture et de son public... Quelle réception ? Texte: Marion Vuachet.

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oin le temps de l’architecture carton pâte, l’heure en est d’avantage aux apps sur mobile. Rien n’y échappe, même l’art de bâtir et de projetter. Un aphorisme bien à la mode, celui du Do It Yourself, ne résiste à l’exception et s’illustre à son tour en architecture. Ainsi, Unlimitedcities.org, collectif au nom évocateur, a développé en 2011 une application qui accorde à chaque citoyen la possibilité de proposer sa vision de l’urbanisme d’un lieu. Il permet à l’utilisateur de s’approprier de grands enjeux urbains et de proposer sa propre vision d’un quartier à travers certains éléments fondamentaux. Une interface connectée, une rue et un cerveau sont précisés comme matériel exhaustif... et voilà tout un chacun, muni d’un smartphone ou d’une tablette, de neurones et d’un contexte urbain ; vecteur de trafic, de bruits et d’individus, capable de modifier son faubourg, de transformer façades et gabarits, d’ajouter cafés et terrasses, d’arboriser trottoirs et balcons... à sa guise. Une sorte d’activisme urbain, mais sur écran. La formule est aguicheuse et pour sûr, provoque des émules. La ville de Rio de Janeiro s’empare du concept pour aider au développement d’espaces publics de sa plus grande favela, Montpellier dans la conception d’un nouvel écoquartier, Rennes dans le renouvellement urbain autour de la gare, un village au nord du Japon pour sa reconstruction ou encore Bruxelles à l’occasion une biennale artistique. Quels éléments de ce succès ? L’application, ouverte à tous et facile d’emploi, démocratise nettement nos interactions avec la ville, qui est abordée avec des éléments simples. L’urbain entre alors en capacité de se prononcer, de regarder son environnement comme une donnée plastique, modifiable et lui appartenant. Avec Unlimited cities, la conception de la ville se mue dans une interface de vision individuelle hautement intuitive, rapportée au collectif. En effet, une fois votre “SimCity” achevée, les données produites par chaque utilisateur sont instantanément rassemblées, analysées, et ouvertement accessibles à tous sur internet et les réseaux sociaux. Comme une connaissance redistribuée à ceux qui l’on produite. 18. L’a

Que pensez de ce DIY du citoyen à l’échelle de la ville ? mariage forcé d’Arcadie et de technologie perfectionnée ? Si ses effets sont encore limités, il est pourtant révélateur des tendances du moment. Si l’architecture n’apparaît plus comme sanctuarisée, et son savoir disciplinaire hiérarchisé, statique comme une recette de cuisine de grand-mère, elle se heurte aujourd’hui. Au public, aux médias. Par des processus, des approches progressistes, émancipatrices, des formats ouverts, des projets collectifs, des conceptions collaboratives et des interventions in situ... plus que jamais l’architecture est affaire de communication, alors même que les architectes, eux, semblent s’être désintéressés à cet outil du discours. Ce qui semblerait définir l’architecture en Europe pourrait être en effet sa dimension publique, et la confiance qu’on lui accorde pour organiser la société. Ce pouvoir se délégue aujourd’hui... la capacité créatrice de chacun est mise à l’épreuve et le jugement du public ne s’arrête plus au seul carcan de la forme ou de la couleur... une éducation à l’architecture, tout du moins un intérêt. L‘architecture grand public Ce n’est pas un scoop, ni déjà plus une simple observation, c’est un phénomène contemporain: l’architecture est devenue un évènement grand public. Non qu’elle ne l’était auparavant, disons qu’elle se voit aujourd’hui, infestée dirons certains, augmentée dirons d’autres, de ces tendances

L’écran : interface des possibles, teaser d’Unlimitedcities


DIY de pédagogie participative que constituent la société actuelle. Le public comme utilisateur critique, capable d’interaction, voici l’enjeu. La devise d’Unlimited cities, we will help you to change the world, quoique un peu emphatique et utopique, n’en demeure pas moins révélatrice de la multiplication des processus consultatifs qui semblent faire consensus au sein de nos institutions. Premier outil d’urbanisme collaboratif, cette application c’est donc déjà comme restaurer la rencontre entre l’architecte-urbaniste et le public de la ville, de nouer le lien de confiance qui s’égare si souvent. Où sont passés les architectes ? Expositions, inaugurations, réunions publiques, enquêtes d’opinion... bien souvent les évènements liés à l’architecture se superposent et créent ensemble un tressage asymptotique. Si de luxueuses revues participent à la médiatisation d’une production architecturale aussi éclectique que génerique, l’architecture pour sûr, fait parler d’elle. Mais les architectes, eux, ont-ils « Comme si parler entrainait une perte de substance critique»

encore réellement quelque chose à dire ? Dans une scène où dominent plutôt le novlangue technocratique des pouvoirs publics, la bouillie communicationnelle des politiques, la rhétorique revendicatrice du monde associatif et le sensationnalisme alarmiste des grand médias, l’espoir d’entendre leur parole semble échu, le propos tourne à vide, manque de contenu. Alors que les nouveaux bâtiments s’habillent d’entretiens redondants, illustrés par des photos s’apparentant à des catalogues de mode... la défiance des architectes face à l’architecture, si elle ne se lit, se devine aujourd’hui. Et si nous avions perdu toute légitimité au débat architectural ou urbanistique ? Figures médiatiques et exercice de style en imposent devant l’interêt du public, sa participation, sa médiatisation. Toujours plus on crédite l’architecture grand public, plus les architectes délaissent le discours architectural. Celui ci semble s’être en effet adapté, l’argumentaire s’est retranché dans la technique, le pragmatique, le commercial... plus jamais l’on ne parlera d’espace ou de lumière, de ces sensations inconscientes que l’on demande pourtant au public de nous livrer sur sa tablette. Comme si les architectes n’avaient plus le droit d’en parler. Comme si le seul vocabulaire autorisé était celui

Une «ville sans limite», du bout des doigts

destiné aux marchés et aux maître . Mais de qui cherche-t-on ainsi à se légitimer ? L’architecture est peut être devenue affaire publique mais, pour les architectes, s’attarde affaire privée. Le faire oui, mais ne pas en parler. Parler d‘architecture Comme si parler entraînait une perte de substance critique. Le discours est devenu douteux ou caricatural. Aujourd’hui la figure de l’architecte peut paraître suspecte, le récit est suspect, les mots sont névrotiques. Pourtant, en architecture, on sait bien que construire c’est aussi parler et penser, qu’il existe des syntaxes avec leurs élégances, des structures et des règles avec leurs licences, des discours avec leurs significations : et si l’art de bâtir méritait d’être enseigné aussi comme un art d’écrire et de concevoir ? Pour nous autres futurs architectes, ce serait alors plutôt le DIWO (Do It With Others) que nous devrions appliquer, pour réapprendre l’aise et le contentement à parler d’architecture. De la ville plus que jamais nous sommes des joueurs d’échecs qui perdent face aux ordinateurs. Un pilote automatique pervers déjoue constamment toute tentative de s’emparer d’elle, épuise toute prétention d’en donner une définition, les configurations stables et les processus cristallisés semblent être révolus... mais sachons en tirer profit pour que tous imagine demain grâce à l’application. La ville et l’architecture sont en passe de devenir des vecteurs majeurs et ludiques de l’imagination de chacun, DIY oblige... Gageons que leurs praticiens, délogés, retrouvent ainsi ce plaisir d’en discourir. Projetons toujours des châteaux, soient-ils de sable, soyons conscients que la mer les balayera lors d’une prochaine simulation de tablette, mais, à nous et à notre public, n’oublions jamais de parler d’architecture.

L’a 19.



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