Ici et ailleurs

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INSITU POUR UNE NOUVELLE COHESION GARGIANI, ORTELLI ENFIN DE LA VERDURE DANS NOTRE HORIZON «RACINES DE L’ARBRE» AILLEURS CA T’INTÉRESSE? EN ECHANGE VENUS D’AILLEURS MINOR GENÈVE SHANGHAI ARCHIPLEIN AMERICANS ARCHITECTS AND THE CITY 194X-9/11 PAYS TERRIEN, PAYS CÔTIER MAROC QUITO EQUATEUR UNE BIBLIOTHEQUE A MEXICO LA CONDITION DU PARADIS ET LE PARC OLYMPIQUE LA COMMENT LE NID D’OISEAU NOUVELLE PLACE TIAN’ANMEN EST DEVENU LE NOUVEAU MAO PRIVÉS DE RÊVES COUP DE GUEULE L’OUEST POUR L’HORIZON SDOL HORAIRES CRITIQUES FINALES ICI ET AILLEURS L’INVITE COLLÈGE DE VILLAMONT

L’INVITE: Léo Fabrizio TEAM L’ATELIER: Patrick Ayer, Théo Bellmann, Stefania Boggian, Stéphanie Dennig Pierre des Courtis, Davide Di Capua, Marco Ievoli, Anna Kosenko Marlène Oberli, Anaël Poveda, Hadrien Tricaud, Sizhou Yang https://www.facebook.com/revuelatelier

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EDITO

Quand ici et ailleurs ne forment plus qu’un Ici (adv) : Du latin populaire ecce hic, voilà ici Adverbe de lieu (plus rarement de temps) marquant le lieu où se trouve le locuteur ou un lieu proche que le locuteur désigne. Ailleurs (adv) : Du latin populaire aliore, abréviation de in aliore loco, dans un autre lieu Adverbe de lieu signifiant que le procès s’accomplit dans un endroit quelconque et indéfini à l’exclusion du lieu où se trouve le locuteur, du lieu envisagé par lui ou du lieu suggéré par le contexte.

Après notre “Première fois” et notre tentative de voir ce qui se passe de l’autre côté de l’horizon (“Quel horizon?”), voici venu le temps de voir ce qui se passe ailleurs, sans oublier que nous sommes bien “ici”, dans notre temps, acteurs de notre école, de notre ville, de notre région. Des acteurs bien d’ici mais intégrés dans un monde bien plus large, dont la diversité justifie à elle seule le “s” de “ailleurs” (voir nos articles sur Quito, Mexico, Pékin, New-York et le Maroc). Des acteurs d’une école qui bouge, qui évolue au jour le jour pour faire évoluer l’enseignement (interview de la nouvelle direction) et qui accueille de nombreux étrangers, venus des quatre coins du monde pour étudier ici (cf p10). Des acteurs d’une ville qui évolue bon gré mal gré au fil des polémiques. Une ville faite d’ailleurs pourtant si proches, si bien révélés par le travail de Léo Fabrizzio, notre invité. Dans ce numéro, nous exposons à quel point notre monde est fait d’ “ailleurs” si proches et si lointains en même temps. Ici et Ailleurs tendent ainsi à se mélanger formant le monde dans lequel nous vivons. Notre rôle d’architecte est d’agir pour ce monde. Tâchons donc de devenir acteurs, ici, aujourd’hui et nous aurons ainsi un impact sur ailleurs, demain. Pierre des Courtis

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INSITU COLLÈGE DE VILLAMONT ARCHITRAM

Théo Bellmann

2002 : Un collège de Lausanne qui s’use, il est classé 6 sur 7 au monument historique. Des classes en trop petit nombre pour accueillir les élèves du centre ville. Un site dense. Voilà la donnée du concours lancé par la ville de Lausanne. Premier prix Architram. 2011: Le chantier arrive petit à petit à son terme. L’extension est terminée, et la majorité du collège est rénové. Presque 10 ans se sont écoulés. Imaginez-vous ce que vous étiez il y a toutes ces années... Eh oui l’architecture ici peut prendre du temps. Dans ce cas, il a fallu rénover et agrandir tout en conservant sur place 300 élèves, la tâche a prit du temps, car les grandes avancées n’étaient possibles presque que pendant les vacances scolaires. 2012 : Qu’est ce qui attend les élèves? Une nouveau volume auda-

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cieux qui s’élance dans le vide pour offrir aux usagers un nouveau préaux couvert. Un véritable périscope qui offre, aux jeunes qui ne veulent plus suivre le cours, une vue très distrayante sur l’avenue Juste-Olivier. Pour ce qui est de la rénovation... que faire d’une construction classée 6/7 au monument historique? tout est refait à l’identique, comme si on interdisait à l’espace de vivre avec son temps. Figés dans l’époque de la construction de la tour Eiffel, les couloirs semblent encore plus malheureux que jamais, et au nom du patrimoine l’on force les élèves à vivre des espaces sombres et tristes toute la journée... Heureusement que dans la façade nord les architectes ont glissés deux volumes transparents qui abritent des nouvelles classes et offrent un subtil dialogue entre existant et nouveau. Un projet où ancien et contemporain ne se laissent pas confondre et qui forment un ensemble urbain riche et varié.

Prochaine visite : Mardi 22 février 2011 _ 16h - 20h Philip Morris - Siège opérationnel. Lausanne Devanthéry et Lamunière architectes en compagnie de Patrick Devanthéry et Michel Vernaz, directeur des services généraux

BeSAR Ci-contre l’affiche gagnante du Bal d’architecture prévu le 02 Mars 2012. Merci à tout les participants et bravo à Christophe Aebi. L’affiche en couleur et les autres gagnants bientôt dans vos couloirs.

Photos Villamont. Marlène Oberli


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ROBERTO GARGIANI LUCA ORTELLI POUR UNE NOUVELLE COHÉSION

Anna Kosenko Marco Ievoli Cette année, la section d’architecture a connu des changements drastiques de direction. Luca Ortelli prenant la place de Bruno Marchand à la tête de l’Institut, ce deuxième étant parti en congé sabbatique après avoir prolongé la durée de son mandat d’une année. Et Roberto Gargiani succédant à Inès Lamunière qui a, de façon inattendue, décidé de raccourcir le sien. L’Atelier: Comment se passe cette métamorphose dans les faits, est-ce une proposition ou est-ce une démarche spontanée de votre part ? (Ils rigolent) Luca Ortelli: En pratique c’est le doyen qui fait une proposition à la direction de l’EPFL. Ça c’est la procédure EPFLienne, qui ne ressemble en rien aux structures démocratiques en place dans les universités. Roberto Gargiani : Dans mon cas, ce ne fut pas du tout spontané. Luca Ortelli a d’abord été sollicité afin de devenir directeur de l’institut, à la suite du concours organisé, car personne n’était satisfait des candidats.

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Par la suite, Mme Inès Lamunière a donné sa démission de manière inattendue. Les événement se sont donc précipités et si j’ai accepté, c’est par devoir institutionnel et parce que le doyen, Marc Parlange, me l’a demandé chaleureusement. LO : Si de votre point de vue tout semble se faire de façon naturelle, en réalité, beaucoup de travail est nécessaire afin de faire marcher cette machine ENAC contenue dans une machine encore plus grande qu’est l’EPFL. Et j’ai compris tout de suite que l’on ne pouvais pas laisser une place comme celle-ci vacante, j’ai donc accepté le poste de directeur de section. Aviez-vous des expériences précédentes dans ces domaines respectifs ? LO : J’ai occupé la place de directeur de section jusqu’au 31 août 2008, je l’ai fait pendant 6 ans et demi et j’ai participé à la naissance de l’ENAC. Et finalement, même si les tâches sont réparties de manière bien spécifique avec l’enseignement d’un coté et la recherche de l’autre,

jamais, en architecture, il n’y a eu de séparation claire : tout est lié. RG: J’ai la chance de n’avoir aucune expérience dans ce domaine, ce qui m’as permis de me constituer une certaine vision de l’école idéale. Maintenant, j’essaie de mettre au point une structure didactique plus articulée et organique. Vous imaginez, dites-vous, un cursus idéal, et concrètement comment seraitil? RG :On imagine à partir du modèle qui est en place, les moyens de le faire fonctionner mieux: pour moi, malgré le fait que tout le monde dise que le Master est la partie la plus importante, c’est le contraire, le Bachelor est le plus important. Car entre la première et la troisième année on forme une vision des principes, on construit des fondations. Ensuite, il faudrait essayer de structurer des parcours Master qui pourraient avoir des thématiques plus claires. Regrouper des disciplines afin qu’à l’ouverture d’un livret d’études, il n’y aie pas une simple liste de cours


mais de réels choix, et orientations prises par les étudiants. Avec votre prédécesseur, on a pu sentir un courant très conceptuel dans l’enseignement… LO : Il est clair que nous sommes des êtres humains, et que l’on ne peut donc pas effacer notre personnalité lorsque l’on occupe un poste à responsabilités, même si naturellement, on essaie d’être le plus objectif possible. Mais n’oubliez pas que les professeurs invités sont choisis par le collège des professeurs. Pourtant, vous l’avez dit vous-même, ce n’est pas un consensus. C’est une proposition qui est faite et une décision qui est prise. LO: Je ne sais pas comment les choses se sont passées dernièrement. Dans tous les cas nous discutons beaucoup. Le consensus en tant qu’unanimité est difficile, impossible presque. Mais, au final je ne pense pas que ce soit le professeur Lamunière qui ait choisi les professeurs invités. Vous ne pensez pas que sa vision de l’architecture a provoqué un certain nombre de choses… ? LO : Pourquoi ne parle-t-on pas plutôt du futur? Oui, volontiers. Dans un interview pour le Flash, vous aviez dit vouloir renforcer

les liens inter-faclutaires. Qu’est-ce que cela signifie concrètement? LO : Je me pose l’objectif de promouvoir la recherche, car il est souvent dit que les architectes n’en font pas. Patrick Aebischer m’avait dit ça, je m’en souviens, parce que c’était un choc. Je lui avait alors répondu « Mais M. Aebischer, nous faisons de la recherche, notre enseignement est basé sur la recherche » et lui à un moment donné à dit « non, je veux que votre recherche soit reconnue par le milieu scientifique, académique ». D’un autre coté, je suis en train de monter un programme de recherche sur les territoires alpins qui est je pense, le champ d’application de tout ce dont on est capables de faire à l’ENAC. Parce que je pense que lorsque l’on arrivera, un jour, à mettre au point un système qui exploite toutes les compétences qui existent à l’ENAC nous aurons une force de frappe incroyable. Ensuite, l’architecture alpine pourrait, pour nous, devenir un thème unificateur pour les ateliers de Master. Cela permettrait d’avoir un niveau de connaissance uniformément réparti ? LO :Pas forcément des connaissances, mais des problématiques. Par exemple : l’architecture hydraulique, c’est quoi? C’est tout, mais avec une problématique spécifique. RG : Oui, il faut renforcer certaines disciplines et les mettre en contact avec les autres. De façon à ce que,

les disciplines telles que le dessin, la construction et le projet, puissent être plus coordonnées dans les programmes, dans le passage d’une année à l’autre. Coordonnées dans la méthodologie aussi. Il faut donc faire un effort de clarification des objectifs dans toutes les disciplines. Imaginer des moments dans lesquels on se rend compte, qu’un thème abordé d’une optique physique ou théorique traverse le projet afin de vous en faire voir la complexité. Car le projet reste sinon renfermé sur lui-même.

« Il faut donc faire un effort de clarification des objectifs dans toutes les disciplines » C’est une opération que l’étudiant doit faire dans sa tête, mais l’école doit aussi donner, plus de possibilités de faire des bilans. Sans perdre la force de chaque discipline. Il faut les renforcer, qu’elles soient cohérentes individuellement ainsi qu’ensemble, et, en même temps, trouver de petits éléments qui commencent à dessiner une vision de l’école. Vous évoquez un déficit de professeurs, à quoi est-il dû? RG : D’une part il y a l’augmentation des étudiants et il y a aussi quelque

Roberto Gargiani et Luca Ortelli

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chose à revoir dans la structure didactique elle-même. Ensuite, il faut la capacité une fois qu’un professeur quitte l’école, de pouvoir prévoir cette fin de carrière ainsi que sa succession. Car en le substituant par un professeur invité, on laisse tout son héritage se décomposer. En ce moment nous ne devrions pas confier l’institution à des professeurs invités. Car il faut qu’une structure forte soit en place afin que l’énergie qu’ils apportent puisse être utilisée de manière intéressante. LO : Le fait que l’on soit presque systématiquement en retard avec la nomination des professeurs est aussi dû au fait que pour en nommer, il nous faut le feu-vert de la direction de l’EPFL qui, très souvent, bloque des procédures. Donc la question qui était à l’époque usuelle « un professeur part, on le remplace » n’était plus considérée il y a quelques années comme une raison suffisante. Nous avons connu des moments où avant de pouvoir ouvrir un poste pour un professeur d’histoire de l’architecture, nous avons dû lutter des années. Toi (Roberto Gargiani), en quelle année es-tu arrivé? RG : Comme professeur titulaire? Je suis arrivé en 2005. LO : Et le professeur Gubler est probablement parti en 1998. Nous avons donc attendu 7 ans! (il tape sur la table) RG : Les raisons sont probablement complexes… LO : Mais, Roberto! Tu le sais très bien parce que tu as participé aux deux concours, parce qu’il y en a eu DEUX! RG : Ce que je vois c’est que l’EPFL c’est le monde des possibilités. Et je pense même que maintenant que nous avons cette responsabilité, si l’on propose des choses nous pourrons les réaliser. Je suis convaincu que l’on arrivera à tout faire avec clarté et force. Il faut simplement dire : C’est ça! (il tape sur la table). Après, ce sont des rêves, mais je dis toujours « Comme ça ! » (il pointe une direction), après on peux foncer droit dans le mur, mais ça, peu importe. Mais par contre c’est la gentillesse suisse (il rit).

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LO : C’est peut-être ça qu’il manquait auparavant, quand M.Badoux était président, et qu’il a préféré partir sans nommer un nouveau professeur d’histoire. Qu’a-t-on dit à ce moment là? « Nous avons besoin d’un nouveau professeur d’histoire », et le nouveau président a dit «D’accord, mais pourquoi ? ». RG : Il a posé la question d’un point de vue plus épistémologique (rires). LO : Dans d’autres cas, il a eu un véto concernant la mise au concours de quelques postes. Parce que nous voulons un domaine dans lequel nous puissions développer la recherche… RG : De toute façon, la section d’architecture, c’est une section d’architecture, ce n’est pas une école d’architecture, ce n’est pas non plus une factulté d’architecture. Nous tenons une place ambigüe car nous sommes sur un campus, liés à un monde qui est complexe. La section doit donc se renforcer et se replier sur elle-même afin de se reconcentrer, pour pouvoir par la suite s’intégrer à d’autres disciplines. LO : J’ai l’impression qu’on est un peu en train de perdre la spécificité disciplinaire de l’architecture.

« J’ai l’impression que l’on est un peu en train de perdre la spécificité disciplinaire de l’architecture» Nous avons, surtout dans une école comme la notre, une attitude qui tend vers une réponse technique. Nous parlons de moins en moins d’architecture. C’est quoi l’architecture? L’architecture est une discipline qui a une histoire et la chose qui m’embête énormément c’est que, aux critiques, je demande à des étudiants en ateliers Master, « oui mais ce mur là, il est en quoi ? » et la réponse devrait être « béton, brique ou je sais pas quoi ?». A la place j’entends « j’ai pensé que, probablement, dans la logique conceptuelle du projet,… ». Il y a un manque

d’immédiateté matérielle, parce que c’est ça la beauté de l’architecture, non? Vous le savez, ça fait 3000 ans qu’on le dit. C’est très… Pragmatique! Cet aspect manque dans le dialogue avec les étudiants. Je veux dire, nous devons former des architectes avec un bagage intellectuel et technique, les deux choses sont, à nos yeux, indissociables. Quel conseil donneriez-vous aux étudiants? RG : REVEILLEZ-VOUS! Prenez un peu plus d’initiatives. Vous devez vous passionner pour les choses. Vous devez révolutionner le monde. Vous devez trouver les choses qui ne foncionnent pas, les déclarer, les énoncer, les mettre au point. Je me trompe ? LO : Ne pas battre que des pistes battues Enfin, en quelques mots. L’architecture c’est? RG : C’est construire pour les autres… LO : C’est tisser des liens, c’est ça l’architecture. Il n’y a rien, mis-à-part les téléphones portables, qui tissent des liens de façon plus efficace que l’architecture.


«RACINES DE L’ARBRE»

ENFIN DE LA VERDURE DANS NOTRE HORIZON Théo Bellmann

Vous avez peut-être loupé ce mail qui est passé dans votre boîte surchargée... Dommage! En liens une lettre qui contient rien de plus que la vision de l’école du nouveau directeur de la section d’architecture Roberto Gargiani. Un petit retour là dessus me semble inévitable, d’abord pour inciter ceux qui n’ont pas lu ce texte à le lire et pour donner quelques impressions. En tout premier lieu je salue le geste de mettre à disposition des étudiants une lettre qui dans les dernières années se serai rapidement perdue dans les couloirs du BP... la section deviendrait-elle transparente? un trou dans le brouillard d’Ecublens ouvre peut-être des portes au dialogue et à l’information. Pourvus que ça dure ! Le nouveau directeur se mue, pour écrire ce texte, en jardinier mais ne sombre pas dans une écologie moralisante et inutile. Ceux qui ont pris le temps d’explorer l’arbre ont découvert des racines pourries laissées par l’ancienne direction et un houppier aux feuilles mortes. «cette didactique est devenue tellement faible dans notre école, tellement aléatoire, tellement fragmentée qu’elle en est devenue invisible à mes yeux. A travers les différents champs disciplinaires on ne perçoit plus un projet didactique cohérent. Que l’on en soit réduit à une juxtaposition de cours entre lesquels les connexions, les séquences de complexité qui doivent être évidentes au passage d’une année à l’autre,d’un cycle à l’autre,ont disparu, me paraît évident et manifeste à la lecture du plan d’études et du règlement du master de notre section : un véritable

inventaire.» Mais le lecteur au fil du texte voit l’arbre reprendre des forces et redevenir verdoyant jusqu’à, en arrivant à la cime de l’arbre, voir à l’horizon un paysage dégagé pour l’école d’architecture de demain. Tous les étudiants se retrouveront dans le texte. Les premières années au sujet du trop grand nombre d’étudiants, «... je m’aperçois que désormais nous avons atteint le point de non retour: il faut avoir le courage de tourner la page, d’assumer le concept du grand nombre. (...) de partager l’atelier de première année, soit d’introduire un deuxième professeur de projet...» Une grande bouffée d’air frais attend le cursus du bachelor avec de nombreuses propositions pour «...mettre au point un système didactique pour le projet au bachelor, capable de dessiner un tronc fort sur lequel on puisse ensuite greffer les plus diverses et fantastiques ramifications...» Parmi ces idées je soulève cette très belle idée, pour replacer le débat et l’échange au centre de l’enseignement, un concours commun aux ateliers qui déboucherait sur un grand débat. La communication reprendrait-elle vie en dehors des réseaux virtuels? «... de manière à ce que l’on puisse en fin de projet s’interroger, professeurs inclus, sur les positions culturelles qui déterminent un choix plutôt qu’un autre. Il convient de créer des occasions de confrontation, quelque chose comme une fête de village au cours de laquelle tout le monde se retrouve sur la place.» Pour le master la révolution est aussi en route, le défi est grand. Offrir aux étudiants un panel de possibilités mais dans une cohérence d’ensemble. Une possibilité même d’aller mettre les

pieds dans le monde des ingénieurs. (Pour de vrai pas juste avec un cours ENAC...) Mais ce que je retiens ici c’est cette volonté de «...permettre à l’étudiants, une fois son projet de master terminé, de regarder en arrière et de discerner la trame secrète que nous lui aurons laissé

« Il convient de créer des occasions de confrontation, quelque chose comme une fête de village au cours de laquelle tout le monde se retrouve sur la place » en héritage, et d’apercevoir, à travers tout ce qu’il aura étudié et élaboré, la silhouette de l’arbre.» L’idée est belle et il y a du travail car ces mois-ci je me retourne et tout ce que je vois c’est que je suis sensé tout savoir, mais finalement je ne sais pas grand chose, ce n’est pas un arbre solide mais une forêt d’arbres morts qui baignent dans un brouillard épais! Merci qui? Le bout du lac peut-être... Malheureusement toutes les parties de l’arbre n’ont pas été citées et l’ASAR ne se retrouve pas dans le texte. Pourtant l’association commence petit à petit à prendre de l’ampleur dans la section et il serait dommage que la nouvelle direction ne mette pas l’associatif, c’est à dire l’initiative personnelle dans son jardin, à moins que l’ASAR ne soit la sève indispensable mais invisible de l’arbre... retrouvez la texte complet de R. Gargiani sur facebook.com/revuelatelier

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EN ECHANGE

VENUS D’AILLEURS Stéphanie Dennig

Ailleurs. On y va, mais on en vient aussi. Chaque année, la section d’architecture accueille des étudiants du monde entier pour effectuer un échange. Les années concernées sont la 3ème et la 4ème. Nous avons demandé à 6 étudiants des quatre coins du monde de répondre à nos questions. Petit tour d’horizon de ce qu’ils pensent de notre chère école.

L’atelier: Que penses-tu de l’EPFL? Lénaïk, atelier Graf, de Marne-laVallée: Je pense que l’EPFL est une chance incroyable de faire ses études et d’apprendre. Il y a ici une ouverture vers d’autres domaines. En effet, en tant qu’erasmus nous avons la possibilité de choisir nos cours et ainsi de prendre des cours qui nous intéressent vraiment. Je pense que c’est une école qui offre de bonnes conditions pour réussir ses études. Vincent, atelier Kirchoff, de Montréal : C’est une très bonne école, et elle est bien située en Europe comme en Suisse. Les professeurs sont compétents et intéressants. Et j’apprécie, contrairement à la majorité des étudiants locaux, le fait que l’on enseigne la sociologie aux jeunes architectes. Il est nécessaire d’élargir notre vision critique, même si on ne fera peut-être jamais d’urbanisme au sens propre. Mattias, atelier Berger, de Stockholm: Je trouve que le rythme est vraiment rapide. Mais c’est une bonne école, et si on survit à ce semestre, on va apprendre beaucoup. Christophe, atelier Lamunière, de Marseille : Une grande école avec une très bonne réputation, et des conditions de travail exceptionnelles.

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Quelle est la plus grande différence selon toi entre l’EPFL et l’école d’architecture de laquelle tu viens? Philippe, atelier Graf, de Montréal : Jusqu’à maintenant, j’ai trouvé la formation à l’EPFL plus technique qu’à Montréal. Il y a plus de Physique, de Gestion du projet, par exemple. Les côtés très pratiques de la formation en somme. C’est probablement plus terre-à-terre, mais par contre un peu moins créatif… Juan, atelier Gugger, de Barcelone : Il y a ici beaucoup plus d’installations et d’infrastructures mises à disposition des étudiants. Au niveau de l’atelier, la proximité entre les assistants et les étudiants. Le projet est ici beaucoup plus conceptuel et libre (mais cela est peut-être lié à l’atelier Gugger en particulier). A Barcelone, les projets sont beaucoup plus fonctionnalistes et constructifs. Lénaïk : La plus grande différence avec mon école est que de gros moyens sont mis en oeuvre pour travailler correctement. Je dirais ensuite l’aspect “campus” qui n’existe pas du tout chez moi, avec tout ce que cela implique (émulation, sorties, rencontres) Vincent : L’environnement dans lequel évolue l’étudiant en architecture est ici très scientifique. Ma faculté d’Aménagement contient 5 écoles de design (architecture, architecture du paysage, urbanisme, design industriel et design d’intérieur) et des concours sont organisés pour que les gens de chaque école se rencontrent. Mattias : Il faut travailler beaucoup plus ici. Et avec Archizoom, il y a des évenements et des expositions tout le temps, c’est super. Christophe : Le matériel dont les étudiants disposent ici à l’EPFL. L’organisation administrative est aussi très bonne.

Qu’est-ce qui t’a le plus marqué à ton arrivée à l’EPFL? Philippe : La grandeur et le côté international du campus. Vincent : L’esprit d’entreprise, les moyens financiers, les startups. Les frais de scolarité extrêmement bas par rapport à la qualité des infrastructures et des enseignants. Et ma visite du Learning Center. Malgré toutes les incohérences et les dépassements de coûts, je trouve que c’est une réussite et que cette architecture a assumé le fait de laisser tomber la fonctionnalité au profit de l’expérience et de l’ambiguïté spatiale qui est tout à fait remarquable. Juan : Le fait que ce soit un véritable campus. Les étudiants de toutes les facultés se rencontrent. Et le Learning Center bien sûr. Christophe : Le froid, et le manque de véritables réunions étudiantes (soirées, activités). Je trouve qu’il n’y a pas de véritable cohésion au sein de l’école d’architecture. Pour toi l’architecture c’est… Lénaïk : Pour moi l’architecture est un ensemble de choses, c’est une réflexion sur une situation donnée à laquelle il faut répondre au mieux en faisant des recherches, des essais, en validant ou non telle ou telle hypothèse. Philippe : Je dirais que l’architecture, ça ne se décrit pas, ça se dessine! Vincent : C’est pour l’humanité. C’est lourd et c’est lent. C’est une lecture de notre époque. C’est l’art avant la fonction. C’est la composition d’une émotion. C’est un programme d’étude génial! Mattias : Ma vie, en ce moment. Juan : Quelque chose de toujours présent dans ma tête. Mais je n’ai pas encore trouvé la réponse…


MINOR IN AREA AND CULTURAL STUDIES

AILLEURS CA T’INTÉRESSE? Marlène Oberli

Shanghai by night. Marlène Oberli

Le Minor in Area and Cultural Studies t’offre la possibilité de dépasser les frontières de ta section ainsi que celle de l’Occident et d’aller découvrir la culture chinoise et indienne principalement, mais aussi celle du Japon, de la Corée et d’autres encore, bref ce que l’on nomme approximativement l’Asie. Cette partie du monde qui est aujourd’hui en pleine effervescence et la ville est là-bas un espace en perpétuel changement. La découverte de son environnement tant culturel que construit est une expérience forte en émotions.

les SHS qui nous permettent de faire des projets interdisciplinaires, nous dira la direction. Mais il est vrai que les deux Summer Schools donnent une autre dimension à l’interdisciplinarité... Cette découverte se passe en quatre temps : un cours durant le Master 2, où interviennent divers professeurs sur des sujets tels que la politique, le développement des villes, l’histoire et la culture. Ensuite la Lausanne Summer School de trois semaines au mois de juillet donne la parole à une panoplie de professeurs d’une renommée internationale. La Bangalore-Shanghai Summer School est un voyage (financé en partie par l’EPFL, coût du voyage 1000.- tout compris) de trois semaines durant lesquelles tu découvres in situ la culture, la structure des villes, les différentes universités et le fonctionnement de plusieurs entreprises. Finalement le dernier semestre (Master 3) est l’occasion de rédiger un mémoire et de développer un thème choisi librement.

Un mineur? C’est une formation que tu fais dans une autre section de l’EPFL pour t’ouvrir un peu les yeux sur ce qui t’entoure. Elle équivaut à trente crédit de cours dans ta section et contient une série de cours en lien avec son titre et elle te permet d’ajouter à ton diplôme une spécialisation. J’ajoute que ce mineur qui se déroule sur l’été te permettant donc de mieux répartir tes crédits du Master. Enfin du temps pour faire ton projet ! Délai d’inscription : Durant le mois de novembre mais jusqu’à fin décembre c’est possible. Les premiers arrivés seront inscrits… Pour d’autres infos ou inscriptions : http://cdh.epfl.ch/page-1784.html

Visite de l’école de Nagavalli. Inde. Marlène Oberli

Les différentes parties de ce mineur sont l’occasion de trouver une éventuelle place d’échange dans une université ou encore un stage dans un bureau. Tu y trouveras aussi peut-être l’inspiration pour ton travail de diplôme ou tu ouvriras simplement ton esprit à une autre partie du monde dont tu entends beaucoup parler mais que tu n’as jamais réellement vu par toi-même. Et point important, ce voyage est aussi enfin l’occasion de profiter de la diversité de l’EPFL et d’échanger avec des étudiants d’autres sections. Oui, oui, nous savons, il y a déjà l’ENAC et

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ARCHIPLEIN GENÈVE / SHANGHAI

Davide Di Capua Sizhou Yang assez bien avec Archiplein. Travailler en Chine, c’est plutôt dépaysant. Concrètement qu’est-ce qui est différent ? Quelles sont les principales difficultés ?

Marlène Leroux et Francis Jacquier

Archiplein semble avoir bâti un pont entre ici et ailleurs, entre Genève et Shanghai. Votre formation en témoigne aussi, Marlène et Francis, vous avez été formés à l’EPFL mais avez réalisé votre année de stage à Shanghai, une ville où vous êtes revenus pour votre projet de master. Vos partenaires Fang Weiyi et Wang Mingbo, vous les avez rencontrés à l’EPFL d’où ils ont diplômé et Feng Yang à Shanghai. Feng Yang est diplômé de Nanjing, et a passé deux ans en France à l’école de Lille. Pourtant Archiplein, le nom de l’agence ne semble pas transparaître cette relation Est-Ouest. Comment doit-on comprendre la philosophie de l’agence ? F : Le mot Archiplein est un nom qui a été déterminé par nos associés chinois, au tout départ, quelques

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temps avant que nous arrivions. C’était le moyen pour eux de définir leur identité internationale, dans la mesure où un nom d’agence en français transposait l’idée d’une culture francophone. En effet dans l’agence, nous avons tous une culture européenne. M : L’identité d’Archiplein doit se comprendre par rapport au contexte chinois où mettre en valeur l’identité francophone de l’agence nous semble important. D’ailleurs nous avons mis presque trois ans pour trouver un nom chinois, et pour l’instant nous ne sommes pas encore cent pour cent sûr car nous avons du mal à trouver un nom chinois qui conserve cette identité. Actuellement, le nom c’est Dou Jian Zhu (Le signe Dou signifie « tout », mais prononcé autrement signifie aussi métropole, capitale). Ca fonctionne

M : Le problème c’est que nous n’avons quasiment jamais travaillé en Europe, donc nous avons du mal à comparer. F : En Chine les échéances sont extrêmement raccourcies, et les demandes sont extrêmement floues. C’est-à-dire que nous disposons de très peu de temps pour faire quelque chose qui n’est absolument pas défini. Au niveau de l’architecture, il y a une grosse part de travail en amont qui n’est pas forcément nécessaire en Europe. C’est plutôt de l’ordre de l’assistance à la maîtrise d’ouvrage,

« En Chine les échéances sont extrêmement raccourcies, et les demandes sont extrêmement floues » programmation, et un peu moins au niveau du détail d’architecture et du travail de précision. En fait, le champ d’étude est un peu décalé. La position de l’architecte en Chine est fondamentalement différente


qu’en Suisse ou en France, puisque le métier d’architecte est plutôt considéré comme du consulting. La structure étatique fait que tous les architectes privés (étrangers ou pas) soient obligés de travailler avec ce que l’on appelle un institut d’Etat. C’est une administration gouvernementale, elle seule a le droit de signer les plans de construction, de faire le suivi de chantier, toute une partie du travail qui en Europe est dédiée à l’architecte. M : En ce moment, il y a un mouvement d’architectes privés chinois, surtout basés à Pékin qui sont en train de faire un putsch contre ce système. Ils essaient de regrouper toutes leurs habilitations individuellement pour arriver à faire pour la première fois, un contre-pouvoir au système des instituts d’Etat. Ce système a été initialement créé pour contrôler la sécurité des édifices, le respect des normes, mais c’est devenu aujourd’hui une grande

« Ce qui compte c’est la capacité de production et la flexibilité » entrave à la qualité architecturale. F : En Chine, ce qui compte c’est la capacité de production et la flexibilité, sans oublier la capacité de proposer quelque chose à partir de rien. Lorsque l’on se confronte à un contexte général où il n’y a rien, si on est amené à produire de l’architecture, on en arrive à du formalisme, mais il n’y a rien qui accroche la proposition à des données de base. C’est le cas des grandes agences internationales: on va produire une image d’architecture qui sera séduisante et qui sera purement formelle. Nous avons beaucoup de peine à rentrer là-dedans. Nous avons toujours la démarche de créer un scénario, de monter une histoire, pour que la proposition soit en cohérence avec le lieu. Quand on monte une histoire, on s’accroche à des éléments, mais ces éléments il faut les trouver. Nous sommes alors amenés à analyser le contexte et de fait à répondre à des conditions de

Tianzhushan Mountain Center, dans la province de Anhui, Chine

la réalité. C’est dans ce sens là que cela se rapproche de la démarche de la nouvelle génération chinoise. Ce n’est pas pour autant que c’est mieux compris par le client, mais c’est une satisfaction personnelle. M : Souvent un scénario, personne ne s’y intéresse ! Cependant cela nous permet de savoir où l’on se situe. Quand tout bascule et que tout est annulé, c’est le scénario qui nous permet de nous retrouver sur nos pattes. F : Sans ça on produit de la variante sans ne s’accrocher à rien. Pour le coup, ça n’a vraiment pas de sens. Archiplein semble se distinguer des autres différents bureaux étrangers qui ont investi le marché immobilier chinois, ces architectes d’outremer qui semblent voir les villes chinoises comme des pages vierges. Il semble plutôt se rapprocher de la nouvelle génération d’architectes chinois, soucieux des traditions et du contexte. Est-ce que vous vous identifiez à cette nouvelle génération ? M : Est-ce que nous nous identifions à des architectes chinois? Je ne sais pas. Mais nous essayons de nous inscrire dans la mouvance de cette jeune génération d’architectes chinois. F : Cette mouvance, elle n’a en soit rien d’incroyable mais projetée dans

le contexte chinois, elle est vraiment remarquable. C’est vraiment une démarche alternative! Ce ne sont pas des choses incroyables. C’est la prise en compte d’un contexte bâti, d’une culture locale... M : C’est de ne pas voir la Chine comme une entité uniforme mais de s’intéresser à la spécificité d’un lieu... F : Prendre en compte les dimensions sociales, les dimensions constructives, c’est tout un travail relativement banal, mais qui dans le contexte chinois est vraiment une lutte. Puisque cela prend plus de temps, cela conduit à des objets plus spécifiques et complexes qui ne vont pas forcément dans l’esthétique d’une architecture internationale. Dans le contexte socio-économique chinois, ce que les autorités veulent représenter, c’est une Chine moderne, d’avant-garde. Ce sera plutôt des agences comme Zaha Hadid, FOA ou Foster qui cartonnent auprès des gouvernements chinois puisque concrètement, cela leur donne de la face, du prestige. M : Si l’on entre dans une démarche plus modeste, plus attentive aux réalités, que l’on propose un modèle qui soit en adéquation à la population locale, les gouvernements ne comprennent pas du tout l’intérêt. Il ne faut pas se leurrer, la majorité de la production architecturale elle est réservée aux 200 millionnaires ou

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milliardaires qu’il y a en Chine. La grosse masse de programme dont la Chine a besoin, cela reste du programme social, mais il n’y a pas du tout une esthétique du programme social comme on en voit ici. Est-ce que vous avez une attitude différente ou un processus de projet différent en-tre ici et la Chine? F : Disons que la trame, les éléments qui nous concernent sont toujours les mêmes, bien sûr ils sont adaptés aux solutions que nous trouvons en posant ces questions là. Comme je le disais, il n’y a rien d’exceptionnel dans la démarche mais c’est dans le fait de prendre le temps de l’appliquer en Chine. Là-bas nous avons forcément des réponses différentes puisque le contexte social est extrêmement différent, le climat, etc. Il y a toute une série de paramètres qui influent, mais en fait …

«L’architecte est mis dans la position d’un designer consultant, c’est bien souvent du formalisme, point bar!» M : … la méthodologie est la même. F : La méthodologie c’est de définir dans un premier temps des spécificités, et répondre au mieux à la situation de la réalité, c’est-à-dire proposer un programme qui réponde aux besoins des gens et le réaliser de manière cohérente. M : Peut-être ce qui va changer dans notre façon d’aborder les projets en Europe, c’est qu’en Chine nous avons tellement eu l’habitude d’avoir une situation et de s’intéresser à ce qui se passe en amont (qui est le client, pour quelle population, quel type de budget, etc.), de vraiment aborder le projet de manière globale. Je pense qu’ici on devrait avoir plus cette attitude-là, même s’il y a déjà un programme, un site, nous allons quand même prendre le temps d’aller regarder un peu plus loin, plus en amont. F : Ce que nous voyons en Chine,

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c’est l’impact extrêmement faible qu’a un architecte sur la qualité de la ville et sur la cohérence de sa proposition. L’architecte est vraiment mis dans la position d’un designer consultant, c’est bien souvent du formalisme, point bar! D’un point de vue pratique, comment gérez-vous la communication entre les deux pôles d’Archiplein ? M : C’est tout nouveau, nous ne sommes rentrés qu’il y a deux mois. J’y suis allée il y a deux semaines, nous nous sommes vus pour remettre au point tous les projets sur lesquels ils étaient, et puis je suis branchée sur QQ. C’est l’élément indispensable de la communication en Chine. C’est comme le skype chinois. F : L’avantage que nous avons, c’est que tout le travail dans l’agence se fait quasiment en français. Nos trois associés parlent très bien français et nous employons aussi les étudiants architectes chinois qui apprennent le français ou qui ont envie d’aller en France. Même les stagiaires et les employés étaient francophones. Au niveau de la communication nous avons déjà cet avantage. Marlène et Francis, vous êtes revenu en Suisse, où le rythme de construction n’est pas aussi soutenu. Qu’est-ce qui pousse Archiplein à garder son pied à terre Suisse ? F : Nous avons étudié à l’EPFL. Ce qui nous rassemble c’est donc notre éducation suisse. L’identité est suisse et même au niveau de l’identité architecturale. En 2007 nous avons gagné un Europan à Moudon. Et personnellement, nous avons une affinité pour l’architecture suisse et le contexte suisse de l’architecture. Donc la question ne s’est pas vraiment posée, c’est ici parce que c’est ici que nous avons aimé faire de l’architecture, que nous avons appris l’architecture. En quatre ans en Chine, ce ne sont pas les projets qui ont manqué. Bien sûr tous ne se construisent pas, 90% des projets restent sur le papier. Le problème c’est le sens, il y a beau-

Vue intérieure, Tianzhushan Mountain Center

coup de ces projets qui n’ont pas de sens. Donc nous sommes revenus justement pour le rythme et la cohérence des projets. Actuellement Archiplein en Suisse, plus que de la production architecturale, c’est vraiment l’acquisition de connaissances. M : Si nous voulons faire du gros projet, nous retournerons en Chine. Pourriez-vous nous parler un peu du projet Hutong No1. C’est un petit projet qui semble vérifier votre recherche dans votre énoncé théorique. Quels ont été les acteurs et le rapport des forces entre eux ? M: Dans notre mémoire théorique, il y a déjà un processus de destruction, nous ne nous y opposons pas. F: Dans le contexte Pékinois, il y a un laisser-aller complet de la part du

«Le Hutong n’a plus de cohérence, tout est laissé à l’abandon» gouvernement parce que la situation est trop compliquée à gérer. Le Hutong n’a plus de cohérence, comme tout est laissé à l’abandon et que les populations sont relativement pauvres, il n’y a aucun entretien. Au


final la seule solution pour régénérer ces lieux c’est de tout détruire. Il y a tellement de modifications de propriété, de petites adjonctions sur le domaine public, de personnes non déclarées. L’unique solution pour aller vite c’est de détruire. M: Notre intervention, c’est aussi une manière de dire: comment ne pas détruire en commençant à faire des petits projets. F: Il y a un Hutong no2. La base est d’engager un processus de réflexion, vérifié à travers des micro-projets pour définir une stratégie raisonnable d’intervention dans les Hutongs. M: Il faut essayer de garder la même densité sinon l’ensemble devient incohérent. Nous essayons de garder cette sur-densité mais de manière plus raisonnable. Dans la cour, nous enlevons effectivement des mètres carrés. C’est une manière physique, concrète et pragmatique de rentrer dans ce processus de régénération. F: Mais c’est infime, ça ne sauvera pas les Hutongs! La Chine attire notre attention depuis une quinzaine d’années, sa vitesse d’urbanisation, les problèmes sociaux et culturels suscitent le débat. Selon vous, quelles sont les erreurs à ne pas commettre, les raccourcis qu’il ne faut pas employer lorsque l’on travaille en Chine, un pays tellement différent ? F: En tant qu’étranger, il ne faut pas croire que c’est un terrain d’expérimentation. c’est la première erreur des étrangers. C’est un terrain de production mais pas un terrain d’expérimentation. Pas d’expérimentation dans le sens innovatif du terme. Ca va vite, il faut produire en grande quantité et pour produire en grande quantité, il faut appliquer des règles simples. Bien sûr, avec le « star system » de l’architecture, la Chine a le droit à ses petites friandises. Mais la Chine ce n’est pas la CCTV et ce n’est pas l’opéra de Canton tous les jours. M: La deuxième erreur c’est qu’en temps qu’étranger on a tendance à travailler sans être investi entièrement dans la Chine. On ne peut pas y travailler en étant intéressé seulement pendant quelque mois. Ce

Et finissons par un conseil que vous donneriez à nous autres étudiant.

Coupe et façade, Hutong No1

n’est pas possible, la Chine est bien trop complexe. F: C’est un monde très difficile à pénétrer et les Chinois le font relativement bien comprendre. Si l’on veut faire des choses de qualité, il faut dépasser le clivage chinois/étranger. Et cela prend du temps. M: « En Chine les choses vont vite, mais il faut prendre le temps. » C’est très long de mettre en place des relations. Pour vous l’architecture c’est… M: Comme dit un ami suisse, «L’architecture c’est penser à tout en même temps et tout le monde s’en fout.» C’est ce que nous avons compris en Chine. Mais ce n’est pas grave. F: Pour moi c’est matérialiser une continuité culturelle et favoriser un sentiment d’appartenance.

F: Quand on fait de l’architecture il ne faut pas avoir peur de se faire confiance et de vraiment faire les choix que tu juges intéressant. En fait il n’y a pas de règles. Il faut anticiper l’avenir. Ce que tu fais maintenant dans tes études, ça a une répercussion énorme sur tes décisions. Marlène a étudié le Chinois au lycée et c’est cela qui nous a donné l’idée d’y aller. Cela a eu des répercussions sur notre vie. Rien n’est un hasard. Faire ses études, c’est déjà construire son avenir. M: Le conseil de monter son agence tout de suite après le diplôme, ce n’est pas forcément un bon conseil. Souvent les gens disent que c’est mieux de travailler quelques années. J’ai l’impression que si tu travailles avant, tu peux peut-être perdre le goût de te jeter dans le vide par la suite. Pour notre part, personne ne nous a donné de conseil et nous ne l’aurions peut-être pas fait si l’on nous en avait parlé. Nous avions une espèce de naïveté et d’inconscience. En revanche, du moment que tu décides de faire quelque chose, il faut le faire sérieusement. C’est quand même un métier à responsabilité.

Hutong No1

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194X-9/11

AMERICANS ARCHITECTS AND THE CITY

Davide Di Capua Une exposition rétrospective de l’architecture d’après guerre aux Etats-Unis jusqu’aux événements du 11 septembre 2001 se déroule actuellement au MoMA de New York. L’exposition présente un ensemble de projets, maquettes et textes théoriques qui ont joué un rôle essentiel dans le développement des villes américaines. À ma grande surprise, la plupart des projets exposés étaient des utopies ou des projets restés au stade du dessin. Est-ce que le but des architectes n’est pas aussi de générer une multitude d’idées lors de crises humanitaires

ou socio-économiques, qu’elles soient utopiques ou non?

« They are no cities, in fact » La seconde guerre mondiale permit au architectes de repenser la ville d’une manière novatrice. Cette dernière créa la tabula rasa dont les architectes modernistes les plus radicaux rêvaient. Une multitude d’idées foisonnèrent alors dans la tête des architectes. Et cet élan moderniste se propagea à travers

Palmtree Island (Oasis) New York, Haus-Rucker-Co , 1971

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les Etats-Unis. En 1943, l’ Architectural Forum and Fortune Magazine invita les architectes à imaginer une nouvelle forme de ville américaine pour cette période que l’on appela ”194X”. Mies Van der Rohe fut sans doute le plus grand protagoniste à la conception d’une nouvelle identité de la société américaine. Le master plan du IIT fut un de ses plus grands projets qui initia un renouvellement urbain général de la ville de Chicago, tout en idéalisant un nouveau langage architectural, celui de l’acier. Mies souleva aussi la question des suburbs, souvent oubliés par ses ancêtres, en les imaginant comme un nouveau paysage habité, ”They are no cities, in fact, anymore” répliqua-t-it. La ville ne fut dès lors qu’un paysage urbanisé. Par le fameux collage du Convention Hall de 195354, Mies exposa là une nouvelle façon de vivre l’espace en société en démontrant l’intérêt d’un espace ample et flexible capable de contenir plus de 50‘000 personnes. Dans les années 50, Louis Kahn s’intéressa aussi au développement des villes, particulièrement au trafic routier de Philadelphie où il chercha par des plans schématiques à décongestionner le centre-ville. Selon Kahn, les flux des villes devaient se réorganiser selon une hiérarchie logique de la vitesse. Il développa ainsi un système d’organisation


analogique aux murs d’enceintes des villes médiévales qui servait à protéger son centre. Pourtant, c’est bien New York qui aura le majeur intérêt des architectes, que se soit par l’intermédiaire de projet réel ou utopique. Le premier grand projet symbolique du renouvellement urbain fut le siège des Nations Unies dans le East Side de Manhattan. Le but du projet fut de développer une “X-city”; une microcité à l’intérieur de Manhattan, autour de deux bâtiments principaux, le bâtiment de bureau et le Hall d’assemblée conçu par Oscar Niemeyer et Le Corbusier. Ce campus joua le rôle d’un des premiers exemples de planification urbaine moderne. Dans les années 60, la population augmenta fondamentalement à New York. Colin Rowe imagina d’étendre alors un nouveau système de parc de Central Park à travers Harlem ,le Bronx et le long de la Hudson River. Ce projet représenta en quelque sorte une révision du concept moderniste des ”tours dans un parc”.

« Le post modernisme réfute ainsi la manière moderniste de planifier les villes américaine » Dans les années 60-70, le règlement dans la planification à New York changea. Cela eu principalement comme résultat la création de ”Superblocs”(Blocs contenant des programmes mixtes réunis dans une seule structure). Ces propositions remettèrent souvent en cause la grille New-Yorkaise. Le projet du ”Lower Manhattan Expressway” en 1972 de Paul Rudolph fut un projet représentatif de cette période où l’architecture se lia à l’infrastructure. Le bâtiment est un hybride entre un pont et une place linéaire bordée de logement. Le post-modernisme réfuta ainsi la manière moderniste de planifier les villes américaines, ”a global ecological disaster” pour Leon Krier. Différents projets utopiques à grande échelle soulignèrent la volonté radi-

Bridge City (bridge on the 110th st.) New York, James Fitzgibbon, 1960

cale de changer la ville de New York. Bridge City de James Fitzgibbon en 1960 s’inspira des différentes expérimentations des mégastructures de R. Buckminster Fuller. Le projet intègra architecture et urbanisme au sein d’une même structure circulaire de 2 km de diamètre servant de pont et pouvant être habitée par 100‘000 personnes. Finalement, on ne peut oublier de citer les différents projets de Rem Koolhaas tel que le ”Roosvelt Island redevelopment” publiés dans le fameux ouvrage théorique “Delirious New York” de 1978.

« Le projet intègre architecture et urbanisme au sein d’une même structure circulaire de 2 km de diamètre servant de pont et pouvant être habité par 100‘000 personnes » Depuis les événements du 11 septembre 2001, une nouvelle planification s’est mise en place pour le centre historique de Manhattan avec l’augmentation de projets contemporains. De nouveaux concepts ont permis de remettre en question les vides urbains de Manhattan. Ce qui est sûr, c’est que The Big Apple n’a pas fini de nous inspirer ainsi que de nous faire rêver.

Lower Manhattan Expressway,Paul Rudolph,1972

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MAROC PAYS TERRIEN, PAYS CÔTIER Pierre des Courtis Au cours du temps, la plupart des villes se sont développées en développant un rapport à l’eau, que ce soit le long d’une côte (quel meilleur exemple que le pourtour méditerranéen?), le long d’une rivière (le Caire, Rome autrefois, New York et New Delhi) ou d’un lac (Tenochtitlan, un grand nombre de villes suisses). Cependant chacune de ces villes développe un rapport différent à son cours ou plan d’eau. Le Maroc historique est un cas particuliers. Bien que le territoire marocain soit doté d’une immense côte (aujourd’hui d’environ 3’500 km), aussi bien sur l’Atlantique que sur la Méditerranée les grandes villes se sont développées à l’intérieur du pays, ne s’exposant que peu à l’océan Atlantique, considéré comme inhospitalier. Quelques villes se développent le long de la côte méditerranéenne mais elles ne font alors pas sous domination marocaine : Tanger, seule ville à la fois sur l’Atlantique et sur la Méditerranée est surnommée “ville des étrangers” en raison du

nombre important de domination qu’elle a eut (jusqu’à finalement être

« Seules quelques villes mineures se tournent vers la Méditerranée. » déclarée ville internationale de 1923 à 1960) tandis que le reste du Rif (la côte méditerranéene), reste longtemps sous domination espagnole (les enclaves de Ceuta et Melilla en sont encore aujourd’hui un héritage). Seules quelques villes mineures se tournent vers la Méditerranée. Ce sont essentiellement des repères de pirates ou des enclaves espagnoles et portugaises. La mégapole côtière (de El-Jadida à Kénitra, incluant Casablanca et Rabat), au développement plus tardif, est la trace d’une évolution du rapport que porte le Maroc avec son environnement maritime. La côte Atlantique, en particulier Casablanca, ne se sont développés qu’avec l’arrivée des

Capitales des différents empire marocains dans le temos

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occidentaux d’abord espagnols, anglais et allemands, puis français. Ceux-ci, profitant de la faiblesse du pouvoir marocain en place, y voyait l’opportunité de développer leur influence, ainsi que de découvrir des hydrocarbures (dont le Maroc est en fait quasiment dépourvu, contrairement autres pays du Maghreb). Casablanca se retrouvera finalement au coeur du “Maroc utile”, cette partie du Maroc dont le protectorat français considéra qu’il avait un fort potentiel économique : agricole surtout mais aussi minier (phosphate) et maritime. La mer n’est pas une opportunité, c’est un moyen d’importer ces matières premières en métropole, ainsi que d’écouler les produits

« Le Maroc puissance terrestre se retrouve puissance maritime » manufacturés. Casablanca, alterna donc son développement entre ouverture sur l’océan, via son port notamment, et les moments où elle se développe vers l’intérieur des terres, s’affranchissant de l’océan. Chacun de ces retournements modifie la forme urbaine et remodèle la relation entre la ville et l’océan. Cette relation changeante et régulièrement remise en question avec l’océan entraîne une alternance de lieux qui prennent plus ou moins leur distance avec l’océan, créant une ville qui à l’image de son pays tend à se développer en sachant que la mer est un atout, mais que l’arrière pays est tout aussi important.


EQUATEUR QUITO Anaël Poveda Les lieux géographiques diffèrent ou se ressemblent par la nature qui les constitue, les saisons ou l’architecture qui les organise, mais d’avantage par l’usage dont la population en dispose. J’ai choisi Quito en Equateur comme «ailleurs» et Lausanne comme «ici». Je fus particulièrement émerveillé de vivre quelques mois dans une ville bouillonnante de vie et d’énergie, dont l’architecture du centre colonial est magnifique. A Quito, le temps passe comme l’eau d’une rivière.. chacun est pri et fait parti de ce flux, calmement, mais sans interruption, les gens vivent ensemble. Au rythme de la cumbia, les gens se déplacent, travaillent, mangent et partagent leurs sentiments. Les bus ont des parcours, mais les horaires et les arrêts sont adaptés aux situations. Le chauffeur est attentif. A son coté, un jeune, à moitié dehors, crie des destinations, court récolter le prix de la course, aide à monter ou descendre au vol, c’est naturellement simple, il suffit de nager dans le bon sens. Lorsque l’on est «ailleurs» il est possible de se retrouver un peu «avant» ou «après», comme si l’on voyageait à travers le temps. J’y ai vu la ville comme il m’est arrivé de la rêver... une ville où l’efficacité et la diversité offre une vie plus complète. La concentration de cette diversité permet de passer tous les jours devant le tailleur, le cordonnier, le plâtrier, l’encadreur, le chapelier, le menuisier, le boulanger, le luthier, les écoles, le théâtre, les banques, l’hôpital, les églises, ... Les marchés couverts sont abondants et colorés, il est possible d’avoir un repas complet à chaque instant de la journée, permettant aux gens de se consacrer respectivement à leur art.

Quito. Maria Grande. Ecuador. Anaël Poveda

Lausanne. Cathédrale. Suisse. Anaël Poveda

Ainsi, tout le monde agit activement pour servir l’ensemble harmonieusement. Une telle énergie est pour moi un immense potentiel dont il faut s’inspirer et faire résonner avec notre propre culture, notre expérience, une énergie différente. Il est important de se laisser émerveiller et accepter que

ces nouveautés changeront notre perception. «Ici» ou que l’on soit, c’est très beau, mais il manque toujours «l’ailleurs» qui nous offre des révélations merveilleuses.

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LA CONDITION DU PARADIS

UNE BIBLIOTHEQUE A MEXICO

Hadrien Tricaud Alberto Kalach est un architecte jardinier. Pour asseoir sa bibliothèque il a conçu un jardin botanique de 2.5 hectares comptant 168 espèces de plantes différentes. C’est un jardin suspendu, construit sur une série de plateformes formées par des murs de rétention en panneaux de béton préfabriqués, enfilés sur des profilés en acier. Ça ressemble a des murs antibruit d’autoroute. Entre les murs, on grimpe un dédale d’escaliers protégés par des pergolas envahies par les plantes grimpantes. Au fond du jardin, derrière la bibliothèque, on trouve un vieux hangar ou l’architecte a suspendu des plantes. C’est l’orangeraie de la bibliothèque.

«Si le paradis est un jardin, ici, le jardin est avant tout la condition du paradis. » Dans le jardin on trouve aussi tout un tas d’objet: des ferrailles, reliques du passé industriel du site, des sphères de béton d’environ 50 cm de diamètre, qui roulent, des bancs, cubes aux angles tronqués, juxtaposés. Il y a aussi un auditorium à moitié enterrés, dont on devine l’intérieur derrière

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des plates-bandes. Et puis deux pavillons, la librairie et les bureaux, excavations recouvertes par la juxtaposition de colonnes-chapiteaux de béton. La variété botanique et tectonique du jardin de la bibliothèque est annoncé par Kalach lui-même approuvant l’enseignement d’un de ses professeurs dans un article intitulé “Le paradis est un jardin”, antérieur à la construction de la bibliothèque : “Il [le professeur] mettait en avant

l’expérience sensorielle plutôt que la conceptuelle, la séquence plutôt que l’espace unique, la narration d’une histoire fantastique et non pas la démonstration d’une idée géniale, le labyrinthe au lieu de la boîte de verre.” Sortir de la bibliothèque est une expérience traumatisante. Devant on bute sur 5 voies de circulations frénétiques. Dans la rue adjacente, ce sont les puces hardo-punk de Mexico, ambiance trash de marché mexicain. Le reste du quartier est oc-


Plan du Rez-de-chaussée de la bibliothèque de Mexico

cupé par des hypermarchés gigantesques et les parkings qui vont avec. Le quartier de Buenavista fait parti de ces endroits de Mexico où on ne traîne pas. Les points de contacts entre la bibliothèque et ses alentours sont d’ailleurs minimes : à peine une petite place qui sert d’entrée sur un côté. Le reste de l’enceinte est constitué des mêmes murs de béton décrits plus haut, infranchissables, d’où déborde la

végétation exubérante du jardin. Parmi les différents reproches qu’on peut lire sur les habituels blogs de râleurs on nous explique qu’on a renoncé à utiliser la bibliothèque pour régénérer le quartier de Buenavista. La bibliothèque aurait dû créer un nouvel espace public fluide et démocratique (pour tous), pendant obligatoire d’une intervention contemporaine de cette ampleur: une espèce de Beaubourg mexicain.

Mais le contexte est différent. La ville de Mexico n’est pas un milieu urbain où l’espace public s’insinuerait jusque dans les bibliothèques. C’est une ville patchwork où les quartiers, coincés entre des boulevards/ autoroutes se frottent plutôt que de fusionner l’un dans l’autre. Les bouts de villes sont définis, on y entre et on en sort. C’est ce qui rend la ville vivable, c’est ce qui nuance son immensité. C’est d’ailleurs quand l’étendue habitée perd sa forme, au Nord et à l’Est, pour n’être plus qu’un tissu infini sans polarité ni frontière que la mégalopole prend sa forme la plus grotesque. Kalach a cousu une nouvelle pièce. Comme pour un potager à protéger il y a travaillé l’enceinte (le jardin) et la porte (la place). L’espace public, pendant de la bibliothèque, est une zone tampon, barrière magique, dense, épaisse et végétale dressée contre l’agressif contexte urbain. Si, comme le dit Kalach, le paradis est un jardin, ici, le jardin est avant tout la condition du paradis. Photos: Hadrien Tricaud

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COMMENT

LEESTNID D’OISEAU DEVENU LE NOUVEAU MAO

ET LE PARC OLYMPIQUE LA NOUVELLE PLACE TIAN’ANMEN Sizhou Yang

un contrôle de sécurité pour gravir les escaliers du stade. Muni de mon arme photographique, je mitraillais tous les angles possibles de ce bâtiment, mais malgré mon intense Tour de l’hôtel Pangu

Cela faisait déjà deux heures que j’arpentais les couloirs de l’université de Tsinghua, dans l’espérance d’être finalement accueilli par le professeur avec qui j’avais rendez-vous. Pris d’impatience, je décidai de quitter le campus et d’aller déjeuner. Rassasié, je pris un taxi pour aller faire un tour au parc olympique qui se trouve juste à côté. Le temps qu’il m’appelle, je serai probablement déjà de retour. Depuis le quatrième anneau, une des six périphériques qui encerclent aujourd’hui Pékin, j’apercevais déjà malgré la brume la tour en forme de flamme qui annonçait le parc olympique. Le taxi dut faire un détour par la route surélevée pour enfin me déposer sur un trottoir. Comme tous les parcs publics de la capitale, une clôture l’encerclait et l’accès ne pouvait se faire qu’après avoir payé l’entrée. Mais ici, comme sur la place Tian’anmen, il fallait passer par un contrôle de sécurité. Je foulais enfin le sol qui soutient une des icônes les plus importantes de l’architecture contemporaine, celui du Nid d’oiseau de Herzog et de Meuron. Autour de moi déambulaient d’autres touristes, parsemés dans ce paysage brumeux. Je dus payer une autre entrée et passer à nouveau par

« Le stade semble être devenu un vieil objet poussiéreux » excitation, il fallait admettre la réalité qui martelait tous mes sens. Le stade semble être devenu un vieil objet poussiéreux qui ne côtoie au quotidien que des touristes pressés et des vendeurs de cendriers en forme du stade. Depuis 2008, le Nid d’oiseau remplace Mao sur les billets de 10 yuan. Son impact dépasse le monde hermétique de l’architecture. Il n’appartient plus à ses auteurs suisses, mais il appartient à l’Histoire. Il est devenu un symbole minutieusement développé par le Parti communiste chinois. Peut-être que ce n’est pas sa structure audacieuse qui l’a distingué

de ses concurrent mais son surnom: le nid d’un Phénix qui renaît de ses cendres, métaphore de la modernisation et de l’ouverture de l’Empire du Milieu. Le Nid d’oiseau n’est plus un stade, mais un pion d’exception pour servir l’intérêt d’un peuple, d’un gouvernement. Aujourd’hui, il compte parmi les sites touristiques les plus prisés de la ville, au même rang que la place Tian’anmen, la Cité interdite, le Palais d’été et le temple du Ciel. Mais tout comme la place Tian’anmen, les agents de sécurité se chargent de vider le parc à la tomber de la nuit. Il semblerait que les deux places publiques soient devenues les espaces les plus ennuyants de la ville. Ce sont de vastes déserts peuplés seulement de vendeurs ambulants, de gardes et de touristes où stagne la puanteur de l’hécatombe des sérendipités. On y suffoque au bout de quelques heures. Mon portable sonna. Le professeur était enfin disposé à me rencontrer. J’accoure.

Parc olympique. Photos: Sizhou Yang

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COUPS DE GUEULE PRIVÉS DE RÊVES Je me souviens en première année. Je passai tous les jours devant des box. Ils étaient remplis de A0 avec des dessins géniaux, des maquettes incroyables et des étudiants architectes qui avaient l’air trop fort. J’observais ces étudiants qui avaient traversés ce mur qui se présentait devant moi: 5 années de dures et d’intense études qui mènent, pour ceux qui persistent, à la dernière ligne droite : Le diplôme. Ils arrivaient au bout du chemin et les yeux pleins d’étoiles je me disais, un jour ce sera mon tour. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, l’architecture a attiré toujours plus d’étudiants, la direction des dernières années n’a pas su gérer l’augmentation des étudiants, la place manque. Le résultat est tombé en septembre passé dans ma boîte mail. Ma place de travail pour mon

Densification de l’école d’architecture par une sur-élévation. Retour du rêve au centre de l’école.

diplôme n’est pas ici dans les box, ni même dans le bâtiment d’archi mais ailleurs, de l’autre côté du grand chantier à plusieurs millions, aux Triaudes... Oui, nous avons pu faire une liste avec tout ce qu’on voulait pour notre petit confort ( ou comment faire taire 100 étudiants...). Mais comment la section va-t-elle nous offrir le regard d’un étudiant de première

année les yeux tout brillants et la tête pleine de rêves? Avec ses choix, la section nous prive du bonheur de transmettre le rêve du diplôme aux plus jeunes et les interdit de se faire une image de l’aboutissement de ces longues études. Alors, première année qui lit cet article, retourne donc à ta physique et à ta structure, tes profs seront alors contents, le rêve n’est plus d’actualité pour toi on dirait !!!

Théo Bellmann

Dans le même ordre d’idée... M. Gargiani a proposé un concours pour les étudiants de bachelor. C’est en faisant un petit passage à la repro, (c’est quand même pas l’EPFL qui va nous informer...) que je tombe sur un dossier de concours d’architecture pour deux pavillons d’accueil sur la place devant l’esplanade... Un projet parfait pour mettre les étudiants en architecture devant une réalité de projet et une possiblité géniale de confronter des idées. Dommage! R.Gargiani est arrivé trop tard pour que ce concours, au minimum, s’ouvre aux étudiants... C’est même un projet sur pré-séléction, mais oui 1/3 seront des jeunes bureaux, promet le réglement du concours... au moins ça, peut-être que des amis pourront s’y coller. Mais tout cela montre quand même que les étudiants en architecture sont considérés par les chefs de l’EPFL comme étant incapables de se mesurer à la réalité et de produire de l’architecture de qualité! A moins que ceux-ci, soient à la recherche de «La Nouvelle Star», pour une autre carte de visite! Vive l’architecture M6... Alexandre Sadeghi. polylinescomic.com

Théo Bellmann

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L’OUEST POUR L’HORIZON Théo Bellmann

Lorette Coen, collaboratrice du temps participe à la présentation du projet :

Shanghai grandit, Paris aussi et Zürich est en train de terminer sa tour. Autour de nous, ailleurs, ça construit. Mais ici, juste à côté de chez nous, que se passe-t-il ? Pour avoir la réponse il fallait passer le 12 novembre au polydôme pour y découvrir le futur de la région dont le campus fait partie, l’ouest de Lausanne. Oui le centre des congrès se construit, nous l’avons bien vu, mais ce développement s’insère dans un plan de plus grande envergure qui tente d’organiser l’avenir de ces communes : le SDOL. Ce projet a dernièrement reçu le prix «Wakker» remis par Patrimoine suisse. Si vous avez manqué l’exposition, vous pouvez découvrir ce projet dynamique dans un livre qui relate très bien l’histoire et surtout le futur de cette aventure architecturale, urbanistique et politique. Vous découvrirez à travers le regard de nombreuses plumes, appareils photo et plans de quartiers, ce que l’avenir réserve à l’ouest lausannois.

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BOOK

SDOL

«En peu de décennies, cette contrée rurale a connu l’essor puis le déclin de l’industrie. Sur les friches des usines poussent maintenant des entreprises du tertiaire. Le long des voies ferrées et d’une autoroute extrêmement sollicitée ont surgi entrepôts, hypermarché, «drive-in», parkings géants, garages, logements, qui se multiplient dans la plus grande confusion. Le campus universitaire connaît une expansion rapide. La population de l’Ouest croît très vite et se diversifie sans cesse. La région se transforme et s’étend dans le désordre urbanistique le plus patent. A vue d’oeil, tout la destine à devenir une variante vaudoise de Los Angeles. Or ce territoires d’aspect si brouillé veut résolument renouer avec un avenir de ville européenne.

La réflexion a débuté il y a dix ans et, maintenant, la réorganisation se prépare activement.»

La revue vous offre des exemplaires du livre (valeur 60.-). Pour remporter un ouvrage participez au concours sur notre page facebook !!! Rendez-vous le semestre prochain du 23 février au 12 mai 2012 pour l’exposition Archizoom Pièces à conviction. Une périphérie prend forme. Lors du premier concours paru dans le dernier numéro de «L’atelier» les livres DVD sur la série «construire la suisse» ont été remportés par Marta, Marco et Fabian. Bravo à eux et merci à tous les participants

©Catherine Leutenegger


CRITIQUES FINALES Propé.

JOYEUX NOEL !!!

20 - 22.12

D. Dietz

Cadrage

Forum RLC

21.12

M. Bakker

Strip’tease housing.

AAC 014

Investigations into the phenomena of urban density and intimacy

Bachelor II

21.12 21 - 22.12

P. Durisch A. Nolli

Iles des artistes. Isola Comacina. Lac de Como

P. Mestelan

Le texte et l’image

AAC 120

Maison pour un artiste Expo EST

la maison de la BD à la rue Chausse-Coq. Genève 21 - 22.12

E. Rey

Urban Mix. Du projet urbain au détail constructif Bâtiments mixtes. Waldstadt. Berne

Expo OUEST

21 - 22.12

J. Kuo

Hybrid Natures

Foyer SG. Nord

22.12

A. Blanc

Strip’tease housing.

AAC 014

Investigations into the phenomena of urban density and intimacy 22.12 21.12

J. Della Casa S. Pfaehler

Pensées sur l’habitat

A. Bassi

Mediapolis. La métropole lémanique

AAC 008

Un ensemble de logement au centre de Lausanne AAC 020

Vernier 21.12

D. Ganz

Reading Nature

AAC 008

Bachelor IV

Lac de Sauvablin. Lausanne 21.12

U.Kirchhoff

Complexcity. Series II

AAC 108

Architecture as urban activator. Urban infrastructure for Lausanne 21 - 22.12

F. Graf

Unité d’habitation de Firminy

Foyer SG. Sud

Réaffectation de l’école maternelle 21 - 22.12

S. Behnisch

Living Ferrara

AAC 114

Housing // Commercial // Climate 22.12

C. Pictet

19.12

J. Huang

AAC 108

Growth Typologies

AAC 008

Parametric food urbanism : Lausanne 19.12

P. Mangado

Ljubljana

AAC 014

20.12

H. Gugger

Sea of opportunities

Expo EST

Master I

A territorial constitution for the Barents Sea 20.12

Y. Weinand

Space. Structure. Envelope

AAC 014

An itinerant pavilion 19 - 20.12

P. Berger

Milieux I. Autarcie

Foyer SG. Sud

19 - 20.12

I. Lamunière

Green & Grey

Expo OUEST

Open space 19 - 20.12

L. Ortelli

Housing

AAC 008

Urban Pl.

Berlin 20.12

P. Béboux S. Bender

Stratégies urbaines concrètes Le campus EPFL en 2050

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TODO


L’INVITE

ICI ET AILLEURS

Léo Fabrizio N’a-t-on pas entendu et réentendu « les voyages forment la jeunesse » ? Et pourtant je ne saurais dire si ce sont les voyages qui m’ont conduit à ma pratique professionnelle ou si c’est la photographie qui m’a amené à vraiment voyager. Mais il est certain que cette pratique, à tout instant me pousse vers l’ailleurs. Pour voir ce qu’il s’y passe, pour voir « comment » cela se passe, et pour ensuite mieux revenir « ici ». C’est un voyage incessant entre l’ici et l’ailleurs qui nourrit mon travail. Un voyage qui certes, me pousse à découvrir de nouveaux lieux, mais aussi a retourner aux endroits déjà visités, pour les redécouvrir encore et encore. C’est la volonté d’un voyage conscient. Un voyage tout à la fois introspectif et tourné vers la compréhension de l’autre, imposant des choix profond, de ceux qui impactent une vie. Ces notions me tiennent particulièrement à cœur, car elles sont au centre de ma démarche, au delà de la belle

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INVITE

image, du sublime ou de l’exotique. Certes, cela revêt une certaine importance, ne sommes-nous pas tous des esthètes ? Mais le contexte, celui dans lequel se prend une image, celui dans lequel se construit un bâtiment, ne devrait-il pas être au centre de nos préoccupations ? Je pourrais dire aussi que ce n’est pas seulement d’aller ailleurs qui compte, dans une époque où il est si simple de prendre un avion et de se retrouver transporté, je dirais même parfois « transposé » à l’autre bout du monde en quelques heures. Mais ce qui compte, c’est bien le chemin parcouru, la démarche, volontaire et consciente, de parcourir un territoire entre l’ici et l’ailleurs. J’utilise souvent la métaphore du train. Il y a ceux qui se mettent dans le sens de la marche, observent le paysage qui défile un court instant, puis leur regard, happé par la prochaine image, se porte dans l’anticipation de l’image suivante, fantasmée, qui va ou pourrait apparaître. Je suis de ceux qui avancent à recu-

lons. De ceux qui s’assoient volontairement dans le sens contraire de la marche du train, portant un regard contemplatif et interrogateur sur un paysage qui défile plus longuement. Je ne suis ni dans l’instant, ni dans l’expectative. Je suis dans l’observation attentive des traces, des indices, ceux qui révèlent les aspirations profondes de l’Homme, des hommes, qu’ils viennent d’ici, ou d’ailleurs.

Notre invité de ce numéro est un jeune photographe qui fait déjà énormément parlé de lui par la qualité de ses travaux. Léo Fabrizio s’est formé à l’Ecal où il reçoit en 2002 son diplôme, avec mention, en communication visuelle. En 2004, il publie son premier livre «Bunkers» qui lui permet de se faire connaître parmi le grand public. Il participe ensuite à différentes expositions dont la 9ème Biennale de Venise et publie récemment «Dreamworld». Il vit entre Lausanne et Bangkok, partageant un regard pluriel sur le monde urbain et le paysager qui nous entoure. Il vient de recevoir le prix fédéral de Suisse en Design. Vous pourrez découvrir d’autres travaux sur www.leofabrizio.com.


27 ŠLeo Fabrizio


28 ©SIZHOU YANG


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