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chapitre 01 l définitions

chapitre 01 l définitions

État de l'art des définitions théoriques | Les définitions existantes de la ville moyenne se basent sur des critères principalement démographiques. Quelques travaux, peu nombreux néanmoins, ont participé à constituer une base scientifique solide. En revanche, tous ne s'accordent pas. Montrer la diversité de ces définitions c’est approcher la diversité des villes que cette catégorie veut regrouper. Il convient de sous catégoriser ces villes et de tenter de diversifier les approches de définition. De l'importance des définitions sensibles | La multiplicité des définitions illustre l'impasse dans laquelle se trouve justement cette quête de définition unique. Par la suite, nous aborderons ainsi nos territoires de manière sensible pour tenter de colorer les définitions officielles trop sèches par nos ressentis personnels ou des témoignages d’habitant·e·s. La vie qui s'y mène est bien souvent différente de celle qui structure les imaginaires sociaux. Il est donc indispensable d'aborder la question sous un angle sensible.

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Carte des villes moyennes françaises, 1999 © F. Santamaria / source : Norois

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Tentative de définition

Selon les organismes institutionnels, une ville dite ''moyenne'' est généralement désignée comme une ville qui concentre entre 20 000 et 100 000 habitants (1). L’Insee définit également ces territoires comme des aires urbaines centrées autour d’agglomérations de 20 000 à 100 000 habitants. Selon les auteur·e·s, il y aurait ainsi entre 200 et 400 villes moyennes sur le territoire de la France métropolitaine.

Leurs maires se regroupent au sein de la Fédération des villes moyennes (FVM) devenue, le 19 juin 2014, la Fédération des villes de France. Celle-ci a pour objectif de faire valoir les spécificités des villes et de leurs intercommunalités (hors des territoires métropolisés), en se préoccupant collectivement de leurs enjeux. Par ailleurs, toujours sur un critère démographique, la Fédération des Villes de France a choisi de prendre la fenêtre la plus large de toutes celles proposées en définissant les villes moyennes comme des villes qui accueillent entre 15 000 et 200 000 habitants.

Toutefois, certaines études (2) reprochent à ces définitions statistiques d’occulter une certaine réalité et d’effacer les nuances entre les territoires. Contrairement à ce que peut laisser penser cette vaste appellation de ''villes moyennes'', elles ne constituent pas un ensemble homogène de territoires qui se ressemblent, mais elles s'étendent sur un panel de profils relativement diversifiés. Certaines se rapprochent des grandes aires, d’autres se caractérisent par leur caractère plus ''administratif'' ou plus ''industriel'', etc. Il n'est donc pas évidement de dresser un portrait précis de la « ville moyenne », Nos recherches nous ont conduit à questionner cette forme de catégorie unique, d’affiner la définition commune et d’aller au-delà du seul critère démographique.

Nous pouvons ainsi retenir que, parmi la diversité de villes que renferme cette appellation, on retrouve des typologies de villes qui peuvent être définies selon des critères liées aux systèmes territoriaux. On retrouve des villes : - sous forte influence métropolitaine ou progressivement intégrées aux systèmes métropolitains - de polarisation pour leurs départements ruraux - qui évoluent au sein d'un réseau de villes - exerçant des relations transfrontalières

Elles peuvent se croiser avec des typologies liées à des spécificités socio-culturelles ou géographiques. On retrouve des villes : - à forte dominante industrielle - touchées par la désindustrialisation et/ou en décroissance - à forte dimension administrative et/ou universitaire - de villégiature ancienne - en arrière-pays d'un littoral attractif

1. DeMazière Christophe. « Pourquoi et comment analyser les villes moyennes ? Un potentiel pour la recherche urbaine ». Métropolitiques, 29 janvier 2014.

2. santaMaria Frédéric. « La notion de «ville moyenne» en France, en Espagne et au Royaume-Uni ». Annales de géographie, n°109. Armand Colin. 2000. pp.227-239

Vienne

Aix-les-Bains

Aix-les-Bains Draguignan

3. ANCT (sous l’ex-CGET). Consultation nationale du Programme Action Coeur de Ville. 29 août 2019.

4. Draguignan est la sous-préfecture du Var (et a longtemps été la préfecture avant Toulon en 1974). Vienne est la sous-préfecture de l'Isère. Ce n'est pas le cas pour Aix-les-Bains, située à proximité de Chambéry, chef-lieu de la Savoie.

5. La périurbanisation a son rôle à jouer dans ce constat. Nous tiendrons un propos à ce sujet dans la partie suivante. Toutefois, un constat global permet d’affirmer que ces villes souffrent majoritairement de leur image. Cela met à mal leur(s) potentiel(s) et accompagne une dévitalisation des centres qui ne cesse de croître. Elles sont également synonymes de plus de chômage, de pauvreté, de vacance résidentelle et commerciale (3). Ces problématiques qui touchent les villes dites « moyennes », leurs centres anciens et leurs territoires sont manifestement la thématique commune qui relie nos questionnements et centres d’intérêt. Et si ce constat est de plus en plus partagé, le manque de représentation de ces territoires invisibilise les projets et idées qui, eux, sont peu diffusés. Il nous faut apprendre à regarder ces villes autrement, pour ce qu’elles nous offrent dans l'ombre des métropoles et à l’abri des clichés et de la dichotomie ville/campagne. Le travail que nous avons chercher à produire ces quatre derniers mois est voué à ré-écrire le récit qui les compose, mais en leur faveur, cette fois-ci.

Au-delà de la ville

Même si nous allons tâcher de démontrer qu'il ne s'agit pas d'une seule et même catégorie, ces villes remplissent souvent le rôle de sous-préfecture de leur département (4) (voire de préfecture, pour certains départements exempts de métropoles). Certaines avaient même une vocation de capitale régionale, avant la fusion des régions en 2015, mais toutes ont tenu un rôle de centralité au moins pendant un temps. Nombre d'entre elles le sont d'ailleurs toujours, et restent les communes-centres de leur agglomération.

Par ailleurs, ce sont elles qui ont maillé le territoire, aux côtés des grandes agglomérations. Pour le programme Action Cœur de ville, il s’agit d’une partie du territoire français représentée par 23% de la population (soit 15 500 000 français·e·s) et 26% de l’emploi. Cette part est attribuée aux villes ainsi qu'à leurs aires urbaines qui sont ici indissociées, étant donné leur rôle de centralité au sein de ces aires. Il y a, en effet, de véritables dynamiques qui se jouent à l'échelon, non pas des villes, mais de leurs territoires. Elles structurent la plupart des communautés d'agglomération et chaperonnent leurs communes périphériques, plus ou moins rurales selon les cas. Néanmoins, pour certaines, cette étiquette de ''centralité'' devient plus administrative qu'autre chose (5) et les cartes sont en train d'être rebattues quant à l'influence qu'elles exercent sur ces communes périphériques. Elles ont donc besoin de se réinventer, de faire le deuil de cette vocation et apprendre à échanger de façon plus équitable avec leur territoire.

Selon nos hypothèses, le centreville doit apporter à sa périphérie autant que la périphérie doit apporter au centre-ville. De la même façon, nous soutenons que la commune-centre doit désormais apporter aux communes ''périphériques'', autant que celles-ci apportent à la commune-centre.

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Comparaisons typologiques

Nombre d’habitants Métropole d’influence Attractivité Centralité Taux de vacance commerciale Taux de vacance des logements

Villes sous influence métropolitaine

Bourg-en-Bresse Bourgoin-Jallieu Grande-Synthe Lunel

Salon-de-Provence

Vienne

Villes de villégiature ancienne

Aix-les-Bains

Biarritz

Dax

Menton

Royan Vichy

Villes en arrière-pays d’un littoral attractif

Arles

Béziers

Carcasonne

Draguignan Grasse

Saintes

10 000 20 000 20 000 50 000 50 000 100 000

Lyon Lyon Dunkerque* Montpellier Marseille Lyon moindre région ville en marge en réseau ville-centre -11,9% +/-11,9% +11,9%

*Dunkerque n'est pas une métropole, elle rentre d'ailleurs dans la fourchette démographique des villes moyennes. Néanmoins, elle Villes de polarisation se situe un cran au-dessus dans la hiérarchie urbaine et revendique par ailleurs le statut de ''communauté urbaine'', différent des pour leur département ''communautés d'agglomération'' associées aux villes moyennes et propres aux 14 intercommunalités les plus peuplées et les plus Gueret influentes, après les Métropoles.

Le Puy-en-Velay

Villes à forte dimension administrative et/ou universitaire Nous retenons que, si les villes sous forte influence métropolitaine sont moins fragiles, Chambéry cette influence n’est pas toujours une garantie Roanne face à la déprise commerciale et résidentielle Villes en décroissance des villes moyennes. Elle assure toutefois une Charleville-Mézières certaine attractivité, mais nous pouvons nous demander si ce n'est pas un facteur parfois palliatif qui n’a de conséquences qu’en termes de représentativité. Par exemple, Grande-Synthe, en marge de Dunkerque qui n'est pas représentée comme une métropole, est la seule présentant un score de fragilité défavorable. À l'inverse, toutes les villes se trouvant dans l’aire d’influence lyonnaise présentent un score de fragilité favorable, indépendamment des taux de vacance qui restent inégaux mais majoritairement élevés. Pour dépasser le critère des influences territoriales, nous remarquons que la valeur patrimoniale, souvent associée au cœur de ville, peut être corrélé à une valeur de logements plus élevée, mais ne l'est pas nécessairement. Par

+/-11,9% +11,9%

Taux de vacance des logements

-8,2 +/-8,2 +8,2

Démarches patrimoniales

aucune SPR et label

Action Coeur de Ville

oui non

Score de fragilité CGET

favorable moyen défavorable

Tableau de comparaisons typologiques et multi-critères. Sources : Insee, Action Cœur de Ville, Agence Nationale de la Cohésion des Territoires, Ministère de la Cohésion de la Cohésion des Territoires et des relations avec les collectivités territoriales, Sites et Cités remarquables, CGEDD, Procos, Atlas des Patrimoines © production personnelle

Point de méthode :

Ces critères ont été établis à l'aide des bases de données suivantes : - recensement de la population de l'Insee - les structures des intercommunalités pour le rôle des centralités - les études Procos pour le vacance commerciale - le comparateur de territoires de l'Insee pour la vacance résidentielle - la carte interactive de l'Atlas des Patrimoines du Ministère de la Culture pour les Sites Patrimoniaux Remarquables - la cartographie d'Action Cœur de Ville - l'étude « Regards croisées sur les villes moyennes » du CGET pour les scores de fragilité

+ Les villes ont été choisies selon les typologies, mais de façon relativement aléatoire pour obtenir des comparaisons les plus objectives possibles (incluant néanmoins nos trois villes).

exemple, Grande-Synthe ou Royan – nées de la Reconstruction – ou Bourgoin-Jallieu – qui a effacé ses origines médiévales – cumulent toutes trois des situations favorables et des taux de vacance relativement faibles. À l’inverse, Arles, Grasse ou encore Vienne, trois Sites Patrimoniaux Remarquables labellisés, réputés pour leur histoire et dont le tissu médiéval est le point de départ, subissent des taux de vacance importants et un score de fragilité défavorable. Est-il question d’un type de bâti qui n’a su s’adapter aux besoins contemporains ? de cultures sociales qui n’apportent plus d’intérêt à ce type de territoire ? d’une relative autonomie liée à leur fonction de ''ville-centre'' ? Enfin, la vacance commerciale semble épargner principalement les villes littorales, ainsi qu'Arles (il sera intéressant d'étudier quelques actions ont été mises en place à Arles, en ce sens).

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Définitions cartographiques

Pour illustrer ce maillage territorial à l'échelle de la France, l'Insee distingue 5 classes d’aires urbaines intégrant des villes moyennes. Celles-ci pouvant faire partie des : aires urbaines des villes moyennes aire urbaine du bassin parisien

aires métropolitaines autres aires urbaines

grandes aires urbaines

Contribution des villes moyennes au maillage des territoires © production personnelle / source : Insee

Pour affiner le propos, l'Insee choisit de différencier ces aires selon trois profils de villes (1) : - les aires moyennes proches des grandes aires - les aires moyennes à dominante industrielle - les aires moyennes à forte dimension administrative (2)

1. FloCH Jean-Michel et Morel Bernard. Panorama des villes moyennes. [rapport] Insee, Direction de la Diffusion et de l'Action régionale, août 2011 2. Nous relevons que ces trois profils se croisent, dans une certaine mesure, avec les typologies listées précédemment. Nous retrouvons Vienne et Aix-les-Bains dans le groupe des ''aires moyennes proches des grandes aires''. Elles bénéficient des dynamiques démographiques et économiques des métropoles régionales, avec des taux de croissance de la population et de l’emploi supérieurs à ceux des autres groupes. Elles se spécialisent dans les fonctions dites ''métropolitaines'' (3) (prestations intellectuelles, culture-loisirs, conception-recherche...).

3. Ce terme, bien qu'utilisé par l'Insee, est critiqué par certain·e·s auteur·e·s (Faburel G., Les métropoles barbares)

Carte des les aires moyennes à dominante industrielle Carte des les aires moyennes proches des grandes aires

Draguignan, quant à elle, est représentée dans le groupe des ''aires moyennes à forte dimension administrative''. Les taux de croissance de la population et de l'emploi de ce groupe sont inférieurs à ceux du groupe ''proche des grandes aires'', mais toutefois bien supérieurs à ceux du groupe '' à dominante industrielle''. Elles relatent donc d'une situation moins fragile. Elles se spécialisent, sans surprise, dans l'administration publique (4), mais aussi les services publics (santé, social, etc.), les services de proximité et le BTP. L'étude relève néanmoins des disparités très importantes au sein du groupe.

4. Ce qui peut se traduire, à Draguignan, par la présence de la sous-préfecture du Var.

Carte des les aires moyennes à forte dimension administrative

Aix-les-Bains

Vienne

Draguignan

Zoom régional : Auvergne-Rhône-Alpes

Prenons maintenant le temps de nous rapprocher de la région Auvergne-Rhône-Alpes pour comprendre comment le territoire peut s'articuler autour de ses villes moyennes. Le maillage urbain de la région est très hiérarchisé. Les trois métropoles régionales sont très polarisantes : - le bi-pôle Lyon/Saint-Étienne autour de l'axe Rhône/Saône fait converger différents axes de communication majeurs de l’Europe occidentale - la métropole grenobloise est au cœur du système alpin - au cœur du Massif Central, Clermont-Ferrand s'affirme au sommet de la hiérarchie urbaine auvergnate Parallèlement, les aires urbaines de Chambéry, Annecy et Annemasse font réseau au nord de la métropole grenobloise. Ces grandes aires urbaines concentrent 60% de la population et des emplois de la région et sont au cœur des systèmes d’échanges présentiels (1).

1. Insee. « Des villes moyennes marquées par leur diversité fonctionnelle et leur insertion dans un réseau métropolitain ». Insee Analyses - Auvergne-Rhône-Alpes, n°39, mai 2017

2. Les activités présentielles regroupe la production de biens et services adressés aux personnes, résidentes ou touristes, présentes dans la zone.

Par ailleurs, les 35 villes moyennes de la région jouent un rôle secondaire : elles prolongent les réseaux de connexions entre les métropoles. Avec leurs aires urbaines d’influence, elles abritent près de 25% de la population régionale et restent néanmoins essentielles à l’apport de services et d’emplois pour leurs habitant·e·s. De plus, elles illustrent, à elles seules, la variété des typologies de villes moyennes : spécialisation économique, le développement d’un secteur industriel, un attrait touristique, etc.

Les plus grandes des villes moyennes ont une trajectoire plutôt favorable de l’emploi et une relative autonomie vis-à-vis des métropoles grâce à la diversité de leur tissu économique et leurs fonctions supérieures. Les villes moyennes de tradition industrielle, dont certaines sont très spécialisées, sont en revanche fragilisées par une situation économique défavorable. Pour certaines d’entre elles, la contiguïté à une grande aire urbaine leur donne une attractivité résidentielle qui compense les pertes de la sphère productive. D’autres sont plus isolées et leur population est parfois éloignée d’équipements spécifiques des grandes agglomérations. Les autres villes moyennes se caractérisent par une dominante de la sphère présentielle, avec une grande variété de profils : insérées dans un réseau ou plus isolées, avec une fonction plutôt administrative, résidentielle ou bien touristique.

Zoom régional : Auvergne-Rhône-Alpes

aires métropolitaines aire des grandes villes

aires proches des grandes villes aire à dominante d'économie présentielle aire à dominante industeielle

aire à dominante administrative

L'aire viennoise, aux côtés de Valence, Valence, Bourg-en-Bresse, Mâcon, Montélimar et Montluçon, fait partie des aires qui ressemblent le plus aux très grandes aires urbaines. La population dépasse les 75 000 habitants et elle s’est constituée sur l’axe Saône/Rhône. Elle a compensé sa perte d’emplois dans le secteur industriel par les gains réalisés dans la sphère présentielle.

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