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9 782812 605727
7,50 isbn : 978-2-8126-0572-7 VIII-13
RACHEL CORENBLIT CÉCILE BONBON
C
Maths
à la petite semaine
A M
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Dans la vie, les deux questions (les pires) que les adultes peuvent poser, sont, dans le désordre : – Tu sais ce que tu veux faire quand tu seras grande, Léna ? Et : – Tu as un amoureux, toi ? Comme si c’était logique qu’à dix ans, on puisse avoir un plan de carrière et des tonnes d’histoires d’amour. Moi, je suis nulle en maths et je déteste les garçons. Parce que je n’y comprends rien. Aux deux. Et quand je le dis, ma mère sourit, d’un air de dire que ça va me passer, ma grande sœur Charlotte ne m’écoute pas parce qu’elle a les yeux collés sur son écran de portable et mon père prend un air désespéré et répète qu’il faut IMPÉRATIVEMENT que la bosse des maths me pousse parce que de nos jours, si je veux avoir un bon travail, va falloir que je m’y mette. J’ai pas particulièrement envie d’avoir une bosse et je m’en fiche des études que je pourrai faire et je sais que ma sœur guette les messages de son amoureux et c’est dégoûtant !
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Lundi
Le lundi soir, à l’étude, Yvon Leman a son étui à violon posé à côté de son cartable. Un étui en bois noir, avec une poignée en cuir sur le côté. C’est le garçon le plus fort de la classe. De l’école. De la galaxie. En maths, des étincelles sortent de sa tête quand il réfléchit et même les mouches s’arrêtent de voler quand il répond à une question. Il adore les calculs impossibles, les additions à dix millions de chiffres, les divisions qui ne se terminent jamais. Quand il passe au tableau, ce qu’il écrit ressemble à un tableau de Picasso en noir et blanc et même la maîtresse a du mal à suivre et elle l’écoute la bouche grande ouverte. C’est une vraie encyclopédie sur pattes, avec un grain de beauté juste sous le nez et un épi en forme de tourbillon sur le sommet du crâne.
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À l’étude, on fait nos devoirs et j’essaye de me concentrer mais Yvon Leman se penche sur le côté. De son étui à violon, il sort un pain au chocolat immense et il le coupe et il commence à m’expliquer les fractions (je viens d’avoir un zéro tout rond, tout entier, au dernier contrôle) : – Tu vois, Léna, il dit, c’est simple. Mon pain au chocolat, si je veux t’en donner un tiers, ben, je peux pas, sans les fractions. Les fractions viennent partager les nombres entiers, c’est comme une roue de secours quand on peut plus les utiliser. Ce sont des nombres magiques même s’ils sont rationnels. Je hausse les épaules. S’il croit m’impressionner avec son rationnel, il se fourre le doigt dans l’œil. Il continue : – Avec un dénominateur en dessous, un numérateur sur le dessus et un trait qui les sépare et c’est aussi simple que ça. On peut partager mon pain rien qu’en deux, si tu veux, et on aura deux demis. Un pour toi et un pour moi. Il me tend son bout qui ne ressemble plus à rien à force d’être resté dans sa main alors je tourne la tête et je pense que je vais lui coller une tarte complète, pas fractionnée du tout, pas découpée en quarts de portion. Pour lui apprendre à ne plus me donner de leçons !
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Mardi
Parce qu’il m’en donne, des leçons. Tout le temps ! Et quand je le raconte à ma sœur, elle me conseille de l’embrasser pour le faire taire et je suis choquée et je lui cache son portable quelques minutes pour qu’elle s’affole un peu. Le mardi soir, Yvon Leman a barres parallèles. C’est un sport de grenouille. Faut sauter d’une barre à l’autre en faisant des pirouettes. Son sac est juste sous ma chaise et comme il n’est pas bien fermé, je vois son short bleu fluo qui essaye de se faire la malle. Il surprend mon regard et il me chuchote : – Tu crois que c’est nul, les barres parallèles ? Je secoue la tête, pour faire non-oui, oui-non. – Elles ont des propriétés, les barres parallèles, Léna. C’est un Grec qui les a trouvées. Thalès, il s’appelait, et il a dit que si on connaît deux droites parallèles, on peut calculer des kilomètres de longueurs. On appelle ça de la trigonométrie. C’est beau, la trigonométrie ! Il a les yeux qui brillent quand il parle, Yvon Leman. – Et Thalès a donné son nom à un théorème. Il louche un peu quand il s’emballe. – Son copain s’appelait Pythagore et lui aussi il en a fait, un théorème, sauf que c’est avec des triangles rectangles. Des fois, j’imagine mes barres parallèles montées sur des immenses triangles rectangles et je me dis que Pythagore, il aurait adoré. Je le regarde comme si j’avais perdu le mode d’emploi de la parole et je le laisse me sourire même si je pense que c’est le plus grand zinzin de la terre.
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Mercredi
Je suis sûre que même quand il n’est pas à l’école, Yvon Leman doit penser aux maths. Rien qu’aux maths ! Si on ouvrait sa cervelle en deux, on y trouverait des tables de multiplication, des chiffres emmêlés, de la pure géométrie et des théorèmes parfaits. Yvon Leman est peut-être un robot ?
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