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LES DROITS DE L’HOMME ET LES OBJECTIFS DE DEVELOPPEMENT DURABLES AU BURUNDI


A Bujumbura: 16 Avenue Makamba, Rohero I A Gitega: Quartier Kirimiro, Commune Gitega - 71 303 064 /76 059 878 A Makamba: Quartier Kigwati - 71 523 013/77 740 525/72 02 84 89 A Ngozi: Bâtiment Star, Quartier Muremera, N°06-719 RN6 77 764 793/71 408 433/76 851 500

72 02 84 89 burundi@ohchr.org www.burundi.ohchr.org www.facebook.com/OHCDH-Burundi


Préface 6 Remerciements 8 Transformer notre monde: Les droits de l’homme dans l’Agenda 2030 pour le développement durable 5 Les droits de l’homme sont profondément reflétés dans l’agenda 2030 sur le développement durable 5 Les ODD et les objectifs connexes sont fermement ancrés dans les droits de l’homme 6 Mettre en œuvre l'Agenda conformément aux engagements en matière de droits de l’Homme 7 Presentation introductive du cadre juridique africain sur les droits economiques, sociaux et culturels (desc) par rapport a la republique du burundi 9 Introduction 9 Les droits économiques, sociaux et culturels à travers la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples 10 Valeur ajoutée de la réflexion 10 Contenu des droits économiques, sociaux et culturels 10 Les droits économiques sociaux et culturels dans la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples 11 Les droits économiques, sociaux et culturels à travers le texte fondateur de la Communauté Est Africaine (CEA) 12 Les droits économiques, sociaux et culturels à travers la loi fondamentale burundaise 12 Conclusions et perspectives 13

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TABLE DES MATIÈRES

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Agriculture- sécurité alimentaire- nutrition au burundi 14 Agriculture 14 Sécurité Alimentaire et Nutrition 15 Deplaces internes / refugies / rapatries: reintegration durable au burundi 29 Introduction 29 Difficultés rencontrées par les réfugiés, déplacés, rapatriés 18 Impact de la crise de 2015 sur les budgets sociaux au burundi 20 Introduction 20 Les dépenses allouées à la défense et la sécurité moins affectées 21 Le secteur de la Sécurité 21 Projets d’ infrastructures 22 Introduction 22 I Contexte sociopolitique et investissements au Burundi 23 Climat social et environnement des affaires 23 Impacts sociaux des projets d’infrastructure 23 3 Accès à l’emploi 23 1 Déficit d’accès à l’information 24 2 Consultation et participation des populations riveraines 24 III Précarité des droits fonciers et régime des compensations 25 1 Absence d’une cartographie des espaces 25 IV Régime des compensations et accès aux bénéfices 25 1 Régime des compensations 25 2 Accès aux bénéfices 26 V Les voies de recours 27 VI Recommandations 27 Textes de référence 42

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Note d’Information sur la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels au Burundi

Decembre 2016



PRÉFACE

L

E CONSTAT EMANE D’OBSERVATIONS MULTIPLES, LE Burundi est confronté à une crise macroéconomique accrue avec pour effet la remise en cause des acquis d’une décenie d’efforts soutenus entrepris par le peuple et les autorités burundaises. Cette crise n’est pas abstraite ; elle affecte grandement les substrats de la société burundaise, exacerbe les vulnerabilités à tous les niveaux et impacte les services sociaux de base dans les secteurs stratégiques que sont l’éducation, la santé et l’agriculture. Cette crise offre l’opportunités aux autorités burundaises de conjuguer leurs efforts avec leurs partenaires internationaux pour situer les efforts de consolidation de la paix dans la satisfaction des besoins socioéconomiques des populations burundaises. Dans ce contexte, la protection des droits de tous s’impose à la fois comme un catalyseur de performance et comme un objectif concret et mesurable. C’est en effet à cette condition que les differents acteurs de la paix et du developpement au Burundi pourront capitaliser la dividende démographique et affranchir les jeunes et les femmes en particulier des peurs qui font obstacle a leur pleine et libre participation, au redressement économique, social et culturel de leur pays. Les droits économiques sociaux et culturels sont-ils réalisables dans un pays en crise politique comme le Burundi? Oui, et l’un des facteurs déterminants est que les autorités s’approprient et intègrent les

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recommandations des entités onusiennes s’y rapportant dans leurs politiques et actions quotidiennes. Ces actions incluent à la fois la mise en œuvre de mesures spécifiques dans divers secteurs suivant les principes comme l’équité, la non-discrimination, l’inclusion, la participation et la reddition des comptes ainsi que la promotion de la justice sociale et la lutte contre l’impunité pour les infractions économiques. Il faut en outre que la société civile et la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme veillent et rappellent constamment à l’Etat ses engagements et obligations en matière de protection et de réalisation des droits de l’Homme. Quelle est l’essence de ces recommandations? Comment les traduire dans les faits et en mesurer l’impact? C’est ce à quoi tente de répondre cette publication. Avant d’en donner un aperçu plus exhaustif, rappelons que la République du Burundi a connu plusieurs cycles de conflits violents avec leurs cortèges de pertes en vies humaines et destructions diverses. Une situation qui a sérieusement handicapé la réalisation des droits de l’Homme, en particulier les droits économiques, sociaux et culturels (DESC). Pour sortir de ces années de crises, le Burundi s’emploie à mettre en œuvre ses obligations internationales, en ce qui concerne notamment ces droits. Ainsi, du 21 au 22 septembre 2015, le rapport initial de mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) a été examiné par le Comité institué à cette fin.


L’importance de mutualiser les efforts tant au niveau international que national pour accompagner le Burundi dans les domaines tels la

santé, l’éducation, l’agriculture, la sécurité humaine, la jeunesse, les infrastructures, les déplacements des populations a motivé le HCDH-B à réaliser cette publication. Le HCDH-B s’est employé à faire un état des lieux sur le plan normatif, institutionnel et des réalisations de la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels en lien avec les objectifs pour le développement durable. Cette étude est assortie d’une série de propositions d’actions pour une plus grande prise en compte des DESC au Burundi et d’une bibliographie sélective pour renforcer la compréhension des DESC et en faciliter la mise en œuvre. Bien plus qu’un document de référence aux chercheurs et étudiants, ou de programmation, cette publication est surtout un outil de plaidoyer auprès des autorités et divers acteurs burundais et de leurs partenaires au developpement pour la pleine réalisation de tous les droits de l’homme dans ce pays. J’espère vivement qu’il atteigne le but qui lui est assigné.

Dr. Patrice VAHARD Représentant

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Mais, comme en témoignent les recommandations du CDESC, le rapport initial ne renseigne pas suffisamment sur le niveau de réalisation et par voie de conséquence ne permet pas une analyse globale de l’état de réalisation des droits économiques, sociaux et culturels dans le pays. Au niveau international, à la suite des objectifs du millénaire pour le développement, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté à New York un nouvel Agenda pour le développement durable et la transformation du monde d’ici 2030. Ce document s’articule en 17 objectifs, parmi lesquels figurent l’élimination de la pauvreté sous toutes ses formes en tout lieu, une éducation inclusive et de qualité pour tous et une garantie des soins de santé adéquats à tous. Cette approche démontre à suffisance l’importance de renforcer les actions autour de l’ensemble des droits de l’Homme et en particulier les droits économiques, sociaux et culturels. Le Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme au Burundi (HCDH-B), dans le cadre de ses activités a enregistré et documenté des insuffisances dans la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, il s’agit entre autres de : la liberté d’entreprendre une activité commerciale, du droit à l’éducation, du droit à la santé, du droit à un niveau de vie suffisant qui inclut une alimentation équilibrée, et du droit au travail.

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Remerciements Le travail de recherche consigné dans cette publication a bénéficié de l’étroite collaboration des autorités et de la société civile burundaises, des entités onusiennes œuvrant au Burundi, ainsi que de l’appui de la branche sur le droit au développement du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme à Genève.

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I. PEUT-ON MESURER LE RESPECT DES DROITS DE L’HOMME? L’une des préoccupations les plus souvent exprimées provient du fait qu’il n’est pas possible de quantifier et de mesurer le respect des droits de l’homme. De plus, les droits de l’homme concernent des aspects qualitatifs de la vie qu’il n’est peut-être pas possible de restituer sous forme de données statistiques. Par exemple, en matière d’administration de la justice, la compétence des juges est peut-être plus importante que leur nombre. Par ailleurs, on entend souvent dire qu’il n’existe peut-être pas de données quantitatives sur les droits de l’homme ou que leur fiabilité est incertaine. Ces préoccupations et bien d’autres ont conduit le Haut-commissariat aux droits de l’homme a publier un ouvrage de réfé-rence et un outil de travail destine à aider les praticiens de la planification en matière de développement, les défen-seurs des droits de l’homme ainsi que les journalistes qui suivent la situation des droits et mieux être outilles pour ac-compagner les détenteurs de droits et les détenteurs d’obligation en vue d’une meilleure protection des droits de toutes et de tous partout. Les paragraphes suivants sont de larges extraits de cet ouvrage disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.ohchr.org/Documents/Issues/HRIndicators/Human_rights_indicators_fr.pdf

Indicateurs des droits de l’homme – notion et raison d’être

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Dans le contexte du présent document, un indicateur des droits de l’homme est une information spécifique faisant le point sur l’état ou la situation d’un objet, d’un événement, d’une activité ou d’un résultat susceptible d’être rattaché aux règles et normes en matière de droits de l’homme; qui concerne et reflète les préoccupations et les principes relatifs aux droits de l’homme; et qui peut être utilisée pour évaluer et surveiller la promotion et la mise en œuvre des droits de l’homme. Ainsi définis, certains indicateurs pourraient s’appliquer uniquement aux droits de l’homme parce qu’ils doi-vent leur existence à des normes

ou dispositions spécifiques aux droits de l’homme et parce qu’ils ne sont générale-ment pas utilisés dans d’autres contextes. Cela pourrait être le cas, par exemple, d’un indicateur axé sur le nombre d’exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, le nombre de victimes de torture perpétrée par la police et les forces paramilitaires ayant fait l’objet de rapports, ou le nombre d’enfants qui n’ont pas accès à l’éducation primaire parce qu’ils subissent une discrimination exercée par les autorités. Parallèlement, il pourrait y avoir un grand nombre d’autres indicateurs, tels que ceux fréquemment utilisés dans les statistiques socioéconomiques (par exemple, les indicateurs du développement humain utilisés dans les Rapports sur le développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD)), qui pourraient satisfaire (au moins implicitement) à toutes les exigences de la définition d’un indicateur des droits de l’homme telles qu’elles sont énoncées ici. Dans tous ces cas, il est judicieux de les considérer comme des indicateurs des droits de l’homme dans la mesure où ils sont en rapport avec des normes et principes du domaine des droits de l’homme et où ils pourraient être utilisés pour évaluer la mise en œuvre des droits de l’homme. Les indicateurs quantitatifs et les indicateurs qualitatifs Les indicateurs peuvent être d’ordre quantitatif ou qualitatif. Les premiers sont considérés, au sens strict, comme des équivalents des «statistiques», et les seconds couvrent toutes les informations exprimées sous une forme descriptive ou «catégorielle». Le terme «indicateur quantitatif» est utilisé pour désigner tout type d’indicateur qui est principale-ment exprimé sous une forme quantitative, tels que des chiffres, des pourcentages ou des indices. Ainsi, les indicateurs concernant les taux de scolarisation des enfants en âge scolaire, les indicateurs relatifs au nombre d’instruments inter-nationaux ratifiés, le calendrier de la mise en œuvre et le champ d’action des politiques se rapportant aux droits de l’homme, le pourcentage de sièges détenus par des femmes dans les parlements nationaux, et la fréquence des disparitions forcées ou involontaires sont tous des exemples d’indicateurs


quantitatifs.

Les indicateurs fondés sur des faits et les indicateurs fondés sur des jugements Les indicateurs des droits de l’homme peuvent également être considérés comme fondés sur des faits ou des juge-ments, ce qui correspond à la catégorie des indicateurs objectifs et subjectifs dans la littérature sur les statistiques et les indicateurs du développement. Cette distinction ne repose pas nécessairement sur la notion d’utilisation, ou de non utilisation, pour la définition des indicateurs, de méthodes fiables ou reproductibles de collecte des données. Dans l’idéal, elle serait plutôt fonction du contenu informatif des indicateurs considérés. Ainsi, les objets, les faits ou les évé-nements qui peuvent en principe être directement observés ou vérifiés (poids des enfants, nombre de morts violentes ou nationalité d’une victime, par exemple) appartiennent à la catégorie des indicateurs objectifs tandis que les indica-teurs fondés sur des perceptions, des opinions, des appréciations ou des jugements exprimés par des personnes en-trent dans la catégorie des indicateurs subjectifs. En pratique et dans le contexte de certains droits de l’homme, cette distinction entre les données objectives et subjectives est souvent difficile à faire. Les éléments subjectifs que comporte la catégorie d’indicateurs objectifs définie ne peuvent pas être totalement exclus ou isolés. La caractérisation de la na-ture des informations collectées peut elle-même être considérée comme un exercice subjectif. Néanmoins, l’utilisation de définitions transparentes, spécifiques et universellement reconnues pour des événements, des faits et des objets particuliers contribue, de façon générale, à une plus grande objectivité lorsqu’il s’agit de définir et d’élaborer tout type d’indicateur, qu’il soit quantitatif, qualitatif,

Indicateurs de performance et indicateurs de conformité Au cours de ces dernières années, les agences et programmes du système des Nations Unies ont accepté pour objectif l’intégration des droits de l’homme dans les activités découlant de leurs mandats, notamment dans les activités de coopération au développement; elles ont donc recherché les outils et méthodologies de contrôle qui pourraient les ai-der à évaluer leurs performances dans ce domaine. Le besoin de ces outils et des indicateurs correspondants a égale-ment été exprimé par les donateurs qui veulent utiliser les normes relatives aux droits de l’homme pour orienter leurs programmes d’aide en faveur des pays bénéficiaires. En pareils cas, l’approche a consisté à intégrer les normes com-munes à l’ensemble des droits de l’homme – non-discrimination, égalité, participation et obligation redditionnelle – de façon à appuyer les mesures de mise en œuvre des activités en cours. Des efforts ont également été déployés pour tenter de modifier les mandats ou les objectifs de programmation énoncés en se référant à certaines normes relatives aux droits de l’homme. De ce fait, des indicateurs ont été définis et des boîtes à outils utilisant essentiellement des indi-cateurs de performance ont été élaborées. Le principal objectif des indicateurs de performance est de faciliter la vérifi-cation des modifications résultant de l’initiative de développement par rapport à ce qui était prévu. Ils reposent sur des principes et des terminologies propres à la programmation (tels que le classement des indicateurs en données d’entrée, données de sortie, résultats, impacts…) et ancrés principalement dans les activités des programmes corres-pondants. Ces indicateurs peuvent être utilisés pour surveiller les résultats des activités d’un programme et évaluer leur conformité à certaines normes communes à l’ensemble des droits de l’homme. Cependant, bien qu’ils soient utiles pour renforcer les approches du

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L’évaluation du respect des normes relatives aux droits de l’homme sont suffisamment complexes pour que toutes les informations qualitatives et quantitatives pertinentes soient potentiellement utiles. Les indicateurs quantitatifs peuvent faciliter les évaluations qualitatives en mesurant l’ampleur de certains événements. De même, des informations quali-tatives peuvent compléter l’interprétation d’indicateurs quantitatifs. Des complémentarités similaires entre indicateurs subjectifs et objectifs peuvent être mises en évidence.

subjectif ou objectif. De plus, par opposition aux indicateurs subjectifs ou fondés sur des jugements, les indicateurs factuels ou objectifs sont vérifiables et peuvent s’avérer plus faciles à inter-préter pour comparer des situations en matière de droits de l’homme, dans un pays, au fil du temps et pour toutes les populations.

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développement axées sur les droits de l’homme dans la programmation, les indicateurs de performance ne reflètent que certains aspects des normes communes aux droits de l’homme. Telle qu’elle est présentée dans différents instruments, leur couverture des normes relatives aux droits de l’homme demeure limitée et souvent seulement accessoire. Par conséquent, utiliser des indicateurs de per-formances, tels qu’ils sont présentés dans la littérature et appliqués actuellement, ne constitue pas en soi le moyen auquel il convient de recourir pour développer et encourager l’utilisation d’indicateurs dans la mise en œuvre des droits de l’homme. Ceci tient en partie au fait que les horizons temporels sont différents: quelques années pour les programmes de développement et des périodes beaucoup plus longues pour la promotion et la protection des droits de l’homme. En outre, les programmes doivent par définition être clairement centrés sur un objectif ou sur un petit nombre d’objectifs en même temps et ne sont pas en mesure de traiter les divers aspects et complexités du vaste domaine des normes relatives aux droits de l’homme. Contrairement aux indicateurs de performance, dans le contexte des droits de l’homme, les indicateurs de conformité sont explicitement ancrés dans les normes relatives aux droits de l’homme. Ces indicateurs sont censés révéler dans quelle mesure les obligations découlant de ces normes ont été satisfaites et produisent des résultats qui peuvent être associés à une amélioration de l’exercice des droits de l’homme. Cependant, dans certains contextes, lorsque des pro-grammes ont été conçus pour renforcer la réalisation des droits de l’homme, ou lorsqu’ils contribuent à la mise en œuvre d’obligations spécifiques en matière de droits de l’homme, telles que l’extension de l’accès à l’éducation pri-maire, les indicateurs de performance spécifiques de tel ou tel programme contribueront également à évaluer la con-formité du programme aux normes relatives aux droits de l’homme. Indicateurs et points de repère.

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Les points de repère sont des valeurs d’indicateurs prédéterminées qui peuvent reposer sur des considérations norma-tives ou empiriques. Par exemple, un indicateur utilisé pour mesurer l’adéquation d’un régime alimentaire peut avoir pour base normative des facteurs socioculturels tels que les goûts et les restrictions religieuses ou

être empiriquement estimé en prenant en compte le profil des gens qui travaillent et les besoins énergétiques et nutritionnels du corps hu-main. Souvent, les considérations normatives reposent sur des normes nationales ou internationales (par exemple, le traitement des prisonniers de guerre) ou sur les aspirations politiques et sociales des populations. Les considérations empiriques sont principalement liées aux questions touchant à la faisabilité et aux ressources. Prenons l’exemple de l’indicateur «pourcentage des enfants de un an immunisés contre les maladies évitables grâce à la vaccination». L’utilisation d’un point de repère peut nécessiter d’attribuer une valeur spécifique à l’indicateur – en le portant, disons, à 90 pour cent ou en améliorant la couverture existante de 10 points de pourcentage – de façon à ce que les efforts de l’organisme de mise en œuvre puissent viser à atteindre cette valeur pendant la période de référence. Dans le premier cas, un point de repère fixé à 90 pour cent pour la vaccination contre la rougeole peut avoir une base normative ou re-poser sur l’observation empirique selon laquelle, avec un taux de vaccination atteignant 90 pour cent, la probabilité de déclenchement de l’épidémie chute de façon significative. De même, une augmentation de la couverture de 10 points de pourcentage pourrait reposer sur des considérations relatives à la disponibilité des ressources et aux capacités lo-cales. Dans le contexte de l’examen de la façon dont les États parties s’acquittent de leurs obligations, l’utilisation d’une valeur de référence pour un indicateur contribue à les responsabiliser davantage du fait qu’elle les amène à s’engager à at-teindre une certaine norme de résultat en ce qui concerne l’objet de l’évaluation. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, notamment, a préconisé la fixation de points de repère afin d’accélérer la mise en œuvre des droits de l’homme. Cependant, pour parvenir à un point de repère significatif, la première étape consiste à réunir un large consensus sur le choix de l’indicateur qui doit être utilisé pour procéder à l’évaluation des droits de l’homme. Ce n’est qu’une fois cette étape franchie, que fixer pour les indicateurs sélectionnés les valeurs à atteindre pourra s’avérer fructueux.



II. CADRE JURIDIQUE AFRICAIN DE PROTECTION DES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS (DESC) AU BURUNDI 1. Il est généralement admis que les droits de l’homme sont l’expression juridique de ce dont l’être humain a besoin pour mener une vie pleinement humaine. Collectivement, ils constituent un cadre global, holistique. Tous les droits de l’Homme − civils, culturels, économiques, politiques et sociaux − sont considérés aujourd’hui comme un ensemble de droits universels, indivisibles et interdépendants, principes au cœur des droits de l’Homme, comme cela semble avoir été à l’origine dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948, adoptée par l’Organisation des Nations Unies. 2. Une approche globale de la promotion et de la protection des droits de l’Homme, donnant leur place aux DESC, garantit que les êtres humains sont traités comme des personnes à part entière et qu’ils peuvent jouir simultanément de tous les droits et libertés et de la justice sociale. En effet, la Déclaration universelle des droits de l’Homme, qui consacre les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels, devait être suivie, selon l’intention de ses auteurs, d’un pacte unique sur les droits de l’Homme. Toutefois, des facteurs politiques, idéologiques et autres ont fait obstacle à ce projet et deux Pactes internationaux ont finalement été adoptés, 18 ans après l’adoption de la Déclaration universelle.

Bien plus, la Déclaration et le Programme d’Action de Vienne, adoptés par la Conférence mondiale sur les droits de l’homme le 25 juin 1993, ont marqué une étape importante dans ce processus, préconisant «un effort concerté pour assurer la reconnaissance des droits économiques, sociaux et culturels aux niveaux national, régional et international». 4. Dans le sens du renforcement de cet important cadre juridique international et afin de tenir compte des particularités au niveau régional, les Etats africains, dont le Burundi, ont développés un ensemble de normes juridiques qu’il convient d’explorer à travers les développements qui vont suivre. Les droits économiques, sociaux et culturels à travers la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples 5. Il est important, avant de s’appesantir sur le contenu des droits économiques, sociaux et culturels dans la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, de ressortir, en quelques mots, le bien fondé, la valeur ajoutée de cette analyse. Il sera également nécessaire de rappeler le contenu des DESC au niveau international, des piliers qui ont, à coup sûr, inspirés les Etats africains. Valeur ajoutée de la réflexion

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3. Quoi qu’il en soit et après une longue période de désintérêt relatif, de grands progrès ont été faits ces dernières années dans le domaine des DESC. En effet, depuis l’adoption de cette Déclaration historique, fondatrice de tous les droits de l’Homme, pour tous, force, est de constater que le chan-tier des droits de l’Homme s’est considérablement développé au niveau international, en ce qui concerne notamment les droits économiques, sociaux et culturels.

6. Le Burundi, à l’instar d’autres Etats africains, sont confrontés à de nombreux défis de développe-ment. Ce sont des Etats, en dépit des efforts consentis aussi bien par les acteurs étatiques que les partenaires au développement, dans lesquels les populations font face entre autres aux difficultés alimentaires. Les populations privées de moyens de survie essentiels, à commencer par l’eau


Contenu des droits économiques, sociaux et culturels 7. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966, reste le traité fondateur, en ce qui concerne ces droits. Le Burundi est Etat partie à cet important instrument ju-ridique depuis le 14 mars 1990 et n’a formulé ni dérogation, restriction ou limite à ses disposi-tions. 8. Ce traité reconnaît les droits suivants: l’autodétermination (art. 1er) ; l’égalité hommes-femmes (art. 3); le travail et des conditions justes et favorables de travail (art. 6 et 7); le droit de constituer des syndicats et d’y adhérer (art. 8); le droit à la sécurité sociale (art. 9); la protection de la famille, de la mère et de l’enfant (art. 10); le droit à un niveau de vie suffisant, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants (art. 11); le droit à un meilleur état de santé et de meilleurs soins de santé qu’il soit possible d’atteindre (art. 12); le à l’éducation (art. 13); à travers un ensei-gnement primaire, gratuit et obligatoire (art. 14); la participation à la vie culturelle; le droit à la cul-ture et au respect de la diversité culturelle (art. 15). L’intérêt de ce rappel du contenu des DESC se situe à un double niveau. D’abord pour les titulaires de droits, de s’en approprier et s’en prévaloir par voie de conséquence. Pour les détenteurs d’obligations, d’en faire des priorités nationales dans le cadre des initiatives,

développements et mise en œuvre des politiques et programmes dans le pays. Les droits économiques sociaux et culturels dans la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples 9. L’avènement d’un texte africain contraignant sur les droits de l’Homme a connu des fortunes di-verses. Ce n’est ni l’occasion encore moins pertinent d’ouvrir ce débat. Cependant, pour com-prendre, autant que faire se peut l’essor de l’ensemble des droits de l’Homme y compris les DESC sur le continent africain, il est indispensable de rappeler que l’idée de rédiger un document établis-sant des mécanismes de protection des droits de l’Homme en Afrique a germé au début des années 1960. Au premier Congrès des Juristes Africains tenu à Lagos, au Nigéria en 1961, le Congrès adopta une résolution également appelée « loi de Lagos », appelant les gouvernements africains à adopter une convention africaine sur les droits de l’Homme, avec une cour et une commission. A l’époque, les gouvernements africains ne firent aucun effort pour promouvoir ces valeurs inhé-rentes à la personne humaine. Le mérite est revenu à l’Assemblée de l’OUA, qui par une décision en 1979, a non seulement réaffirmé « le besoin d’une meilleure coopération internationale, du respect des droits fondamentaux de l’Homme et des droits des peuples et en particulier le droit au développement (..) », mais aussi la nécessité de préparer un projet préliminaire d’une « Charte afri-caine des droits de l’Homme et des peuples ». 10. Ainsi, inspirée par l’inclinaison de l’OUA en faveur notamment du développement socio-économique, la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, adoptée en 1981, a consa-cré en ses articles 14, 15, 16, 17, 18 21 et 22, les droits économiques, sociaux et culturels. Con-formément aux dispositions pertinentes de l’article 22 de la Charte, à titre d’illustration, « tous les peuples ont droit à leur développement économique, social et culturel (…) ». 11. En procédant par une lecture combinée de toutes ces dispositions, il se dégage à suffisance la vo-lonté des Etats africains, de s’inscrire, sous l’angle normatif, dans la dynamique internationale de reconnaissance de cette catégorie de droits, au même titre

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po-table, l’accès aux soins de santé adéquats ; des populations qui connaissent le chômage à des pro-portions inquiétantes; des populations aux conditions d’existence difficiles et précaires ; qui doi-vent au quotidien lutter contre la faim et la pauvreté, un fléau à l’état endémique dans de nom-breux pays africains ; l’on note par ailleurs une accentuation préoccupante des inégalités de ri-chesse et de revenu entre les États et à l’intérieur d’un même État, une situation qui est de nature à décourager parfois d’agir sur le front des droits économiques, sociaux et culturels, pour ne citer que ces quelques illustrations. Les mots sont impuissants pour décrire et cerner les souffrances des populations ; souffrances qui, en réalité, se résument, de notre point de vue, à une faible réalisa-tion des droits économiques, sociaux et culturels. Il est donc vital de s’attacher, avec une attention singulière et une ardeur renouvelées, à la pleine réalisation de ces droits et partant à les faire con-naître.

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que les droits civils et politiques, tradui-sant ainsi les principes d’indivisibilité, d’interdépendance et d’universalité des droits de l’Homme. 12. A la suite de ce texte fondateur des droits de l’Homme au niveau africain, les Etats Parties se sont solennellement engagés à respecter, protéger, promouvoir et assurer la jouissance de tous les droits contenus dans ladite Charte, y compris les droits économiques, sociaux et culturels, à travers la Déclaration de Pretoria de 2004. Antérieurement, les principes et directives de 2011, concernant la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels dans la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, ont ressorti et réaffirmé l’obligation générale des Etats africains « à respecter et mettre en œuvre tous les droits économiques, sociaux et culturels ». Bien plus, les principes de disponibilité, d’accessibilité physique et économique, d’adéquation et d’acceptabilité gouvernant ces valeurs fondamentales, ont été clairement mis en exergue pour inspirer les mesures législatives et autres à prendre par les Etats pour assurer la jouissance effective des droits écono-miques, sociaux et culturels. Les droits économiques, sociaux et culturels à travers le texte fondateur de la Communauté Est Africaine (CEA) 13. A côté du droit régional africain, le Burundi, le Kenya, le Rwanda, l’Ouganda et la Tanzanie ont trouvé la nécessité de mettre sur pied une Organisation sous régionale essentiellement à caractère économique et résolument orientée vers le développement de leur Communauté. Le traité portant création de la Communauté d’Afrique de l’Est a été signé le 30 novembre 1999 et est entré en vigueur le 7 Juillet 2000, après sa ratification par trois Etats membres à savoir : le Kenya, la Tanza-nie et l’Ouganda. La République du Rwanda et la République du Burundi ont adhéré au Traité de l’EAC le 18 Juin 2007 et sont devenus membres à part entière de la Communauté, avec effet à partir du 1er juillet 2007.

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14. Le traité constitutif de ce regroupement sous régional, en guise d’illustration, a non seulement défini plusieurs cadres de coopération visant le développement dans divers domaines, mais

aussi et surtout prévu au chapitre 20 notamment, les activités dans le domaine de l’éducation, l’agriculture, la santé, le social et la culture, par voie de conséquence la réalisation et la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels. Les droits économiques, sociaux et culturels dans la loi fondamentale burundaise 15. S’agissant du droit interne de la République du Burundi, la Constitution du 18 mars 2005, loi fondamentale du pays, a consacré les droits économiques, sociaux et culturels en ses articles 52 à 54. Les dispositions de l’article 52 soulignent, avec pertinence, que « toute personne est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personne, grâce à l’effort national et compte tenu des ressources du pays ». A ces dispositions d’une importance majeure et qui expriment fortement l’attachement du peuple burundais, non seulement à tous les droits de l’Homme, mais aussi et surtout aux droits économiques, sociaux et culturels, viennent s’ajouter les différents cadres, politiques et stratégies de croissance et de lutte contre la pauvreté. Conclusions et perspectives 16. Des développements introductifs qui précèdent, il se dégage que la République du Burundi, en matière des droits économiques, sociaux et culturels, pour l’essentiel, est juridiquement nantie. Nous concédons, par voie de conséquence, que cette réflexion introductive est loin d’avoir établi et abouti à une présentation exhaustive du cadre normatif international, régional et interne sur les droits économiques, sociaux et culturels, contraignant pour l’Etat burundais. 17. Néanmoins sur la base de ces acquis juridiques incontestables, il faut à présent édifier et renforcer les institutions ; initier des actions concrètes vigoureuses, visibles et efficaces pour la poursuite de la réalisation effective des droits économiques, sociaux et culturels dans l’intérêt de toutes les po-pulations burundaises. Bien plus cette fondation normative a fortement besoin d’être renforcée par


18. Le Bureau du Haut - Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l’Homme au Burundi, conformément à son Mandat, est engagé pour cette cause, au côté des autres partenaires.

III. REALISATION DES OBJECTIFS POUR LE DEVELOPPEMENT DURABLE ET DROITS DE L’HOMME AU BURUNDI

L’Agenda 2030 pour le développement durable marque un changement de paradigme fondamental dans le modèle dominant en matière de développement. Fortement ancré dans les normes internationales des droits de l’homme, il énonce une vision novatrice pour les peuples, centrée à la fois sur la planète, les droits de l’homme, la prise en compte du genre et du développement durable. Il vise à ne laisser personne en arrière et fait de l’égalité et de la non -discrimination des principes majeurs. La faible prise en compte des droits de l’homme reste une réalité pour la plupart des pays en développement. Plusieurs analyses démontrent que l’inégale jouissance des droits est à l’origine de nombreux conflits. Selon l’indice de développement humain de 2015, le Burundi occupe le 184 ème rang sur 188. Les statistiques fournies par le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance, indiquent que le taux de mortalité infantile en 2012 était de 67%, que le taux de mortalité maternelle était de 31% à la naissance , tandis qu’en 2007 46% des enfants étaient affectés par la malnutrition. Ces données certes pas des plus récentes laissent présager d’une aggravation de la situation depuis la crise que connait le Burundi depuis le début de l’année 2015. C’est à juste titre que les différents acteurs en présence doivent réfléchir à comment

concilier les objectifs de promotion et de protection des droits économiques sociaux et culturels avec les réalités politiques, juridiques et sociales du Burundi à l’effet de favoriser le plein épanouissement de sa population. Il est important que la dynamique impulsée à l’échelle internationale se traduise par la démonstration d’un engagement véritable et durable pour promouvoir et protéger les droits économiques sociaux et culturels au Burundi. Les observations finales formulées par le Comité des droits économiques sociaux et culturels constituent une réelle opportunité tant et si bien qu’elles rappellent la nécessité de renforcer les institutions, de lutter contre l’impunité et favoriser l’accès à la justice à tous les citoyens burundais. Ces observations recommandent également la protection des groupes généralement marginalisés dont les femmes, les enfants, les personnes handicapées, les personnes atteintes d’albinisme, les populations autochtones etc. Conformément à son mandat, l’OHCDH-B renforce les capacités des acteurs nationaux afin de favoriser une plus grande maîtrise du cadre international, régional et national de protection des droits de l’homme. Ses actions de plaidoyer visent à encourager une approche inclusive dans l’adoption des lois, programmes et politiques. Eu égard à l’impact que la crise socio politique de 2015 a eu sur l’ensemble des droits de l’homme au Burundi, ses activités de monitoring visent également à documenter les violations observées et permettent ainsi d’initier des actions de plaidoyer auprès de différents acteurs nationaux et internationaux. L’OHCDH-B contribue au dialogue constructif engagé avec le gouvernement burundais, l’équipe pays, les partenaires techniques et financiers pour une plus grande prise en compte des objectifs de développement durables au Burundi. Transformer notre monde: Les droits de l’homme dans l’Agenda 2030 pour le développement durable

LES DROITS DE L’HOMME ET LES OBJECTIFS DE DEVELOPPEMENT DURABLES AU BURUNDI

l’intervention du juge, dont le rôle dans la justiciabilité de ces droits, est plus qu’une nécessité.

17


Résumé: L'Agenda 2030 pour le développement durable marque un changement de paradigme fondamental dans le modèle dominant en matière de développement. Fortement ancré dans les normes internationales des droits de l’homme, il énonce une vision novatrice pour les peuples, cen-trée à la fois sur la planète, les droits de l’homme, la prise en compte du genre et du développement durable. Il vise à ne laisser personne en arrière et fait de l’égalité et de la non -discrimination des principes majeurs. Il va bien au-delà des OMD en englobant non seulement les droits économiques sociaux et culturels, mais également les droits civils et politiques. Avec son ambition de transforma-tion et de mise en œuvre universelle de l'Agenda 2030, l’Agenda 2030 ouvre de nouvelles voies pour ancrer plus profondément tous les droits de l'homme dans les politiques nationales et mon-diales. La phase de mise en œuvre fournit une opportunité pour combler les lacunes restantes de l'ordre du jour. Une première étape cruciale pour la mise en œuvre réussie de l’ordre du jour sera de mettre en place un cadre de suiviévaluation robuste soutenu par des indicateurs fondés sur les droits de l’homme. Les droits de l’homme sont profondément reflétés dans l’agenda 2030 sur le développement durable •

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L’Agenda 2030 est clairement fondé sur les droits de l’homme. Il réaffirme l’engagement des États parties à la Charte des Nations Unies, à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et à la Déclaration sur le droit au développement, et engage les États à mettre en œuvre l’ordre du jour d’une manière compatible avec leurs obligations qui découlent du droit international. Les objectifs de développement durable (ODD) ont comme objectif central de « réaliser les droits de tous ».

L’Agenda 2030 propose une vision universelle, intégrée et indivisible pour le développement durable. Alors que les OMD ont été principalement destinés à aider les «pays en développement», les ODD sont un cadre véritablement universel applicable à tous les pays d’une manière intégrée et indivisible, même si les contributions attendues de chaque État pour atteindre les Objectifs de Dé-veloppement Durable (ODD) peuvent différer selon différentes réalités nationales, les capacités et niveaux de développement. L’Agenda 2030 englobe à la fois les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, ainsi que le droit au développement. Les OMD ont abordé une série limitée de questions écono-miques et sociales. En revanche, les ODD vont bien au-delà de ce paradigme de développement traditionnel en adressant une série de questions liées à la liberté de la peur, ainsi que la liberté de la misère. L’agenda 2030 a comme fondement majeur les inégalités et s’engage à ne laisser personne en arrière. L’objectif global du nouvel agenda est de « ne laisser personne en arrière » pour « rat-traper les moins avancés d’abord» et en veillant à ce que les Objectifs de Développement Durables soient atteints “ par tous les citoyens et les peuples et par tous les secteurs de la société ». Les en-gagements de réduction des inégalités dans et entre les pays et à promouvoir l’égalité sont intégrés dans les ODD 10 et 5 respectivement. L’agenda comprend un engagement à lutter contre la discrimination. Il réaffirme la responsabi-lité de tous les États, de « respecter, protéger et promouvoir les droits humains, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, opinions politiques ou autre, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance, un handicap ou toute autre situa-tion. “ la nature ouverte de la liste constitue une reconnaissance implicite que tous les êtres hu-mains naissent libres et égaux et assure ainsi la cohérence avec les normes des droits de l’ homme en vigueur sur la nondiscrimination. D’autres aspects de la discrimination reconnus à travers le document comprennent l’âge, le statut migratoire, l’origine ethnique, le genre, la culture, et la lo-calisation géographique.1 1

Voir pour l’exemple 23; 74f


Plusieurs objectifs et objectifs connexes portent sur les droits économiques, sociaux et culturels. Bien que les droits de l’homme spécifiques ne soient pas explicitement repris dans les objectifs euxmêmes, les ODD englobent tous les droits économiques, sociaux et culturels. Par exemple, il y’a des buts et objectifs qui portent sur le droit à un niveau de vie suffisant et le droit à l’alimentation, à la san-té, à l’éducation, à l’eau et l’assainissement et au logement. Il y’a également des buts et objectifs pour la protection sociale, l’égalité des droits aux ressources économiques et le droit au travail. Plusieurs objectifs connexes sont implicitement en lien avec les obligations relatives aux droits éco-nomiques, sociaux et culturels. Plusieurs objectifs connexes traitent des droits économiques, sociaux et culturels, implicitement, à travers le lien de l’objectif connexe ou de l’objectif avec les attributs normatifs de droits spécifiques, tels que la disponibilité, l’accessibilité, le coût abordable et la qualité des services de base. Les exemples incluent les buts et objectifs connexes portant sur l’accès à des ali-ments sains, nutritifs et suffisants pour tous, la couverture maladie universelle et l’accès à la santé sexuelle et reproductive et à des médicaments, l’accès à une éducation primaire et secondaire gratuite, équitable et de qualité, l’accès à une eau potable et abordable, à l’assainissement, à l’hygiène et au lo-gement pour tous. Les ODD comprennent également les droits civils et politiques. L’Objectif 16 sur les sociétés pai-sibles et inclusives couvre de nombreux aspects des droits civils et politiques, y compris la réduction de toutes les formes de violence, la fin des abus, de l’exploitation, de la traite et de la torture, l’égalité d’accès à la justice, des institutions crédibles, la prise de décisions inclusives et participatives, l’accès à l’information, la protection des libertés fondamentales, de l’identité juridique pour tous et de solides institutions nationales pour prévenir la violence. Toutefois, si la mise en œuvre n’est pas réalisée d’une manière

sensible aux droits de l’Homme, certains objectifs risquent de se retrouver en deçà des obligations internationales des Etats en droits de l’homme. Certains objectifs comprenant des mises en garde au sujet de la législation natio-nale, pourraient être vus comme favorables aux normes inférieures par rapport à celles fixées par les obligations internationales des États. Par exemple, l’objectif 5a sur l’égalité des droits des femmes aux ressources économiques, des terres et des biens, est qualifié par une référence à “conformément aux lois nationales», qui dans certains cas peuvent être inférieures aux obligations internationales, en ce qui concerne les droits des femmes. De même, l’objectif 16.10, sur l’accès à l’information et la protec-tion des libertés fondamentales est affaibli par la mise en garde : “conformément à la législation natio-nale”, et l’objectif 16,2 pour mettre fin à l’abus, l’exploitation, la traite et toutes les formes de violence est limitée seulement aux enfants, plutôt que d’être étendu à toutes les personnes, conformément aux obligations en vigueur. Les ODD omettent également de lutter contre les discriminations contre les minorités. En dépit de l’engagement à ne laisser personne en arrière, ils ne comprennent pas les minorités raciales, ethniques, religieuses et sexuelles, et ne traitent pas suffisamment des droits et de la santé sexuelle et de reproduc-tion. De plus, l’effet - plutôt que la formulation - de certains objectifs peut entrer en conflit avec les droits de l’Homme dans des cas particuliers. Par exemple l’objectif 6.2 vise à éliminer la défécation en plein air, ce qui peut avoir pour effet d’incriminer les personnes pauvres dans la pratique. Le nouvel Agenda est soutenu par un partenariat mondial revitalisé qui va au-delà des finances. Les objectifs portent également sur un large éventail de questions essentielles à la réalisation du droit au développement, tels que les finances publiques et privées, nationales et internationales, une plus grande cohérence des politiques et l’élargissement de l’espace politique, l’allégement de la dette et la restructuration intensifiés, renforcer la voix et la participation de tous les pays dans les institutions de gouvernance mondiale.

Mettre en œuvre l’Agenda conformément aux engagements en matière de droits de l’Homme

LES DROITS DE L’HOMME ET LES OBJECTIFS DE DEVELOPPEMENT DURABLES AU BURUNDI

Les ODD et les objectifs connexes sont fermement ancrés dans les droits de l’homme

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La phase de la mise en œuvre sera une opportunité importante pour combler les lacunes restantes de l’Agenda. L’engagement primordial qui devrait guider la mise en œuvre est que le nouvel Agenda est « à mettre en œuvre d’une manière qui soit compatible avec les ... obligations des États en vertu du droit international », en insistant sur “les responsabilités de tous les Etats ... de respecter, protéger et promouvoir les droits de l’Homme et les libertés fondamentales pour tous, sans distinction d’aucune sorte “. Lorsque les objectifs ne sont pas compatibles avec ou peuvent même être contraires aux obli-gations existantes des droits de l’Homme, cet engagement primordial devrait guider la mise en œuvre de l’Agenda. Un mécanisme de responsabilisation fondé sur les principes des droits de l’Homme sera essentiel pour la mise en œuvre effective de l’Agenda. Dans la mise en œuvre de l’Agenda, les gouvernements ont la responsabilité première du suivi-évaluation à tous les niveaux. Alors que les États se sont enga-gés, dans un « cadre de suivi-évaluation solide, volontaire, efficace, participatif, transparent et intégré à un cadre de suivi évaluation» et énoncent des principes pour guider le processus d’examen à tous les niveaux, le cadre proposé est insuffisant et devrait être renforcé à certains égards qui sont essentiels. Au niveau mondial, un mécanisme de responsabilisation robuste, avec un examen universel des pays comme celui de l’EPU et des liens structurés avec les mécanismes de surveillance des droits de l’Homme des Nations Unies, y compris l’examen périodique universel, devrait être établi par le forum politique de haut niveau pour le développement durable, placé sous l’ECOSOC et l’Assemblée Géné-rale.

20

Le mécanisme de reddition des comptes a besoin d’impliquer toutes les parties prenantes et de combler l’écart de la redevabilité du secteur privé. L’Agenda souligne un engagement important de promouvoir “la redevabilité de nos citoyens”. Toutefois, les détails de la façon d’assurer la responsabi-lisation à toutes les personnes doivent encore être mis au point. Surtout, il est encore nécessaire de dé-finir les modalités concrètes pour la société civile de participer utilement tout le long du processus de surveillance et d’examen aux niveaux national, régional et mondial, compte tenu de l’importance qui leur est accordée dans l’Agenda de combler l’écart de la responsabilisation du

secteur privé doit éga-lement être une priorité. Les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme, mentionnés dans le document final, peuvent servir de base utile pour définir les respon-sabilités spécifiques de chaque entreprise, en fonction de son implication dans la mise en œuvre. Un travail considérable est encore nécessaire pour développer un cadre d’indicateurs des ODD sensible aux droits de l’Homme. Les engagements politiques durement gagnés des États ne doivent pas être dilués, mais renforcés. S’engager avec les bureaux nationaux de statistiques, qui prendront les devants dans le développement du cadre d’indicateurs, sera essentiel pour assurer une approche basée sur les droits de l’Homme, fondée sur les données et statistiques. La mise en œuvre de la «révolution des données» pour le développement durable, devrait embrasser pleinement les droits de l’Homme. Les indicateurs ainsi que la collecte, la production, l’analyse et la diffusion des données doivent être guidés par les normes statistiques internationales ainsi que par les normes internationales des droits de l’Homme. Les indicateurs devraient permettre le suivi des progrès pour tous les peuples, partout, avec un accent sur les plus marginalisés et les plus vulnérables. De nouveaux partenariats avec les organisa-tions de la société civile, les méthodes et les bases de données, sont nécessaires pour inclure les indica-teurs qui permettront de mesurer les objectifs en matière de droits civils, culturels, économiques, poli-tiques et sociaux, et de déterminer les inégalités et discriminations particulières tout le long de l’Agen-da. En conformité avec l’appel de l’Agenda pour la production de données désagrégées, les indica-teurs pertinents des ODD devraient être ventilés ou collectés pour tous les cas de discrimination in-terdits en vertu du droit international des droits de l’Homme. Pour plus d’informations et de documents de position du HCDH sur l’Agenda 2030 relatif aux objec-tifs du développement durable, prière de consulter le lien ci-dessous: http://www.ohchr.org/EN/Issues/MDG/Pages/MDGPost2015Agenda.aspx


PAS DE PAUVRETÉ

FAIM «ZÉRO»

BONNE SANTÉ ET BIEN-ÊTRE

ÉDUCATION DE QUALITÉ

ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES

EAU PROPRE ET ASSAINISSEMENT

ÉNERGIE PROPRE ET D’UN COÛT ZABORDABLE

TRAVAIL DÉCENT ET CROISSANCE ÉCONOMIQUE

INDUSTRIE, INNOVATION ET INFRASTRUCTURE

INÉGALITÉS RÉDUITES

MEASURES RELATIVES À LA LUTTE COUTRE LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES

VIE AQUATIQUE

PARTENARIATS POUR LA RÉALISATION DES OBJECTIFS

VILLES ET COMMUNAUTÉS DURABLES

VIE TERRESTRE

CONSAMMATION ET PRODUCTION RESPONSABLES

PAIX, JUSTICE ET INSTITUTIONS EFFICACES


22 ODD 3

Renforcement des capacités et formation

Coordination

Recherche et analyse

Formulation de politiques

Sensibilisation, plaidoyer et communication

Indicateurs, collecte et désagrégation de données

Opérations de terrain

ODD 7 ODD 8

Promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous

Cadre légal et appui juridique

ODD 6

Garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes à un coût abordable

Elaboration des normes et standards ODD 5

Garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau

ODD 4

Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles

Assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie

ODD 2

Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge

ODD 1

Éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable

Éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde

INTERVENTIONS DE L’OHCDH DANS LA MISE EN ŒUVRE DES OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE


Renforcer les moyens de mettre en œuvre le Partenariat mondial pour le développement durable et le revitaliser

ODD 10 ODD 11 ODD 12 ODD 13 ODD 14 ODD 15 ODD 16 ODD 17 LES DROITS DE L’HOMME ET LES OBJECTIFS DE DEVELOPPEMENT DURABLES AU BURUNDI

Promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et ouvertes à tous aux fins du développement durable, assurer l’accès de tous à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes à tous

Préserver et restaurer les écosystèmes terrestres, en veillant à les exploiter de façon durable, gérer durablement les forêts, lutter contre la désertification, enrayer et inverser le processus de dégradation des terres et mettre fin à l’appauvrissement de la biodiversité

Conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable

Prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions

Établir des modes de consommation et de production durables

Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables

Réduire les inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre

Bâtir une infrastructure résiliente, promouvoir une industrialisation durable qui profite à tous et encourager l’innovation

ODD 9

23


IV. AGRICULTURE- SÉCURITÉ ALIMENTAIRE-NUTRITION Introduction

Selon l’enquête nationale agricole de 2014, la population agricole burundaise est estimée à 7.902.860 personnes. Elle est composée de 48,4% d’hommes et de 51,6% de femmes agricoles. La densité de la population vivant dans les ménages agricoles est estimée à 305,6 personnes au km². Cette densité connait d’importantes variations selon la province considérée. La densité la plus faible est enregistrée à Cankuzo (130,3 habitants au km²) et la plus élevée est observée à Kayanza (464,6 habitants au km²). Plusieurs contraintes ont contribué à la baisse de la production agricole.

Au Burundi, le secteur agricole constitue le moteur de l’économie nationale. Il est le garant de la sécurité alimentaire des populations. L’agriculture est pratiquée d’une façon traditionnelle par en-viron un million deux cent mille (1.2 millions) de familles rurales (90% de la population) sur de très petites exploitations dont la taille moyenne se situe autour de 0.5ha .2 Avant la crise d’octobre 1993, le Burundi jouissait d’une certaine autosuffisance alimentaire et n’importait que quelques produits de complément (5%) tels que le sel, le sucre, la farine de blé et les produits laitiers.

Les perturbations climatiques désorganisent les activités agricoles à majorité pluviales et entraînent la chute de la production et/ou la destruction des cultures, des animaux, d’élevage et de la biodi-versité. Ces changements climatiques peuvent aussi induire la pullulation et l’extension des in-sectes vecteurs de maladies et des germes pathogènes pour l’homme.

L’impact de la crise a eu de sérieuses conséquences sur la sécurité alimentaire et la nutrition en général, notamment sur les couches de populations les plus vulnérables.

La faible fertilité des terres et la dégradation des écosystèmes naturels, l’insuffisance et la faible utilisation des intrants performants de production (semences et plants sé-lectionnés, races animales améliorées, fertilisants, pesticides, matériel et produits agricoles, etc.); La recrudescence des maladies et ravageurs très dommageables pour les cultures, les denrées stockées et pour les animaux sont autant de facteurs qui ont contribué à la baisse de la production agricole.

I Une Agriculture en baisse de niveau de production L’économie du Burundi reste largement basée sur les ressources agricoles. Cinquante- six pour cent (56%) du PIB est issu du secteur primaire agricole qui occupe plus de quatre-vingt-dix pour cent (90%) de la population en terme d’emploi. Il fournit quatre- vingt quinze pour cent (95%) de l’offre alimentaire et plus de quatre-vingt-quinze pour cent (95%) des recettes d’exportation par la vente du café et du thé (devises) .3

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La terre y est propice à la culture des Tubercules, des Céréales (Sorgho, Mil), des Bananes, des Légumines (Haricots, petits pois, soja).

La fuite des populations, les mouvements de famille, la réduction des revenus des populations, les pertes d’emplois liées à la fermeture/une délocalisation de certaines entreprises du fait de la guerre ont ipso facto entraîné une réduction de la production. Pour pallier cette situation, le Gouvernement du Burundi à travers

Propos du Ministre de l’agriculture sur le site internet du Ministère de l’Agriculture, consulté le 01 Décembre 2016

2

3

Analyse contextuelle de la problématique de la chaine de production agricole au Burundi, 2tude menée par la Confédération des associations des producteurs agricoles pour le développement (CAPAD), 2015


A cela s’ajoutent les difficultés liées à l’accès à la terre. L’accès a été fortement éprouvé durant ces dernières années de crise. De nombreuses populations qui ont dû quitter leurs terres et leurs habitations pour trouver refuge ailleurs à cause de la guerre, éprouvent du mal à retrouver leurs posses-sions qui dans l’intervalle, ont été affectées à d’autres personnes. La Commission Nationale des Terres et autres biens, qui a été mise en place après les accords d’Arusha, peine à résorber les problèmes liés à la récupération et à la restitution des terres et des habitations. Son travail semble se heurter à des pesanteurs politiques et autres difficultés liées au manque de confiance et à l’absence de confiance entre les populations. Très peu de terres ont été restituées sans problèmes communautaires et rancœurs ultérieures. Ce qui soulève de nombreux conflits communautaires entre les populations autour de la terre. Une meilleure approche de cette commission consisterait à inclure et associer toutes les parties prenantes, les populations et les corps sociaux constitués dans le processus de restitution des terres et des biens. Enfin, il faut relever le fait que dans les coutumes ancrées dans la pensée collective, et même dans le code de la famille, il est difficile à une femme d’hériter de la terre de ses ascendants. Les femmes sont exclues des débats sur la terre et le foncier, alors même que le droit à la propriété est un droit fondamental reconnu à tous dans la constitution Burundaise et dans les instruments internationaux pertinents. Ceci mérite d’être revu pour permettre aux femmes de disposer de la

Il est à rappeler qu’il est nécessaire que la Commission nationale des terres et autres biens, tout comme la Cour spéciale, fonctionnent de manière indépendante et impartiale, sans tenir compte de considérations liées à des motivations ou des objectifs ethniques ou politiques discriminatoires; (Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, Pablo de Greiff, Mission au Burundi (8-16 décembre 2014) terre, de pratiquer l’agriculture et éventuellement de construire des habitations. Sur l’habitat, la plupart des Burundais se voient obligés de se loger eux même et de construire leurs propres maisons sur les terres, faute de politique nationale efficiente en matière d’habitat. Les personnes déplacées du fait du conflit, faute de terre et de biens, sont logées dans des habitats de fortune, ne leur permettant pas de pratiquer l’agriculture. Le Comité est préoccupé par l’application du droit coutumier en matière de successions, de régimes matrimoniaux et de libéralités, renforçant l’inégalité de traitement entre les hommes et les femmes (art. 3). Le Comité recommande à l’Etat partie d’adopter, sans plus attendre, une loi sur les successions, les régimes matrimoniaux et les libéralités conforme aux standards internationaux. Le Comité recom-mande à l’Etat partie de mener des campagnes de sensibilisation afin de faire évoluer les attitudes tra-ditionnelles qui font l’obstacle à l’exercice par les femmes de leurs droits économiques, sociaux et culturels. (Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observations finales concernant le rapport initial du Burundi E/C.12/BDI/CO/1 9 octobre 2015)

LES DROITS DE L’HOMME ET LES OBJECTIFS DE DEVELOPPEMENT DURABLES AU BURUNDI

le Ministère de l’Agriculture et de l’Elevage a élaboré des politiques sectorielles, des stratégies, des programmes et des plans d’actions visant à relancer le secteur agricole : Stratégie Agricole Nationale (SAN), Programme Na-tional de Sécurité Alimentaire (PNSA), Document d’Orientation Stratégie (DOS). En concertation avec des partenaires du secteur, un Plan National d’Investissement Agricole (PNIA 2012-2017) opérationnel, capable de répondre à l’impératif de maîtrise de la gestion et de la coordination du secteur agricole a été mis en place.

25


Selon OCHA, depuis le début de la crise en Avril 2015, trois cent mille (300 000) personnes sont en situation de besoin en abri. Quarantedeux mille (42 000) personnes ont été déplacées pour des raisons de désastres naturels. Depuis septembre 2016, Mille deux cent vingt et un (1221) maisons ont été endommagées ou détruites. Sécurité Alimentaire et Nutrition mises à mal depuis la crise L’insécurité alimentaire a triplé au Burundi. Selon OCHA, 2.1 Millions de personnes sont en insé-curité alimentaire chronique et aigue depuis Juillet 2016, en lien avec la crise d’avril 2015. Même avant la crise, la situation n’était pas très reluisante et un pourcentage très faible de la population Burundaise se nourrissait convenablement. A ce jour, 606 000 personnes sont confrontées à une sévère insécurité alimentaire.4 La réduction des revenus des populations avec la crise politique, les pertes d’emplois liées à la fermeture/délocalisation de certaines entreprises ont ipso facto entraîné une réduction de la produc-tion et partant du pouvoir d’achat des populations. Toujours selon OCHA, le marché Burundais est très dépendant des marchés extérieurs voisins. Ce qui a toujours favorisé la politique nationale d’importation et de transfert de denrées d’un point à un autre. La fermeture des frontières avec le Rwanda et les restrictions à la Frontière avec la Tanzanie ont limité le transport et l’importation de denrées vers le Burundi. D’où les augmentations de prix gé-néralisées dans tout le pays. Les zones les plus affectées sont celles qui dépendent le plus de ces marchés.

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Les aliments suivants qui sont les plus prisés des Burundais sont en passe de connaître des pénu-ries graves: • Tubercules • Céréales (Sorgho, Mil) 4

Newsletters OCHA au Burundi, Novembre 2016, page 3

• •

Bananes Légumines (Haricots, petits pois, soja)

Il y a aussi les problèmes économiques liés à la dévaluation du Franc Burundais qui est de nature à créer des difficultés pour compenser les besoins alimentaires. Selon la FAO, la malnutrition aigüe et élevée guette les enfants de moins de cinq (5) ans. OCHA estime que cent soixante-dix mille (170 000) enfants sont en situation de risque de malnu-trition. Sur la population des enfants de moins de 5 ans, 58% sont affectés par la malnutrition chronique avec des conséquences irréversibles sur leur santé physique, mental et sur leur déve-loppement. Cinq cent mille femmes enceintes et nourrices sont dans le besoin de soutien nutri-tionnel. Au total, six cent soixantedix mille personnes sont en situation d’insuffisance nutritionnelle.5 Au moins la moitié de la population vit en insécurité alimentaire. L’alimentation déséquilibrée et incontrôlée s’est généralisée. D’où la tendance à la survenance de maladies liées à une mauvaise nutrition, surtout chez les enfants âgés de moins de cinq ans, car en effet, avec la survenance de la crise, la tendance n’est plus à la recherche d’alimentation et de nutrition équilibrée, mais plutôt de satisfaire la faim. L’absence d’alimentation équilibrée et de qualité est propice à l’avancée de ma-ladies liées au déficit nutritionnel. La mortalité infantile liée à la malnutrition prend de l’ampleur au Burundi. Le chômage grandissant lié à la crise a aggravé le sort des ménages avec une forte baisse du pou-voir d’achat qui était lui-même déjà faible. Le constat est encore plus corsé concernant les popula-tions déplacées internes et les réfugiés. Ces populations vivent dans le dénuement alimentaire total rendu plus grave par l’absence de travail et d’emploi. L’OIM a observé des mouvements de populations Burundaises (environs 4000 personnes) vers la frontière avec la Tanzanie en vue de trouver des terres plus propices à la l’agriculture et à la sécurité alimentaire. 5

Newsletters, OCHA, Novembre 2016, page 3.


Selon la FAO, le PAM et OCHA, le risque de famine généralisée est imminent et pointe sérieuse-ment au Burundi si rien de conséquent n’est fait d’ici à 2016. Le Comité constate avec préoccupation que malgré la mise en œuvre de la Stratégie Nationale Agri-cole et du Plan National d’investissement Agricole, l’insécurité alimentaire touche une grande partie de la population. Il s’inquiète également des taux élevés de malnutrition chronique infantile. Le Comité recommande à l’Etat partie de redoubler d’efforts afin de garantir le droit à une alimenta-tion adéquate et de renforcer la lutte contre la faim et la malnutrition infantile, en particulier dans les zones rurales. Le Comité recommande à l’État partie d’accroître ses efforts pour améliorer la producti-vité des petits producteurs agricoles en favorisant leur accès aux technologies appropriées, confor-mément à leur droit de bénéficier du progrès scientifique, et en facilitant leur accès aux marchés locaux, afin d’améliorer les revenus en zone rurale. Le Comité renvoie l’Etat partie à son Observation générale no 12 (1999) sur le droit à une nourriture suffisante et aux Directives volontaires à l’appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, adoptées par le Conseil de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. (Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observations finales concernant le rapport initial du Burundi E/C.12/BDI/CO/1)

LES DROITS DE L’HOMME ET LES OBJECTIFS DE DEVELOPPEMENT DURABLES AU BURUNDI

Les cantines scolaires de la plupart des Ecoles sont obligées de fermer, impactant la fréquentation de l’Ecole par les enfants. Il y a donc beaucoup d’abandon de scolarité pour cause de faim et de mauvaise nutrition. La crise a entraîné la fermeture de nombreuses écoles du fait de la fuite des populations avec leurs enfants.

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Introduction La face humaine de la crise socioéconomique et politique que traverse le Burundi trouve sa pleine illustration dans les déplacements des populations pour diverses raisons. En novembre 2016, le Bureau de la Coordination Humanitaire des Nations Unies relevait que la violence, y compris les violations des droits de l’homme étaient rapportés par divers acteurs y compris le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme à travers le Burundi. Les personnes dépla-cées, les jeunes, les enfants et les femmes sont les principales victimes. Depuis le début de la crise au moins 316.000 burundais on fuit vers les pays voisins et l’on estime à environ 110.000, le nombre de déplacées internes. Les femmes et les enfants sont de plus en plus exposés à la vulné-rabilité et au risque de la violence basée sur le genre (VBG). Les survivants des VBG sont confron-tés aux problèmes d’accès à l’assistance médicale, psychologique et légale, du fait de la précarité ou à l’absence des services. Ils font aussi face à la stigmatisation au sein de leurs communautés. En raison de la nature de la crise et du climat de peur et d’intimidation, plusieurs cas de violations ne sont pas rapportés aux autorités compétentes pour leur permettre d’agir pour y mettre un terme et prévenir la récurrence. Un tel climat ne permet ni aux autorités ni aux populations de tirer profit du dividende démogra-phique pour relever les défis économiques et assurer la cohésion sociale préalable à une paix du-rable. C’est pour cette raison que la prévention de la violence à travers des efforts de protection des droits des populations les plus vulnérables et la prise de sanctions idoines contre les auteurs des actes de

violence trouvent toute leur pertinence dans les efforts de relèvement économique du Burundi. La lutte contre l’impunité s’inscrit donc comme une valeur ajoutée dans l’affermissement de l’état de droit et la consolidation d’un climat favorable à l’investissement et à la libre et pleine participation des burundais, jeunes et moins jeunes à l’essor économique de leurs pays. Créer de bonnes condi-tions pour le retour volontaires des refugies et personnes déplacées dans leurs lieux d’origine per-met aussi de réduire leurs vulnérabilités et de rentabiliser les investissements dans les secteurs so-ciaux comme la sante, l’éducation, l’alimentation et l’habitat. Il est ainsi important que des mesures appropriées soient prises pour assurer le retour de ces per-sonnes et leur réintégration socioéconomique. La référence aux ODD, et à l’agenda 2063 de l’U.A et leur prise en compte dans les stratégies poli-tiques et programmes est importante pour une planification stratégique pouvant mener à l’atteinte des objectifs visés pour le retour des populations et leur intégration durable. Pour cela un diagnostic exhaustif des causes de ces déplacements, l’identification des obstacles au retour et à l’intégration de ces populations doivent être envisagés et la proposition de solutions

I

Les Violations de droits de l’homme, une des causes principales des déplacements

A-

Violations des droits Civils et politiques

En se penchant sur la situation sociopolitique du Burundi on se rend compte que l’une des causes principales des déplacements de la population est la violation des droits de l’homme. Au Burundi depuis le début de la crise en Avril 2015, les violations massives des droits de l’homme ont émaillé le processus électoral et ont demeuré jusqu’à ce jour. L’OHCDH-B dans sa stratégie de mise en place d’un système d’alerte précoce et de réponse rapide concernant les troubles éventuels ou

LES DROITS DE L’HOMME ET LES OBJECTIFS DE DEVELOPPEMENT DURABLES AU BURUNDI

V. PERSONNES DEPLACES INTERNES / REFUGIES / RAPATRIES: REINTEGRATION DURABLE AU BURUNDI

29


autres formes de violences susceptibles d’intervenir à l’échelon national durant les élections avait mis en place une cellule de veille et d’analyse des violations des droits de l’homme. Le rapport de cette cellule avait conclu qu’une répression sévère et un usage abusif et excessif de la force publique a exacerbé les violences et rendu délétère le cli-mat sécuritaire, ce qui a donné lieu à de graves violations des droits de l’homme documentées par OHCHR-B de Avril 2015 à 0ctobre 2016 a) Les arrestations arbitraires L’OHCDH-B a documenté depuis le début de la crise 9568 cas d’arrestation arbitraire, Ces arresta-tions ciblent particulièrement des présumés manifestants, des membres des partis de l’opposition ou tout simplement des défenseurs des droits de l’homme hostile au ‘‘3ème mandat’’. b) Les Disparitions forcées Soixante-dix-sept (77) cas de disparitions forcées ont été documentés, les enlèvements sont effec-tués par des éléments qui selon appartiendraient à la police, au SNR ou même au mouvement des Imbonerakure et plusieurs de ces personnes enlevées ou arrêtées seraient acheminées à des lieux inconnus. c) Droit à la vie D’avril 2015 à Octobre 2016 OHCHR-B a documenté 580 cas de violation de droit à la vie d) Les Cas de torture et mauvais traitements Au total, Huit cent huit (808) cas de torture et de mauvais traitements ont été recensés depuis le début de la crise à octobre 2016. Des cas de tortures emblématiques allégués ont pu être vérifiés par l’OHCDH-B Les auteurs présumés de ces actes de torture jouir d’une totale impunité. La plu-part des victimes de cas de torture sont intimidées et refusent parfois de porter plainte par peur de représailles.

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Cela pose avec une grande acuité l’impérieuse nécessité de mettre en place et d’opérationnaliser le Mécanisme National de Prévention contre la torture, conformément aux recommandations du second protocole de la convention contre la torture que le Burundi a signé et ratifié 18 octobre 2013. e) L’atteinte au droit à l’information, à la liberté de réunion et d’association De nombreux cas d’atteinte au droit à l’information, la liberté de réunion et d’association ont été recensés y compris des destruction

et/ou fermetures de media. A cela s’ajoute le harcèlement et la persécution de défenseurs des droits de l’homme, d’opposants politiques et de jeunes dans les quartiers dits contestataires. Des dizaines de cas d’arrestations et de détention arbitraires de membres de l’opposition, y compris pour ‘‘réunions illégales’’ ont été documentées. De facto, seules les manifestations favorables au pouvoir en place sont acceptées. Tout ceci installe la psy-chose et force les populations à fuir le pays.

B

Violations des droits économiques sociaux et culturels

L’indivisibilité et de l’interdépendance des droits fait que tous les droits de l’homme, qu’ils soient civils ou politiques, économiques, sociaux et culturels, ou collectifs, comme le droit au dé-veloppement sont indivisibles, liés et interdépendants. L’amélioration d’un droit facilite le progrès des autres. De la même manière, la privation d’un droit entrave l’accès à d’autres. a) Violation du droit à l’éducation La fermeture durant une longue période de plusieurs écoles et universités dans les zones fortement atteintes par les violences a privé des milliers d’enfants et de jeunes du droit fondamental à l’éducation. A cela, s’ajoute des attaques et des violences contre certaines écoles. Il a même été al-légué l’enrôlement d’écoliers à des mouvements de combattants. Des enseignants ont été en outre arrêtés pour diverses raisons. A cela s’ajoute, la perturbation de l’éducation des enfants du fait des déplacements des familles parfois sans possibilité d’inscrire leurs enfants à l’école dans ces localités de destination. L’incarcération de plusieurs élevés et étudiants dans le cadre de la crise, les a aussi empêchés de poursuivre leur cursus, portant ainsi atteinte à leur droit à l’éducation. b) Violations du Droit à la santé, a l’alimentation, à un logement adéquat, au travail Ce droit reconnu par les instruments internationaux tels que le PIDESC, et la CEDEF ratifiés par le Burundi a été gravement violé durant la crise. Alors que l’Etat du Burundi devait prendre toutes les mesures appropriées pour permettre l’accès à la santé, en mettant les hôpitaux et centres de san-té à l’abri de toute attaque et en assurant la sécurité des patients et du personnel médical, il a été regrettable de constater


inhumaines qu’ils enduraient dans les centres de transit. Vu la manière dont les demandeurs d’asile sont traités au centre de transit par certains responsables du centre cela laisse penser que ce centre d’accueils et d’assistances humanitaires ne répond plus à sa mission , mais il est transformé en centre de torture psychologique car plusieurs violations de droits humains , menaces , extorsions intimidations , corruptions , travaux forcés , non-respect de la dignité des personnes y sont commis sans que le monde extérieur ne s’en rende compte Un pensionnaire d’un centre de transit de Bujumbura

Il a été rapporté à la cellule de veille (Situation Room) de l’OHCDH-B plusieurs cas de blessés qui ont été poursuivis jusque dans les centres de santé. L’Equipe de monitoring a pu constater la présence de forces de l’ordre au niveau des hôpitaux, qui seraient venus pour arrêter des blessées, surtout lorsqu’il s’agissait de manifestants ou d’opposants au ‘‘3ème mandat’’. L’accès à d’autres droits comme le droit au travail, à l’alimentation, le droit à un logement adéquat a été très réduit compte tenu du contexte de crise qui a entrainé la fermeture ou la réduction des activités de nombre d’infrastructures qui employaient des dizaines de personnes (hôtels, restau-rants, petits commerces, etc.) impacte sur le coût de la vie et la disponibilité des ressources et des opportunités. Tous ces facteurs entrainent le déplacement des populations à la recherche non seulement de plus de liberté et de sécurité, mais aussi de meilleures conditions de vie ou les besoins sociaux de base pourraient être assurés.

C

Par ailleurs les femmes encourent plus de risque dans ces situations, elles sont exposées à toutes sortes d’abus notamment les violences sexuelles, la discrimination et la stigmatisation. La vulnérabilité économique accrue exacerbe également les risques de trafic d’êtres humains pour les femmes et les enfants.

D

Recommandations pour la mise en place d’un environnement favorable pour arrêter ces flux et favoriser le retour

a)

Le respect des droits humains des populations

Difficultés rencontrées par les réfugiés, déplacés, rapatriés

Les déplacements des populations entrainent toujours des conséquences surtout du point de vue de l’accès aux services sociaux de base. Il a été souvent noté un accroissement de la vulnérabilité des populations déplacées, refugiés ou rapatriés. Ces populations font face à diverses sortes de per-sécution et de discrimination surtout par rapport à l’accès à la terre et à la propriété. Or la privation du droit d’accès à la terre et à la propriété entraine des répercussions sur d’autres droits tels que le droit à l’alimentation, le droit à un logement décent etc… Les mêmes problèmes se posent aussi bien dans les pays d’accueils, les sites des déplacés que dans les camps de réfugiés. L’OHCHD-B a reçu des plaintes des demandeurs d’asile qui dénon-çaient des conditions

L’arrêt des violations massives constatées est indispensable pour un retour des populations dans leur site d’origine. Le Secrétaire Général des Nations Unies mentionnait dans son rapport « Dans une liberté plus grande » à l’Assemblée Générale des Nations Unies le 24 mars 2005: Il ne peut y avoir de développement sans la sécurité et, il ne peut y avoir de sécurité sans la paix et il ne peut y avoir de paix et de développement sans le respect des droits de l’homme. b) Restaurer l’Etat de droit et rompre avec le cycle de l’impunité L’impunité favorise les abus et violations des droits humains et suscite

LES DROITS DE L’HOMME ET LES OBJECTIFS DE DEVELOPPEMENT DURABLES AU BURUNDI

que non seulement les populations ont eu des difficultés à accéder aux structures sanitaires pendant la période des manifestations, du fait des bouclages des quartiers, mais surtout une fois dans ces structures leur sécurité n’était pas toujours assurée.

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c) Entreprendre un dialogue politique inclusif avec toutes les parties prenantes La cause de la crise actuelle étant politique, sa résolution passe par un dialogue politique inclusif de tous les acteurs en vue du retour à une paix durable. Toutes les parties prenantes : partis poli-tiques, organisations de la société civile, leaders religieux et communautaires etc. doivent prendre part au dialogue et s’atteler à trouver des solutions pour l’intérêt supérieur du peuple burundais. d) Adopter des stratégies, politiques et programmes qui favorisent l’accès aux droits économiques sociaux et politiques Ces politiques et programmes doivent être arrimés aux ODD et à l’agenda 2063 de l’U.A et vise-ront à créer un environnement qui favorise une intégration socio-économique durable dans les communautés, en particulier pour les femmes et les filles et les jeunes. Les agendas précités met-tent une importance particulière à la cible femmes et jeunes pour l’atteinte des objectifs visés.

Le Comité relève avec préoccupation que la traite des personnes subsiste dans l’État partie, notam-ment à des fins d’exploitation sexuelle, de travail ou de mendicité, et regrette l’absence d’informations précises sur l’ampleur de ce phénomène, l’absence d’une législation spécifique et d’un plan d’action national de lutte contre la traite. Il relève, suite aux informations fournies par l’État par-tie, qu’il n’y a pas eu de condamnations et que les affaires concernant la traite sont toujours en cours d’instruction (art. 8). L’État partie devrait prendre des mesures, notamment l’adoption de la loi spécifique et du plan d’action en cours de préparation pour prévenir et lutter contre la traite des êtres humains. Il devrait également enquêter sur tous les cas de traite, poursuivre les responsables et s’ils sont reconnus cou-pables, les sanctionner avec des peines appropriées et prendre des mesures nécessaires pour que les victimes reçoivent une réparation adéquate. Il devrait, enfin, conduire les campagnes de sensibilisa-tion de sa population au sujet de la traite et renforcer la coopération avec les pays voisins afin de lut-ter efficacement contre la traite. (Observations finales concernant le deuxième rapport périodique du Burundi, Comité des droits de l’homme, 21 novembre 2014) des velléités de vengeance et la persistance d’un climat d’insécurité et de peur. Pour restaurer l’Etat de droit, il est tout aussi important que le gouvernement respecte ses engagements au titre des traités et conventions ratifiés et à travers la mise en œuvre des recommandations des mécanismes des droits de l’homme. La traque aux opposants et aux défenseurs des droits de l’homme doit prendre fin et la liberté d’association et de réunions ainsi que la liberté de la presse doivent être promus et protégés. Les personnes soupçonnées ou accusées d’atteintes aux droits de l’homme doivent en répondre devant les instances judiciaires appropriées et dans le strict respect de leurs droits, durant un procès juste et équitable, répondant aux normes internationales en la matière.

Ces stratégies et programmes devront en outre intégrer une approche holistique pour répondre aux besoins des survivants de violations des droits de l’homme et / ou d’abus incluant la violence sexiste en mettant l’accès sur les DESC.



VI. CRISE POLITIQUE AU BURUNDI: LES SECTEURS DE LA SANTÉ ET DE L’ÉDUCATION PAIENT LE PRIX DES COUPES BUDGÉTAIRES Sous les effets combinés du blocage politique et des sanctions de la communauté internationale, l’économie du Bu-rundi a été négativement impactée par la crise en cours depuis avril 2015 suite à la décision du Président Pierre Nku-runziza de se présenter a un autre mandate présidentiel. Avec un PIB de 315, 2 dollars par habitant selon le dernier clas-sement du Fonds Monétaire International (FMI) en 2015, ce pays devient le pays le plus pauvre du monde. Pour s’en sortir, le Gouvernement burundais essaie d’avoir recours à des expédients tels que des coupes dans les budgets sociaux. Si la baisse significative de 19,33 % du budget de l’Etat, passant de 1562917665790 BIF en 20156 à 1260658064658 BIF en 20167 a touché presque tous les secteurs de la vie socio-économique du pays, les secteurs de la santé

1. Des coupes drastiques des dépenses de la santé De 2015 à 2016, le secteur de la santé parait le plus touché des coupes budgétaires. Il a connu une chute dras-tique (de 54 %) des dépenses qui lui sont allouées. En effet, les dépenses budgétaires affectées au secteur de la santé qui s’élevaient à 215,979 milliards en 2015 sont passées à 99,336 milliards en 2016. Si elle n’a pas affecté les dépenses du personnel qui sont restées stables à 35,444 milliards, cette baisse des dépenses budgétaires a particulièrement touché les dépenses d’investissement qui sont passées de 138,637 milliards à 24,576 milliards, soit une chute drastique d’environ 82% avec un impact négatif, notamment sur la construction des infrastructures et autres équipements sanitaires. Cette tendance n’augure pas de meilleurs lendemains pour le pays, dans la mesure où l’offre sanitaire a vocation à répondre aux besoins de la population en soins de santé qui s’accroissent jour après jour avec les aléas de la nouvelle crise politique. Selon les données récentes10 du Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies (OCHA) au Burundi, la moitié de la population burundaise est

6 La monnaie BIF s’entend Franc Burundais, pour la suite du texte, tous les chiffres du budget sont en Franc Burundais, la préci-sion ne sera donc plus nécessaire. Voir Loi des finances No 1/36 du 31 décembre 2014.

11 Suivant les dispositions de l’article 55 de la Constitution « Toute personne a le droit d’accéder aux soins de santé ».

7 Loi des finances No 1/22 du 31 décembre 2015. 8 Suivant les dispositions de l’article 52 portant promulgation de la Constitution de la République du Burundi, « Toute personne est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développe-ment de sa personne, grâce à l’effort national et compte tenu des ressources du pays ».

12 L’article 12 du Pacte dispose que « 1. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit qu’à toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre. 2. Les mesures que les Etats parties au présent Pacte prendront en vue d’assurer le plein exercice de ce droit devront comprendre les mesures nécessaires pour assurer: a) La diminution de la mortinatalité et de la mortalité infantile, ainsi que le développement sain de l’enfant; b) L’amélioration de tous les aspects de l’hygiène du milieu et de l’hygiène industrielle; c) La prophylaxie et le traitement des maladies épidémiques, endémiques, professionnelles et autres, ainsi que la lutte contre ces maladies; d) La création de conditions propres à assurer à tous des services médicaux et une aide médicale en cas de maladie.

Suivant les dispositions de l’article 3 alinéa 1er du Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, « Cha-cun des Etats parties au présent Pacte s’engage à agir, tant par son effort propre que par l’assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique, au maximum de ses ressources disponibles, en vue d’assurer progressi-vement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l’adoption de mesures législatives ».

9

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(1) et de l’éducation (2) ont dû payer le plus lourd prix. Et pourtant, l’Etat burundais se trouve face à ses obligations nationales8 et internationales9 de réalisation au profit de ses citoyens des droits économiques, sociaux et culturels de plus en plus affec-tés par la crise.

10 OCHA Burundi, Humanitarian brief, November 2016.de sa personne, grâce à l’effort national et compte tenu des ressources du pays ».


Même si la chute des dépenses budgétaires allouées à la santé peut s’expliquer par les effets pervers de la crise, elle ne saurait dégager l’Etat de ses obligations nationales11 et internationales12. D’ailleurs, pour parvenir à garantir le droit à la santé des Burundais ainsi que s’engage l’Etat à le faire, le 9 octobre 2015, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels lui a recommandé d’allouer des ressources suffisantes au secteur de la santé et de poursuivre ses ef-forts pour garantir l’accessibilité, la disponibilité et la qualité des services de santé, en particulier dans les zones rurales et reculées. Le Comité recommande en particulier « d’améliorer l’infrastructure du système de soins de santé primaires et de veiller à ce que les hôpitaux disposent du personnel médical, des fournitures et des médicaments d’urgence néces-saires ». Aussi, sans une allocation conséquente des ressources nécessaires, paraitratil difficile à l’Etat burundais de mettre en œuvre plusieurs recommandations des mécanismes internationaux au titre de ses obligations. L’Angola, à la vingt-troisième session du Conseil des droits de l’homme, lors de l’Examen périodique universel, a recommandé au Burundi de « poursuivre les efforts en vue d’améliorer l’accès de la population aux services et soins de santé primaires ». Pour sa part, le Comité des droits de l’homme, en octobre 2015, a recommandé au Burundi de prendre les mesures néces-saires pour prévenir la propagation du VIH/Sida, du paludisme et de la tuberculose, et de prêter l’attention voulue aux groupes à risque. Le secteur de la sante n’est pas le seul touché, les dépenses allouées au secteur de l’éducation réduisent aussi les capacités de l’Etat à respecter

ses engagements.

2. Une diminution sensible des dépenses de l’éducation Le secteur de l’éducation peut être considéré comme le second secteur social le plus touché par les réductions budgétaires consécutives à la crise qui frappe le Burundi depuis avril 2015. Le Gouvernement a dû faire recours à plu-sieurs moyens pour s’adapter à la nouvelle donne économique. D’abord, dans l’élaboration du budget 2016, le Gouvernement a décidé de désormais coupler dans un même portefeuille deux différents ordres d’enseignement. Ainsi, le minis-tère de l’enseignement de base et secondaire, de l’enseignement des métiers, de la formation professionnelle et de l’alphabétisation et le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique ont été couplés pour donner le ministère de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Ce couplage peut s’analyser comme ayant pour principale visée de réduire les dépenses d’investissement, de fonctionnement et autres charges liées notamment à la logistique et au matériel, alors qu’une importance accrue13 est de plus en plus donnée à l’enseignement de base qui doit être obligatoire, surtout dans un pays en développement comme le Burundi. Ensuite, le Gouvernement a dû réduire sensiblement les dépenses budgétaires allouées au secteur de l’éducation, les faisant passer de 346,563 mil-liards en 2016 à 243,182 milliards pour une réduction d’environ 30 %. Enfin, on remarque que cette baisse affecte de façon drastique les investissements du secteur qui passent de 110,891 milliards à 14,335 milliards. Une chute des investissements de 87 % qui impacte dangereusement l’enseignement de base, l’enseignement secondaire et professionnel. Cette nouvelle tendance dans les dépenses allouées au secteur ne peut répondre véritablement aux besoins rela-tifs à la crise qui frappe le secteur. D’ailleurs, OCHA Burundi qui tire la sonnette d’alarme, avertit que 530.000 enfants en âge de scolarisation n’ont pas accès à un environnement sécurisé d’apprentissage14. Environ 300 salles de classes

L’enseignement de base reçoit d’ailleurs la priorité des financements extérieurs des partenaires techniques et financiers. Ceci pour permettre à ces Etats de réaliser pleinement le droit à l’éducation des enfants à bas âge. Suivant les dispositions de l’article 13 du Pacte, « … L’enseignement primaire doit être obligatoire et accessible gratuitement à tous; b) L’enseignement secondaire, sous ses différentes formes, y compris l’enseignement secondaire technique et professionnel, doit être généralisé et rendu accessible à tous par tous les moyens appropriés et notamment par l’instauration progressive de la gratuité… » ; Suivant les dispositions de l’article 28 de la Convention relative aux droits de l’enfant, les Etats partie « rendent l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous »

LES DROITS DE L’HOMME ET LES OBJECTIFS DE DEVELOPPEMENT DURABLES AU BURUNDI

affectée par le paludisme, maladie qui a causé deux fois plus de morts en 2016 qu’en 2015. La diarrhée chronique affecte un enfant sur quatre, comptant pour les causes de 83 décès sur 1000 chez les moins de vingt ans. Ces chiffres alarmants ont amené le bureau de OCHA au Burundi a estimer à 3 millions le nombre de personnes en besoin urgent de santé.

13

14

OCHA Burundi, ibid.

35


détruites15 par les catastrophes naturelles n’ont pas été reconstruites. En 2016, certaines écoles continuent d’être attaquées ou occupées16 par les forces de défense ou de sécurité.

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Cette situation contraste avec les obligations qui sont celles du Burundi en matière du droit à l’éducation. En février 2013, dans ses observations finales et recommandations relatives au rapport périodique de la République du Burundi, la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples avait demandé à l’Etat burundais de « renforcer les politiques et les programmes dans le domaine de l’éducation en vue de rendre obligatoire l’enseignement primaire et examiner la possibilité d’étendre la gratuité des frais scolaires au niveau secondaire ». Par ailleurs, plus récemment, le 9 octobre 2015, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, dans ses observations finales concernant le rapport initial du Burundi, recommande à l’État partie « de prendre des mesures pour garantir l’application effective de la gratuité des frais de scolarité au niveau de l’enseignement primaire; de prendre les mesures nécessaires pour garantir l’accès de tous les enfants au système éducatif, en encourageant l’éducation inclusive pour les enfants ayant un handicap; et de remédier d’urgence au taux élevé d’abandon scolaire dans le primaire et le secondaire, particulièrement concernant les filles ». Le Comité lui recommande aussi « d’améliorer la qualité et l’infrastructure des écoles, en particu-lier dans les zones rurales, et de veiller à ce que tous les établissements scolaires des zones rurales disposent d’installations de distribution d’eau et d’assainissement adéquates, et en particulier d’installations sanitaires séparées pour les filles et les garçons ». ------En somme, les secteurs de la santé et de l’éducation sont durement affectés par les coupes budgétaires avec le prix qu’en paient plus particulièrement les droits à l’éducation et à la santé. En outre, les secteurs de veille pour la réalisa-tion des droits économiques, sociaux et culturels comme le secteur des droits de l’homme et le secteur de la gouvernance subissent le même sort. De 22,910 milliards en 2015, le secteur des droits de l’homme a vu ses dépenses réduites à 7.969 milliards en 2016. Par ailleurs, si en 2015 les dépenses allouées au 15 16

Ibid. Ibid.

secteur de la gouvernance étaient de 12,164 milliards, elles sont retombées à 4,733 milliards en 2016. Dans le même temps, pour des raisons de sécurité ou de défense de la nation, le secteur de la sécurité avec les dépenses passant de 73.892 milliards en 2015 à 63,865 milliards en 2016 et le secteur de la défense, avec une légère baisse des dépenses allouées passant de 122.851 milliards en 2015 à 109.850 mil-liards BIF en 2016, conservent la faveur du Pouvoir dans l’allocation des dépenses budgétaires. Mais à quand la fin des soucis sécuritaires? A quand la restitution des dépenses sociales obligatoires pour une restauration des droits économiques sociaux et culturels?



VII. DEVELOPPEMENT D’INFRASTRUCTURES Introduction En 2008, le Conseil des Droits de l’Homme a approuvé le cadre conceptuel développé par le Pro-fesseur John Ruggie, Représentant spécial de l’ONU sur les droits de l’Homme et les sociétés transnationales et autres entreprises. Ce cadre repose sur trois principes « Protéger, Respecter, répa-rer ». Ces principes applicables aussi bien dans la réalisation de projets que dans les activités quotidiennes avec les entreprises recommandent aux Etats de protéger les droits de l’homme, aux en-treprises de respecter les droits de l’homme et soulignent la nécessité pour les victimes de viola-tions d’avoir accès à des voies de recours en vue de la réparation des préjudices subis. La crise so-cio politique que traverse le Burundi depuis avril 2015 a marqué un tournant décisif pour les in-vestissements au Burundi. Cet état de fait est renforcé par la suspension des aides apportées par les partenaires techniques et financiers, la faible performance économique au cours des dix dernières années exacerbée par les tensions inter ethniques, la fermeture de plusieurs entreprises suite à l’instabilité observée ces derniers mois. Le Burundi est l’un des plus petits pays africains par la taille, et connait aujourd’hui une crois-sance démographique qui entraine de fortes pressions sur les espaces. Si la cession des terres en tient rarement compte, les concessions foncières attribuées par l’Etat sont à l’origine des pénuries foncières observées en zones rurales et urbaines aujourd’hui. La faible prise en compte des droits de l’homme dans les projets d’investissement, l’absence de coordination dans les investissements accentue les pressions foncières ce qui entame sérieusement l’exercice du droits économiques so-ciaux et culturels des populations.

38

Le Burundi a officiellement manifesté sa volonté à faire partie de

l’Initiative de Transparence dans les Industries Extractive le 20 janvier 2015. Le pays dispose d’importantes ressources minières no-tamment du Nickel et de ses minéraux associés à savoir le cuivre, le cobalt et les éléments du Groupe de platine, du vanadium, de la cassitérite, de la colombo-tantalite, de la wolframite, des terres rares, de la tourbe, de divers minéraux industriels et des indices d’Hydrocarbures. Dans le secteur de l’énergie, le bois occupe une place prépondérante et son usage excessif constitue une menace pour l’équilibre écologique. Eu égard à ce potentiel dont dispose le Burundi aux projets d’infrastructures initiés dans un contexte socio politique précaire, la nécessité s’impose aujourd’hui d’intégrer les droits de l’homme dans les initiatives de développement pour le plein épanouissement de sa population. La présente note explore: a) Le contexte sociopolitique dans lequel se déroulent les investissements au Burundi b) L’accès à l’information, la consultation et la participation des populations dans les projets d’investissement c) La précarité des droits fonciers et le régime des compensations d) Les voies de recours

I

Contexte sociopolitique et investissements au Burundi

A

Climat social et environnement des affaires

Le climat social tendu et le retrait des aides des partenaires financiers ainsi que la décision récente du Burundi de suspendre la coopération avec l’ONU en matière des droits de l’homme sont des facteurs restrictifs à l’investissement.

B

Impacts sociaux des projets d’infrastructure

Il est observé un fort taux de déperdition scolaire et un taux élevé d’IST-SIDA dans les zones d’exécution des projets d’infrastructures notamment dans la zone de Cibitoke

a)

Accès à l’emploi


réunit tous les acteurs autours d’une même table. Absence d’un Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti (SMIG) institué dans le Code du travail burundais

Le Comité note avec inquiétude que l’Etat partie n’a pas fixé un salaire minimum au niveau national (art. 7) Le Comité exhorte l’Etat partie à fixer un salaire minimum national en concertation avec les parte-naires sociaux à un niveau suffisant et régulièrement indexé afin de garantir à tous les travailleurs et aux membres de leurs familles des conditions de vie décentes. (Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observations finales concernant le rapport initial du Burundi E/C.12/BDI/CO/1 9 octobre 2015) •

II

Mauvaises conditions de travail les travailleurs sont dans beaucoup de cas pieds nus, sans équipements de protection et d’outils adaptés Consultation et participation des populations

A- Déficit d’accès à l’information Le principe 10 de la Déclaration de Rio prévoit qu’« Au niveau national, chaque individu doit avoir dûment accès aux informations relatives à l’environnement que détiennent les autorités pu-bliques, y compris aux informations relatives aux substances et activités dangereuses dans leurs collectivités, et avoir la possibilité de participer aux processus de prise de décision. Les Etats doi-vent faciliter et encourager la sensibilisation et la participation du public en mettant les informa-tions à la disposition de celui-ci ». Inexistence d’un cadre de diffusion des informations ni de coordination gouvernementale sur les informations à diffuser et de mécanismes de participation des citoyens aux réformes qui les con-cernent directement. Il n’existe pas de mécanisme de discussion inclusif qui

L’absence d’information a pour corollaires d’atténuer l’effet des études d’impact environnemen-tales et sociales des projets, ce qui permettrait d’évaluer et d’anticiper les effets négatifs de ces der-niers sur l’environnement et les populations. Par ailleurs, on note une opacité entretenue en ma-tière d’accès à l’information car les cahiers de charge des entreprises une fois signés avec l’Etat res-tent confidentiels, limitant ainsi la possibilité pour les populations de revendiquer leurs droits. Cette situation n’est pas préjudiciable uniquement aux populations mais également aux services administratifs décentralisés qui dans bien des cas ne peuvent effectivement évaluer le respect des engagements des entreprises ce d’autant plus qu’ils ne disposent pas toujours de moyens logis-tiques, techniques et financiers nécessaires pour assurer un suivi de proximité des travaux La radiation/suspension ainsi que les intimidations des organisations de la société civile et des média qui pourraient servir de relai entre l’Etat, les entreprises et les communautés riveraines méri-tent une grande attention car leur absence laisse les populations abandonnées à ellesmêmes sans interlocuteurs capables de relayer leurs préoccupations

B

Consultation et participation des populations riveraines

La nécessité d’initier des processus de réformes participatifs qui impliquent les populations à la base. L’un des problèmes lié à la participation des populations riveraines provient de la mise à l’écart systématique de ces communautés lors de l’élaboration des activités se rapportant à des pro-jets susceptibles d’avoir des répercussions sur leur mode de vie Les mécanismes de consultation des populations avant pendant et après l’exécution de projets d’infrastructures sont inexistants. Cet état de fait limite la possibilité pour les riverains de deman-der des comptes une fois que les projets d’infrastructure sont lancés. La consultation suppose que les communautés locales soient éduquées et formées sur les contours voir les implications des activités à mener dans leurs zones d’activité. L’expérience montre qu’elles ne sont pas

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toujours outillées pour indiquer leurs attentes et assurer leur prise en compte par les entreprises.

compensa-tions ne tiennent pratiquement pas compte des réalités locales.

Non maîtrise des principes de consultation préalable libre et informé par les acteurs clés.

La redevance foncière dans le cadre de projets agro-industriels est dans bien des cas dérisoire et ne profite pas véritablement à l’Etat

III

Précarité des droits fonciers et régime des compensations

Absence d’une cartographie des espaces Absence d’un schéma directeur d’aménagement et d’une stratégie de développement du secteur rural au Burundi qui permettent de réglementer l’utilisation des espaces.

B

Accès aux bénéfices

L’infrastructure doit pouvoir bénéficier autant aux riverains qu’à l’ensemble de la population. De ce fait, le prix social de la construction d’une infrastructure (barrage, chemin de fer etc.) doit pren-dre en compte les attentes des populations riveraines à travers la création d’emplois, des formations etc.

La majorité de la population burundaise vit en milieu rural, généralement convoité en ressources naturelles. La difficulté que pose l’exercice des droits fonciers coutumiers sur les terres et la nécessi-té de l’immatriculation pour la sécurisation des droits fonciers des populations. Celle-ci est sous scolarisée et ne maitrise pas les procédures d’obtention de titres fonciers qui sont souvent longues et couteuses

Le Comité est préoccupé de ce que malgré la mise en œuvre des cadres stratégiques de lutte contre la pau-vreté, une proportion importante de la population n’est pas en mesure de bénéficier d’un niveau de vie adé-quat. Les taux de pauvreté sont les plus élevés au sein des groupes les plus marginalisés et défavorisés, y compris les femmes, les Batwa et les personnes déplacées à l’intérieur du pays (art. 11).

L’inexistence d’un droit de préemption qui permettrait aux populations de signifier leur souhait de conserver leurs terres coutumières avant que celles-ci ne soient octroyées à des entreprises.

En rappelant à cet égard sa Déclaration sur la pauvreté et le Pacte international relatif aux droits écono-miques, sociaux et culturels (2001), le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour com-battre la pauvreté, en particulier l’extrême pauvreté, en veillant à ce que les programmes sociaux établis à cet effet soient mis en œuvre dans la perspective fondée sur les droits de l’homme et dotés des ressources nécessaires et en accordant l’attention aux besoins des individus, des familles et des groupes sociaux les plus défavorisés et marginalisés. (Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observations finales concernant le rapport initial du Burundi E/C.12/BDI/CO/1 9 octobre 2015)

IV

Régime des compensations et accès aux bénéfices

A

Régime des compensations

Les textes régissant le régime des compensations ne tiennent pas toujours compte des ressources non plantées par les populations, de la relation qu’entretiennent les populations avec la terre et les ressources notamment pour l’alimentation, la pharmacopée

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Il est fréquent qu’au moment des expropriations, les populations n’aient pas reçu leurs compensa-tions. La plupart des textes de lois datent de périodes où les investissements massifs à grande échelle n’étaient pas aussi intenses qu’aujourd’hui par conséquent, les montants des

126.152 Garantir la pleine application du Cadre stratégique de croissance et de lutte contre la pauvreté (Madagascar);


126.154 Continuer à donner un rang de priorité élevé aux secteurs relevant du Cadre stratégique de crois-sance et de lutte contre la pauvreté et faire en sorte que les ressources nécessaires soient allouées à sa mise en œuvre (Afrique du Sud); 126.155 Donner un degré de priorité élevé à la planification d’un développement socioéconomique axé sur l’être humain et fondé sur les résultats conformément à Vision Burundi 2025 (Zimbabwe); 126.156 Solliciter l’assistance voulue, auprès de partenaires appropriés, pour relever le faible taux d’alphabétisation, soumettre des rapports aux organes conventionnels et appliquer le Cadre stratégique de croissance et de lutte contre la pauvreté (Burkina Faso); 126.157 Poursuivre l’application de la stratégie de réduction de la pauvreté en mettant en œuvre le deu-xième Cadre stratégique de croissance et de réduction de la pauvreté et promouvoir le développement éco-nomique et social qui permettra au pays de mieux protéger et promouvoir les divers droits de sa population (Chine) (Conseil des droits de l’homme Vingt-troisième session Point 6 de l’ordre du jour Examen périodique uni-versel Rapport du Groupe de travail sur l’Examen périodique universel A/ HRC/23/9 25 mars 2013)

V Les voies de recours Le régime de la propriété collective n’est pas reconnu à des villages/ collines au Burundi, dans ce cas précis, la qualité de propriétaire des populations riveraines est contestable notamment pour la cession des terres. Les coûts induits d’accès des populations à la justice ne sont pas à la portée des populations qui vivent en deçà du seuil de pauvreté (avocat, frais de justice, frais de transport etc.). La couverture judiciaire inégale constitue également un défi majeur, il est donc important de poursuivre les procès mobiles afin de rapprocher davantage le justiciable des juridictions xix. Sensibiliser toutes les couches de la population sur leurs droits, les procédures judiciaires et les voies de recours existantes; xx. Prendre toutes les mesures nécessaires pour fournir une assistance judiciaire aux démunis et aux prévenus accusés d’infractions passibles de lourdes peines (Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, Observations finales et recommanda-tions relatives au rapport périodique de la République du Burundi, 19 au 25 février 2013)

Les populations disposent également de recours non judiciaires peu couteux mais dont la force n’est pas obligatoire. L’intérêt de tels processus réside surtout dans l’incidence que de telles dé-marches peuvent avoir sur l’image de marque des entreprises. Il est important toutefois de souli-gner que les populations sont peu informées de l’existence de ces mécanismes dont la saisine dé-pend parfois de l’origine de l’entreprise, de ses financements ou de son affiliation à des standards d’opération sociale ou environnementales (Initiative de transparence dans les industries extractives, Forest Stewarship Council etc.) VI Recommandations a) Adopter une loi sur l’accès à l’information qui intègre la publication

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126.153 Renforcer les efforts visant à accroître la sécurité alimentaire pour l’ensemble de la population, et en particulier les personnes des régions rurales vivant dans l’extrême pauvreté, et augmenter les crédits bud-gétaires affectés aux infrastructures sociales et aux services sociaux, notamment dans les domaines de la san-té, de l’éducation, de l’eau et de l’assainissement (Namibie);

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des clauses contractuelles entre l’Etat et les entreprises b) Instituer un mécanisme de cartographie participative qui permet aux populations /villages de réclamer le respect de leurs droits coutumiers sur des parcelles de terres qui pourraient être occupées par des projets d’infrastructure. c) Vulgariser et accompagner la mise en œuvre du cadre et des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme ainsi que les instruments juridiques internationaux et régionaux contraignants en la matière auprès des différents acteurs notamment l’Etat, le parle-ment, les entreprises, les organisations de la société civile, les populations d) Mettre en place des mécanismes de suivi des droits de l’homme et du genre au sein des entre-prises à l’instar des points focaux ; e) Définir de manière participative les critères de performance en matière de responsabilité sociale des entreprises, afin d’assurer des avancées en matière de droits de l’homme dans les entre-prises ; f) Former et recycler les personnels des institutions étatiques et les acteurs clés sur les droits de l’homme et les entreprises g) Encourager les acteurs étatiques et les entreprises à améliorer leur communication et échanger avec les autres acteurs, sur les bonnes pratiques en matière de respect des droits de l’homme ; h) Créer un cadre de concertation entre les différents acteurs pour une bonne mise en œuvre des principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme i) Veiller au respect formel des clauses des contrats de manière à ce que les cahiers de charge dé-clinent clairement les responsabilités de chaque acteur; j) Sensibiliser davantage les autorités administratives et les magistrats municipaux sur la gestion des redevances foncières, forestières et minières; k) Faire un état des lieux de la mise en œuvre de la législation en vigueur en matière de respect des droits de l’homme dans le cadre des activités des entreprises au Burundi l) Poursuivre les procès itinérants et adopter des mesures incitatives visant à faciliter l’accès des populations à la justice m) Prendre en compte l’ensemble des composantes des communautés (femmes, jeunes, peuples autochtones etc.) au moment des compensations afin d’éviter d’accroitre les inégalités n) Adapter les modalités et le taux de compensation des populations

affectées par les projets d’infrastructure aux coûts réels Textes de référence: Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, mise en œuvre du cadre de réfé-rence « protéger, respecter et réparer » des Nations Unies, Nations Unies Droits de l’Homme HautCommissariat, 2011 Les droits de l’homme au cœur de la responsabilité sociale des entreprises, OIF novembre 2011


burundi@ohchr.org

www.burundi.ohchr.org


Office du Haut Commissaire aux Droits de l’Homme au Burundi 16 Avenue Makamba, Rohero1, Bujumbura


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