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CONNAISSA

NCE

S DES SAINTPS M DE NOTRE TE

LES CONSACRÉS

Édith Stein

Thérèse-Bénédicte de la Croix

1891-1942

Dieu conduit chacun des chemins particuliers par


Edith Stein,

sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix

« Quand il viendra, lui, l’Esprit de Vérité, il vous guidera vers la vérité toute entière »

Jn 16,3


BIOGRAPHIE

Édith Stein

Edith Stein naît en 1891 à Breslau, dans une famille juive. Sa quête de vérité la conduit, par la phénoménologie de Husserl, à sa conversion, lors de la lecture de la Vie de sainte Thérèse d’Avila. Après une intense activité d’enseignante et de conférencière, elle entre au carmel de Cologne où elle devient sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix. En 1942, elle est déportée et gazée à Auschwitz, solidaire avec son peuple.

Dans une famille juive… Edith Stein est née en la fête juive de Yom Kippour, jour du Grand Pardon, en 1891 à Breslau, en Prusse (aujourd’hui Wroclaw en Pologne). Dans son autobiographie Vie d’une famille juive, elle décrit la vie familiale dans un milieu juif libéral, autour de sa mère Augusta, une femme forte et croyante, qui gère le commerce de bois après la mort prématurée de son époux, alors qu’Edith n’a que deux ans. Dernière de onze enfants, dont quatre morts en bas âge, Edith est une enfant à l’intelligence exceptionnellement précoce, très sensible et dotée d’un caractère qu’elle qualifie elle-même de « vif-argent ».  Autour de ses sept ans, elle découvre la réalité de ce monde intérieur qui n’est accessible qu’à elle-même et dont elle ne voit ni la nécessité ni la possibilité de parler : « Il y avait […] un monde caché au plus profond de moi. Ce que je voyais et entendais au cours de la journée y était comme assimilé et médité1. » Son aptitude naturelle à saisir et à analyser les mouvements intérieurs l’aidera plus tard dans son travail philosophique et sa vie spirituelle.

> 1891 : naissance à Breslau en la fête du Grand Pardon > 1916 : thèse de doctorat sur l’empathie soutenue à Fribourg en Brisgau > 1921 : conversion en lisant sainte Thérèse d’Avila > 1933 : entrée au carmel de Cologne > 1939 : départ pour le carmel d’Echt > 1942 : assassinée à Auschwitz avec sa sœur Rosa et des millions d’autres juifs > 1998 : canonisée par le pape Jean-Paul II > 1999 : co-patronne de l’Europe avec saintes B. de Suède et C. de Sienne religion juive n’a plus aucune place, Edith Stein affirme avoir consciemment arrêté la prière : « C’est là que, de manière très consciente et délibérée, j’ai perdu l’habitude de prier.2 » La question de Dieu disparaît de son horizon : elle entre alors dans une période d’« athéisme pratique ». En revenant à Breslau, elle rattrape l’année perdue, avec le soutien de précepteurs, et poursuit ses études jusqu’à obtenir brillamment son baccalauréat, chose alors rare pour les filles. Mais sa vie ne se réduit pas aux livres, comme le laisse percevoir la description détaillée de ses relations amicales. Cela vaut surtout pour le « Trèfle à Quatre Feuilles » formé par Edith, sa sœur Erna et deux de leurs amies, Rose Guttmann et Lilli Platau.

La joie des études (Breslau et Göttingen)

Ayant hérité de la force de volonté de sa mère, Edith décide à 14 ans d’interrompre ses études pour aller aider sa sœur Else à Hambourg, et s’occupe de ses neveux pendant presque une année. Dans ce foyer où la

Amitié et études sont intimement liées, puisque les quatre amies du Trèfle étudient toutes à l’université de Breslau. Edith s’engage, dans la liberté académique la plus totale, dans un programme très chargé constitué de cours d’histoire, d’allemand, de philologie ancienne, de psychologie et de philosophie, auxquels s’ajoutent les rencontres régulières d’un groupe de pédagogie. Son intérêt pour la personne humaine la conduit d’abord

1. Vie d’une famille juive, éd. du Cerf, Paris, 2008, p. 98.

2. Ibid., p. 190.

Edith Stein adolescente : indépendance et amitiés

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REPÈRES

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BIOGRAPHIE

à la psychologie, discipline alors en pleine croissance, fondée essentiellement sur les sciences naturelles. Mais la psychologie expérimentale déçoit la jeune femme en quête de vérité. Elle s’oriente alors, par l’intermédiaire d’un ami, vers les œuvres d’Edmund Husserl, le fondateur du courant philosophique de la phénoménologie, et décide de quitter Breslau pour aller étudier auprès de lui à Göttingen. Elle y rencontre un nouveau monde et de nouveaux amis qui l’initient à la phénoménologie husserlienne, dont elle adoptera désormais la méthode pour ses futurs travaux et en particulier son questionnement au sujet de la personne humaine. Elle démontre sa grande créativité intellectuelle dans son travail de thèse chez Husserl, en appliquant la méthode phénoménologique à une question particulière, le problème de l’empathie. Edith Stein pense qu’il est possible de connaître non seulement l’« extérieur » d’une personne (par exemple son aspect physique, le ton de sa voix, etc.), mais également ses vécus et donc son « monde intérieur », précisément par empathie. La rédaction de ce travail coïncide en partie avec la Première Guerre mondiale. En 1914, elle se porte volontaire pour la Croix Rouge et passe plusieurs mois l’année suivante à soigner les blessés de guerre dans un lazaret en MährischWeisskirchen.

Désespoir et dépression La guerre, le travail effréné et l’ambition qui la porte la conduisent à faire l’expérience du désespoir. Elle cultive la conviction d’être appelée à une grande destinée à travers sa recherche philosophique originale. Aussi se met-elle dans une situation de tension extrême : elle s’impose une surcharge de travail qui la mènera, à plusieurs reprises, à des épisodes de dépression profonde que l’on appellerait sans doute aujourd’hui « burn out ». Dans différents écrits postérieurs, elle soulignera combien la beauté – les paysages, la musique de Bach – mais aussi l’amitié – celle d’Adolphe Reinach et son soutien pour entamer le travail de rédaction de sa thèse – l’aideront à sortir de ces périodes. Elle mentionne également, pour la première fois, une expérience mystique de repos en Dieu qui la revigore au point d’en être entièrement renouvelée.

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Expérience spirituelle et conversion Pendant ses études à Göttingen, puis à Fribourg en Brisgau – où elle a suivi Husserl pour soutenir sa thèse et devenir son assistante en 1916  – Edith Stein est préparée à accueillir la foi chrétienne, tant par des rencontres que par ses lectures : à Göttingen d’abord, où elle fait connaissance avec Max Scheler et Adolphe Reinach, deux de ses professeurs qui demeureront pour elle un soutien à la fois intellectuel et spirituel. Sa rencontre avec Anne Reinach, juste après la mort de son époux au front en 1917, sera également fondamentale : elle perçoit alors clairement la force qui émane de la Croix du Christ qui permet à son amie de vivre le deuil de son mari tant aimé. Enfin, ses lectures seront également capitales : dans les années qui précèdent son baptême, elle lit saint Augustin et les Exercices de saint Ignace de Loyola. Dès 1918, elle écrit à son ami philosophe Roman Ingarden qu’elle est arrivée à un « christianisme positif ». Ses écrits philosophiques de l’époque reflètent d’ailleurs, bien que modestement, son ouverture religieuse et chrétienne. Mais l’événement décisif sera la lecture de La Vie de sainte Thérèse d’Avila, à l’été 1921, chez des amis, Hedwige et Théodore Conrad-Martius, chez qui elle séjourne à Bergzabern : Thérèse y raconte en effet comment elle a trouvé en Jésus-Christ la Vérité de sa vie. Edith en est bouleversée : elle est, comme Thérèse, une femme assoiffée de vérité. Ce qu’elle espérait trouver dans son travail philosophique, elle le saisit en Celui qui l’a déjà saisie : Jésus, le Christ, la Vérité en personne. Elle décide alors de demander le baptême dans l’Église catholique et le reçoit à Bergzabern le 1er janvier 1922.

L’enseignante, la conférencière, l’universitaire Après son baptême, elle enseigne l’histoire, l’allemand et le latin, à l’école normale des Dominicaines de Spire. Bien qu’étant elle-même surdouée, elle prête tout particulièrement attention aux élèves les 7


BIOGRAPHIE

plus faibles et ne surestime pas leurs capacités intellectuelles. Elle fait bénéficier ses élèves d’une éducation intégrale de la personne humaine, d’un point de vue à la fois naturel et surnaturel. En plus de son travail d’enseignante, elle entame un apostolat de conférencière dans les milieux catholiques, en Allemagne mais aussi en France, en Autriche et en Suisse. On lui demande des conférences sur des thèmes pédagogiques et sur la femme. À partir de 1932, elle enseigne à l’Institut de pédagogie scientifique de Münster où elle s’intéresse spécialement aux fondements anthropologiques de la pédagogie. Malgré l’activité débordante de cette époque, elle trouve le temps de la prière en silence, l’office liturgique et la messe quotidienne. À partir de 1928, elle se retire à Noël et à Pâques dans l’abbaye bénédictine de Beuron où elle participe à tous les offices et où elle peut rencontrer son accompagnateur, l’abbé Raphaël Walzer. En janvier 1933, Hitler prend le pouvoir. Peu après, elle est exclue de l’enseignement et cela la libère enfin pour répondre à son désir d’entrer au Carmel, déjà ancien.

L’attirance du Carmel Après avoir vécu à Breslau un dernier temps en famille, particulièrement éprouvant, elle entre, à 42 ans, au carmel de Cologne. Dans la vie religieuse, Edith Stein a pu choisir elle-même son nom religieux et son mystère : sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix. Elle retrouve la joie de son enfance et s’habitue peu à peu, avec peine d’ailleurs, aux nombreuses observances de la vie cloîtrée. Sa maîtresse des novices est à la fois dure, la soumettant à de nombreuses humiliations, mais aussi large, lui permettant, par exemple, de poursuivre la correspondance régulière avec sa famille (une lettre par semaine contrairement à l’usage en cours) et bien d’autres personnes. Ses supérieures lui demandent de rédiger des textes et des articles, essentiellement spirituels, mais aussi de préparer après ses premiers vœux son œuvre philosophique majeure Être fini et être éternel. Après l’avoir achevée en 1937, Edith reprend des offices plus ordinaires, comme celui d’infirmière ou de tourière. Parallèlement, sa vie au Carmel est marquée par les événements tragiques de son temps ; le mystère religieux qu’elle a choisi et reçu, la Croix, exprime sa vocation : participer à la Croix du Christ à travers la 8

persécution du peuple juif, son peuple. Dès avant son entrée au Carmel, sa lettre au pape Pie XI en 1933 montrait son implacable lucidité quant à l’idéologie nazie et ses conséquences.

Vers le martyre… À la fin de l’année 1938, après la Nuit de Cristal, elle part au couvent d’Echt aux Pays-Bas pour préserver sa communauté de Cologne d’éventuelles représailles. Pendant la Seconde Guerre mondiale, sœur Thérèse-Bénédicte reprend un travail de recherche, d’abord sur la théologie symbolique de Denys l’Aréopagite, puis sur saint Jean de la Croix qu’elle intitule la Science de la Croix. En 1942, à la suite de la courageuse lettre pastorale des évêques hollandais, elle est arrêtée avec sa sœur Rosa le 2 août 1942. Son dernier message jeté du train qui la conduit à Auschwitz, pendant un arrêt à Schifferstadt, porte ces mots brefs : « En route ad orientem. Sr Teresia Benedicta a Cruce. Edith Stein ». Alors que la déportation vers l’est signifie de fait la mort, elle identifie la mort pressentie avec l’oriens qui, dans le langage biblique et liturgique, désigne le Messie ressuscité. Dans le déchaînement destructeur du mal, elle vit le mystère du Christ mort et ressuscité.

Rayonnement Après sa mort, elle continue à rayonner. Au carmel de Cologne, l’archivage « Edith Stein » commence avec des boîtes de lettres et de témoignages stockées sous le lit de sœur Margareta Drügemöller. Le pape Jean-Paul II la béatifie en 1987 à Cologne, avant de la canoniser en 1998 à Rome. L’année suivante, elle est proclamée copatronne de l’Europe avec saintes Catherine de Sienne et Brigitte de Suède. ■ L’Église célèbre la fête de sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix le 9 août, jour de sa mort à Auschwitz en 1942.

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SPIRITUALITÉ

La spiritualité

unique et irremplaçable de chacun avec Lui ; notre capacité d’empathie entre personnes humaines renvoie à la possibilité d’une empathie entre Dieu et l’homme, une connaissance de Dieu par empathie ; notre liberté est la condition du don de soi dans l’union d’amour avec Dieu. Ce que nous sommes comme personnes humaines rend possible une relation personnelle avec Dieu, une relation qui ne cesse de s’approfondir.

d’Edith Stein

Quiconque vit avec la Sainte Église et dans sa liturgie, c’est-à-dire d’une manière véritablement catholique, se trouve incorporé à cette très grande communauté humaine

Le mystère d’Israël

(Poésie 83)

La spiritualité d’Edith Stein est marquée par sa quête de vérité, d’abord centrée sur la personne humaine, puis progressivement ouverte à Dieu qui nous appelle à la communion avec Lui. Elle approfondit tout au long de sa vie le mystère de la communion entre Dieu et l’homme à travers l’histoire du salut dans l’Ancienne Alliance, la venue du Verbe et la vie de l’Église.

Le fondement anthropologique de la spiritualité La question qui a accompagné Edith Stein tout au long de sa vie est celle de la personne humaine, et plus précisément celle de la personne humaine en tant qu’ouverte à Dieu. Déjà en 1917, elle disait dans une lettre à son ami philosophe Roman Ingarden qu’il est « impossible de conclure un enseignement sur la personne sans aborder la question de Dieu » (Lettre du 20 février 1917). Edith s’attache à souligner combien le mystère de l’homme s’éclaire dans le mystère de Dieu, et plus particulièrement dans le mystère du Verbe incarné. Tout notre être nous oriente en effet vers la communion avec Dieu : notre unicité donne lieu à une relation 10

Le baptême dans l’Église catholique n’est pas pour Edith Stein une rupture avec le peuple juif.  Au contraire, elle découvre ses propres racines progressivement, après avoir été baptisée. Déjà la date de son entrée dans l’Église est significative à cet égard : le 1er janvier était alors fêtée la circoncision de Jésus. Et le 2 février, jour de sa confirmation, l’Église célèbre la Présentation de Jésus au Temple. L’initiation chrétienne d’Edith Stein se fait à l’occasion de deux fêtes juives ! Plus tard, elle reste solidaire avec son peuple au moment de la persécution des juifs par les nazis, en écrivant par exemple au pape Pie XI en 1933 pour obtenir une condamnation du nazisme. Au Carmel, elle s’identifie de plus en plus avec la reine Esther, figure biblique qui intercède pour le peuple juif devant le roi Assuérus. Edith Stein est née en la fête de Yom Kippour, jour du Grand Pardon, et elle découvre sa propre mission de réconciliation en restant unie avec le peuple juif dans la persécution. À Fritz Kaufmann, un ami juif, elle disait peu après son entrée dans la vie religieuse : « Qui entre au Carmel n’est pas perdu pour les siens mais bien plutôt gagné : car c’est notre vocation de nous tenir devant Dieu pour tous. » (Lettre du 14 mai 1934)

La Croix du Christ Edith Stein est une amie de la Croix du Christ, au point de la choisir comme mystère religieux : son nom en religion sera désormais Thérèse-Bénédicte de la Croix. Or, aujourd’hui, nous ne voyons souvent que la Croixsouffrance, qui peut induire l’idée d’un christianisme morbide. Mais pour Edith Stein, malgré le contexte tragique de son époque (deux guerres mondiales), la

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SPIRITUALITÉ

Croix du Christ n’a rien à voir avec le masochisme. Elle y découvre avant tout la grandeur de l’amour qui va jusqu’au don de soi et qui se manifeste, victorieux de la mort et du péché. Lors de sa rencontre avec la veuve d’Adolphe Reinach juste après la mort de son époux, elle a « vu » la force et la lumière que la Croix du Christ communique aux croyants ! Edith Stein est marquée par cette vision foncièrement positive de la Croix. Celle-ci est le lieu de notre salut, de notre vie. Elle est le lieu, comme elle le dit avec une certaine audace, où se conclut le mariage spirituel, parce que celui-ci se fonde sur le don de soi mutuel, libre et plénier [cf. texte ci-dessous]. La Croix, pour Edith Stein, ne signifie pas simplement la souffrance du Christ, mais déjà en germe la Résurrection, au fond tout le mystère pascal.

La prière de l’Église Edith Stein rencontre à son époque une certaine tendance à opposer la prière liturgique et la prière silencieuse. Cette opposition artificielle la touche d’autant plus qu’elle a connu à la fois la beauté de la liturgie bénédictine et qu’elle est en même temps attirée par l’oraison, la prière prolongée en silence, telle qu’elle se pratique au Carmel. En 1936, au carmel de Cologne, on lui propose d’écrire un article qu’elle intitule « La prière de l’Église » qui lui permet de proposer une synthèse sur la prière chrétienne. Voici le cœur de son message : « Toute prière véritable est prière de l’Église » [cf. texte ci-dessous]. Mais en Église, les différentes formes de prière constituent un tout inséparable, car cette prière multiforme de l’Église est suscitée par l’Esprit Saint en qui s’originent tant les formes traditionnelles de prière que la prière personnelle des croyants. C’est le même Esprit qui a déjà animé la prière de Jésus, et cette prière était à la fois publique et personnelle. Jésus a prié comme un juif de son époque avec les psaumes, avec les pèlerinages et en célébrant les fêtes juives, mais il s’est aussi retiré pour prier en silence, pour cultiver la relation intime avec son Père. La prière de Jésus, animée par l’Esprit, est le modèle de la prière de l’Église qui est aussi notre prière.

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Vie eucharistique Parmi toutes les formes de prière de l’Église, les sacrements et surtout celui de l’Eucharistie occupent une place de choix. Le procès de canonisation fait découvrir presque à chaque page l’importance qu’Edith Stein accorde à l’Eucharistie, à la fois dans la continuité et dans la nouveauté par rapport à la Pâque juive. Dès sa conversion, elle se levait tôt pour pouvoir y participer quotidiennement. Elle insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas seulement d’y aller, mais de vivre une vie eucharistique. Cette vie est imprégnée par le sacrement de l’Amour : la liberté intérieure, le don de soi et la communion au Dieu eucharistique. La participation régulière à l’Eucharistie déploie une force transformatrice dans la vie de la personne, parce qu’au contact de l’amour célébré dans ce sacrement, nous sommes nousmêmes entraînés sur les voies de l’amour. ■

Un modèle pour aujourd’hui « Nous nous tournons aujourd’hui vers ThérèseBénédicte de la Croix, reconnaissant dans son témoignage de victime innocente, d’une part, l’imitation de l’Agneau immolé et la protestation élevée contre toutes les violations des droits fondamentaux de la personne ; d’autre part, le gage de la rencontre renouvelée entre juifs et chrétiens qui, dans la ligne voulue par le Concile Vatican II, connaît un temps prometteur d’ouverture réciproque. Déclarer aujourd’hui Edith Stein co-patronne de l’Europe signifie déployer sur l’horizon du Vieux Continent un étendard de respect, de tolérance, d’accueil, qui invite hommes et femmes à se comprendre et à s’accepter au-delà des diversités de race, de culture et de religion, afin de former une société vraiment fraternelle.» ■ Jean-Paul II, Lettre apostolique Spes aedificandi, in Documentation catholique n° 2213 (1999) 921.

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PRIÈRES

Les textes

d’Edith Stein

Cette lettre a été écrite en février 1928 à sœur Callista Kopf, dominicaine de Spire dans l’école même où Edith Stein enseignait. Edith, particulièrement proche des jeunes sœurs dominicaines, évoque comment elle conçoit son travail intellectuel et sa vie spirituelle à la suite de sa conversion.

C

’est au contact de saint Thomas [d’Aquin] que j’ai vraiment compris pour la première fois qu’il est possible de pratiquer la science comme un service de Dieu. […] Et ce n’est qu’à partir de ce moment-là que j’ai pu me décider à reprendre sérieusement un travail scientifique. À l’époque qui précéda immédiatement ma conversion, et durant toute une période ensuite, j’ai pensé que vivre la religion signifiait faire abstraction de tout ce qui est terrestre pour ne vivre qu’en pensant aux choses de Dieu. Mais j’ai progressivement compris qu’il nous est demandé autre chose en ce monde et que, même dans la vie la plus contemplative, on n’a pas le droit de couper la relation avec le monde ; je crois même que plus on est attiré profondément par Dieu et plus il faut aussi, en ce sens, « sortir de soi », c’est-à-dire aller vers le monde pour y porter la vie divine. Il importe simplement d’avoir dans les faits un coin tranquille où l’on puisse converser avec Dieu comme si absolument rien d’autre n’existait, et cela chaque jour : les heures matinales me semblent convenir pour cela, avant que le travail quotidien ne commence ; d’autant plus que l’on reçoit là sa mission particulière, au mieux aussi jour après jour, et que l’on ne choisit rien de soimême, enfin, que l’on se considère purement et simplement comme un instrument. ■

Au carmel de Cologne en 1936, sœur Thérèse-Bénédicte écrit une méditation ayant pour titre « La prière de l’Église ». Elle y montre comment la prière personnelle et la prière liturgique s’appellent mutuellement et forment ensemble la prière de l’Église.

D

ans le secret et le silence s’accomplit l’œuvre de la Rédemption. Dans le silencieux dialogue du cœur avec Dieu, les pierres vivantes sont préparées pour édifier le Royaume de Dieu, les instruments choisis sont forgés pour servir à la construction. Le fleuve mystique, qui perdure à travers les siècles, n’est pas un bras isolé et secondaire, qui se serait séparé de la vie de prière de l’Église, il est sa vie la plus intime. Lorsqu’il lui arrive de faire éclater les formes traditionnelles, c’est parce que l’Esprit vit en lui, cet Esprit qui souffle où il veut : lui qui a suscité toutes les formes traditionnelles et doit toujours en susciter de nouvelles. Sans lui, il n’y aurait ni liturgie ni Église. […] Le fleuve mystique forme ce chant polyphonique qui va s’amplifiant sans cesse, louange au Dieu Trinité, à Celui qui crée, qui sauve, qui mène tout à l’achèvement. Il n’est donc pas question de concevoir la prière intérieure, libre de toutes formes traditionnelles, comme la piété ‘subjective’, et de l’opposer à la liturgie qui serait la prière ‘objective’ de l’Église. Toute prière véritable est prière de l’Église : à travers toute prière véritable, il se passe quelque chose dans l’Église. ■ (« La prière de l’Église », dans Source cachée, p. 69s)

(Correspondance I, p. 369s) 14

Le Trèfle à quatre feuilles

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PRIÈRES Cette lettre très connue de sœur Thérèse-Bénédicte à sœur Adelgundis Jaegerschmid, bénédictine de Saint-Lioba, a été écrite en mars 1938 peu après la mort du « maître » philosophique, Edmund Husserl. Elle y exprime sa confiance à la fois en la miséricorde divine et en la recherche humaine de vérité.

J

e ne me fais aucun souci pour notre cher Maître. J’ai toujours été très loin de penser que la miséricorde de Dieu se limite aux frontières de l’Église visible. Dieu est la Vérité. Qui cherche la Vérité cherche Dieu, qu’il le sache clairement ou non. ■ (Correspondance II, p. 380)

Prières de

sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix Cette prière est la première des sept strophes d’une neuvaine de préparation à la Pentecôte rédigée en 1937.

Q

ui es-tu, douce lumière qui me combles et illumines la ténèbre de mon cœur ? Comme la main d’une mère, tu me conduis et, si tu me lâchais, je ne saurais faire un pas de plus. Tu es l’espace environnant mon être et l’abritant en toi. Le rejetterais-tu, il coulerait à pic dans l’abîme du néant d’où tu le tiras pour l’élever vers la lumière. Toi, qui m’es plus proche que je ne le suis moimême, qui m’es plus intérieur que mon propre cœur, et pourtant insaisissable, inconcevable, au-delà de tout nom, Saint-Esprit, éternel Amour ! ■

Cette méditation du 16 novembre 1937 témoigne de la profonde affinité de sœur Thérèse-Bénédicte avec le mystère de la Croix.

D

evenu homme par amour des hommes il fit don de la plénitude de sa vie humaine aux âmes qu’Il s’est choisies. Lui qui a formé chaque cœur humain veut un jour manifester le sens secret de l’être de chacun par un nom nouveau que seul comprend celui qui le reçoit. Il s’est uni chacun des élus d’une manière mystérieuse et unique. Puisant de la plénitude de sa vie humaine Il nous fit don de la Croix. […] Lève les yeux vers la Croix. Elle étend ses poutres à la manière d’un homme qui ouvre les bras pour accueillir le monde entier. Venez tous, vous qui peinez sous le poids du fardeau et vous aussi qui n’avez qu’un cri : Sur la Croix avec Lui. Elle est l’image du Dieu qui, crucifié, devint livide. Elle s’élève de la terre jusqu’au Ciel Comme Celui qui est monté au Ciel et voudrait nous y emporter tous ensemble avec Lui. Enlace seulement la Croix, et tu le possèdes Lui, le Chemin, la Vérité, la Vie. Si tu portes ta Croix, c’est elle qui te portera, elle te sera béatitude. ■ (Malgré la nuit. Poésies complètes, p. 65-69)

(Malgré la nuit. Poésies complètes, trad. Sœur Cécile Rastoin, Genève, Ad Solem, 2002, p. 121)

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PRIÈRES

Prières adressée à

sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix La collecte de la messe de sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix, dans le Missel du Carmel, synthétise le lien entre le mystère d’Israël et le mystère de la Croix du Christ, et nous associe à ce double mystère.

D

ieu vivant, Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, tu as comblé la bienheureuse Thérèse-Bénédicte des dons de l’esprit et du cœur, pour la conduire à la connaissance de ton Fils crucifié et l’appeler à le suivre jusqu’à la mort ; Fais que tous les hommes reconnaissent le salut dans le Crucifié et arrivent ainsi à la vision de ta gloire. Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur et notre Dieu, qui règne avec toi et le Saint-Esprit, maintenant et pour les siècles des siècles. Amen. ■ (Collecte de la messe de sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix)

Pour se recueillir auprès de sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix Cette sculpture grandeur nature de Bert Gerresheim, située non loin de la cathédrale de Cologne, évoque trois aspects de la vie et de la personnalité d’Edith Stein : juive, à droite, appuyée sur l’étoile de David, philosophe, au centre, le visage marqué par le déchirement intérieur, moniale, en habit de carmélite portant le Christ crucifié. Au premier plan, des chaussures rappelant les victimes des deux camps de concentration d’Auschwitz.

Edith, infirmière durant la guerre de 14

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BIBLIOGRAPHIE Œuvres ➤ Les Œuvres complètes sont publiées depuis 2008

en coédition entre les Éditions du Cerf, du Carmel et Ad Solem en suivant les 27 volumes de l’édition allemande.

Écrits autobiographiques ➤ Vie d’une famille juive, trad. par Cécile et Jacqueline

Rastoin, 2008.

➤ Correspondance I (1917-1933), trad. par Cécile

Rastoin, 2009.

➤ Correspondance II (1933-1942), trad. par Cécile

Rastoin, 2012.

Écrits spirituels ➤ Source cachée, Œuvres spirituelles, trad. par Cécile

et Jacqueline Rastoin, 2011.

➤ Science de la Croix avec les Voies de la connaissance

de Dieu, trad. par Cécile Rastoin, 2014.

Écrits d’anthropologie et de pédagogie ➤ La Femme. Cours et conférences, trad. par Marie-

Dominique Richard, 2008.

En outre ➤ Malgré la nuit. Poésies complètes, trad. par Cécile

Rastoin, Genève, Ad Solem, 2002.

➤ Le Secret de la Croix, trad. par Sophie Binggeli, Paris/

Saint-Maur, CERP/Parole et Silence, 1998. Biographie.

Études ➤ Aucante Vincent, de Rus Eric : Edith Stein : un chemin

vers la joie, (éd.), Colloque du 5 décembre 2009, Paris, Collège des Bernardins/Parole et Silence, 2009. ➤ Bengelli Sophie : Le Féminisme chez Edith Stein, Paris,

Parole et Silence, 2009.

➤ Betshart Christof (éd.): La Liberté chez Edith Stein,

Toulouse, Éditions du Carmel, 2014.

➤ Dupuis Michel : Prier 15 jours avec Edith Stein,

Bruyères-le-Châtel, Nouvelle Cité, 2000.

➤ Golay Didier-Marie: Devant Dieu pour tous. Vie et

message d’Edith Stein, Paris, Cerf, 2009.

➤ Rastoin Cécile : Edith Stein et le mystère d’Israël,

Genève, Ad Solem, 1998.

➤ Rastoin Cécile : Edith Stein (1891-1942), Enquête sur la

Source, Paris, Cerf, 2007.

➤ de Rus Eric : La Vision éducative d’Edith Stein, Paris,

Salvator, 2014.


L’équipe éditoriale adresse ses sincères remerciements à tous ceux qui ont participé à la réalisation de ce livret. Auteur : Fr Christof Betschart, o.c.d., Illustratrice : Roselyne Lesueur.

CONNAISSAN

CE

DES SAINTS

MPS DE NOTRE TE

les titres de la collection

• Charles d’Autriche • Edith Stein (Thérèse-

Bénédicte de la Croix)

• Élisabeth de la Trinité • Faustine • Franz Jägerstätter • Frédéric Ozanam • Ivan Merz • Jean-Paul II • John Henry Newman • Josémaria Escrivá

et bientôt… • André Bessette • Charbel • Chiara Luce • Luigi et Maria Beltrame Quattrochi • Maximilien Kolbe • Pier Giorgio Frassati • Thérèse de Lisieux

de Balaguer • Louis et Zélie Martin

Pour nous joindre : CSNT2011@yahoo.fr

Association loi 1901 CSNT (JO du 29 octobre 2011) 38, rue Théodule Ribot – 92700 Colombes Imprimé en France par l’imprimerie Chauveau Tirage : octobre 2015 Dépôt légal : octobre 2015

Pour feuilleter les livrets et en savoir plus :

http://saints-de-notre-temps.fr


CONNAISSA

NCE

S DES SAINTPS M DE NOTRE TE

Connaissance des saints de notre temps est une association loi 1901 dont le principal objectif est de faire connaître des contemporains déclarés saints ou bienheureux au cours des xxe et xxie siècles. C’est dans cet esprit que sont conçus et diffusés gratuitement ces livrets, afin que chacun puisse découvrir et imiter les saints de notre temps, et prier avec eux. Écrits chacun par un familier du saint ou du bienheureux, ils se composent : ● d’un résumé de la vie du saint ● d’une présentation de sa spiritualité ● de prières.

NOUS AVONS BESOIN DE VOTRE AIDE ! ➤ Pour participer aux frais d’édition des livrets. Envoyez vos dons par chèque libellé à l’ordre de CSNT, à l’adresse suivante : CSNT – 38, rue Théodule-Ribot – 92700 Colombes Reçu fiscal sur demande. ➤ Pour diffuser les livrets. Vous souhaitez que nous expédions des livrets à votre domicile, une paroisse, une aumônerie, un monastère, etc. Indiquez-nous-en le nombre désiré et l’adresse postale par courriel à CSNT2011@yahoo.fr. Envoi dans la limite des exemplaires disponibles.


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