Frédéric Ozanam

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Le bienheureux Frédéric Ozanam


BIOGRAPHIE

Frédéric Ozanam

initiateur du catholicisme social L’existence de Frédéric Ozanam, chrétien convaincu qualifié par Monseigneur Plantier, évêque de Nîmes, d’« ange de la charité », a été courte mais entièrement vécue sous l’angle du dévouement aux autres. Il est à l’origine du catholicisme social, qui défend l’établissement d’un système social en accord avec les enseignements de l’Église, contre les abus du libéralisme économique.

Piété et charité Frédéric Ozanam naît le 23 avril 1813 à Milan, ville alors française. Son père, Jean-Antoine, s’y est établi quelques années auparavant ; il est médecin et se montre extrêmement généreux dans l’exercice de son métier. Toute sa vie sera un exemple de charité. Ainsi, lorsque la bataille de Leipzig (octobre 1813) remplit les hôpitaux de blessés, il soigne amis et ennemis avec une égale abnégation. Mais ces événements sonnent bientôt le glas de la présence française dans le Nord de l’Italie : le traité de Vienne (1815) place la Lombardie sous domination autrichienne. Les Ozanam décident donc à la fin de l’année 1816 de retourner en France, plus précisément à Lyon, dont ils sont tous les deux originaires. Frédéric connaît une enfance choyée et chrétienne, entre un père généreux, fortement attaché « à la foi de ses pères » et une mère très pieuse. Ces parents veillent particulièrement à éveiller le sens des responsabilités et la voix de la conscience de leurs rejetons. Mais le docteur est un homme étonnant pour son temps. Convaincu des bienfaits d’une vie saine, en plein air, il leur fait aussi pratiquer de nombreuses activités sportives. En 1820 toutefois, une brisure importante marque le jeune Frédéric : il n’a que 7 ans et perd sa sœur Élisabeth – « Lisa » – de douze ans son ainée, pour laquelle il a une profonde admiration. Une brisure parmi d’autres 2


puisque, sur les quatorze enfants des époux Ozanam, seuls trois garçons parviennent à l’âge adulte : Alphonse, Frédéric et Charles.

L’exemple vient d’en haut…

REPÈRES > 1813 : naissance à Milan. > 1833 : il fonde les Conférences de Charité. > 1836 : avocat à Lyon. > 1839 : professeur de lettres à la Sorbonne. > 1841 : mariage avec Amélie Soulacroix. > 1845 : naissance de sa fille Marie. > 1853 : mort à Marseille à l’âge de 40 ans. > 1997 : F. Ozanam est déclaré bienheureux.

À l’automne 1822, Frédéric entre au Collège Royal de Lyon, où sa vigueur intellectuelle n’échappe pas à ses professeurs. En mai 1826, il vient d’avoir 13 ans et fait sa première communion. « Jour de bonheur, puisse ma main se dessécher et ma langue rester attachée à mon palais si jamais je t’oublie ! » écrira-til à ce sujet, notant également les changements positifs survenus dans son caractère à cette occasion. Alphonse l’aide de ses conseils spirituels. Et justement, le frère aîné si pieux lui montre la voie de l’engagement total : cette même année, pourtant promis à une brillante carrière de médecin, il confirme son intention – déjà exprimée quelques années auparavant – de devenir prêtre. C’est une immense déception pour le docteur Ozanam, qui a consenti de nombreux sacrifices financiers pour assurer l’avenir de son premier né. Mais quel exemple pour le cadet ! Et pourtant… ce dernier traverse bientôt une grave crise religieuse. Il est alors en classe de première.

L’épreuve Au Collège Royal de Lyon, pourtant tenu par des jésuites, l’impiété est assez répandue, ainsi qu’une certaine hostilité envers l’Église. Beaucoup d’esprits restent marqués par la philosophie des Lumières. Dans ce contexte difficile, il n’est pas aisé pour un adolescent de préserver sa foi. Et voilà Frédéric assailli de doutes, les combattant, s’en désolant, mais y revenant encore et toujours… Heureusement, en 1828, la rencontre – décisive – de l’abbé Noirot, son professeur de philosophie, 3


BIOGRAPHIE

l’aide à sortir de cette crise. La finesse et l’intelligence de ce prêtre remarquable le soutiennent dans sa lutte intérieure contre le scepticisme.

Au service de la vérité Cette pénible épreuve marque profondément le jeune homme ; il y puise l’ardent désir d’étayer toujours plus rationnellement sa foi, pour pouvoir convaincre par la douceur les incroyants. Évoquant plus tard cette période trouble de sa vie, il n’hésite pas à dire que l’abbé Noirot – devenu un ami – l’a « sauvé », forgeant en lui des dispositions à servir la vérité avec courage et en toute liberté. « On m’accuse quelquefois de traiter avec trop d’indulgence et de douceur ceux qui n’ont pas la foi : lorsqu’on est passé par les supplices du doute, on se ferait un crime de rudoyer les malheureux auxquels Dieu n’a pas accordé la grâce de croire ». Sa fidélité et son obéissance à l’Église ont été forgées au creuset de la souffrance intérieure. Dès lors, Frédéric promet « à Dieu de vouer [ses] jours au service de la vérité ». Ce combat intime n’a absolument pas nui à sa scolarité : à 16 ans, en 1829, il obtient son baccalauréat et entreprend des études de droit, comblant ainsi les désirs paternels.

Frédéric journaliste et étudiant Sous l’influence de l’abbé Noirot, Frédéric collabore à la rédaction de L’Abeille Française et se découvre une passion pour le journalisme, passion qui ne le quitte plus. Au cours de sa vie, ses articles paraîtront dans les colonnes de plusieurs journaux, dont L’Ère nouvelle, co-fondé en 1848 avec le R.P. Lacordaire, restaurateur de l’ordre dominicain en France. Ce titre traduit la volonté de ses auteurs de réconcilier christianisme et valeurs républicaines. Si Frédéric suivait ses inclinations personnelles, il s’adonnerait donc à la littérature… Mais, obéissant aux injonctions d’un père qui ne semble pas prêt à supporter une deuxième déception, après celle infligée par Alphonse, il se consacre d’abord entièrement au droit. Tout juste bachelier, il entre comme stagiaire dans une étude d’avoué à l’automne 1830. Il continue à publier des vers et des articles sur des sujets philosophiques et religieux. Son 4


nom commence à être connu, notamment par sa brochure de près de 100 pages intitulée Réflexions sur la doctrine de Saint-Simon (1831), solide réfutation de cette déviance, qui transforme la religion chrétienne en programme socialisant. Le savoir et l’enseignement.

« Que faites-vous pour les pauvres ? » En 1831, il vient achever ses études de droit à Paris. Une étape importante pour lui : les idées répandues à la Sorbonne aiguisent encore son désir d’apporter des réponses intelligentes et argumentées aux critiques dont les croyants et l’Église font l’objet. Il noue de nombreuses relations d’amitié. Dans le Paris agité 5


BIOGRAPHIE

des années 1830, des cercles se créent, où des chrétiens ont la joie de se réunir et de se fortifier les uns les autres dans leur foi. Emmanuel Bailly anime l’un de ces petits groupes qui se passionne pour l’histoire et le journalisme. À son contact, Frédéric décide de fonder avec lui une conférence d’histoire, ayant pour objet de porter un regard chrétien sur le passé et de prouver le rôle civilisateur de l’Église. Il attire dans son sillage de jeunes chrétiens, désireux comme lui de défendre leurs idées dans un contexte de libéralisme agnostique et de les mettre en pratique. Aussi la question posée un jour crûment par un jeune saint-simonien : « Et vous qui vous vantez d’être catholique, que faites-vous pour les pauvres ? » touche-t-elle Frédéric en plein cœur. Cette interpellation un peu facile va tout changer car il ne la prend pas à la légère…

La Société de Saint-Vincent-de-Paul Sa réponse est assez rapide : en mai 1833, avec quelques amis et sous la présidence d’Emmanuel Bailly, il fonde les Conférences de Charité qui deviennent bientôt la Société de Saint-Vincent-de-Paul, entièrement consacrée au service des pauvres et à l’exercice concret de la charité... Le plus important, pour Ozanam, c’est la rencontre personnelle avec les nécessiteux, la volonté de rompre leur solitude et leur isolement. Car, dans chaque visage secouru, il retrouve l’image du Christ. Frédéric et ses compagnons se mettent à l’école d’une religieuse, fille de la Charité : Sœur Rosalie Rendu, qui les guide dans leurs visites aux laissés-pour-compte et les incite à leur apporter une aide matérielle. Faisant des adeptes de plus en plus nombreux, ils décident de se répartir en plusieurs groupes pour pouvoir agir dans différents quartiers de Paris, puis en province et même à l’étranger. Frédéric provoque aussi, en 1834, une rencontre entre son ami le père Lacordaire et l’évêque de Paris, afin d’initier les Conférences de Carême à NotreDame de Paris, prêchées par le frère dominicain.

Une vie consumée au service de l’intelligence et des pauvres Service des plus petits (même au mépris de sa santé) et carrière universitaire sont menés de front par cet 6


homme qui ne ménage pas sa peine. Établi comme avocat à Lyon en 1836, il obtient la création d’une chaire de droit commercial, qu’il inaugure à la fin de l’année 1839. Donnant enfin libre court à ses aspirations littéraires, à 27 ans, il est reçu major à l’agrégation des Facultés de Lettres. En 1841, une chaire de professeur de lettres en Sorbonne lui est proposée, à son grand soulagement : l’enseignement du droit commercial était loin de le combler… Cette même année, il épouse Amélie Soulacroix, fille du recteur de l’Académie de Lyon. La naissance de Marie en 1845 est la source d’une immense joie, et l’heureux père veillera toujours très attentivement sur son enfant. Pendant ce temps, la Société de Saint-Vincent-de-Paul poursuit son développement : en cette année 1845, elle compte déjà plusieurs milliers de membres. Et si Ozanam en a refusé la présidence, il en reste cependant l’âme et le théoricien. Il ne la conçoit pas comme un simple cautère sur la jambe de bois de la pauvreté, mais aussi comme un moyen donné aux plus aisés de réfléchir aux causes de la misère et aux remèdes durables à y apporter. Il élabore une véritable doctrine sociale, redéfinissant la notion de travail et les rapports patrons-ouvriers.

« L’ange de la charité » Toute l’énergie de Frédéric est consacrée aux préparations de ses cours et aux visites des plus pauvres. Il ne se lasse pas de faire le bien mais dès 1849, son état de santé se dégrade. Il a à peine 36 ans et la maladie le gagne. Affaibli, il doit abandonner son enseignement en 1852 et renoncer à ses ambitions universitaires. Le 8 septembre 1853, en revenant d’Italie où il était parti se reposer, Frédéric Ozanam meurt à Marseille sur le trajet qui devait le ramener à Paris. Le 22 août 1997, lors des XIIe Journées Mondiales de la Jeunesse à Paris, le pape Jean-Paul II proclame le vénérable Frédéric Ozanam bienheureux, en le donnant en exemple aux jeunes du monde entier. Chacun est invité à prolonger son action de charité. ■ L’Église célèbre la fête du bienheureux Frédéric Ozanam le 9 septembre de chaque année, lendemain de l’anniversaire de sa mort, survenue le jour de la nativité de la Vierge Marie.

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SPIRITUALITÉ

La spiritualité

de Frédéric Ozanam

La seule loi qui doit gouverner l’action humaine est l’action de l’amour.

Cette phrase, que le bienheureux aimait à répéter, peut être considérée comme la base de sa spiritualité. L’amour, c’est celui que Dieu manifeste à tout homme. Car de lui découle tout le reste… Le reste ? Pour Ozanam, ce fut une charité vécue en actes, que ce soit dans la fidélité aux amis ou dans l’aide aux plus pauvres. Son immense confiance dans la miséricorde du Dieu d’amour n’a en rien entamé sa juste crainte de Dieu et la forte contrition de ses péchés. Ozanam, ce fut l’intelligence au service de la vérité. Car le chrétien doit aussi travailler à convertir ceux qui ont le malheur de ne pas connaître le Christ, sa foi doit être argumentée.

Une humanité travaillée par la grâce « Il nous faut remercier Dieu pour ce cadeau qu’il a fait à l’Église en la personne d’Ozanam. On demeure émerveillé de tout ce qu’a pu entreprendre pour l’Église, pour la société, pour les pauvres, cet étudiant, ce professeur, ce père de famille, à la foi ardente et à la charité inventive, au cours de sa vie trop vite consumée ! » disait Jean-Paul II en parlant de celui qu’il qualifia de « précurseur du catholicisme social ». Le Seigneur a voulu que les dons si riches d’humanité de Frédéric Ozanam soient tout orientés vers la charité. Si cela ne s’est 8


pas fait sans heurt ni combat, son audace religieuse, qui tranche avec l’esprit du xixe siècle, lui a permis de creuser un sillon lumineux de sainteté, à une époque qui n’est pas sans similitude avec notre début de xxie siècle. En un temps marqué par l’indifférence religieuse ou le relativisme, sa spiritualité et sa pensée se révèlent très précieuses. Sa spiritualité est sans fard, sans fioretti ; elle honore toutes les facultés de l’homme, tout particulièrement sa liberté, en considérant ses aspirations les plus hautes sans jamais ignorer la dimension concrète et les difficultés de l’existence auxquelles chacun se heurte. Son cœur ouvert prédispose Frédéric à être attentif aux souffrances et aux attentes de ses contemporains : la condition ouvrière au début du xixe siècle, la révolte des canuts… D’autant plus que ses propres épreuves intérieures et dans sa vie physique préservent Ozanam de tout orgueil. Parce qu’il connaît la souffrance de la division, il connaît le prix de l’unité. Il est vraiment un « réparateur de brèches » (Is, 58, 12).

L’amour de la vérité Doué d’une profonde intelligence, Frédéric ne cesse de vouloir rendre raison de la foi qui l’anime. Ses jugements lucides lui font dépasser les faux antagonismes entre « contemplation » et « action », entre « foi » et « raison ». « C’est ébranler le christianisme que d’attaquer la raison humaine », dit-il.Toute son œuvre est en quelque sorte apologétique. N’ayant rien à redouter de la vérité, il s’emploie à la rendre accessible sans jamais sacrifier ses exigences. Rendre raison de la foi est une attitude digne du croyant qui ne doit jamais entrer dans des querelles de personnes : « Apprenons à défendre nos convictions sans haïr nos adversaires, à aimer ceux qui pensent autrement que nous ».

L’amitié Un autre trait de la spiritualité de Frédéric est la sincérité de son amitié. Il n’aime pas être seul. Ses amis sont pour lui des appuis précieux, dont il a besoin, y compris pour travailler et réfléchir.Toute sa correspondance manifeste la fidélité que l’universitaire leur garde 9


SPIRITUALITÉ

envers et contre tout. « J’ai des goûts bien simples et bien modérés, un cercle d’amis qui se recrute chaque jour d’excellents sujets et que j’aime comme des frères ». « L’amitié est une chose divine. Fille du Ciel, elle en sait un peu les secrets ».

« La foi opérant par la charité » (Ga 5,6) L’amour de la vérité, allié à un cœur large, fait d’Ozanam cet apôtre de la charité dont l’œuvre continue encore aujourd’hui. « Il faut joindre l’action à la parole, affirmer par des œuvres la vitalité de notre foi ». Les actions concrètes aident à rendre la foi crédible. Dans le sillage de saint Vincent-de-Paul, qui aimait à dire que « les pauvres sont nos seigneurs et nos maîtres », Frédéric s’est mis à leur école pour apprendre à travers eux à mieux connaître le Christ. Dans une lettre adressée à son ami Louis Janmot, il écrit : « Nous devrions tomber à leurs pieds et leur dire avec l’Apôtre : ‘Tu es Dominus meus’. Vous êtes nos maîtres et nous serons vos serviteurs ; vous êtes pour nous les images sacrées de ce Dieu que nous ne voyons pas et, ne sachant pas l’aimer autrement, nous l’aimons en vos personnes ». Les Conférences de Charité sont un moyen de sanctification ; elles permettent de devenir des pauvres à l’école des pauvres et d’avoir ainsi part à la première béatitude de Jésus : « Heu-

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reux les pauvres de cœur car le Royaume des cieux est à eux » (Mt 5, 3). L’enjeu principal n’est peut-être pas d’abord d’éradiquer la pauvreté, mais de la soulager en la partageant. Frédéric a été ainsi « condamné » à l’espérance, pourrait-on dire. Tous les « échecs » réels ou apparents émondent notre désir de perfection et de toute-puissance, approfondissant en chacun de nous la capacité d’aimer en toute circonstance. On ne peut enfin oublier que l’œuvre initiée par Frédéric Ozanam est enracinée et indissociable de sa vie de prière intense et fidèle. Saint-Sulpice, Saint-Étienne-du-Mont, Saint-Joseph-des-Carmes : autant de lieux où le bienheureux aime à venir prier, vivre des sacrements de l’Église et confier ses intentions à l’intercession de la Vierge Marie. Le témoignage de vie d’Ozanam résonne comme un appel pour tout laïc à imiter Jésus, perçu sous les traits du « bon samaritain » de l’Évangile, comme l’avait fait saint Vincent-de-Paul. À travers cette vie authentiquement donnée, pourra se réaliser le souhait le plus profond du bienheureux : « Je voudrais enserrer le monde entier dans un réseau de Charité ». ■

Un modèle pour aujourd’hui Le bienheureux Ozanam nous montre que la sainteté est possible pour un laïc : elle est compatible avec une vie familiale et amicale chaleureuse, une vie conjugale épanouissante, une vie professionnelle et intellectuelle riche... Chacun peut puiser dans son exemple des motifs d’encouragement à progresser spirituellement, quel que soit son état, à travers : • la persévérance, qui permet de dépasser les doutes pour retrouver la foi et la paix de l’âme. • l’adhésion à la loi de l’amour : de Dieu, du prochain et de soi-même. • la piété, avec l’assistance à la messe régulière, qui irrigue une vie d’attention aux autres. • la charité, en étant attentif aux détresses qui nous entourent et en ayant l’audace d’y répondre. 11


PRIÈRES

Les textes

de Frédéric Ozanam

Prière des célibataires Éclairé très tôt sur sa vocation professionnelle et son action sociale, le bienheureux Ozanam nourissait en revanche de nombreux doutes quant à son état de vie. Il hésita longtemps à s’engager dans le mariage.

J

e sens en moi se faire un grand vide que ne remplissent ni l’amitié ni l’étude. J’ignore qui viendra le combler. Sera-ce Dieu, sera-ce une créature ? Si c’est une créature, je prie pour qu’elle ne se présente que quand je m’en serai rendu digne. Je prie qu’elle apporte avec elle ce qu’il faudra de charme extérieur pour qu’elle ne laisse place à aucun regret. Mais je prie surtout qu’elle vienne avec une âme excellente, qu’elle apporte une grande vertu, qu’elle vaille beaucoup mieux que moi, qu’elle m’attire en haut, qu’elle ne me fasse pas descendre, qu’elle soit généreuse parce que souvent je suis pusillanime, qu’elle soit fervente parce que je suis tiède dans les choses de Dieu, qu’elle soit compatissante enfin, pour que je n’ai pas à rougir devant elle de mon infériorité. Ne m’abandonnez pas, Seigneur, faites que je sois aimé. Vous le savez, ce n’est pas seulement de la douceur que je cherche dans l’Amour, c’est le mépris de toute blessure, c’est la force de combattre pour le Bien, pour le Vrai. ■

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Lettre à Louis Jammot Cette prière est une lettre écrite le 13 novembre 1836 à Louis Jammot – peintre et poète, élève d'Ingres – dont Frédéric Ozanam avait fait la connaissance au Collège royal de Lyon.

I

l semble qu’il faille voir pour aimer et nous ne voyons Dieu que des yeux de la foi, et notre foi est si faible ! Mais les hommes, mais les pauvres, nous les voyons des yeux de la chair ! Ils sont là et nous pouvons mettre le doigt et la main dans leurs plaies et les traces de la Couronne d’épines sont visibles sur leur front ; et ici l’incrédulité n’a plus de place possible, et nous devrions tomber à leurs pieds et leur dire avec l’apôtre : « tu es mon Seigneur et mon Dieu. » Vous êtes nos maîtres et nous serons vos serviteurs, vous êtes pour nous les images sacrées de ce Dieu que nous ne voyons pas, et ne sachant pas l’aimer autrement, nous l’aimerons en vos personnes. ■

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PRIÈRES

Prière de Pise (extraits) C’est l’une des plus belles méditations rédigées par Frédéric Ozanam. Elle date du 23 avril 1853, jour de ses quarante ans, quelques mois avant sa mort, alors qu’il était très malade et en proie à de vives souffrances physiques.

«J

’ai dit : au milieu de mes jours, j’irai aux portes de la mort. J’ai cherché le reste de mes années. J’ai dit : je ne verrai plus le Seigneur mon Dieu sur la terre des vivants.

Ma vie est emportée loin de moi, comme on replie la tente des pasteurs. Le fil que j’ourdissais encore est coupé comme sous les ciseaux du tisserand : entre le matin et le soir. Vous m’avez conduit à ma fin. Mes yeux se sont fatigués à force de s’élever au ciel. Seigneur, je souffre violence : répondez-moi. Mais que dirai-je et que me répondra celui qui a fait mes douleurs ? Je repasserai devant vous toutes mes années dans l’amertume de mon coeur. »

C’est le commencement du cantique d’Ezéchias : je ne sais si Dieu permettra que je puisse m’en appliquer la fin.

Je sais que j’accomplis aujourd’hui ma quarantième année, plus que la moitié du chemin de la vie. Je sais que j’ai une femme jeune et bien aimée, une charmante enfant, d’excellents frères, une seconde mère, beaucoup d’amis, une carrière honorable, des travaux conduits précisément au point où ils pourraient servir de fondement à un ouvrage longtemps rêvé.

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Voilà cependant que je suis pris d’un mal grave, opiniâtre et d’autant plus dangereux qu’il cache probablement un épuisement complet. Faut-il donc quitter tous ces biens que vousmême, mon Dieu, vous m’aviez donnés ? Ne voulez-vous pas Seigneur, vous contenter d’une partie du sacrifice ? Laquelle faut-il que je vous immole de mes affections déréglées ? N’accepterez-vous point l’holocauste de mon amour-propre littéraire, de mes ambitions académiques, de mes projets même d’étude où se mêlait peut-être plus d’orgueil que de zèle pour la vérité ? Si je vendais la moitié de mes livres pour en donner le prix aux pauvres et, me bornant à remplir les devoirs de mon état, je consacrais le reste de ma vie à visiter les indigents, à instruire les apprentis et les soldats, Seigneur, seriez-vous satisfait et me laisseriez-vous la douceur de vieillir auprès de ma femme et achever l’éducation de mon enfant ? Peut-être, mon Dieu, ne le voulez-vous point ? Vous n’acceptez pas ces offrandes intéressées ; vous rejetez mes holocaustes et mes sacrifices. C’est moi que vous demandez. Il est écrit au commencement du livre que je dois faire votre volonté et j’ai dit : je viens Seigneur. Je viens si vous m’appelez et je n’ai pas le droit de me plaindre. Vous m’avez donné quarante ans de vie... Si je repasse devant vous mes années avec amertume, c’est à cause des péchés dont je les ai souillées ; mais quand je considère les grâces dont vous les avez enrichies, je repasse mes années devant vous, Seigneur, avec reconnaissance. Quand vous m’enchaîneriez sur un lit pour les jours qui me restent à vivre, ils ne suffiraient pas à vous remercier des jours que j’ai vécus. Ah ! si ces pages sont les dernières que j’écris, qu’elles soient un hymne à votre bonté ! ■

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PRIÈRES

Pour et avec

le bienheureux Ozanam

Prière pour la canonisation du bienheureux Ozanam

D

ieu fidèle, nous te remercions d’avoir inspiré au Bienheureux Frédéric Ozanam et à ses compagnons la création de la Société de Saint-Vincent-de-Paul. Dieu d’amour, nous t’implorons de nous aider à sauvegarder et perpétuer, dans leur authenticité originelle, l’esprit et la vision du Bienheureux Frédéric afin de nous guider dans la poursuite de son rêve « d’enserrer le monde entier dans un réseau de charité ». Dieu de lumière, éclaire notre cheminement terrestre et emplis-nous d’un sens profond de gratitude pour toutes les grâces reçues du fait de notre appartenance à la Société. Dieu de grâce, nous te demandons de bénir la cause de canonisation du Bienheureux Frédéric et nous prions Frédéric d’intercéder auprès de Toi pour la guérison de nos frères souffrants. Père, fils et Esprit-Saint, emplissez nos cœurs d’espérance et puisse le don de votre présence nous habiter en qualité de Vincentiens dans tous les multiples aspects de nos existences. Amen. ■

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Oraison liturgique de la fête du bienheureux Ozanam

D

ieu, qui as suscité le Bienheureux Frédéric Ozanam, brûlant de Ton Esprit de Charité, pour promouvoir des associations de laïcs en vue d’assister les pauvres, accorde-nous de suivre, à son exemple, Ton Commandement d’Amour pour être un ferment dans le monde où nous vivons.

Par Jésus-Christ, Ton Fils, notre Seigneur et notre Dieu, qui vit et règne avec Toi et le Saint-Esprit, maintenant et pour les siècles des siècles. Amen. ■

Prières d’intercession Bienheureux Frédéric, nous confions à votre intercession notre capacité à nous engager, et tous nos engagements : que ceux-ci soient pour nous des chemins de sainteté.

Bienheureux Frédéric, nous confions à votre intercession tous nos projets : que nous sachions les conduire avec douceur et bonté, en nous laissons aller là où le Seigneur nous mène, fortifiés par l’Esprit. Bienheureux Frédéric, priez pour que nous ayons le courage et la volonté d’une vie nourrie des sacrements et de la prière. Bienheureux Frédéric, priez pour que partout et toujours des hommes de bonne volonté se fassent par amour le prochain des personnes en détresse, et trouvent des solutions pour apaiser leurs misères. Amen. ■

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Pour se recueillir auprès du Bienheureux Ozanam La dépouille du bienheureux Frédéric Ozanam repose dans la crypte de l’église Saint-Joseph-desCarmes (70, rue de Vaugirard, Paris 6e. M° Saint-Sulpice), sous une fresque contemporaine du bon samaritain. Frédéric et son épouse étaient très attachés à cette église, dont ils furent voisins, lorsqu’ils habitèrent rue de Fleurus.


BIBLIOGRAPHIE ➤ Frédéric OZANAM, Le livre des malades, Paris,

Fédération Française de la Société de Saint-Vincentde-Paul, 2006. ➤ Madeleine des RIVIÈRES, Ozanam, un savant chez

les pauvres, Paris, Cerf, coll. Foi Vivante n° 391, 1997. ➤ Gérard CHOLVY, Frédéric Ozanam, L’engagement

d’un intellectuel catholique au xixe siècle, Paris, Fayard, 2003. ➤ Charles MERCIER, La Société de Saint-Vincent-

de-Paul, une mémoire des origines en mouvement, 1833-1914, Paris, L’Harmattan, 2006. ➤ Raphaëlle CHEVALIER-MONTARIOL, Amélie et

Frédéric Ozanam à la lumière de Vatican II, Paris, Fédération Française de la Société de Saint-Vincentde-Paul, 2009.

➤ Mgr Renauld de DINECHIN, Charles MERCIER, Luc

DUBRULLE, Frédéric Ozanam, l’homme d’une promesse, Paris, DDB, 2010. ➤ Christian VERHEYDE, Prier 15 jours avec Frédéric

Ozanam, Bruyères-le-Chatel, Nouvelle Cité, 2011.

➤ Jacques DE GUILLEBON, Frédéric Ozanam, La cause

des pauvres, éd. de l’Œuvre, Paris, coll. Saint pour tous, sept. 2011.

Bande Dessinée

➤ Francis CARIN, Didier CHARDEZ, Benoît DESPAS,

Antoine-Frédéric Ozanam, L’ère Nouvelle, Durbuy, Coccinelle, 2003.

DVD

➤ Frédéric Ozanam, 1813-1853, Le saint Laïc,

KTO éditions, 2004.


L’équipe éditoriale adresse ses sincères remerciements à tous ceux qui ont participé à la réalisation de ce livret. Auteur : Père Emmanuel Coquet, ancien curé de SaintJoseph-des-Carmes. Illustrateur : Augustin Frison-Roche. L’éditeur remercie également Marie-Camille Raffin et la Société de Saint-Vincent-de-Paul pour leur généreuse collaboration. Crédit photographique : Couverture : SSVP – Île Bleue.

Pour nous joindre : CSNT2011@yahoo.fr

Association loi 1901 CSNT (JO du 29 octobre 2011) 38, rue Théodule Ribot – 92700 Colombes Imprimé en France par l’imprimerie de Montligeon Tirage : décembre 2011 Dépôt légal : décembre 2011


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