Livret Newman

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LES ORDONNÉS

Connaissance des saints de notre temps est une association loi 1901 dont le principal objectif est de faire connaître des contemporains déclarés saints ou bienheureux au cours des xxe et xxie siècles. C’est dans cet esprit que sont conçus ces livrets, afin que chacun puisse découvrir et imiter les saints de notre temps, et prier avec eux. Écrits chacun par un familier du saint ou du bienheureux, ils se composent : ● d’un résumé de la vie du saint ● d’une présentation de sa spiritualité ● de prières.

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John Henry Newman 1801-1890

Le vrai chrétien a un sens souverain la présence de Dieu en lui (…), de dans sa conscience.


Le bienheureux John Henry Newman

« J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie : celles-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur »

Jn 10,16


Biographie

John Henry Newman Un pasteur pour la Vérité

John Henry Newman (1801-1890) est l’un des géants de la pensée chrétienne des temps modernes, à la fois comme théologien et comme guide spirituel. Écrivain prolifique, auteur d’une cinquantaine de volumes, il fut un intellectuel et un homme d’action autant qu’un homme de prière. Le philosophe Jean Guitton l’appelait « le penseur invisible de Vatican II ».

Une œuvre riche et diversifiée L’œuvre de Newman témoigne d’une diversité étonnante : douze volumes de sermons ; plusieurs ouvrages théologiques (dont on n’a pas fini encore aujourd’hui d’explorer les richesses) ; des œuvres historiques, consacrées surtout aux Pères de l’Église, dont il fut l’un des meilleurs connaisseurs de son époque ; un ouvrage de référence sur les principes de l’enseignement universitaire, L’Idée d’université ; une autobiographie intellectuelle, sa célèbre Apologia pro vita sua ou Histoire de mes opinions religieuses, souvent comparée aux Confessions de saint Augustin ; de nombreux textes de méditation et de prières ; et même des poèmes et deux romans...

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REPÈRES > 1801 : naissance à Londres. > 1816 : expérience bouleversante de Dieu. > 1822 : élu fellow (membre agrégé) d’Oriel College. > 1833 : chef de file du « Mouvement d’Oxford ». > 1842-1845 : se retire à Littlemore près d’Oxford. > 1845 : reçu dans l’Église catholique. > 1848 : fonde l’Oratoire de saint Philippe Neri. > 1864 : publication de l’Apologia pro vita sua. > 1879 : créé cardinal par Léon XIII. > 1890 : mort à l’Oratoire de Birmingham.

des conseils théologiques ou spirituels (sa vaste correspondance en témoigne abondamment). Toute son activité visait à guider ceux qui cherchaient Dieu, et à élever le niveau intellectuel, moral et spirituel des fidèles. Comme le souligne Benoît XVI, chez lui, pensée et vie sont inséparables : «Je crois que le signe caractéristique d’un grand maître dans l’Église est qu’il enseigne non seulement par ses idées et ses paroles, mais aussi par sa vie, car en lui pensée et vie se compénètrent et se déterminent mutuellement. Si cela est vrai, Newman fait partie en vérité des grands maîtres de l’Église car il touche notre cœur et illumine notre intelligence.»

Une vie et une œuvre inséparables

Un homme qui a travaillé au renouveau de deux Églises

Newman n’a rien pourtant d’un pur intellectuel ou d’un « théologien de bureau ». Il a été mêlé à bon nombre des controverses religieuses et politiques de son temps. Mais il est avant tout pasteur et, comme on l’a bien dit, « pasteur d’âmes ». Tout en menant une carrière universitaire ou une activité intellectuelle, il fut, pendant la plus grande partie de sa vie, curé de paroisse ou responsable de communauté. Comme anglican d’abord, et plus encore comme catholique, il a été sollicité par des milliers de personnes cherchant

Ayant vécu tout au long du xixe siècle, il a été le témoin de changements majeurs et radicaux au sein de la société anglaise et de la civilisation européenne. Il a vécu successivement dans deux Églises : l’Église d’Angleterre ou anglicane (44 ans), et l’Église catholique romaine (45 ans). Il a été pendant quinze ans le prédicateur le plus écouté et le plus lu de toute l’Église anglicane, et en même temps le chef de file d’un mouvement de renouveau théologique et spirituel de cette Église, le « Mouvement d’Oxford » ou « Mouvement tractarien », 7


Biographie

qui a changé à tout jamais son visage. Si bien que, à sa mort en 1890, un ami anglican, Richard Church, doyen de la cathédrale Saint-Paul à Londres, l’a décrit – avec peut-être un peu d’exagération – comme « le créateur, pratiquement, de l’Église anglicane telle que nous la connaissons aujourd’hui ». Il n’est guère étonnant alors que beaucoup d’anglicans proches du catholicisme l’honorent aujourd’hui comme un refondateur de leur Église, et le vénèrent presque comme un saint !

Première « conversion » À l’âge de 15 ans (en 1816), il fait une expérience éblouissante de Dieu comme Présence intérieure, qui détermine le cours de sa vie : il en parle dans son autobiographie comme de la découverte de « deux êtres – et deux êtres seulement – absolus et d’une évidence lumineuse, moi-même et mon Créateur »1 et définit cette expérience comme sa première « conversion ». Elle est même, au sens étymologique du terme (se détourner de soi-même pour se tourner vers Dieu), son unique conversion, car elle déterminera tout son cheminement religieux ultérieur, y compris son adhésion au catholicisme en 1845.

Universitaire et prédicateur à Oxford Newman n’a que 16 ans lorsque son père l’inscrit à l’Université d’Oxford, principal centre de formation du clergé anglican. Il va y rester pendant 28 ans, étudiant d’abord, enseignant-chercheur (fellow – membre agrégé) ensuite d’Oriel College, le plus brillant des collèges d’Oxford. Mais il veut être aussi, selon son propre langage, « ministre du Christ » : exceptionnellement chez un anglican de l’époque, il conçoit son ordination comme une consécration de toute sa vie. Et il voit un lien intime entre cette consécration et le célibat, chose inouïe à l’époque. En 1828, il est nommé curé de la paroisse de Saint Mary the Virgin, au cœur d’Oxford. C’est là qu’il prêche ses Sermons paroissiaux, publiés entre 1834 et 1843. Cette prédication est à la fois doctrinale ou dogmatique, d’une pénétration psychologique profonde, et d’une grande exigence morale ; mais elle vise aussi 8

et surtout la vie spirituelle de ses paroissiens, dont de plus en plus d’étudiants de l’Université. Selon Newman, un sermon doit cibler une seule idée et la creuser avec un maximum de profondeur ; son but doit être, d’abord, de « nous faire tourner le regard vers notre cœur pour le sonder » et, ensuite, d’« allumer dans nos cœurs le visage du Christ ».

Chef de file du Mouvement d’Oxford À Oriel College, il découvre aussi avec passion les Pères de l’Église, et commence à les lire et à les étudier systématiquement. Peu à peu, cette lecture renouvelle en profondeur sa propre pensée. Il découvre les deux dimensions de l’Église, « catholique » – universelle – et « apostolique » – enracinée dans une Tradition qui remonte jusqu’aux « Apôtres  ». Or, l’Église anglicane au XIXe siècle a perdu cette conscience de son identité : elle est devenue avant tout une Église nationale, et se considère elle-même comme essentiellement «  protestante  ». À partir de 1833, Newman et quelques amis entreprennent donc de «  re-catholiciser  » cette Église et de l’enraciner de nouveau dans une Tradition « apostolique ». Pour diffuser leur pensée, ils publient des tracts – des pamphlets polémiques. Ils créent des anthologies d’extraits des œuvres des Pères de l’Eglise. Newman donne des conférences, qu’il publie ensuite. Et surtout, il prêche et travaille à la restauration de la liturgie et des sacrements. Car le Mouvement d’Oxford n’est pas simplement un mouvement d’idées destinées à renouveler la théologie anglicane, il est avant tout un mouvement de renouveau spirituel par la redécouverte des vies sacramentelle, liturgique et de prière. 9


Biographie

De l’anglicanisme au catholicisme À force de creuser les notions d’« Église », de « catholicité » et d’« apostolicité », Newman en vient à douter de la fidélité de l’Église anglicane à ce qui est le modèle de référence pour lui : « l’Église des Apôtres » et « l’Église des Pères ». Il lui semble peu à peu que c’est l’Église catholique romaine qui est la véritable continuation de celle-ci – alors qu’elle fait l’objet, à l’époque, d’une haine viscérale de la presque totalité des Anglais, fruit des conflits politico-religieux sanglants du xvie siècle. Après une vie quasi-monastique menée pendant trois ans et demi, il est reçu dans l’Église catholique le 9 octobre 1845 par le P. Dominique Barberi, religieux passionniste italien en mission en Angleterre. C’est l’occasion d’une rupture personnelle terrible. Il perd non seulement son poste à Oxford, et les revenus considérables y afférents mais encore la plupart de ses amis – car il est alors presque inconcevable qu’anglicans et catholiques se fréquentent. Il est même rejeté par sa propre famille. Malgré tout, en aucune façon il ne vit une rupture intellectuelle et spirituelle. Il a tout simplement l’impression, comme il le dira lui-même dans l’Apologia, de « rentrer au port après une violente tempête ».

Les difficultés de Newman dans l’Église catholique Seulement, l’Église catholique, tout en se réjouissant triomphalement de sa « conversion », ne sait guère que faire d’un homme aussi brillant, aussi original, ayant une pensée souvent en décalage avec la pensée catholique de l’époque. Son concept du « développement » par exemple – c’est-à-dire d’une conception dynamique de la Tradition – dans lequel le cardinal Ratzinger voyait une « contribution décisive au renouveau de la théologie », n’a été pleinement intégré à la pensée de l’Église qu’au moment du concile Vatican II. On lui confie des missions qui tournent court, faute de soutien de la part de la hiérarchie. Il est même dénoncé à Rome pour hérésie !

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Pendant presque 20 ans, aussi, il se trouve mis au ban de la société anglaise, et régulièrement attaqué, insulté, vilipendé. Pour répondre à une attaque particulièrement vicieuse, il écrit en 1864 le récit de l’évolution de sa pensée, son Apologia pro vita sua. C’est le début d’un revirement étonnant de l’opinion publique en sa faveur. D’autres livres suivent, également bien reçus : la Grammaire de l’assentiment en 1870, la Lettre au duc de Norfolk en 1875. Et il finit par republier l’ensemble de ses livres de la période anglicane en commençant par les sermons sans, en général, y changer quoi que ce soit… Un signe éloquent de la continuité que lui-même voit dans sa pensée au cours des deux « moitiés » de sa vie, et l’expression de sa conviction : ce qu’il a écrit comme anglican reste valable pour tout chrétien.

Le cardinalat En 1879, dans sa 78e année, il est élevé au cardinalat par le nouveau pape, Léon XIII. C’est le désir personnel du pape d’honorer ainsi Newman, de le remercier pour les services qu’il a rendus vaillamment et fidèlement à l’Église pendant plus de trente ans, et de le dédommager pour les longues années d’incompréhension et d’injustice. Pour Newman lui-même, c’est enfin la reconnaissance souhaitée de l’orthodoxie de sa pensée. Il meurt à 89 ans, objet de l’estime et même d’un amour profond de la part de l’immense majorité des peuples anglophones, toutes confessions chrétiennes confondues.

Le sens de sa béatification Il a été béatifié par Benoît XVI le 19 septembre 2010 à Birmingham en Angleterre. Le fait que Benoît XVI a voulu présider lui-même cette cérémonie témoigne de l’importance qu’il accorde à la pensée de Newman, qui l’avait si profondément marqué pendant ses années de séminaire. Nous sommes maintenant dans l’attente d’un nouveau miracle qui permettra enfin de le canoniser, et – conformément au vœu de tous les papes depuis Pie XII – de le déclarer Docteur de l’Église. ■ L’Église célèbre la fête du bienheureux John Henry Newman le 9 octobre.

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SPIRITUALITé

La spiritualité

«Supplions-Le donc de nous apprendre le Mystère de Sa Présence en nous, afin que, en la reconnaissant, nous puissions ainsi la posséder avec fruit. [...] Reconnaissons-Le comme Celui qui siège en nous, à la source même de nos pensées et de nos affections. Soumettonsnous à Sa conduite et à Sa direction souveraine ; venons à Lui, afin qu’Il puisse nous pardonner, nous purifier, nous changer, nous guider et nous sauver.3»

de John Henry Newman

On peut donc presque définir le vrai chrétien comme un homme qui a un sens souverain de la présence de Dieu en lui au fond de son cœur, ou dans sa conscience2.

Devenir « temple » de l’Esprit, qui prie en nous

Les mots « spirituel » et « spiritualité » sont employés aujourd’hui avec une multitude de sens. Étymologiquement, chez saint Paul, et historiquement, le mot spirituel renvoie à l’Esprit Saint qui nous pénètre, nous habite et nous transforme – nous « sanctifie » – peu à peu de l’intérieur. C’est dans ce sens biblique du mot que Newman vit une expérience spirituelle d’une grande profondeur et qu’il propose un enseignement spirituel.

Dieu, une présence intérieure Newman définit d’abord et avant tout le chrétien comme un homme qui possède, ou qui cherche à posséder, au plus profond de sa conscience de soi, la perception d’une mystérieuse «  présence  », celle de Dieu. Ainsi, dans la suite du sermon cité ci-dessus nous trouvons cette exhortation : 12

L’Esprit Saint, dit Newman suivant saint Paul, « habite le corps et l’âme, comme dans un temple. […] Il nous envahit (pour ainsi dire) comme la lumière envahit un édifice, ou un parfum délicat les plis d’une robe précieuse ; de telle sorte que, selon le langage de l’Écriture, on dit que nous sommes en Lui et Lui en nous »4. Il reprend l’enseignement de St Paul sur la prière5 : toute prière commence par être notre œuvre, mais elle est appelée à se laisser devenir simple disposition d’accueil, de sorte que ce soit l’Esprit Saint qui prie en nous. Nous sommes « aussi dépendants de façon constante et ininterrompue de l’Esprit Saint, dit Newman, pour notre vie spirituelle que nous le sommes de l’air qui nous entoure pour notre vie terrestre »6.

Par l’Esprit, c’est le Christ qui « demeure » ou qui « habite » en nous Cette présence de l’Esprit Saint est aussi, bien entendu, celle du Christ, car c’est par Celui qui est en même temps l’Esprit du Père et l’Esprit du Fils que le Père et le Fils sont rendus présents. Newman va même jusqu’à dire que le Christ, par sa présence dans l’eucharistie et au fond de notre âme par la prière, est encore plus réellement présent à nous aujourd’hui qu’il n’était présent à ses disciples. Ainsi Il « daigne renouveler en chacun de nous figurativement et mystérieusement tout ce qu’Il a accompli et souffert dans la chair. Il est formé en nous, naît en nous, souffre en nous, ressuscite en nous, vit en nous »7. Et c’est par la puissance de transformation de Sa présence en nous qu’Il nous « sauve ».

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SPIRITUALITé

Une spiritualité fondée sur une psychologie fine et pénétrante Cette spiritualité de Newman n’a rien cependant de « désincarnée » : au contraire, elle est enracinée dans une psychologie fine et pénétrante. Il fait preuve d’un réalisme spirituel salutaire et parfois décapant. Il nous propose de retrouver le sens de la vie chrétienne comme un « entraînement » spirituel. Parmi les différents moyens de cet « entraînement », il insiste sur la nécessité de la connaissance de soi, d’une attitude de détachement ou de distanciation vis-à-vis du « monde » pour ne pas se laisser piéger par des valeurs contraires à l’Évangile, et tout particulièrement sur le « renoncement ». Celui-ci consiste non pas à refuser ce qui est bon par un quelconque masochisme, mais à nous exercer à faire des choix en vue d’entraîner notre volonté. Cependant, le renoncement que prône Newman n’a rien d’un grand geste dramatique (signe d’un « romantisme » spirituel potentiellement dangereux !), mais se vit dans le quotidien, dans les plus petits actes de chaque jour. Newman insiste également sur l’importance du temps dans tout cheminement spirituel authentique – invitant un jeune homme qui vient de se faire moine à « prier maintenant » pour la « persévérance » dont il aura peut-être besoin dans vingt ans !8 Car nous avançons vers Dieu à travers nos erreurs et même nos échecs, « nous marchons vers le ciel à reculons », et « nous visons de nos flèches une cible et pensons qu’il est bien adroit celui dont les ratés sont les moins nombreux »9 !

Les chemins de la conversion Sa propre expérience de la «  conversion  » suscite maintes réflexions sur ce sujet. Il possède un sens aigu de la complexité et de l’individualité de chaque être humain. Il est convaincu que « l’histoire religieuse de chaque individu est aussi solitaire et complète que l’histoire du monde »10. Mais aussi que Dieu respecte cette individualité et que, pour nous attirer et conduire vers Lui, Il « agit avec chacun de nous différemment »11 et peut « bénir les circonstances les moins propices »12. 14

Newman croit fermement aussi que la vraie conversion « possède un caractère positif, non un caractère négatif », et qu’un « esprit religieux » sera « conduit de l’erreur à la vérité, non en perdant ce qu’il possédait déjà, mais en gagnant ce qu’il ne possédait pas encore – non en étant dévêtu mais en étant “revêtu par-dessus”13» .

Une spiritualité de l’abandon Finalement, tout son enseignement spirituel aboutit à une spiritualité de l’« abandon ». Avoir « foi » en Dieu, c’est en fin de compte se reconnaître comme « créature » de Dieu, c’est accepter de se laisser « créer » ou « recréer » par Lui, c’est « s’abandonner à Dieu, Lui remettre humblement ses intérêts ou désirer être admis à les remettre entre Ses mains, à Lui qui est le donateur souverain de tout bien »14 . De même, toute « conversion » véritable conduit finalement à ce même « abandon » à Dieu : «L’esprit véritable de la foi conduit un homme à détourner son regard de lui-même vers Dieu, à n’attacher aucune importance à ses propres désirs, à ses habitudes, à sa propre importance ou à sa dignité, à ses droits, à ses opinions, et à dire : « Je me remets entre tes mains, Ô Seigneur ; fais de moi ce que tu veux ». 17» ■

Un modèle pour aujourd’hui Newman nous montre l’exemple d’une vie au service de Dieu et de l’Église. Comme penseur, il souhaite que sa réflexion théologique développe notre vie spirituelle. Comme pasteur, il est soucieux tout particulièrement des gens simples et peu instruits, des pauvres, des malades. À sa mort, ses confrères de l’Oratoire découvrent avec étonnement le vaste réseau de personnes auxquelles il venait en aide matériellement et spirituellement dans la plus grande discrétion. C’est aussi un homme de prière qui passe de longues heures devant le Saint Sacrement. Cet authentique « homme de Dieu » nous aide à retrouver nous-mêmes le chemin de Dieu. ■ 15


PRIÈRES

Les textes

de John Henry Newman

« Guide-moi, douce Lumière » Lors d’une visite en Sicile en 1833, Newman est tombé malade d’une fièvre typhoïde et a échappé de justesse à la mort. Dans son délire occasionné par la fièvre, il ne cessait de répéter : « Je ne mourrai pas, car je n’ai pas péché contre la lumière… », formule dont lui-même n’a jamais réussi à comprendre pleinement le sens. Mais ce fut l’occasion d’une nouvelle « conversion » : plus que jamais il allait s’abandonner à Dieu et se laisser guider par la « douce Lumière »… .

Une prière à l’Esprit Saint La prière de Newman est d’inspiration profondément biblique. Celle-ci en est un bon exemple. On y voit l’influence de saint Jean et de saint Paul en particulier :

M

on Dieu, je T’adore, ô Toi l’Eternel Paraclet, la lumière et la vie de mon âme […]. Dans Ton infinie compassion, Tu es entré depuis le commencement dans mon âme et Tu en as pris possession. Tu en as fait Ton Temple. Tu habites en moi par Ta grâce d’une manière ineffable […] Tu as fait de mon corps même […] Ton Temple. Ô stupéfiante, ô redoutable vérité !17 ■

G

uide-moi, douce Lumière, dans l’obscurité qui m’entoure, guide-moi de l’avant ! La nuit est profonde et je suis loin de ma demeure ; guide-moi de l’avant. Veille sur mes pas ; je ne demande pas à voir l’horizon lointain ; un seul pas à la fois me suffit. Je n’ai pas toujours été ainsi ; je ne T’ai pas toujours prié de me guider de l’avant. J’aimais choisir et voir ma route, mais maintenant guide-moi Toi-même de l’avant. J’aimais l’éclat du jour et, malgré mes craintes, l’orgueil dominait sur moi : ne Te souviens pas des années passées. Pendant si longtemps Ta puissance m’a béni ; assurément, elle me guidera toujours de l’avant, par landes et marais, rochers et torrents, jusqu’à ce que la nuit prenne fin, et qu’avec le matin me sourient ces visages d’anges que j’ai toujours aimés, et qu’un temps je perdis. » [Écrit en mer en 1833]16 ■ 16

17


PRIÈRES

Une prière à saint Philippe Neri Dieu, la « beauté » qui attire… Newman est un homme ébloui par la gloire et la beauté de Dieu. S’il se tourne vers Dieu, c’est non seulement en raison d’un besoin d’être « sauvé », mais aussi de la force d’attraction de cette beauté. Cette prière exprime aussi, cependant, une crainte que beaucoup d’entre nous éprouvent : celle de connaître, à l’approche de la vieillesse, un certain « raidissement » spirituel.

À

qui irais-je, si ce n’est à Toi ? Qui peut me sauver, hors Toi seul ? Qui peut me purifier, hors Toi seul ? Quel autre que Toi peut me rendre capable de me maîtriser moi-même ? Qui peut relever mon corps de la tombe, hors Toi seul encore ? C’est pourquoi je viens à Toi dans toutes les nécessités qui sont les miennes ; je viens avec crainte, mais avec une profonde foi. [...] Je viens à Toi, ô Seigneur, non seulement parce que je suis malheureux sans Toi, non seulement parce que je sens que j’ai besoin de Toi, mais parce que Ta grâce m’attire à Te chercher pour l’amour de Toi-même, à cause de Ta gloire et de Ta beauté. Je viens avec une grande crainte, mais avec un plus grand amour. Oh ! puissé-je ne jamais perdre cet amour ! À mesure que passeront les années, à mesure que le cœur se refermera et que toutes choses deviendront un fardeau, ne me laisse pas perdre ce jeune, cet ardent, ce vivant amour pour Toi ! Que Ta grâce supplée à la défaillance de ma nature ! Fais d’autant plus pour moi, ô mon Dieu, que je deviendrai plus impuissant ! Que plus mon cœur se refusera à s’ouvrir à Toi, plus pleines et plus frappantes soient Tes visites surnaturelles, et plus urgente et plus efficace aussi Ta présence en moi !18 ■

18

Non seulement Newman a fondé en Angleterre l’Oratoire de saint Philippe Neri, mais il a choisi Philippe pour son saint patron. Le secret de Philippe est simple : c’était un homme habité par l’Esprit Saint. Newman lui demande ce même don.

Ô

mon cher et saint patron, Philippe, je me remets entre tes mains, et pour l’amour de Jésus, par amour de cet amour qui t’a choisi et qui a fait de toi un saint, je te supplie de prier pour moi, afin que, comme il t’a conduit au ciel, ainsi, lorsque l’heure sera venue, il me conduise moi aussi au ciel.

Et je te supplie de m’obtenir une vraie dévotion envers l’Esprit Saint, au moyen de cette grâce que Lui-même, la Troisième Personne de la glorieuse Trinité, nous accorde. Obtiens-moi une part de cette dévotion débordante que tu avais envers Lui quand tu étais sur la terre. Car ce fut là, ô mon cher père, une des choses qui te distinguèrent particulièrement des autres saints : ils adoraient tous absolument et uniquement l’Esprit Saint comme leur Dieu unique ; mais toi, comme le pape saint Grégoire, l’Apôtre de l’Angleterre, tu l’adorais non seulement dans l’unité de la Divinité, mais aussi en tant qu’il procédait du Père et du Fils, en tant que don du Très-Haut et Source de vie. Obtiens-moi, ô saint Philippe, une telle mesure de ta dévotion envers Lui que, tout comme Il daigna descendre miraculeusement dans ton cœur et l’enflammer d’amour, Il puisse nous accorder aussi quelque don spécial de la grâce, semblable au tien. Ô Philippe, fais que nous ne soyons pas les enfants froids d’un Père aussi fervent. On te blâmera vivement si tu ne nous rends pas quelque peu pareils à toi-même. Obtiens-nous la grâce de la prière et de la méditation, le pouvoir d’être maîtres de nos pensées et d’éviter les distractions, et le don de nous entretenir sans nous lasser avec Dieu. Cœur de feu, Lumière de la joie sainte, Victime de l’amour, prie pour moi.19 ■ 19


PRIÈRES

« Donne-moi la ferveur » Devenu catholique, Newman a eu du mal à faire siennes les dévotions alors en vogue dans le catholicisme, qui faisaient appel à l’imagination et à l’affectivité des fidèles. Il s’est d’abord reproché de manquer de  ferveur, jusqu’à ce qu’il comprenne que la véritable ferveur n’est pas celle d’une imagination surchauffée et d’une sensibilité exacerbée, mais le fruit de la présence en nous de Dieu Lui-même.

J

e te demande, Seigneur, la ferveur.

Elle est le couronnement de tous les dons

Prière d’invocation

B

ienheureux John Henry Newman,

toi à qui Dieu a accordé la grâce de suivre sa douce lumière

et de trouver la paix dans son Église, aide-nous à être fidèles, comme toi, à l’écoute de la Parole

et aux enseignements de la conscience ; aide-nous à obtenir, comme toi,

la grâce d’être conduits hors des ombres et des images vers la plénitude de la Vérité ;

et de toutes les vertus.

et aide-nous à suivre,

je demande la force,

le chemin de la sainteté,

je demande la foi, l’espérance et l’amour.

et en nous laissant transformer par sa puissance,

je demande à être délivré de toute crainte

lumière du Christ dans et pour le monde.

En demandant la ferveur, Seigneur,

comme toi-même l’a fait,

la constance et la persévérance,

en nous laissant habiter par la présence de l’Esprit

En demandant la ferveur,

pour que nous puissions devenir, à notre tour,

et de tout désir d’être loué.

Amen. ■

Je demande le don si doux de la prière. Je demande à la fois la sainteté, la paix et la joie...

Seigneur, en te demandant la ferveur, je te demande Toi-même.

Je ne demande rien d’autre que Toi,

ô mon Dieu qui T’es donné entièrement à nous. Entre dans mon cœur et remplis-le de ferveur en le remplissant de Toi.

Toi seul peux remplir le cœur de l’homme, comme Tu as promis de le faire. Tu es la flamme vivante

qui brûle d’amour pour les hommes.

Entre en moi et, pour que je sois semblable à Toi, Enflamme-moi de ton feu.20 ■ 20

MESSE VOTIVE DU BIENHEUREUX JOHN HENRY NEWMAN Ô Dieu, qui accorda à ton prêtre John Henry Newman la grâce de suivre ta douce lumière et de trouver la paix dans ton Église ; accordenous, par son intercession et son exemple, la grâce d’être conduits hors des ombres et des images dans la plénitude de ta vérité. Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur et notre Dieu, qui règne avec toi et le Saint Esprit, maintenant et pour les siècles des siècles. Amen.21

Notes : Consultez-les sur le site : http://saints-de-notre-temps.fr

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BIBLIOGRAPHIE

➤ Keith BEAUMONT, Prier 15 jours avec le Cardinal

Quelques œuvres de Newman en français

➤ Keith BEAUMONT, Olivier de BERRANGER,

➤ Apologia pro vita sua, traduction de L. Michelin-

Delimoges revue et corrigée par Michel Durand et Paul Veyriras, Ad Solem, 2003, 2010.

➤ Sermons paroissiaux, trad. sous la direction

de Pierre Gauthier. Éditions du Cerf, 8 volumes, 1993-2007

Anthologies

➤ Douze sermons sur le Christ, trad. Pierre Leyris.

Éditions du Seuil, réédition dans la coll. « Livre de Vie », 1995. ➤ John Henry Newman. Textes choisis et présentés

par Keith Beaumont. Éditions Artège, coll. « Spiritualité en poche ».

➤ John Henry Newman. Une pensée par jour.

Textes réunis par Keith Beaumont. Éditions Mediaspaul, 2010.

➤ Pour connaître Newman. Anthologie de textes

réunis par C. S. Dessain. Préface de Keith Beaumont, Ad Solem, 2010.

➤ Saint Philippe Neri. Textes choisis et présentés

par Keith Beaumont. Introduction de Keith Beaumont, Ad Solem, 2010

Quelques ouvrages en français sur Newman

➤ Keith BEAUMONT, Le Bienheureux John Henry

Newman. Un théologien et un guide spirituel pour notre temps. Biographie officielle pour la Béatification. Éditions du Signe, 2010.

➤ Keith BEAUMONT, Petite vie de John Henry

Newman. Nouvelle édition revue et augmentée. Desclée de Brouwer, 2010.

Newman, Nouvelle Cité, 2005.

Didier RANCE, Grégory SOLARI, Pascale VINCETTE, Lire John Henry Newman au xxie siècle, Éditions de l’École Cathédrale, 2011. ➤ Olivier de BERRANGER, Par l’amour de l’invisible.

John Henry Newman et Henri de Lubac. Itinéraires croisés. Éditions Ad Solem, 2010.

➤ Louis BOUYER, Newman. Sa vie. Sa spiritualité.

Paris, Le Cerf, 1952/2009.

➤ Jean HONORÉ, Newman : sa vie et sa pensée.

Éditions Desclée, coll. « Bibliothèque d’histoire du christianisme » n° 17, 1988.

➤ Jean HONORÉ, John Henry Newman. Un homme

de Dieu, Le Cerf, 2003.

➤ Jean HONORÉ, Les Aphorismes de Newman,

Le Cerf, 2007.

➤ Jean HONORÉ, John Henry Newman. Le Combat

de la vérité, Le Cerf, 2010.

➤ Jean HONORÉ, La pensée de John Henry Newman.

Une introduction, Ad Solem, 2010.

CD Bienheureux John Henry Cardinal Newman. Un itinéraire spirituel. 7 émissions diffusées sur Radio Notre-Dame au cours de l’été 2010 avec K. Beaumont, G. Solari, M. Harrison, P.Vincette, I. Fernandez, J. Rencki et D. Rance. 2 coffrets de 2 CD à commander : Atelier du Carmel. 14380 Saint-Sever-Calvados. Tel. 02 31 66 20 95. carmel.saint-sever@wanadoo.fr

Association

L’Association française des Amis de Newman a pour but de faire connaître la pensée et l’œuvre du bienheureux Newman au public francophone. Adresse : www.jhnewman-france.org


L’équipe éditoriale adresse ses sincères remerciements à tous ceux qui ont participé à la réalisation de ce livret. Auteur : Père Keith Beaumont, président de l’Association française des amis de Newman. Illustrateur : Antoine Denain. Crédit photographique : Père Keith Beaumont

Connaissan

ce

des saints

mps de notre te

les titres de la collection

• John Henry Newman • Frédéric Ozanam • Ivan Merz • Louis et Zélie Martin

et bientôt…

• André Bessette • Charles d’Autriche • Élisabeth de la Trinité • Franz Jägerstätter • Jean-Paul II • Josémaria Escriva

de Balaguer • Luigi et Maria Beltrame Quattrochi • Pier Giorgio Frassati • Marie Faustine du Saint Sacrement

Pour nous joindre : CSNT2011@yahoo.fr

http://saints-de-notre-temps.fr

Association loi 1901 CSNT (JO du 29 octobre 2011) 38, rue Théodule Ribot – 92700 Colombes Imprimé en France par l’imprimerie de Montligeon Tirage : octobre 2012 Dépôt légal : octobre 2012

Bibliothèque personnelle de J. H. Newman à l’Oratoir de Birmingham.


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