Poèmes pour Se Souvenir et pour Oublier

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POÈMES POUR SE SOUVENIR ET POUR OUBLIER SAM RIMBAULT



POEMES POUR SE SOUVENIR ET POUR OUBLIER Sam Rimbault


POEMES POUR SE SOUVENIR

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A Julie, Alysson, Marine, Marie, Agathe, et toutes les autres...

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POEMES POUR SE SOUVENIR

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PREFACE

à mon ami,

LES « Poèmes pour se souvenir et pour oublier » constituent le premier recueil de Sam Rimbaut et je doute fort que ce soit le dernier. Mais vous verrez, lecteurs, que ce n’est pas d’une facilité de lecture. La meilleure façon de comprendre une œuvre est de comprendre l’artiste et en cela je peux dire que j’ai une chance inouïe du fait que je le connaisse plutôt bien. Cette œuvre est assez complète au point de vue de la technique. «Technè », en grec, c’est l’ensemble des règles qu’il faut suivre dans un art donné et Sam Rimbault est devenu un fervent adepte de ces règles de la poésie et des poèmes, qui, au fil du temps, ont subi d’énormes modifications suivant les styles. Sam Rimbault a su ainsi maîtriser à la fois le sonnet avec ses deux quatrains et ses deux tercets écrits en alexandrin et les acrostiches en passant par les poèmes en proses, en rime, en rythme binaire ou ternaire, sans oublier quelques réflexions philosophiques sur le Monde, les Filles, et surtout sur deux domaines redondants que sont la Mort et l’Amour, le Mal et le Bien.

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POEMES POUR SE SOUVENIR Tout comme son œuvre, Rimbault est un artiste complet. L’homme sait maîtriser à la fois l’art de la rhétorique, pouvant philosopher des heures sur des thèmes assez variés, donner un avis avec une argumentation des plus riches et précises et narrer la vie de personnalités qui ont marqué l’histoire de manière surprenante. L’homme sait jouer : un comédien de premier ordre avec un talent des plus extraordinaires se rapprochant le plus près possible de la réalité du personnage qu’il a à incarner. L’homme sait dessiner. Le crayon à la main et la feuille blanche reposant sur une surface plane, sondant son imagination, il dessine le plus beau de tous les anges ou le plus terrible des démons, des paysages fantastiques dessinés avec justesse puis peints à l’aquarelle pour une meilleure finition. L’homme, enfin, sait écrire et retransmettre juste à l’aide d’une plume des sentiments enfouis au fond de lui. Mais ses dessins et ses textes proviennent de plusieurs endroits : la réalité certes mais aussi d’Ædena, un monde imaginaire retranscrit à travers plusieurs textes et poèmes. Rimbault s’invente alors un pseudonyme « Skiew » pour signer quelque uns de ses écrits parmi les plus sombres. Il va même jusqu’à s’inventer un personnage : le Fou Noir à l’ombre des Tours à la recherche de sa Reine. Certains de ses paysages et de ses personnages, si bien décrits, ont été dessinés par S.Rimbault afin de rendre concrète une si belle invention. Mais si Sam Rimbault écrit autant, c’est sans doute pour essayer de se libérer, de vider son esprit parfois un peu trop embourbé et montrer que malgré de si grands

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talents, ses désillusions sentimentales le font souffrir. Skiew est là pour l’aider mais Skiew n’est pas forcément le bon côté de lui-même, d’où les textes comme « Schizophrénie passagère : le Rêveur et l’Ombre » . Malgré ça, Sam Rimbault garde le courage et compte sur ses ami(e)s pour l’aider à surmonter ses problèmes. « Ce qui ne me fait pas mourir me rend plus fort. » NIETZSCHE

G.Thoreau

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INTRODUCTION

Rambouillet, le samedi 12 février 2005

JE ne prétends pas savoir bien écrire. C’est parfois même pour moi un miracle lorsque les mots que je couche sur la froideur du papier parviennent à transcrire convenablement ma pensée. En vérité, je préfère largement dessiner qu’écrire, bien que j’aie progressivement, au fil de ces dernières années, réussi à mêler ces deux activités. C’est qu’il s’est révélé de plus en plus difficile pour moi d’ordonner mes idées, mes sentiments, mes impressions, mes terreurs, mes névroses, et je rencontrai de plus en plus d’obstacles pour représenter les images qui naissaient de tout ceci. C’est donc finalement vers l’abstraction des lettres, opposée au concret pictural, que je me suis engagé – peut-être à tort – pour exorciser mes hantises. En effet, ces POEMES POUR SE SOUVENIR ET POUR OUBLIER sont pour moi bien plus que des poésies. A travers ces textes, je suis parvenu à arracher de mon esprit l’osmazome de mes pensées, et par ma plume s’est étalé, comme sécrété par mon cœur blessé, l’élixir de mon existence, formé du plus profond de mes sentiments 9


POEMES POUR SE SOUVENIR cohobés. Pour écrire ce qui va suivre, nombres d’amères larmes ont dû être versées, par mes propres yeux désabusés, comme par des amis comptant beaucoup pour moi ; il a également fallu de l’amour, de la haine, du désespoir, de la mélancolie, de la nostalgie, de l’amitié, de la crainte, de la fascination et, surtout, une histoire. Une histoire qui se voulait vouée à l’oubli, mais qui gagne une certaine et relative immortalité par la transcendance littéraire. Cette histoire n’est substantiellement qu’une série d’anecdotes anodines mises bout à bout, et pourtant… Le temps passant l’a presque revêtu du voile improbable de la légende. Mais au fond, n’est-ce pas là le destin de toutes les histoires que d’être romancées encore et encore jusqu’à ce que ce soit la réalité elle-même qui décide de lui porter crédit ? Et quelle histoire, si elle se trouve teintée d’un quelconque mysticisme, ne recèle pas en vérité plusieurs bribes d’authenticité affublée de déguisements intemporels ? Quel écrit biographique ne cache pas entre ses lignes une véracité éloignée ? Je me suis en fait permis d’accélérer le temps pour mon histoire, et de lui conférer moi-même l’aura dépolie du miroir antique qui procure tant de fascination à celui qui s’y contemple… Cette histoire est un conte, c’est une tragédie ; il y a des elfes et des fées, des fous, des rois, une reine et des tours, des anges sans dieu, des magiciennes et même des créatures mystiques ; tout y est en musique, en ombres et en lumières, avec un peu de Pigalle et de son électricité. C’est une toile surnaturelle, tissée avec les fils de nos vies jadis entremêlées ; c’est une ode au passé, un lent

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requiem teinté de souffrances transmises et partagées, un repentir aux sentiments immolés. Et c’est aussi un puzzle iconique, où chaque pièce résonne à travers de multiples couches de masques théâtraux, où chaque détail est un travestissement de la réalité qui paradoxalement tente de s’en rapprocher le plus possible. Ainsi, ce recueil peut être lu comme un simple ouvrage poétique, mais aussi comme une confession, une autobiographie romancée qui s’apparente à un vaste labyrinthe symbolique dont les arcanes sont autant de portes scellées pour la compréhension. Mais toute serrure possède bien une clé, non ? Cependant, il faut tenir compte du principal et peutêtre unique intérêt de ce livre. Raconter une histoire n’apporte pas grand-chose, à part des souvenirs, et les souvenirs parfois se perdent. L’oubli ne naît pas directement, mais il s’installe petit à petit dans l’inconscient, plus on raconte en omettant quelques détails. N’est-ce pas un bon moyen d’omettre que de transformer, de romancer ? Ainsi donc, le titre parle de lui-même : ce recueil sert à oublier à force de souvenirs. En écrivant et en réalisant ce que vous tenez entre les mains, je n’avais aucune prétention. Je regrette même presque de vous le laisser lire. Néanmoins, lecteur, soyez remercié de penser, de douter, de peser, d’estimer, de renoncer, de maudire, d’aimer, de haïr et de critiquer ces délires lyriques, post-romantiques et estudiantins d’une pauvre âme errante sur les berges de l’Achéron, hésitant face au Cocyte en attendant sa place parmi les morts.

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POEMES POUR SE SOUVENIR Quel que soit votre ressentiment face à ce travail que par humilité je n’oserais appeler « œuvre », je vous remercie. Je vous remercie, mais aussi je vous souhaite de laisser votre esprit dériver au fil de ces pages qu’il vous reste à tourner, de vous laissez emporter par ce voyage au creux des songes et des cauchemars et, à votre tour, de rêver en trouvant les clés disséminées çà et là, afin d’ouvrir les portails hermétiques de l’inconscient. Laissez-moi vous offrir, lecteur, ce court recueil aux pages toutes grouillantes des vers échappés de mon esprit, de mon inconscience mais aussi de mon cœur. « Si l’expérience est le nom que chacun donne à ses erreurs, alors je suis un vétéran de la vie. »

S. Rimbault 2005

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UN AUTRE TEMPS… (premières poésies)

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APOCALYPSE

Le monde pitoyable est berceau de ce mal, Qui vous tue, implacable. Ah ! terrible animal ! Oui, vous l’avez fait naître avec science funèbre, Votre terrible maître appelé « La Ténèbre » Et vous devez payer cette cupidité Qui vous a entraîné, jusqu’à l’éternité, A croire en ce dieu noir pour remplacer l’ancien, Et à bannir l’Espoir, gardant Mal contre Bien. Aux dépends des conseils des gens « civilisés », A ces grandes chimères vous vous attachez. La branche va rompre, mais, oh ! point de discours Car à cette emprise n’y a pas de secours. Alors vous tomberez ; couronne n’aide plus. Allez, tombez, mourrez ! C’est là le seul salut. Ni bible, ni élu contre la Bête immonde ; Ainsi la Coupe est bue, et c’est la fin du monde… 2001

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MESSE NOIRE

Dans la nuit, oui ce soir, Mille cris, plus d’espoir. Par milliers des ouvrages Condamnés par les sages, Mais un seul pour te voir. De ta gueule, le pouvoir A donné grande force. Désirées catastrophes… Belzébuth ! ô Satan ! Droit au but, ton aimant L’Humanité est prête Pour le retour de l’Enfer ! 2001/2002

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LE DESTIN

Qu’a-t-on à faire D’un crève-misère ? Car s’il n’est mort De ses remords, C’est bien le froid Qui le tuera ! Et son abri, Vraiment petit, Sera tombeau De ce lambeau, Si bien maudit, Sans Paradis. 2002

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L’INCOMPRIS

Il dit non avec sa tête mais il dit oui avec le cœur il dit oui à ce qu’il aime il dit non à sa solitude mais il est seul avec sa peine et il se pose toutes questions soudain la lassitude la prend et surgissent les sentiments la peur et la douleur les incertitudes et les convictions l’amour et la haine et malgré les encouragements du misanthrope sous les critiques des citadins avec la toile de l’araignée au pied de l’arbre où fleurissent les problèmes il entrevoit sa solution 2003, pastiché de J. PREVERT, Le Cancre

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« AMERICAN DREAM » I Lorsque l’imaginaire s’étend vers ailleurs, Alors que l’infini cohabite avec toi, Je pars te rejoindre, durant de longues heures, N’emportant que mon âme, venant bien malgré moi. Tout seul, éperdument, je suis à ta poursuite Dans les labyrinthes de mon âme assombrie, Et quand je te trouve, jeune, belle et séduite, Tu t’éloignes et t’enfuis, laissant ces lieux aux cris. Partant aux Valkyries vers ma trouble inconscience, Je n’aurais pu penser te voir sans existence ; Ecorchée, mutilée… du sang vert à mes pieds ?! J’ai crié, pleuré, voulu détruire le monde ; Près du berceau sanglant, je l’ai trouvé immonde… Je suis pourtant cloîtré dans ma réalité. II « Quand je suis rentré, j’ai vu le berceau renversé, Et dans la lumière de ces cierges damnés, Au milieu de cette flaque coagulée, Je voyais notre fille sanglante agoniser. » 2003, inspiré des cauchemars de Max Payne

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HALLOWEEN

Si d’aventure sur la Terre Tu voyages de tes misères, Passe ton chemin, étranger : Tu cours un terrible danger Car résident en ce Manoir Les ombres et les âmes noires Qui mettent les hommes aux fers Dans les profondeurs des Enfers … Octobre 2003

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AMOUR Mélancolie du soir, qui tant me désespère, Amoureux de tes puits sombres et envoûtants, Rien ne peut m’empêcher de voir ta lumière. Incroyables regards, ces yeux que j’aime tant… N’ayant voulu que toi, comme une étoile guide, Encor faut-il te dire : sans toi, ma vie est vide. Juin 2003

SOUVENIR DE ST CHAFFREY Nous étions repartis, dans ce maudit couloir, Toi vers ta douce vie, et moi, seul, dans le noir… J’ai pleuré et parlé, mais pas comme il fallait ; J’ai pleuré et aimé, du moins je le croyais… Mais encor à cette heure, il faut me rappeler : La Reine a pris mon cœur, et puis s’en est allée… Juillet 2003

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CARNIFEX

Dans ton âme de noirceur, La lumière a éclaté, Faisant rebattre ton cœur, Que tu croyais prisonnier. Mais la Joie est éphémère, Et le Bonheur, à son tour, S’en va filer par derrière Sans faire le moindre détour. Tu as chuté loin du Ciel, Et en toi est revenue, Puisque tu t’éloignes d’elle, L’Ombre déjà combattue. Savoure donc cette peine, Qui sied bien aux Anges Noirs, Pour avoir aimé la Reine, Et la couleur de l’Espoir. 2003

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FRAGMENTS DE VERITE ET LYRISME DU MENSONGE

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LOST IN LONELINESS Il est seul, il est perdu… Etranger, que cherches-tu ? Te complaire dans tes rêves, Ou vivre ta vie sans trêve ? Moi j’ai déjà fait mon choix… Voudrais-tu savoir pourquoi ? Entre mon corps et mon âme, J’ai souhaité ce monde infâme. Croyant en l’Humanité Comme une riche entité, J’ai défait mon propre ciel Au profit du substantiel… Mais elle est bonne à damner ! Tu viens de loin, étranger… Que dis-tu de mon histoire ? Vrai ou faux ? Pourquoi me croire ? Entend juste ce conseil : Vis tes rêves sans pareil Et occulte nos cités Derrière ta cécité. 2003

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J.A.C.K. A Mary Kelly, dernière victime officielle de l’Eventreur

Entre le crépuscule et une aube blafarde, Sans le moindre scrupule, il éventre deux gardes, Pour retourner en ville, où sont ses souvenirs, Où son état civil lui rappelle le pire. Dans la ruelle d’ombre, il retrouve Mary : Rien que du sang sombre sur ses couteaux polis. Il est si avide ; sa soif d’expériences Laissera le corps vide, en mystère pour la science. Qui peut bien le pousser à commettre ces crimes ? Croit-il ainsi laver le monde jusqu’aux cimes De toute sa laideur, sa crasse et son entrain ? Ce soir, mélancolique, il s’en retourne au port. Seul au bout de la crique, il sent venir sa mort. Il attendait cette heure comme une nuit sans fin… 2003

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AGATHE De tes sanglots passés, je suis le seul coupable, Et pour m’en excuser, je t’écris cette fable. Je ne chercherai pas à ordonner mes vers ; Je pense, comme cela, que je serai sincère. De tous mes souvenirs, un terrible me blesse ; C’est sans doute le pire que ma Nuit te laisse. Maintenant, aujourd’hui, dans ma sphère infernale, Depuis un jour maudit, je vis un triste bal Où en dansant, ma fée disparaît loin de moi ; Où, voulant m’oublier, tu bouleverses mes lois. Je ne sais comment faire pour que tu pardonnes Cette erreur grossière qui ainsi ordonne. Tu as été trahie et tu as trop souffert De cette infamie marquée par mon Enfer. Pourquoi t’ai-je menti ? Je ne sais pas moi-même. Peut-être par envie de croire que je t’aime ; Peut-être par besoin de sentir autre chose. Je te laisse le soin de haïr cette osmose. Mais sur notre Terre j’aimerais te revoir, Bien que souvent j’erre porté par le hasard… Si je t’ai fait pleurer, crois-moi, je le regrette : Je veux n’avoir aimé, dans ma vie, que Ninette. 2003

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CŒNESTHESIE Ce soir je t’ai revue ; Mes paupières sont tombées sur mes yeux embués ; mon cœur s’est déchiré en pensant à mon passé. Loin en arrière, c’est une prière qui me rappelle que dans la citadelle céleste tu étais belle, que dans le fiel actuel de mes pensées je suis damné de trop t’aimer. Alors que toi tu rêves tout bas à ton bonheur pendant des heures, je pleure, seul, sur cette fleur offerte en ton honneur, dans l’air tantôt rougeâtre tantôt doré de l’âtre automnal crépitant de sentiments immolés. Automne 2003

ΆΝ΄ΑΓΚΗ Et c’est pareil à chaque fois… Heureux je viens et je te vois ; Soudainement je pleure, j’ai froid Et je ferme mes yeux sur toi Abandonnant ainsi ma joie Et tout ce qui compte pour moi… 2003

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LE VAMPIRE Comme une ombre j’arpente la nuit Dans les villes noyées par la pluie Qui les lave de toute infamie Depuis qu’un lointain été s’enfuit. Chacun de mes pas me guide vers Une proie au parfum d’osmazome. Et je m’en repais, drogué d’ozone ; Rien de moins pour un être pervers. J’en suis allé jusqu’à rechercher Le plus satanique des divins Nectar : Judas en a bu le vin ; Ma communion de sang cohobé. Mais on me fuit dans les citadelles. Les humains ont-ils enfin compris ? Qui soignera un tel perverti ? Pourrais-je encor aimer une belle ? Une fois j’ai aimé, ce me semble… Peut-être aurais-je dû le savoir, Elle n’aimait pas mes cauchemars : Le Jour et la Nuit ne vont ensemble. 2003

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DECAY She played with my lonely heart, and I used to lose. Many times I tried to win, to live, to love but my chance’s been caught, and she took my heart. Now nothing could save me from my gloomy world, no one could heal me from my never-ending night. I am a prisoner of darkness, a sad lost soul… I only need the girl I love, but she went away with my heart in her hands… 2003

COMPTE-RENDU AUX DIEUX OLYMPIQUES N’a-t-on jamais vu, ici, sur la Terre, Plus abjecte et ignoble créature ? Est-ce une bête sombre sous la pierre ? Elle saurait menacer le futur. Est-elle rampante sous le beau ciel ? A-t-elle également fui les glaciers ? … En fait je ne sais pas grand-chose d’elle ; Mais il faut l’appeler Humanité. 2004

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UN AIR ONIRIQUE A mettre un jour en musique… Rôdant depuis bien des années Dans les sombres cachots de Hel, Je regrettais d’être tombé De ma lointain’ tour de Babel. Dans cett’ lumièr’ de fin de monde, Je pleurais mes rêv’s assassins, Doutant que la Terre fut ronde Et que l’on m’aimerait enfin. Mais un jour au loin je t’ai vue Et tes beaux yeux, comme un aimant, M’ont arraché à mon vécu : Je n’voulais plus être un dément. Je suis parti, j’ai voyagé Toujours plus loin, pour te rejoindre. Sur l’Achéron, j’ai navigué Hors de Enfers, pour te rejoindre. Sur ma rout’ me guidait Hathor Jusqu’à l’Olymp’ que j’ai gravi Et mêm’ si je sais que j’ai tort J’ai salué sur moi la pluie. Obéron de loin me héla ; Il voulait connaître ma route. Je répondis que c’était toi Que je cherchais auprès de Nout. 35


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Et maintenant me voici là, Devant le Valhöll et ses portes, Plus près que jamais de tes bras Qui m’arrachent à mes amours mortes. J’entrerai, irai droit vers toi Et, riant d’Eris à jamais, Nous partirons sur Terre, en bas, Où le bonheur serait parfait. Et Odin, depuis son empire, Sous la rumeur des immortels, Fêt’ra notre amour de son rire : Fill’ d’un divin et fils de Hel. 2003

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ÆDENA C’est un endroit perdu, oublié ; c’est ailleurs. Je suis seul au milieu d’un grand cercle de fleurs. Autour de moi s’étend une verte vallée Frémissant encore sous la brise d’été. Je sens dans mon dos mes ailes se déployer, Et entre mes plumes noires le vent souffler. Je prends mon envol vers l’immensité d’azur, Fendant la brume vers un air encor plus pur, En faisant cliqueter ma cotte de mithril. D’en haut je vois que ce lieu est en fait une île. Ivre d’ozone je reviens sur cette terre Entourée de montagnes, cernée par la mer, Et je lance vers les nuées un long appel. En réponse, de la forêt couleur de ciel Emerege lentement mon sombre destrier, Noir comme la couleur des yeux de mon aimée. Et je chevauche ma chimère qui m’emmène Rejoindre ma Reine qui, en ce lieu, m’aime. 2004

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EMILIE Pour un ami d’outre-Atlantique.

Moi je suis le Fou Noir Qui recherche sa Reine, Ballotté par la peine Et par le désespoir. Mais sur cet échiquier Je ne suis pas le seul Hésitant sur le seuil Et pleurant pour aimer. Il existe un Fou Blanc Qui, à l’ombre des Tours, Aime quelqu’un toujours ; Et c’est toi qu’il attend. Bien au-delà des mers, Très loin dans son exil, Eperdu près des îles, Pour toi sont ses prières. Tu vois chère Emilie, Il pense encor à toi Et ce, où que tu sois Telle est la vraie folie… 2004

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MESSAGE ENTRE NEUF ET DIX (MARINE) Si je te dérange, excuse-moi Mais sache que je suis toujours là, Que malgré tout j’existe toujours Même égaré à l’ombre des Tours. Jadis le Fou Noir a perdu sa Reine, Alors pourquoi aujourd’hui cette haine ? Je sais que je n’ai plus ma place ici Ne me le fait donc pas comprendre ainsi. Ce soir, je veux juste te parler Afin d’oublier notre passé… Mais quand je vois ta lointaine froideur Et tous tes regards tournés vers ailleurs, Je suis un peu comme une ombre effacée, Un fantôme ou un spectre calciné ; Ce n’est pas ce que je veux être ici. Moi j’aimerais devenir un ami Et te voir ailleurs que dans cette rue, Pour rattraper un peu le temps perdu. Cet été je fus bête, je l’avoue Je n’aurais pas dû me jouer de vous. Pour cela je pense être détestable Mais je crois aux miracles formidables, C’est pourquoi je te demande aujourd’hui : Pourrais-je un jour devenir ton ami ? 2004 39


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PHŒNIX (PREMIERE RENAISSANCE) Jeune fille aux grands yeux voilés d’un doux mystère… Unique dans les clameurs d’amour de mon cœur… Lointaine en mon esprit, mais proche en mon malheur… Illusion chimérique et réelle en ma sphère… Est-il juste de croire en ce nouveau bonheur ? LE 4E REVE (Julie) Adieu à toi, douce Reine ; Adieu, Déesse charnelle ; Adieu, lointaine Sirène ; Une seule fille est belle Et mérite d’être aimée Par tous les Dieux et les Rois ; Cette fille tant rêvée, Je dois avouer que c’est toi. Enfin les vents ont tourné Et le Fou Noir a changé : Je deviens ton Chevalier Et avec cette longue Epée Retirée de ton malheur, Je protègerai des heures Cette belle et tendre fleur Pour préserver ton bonheur.

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ELLE Toute une semaine loin d’elle… C’est un Paris sans Tour Eiffel ; C’est un oiseau bleu sans ses ailes ; C’est la Bête privée de Belle ; C’est un Chevalier infidèle Qui irait avec la Charnelle ; C’est comme jouer à la marelle Sans jamais atteindre le ciel ; C’est l’exil dans les citadelles Où se perdent tous mes appels ; C’est rejeter tous ces pastels Pour pleurer la vie d’aquarelles… C’est une explosion, là, en moi ; Un vide, un manque, une douleur, Un mal-être, un murmure froid ; C’est voir le monde sans couleur… C’est une longue nuit mortelle, Quand d’elle je reste sans nouvelle.

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LE MAGNETISME DU DESESPOIR

Devant nous l’infini ; à quoi bon continuer ? En poursuivant la route, on se ferrait damner. Je sais ce qui m’attend derrière la Couronne ; Et c’est la Vérité, qui jamais ne pardonne. J’aurais aimé partir pour ailleurs avec vous, Mais si cet échiquier perdait son dernier Fou… Qu’en penserait la Reine ? Ce serait la trahir. Alors je reste ici, à tant me faire haïr. De plus, ce voyage, je l’ai déjà subi, Cherchant le mystère du Phœnix assoupi ; Et j’en suis revenu tout couvert de brûlures, Ramenant en mon cœur une triste blessure. Ô amis, ne cherchez jamais la Vérité ! C’est un fruit maudit qui vous ferait damner…

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LE LIVRE

Dans ton passé, souviens-toi de ces pages ; De l’enivrante odeur de son parfum, Comme un voile éthéré d’encens sans fin, Un arôme spectral dans son sillage… Derrière les traits d’encre de la plume, Tu replonges dans ce lointain ailleurs Où ses yeux noirs blessent encor ton cœur Jusqu’à ton inexistence posthume. Les pleins et les déliés de l’écriture Rappellent les ondées capillaires De la Déesse et ses amours amères En cette époque où tu te croyais pur… Puis vient la belle aux cheveux flamboyant. Maintenant que tu es seul dans ta sphère, Tu regrettes ses yeux pleins de mystère. Juste une semaine de changement… Avec le temps tournent les feuilles jaunes De ce conte pathétique et bien triste De la vie d’un rêveur utopiste Qui devient Vampire au lieu de Faune.

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POEMES POUR SE SOUVENIR Tu refermes l’ouvrage dans la nuit. Tu n’aimes pas ce livre et moi non plus : Cette histoire a un goût de déjà-vu, Car ce récit est celui de ta vie.

CONFESSION D’UN POSSEDE « Ô Satan prend pitié de ma longue misère ! » Charles BAUDELAIRE

Il est des choses que je ne vous dis pas, Pour posséder encor des amis avec moi. Mais ceux qui me haïssent ont bien compris Qu’aujourd’hui, je ne vis plus que par félonie. Je ne réclame pas, amis, votre pardon ; Je ne veux pas, ennemis, de votre indulgence : La Nature m’a fait ce trop ténébreux don, De Satan, à ma mort, recevoir la clémence !

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L’HISTOIRE DU FOU NOIR A Alysson, Marine, Agathe, Julie ; A notre passé, et au futur.

Le long des vertes plaines d’Ædena, Un Ange Noir aimait une Sirène. Terrible et douloureuse était sa peine, Car jamais cet amour il n’avoua. Peut-être aurait-il dû se décider Au lieu de se perdre dans les labyrinthes Léthargiques de ses tourmentes feintes, Car sa belle se taisait pour l’aimer ! Le temps a toujours passé bien trop vite, Et l’éthéré fut bientôt dépassé : Lïveff accomplissait sa destinée Pour transformer ce monde en nouveau mythe. L’Apocalypse brûla Ædena ; Le feu fondit le Létal terrifié Pour laisser place à un Monde Brisé Où il n’y aurait plus d’unique Roi. Certains survivants, guidés par la Reine, Partirent s’installer sur les Nuages, A l’encontre du Destin et ses pages. L’Ange Noir en oublia sa Sirène.

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A l’image de son nouvel amour, Il chercha à conquérir un royaume ; Il rasa presque la terre des Faunes. Ainsi naquit le grand Monde des Tours. Mais il voulut bientôt la rejoindre, Elle qui présidait dans le haut ciel. Mais en chemin, il se brûla les ailes ; Gisant au sol, il ne savait que craindre. Banni de la citadelle céleste, Il chuta devant la trouble Déesse. Soupirant pour cette nouvelle princesse, Il la suivit chez elle, loin vers l’Est. Mais il ne pouvait croire à ce bonheur. L’amour fut ici d’une violence inouïe, Pendant un temps, la Reine fut trahie ; Mais de ce souffle naquit le malheur. Il aimait trop sa douce souveraine Pour être bienheureux avec sa Charnelle ; Il n’était aimé par aucune d’elles ; Parfois il repensait à sa Sirène… Dès lors la folie le possédait. L’Ange Noir devint l’horrible Fou Noir, Le bourreau de Lïveff, crachant l’Espoir Et vomissant toute forme de Paix !

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Seule la mystérieuse Phœnix Aux cheveux de feu parvint à lui faire Oublier les blessures de sa chair, En lui proposant des pensées fixes. Nouvel amour ; sentiments volatiles ; Mais celui-ci était-il réciproque ? Il chercha la Vérité, qui se moque D’un Fou qui croit aux miracles faciles ! Triste et déchiré, le Fou Noir est seul. Assis à l’ombre de ses hautes Tours, Il pleure d’avoir perdu ses amours. Toutes sont aux Nuages ; il est seul. Si un jour vous lisez ce long poème, Laissez donc une part à la fiction : Car au fond, toutes ces filles que j’aime, Aujourd’hui me pardonnent mes tensions.

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LE SONGE D’UNE MATINEE D’ETE A William Shakespeare, qui ne me lira sûrement pas !

Sous le soleil d’été, dans un joli verger, J’ai étendu la main au milieu des fleurs. Quelques petites fées se sont approchées Me montrant le chemin qui conduit au bonheur. Je suivis leur traînée de poussière dorée, Admirant leur danse, comme un voile mystique Dont le vol m’a mené devant l’orée bleutée Qui reflète en cadence les nuées magiques. Et dans cette forêt, je vis et poursuivis Lysandre et Helena, Démétrius, Hermia, Quatre amants forts parfaits, mais selon leurs envies ! Puis Obéron guida, grand et bel elfe roi, Mes pas trop hésitants entre les arbres bleus. Une ombre me suivait : un très joli corbeau Au frêle croassement fendit cimes et cieux ; Mais en fait il était Puck sous forme d’oiseau. Dans ce lieu merveilleux où j’oublie mes soucis, Moi j’errerais longtemps – si le temps existait. Le faune malicieux m’a fait rêver ici, Et c’est là que j’attends quand la nuit se tait.

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DANSE MACABRE

Dans la lumière d’une lune voilée Danse une assemblée de spectres clignotants, Une meute de fous irréels et damnés Psalmodiant de longs chants, effrénés, envoûtants. Squelettes cliquetant tous vos vieux os ensembles, Vos mouvements chaotiques et décharnés Sont à nos yeux létaux des cauchemars qui tremblent, Mais un joli rêve à nos âmes éthérées. Vos cris d’amour ne sont guère que des couteaux, Qui déchirent les chairs pour atteindre les cœurs ; Votre ironie mortelle est comme un corbeau, Qui plane silencieux sur notre dernière heure.

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POEMES POUR SE SOUVENIR

A UNE JEUNE FILLE TROP BELLE

Triste et tourmenté par mes ténèbres, je veille ; Je suis proche de toi, mais juste sans sommeil… « Au creux de la nuit, quand se taisent les voix, Enfin seul avec toi, j’aimerais tant te dire : Serre-moi dans tes bras, et laisse-moi dormir Près de ce cœur qui bat pour un autre que moi. »

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ET POUR OUBLIER

L’ENSORCELEUSE

Tu n’es pas de celles dont le charme arrogant Fait se briser d’eux-mêmes les miroirs d’antan. Quand, telle le vent frais, tu souris en passant Devant ces chimères qui me rendent vivant, Je ressens en mon cœur ce bonheur éprouvant Que j’aimerais subir encor durant mille ans ; Car toi seule peut me faire oublier le temps, Effacer mes gargouilles, ruines ou déments, Et les ombres de mes cimetières flottants. Ton rire raye mes univers oppressants, Quand tu ôtes nonchalante tes vêtements, Et tu m’emmènes loin, vers des mondes d’avant Où je me damnerais pour t’offrir mon serment. Mais quand de ton doux cœur je me crois triomphant, Tu disparais et je me réveille en pleurant, Seul dans ma nuit, au centre des frémissements Des crânes oubliés de mes vieux morts-vivants, Mes spectres immolés, regards phosphorescents, Qui me rappellent à notre monde sanglant. Tu n’es pas de celles dont le charme arrogant Fait se briser d’eux-mêmes les miroirs d’antan.

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POEMES POUR SE SOUVENIR

REVEIL A LA REALITE « Pourquoi perdre ainsi ton temps A pleurer seul en silence Sous l’Arbre de la Science ? Tu n’es qu’un pauvre dément ! Mais qui, parmi les maudits, Sa damnerait pour les filles ? Et ton cœur tout en guenilles, Qui sur Terre en a envie ? »

LE SOUFFLE A Marie et Emilie.

Je ne suis qu’un fantôme, un rêve inachevé Qui erre sur l’Averne, tantôt solitaire, Tantôt dédoublé par mes milliers de chimères. Ceux qui me voient sont des rêveurs éveillés Qui me poursuivent en cherchant à me comprendre, Qui cherchent à m’avoir, qui veulent mieux [m’apprendre ; Certains me rejettent après m’avoir trouvé, D’autres me recherchent jusqu’à leur dernier jour, Mais, pour tous, je reste infini ; je suis… l’Amour.

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ET POUR OUBLIER

BELLA DAMIGELLA Amie qui me fait regretter de mentir, Garde en ton tendre cœur au moins un souvenir, Amer ou merveilleux, de ce que nous vécûmes Tous les deux, tous ensemble bien loin des écumes, Haut dans nos montagnes, proche du Paradis… Et essaye d’oublier que je t’ai menti. (car, malgré mes anciennes pensées j’ai peut-être dit la vérité.)

HERMANA TORMENTA “Tais-toi et oublie-la” ; c’est si facile à dire… Pourquoi est-elle là, au centre de l’empire De mon âme, mon cœur, mes esprits, mes pensées ? Restant seul, je pleure de toujours l’aimer, Alors qu’autour de moi, tout est de pire en pire. “Tais-toi et oublie-la” ; c’est si facile à dire…

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POEMES POUR SE SOUVENIR

LE COLLECTIONNEUR DE MUSES

J’ai des nymphes, des naïades, des néréides ; Une sirène et une poignée de fées Libérées des profondeurs des mers virides, Illusoires et obscures ; une éthérée Et aussi une belle et charnelle Amphitrite ; Aphrodite et bien d’autres jolies déesses Gardant encor en coutume d’étranges rites Aussi hermétiques que les libations d’Hadès… Toutes les belles créatures de Cythère – Hormis peut-être l’hydre et la noire panthère – Etaient et seront à moi sur cette terre !

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ET POUR OUBLIER

CHERE MAGALI A Magali (avec-un-i-au-bout-et-surtout-pas-de-e !)

Même en sachant que j’allais la recevoir, Cette lettre m’a rendu bien de l’espoir ! Il est vrai que ce fut une éternité Réciproque de ne pouvoir te parler : Très souvent, moi-même je me demandais Ce que, dans notre monde, tu devenais. Cette missive m’apporte des réponses, Au moment où j’allais passer quelque annonce Pour apprendre, deviner ou m’informer, Amie, de ta vie et ses nouveautés. Mais enfin tu me mets au courant de tout, Et mon âme, bondissante comme un fou, Eclate ainsi que jadis de vive joie – Oubliée, mais revenue grâce à toi. Seul depuis sept mois, je me sentais bien triste, J’errais, de ma démarche je-m’en-foutiste, Le long des avenues de Rambouillet, Cherchant d’anciens compagnons de juillet. C’est donc par toi que me revient le bonheur, Car avant, perdu, je pleurais le malheur… Alors, merci pour tout cela, Et, surtout, merci d’être là !

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POEMES POUR SE SOUVENIR

VENI HORTUS VERITATIS « Ardente veritate incendite tenebras mundi » Nobuo UEMATSU

J’ai défié Cronos et Hypérion, Sur les vastes ailes de Borée ; J’ai même traversé l’Achéron, A l’image de l’Inconsolé. J’ai bravé le Pyriphlégéton Qui roulait avec fracas ses flammes ; J’ai contemplé la ruine d’Ilion Et tous ces corps d’hommes et de femmes. J’ai longtemps abreuvé le Cocyte, Avec mon sang et toutes mes larmes ; J’ai cherché au travers de nos mythes Une raison de prendre les armes. Mais j’ai aussi erré dans les Brumes, Cherchant le Jardin de Vérité : Phœnix ne m’a laissé que des plumes, Et l’amer souvenir du passé. J’ai tout défié, bravé ou rêvé, Je ne crains plus la Mort, mais sa sœur : Trouvant le Jardin de Vérité, J’ai vu l’Amour terrasser mon cœur.

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ET POUR OUBLIER

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UNDERWORLD

Les mots d’amours ont la peau dure Dans cette jungle de sulfure : Abandons et oxydations, Eternelles profanations… Descendu de mon Purgatoire Pour visiter ce monde noir, Je ressentis un grand mal-être ; Mais dans cette odeur de salpêtre, Ma souffrance est une rature Sur les voiles d’hydrocarbures De toutes ces âmes volées Et de tous ces cœurs torturés !

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POEMES POUR SE SOUVENIR

MA NYMPHETTE A celle qui…

Tu es le vent Qui rafraîchit en soufflant Mon cœur dormant Sur les Furies d’antan. Tu es le feu Qui ravive cette flamme, Quand on est deux, Pour les plaisirs de nos âmes. Tu es la terre Etendue sous un ciel lourd, La nourricière, Là où pousse notre amour. Tu es la mer, Encor emplie de secrets Et de mystères, Où jadis je me noyais. Tu es ma Muse, Mon amour, précieux trésor, Toi qui m’amuse Car tu sais que je t’adore !

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ET POUR OUBLIER

NOCHE DELL’AMORE

Au moins pour une fois dans la nuit, J’aimerais serrer dans mes bras Non plus des rêves ou des envies Mais une fille comme toi. Pour repousser tous mes vieux fantômes, Hélas ! qu’y puis-je, solitaire, Lorsque tu restes la jolie môme, Et que je ne sais plus que faire ? Mes paupières lourdes de songes Laissent couler mes derniers pleurs, Aux creux du Cocyte que je longe Quand, seul et loin de toi, je me meurs.

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POEMES POUR SE SOUVENIR

CES ONGLES QUE J’AI « Mais lui… c’est une taupe ! » Agathe

Un jour que Marie vint au palais, En voyant mes mains, elle s’écria : « Mon Dieu, Skiew, ces ongles que tu as ! — Eh oui, amie, ces ongles que j’ai ! C’est pour mieux lacérer, éventrer, Arracher les cœurs et griffer les âmes, Châtrer les hommes, mutiler les femmes : La chair accroche aux ongles aiguisés ! C’est seulement pour tuer, me venger De tous ceux qui m’empêchent de rêver, Car la nuit me fait oublier ma peine… » Quand j’eus lâché tous ces mots qui me fuient, Marie doucement sourit et dit : « Je comprends mieux le choix de la Reine ! » Skiew 2004

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ET POUR OUBLIER

LA RUPTURE

J’aurais voulu t’appeler, te téléphoner Il fallait sortir tout ce que je voulais dire Mais je sens que tu ne m’aurais pas écouté Donc finalement, j’ai préféré écrire. Je t’aime encor un peu, beaucoup, passionnément, D’une folie qui n’était pas passagère ; Sous la pluie de ton départ, moi le Dément, J’aimerais revivre ta douceur bocagère. Je nous imagine parfois encor tous deux… Reviens-moi, mon amour, que je puisse scruter Les galaxies qui scintillent dans tes yeux : Ces mondes peu connus me font toujours rêver !

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POEMES POUR SE SOUVENIR

QUANDO L’EROE È UN DEMONE Etendu et mort sur l’Autel des Vices, L’Ange fixait de son regard vitreux Les lointains paysages de ces Lices Où l’immortalité de tous ses vœux Laissait notre monde aux pires sévices. Le duel avait finit dans le fracas Des épées contre les boucliers, Des gémissements et des cris de rats. La bataille avait fait rage en soirée ; Au matin la poussière retomba. L’Ange avait perdu, couvert de son sang, Et son œil voyait partir le vainqueur. En l’air un corbeau pleura en passant, De ces larmes amères de menteur. Mais le vaincu regardait le couchant. Au loin, vers le ténébreux horizon, S’éloignait une silhouette sombre, Dans le contre-jour sanglant des vallons : Ce beau héros qui se détache en ombres Hante encor nos âmes : c’est le Démon !

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ET POUR OUBLIER

III-IV-MMIV

« J’ai cherché dans l’amour un sommeil oublieux ; Mais l’amour n’est pour moi qu’un matelas d’aiguilles Fait pour donner à boire à ces cruelles filles ! » Charles BAUDELAIRE

Ah ! béni soit celui qui n’est pas tourmenté, Et heureux soit celui qui n’a jamais aimé. Voici une histoire qui m’est familière, Et qui était vraie jusqu’à encor hier. Il était une fois un rêveur attardé Qui errait au milieu de ses illusions, Traînant à sa suite ses songes colorés A la recherche d’une nouvelle vision. Ayant vécu de bien trop nombreuses tourmentes, Son esprit l’avait quitté et volait au loin. Alors il arpentait tantôt les champs de menthe, Tantôt les prairies parsemées de foin. Il ne possédait plus ni âme ni raison, Il courrait par-delà d’autres mondes magiques, Il rejetait l’Humanité et son poison, Préférant encor vivre en sa faune onirique.

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POEMES POUR SE SOUVENIR Il avait des amis, du sommeil en retard, Des rêves, des illusions et des chimères ; Comme un fou, il marchait au devant du hasard, Conduit par l’Espoir, comme par une mère. Mais qui donc peut bien le faire marcher ainsi ? En vérité, il ne faut pas grand-chose pour Errer telle une ombre dans les épaisses nuits : Folie et tourmente ont pour cause l’Amour.

AS Tu étais la première, La carte de l’erreur, L’épreuve singulière Dans mon tarot de cœur. Où es-tu en ce jour, Quand ma métamorphose Me rend seul pour toujours, Dans l’enfer où je pose ?

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ET POUR OUBLIER

LE CINQUIEME CYCLE DE LA FOLIE (SECONDE RENAISSANCE)

Merveilleusement drôle et d’un humour génial, Aussi jolie qu’un frêle rêve magique, Rien ne me destinait à cet idéal, Il n’empêche que, dans mes brumes mystiques, Elle est celle qui hante mon esprit-dédale. Mais lorsque Jamma veille, et que les jours s’allongent, Affres de souffrances éternelles et tristes Rappelant à mon âme tous mes vieux songes, Il reste en mon cœur blessé une seule piste Encor inexplorée, et où la peur me plonge. Sam 2004

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POEMES POUR SE SOUVENIR

DELIRE « Pour moi tout était noir et sanglant désormais » Charles BAUDELAIRE

Je veux frapper ma tête sur les murs, y fracasser mon crâne et répandre sur la terre profane ma cervelle d’impur. Je veux m’ouvrir les veines, et laisser couler mon sang oxydé loin de mes souffrances vaines. Je veux arracher mon cœur, cet ignoble cœur moqueur qui, à travers ses éclats noirs, me fait perdre tout espoir. Si j’avais un marteau, je planterais des clous dans mes mains, dans ma peau, et dans mon esprit fou. Sur l’autel enfumé, je serais nouveau christ : un Satan Trismégiste à jamais détesté…

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ET POUR OUBLIER

CAMERA OBSCURA A « J. A. M. M. A. »

Comme de rythmiques cascades embrasées S’écoulant sur le long de tes flancs opalins, Tes cheveux roux sont des milliers de baisers Qui ravivent le feu de mon cœur orphelin, Dans ces ténèbres où je meurs pour t’embrasser. Je ne puis, hélas, pas voir la sombre émeraude Qui brille au travers de ton regard minéral : Derrière tes yeux clos, tes rêves s’échafaudent. Mais à quoi peux-tu songer, ma beauté fatale, Quand pour toi je déploie mes vers en une ode ? Je t’aime, ma belle, plus encor quand tu dors ! Jeune et douce princesse allongée sur ce lit, Sur ce matelas d’ambre chaud comme ton corps, – Tes parfaites courbes dans l’air frais de la nuit – Ton innocence fait de toi un ange d’or…

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POEMES POUR SE SOUVENIR

ROXANNE « Jealousy will drive you mad ! » L’Argentin Narcoleptique

Pourquoi sens-je ce cœur qui pleure tant Face à ces douloureux sentiments Que malgré tout je ne peux plus combattre ? Ce n’est qu’un crépitement dans l’âtre Où, blessé par cette occulte vision, Il s’est cloîtré tel un sombre pion ! En silence, j’ai cherché ton amour, J’ai aussi espéré ton retour ; Mais tout est noir et sanglant désormais : J’ai senti la colère à jamais. Par le Diable, la haine me dévore ! Plus que tout, je désire sa mort : Il t’aime, tu l’aimes et il t’embrasse, Et la jalousie en mon cœur passe… Je le veux mort ! Mutilé dans la nuit ! Mais cet adversaire est mon ami.

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ET POUR OUBLIER

ANALYSE D’UN POËTE A Matthieu, éminent « samuel-ologue » devant l’éternel !

Des histoires et des situations, des récits et des affabulations, des chimères et de sombres visions, des vers ou des proses sans prétention, des rêves lointains d’imagination, des larmes pour éteindre les passions, une Reine, un Roi, des Tours ; Fous et pions, le vieux Chronos et son grand Carillon et le désespoir d’un cœur en haillons, pour que peut-être on me prête attention.

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POEMES POUR SE SOUVENIR

PLEINE LUNE Dans l’épaisse Nuit noire, La Lune dérisoire Eclaire un Purgatoire Projeté sous l’Espoir. Et c’est l’heure attendue Où mon âme perdue Erre sous les pendus En Ombre inaperçue. Et je me glisserai Dans l’air lourd et épais De l’antre chaud et gai Où dort ton corps parfait. Près de toi allongé, Je mettrai, amusé, Un baiser passionné Dans ta paume de fée. Et dans ton cou blanc, Je planterai mes dents Et goûterai ton sang Par tes gémissements !

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ET POUR OUBLIER

AN OTHER WORLD De nouveau ma sombre âme vagabonde Saisit le vent pour partir en voyage Loin de ce monde où la tristesse abonde, Loin des lieux, du temps et même des âges. Loin des lieux, du temps et aussi des âges, Je vole au-dessus des plaines fleuries, Des hautes montagnes et des rivages Qui de plaisir inondent mon esprit. Loin des lieux, du temps et aussi des âges, Mes errances me portent au Tonnerre, Au Feu, aux Cieux qui détruisent les pages Tournées de mon Destin sur la Terre. Loin des lieux, du temps et aussi des âges, Je ne me reconnais qu’un seul amour, Une étoile d’Espoir, dans mes ravages, Qui scintille jusqu’à m’atteindre un jour. Loin des lieux, du temps et aussi des âges, Je ne puis rester éternellement ; Je dois enfin repartir. Quel dommage Que de n’avoir pu t’aimer plus longtemps !

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POEMES POUR SE SOUVENIR

CHANSON POUR ELLE…

A chacun de tes pleurs, Erèbe entre en mon cœur ; Mes yeux versent tes larmes Sans cri et sans vacarme Mais je reste avec toi Au fond de tes émois : Ta tristesse est aussi Un peu la mienne ici, Car depuis février, Je n’ai fait que t’aimer.

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ET POUR OUBLIER

SECONDE ISLE

Devant moi n’était plus que d’obscures ténèbres, Rappelant que je fus bien malgré moi funèbre. Dans la nuit profonde, à l’infini des Anges, Dans l’ombre où je me fonde et où mes monstres [mangent Tous mes derniers rêves et mes ruines d’espoir, J’ai cherché la trêve de mes pensées en noir. Hélas ! Rien ne m’est plus et plus ne m’est rien ! Un dernier soir je lus que l’amour n’était mien, Sur le pages jaunies et fort usagées Du récit de ma vie, à jamais oublié. Au fond de moi je crois avoir encor perdu Ce qui comptait pour moi en ce monde fichu : La couleur de tes yeux, ton sourire joli Et ta voix dans mes songes, ma belle Julie ! 8 mai 2004

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POEMES POUR SE SOUVENIR

CHLOE J’ai appris que depuis un certain soir, Toutes les nuits te sont fort difficiles. Elles sont telles pour moi : sans espoir, Balayant un amour déjà fossile. Mais ma douleur n’est-elle pas futile Face à celle qui tristement t’anime ? Celui qui a laissé mourir sur l’Isle Les battements de ton cœur qui s’abîme, N’a-t-il pas fait naître un peu de ténèbres Dans le creux de ton sein abandonné ? Et ce Mal, – cette tristesse funèbre – N’est-il pire que mes souvenirs passés ? Je te plains, jeune fille, car tu souffres Et tes souffrances sont un peu les miennes ; Mais dans l’Enfer et ses vapeurs de soufre, S’il n’est que deux monstres massifs qui tiennent Dans leurs mains crochues les destinées De deux âmes égarées, perdues, Alors ce sont les nôtres, attachées Aux profondeurs, qui restent éperdues. C’est un peu pour cela que cette nuit, Trouvant la plume en lieu de sommeil, J’ai pensé à toi, et puis j’ai écrit, Car la Nuit amène le Soleil… 10 mai 2004

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ET POUR OUBLIER

MI HERMANA A Chloé

Il y eut un jour, succédé de blanches nuits, Un jour pluvieux où, dans le soir tant attendu, Nous maudissions tous deux un espoir disparu, Dans un air automnal qui malgré tout s’enfuit. Une seconde : un voile coula sur ton cœur Et sur le mien ; triste et sombre mélancolie Rappelant l’hérésie de Romain et Julie… Depuis ce sombre instant, tu es comme ma sœur. 12 mai 2004

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POEMES POUR SE SOUVENIR

LE MANOIR « Entraîne-moi où le ciel n’existe pas » Nicola SIRKIS

Sur la colline nocturne, sous les étoiles, Sur la montagne abrupte, saignée de la Terre, Il est un endroit où les fantômes qui errent Sentent encor la douleur au creux de leur moelle. Que maudit soit ce lieu qui les a tous vu naître ! Derrière ces ruines aux murs délabrés Repose les craintes des félons et des traîtres : Un trône vert des agonies suppliciées. Moi, j’y fus jadis attaché de liens sanglants, L’on m’y a arraché les ailes et le cœur, L’on m’y a torturé dans des rires moqueurs ; Et j’y traîne aujourd’hui mes yeux phosphorescents, Je garde en mon sang cette mortelle blessure Qui me fait voir entre les Cieux une fissure.

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ET POUR OUBLIER

RANCUNE A Marine.

Tu as quitté ma vie, et j’aimerai aussi disparaître à mon tour à jamais, sans retour, de toutes tes mémoires, car j’ai perdu espoir : pour ce qui te concerne, ma vie n’est plus terne ; mais quand je te revois te détourner de moi, rien ne m’est plus bête que ta stupide tête ! Skiew 2004

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POEMES POUR SE SOUVENIR

OCTAVE A Romain, mon ami…

Après avoir passé une année magique A jouer Piarrot avec ou non succès Ou encor de Dom Juan la cause du décès, Je me suis fait je crois un ami bénéfique. Une grande âme qui, à l’abri de nos Loups D’Humanité, a su rester bien plus humain Que la majorité de ses contemporains : « Honteux d’être sage et glorieux d’être fou ! » Mais j’ai ensuite passé une année bien sombre, En tentant en vain d’effacer ma belle Reine ; Et Phœnix a fait renaître mes vieilles ombres… Dès lors, que penser de toi, Prince de ma peine ? Toi qui as su aimer cette lueur d’espoir Que j’ai délaissée, devenant le Fou Noir.

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ET POUR OUBLIER

LES DORMEURS D’ÆDENA A Arthur RIMBAUD

C’est un endroit perdu, oublié ; c’est ailleurs ; Une île cernée par les mers de cristal Qui servent à la Nature de piédestal ; Le vent y souffle avec un sourire gouailleur. Des hommes, femmes et enfants dorment sur l’herbe De la plaine, non loin d’un chaleureux village Muet ; tous fixent les nuées en sillages, Avec dans le fond des yeux des âmes en gerbes. Au creux des fleurs, ils dorment. Le visage ouvert A l’infini, jusque dans les profonds enfers, Ils t’implorent une dernière fois, Nature. De leur bouche ne sort plus un gémissement - L’Est était passé, suivant son « obsession pure » Et le village offre de doux crépitements. Sam Rimbault 2004, pastiché d’A. RIMBAUD, Le Dormeur du Val.

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POEMES POUR SE SOUVENIR

IRA VEHEMENTI

Contre le vent je croise des rais de musique, De clairs airs bleutés d’automne en été mystique Qui peu à peu me poussent vers un ailleurs ; Je m’abandonne au rêve, au milieu des fleurs. Mais encor une fois, le passé me rappelle : Celle que j’aimais à la folie, une belle Ragazze bien aimable à défaut d’être aimante, A contribué à rendre mon âme démente. A force de me fuir, elle me fait haïr Toutes mes créations pour elle en mon Empire… Ce soir le Fou Noir devra affronter la Reine Pour vaincre son destin, et oublier sa peine.

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ET POUR OUBLIER

SANG D’ENCRE A Julie…

Qu’il est difficile (serait-ce ton poète) De trouver les mots justes pour bien te décrire ! Pour transcrire la mélodie de ton rire, Il faut avoir de bien jolis rêves en tête ! Ta beauté est telle qu’il en existe peu, Sur cette Terre oxydée, pour t’égaler. Afin de vanter tes doux yeux, de quoi parler Sinon de cette étincelle, ce divin feu Qui brûle la Nuit de ton regard minéral, Qui, dans ces profondeurs infinies et noires, Parvient à nouveau à faire luire l’Espoir Pour un triste Fou aux obsessions létales ? Le dilemme reste inchangé pour tout ton être : Comment écrire sur toi, fille du bonheur, Sans ressentir une déchirure en son cœur ? Et, par la suite, à tes côtés, comment paraître ? Ô tendre magicienne aux cheveux embrasés, Toi qui, à nos yeux, restes toujours la plus belle, Sais-tu seulement, parmi les âmes mortelles, Qui se damnerait pour un seul de tes baisers ? Sam, 26 mai 2004

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POEMES POUR SE SOUVENIR

TENEBRA

Le vent du temps par trois fois a soufflé sur moi, Balayant, écrasant mes pensées immondes, Mais je reste comme je suis ; sais-tu pourquoi ? J’abandonne la vie pour un autre monde ; Je ne suis qu’un aveugle perdu dans le noir, Qui pleure, solitaire, enivré par le soir, Courant la recherche d’une nymphe blonde. Une unique devise en ce monde nouveau : Sine carnifice haud felicitas, Un message égaré quand ma folie passe ; Alors j’ai choisi d’être mon propre bourreau…

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ET POUR OUBLIER

LAMENTO DE MAYO A celles qui m’aimeraient…

Sous mon armure, Mon cœur est pur Comme l’azur ; Mais en mon âme, Il n’y a de femme Que la luxure… Dans mes ténèbres, Je suis funèbre, Je suis parjure ; Et mon amour Creus’ra un jour Dans mes blessures…

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POEMES POUR SE SOUVENIR

LA DANSE DES OMBRES

Quand de la Forêt s’élève le Thanatone, Le chant des morts, A la suite d’Obéron le tonnerre tonne, Puis il s’endort ; Autour des grands arbres les Ombres se réveillent, Sous les nuées, Et voltigent auprès de leur bon Roi qui veille, Contre les fées. Dragons, Lutins, Catoblépas et Basiliques, Des créatures Dans les arabesques grisâtres et mystiques De la Nature : C’est un ballet vaporeux, théâtre de formes Et de magie, Qui s’élève fragile des feuilles des ormes, A l’infini…

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ET POUR OUBLIER

DANS LE SILENCE DE L’AUBE Paisiblement, le ciel voit renaître le jour : Le pâle soleil perce au travers des nuées ; Ses longs rayons porteurs d’un nouvel espoir courent Sur les murs des maisons, le sol et ses pavés. Dans la petite cour de cette résidence, Elle ouvre ses grands yeux, et pleure dans un coin. Seule et à l’abandon, elle vomit son silence Et garde encor les stigmates des coups de points. Elle se souvient des heures qu’elle a passées, En sentant sans cesse son honneur bafoué, Consciente de sa virginité arrachée. De cet horrible affront, elle se vengera : Elle les préfère morts, rongés par les rats, Que cachés dans la nuit, prêts à encor violer ! Skiew 2004

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POEMES POUR SE SOUVENIR

BAUDELAIRE Au plus grand des poètes.

Parle de rêve, Baudelaire, parle-moi de rêve ! Ce beau songe qui rime pour toi avec le glaive ; L’illusion qui m’anime et que je poursuis sans trêve ; Ce rêve t’a-t-il aussi fait pleurer sur les grèves ? Parle d’amour, Baudelaire, parle-moi d’amour ! Ce poison, ce venin que je pourchasse toujours, Cette force incontrôlable qui ruine mes Tours, Comme moi, mon ami, attendais-tu son retour ? Parle du Mal, Baudelaire, parle-moi du Mal ! Et raconte-moi Satan, ce beau démon brutal Qui par le temps rappelle que l’humain est létal ! Mais tes Fleurs Maladives, étaient-elles vénales ? Parle encor, Baudelaire, parle-moi de la Mort ! Cette étrange femme contre qui je me crois fort ; Ta dernière amante, en ton tombeau, qui s’endort… Comment est-elle, cette ange noire aux ailes d’or ?

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ET POUR OUBLIER

QUAND LE SILENCE DORT

Plusieurs nuits j’ai rêvé Que j’étais à tes côtés ; Que je cessais de pleurer Pour, dans mes bras, te serrer Tout près de mon cœur blessé ; Que je pouvais t’embrasser – Revanche sur le passé – ; Que nous pouvions nous aimer, L’espace d’une soirée… Mais je ne fais que rêver !

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POEMES POUR SE SOUVENIR

JE DOIS TE REMERCIER A celle qui a toujours trouvé moyen de me faire souffrir…

Je dois te remercier, Car tu m’as inspiré – Par des nuits trop blanches – L’espoir d’une revanche A travers ces poèmes Rappelant que je t’aime. Je dois te remercier De m’avoir apporté Ce goût de la défaite En mon cœur et ma tête, Comme un lent coup de glaive Dépeçant tous mes rêves. Je dois te remercier, Car tu as contribué A me rendre pareil Aux monstres en sommeil Qui hantent mon esprit Dans l’ombre de mes nuits. Je dois te remercier, Ô, image figée Qui, depuis mes ténèbres Et mes ombres funèbres, Me fait dire à jamais : Cruelle, je te hais !

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ET POUR OUBLIER

L’AVEU

« Et d’un éclat de rire tu gommes les pierres tombales Des quartiers délabrés de ma radio mentale » Hubert-Félix THIEFAINE

Ma très chère et fort précieuse Marie, J’use ici d’une manière atypique Pour communiquer avec toi, mon amie ; Je m’atèle un peu à une tâche épique : J’ai tellement de choses à t’avouer ! Et je crains de parfois paraître emphatique. Je ne sais pas vraiment par quoi commencer ; C’est si difficile que c’en est confus ; Mais il est grand temps de tout te révéler : Je me suis dit ton ami – et je le fus – Mais ce n’était pour moi qu’une couverture, Pour approcher une beauté inconnue. En lisant ceci, tu penseras « Ordure ! » : Je me suis servi de toi pour une fille, Celle qui m’envolait vers un monde pur… Ne blâme pas mon triste cœur en guenilles : Je suis allé vers toi parce que j’aimais, Et je ne puis encor quitter les charmilles

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POEMES POUR SE SOUVENIR

Où la nuit douce parfois me menait, Pour me laisser seul à rêver de ma belle… Parce que je l’aime encor plus que jamais ! Mais, pitié, avec moi ne sois pas cruelle ; Ne t’emporte pas, par cieux, vents ou terres ; Ne t’acharne pas sur mon âme immortelle ; Je n’ai plus qu’un ultime aveu à te faire : Oui, cette fille n’est autre que toi-même ; Laisse-moi apposer mes deux derniers vers : J’espère que tu garderas ce poème, Car je l’ai écrit pour te dire je t’aime. Samuel 2004

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ET POUR OUBLIER

LES MUSES Pauvre de moi qui vous aime, mes belles muses…

I

TITANIA « Que fais-tu là si tard, ma petite Ninette ? » Alfred de MUSSET

Elle m’apparut le jour d’une belle nuit. Mon âme partit s’abîmer dans deux sombres puits Quand je serrai en ma main ses longs doigts de fée. Un regard, un sanglot et un faible murmure ; Ce moment reste gravé sur ma paume impure : Je garde les marques de ses ongles nacrés. Dans la profonde arrogance de ses ténèbres, Je regardais briller un désespoir funèbre. Voyeur hypnotisé, amoureux tourmenté… Au fond de ses yeux scintillait un univers Qui m’a arraché bien des larmes et des vers, Depuis un songe, une certaine nuit d’été… Pour elle j’avais des rêves et des romances ; Ma folie vit le jour par sa transcendance ; Mon esprit la changeait en femme d’Obéron. Parfois, comme en cette heure, son parfum me revient, Tel un spectre désiré supplantant le mien – Celui de mon âme – et je souffle encor son nom…

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POEMES POUR SE SOUVENIR

Que fais-tu là si tard ? Le temps a bien passé, Ô ma Reine ! Pourquoi revenir me hanter ? Le mal que tu m’as fait, je te l’ai bien rendu. Qu’aurait-on à dire d’une pareille histoire ? Je la lis en surimpression de tes yeux noirs… Et j’aimerais y voir cet amour révolu. « We shall chide downright, if I longer stay. » TITANIA, in A MIDSUMMER NIGHT’S DREAM.

II

ARTIFICIA « Dis-moi, ton cœur parfois s’envole-t-il, Agathe ? » Charles BAUDELAIRE

A nouveau le serpent d’acier quitte le Parnasse, Ce sont des souvenirs que mon esprit ressasse Dans cette gare oubliée à perte de vue : L’époque où mon astre n’était pas soleil noir, Le temps passé où j’aimais encor mes espoirs ; Cette histoire je la conte une fois de plus. C’est ici je crois que nos regards se croisèrent Pour la première fois, que mes yeux osèrent Lire une promesse dans les cieux de ses yeux. Et le temps, en passant, fit naître une passion Qui peu à peu se transforma en obsession, Et qui sema le doute dans mes propres vœux…

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ET POUR OUBLIER

Dans sa grande chambre ombragée de poèmes, Les secondes se figèrent sur mon « je t’aime… » J’avais agis, il est vrai, sans grande sagesse ; J’ai dit pour me sauver que c’était un mensonge, C’est à peu près ainsi que s’est fini le songe Et que j’ai cru perdre ma précieuse Déesse. Quelques fois encore, je la revois, dansant Comme un rêve sur d’éternels sons enivrants, Près de moi, mais sur l’autre bord de l’Achéron… Un soir où je te posais la question, Agathe, – Savoir si ton cœur parfois prenait la frégate, – Tu m’as offert comme réponse un triste « non. » « Would that he were gone. » A FAIRY, in A MIDSUMMER NIGHT’S DREAM.

III

HERMIA « Donne-moi tes lèvres, Julie ; Les folles nuits qui t’ont pâlie Ont séché leur corail luisant. » Alfred de MUSSET

Les larmes parfois ne se perdent pas ailleurs, Elles peuvent rouler le long d’un tendre cœur Pour finir par noyer la prudente sagesse. Ballotté entre les reflux du désespoir, Je vis une jeune fille à l’écharpe noire Qui me fit oublier ma peine et ma détresse.

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POEMES POUR SE SOUVENIR Sur un seul mot d’elle, j’aurais abandonné Ma suite de songes encore à pardonner, En rêvant éveillé à un nouveau bonheur. C’était ma Magicienne, mon oiseau de feu, – En ce temps où le rouge embrasait ses cheveux – Qui ranimait l’amour, des cendres de mon cœur. Puis, un soir pluvieux a noyé mes espoirs, – Ocho de Mayo à graver dans mon histoire, – Lorsque Octave embrassa l’éternelle Phoenix : J’ai séché mes yeux tristes dans de blancs rideaux ; Du fond d’un verre qui n’était pas rempli d’eau, J’errai, ivrogne et fou, sur les berges du Styx. Pourquoi aimer toujours ce même ange doré, Puisqu’un beau jour il finira par s’envoler ? Je crois bien que c’est là ma plus grande folie… Alors en attendant de lui dire adieu, Chaque semaine je contemple ses yeux… Oh, pour ce soir, donne-moi tes lèvres, Julie ! « I frown upon him ; yet he loves me still. » HERMIA, in A MIDSUMMER NIGHT’S DREAM.

Sam Rimbault 2004/2005

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ET POUR OUBLIER

LES MILLE PAILLETTES (BALLADE ROMANTIQUE SUR L’AIR DE « MARIN… »)

Je suis trop jeune, pourtant trop vieux J’ai arpenté, en long, en large, Les souvenirs des autres lieux En oubliant parfois mon âge ; En regardant un peu par terre, Je vois une image apparaître, Multicolore, du rouge au vert, Qui résonne encor en mon être : Sur des grands lits aux draps froissés Ont dormi mes belles coquettes, Des figures des autres passés Et puis aussi Lady Paillettes ; Je me souviens de Céline Et puis d’une jeune inconnue, De Laure qui était coquine, Et de Vénus à demi nue, Sandra hautaine, Zoé rouquine, Et des timides écarlates, Laura seule et Lina mutine, Cherchons encor ma belle Agathe !

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POEMES POUR SE SOUVENIR Et Alysson qui m’a souri, Ou Marie qui me conte ses rêves, Les cheveux roux de Naomi, Emilie me demande une trêve ; Depuis Charlotte à ma Julie, J’en ai vu passer des amours Et des filles toujours plus jolies : J’en ai pleuré pendant des jours… Alors je chante cette chanson En mémoire de mes amourettes ; Je reste seul dans ma maison, Et ne me reste que des paillettes !

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ET POUR OUBLIER

LE REVE DE DECEMBRE Je me rappelle… Tes cheveux emmêlés comme une longue nuit, Ta peau pâle et fraîche comme un matin d’automne, L’anneau d’argent à ton pouce étincelle et luit, Perçant de son éclat mon regard monotone. Sous la chandelle, Tes doigts fins étreignent ma main toute tremblante, Ton souffle près de moi porte un nouvel espoir ; Lorsque les secondes dansent leur valse lente Et posent sur nous le voile brumeux du soir, Ô ma charnelle, Tu t’échappes comme un songe, vers la fenêtre, Et tu laisses la haute Lune t’inonder, Sertissant d’opale les courbes de ton être, Ta troublante beauté que je ne peux sonder, Mon éternelle. Ma bouche est passée sur tes lèvres humides, Mon âme s’est perdue dans tes yeux corindon, Tes parfums envoûtants ont empli mon cœur vide, Ta voix douce a fait vaciller le moindre son.

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POEMES POUR SE SOUVENIR Tendre cruelle, Quand mon âme s’inverse comme en un miroir, Et que je souhaite ressentir contre moi ton corps, Magiquement tu te pares de ta robe noire Et tu déploies tes deux longues ailes d’or… Adieu ma belle ! Te dire au revoir, c’est comme voir partir les derniers jours de l’été : c’est la tristesse du froid mordant qui arrive et la nostalgie heureuse de la chaleur plaisante qui reviendra.

CARNIFENIX (TROISIEME RENAISSANCE) Jusqu’où suis-je allé, errant à travers les brumes ? Un voyage entrepris peut être regretté Lorsque le retour impose son amertume ; Il peut aussi parfois, sans démoraliser, Emporter le voyageur par-delà l’écume Blanche des jours qui ont passé et qui ont fui, Entraînant avec lui un cortège de fées, Toutes semblables aux lointaines nostalgies Héritées des temps que l’on ne veut oublier. Un voyage entrepris jadis en plein hiver N’a d’écho que lorsque mon cœur est ravivé, Et ma Magicienne changée en Guerrière.

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ET POUR OUBLIER

SENSATIONS

Il est des nuits interminables Comme de longs soupirs Et d’autres frêles et préférables A mon morne sourire. Je me reprends encore parfois à pleurer, Devant des souvenirs revenus me hanter ; L’air en spirale des violons du passé Me rappelle ce que je voulais oublier. Quand le silence se fait pesant Affluent les pensées ; Et dans le noir lourd et oppressant, Le temps n’est pas pressé. Le Roi danse dans la nuit au bras de ma Reine, Entourés d’une nimbe de sylphes en peine, Perdus dans la Forêt, au détour des chemins, Là où fées et ombres se cherchent en vain. Perçant les ténèbres, mon cœur bat De vive renaissance ; Même s’il a perdu ce combat, Il rêve de vengeance.

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POEMES POUR SE SOUVENIR Il a suffi d’un regard noir et infini, Glacé et scintillant, étrangement serti, Pour que le songe d’un été intemporel Vienne colorer à jamais mon propre ciel. Je recherche dans quelques recoins Le calme de mon âme ; Finalement survient la matin Qui étouffe mes flammes…

THE GREAT DREAM I tried to kiss my sister While she was talking to a monster Whose right eye fell down In the light of the dawn. Then we all vanished without a sound Just through the solid ground And I had my great rebirth Somewhere on an other earth. […] When I wake up I must forgot The crazy dream that I had got.

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ET POUR OUBLIER

EL VIAJERO A la guaposa Julia.

Yo soy un estranjero Rodeado de viento Y solo voy andando Cantando mi lamento Deseo que le oías Detrás de las montañas Donde caen las lluvias De nos tristas mañanas Te he perdido hermana Y persigo tu mira A lo largo de la tierra Esperando tu sonrisa No puedo más que cantar Lo que no quiero olvidar Como tu alma de nácar Que procuro abrazar Dentro de mi corazón Se refleja tu visión Que grava mi canción Con mágica aspiración Yo soy un estranjero Rodeado de viento Y solo voy andando Cantando mi lamento 101


POEMES POUR SE SOUVENIR

LA BOUTEILLE A LA MER

Le vent dans les plaines fait naître la rumeur, L’horizon s’assombrit tout autour de mon île : La tempête engloutira ce monde fertile Et de nos cœurs ne resteront plus que des pleurs. L’océan autrefois limpide et cristallin S’est couvert d’un rouge manteau de sang versé ; Ballottée et noyée, je bois, renversée, L’écume écarlate d’un futur orphelin. Je suis la bouteille ; la bouteille à la mer, Porteuse d’un espoir, d’un ultime message, Témoignage oublié d’un roi fou de passage, Chargée du fardeau de ses larmes amères.

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ET POUR OUBLIER

LE GEL

Cette nuit, il s’est glissé sous tes draps ; Dans la rue, il a embrassé quelques toits ; Du haut des tours où je pleure, solitaire, Il a rendu cristal mes larmes amères. Par la fenêtre je t’ai vue allongée, Endormie telle un rêve taciturne, Et j’ai jalousé cet amant nocturne Qui t’avait visitée, et t’avait comblée De ses souffles froids, ses caresses spectrales, Ses frissons mordant et ses ondes bestiales. Je me suis hissé jusqu’ici l’âme triste, Ma vengeance ne pouvant suivre sa piste. Ô belle paresseuse, peux-tu me dire Pourquoi le gel peut se glisser sous tes draps, Aube, pourquoi peut-il t’aimer et pas moi ? A ton réveil je suis blessé par ton rire…

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POEMES POUR SE SOUVENIR

LOINTAINES ANNEES D’ENFANCE

Que sont devenues les années de l’enfance, Les secondes passées dans les cours d’écoliers, Ou dans les classes, à écrire sur nos grands cahiers, Les yeux vers la fenêtre, en contemplant l’absence ? Que reste-t-il du bonheur de cette autre époque ? Juste des souvenirs : quelques tournois de billes, L’image des préaux, les jeux avec les filles ; Apprendre tout ce dont, aujourd’hui, on se moque. Et le temps, ce passeur, porte-t-il un manteau, Comme on pouvait le lire dans ces courts poèmes Qu’en leurs temps ont écrit Paul Verlaine et Carême, Qui vantaient les saisons et leur renouveau ? Les nuées grisâtres qui courraient les cieux De mes automnes nostalgiques et lointains Remuent encor parfois quelques lendemains, Et font ruisseler mon regard devenu vieux.

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ET POUR OUBLIER

CHERE “…IE”

Ma belle, j’ai besoin de te parler, Je cherche quelqu’un à qui me confier. Il n’y a que toi qui puisse m’entendre, Me raisonner et aussi me comprendre. Tu sais comme mon cœur est difficile, Pleurant depuis une nuit sur l’Isle, Et comme il sursaute encore parfois Lorsqu’il aperçoit les plaisirs des rois. Quelques fois déjà tu l’as vu à l’œuvre, Et tu connais maintenant ses manœuvres : Tous ces noms de filles qu’il a aimé Ne devraient pas ici figurer, Sous peine d’encor faire renaître Des souvenirs qui pleurent à ma fenêtre ; Je les tairai. Si j’écris ce poème, C’est que j’ai, évidemment, un problème, Qui réside au creux de chacun de nous, Et qui parfois peut nous rendre jaloux. Tu me connais et donc tu peux savoir (Ou bien mets des lunettes pour mieux voir) Que ce qui pourrit mes nuits et mes jours, Le ver qui ronge mon cœur, c’est l’amour. Oui, je suis amoureux, deux fois, trois fois, Et j’ai même été amoureux de toi (Je crois que je le suis encor un peu) 105


POEMES POUR SE SOUVENIR Si bien que mon cœur ruiné est en feu. Mais à chaque fois que j’ai pu aimer, Je devais rester seul et oublier, Alors que mon amour valait bien mieux Que les baisers furtifs ou les faux vœux Dont d’abjects chanceux usent et abusent. Devant tout ceci, les idées fusent : Je crois finalement avoir compris Que je suis un perdant, eh bien tant pis ! Mais je ne cesserai jamais d’aimer, Ni d’espérer, ni même de rêver. Cette chanson mon cœur la sait déjà : J. M. A. S. E. M. A. L. C. A. Et pourtant j’ai l’impression d’oublier Les yeux de celles qui ont gravé Ces lettres de feu au fond de mon cœur, Les visages souriants ou moqueurs De celles qui ne m’ont jamais aimé. S’il te plaît, mon amie, viens m’aider A trouver encor un sens à la vie, Qui paraît si vide sans toi “…ie.”

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ET POUR OUBLIER

LES REGRETS

Ma très chère et fort précieuse Marie, Penses-tu aussi que je n’aurais pas dû T’envoyer un jour ces quelques vers perdus ? J’ai fait, il est vrai, des erreurs dans ma vie : Peut-être aurais-je mieux fait de me taire, Plutôt que de te faire ce grand aveu Qui ronge mon âme et alourdit mes yeux Lorsque je te vois et reste solitaire. Je ne sais pas ce que tu as pu penser De ce texte chargé d’amour et de larmes ; Il a fait dans mon cœur un triste vacarme Rappelant la futilité d’espérer… J’ai encore peine à croiser ton regard… Vois-tu, je crois aujourd’hui que je regrette De t’avoir avoué cette belle amourette : Sur ta vie je suis toujours en retard.

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POEMES POUR SE SOUVENIR

LA ROBE A Julie.

Elle portait une robe verte qui lui allait comme un écrin à une pierre précieuse, car à mes yeux elle était comme ces joyaux merveilleux que l’on aime à voir que l’on veut toucher que l’on rêve de posséder mais qui restent toujours aussi froids que l’amour. Dans sa robe elle était belle et je la mangeais des yeux : elle était sertie comme sa pierre par un écrin merveilleux.

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ET POUR OUBLIER

MNEMOSYNE Thanatos, frère du profond Sommeil, M’avait conduit au Royaume d’Hadès De son pas rouge et toujours en éveil – D’après ce qu’en avait dit Héraclès Au cours de son séjour loin du Soleil – Mon Ombre docile avait comparu Devant Rhadamanthe, Eaque et Minos, Le tribunal où l’on nous juge à vue Avant de nous mener chez Stygeros ; C’était un besoin qui m’y avait mû. J’étais guidé par Erèbe et par Nyx, Le long de la Plaine des Asphodèles, Jusqu’au vaste Palais d’Argent de Styx : J’y contemplais ces Enfers parallèles, Dans l’espoir d’y retrouver mon Phœnix. Hélas ! L’Espoir restait emprisonné Tout au fond de la Jarre de Pandore. Les Moires ont dicté ma Destinée : Point n’y figurait d’ange aux ailes d’or Pour consoler mon cœur empoisonné.

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POEMES POUR SE SOUVENIR

LE MIROIR

Qui es-tu, toi qui me regardes fixement Comme une image glacée toujours mobile ? Tu as dans les yeux la tristesse d’un enfant Dont le regard froid et perdu devient futile… Dis-moi, que peux-tu chercher à me rappeler, Toi le fantôme inversé qui toujours me nargue ? Tes lèvres remuent sur des mots oubliés : Quel est le secret dont, de garder, tu te targues ? Je vois, dans l’or teinté de vert de ton regard, Briller une folle étincelle de jeunesse, Prisonnière sous l’opaque de la paresse ; Notre ressemblance n’est-elle qu’un hasard ? Il me semble bien voir, sous tes traits fatigués, Le franc sourire qui marqua notre passé…

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LES ZOMBIES Ils marchent dans leur multitude, Leur regard voilé, hors du monde ; Ils errent, et dansent une ronde, Tous proches dans leur solitude. Par les lucarnes clignotantes, Ils s’inventent une existence En dévorant jusqu’à l’essence Des images inconsistantes. Ah ! Infini peuple nocturne Qui tout le jour rêve sa vie Dans l’attente des longues nuits Rauques de songes taciturnes, Tissu humain, réels zombies Qui se complaisent en paresse, Etat actuel de la jeunesse, Quel est le but de votre vie ?

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POEMES POUR SE SOUVENIR

L’ACCIDENT « A mettre sa vie en musique, On en oublie parfois de vivre. » Hubert-Félix THIEFAINE

Cela m’est arrivé au sortir du sommeil, Alors que commençait une nouvelle journée, Que du haut de nos cieux toisait un doux soleil ; Pouvait-il marquer le plus beau jour de l’année ? J’avais une impression, comme un mauvais rêve Qui se serait estompé au cours de la nuit Et dont subsiste au matin une image brève Qui semble aussi lointaine que le fond d’un puit ; Mais en remontant le cours de mes souvenirs, Je revis de grands yeux, un baiser, un sourire, La scène teintée d’un désir triomphant Qui fit reparaître une présence oubliée, Et une étrange question, presque insoupçonnée : Peut-on se lever, amoureux par accident ?

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NOT LIKE THE OTHER GIRLS (QUATRIEME RENAISSANCE)

Si tu avais été une nouvelle étoile Tu serais encore plus belle que le jour, Encor plus claire et plus luisante que l’amour, Puisque dans tes yeux, c’est un cœur qui se dévoile. Hante-moi encore, tout au fond de mes nuits, Au milieu des images qui brisent l’ennui ! Ne profite pas du vent pour mettre les voiles ! Illumine-moi, éclaire-moi de tes grands yeux ! Entend mon cri sourd ! Aime-moi, si tu le veux…

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POEMES POUR SE SOUVENIR

LE POEME J’ai écrit un poème Qui éteint la voix blême De mon ancien fantôme Qui me demande aumône, Certaines fois. J’ai écrit un poème Sans le moindre blasphème ; Des vers étincelants, Des rythmes envoûtants, Tout ça pour ça. J’ai écrit un poème Mais personne ne l’aime ; Peut-être est-il trop triste, Ou bien trop réaliste ; Je ne sais pas. J’ai écrit un poème Qui devient un problème ; Parce que lorsqu’elle l’a lu, Il ne lui a pas plu ; Qui sait pourquoi ?

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BOUFFONNERIES

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LE REPAS DE FAMILLE Le papier peint immonde couvert de formes rondes : c’est la décoration couleur d’indigestion ; un repas recherché qu’on voudrait oublier : déjà après l’entrée on aimerait gerber ; le gigot « bien de France » dans sa sauce « bien rance » ; le rot du gros barbu, qui passe inaperçu ; rires tonitruants, sales et dérangeants ; la bouffe dégueulasse ; la cendre au fond des tasses ; un con qui débarrasse quand on reste à sa place ; le pépé éméché qui parle des tranchées ou des mines de houille… ils nous cassent les couilles ! moi j’ai roulé ma bille aux repas de famille : quand les convives mangent et tournent la boisson, ils pètent dans la fange : ça fait vivre les cons !

Skiew 2004

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POEMES POUR SE SOUVENIR

BOULOGNE A Christophe et à… Florence !

La rouquine catin, Dans la nuit coquine, Est partie au tapin Et taquine ta pine Pour bien gagner son pain. Elle n’est point câline : Quand elle t’a en main, Elle est toute féline Et connaît son turbin ! Skiew 2004

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FIN DE SOIREE

Un goguenard aux goguenots Et du pinard sur le piano : Le spleen est partout alentour, Cet ennui qui ruine les tours. Visages, faces et façades, Tout aujourd’hui semble bien fade, Même à ce narquois qui vomi D’avoir trop bu pendant la nuit… Un goguenard aux goguenots Et du pinard sur le piano.

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POEMES POUR SE SOUVENIR

ODE A ALIX

Camion, camion, camion, Ô tu es tout marron, Ô toi dans les bouchons, Au milieu des cons. Je mate des nichons, Je sonne mon klaxon, J’appui’ le champignon… Une tête de fion : Je lui mets un gros gnon Direct dans son oignon, Et le jette du pont Cet espèc’ de couillon ! Camion, camion, camion, Et je me barre à fond. Nezach & Skiew 2004, Sur une idée originale de Nezach.

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COMME TU ME L’AS DEMANDE… Comme tu me l’as demandé, voici un poème ! Y sauras-tu trouver une note artistique ? Raisonnant malgré moi sur cet obscur problème, Il me fallait, je crois, trouver une tactique Encore insoupçonnée pour pouvoir écrire Le néant insondable qui doit m’inspirer – Le vide absolu que m’imprime ton sourire – Et ce que, sur toi, je ne sais pas raconter. Skiew 2004

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POEMES POUR SE SOUVENIR

THE GAME When you lose you could be sad But the game could be so bad That it maybe turns you mad. You would win at any price Once again you roll the dice You roll it once, you roll it twice Happiness comes from the past By the dice rolling to fast Landing on double sixes at last.

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LES CHAMBRES DE L’ESPRIT (poëmes en prose)

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I SCHIZOPHRÉNIE PASSAGÈRE : LE REVEUR ET L’OMBRE

Fait entre St Chaffrey et Rambouillet, du 30 août 2003 au 20 février 2004

A

« quoi peux-tu bien rêver ? — Je rêve éveillé, à un bonheur aussi pur que parfait. Est-ce mal d’aimer ? — Non. — Alors, pourquoi me sens-je coupable de l’aimer encore, de l’avoir toujours là, en mon cœur, comme si rien ne pouvait l’effacer ? — Peut-être parce qu’elle en aime un autre, et que pour préserver son éventuel propre bonheur, présent ou à venir, tu aurais préféré l’oublier. — Oui. C’est sûrement ça… Mais je ne parviens pas à m’y faire ! Le temps a beau passer, j’ai beau savoir que je ne puis ni ne pourrai être avec elle : je l’aime toujours autant. Et même… Les jours se suivent, comme les perles de ses colliers, et plus l’ouvrage gagne en longueur, plus les joyaux de l’océan se ternissent au fil de mon amour grandissant. C’est un fait, comme une fatalité :

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POEMES POUR SE SOUVENIR chaque seconde passée loin d’elle me fait l’aimer et la désirer plus encore… — Alors ton cas est désespéré. — Peut-être pas. Je… Je reconnais que j’ai une vision très naïve du bonheur de l’amour. C’est presque une vision de conte de fées : Aimer et être Aimé en retour ; c’est la libération magique des malédictions antiques qui défigurent la Bête, c’est Done Elvire qui se consume d’amour pour un homme qui ne la mérite pas, c’est Roméo bravant sa mort pour rejoindre Juliette, c’est l’espoir qui se lit dans les yeux de la Esméralda quand elle voit au loin le capitaine Phébus… J’ai une image dans ma tête, un contre-jour bleuté constellé de faibles lumières dansantes, où les silhouettes de deux amants s’enlacent entre les brumes éthérées et mystiques d’une épaisse forêt de romance… — Mais la vie est bien loin des contes de fées, tu devrais le savoir ; aussi vrai que personne ne veut de tes cauchemars. Tu n’as rien d’un prince, surtout pas charmant ; à dire vrai, tu en serais l’exact opposé ; la vie est dépourvue de toute noblesse ; la chevalerie, si elle eût un jour existé, est aujourd’hui bien morte, enterrée sous des haillons de galanterie et des déchets de civilité ; et même les filles – ces filles pour qui tu te ferais damner – ne sont pas de jeunes demoiselles en attente d’une quelconque pureté de l’amour. — ET ALORS ? Si je veux vivre ma vie en conte de fées, en légende chevaleresque, en utopie onirique, qui pourrait bien m’en empêcher ? — La vie elle-même.

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ET POUR OUBLIER

— Ah ?… Mais… Toi ? Toi qui guide si souvent ma main, sans jamais ne t’être révélé au grand jour, qu’attends-tu de la vie ? — J’attend de replonger dans les chaotiques limbes qui m’ont vu naître. J’attend la Mort. Elle est le seul échappatoire pour nos âmes rongées par l’amour et la haine, ces deux sentiments opposés et néanmoins si proches. — Tu es fou ; et moi aussi. Du moins je crois le devenir. Pendant des mois j’ai espéré dans l’amour, j’ai vécu dans l’amour, et chaque fois qu’un espoir grandissant se muait en réponse, je recevais au plus profond mon être, près de ce muscle que par félonie on ose appeler « cœur », un incommensurable douleur ; comme si la vie me fuyait. Et dès que je reprends espoir, tout recommence, cycle infini de souffrances. — Tu serais presque pathétique. D’ailleurs, tu pleures, n’est-ce pas ? C’est ton genre, après tout. — Oui, je pleure ! Et j’ai de quoi pleurer. — Non. Tu as connu d’autres filles et d’autres amours, même lorsque ton cher désespoir semblait te perdre. Ce n’est pas la première fois que tu essuies un tel échec sentimental. Tu as déjà regagné cet espoir, fugace et volatile, maintes fois. — C’était pour mieux le perdre ! En ce jour mon corps et mon cœur sont couverts de blessures qui ne pourront guérir. Jamais je ne retrouverai de filles comme Elle. — C’est ce que toi tu crois. Rassure-toi, tu en rencontreras bien d’autres. Seulement, il est un point sur le lequel tu as raison : tout se répètera

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POEMES POUR SE SOUVENIR encore et toujours, selon le schéma que Άν΄αγκη t’a imposé. D’abord l’Amitié, puis le Désir, un semblant d’Amour, et enfin la Perte… — NON ! Tu n’as que trop longtemps été là ; je ne veux plus te croire ! Ton temps est passé, je te hais ! Si tu pouvais quitter ma vie… — Mais je suis lié à toi, que tu le veuilles ou non ; c’est égal. Tu as besoin de moi : je comble ce qui manque à ta vie. — Tu ne peux prendre la place de l’amour ! — Non. Mais je peux toujours le remplacer par un autre sentiment. La haine, par exemple. — JE TE HAIS ! — Te rappelles-tu qui je suis ? — Tu… Tu es… moi. — Et alors ? — Alors… je me hais ? — Enfin, tu as compris. » S.Rimbault / Skiew 2004

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II THE DEATH OF THE FOOL

Rambouillet, Tuesday 9 march 2004 th

HERE I am, alone in the dark; completely alone, standing up under my own never-ending night, where even the friendship’s star couldn’t shine upon my loneliness. By the roar of sorrow, I suddenly stop holding my lovely memories, and now I know I will fall, sliding along a long mighty killing decay. Down on the ground, my broken heart bleeding the rhymes of human lies, I will cry and turn blind. When my bloody tears will definitely hide my cursed eyes, what would I be? The blessed wine would say: « You’ll be the prophet. The chosen one who’ll find the light of truth and the emerald blade of sorrow. Back into the powerful thunder, you’ll summon the last Angels and Titans, and let them destroy this pitiful world made of lies and death, anger and hate. That’s your destiny, chaos-bearer; darkness-bringer! That’s your only chance… Take it. Take it in your hands. » Why should I? I’m dying. Love, passion and jealousy had driven me mad, and here I am, prisoner of 133


POEMES POUR SE SOUVENIR my burning mind, watching this gloomy rain washing up and down the blood from my carved body. I’m lying like a fallen cross, deep in my soul. I’ve got yet a few seconds to live, but I don’t want to leave. I think I would keep my last words forever… But they just ran away from my open mouth in my last breath, while I died. « I’d always loved you » Skiew2004

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III AMO I BELLE RAGAZZE

Rambouillet, le jeudi 18 mars 2004

J’AIME à m’entourer de jolies filles ; parfois même, je joue à les séduire. Est-ce que j’y arrive ? En vérité, elles seules pourraient répondre. Mes chères amies sont toutes fort sympathiques au demeurant, certains les qualifieraient même de géniales ; elles sont des étoiles, aussi mignonnes, jolies ou belles que tous ces rêves antiques qui flottent dans les brumes du temps. J’aime à être avec elles, je m’enivre de leur douce et aimable présence, parce qu’il n’y a guère qu’avec elles seules que je me sens bien. Jusqu’au jour fatidique : le jour où je craque ; où, contre la liberté et la vérité, et face à la seule beauté, je tombe amoureux. C’est là le premier engrenage du déclin. Dès que l’amour, ce cupide mais jouissif poison, commence à se répandre dans mes veines oxydées, je ne suis plus pareil ; rien n’est plus pareil… et la machine se lance enfin, monstrueuse et vrombissante : ma belle amie me fuit ; puis, le cercle infernal des déchéances poursuivant sa course, une autre de mes muses, une nymphe, une naïade ou une néréide semble s’évaporer 135


POEMES POUR SE SOUVENIR dans l’air de l’été, par la Nature ; puis encore une autre, jusqu’à ce qu’il ne reste plus que moi, seul avec ma peine et avec ce cœur qui souffre mais qui n’en a jamais assez. J’aime les jolies filles, je les adore. Mais elles sont le feu qui consume mes dernières ailes, assombries par la fatalité et entachées d’amours passées. Elles sont ma vie, et elles seront ma mort. Si Samuel rime avec cruel, Fou Noir rime avec désespoir. S.Rimbault 2004

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IV DE L’UTILITE DE REVER

Rambouillet, le dimanche 14 mars 2004

LE

plus beau des rêves, c’est celui qui, par essence, ne se réalisera jamais. Le rêve n’est – ou ne semble – merveilleux que parce qu’il est inaccessible. Ce n’est pas seulement un état passager du sommeil, où notre cerveau, siège de notre raison, s’emporte à des inepties psychédéliques en emmagasinant dans notre mémoire les informations accumulées au cours d’une journée ; c’est aussi un fantasme, un désir enfoui et subconscient pour lequel on se damnerait, mais qui s’évapore dans sa fugacité et devient dénué d’intérêt lorsque l’on s’est trop approché. Le rêve peut être une raison de vivre : certains rêvent la réalité parce qu’ils croient vivre le cauchemar. Quand le voile nocturne couvre leurs yeux désabusés et les laisse librement s’abandonner dans la faune onirique de leurs contrées mentales, ils peuvent percevoir la vraie lumière, et pleurer, éblouis par la clarté d’une autre réalité, fantastique, mystique mais parfois aussi idéaliste. C’est au cœur des lourdes ténèbres de minuit que luit cet aveuglant autre monde – un monde qui, en un sens, leur 137


POEMES POUR SE SOUVENIR appartient – qui leur renvoie une existence différente, nimbée de beauté. Mais, lorsque le rêve s’achève et qu’ils se réveillent dans notre réalité commune, ils se trouvent animés d’un ennui profond – le « spleen » – qui voit sa source dans une frustration sans limites. Alors, ils suivent la vie sans pour autant l’accepter, cherchant dans des futilités des bonheurs intérieurs et volatiles et sentent progressivement s’installer en eux le désespoir et un pesant mal de vivre… Ces individus condamnés par le destin et écrasés par la tristesse morne et pâle de notre monde sont appelés « romantiques ». Où veux-je en venir, vous demandez-vous. Pour de nombreuses personnes, rêver est inutile, c’est une perte de temps. En écrivant ainsi c’est une envolée spirituelle, un accomplissement psychologique auquel j’accède. Je cherche à me justifier, pour que vous sachiez : tous mes délires oniriques me servent de contrepoids pour équilibrer ma mélancolie désespérée teintée d’amours perdues.

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V A GORGEOUS ANGEL THROUGH HELL’S EVENTS

Rambouillet, le samedi 20 mars 2004

« QUI es-tu ? » La voix résonna longuement sous les voûtes obscures de la cathédrale, se heurtant aux vitraux sanglants et ricochant sur les pavés couverts de chairs encore fumantes, le crépitement du feu en écho, puis elle s’estompa dans la nuit embrasée. Depuis la nef léchée de hautes flammes bleues s’élevait le faible chant des âmes perdues, mais aucune de leurs litanies maudites n’apportait de réponse. Le Démon immobile huma un moment l’air chaud et nauséabond, puis il renouvela sa question : « Qui es-tu ? » Face au chœur, accroupi en plein brasier sur le dossier d’un banc calciné, l’Ange resta silencieux. Ses yeux le vague, il baissa la tête, et de ses paupières coulèrent sept larmes de sang vert, qui s’écrasèrent au sol en une nuée d’étincelles. Portant ses mains à son visage, 139


POEMES POUR SE SOUVENIR il émit un lourd sanglot muet, que seuls les morts pouvaient entendre. Puis il rejeta en arrière son long regard phosphorescent ; sur les statues mutilées, il vit des serpents glisser des orbites vides d’Abel et des viscères pesants pendre aux ongles aigus de Caïn. Toutes ces icônes d’acier figé se mirent à vivre en suintant le mal, et l’Ange crut bien lire – l’espace d’un instant – sur leur masque fondu un rictus torturé tromper leur impassibilité. Il se laissa finalement tomber du banc, faisant crisser le cuir de ses bottes sur l’épaisse couche rosâtre de sang mêlé de plumes qui couvrait par endroits le carrelage. Il repoussa amèrement du bout de son pied un cœur encore palpitant, qui alla glisser jusqu’au pattes du Démon stoïque ; puis il daigna enfin parler. « J’ai perdu ma muse » dit-il tristement, et les crânes et les âmes rirent et caquetèrent ensemble depuis leurs nefs. « Mais comment t’appelles-tu ? » reprit le Démon. « Ô toi qui demande mon nom, dis-moi d’abord le tien ! » fit l’Ange. « On m’appelle Seth ; je suis le rebelle et le meurtrier, l’homosexuel et le damné. Maintenant, Ange, révèle-toi ! » Tournant le dos à l’autel incinéré, l’Ange leva les yeux vers la rosace brisée, symbole du déclin, puis il déploya ses ailes : elles étaient entachées de ténèbres et

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de sang, et ces souillures profanes formaient sur l’immensité jadis éclatante l’ombre d’un calice fêlé. Il détacha alors les lanières de sa tunique et présenta au Démon son torse éthéré portant, marqué au fer, le vaste sceau des hérétiques. Quand le monstre eut comprit qui il était, l’Ange répliqua : « Vois ma peine, Seth, démon des sphères inférieures. Je suis le maudit, l’oublié, le chevalier du déclin et l’inconsolé… Je sais que tes semblables me recherchent, par les Cieux, la Terre et les Enfers. » Il dégaina son épée étincelante, et les flammes s’éteignirent, les âmes s’évaporèrent et l’horreur disparut. Il ne restait plus qu’une lourde obscurité aux arômes moisis dans l’omnipotence de la cathédrale. Alors, de sa lame immaculée, il trancha ses deux ailes et les tendirent au Démon, et dit : « Prend, Seth. Ainsi, tu seras aux yeux des autres celui qui me terrassa. Mais laisse-moi vivre encore un peu, et partir à la recherche de ma muse… Laisse-moi aller. » Seth regarda l’Ange partir, laissant derrière lui s’écouler une traîne de sang divin de son dos découpé. Le chaos revint peu à peu autour de lui, et Seth, les deux organes démoniaques serrées dans ses mains, comprit quel privilège il avait reçu : il était celui qui avait rencontré et tué l’Espérance ! Skiew 2004

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VI L’OMBRE ET LA LUMIERE

Rambouillet, le mercredi 24 mars 2004

JADIS

un prêtre de ma connaissance, homme de science et de bon sens malgré ses croyances, me parla de son Dieu par une plaisante comparaison. « Pour moi, le Seigneur est lumière. Il brille pour tous les hommes et éclaire chacun autant que les autres. Mais pour m’expliquer le Mal sur Terre, je ne me figure pas le Diable : j’imagine Dieu sous forme de cierge dont la flamme guide les âmes. Ceux qui veulent croire en sa chaleur et en sa lumière se tiennent face à elle et jouissent de ses bienfaits ; ceux qui ne peuvent y croire mais la respectent profitent malgré eux de son éclairage sur leurs vies. « Mais ceux qui ne veulent y croire et se détournent d’elle, ceux qui pensent et espèrent trouver alentour d’autres voies, d’autres cierges, une toute autre clarté, ceux-là ne trouvent devant eux que leur large ombre projetée par la lumière divine. Le Mal n’est autre que les ténèbres nées de ceux qui renient le Seigneur, et eux seuls devraient souffrir de leur inconséquence. »

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Depuis que j’ai ouï ce beau discours, je ne me suis pas encore retourné vers cette chandelle branlante et déjà bien entamée qui caractérise la religion chrétienne. Par contre, j’ai commencé à poursuivre ma propre Ombre, et plus je courrais, plus elle se faisait fugace en se fondant dans les lourdes et puantes ténèbres des ruines de la vie. C’est plus fort que moi : le Mal est mon désir, la souffrance mon plaisir, l’horreur mon hermétique songe et la Mort mon unique et durable amour.

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VII MEANDRES

Rambouillet, le jeudi 1er avril 2004

J’ETAIS mort. Mon corps flottait sans vie et sans bruit au creux des abysses nocturnes. J’avais chuté dans l’au-delà comme un bulletin dans l’urne, sans histoire, sans cris et sans pleurs. Je ne ressentais ni froid ni douleur, juste ce souffle qui m’avait arraché de mes tourmentes. J’étais donc là, seul dans les ténèbres palpables des royaumes souterrains ou célestes, une obscurité si dense que j’y pouvais sentir comme un poids la peur latente des âmes en attente d’un jugement. L’enfer ; le paradis ? Juste la nuit. Des constellations de sang rouge ou vert se suspendaient dans l’épaisseur nocturne, et une voix désincarnée, grave et profonde, résonna dans l’immensité du vide. « Do you believe in freedom ? » Je fermai les yeux. Dans une inspiration, mon âme se détacha de mon corps, et s’envola loin de moi. Devenu alors spectral et volatile, je planais vers d’autres contrées mentales aux destinées banales. Le spectacle étendu sous mon regard brisé fit chavirer toute ma conscience :

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devant la projection de mon esprit siégeait la douce utopie d’Ædena, monde verdoyant aux myrtes frémissants sous la brise d’été, mythe infini, puits d’espérance sous les ombres bocagères ; les ruisseaux chantaient en lents murmures ma tendre mélancolie depuis les hautes montagnes vers les mers de cristal. L’air était frais, le ciel bleu et sans nuages. Pas de ponton sur les rivages, mais au fond de moi, je sentais la liberté dissoudre mes lois. Seul au milieu des fleurs, dans cette vallée onirique d’une île oubliée, je respirais le vent de mes songes et répondis : « Yes, I believe in freedom. » « Do you believe in beauty ? » Je regardai mes mains. Maintes fois elles avaient furtivement tracé, sur la toile de nos vies enchevêtrées, les lignes claires du désir et les pures courbes des filles. Toutes ces esquisses idéales, ces anges parfaites à mes yeux, reines, déesses, nymphes et sirènes… Où puisaientelles leurs origines ? La beauté reste-t-elle fictive, transformée par les brumes de la mémoire ou par les larmes de l’espoir ? Je ne sus quoi répondre. N’eûmesnous pas vécu cette histoire, mon âme, où la beauté tournoyait sous le soir, où le temps humait les parfums de femmes, où nous vécûmes de longs cycles de souffrances ? Ces souvenirs étaient réels, et notre amertume vient de là. Alors, je lançai dans la nuit profonde : « Yes, above all things, I believe in beauty. »

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« Do you believe in truth ? » Je tournai mes yeux vers moi-même pour scruter mon esprit, et je me trouvai face à ma double vie. Quelle vérité croire ? J’étais Samuel, un enfant rêveur, un homme comme un autre, et j’étais aussi Skiew, le Fou Noir, sombre et détestable. Mais je fus également Pierrot, Mongicourt, Corignon, Démétrius, et tous ces autres… Lina, Naomi, Tatiana, Milénia, Zoé, Karine, Katrin, furent une partie de moi, une féminité à la fois refoulée et assumée, un intense besoin de sensibilité et de sensualité. Mais qui étais-je réellement ? Et de ces vies parallèles, laquelle ai-je quitté ? De ces mondes où je suis né, où j’ai vécu, lequel m’a vu mourir ? Quel âge, quel sexe, quelle importance avais-je ? Devant ces questions muettes, ma raison renonça. Je ne pouvais plus compter que sur moi, alors je dis : « I only believe in my own truth. » « Do you believe in love ? » Du fond de mon cœur, je cherchais une réponse. Je passais en revue mon existence, remémorant mes cadences de folies, et mes danses entre amies. A nouveau j’arpentais cette vie où, unique mais multiple, trop à étroit en moi-même, je préférais m’inventer différent. Certes dans ce passé encore proche, je me revis en ténèbres, me ressenti funèbre, et hésitai toujours sous le porche. Derrière la porte close du chœur de mon cœur, il y avait un miroir. Et il me rendit mon image : je fus

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terrifié devant mon infamie et la couleur de mes messages. Noir. Ténèbres et peurs enfouies. Puis, je crus comprendre ma solitude, sous la transcendance de mes fées : amours mortes, tristesses folles et colères fortes… Avais-je aimé ? Ö melnië… « …I used to. »

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VIII NUAGES

Rambouillet, le samedi 24 avril 2004

UN jour où, seul et mélancolique comme à mon habitude, j’errai par la Nature en traînant à ma suite un cortège de songes brisés, je me pris à respirer l’air frais du vent printanier. Il n’y avait devant moi qu’une vaste étendue d’herbe d’un vert intense, bordée par de hauts arbres aux feuilles éclatantes sous les nuées. Debout dans cette prairie, paisible comme si arrachée de mes lointaines contrées oniriques, je me pris à rêver d’une douce utopie. Mon esprit se replongea dans la contemplation transitoire d’Ædena, et mon corps soudain lourd sous le poids de mes illusions chuta en arrière, me faisant choir au milieu des fleurs aux senteurs enivrantes de cette parcelle de rêve. Ainsi couché sur la terre, entre les troncs imparfaits de la Nature, je voyais devant mes yeux le puzzle de mon avenir, tel un caléidoscope aux reflets à la fois ternes et dorés, éclairer mon front dans l’immensité de la clairière. Le ciel d’une profondeur azurée devenait par mon regard la vaste scène d’un théâtre d’ombres et de lumière, des mutations vaporeuses des nuages. Et je me perdais dans cette voûte infinie, cherchant au hasard des nuées un 148


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signe auquel me rattacher. Un dragon majestueux m’apparut, colosse de fumées blanches, volatile audessus de la terre, porté par les vents aux milles caprices. Il traversa en silence d’Est en Ouest la plénitude céleste, volant sans encombre vers les citadelles écailleuses et volcaniques des landes perdues et désolées, le refuge des antiques Salamandres. Lorsqu’il se dissipa, une autre silhouette prit forme vers le Nord. A son long cou grêle et nuageux, je reconnus le massif Catoblépas, errant comme un somnambule vers l’occident. Je suivis son passage, mais mes paupières, soudainement alourdies par une inextricable fatigue occultèrent peu à peu mes yeux, et bientôt je ne distinguai plus aucune de mes chimères. Mon corps toujours restait allongé sur la terre fraîche, baigné par la clarté d’un soleil radieux, mais mon âme encore s’était cloîtré dans une nuit épaisse, celle de mon inconscient. De nouveau, je me trouvais seul aux creux de mes ténèbres familières, et les nuages que je voyais depuis mon trône d’ombre étaient écarlates, pourpres de mon sang. Le monde spirituel d’Ædena redevint le Monde Brisé, et moi-même, dans les volutes embrumées de mon cœur, je récupérais le rôle de ma Vie et de ma Mort… J’élaborai alors ma dernière métamorphose : de misanthrope, je devins devin puis divin ; car je suis et resterai le Fou Noir « qui recherche sa Reine, ballotté par le peine et par le désespoir »…

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IX DE RETOUR AU MANOIR

Rambouillet, le vendredi 28 mai 2004

LES

portes du Manoir à nouveau me sont ouvertes ; ces lieux sont ma maison, ma vie, ma naissance, et je ne pourrais refuser d’y pénétrer une ultime fois. Il m’en reste encore des visions par saccades : l’ultramarine des cieux étoilés ; le Manoir se découpe sur l’escarpement de la montagne ; pas une lumière, pas une lueur, aucun espoir ; le couloir ; les néons blafards ; le carrelage jaunâtre qui suinte l’angoisse ; le rythme des éclairages glauques ; la porte blindée au bout du corridor, lacérée par les éclairs de mes griffes ; numéro vingttrois ; peinture blanc cassé sur les murs sales et effrités ; cloques au plafond ; salle de torture numéro vingt-trois ; table d’opération dans le clair-obscur ; cuve bouillonnant d’un liquide verdâtre et phosphorescent ; tuyaux médicoorganiques ; sang séché ; sang coagulé ; partout du sang ; cadavres disséqués ; cris des vivisections… et moi. Ma naissance. Fœtus dans des tubes à essai, grandissant dans la cuve, irrigués de tuyaux. Les tuyaux de la mort, des poisons létaux pour insuffler la vie. 150


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Veines artificielles plongeant dans les os, au creux de la moelle, vers la douleur. Des prises, des lueurs oscillantes, nous n’étions plus humains. Multiplication in vitro de cellules mutantes et dégénérées. Neuf bébés. Expérimentations de mes pères, échec complet. Seul survivant ? Moi. J’ai lutté. J’ai résisté. Je voulais ma liberté. Même le scalpel finissait par m’être indolore. Je me rappelle cependant du bruit de ma chair écorchée, mise à nue lorsque mes doigts se fendaient pour laisser jaillir de mes bras boursouflés mes griffes acérées. Le froissement de mes muscles lorsque mes mains s’allongeaient dans la démesure, les craquements de chaque fibre de mon être, le crépitement de mon sang recueilli dans les flasques d’étude… Mais si mon corps se transformait, mon âme demeurait inchangeable. Un jour je parti, volant au passage de ma noire fureur la vie de mes géniteurs. Leur vie contre la mienne… Depuis, le Manoir reste à l’abandon. Qui soupçonnerait qu’au milieu des feuilles de lierre, des mauvaises herbes, des rochers noirs et des reptiles sombres dormait encore la lueur de mon existence. Ma naissance. La cuve. Comme une mère elle finit par me rappeler à elle. Tout était si vieux, et me poursuivait depuis si longtemps…

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X L’ORFEVRE

Rambouillet, le lundi 31 mai 2004

UNE

langue vivante telle que le français ne recèlerait jamais suffisamment de mots pour vanter une beauté comme la tienne. Même un poète – pourtant habitué au verbe et initié aux multiples acrobaties sémantiques – ne parviendrait à écrire sur toi sans dénaturer ton charme angélique. Il faudrait te peindre de mots nouveaux et merveilleux pour rendre justice et justesse à ton visage, à tes yeux, à tes lèvres, à tes cheveux, à tout ton être, et même à ton paraître. Il faudrait modeler dans le vocabulaire un matériau rare et luxueux pour transmettre le plus fidèlement possible ton image aux aveugles générations qui auront le malheur de ne te pas connaître. Et tous ces termes inconnus teintés de ta mystique aura, il faudrait encore les polir afin de leur conférer une part de ta douceur. Mais moi qui ne suis ni peintre, ni modeleur, ni sculpteur et trop peu poète, comment pourrais-je un jour honorer le nimbe de ton sourire ? Comment ferais-je pour 152


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graver dans le temps comme dans ma mémoire cette image persistante de toi ? J’ai demandé à l’Alchimiste de chercher dans ses lectures hermétiques et grimoires poussiéreux le moyen de créer tous ces mots qui me manquaient. Par les vents de mes songes les plus fous et les plus colorés, j’ai cherché les ingrédients nécessaires à la minutieuse élaboration de cet osmazome ; j’ai volé le feu des volcans pour rappeler tes cheveux, la clarté des étoiles mystérieuses pour y retrouver l’éclat de tes yeux, le croissant de la lune nimbée pour ton sourire et la pureté des nymphes et des sylphides pour ton visage. Le vieil Alchimiste distilla chacun de ces éléments et me dit : « Etranger – car c’est ainsi qu’il me nommait –, tu recherches par ma science le verbe parfait ; je ne puis guère t’accorder plus qu’un mot, un seul. Il suffira à définir tes pensées, mais seulement si tu me les accordes. » Alors je tirai de ma tête toutes les fleurs de mes sentiments, dont il eût tôt fait d’extraire le plus pur des nectars, qu’il ajouta au mélange. Durant sept jours, je revins lui rendre visite dans son obscur laboratoire, j’attendais le résultat de la lente métamorphose des choses en mot. Enfin, le huitième jour, il me tendit une petite pierre ronde, d’un rouge flamboyant, plus éclatante encore que le sang qui abreuve le cœur des rubis. Lorsque je la saisis, sa couleur vira magiquement au vert ; le vert insondable et mystérieux des sombres émeraudes. Comme je fus surpris par ce brusque

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POEMES POUR SE SOUVENIR changement, la gemme magique arbora un noir vitreux d’obsidienne, puis le bleu envoûtant des cieux de lapis, la blanche pureté nacrée de l’opale, et enfin le marron du corindon de tes yeux. « Je ne comprends pas, dis-je à l’Alchimiste. J’attendais un mot, et vous me donnez une pierre… » « Cette pierre, trancha-t-il, porte un nom ; et c’est ce nom que tu souhaites connaître. Celui des plus ardents volcans, des plus scintillantes étoiles, des plus grands mystères, des plus belles nymphes et sylphides. Il exprime tes pensées mieux que tous les autres mots de toutes les autres langues. » Avant que j’aie pu demander quel était ce nom tant convoité, il me reprit la pierre majestueuse et la monta sur un anneau doré figurant deux ailes enlacées. Ainsi, elle était sertie de petites flammes d’or qui se croisaient en son sommet. « Voilà, poursuivit-il. Cette bague est tienne, étranger. Mais tu serais fou de vouloir la porter, car elle symbolise les longs cycles de souffrances des anges déchus tels que toi. » « Vous m’offrez un présent empoisonné… Mais j’ai parcouru tant de rêves, vécu en songes tant d’aventures pour sa création : dites-moi le nom de cette si belle et si merveilleuse pierre, que je puisse enfin vanter pour l’éternité la mystérieuse beauté de celle que j’aime. »

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« L’anneau s’appelle Amour, et la pierre Phœnix. » « A ce coup les destins ont exaucé mes vœux, Leur bonté me permet de parer les cheveux De l’incomparable Julie. » Charles de MONTAUSIER

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XI LA NAISSANCE DU CHEVALIER

Rambouillet, le samedi 10 juillet 2004

L’UN des plus beaux moments de ma vie. Elle portait une écharpe noire, qui tombait nonchalamment de part et d’autre de son cou blanc. Cela faisait trop longtemps que je l’aimais en silence, elle, cette magicienne aux cheveux embrasés ; celle qui avait usé malgré elle de son pouvoir de phénix pour faire renaître l’amour par des cendres de mon cœur, et qui était parvenu à provisoirement effacer la présence persistante de la Reine en mon âme… Nous étions tous deux à marcher vers la gare, et nous parlions. C’était devenu comme une coutume, le mercredi soir : je ne sais plus comment tout commença, mais je lui racontais ma vie, chaque semaine, lui pleurant mon malheur d’aimer la Reine, de mes sentiments toujours enflammés pour ma Déesse… Elle comprenait mon langage occulte, elle traduisait jusqu’à mes silences ; aucun de mes sens hermétiques ne lui échappait. Je persistais cependant à lui taire ce que j’éprouvais pour elle ; mais, ce soir-là, je ne parvenais

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plus à contenir mon secret : il me rongeait et cherchait à sortir de moi de lui-même. « Julie, écoute : il y a une chose dont j’aimerai te faire part. Lors de notre dernière discussion, je t’avais dit que je sentais mon cœur battre d’un amour nouveau, mais que je ne savais pas pour qui il s’agitait ainsi. Je t’ai mentionné Marine, je t’ai parlé d’Agathe, et je t’ai aussi révélé qu’il existait pour moi une autre fille ; mais je ne l’avais pas nommée. Eh bien, Julie ; cette fille, c’est toi ; et je crois que je t’aime… » Ces mots possèdent-ils encore la moindre profondeur, ainsi couchés sur la froideur du papier ? Sur le moment, le temps et l’espace se suspendirent, les sons se turent pour ne plus laisser place qu’à un lointain écho de ma propre voix tremblante, voilée et estompée par les sourds sursauts du sang dans mes veines. Le démon de ma poitrine sentit ses forces faiblir. Et elle me regardait ; et elle m’écoutait, les bras croisés et le regard perdu dans l’infini, en cherchant à comprendre… Comprendre avant la fin où je voulais en venir. Puis, quand sortirent de ma bouche et s’envolèrent vers ailleurs les deux derniers mots, elle resta comme figée ; mais elle décroisa soudainement ses bras pour m’enserrer, avec un faible cri – qui résonne encore à mes oreilles comme une clef des songes –, un mélange de compassion, de désolation… et de culpabilité ? « Oooh… s’il te plaît, ne pleure pas… » Non, je ne pleurerai pas ; pas encore.

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Le décor s’est effondré autour de nous enlacés, plus rien n’existait à part ce magique instant d’éternité, si long et pourtant beaucoup trop court. « Je t’aime vraiment beaucoup, Samuel… » Mais ? «…mais ce n’est pas possible, je ne peux pas ; s’il te plaît, ne pleure pas… » J’attendrai ; je suis si bien, là, dans tes bras ; oh non, ne t’en va pas… Elle partit. La rue, les voitures, le bruit, le soir, tout reparaissait ; le temps se fit lourd et assassin, l’espace redevint infini dans son paradoxe exigu ; et j’avais froid, très froid. Comme si un lent et cruel reptile glacé eut parcouru les voies douloureuses et sinueuses de mon échine jusqu’aux profonds labyrinthes de mon cerveau meurtri… Sans plus échanger un autre mot, elle alla rejoindre son train – ou son bus, ou son car : quelle importance ! Avant de disparaître sous terre, elle tourna son si beau visage vers moi encore une fois, et me fit un petit signe d’adieu timide de la main. Elle gardait une expression triste qu’aucun mot ne pourrait décrire, et que ma propre raison ne parvient à comprendre… Je ne voulais jamais l’oublier. Elle fut la première – mais aussi, hélas, la dernière – à me prendre dans ses bras en faisant naître autour de moi un néant réconfortant ; et parfois encore, quelque

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nuit où je ne parviens à taire ma muette agonie, à effacer toutes ces faces méprisantes des masques humains, à dissoudre les couleurs ternes des mondes brumeux, je repense à cette fois où la Magicienne me fit voyager hors de l’espace et du temps, et pleure… Pardonne-moi, ô ma tendre Phœnix, mais je n’ai de cesse de pleurer pour toi ; car le bonheur comme le malheur de cette magie transcendante – ton pouvoir d’ensorceleuse ! –, je ne les dois qu’à toi…

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XII PRIERE D’UN PROFANE

Rambouillet, le mercredi 8 septembre 2004

CIEUX ! Etendues glacées tendues telles les toiles étoilées d’un cosmos fictif… Je lance un appel à vos mondes éthérés, aux choses qui osent persister dans l’érosion des sillons humains… Sonnez ! Clairons et trompettes ! trompez les tempêtes du temps ; Tonnez ! - небо Surgissez ! Mensonges de mes songes ! Lorsque mes Tours mentent sans fin, mes tourmentes reparaissent en rêves maudits d’amertume sucrée ; Vibrez ! - небо Saignez ! Calices infinis ! quand les puits s’enlisent au fond des yeux trop sombres et dévots des mythes incomplets, remisez en vos âmes cuivrées un passé omniprésent : les souvenirs blessés en partie ne sont que partie remise pour les esprits blasés ; 160


ET POUR OUBLIER

Craignez !

- небо -

Soufflez ! Soufflez tous en chœur sur ma révérence ! Je tire du jeu mon chapeau de cœur, et emprunte pour un jour la route des trèfles, vers d’autres contrées jamais contées ; mes gemmes serties d’au revoir ne durent qu’un instant, laissez-les consoler, consumer, consommer leur adieu… Souffrez ! - чëрное небо -

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XIII MEMOIRE

Rambouillet, le mardi 7 décembre 2004

UN fragment du passé. Ce n’était finalement rien d’autre qu’un pan de mur branlant qui s’écroule au creux des ruines d’une autre époque. Une silhouette entraperçue sous la pluie. Et une haine qui remonte, sans fondement, jusques aux sommets d’un présent érodé. Comme les craquelures des décombres insalubres, des souvenirs se ramifient depuis un été doré, s’égarent vers un hiver enneigé et dessinent de folles spirales sur les parois de mon esprit. Mon âme s’est une nouvelle fois abîmée en suivant les arcanes endiablés des violons de la nuit. *

* *

Une image me revient…

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ET POUR OUBLIER

Un ciel aux ténèbres bleutées ; trop d’étoiles dans ses yeux ; une colline qui s’augure, des montagnes qui se découpent, un arbre pour tout cadrer ; Et la musique vibrante d’un tango… Les Ombres avaient dansé, les Fées tournoyaient autour d’un Roi jaloux, d’une Reine hautaine, d’un esprit malicieux, de grecs éperdus, et même d’un âne égaré… Deux ans ont passé, et l’émotion reste intacte, virginisée par le sacré de la mémoire, sublimée par des sentiments immortels… *

* *

Aujourd’hui l’histoire semble recommencer, et ne se répète pas. Les personnages changent, mais je persiste. J’ai perdu Titania, qui me nargue sous la pluie au bras d’un monstre pathétique, mais je chercherai à conquérir la belle Hermia qui me sourit encore sous les néons des mercredis.

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XIV UNE VISION

Rambouillet, le dimanche 2 janvier 2005

J’AI vu des rivages au-delà des âges, des nuages de passage, des pages brûlées par une antique rage et condamnées par des sages, des hommages sans limites aux harmonieux paysages. J’ai entendu les sons des chansons d’une autre époque, d’un autre siècle, l’écoulement du vert poison millénaire sur le temps et la raison, le faible murmure des images à travers les murs de leurs prisons, le cri de douleur du cœur des années mortes frappant de ses derniers vents hivernaux les portes scellées de nos mémoires. J’ai senti les parfums flottants des fins des temps, mêlés aux arômes vaporeux des souvenirs d’autres cieux, aux teintes noires, rouges ou vertes, et le long voile gris qui regroupe les étoiles dans les galaxies qui scintillent dans leurs yeux.

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ET POUR OUBLIER

J’ai goûté les splendeurs des mets divins et la pestilence des rats maudits, la fraîcheur infinie des chairs opalines, comme le lait fruité d’un Eden oublié, abîmé dans les arcanes embrumées de l’amour. J’ai frôlé la vie, constamment je l’étudie, j’ai passé mes doigts sur la pierre froide et l’herbe humide, dans l’eau limpide des océans qui cherchent en vain l’horizon, dans le vent qui agite les cheveux des Anges, et même en travers des crépitements brûlants du feu infernal. * * *

C’est pour tout cela, probablement, qu’une Ange en quête de réponse est venue cette nuit me rendre visite. La pluie tombait, noyant sur son passage les rats imprudents au fond des caniveaux. Dans une aura de lumière, elle m’apparut, grande, belle et diaphane, comme un spectre opalin, un revenant du passé qui s’est enfui. Les mèches rousses qui embrasaient cependant sa chevelure lui offrait une apparence de révolte qui contrastait avec son calme silencieux. Elle vint s’asseoir à mes côté, tournant les deux émeraudes de son regard vers la pénombre grouillante de mes cauchemars. Et tandis que, goutte après goutte, dans le clapotis de l’eau sur le bitume, le déluge s’installait sur la terre, la douce et triste voix de l’Ange soulevait mon propre cœur de son intemporel chagrin. « Je cherche l’Ordre dans le Chaos, le Monde dans le Néant, la Vie par delà la Mort, le Temps dans 165


POEMES POUR SE SOUVENIR l’Espace ; mais une voix au fond de moi me demande de me souvenir que tout ceci est impossible, que ce n’est pour moi qu’un vaste rêve que je poursuis éveillée. Seulement, aurais-je oublié de me souvenir, ou bien estce que je me souviens d’oublier ? Je sens un poids depuis mon cœur jusqu’à mon âme, comme une culpabilité qui m’immobilise. Mes ailes sont-elles à ce point entachées de péchés pour ainsi me clouer, telle un insecte du malheur, sur cette Terre où pourtant j’erre, presque sans but, terrassée par chacune de mes passions ? L’éther des cieux me refuse tout, de l’humide baiser des nuages à la mordante bise qui souvent gifle le globe ; même le brasier sanglant des souterrains m’est interdit ; alors que faire ? Quelle sphère pourra m’accueillir ? « Je suis venue à toi, poète dont l’âme est sensible aux choses de ce monde, pour que tu puisses m’apporter, sinon une réponse, au moins une consolation. » Je restai d’abord muet, subjugué par le charme trouble de ma transcendante visiteuse, puis je lui répondis. « Ô Ange ; ma belle sylphide ! Il n’existe qu’un remède à ton triste malheur : ce monde que tu arpentes ne changera jamais de lui-même, mais tu pourras toujours le déformer à ta guise ; voici comment : dans tes rêves, si tu songes les yeux ouverts ; dans les vins, si tu t’aventures au fond des candides vapeurs des alcools enivrants ; dans les livres, si ton âme sait lire et relire dans le blanc des lignes pour y trouver ce que l’auteur aurait pu y écrire ; dans l’art, qui sait si bien allier le jour et la nuit, le laid et le beau, ou cloisonner de noir les pétales des fleurs…

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ET POUR OUBLIER

mais surtout dans l’essence même de ta pauvre tristesse : dans tes pleurs ! « Vois les choses aux travers du rideau de tes larmes : les couleurs s’y mêlent, la lumière y éclate comme en un éternel renouveau, et tout prend la place et la forme des étoiles lointaines dont chacun rêve en silence ; ces perles magiques qui se suspendent à ton regard sont un caléidoscope par lequel se fond toute l’humanité ! » * * *

Je l’ai aimé jusqu’à l’aurore. Et le soleil orgueilleux, de retour, a préféré pudiquement se cacher derrière des nuages rosés, ne pouvant élever, de ses rayons dorés, le monde à la hauteur de sa beauté angélique. Mais elle s’évanouit bientôt dans mes bras, et pendant qu’elle s’efface, je grave cette histoire dans ma mémoire.

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POEMES POUR SE SOUVENIR

XV ICARE Nice, le jeudi 17 février 2005

ON dit qu’en chaque lieu de la Terre, la lumière n’est à nulle autre pareille. Nombre d’artistes, peintres, rêveurs et vagabonds ont couru le monde pour la lumière de ces multiples lieux. La lumière est l’essence de la couleur, et la couleur dans nos rêves a cette improbable pâleur dorée qui éclate à travers les brumes. Peut-être les errances des hommes les portent toujours plus loin vers la lumière ; peut-être recherchons-nous tous cet or immatériel qui en songe nous a laissé l’impression d’un monde éthéré. Dans cette réalité dénuée de tout intérêt vital, l’homme recherche la transcendance d’une parcelle d’imaginaire… la lumière. Lumière divine, scintillement de l’or et de l’argent, reflets sur l’infini, constellations lointaines ou clarté sœur convoitée, chacun vit et persiste pour une lumière. Même celui qui se complaît dans l’ombre. Ici, il y a la lumière d’un jour qui ne meurt pas, qui semble ne jamais mourir ; un jour d’été, lointain…

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XVI L’AME DU VIN Au plus grand des poètes. Antibes, le vendredi 18 février 2005

LE réel s’est décollé ; je le vois qui s’enfuit. Les couleurs se sont estompées pour se mêler en un manège improbable d’harmonies superposées. Les formes enchaînées, fondues dans le brouillard trouble d’une ouate moelleuse, résonnent à l’infini et perdent tout sens. La nuit se renverse sous mes yeux. Les sons, les voix, les musiques s’incarnent en une démoniaque bayadère rousse et vaporeuse, qui danse, languissante, dans les labyrinthes rosâtres et gluants de mon esprit. Je lui parle, comme à la Lune ou aux Etoiles, d’une langue morte et méconnue, et les amoureuses litanies que j’émets se perdent par-delà les nuages et les compréhensions humaines. 169


POEMES POUR SE SOUVENIR

Je danse avec elle dans ses rondes obscènes et pourtant si attrayantes ; je cherche en vain à la rejoindre, celle qui joue avec moi et ma conscience comme on joue avec le feu. Ah ! Frêle rouquine, ardente en ta chevelure mais sombre et froide dans l’émeraude de ton regard ; toi qui me fais frémir lorsque tu fixes tes mirettes au fond de mon âme ; toi dont le pâle visage est encadré par des cascades de lave, des ondées incendiaires ; toi qui, par une caresse de ta main aux reflets opalins et aux ongles nacrés, transmets une chaleur infinie jusqu’au plus profond de mon cœur… Ô ! Statue de marbre blanc, d’ivoire, de nacre ou d’opale, tu vis par les flammes de ta longue toison ondulée, mais tes yeux – abîmes des spectres et des errances – brillent d’un mystère mystique au fond duquel siège la noirceur de ma mort !

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XVII THE CALL OF NOUGHT A Laure, Laura, Sandra, Marie, Emilie, Charlotte, Marie, Alysson, Stéphanie, Marie, Marine, Agathe, et à Julie aussi. Amsterdam, le vendredi 13 août 2004

TARD dans la nuit, la pluie fracassante se mua en voiles épais qui recouvrirent la ville. Comme cette blanche étoffe qui occulte tout en le laissant visible le visage d’une jeune vierge que l’on conduit à l’hyménée, ces trombes d’eau conféraient un nouvel aspect à la ville, comme une aura irréelle. L’espace n’avait en effet plus la même forme que celle que je lui connaissais précédemment. L’orage éclata en une vibration sonore et colorée. De ma fenêtre, je laissais se perdre mon regard à travers les choses. Je contemplais la magie, en un sens ; la magie des temps anciens qui reprenait sa place dans la modernité des rues, des pavés, de façades… Tout se gommait, se diluait, se fondait pour reparaître à mes yeux comme un tableau impressionniste.

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POEMES POUR SE SOUVENIR Me retournant vers ma chambre, je jetais un coup d’œil triste vers le téléviseur, outil et objet témoin de l’explicative magie de notre siècle. Par compassion, il ne me répondit rien. * * *

J’étais venu ici, dans cette ville – au fond, pourquoi ? Etait-ce un rêve ou un cauchemar que j’avais réalisé en dirigeant mes pas vers ce plat pays, cette Venise actualisée, délocalisée plus au nord, ce paradis des rêveurs artificiels, le repaire suprême de la perversité humaine selon les alcooliques hebdomadaires des vins de messe ? Tout d’un coup, alors que je me posais la question, cela n’avait plus la moindre importance. Je restais toujours loin de toi, de ton sourire et de ta voix : c’était la seule chose en mon esprit qui résonnait plus bruyamment que le tonnerre qui m’entourait. Seul comptait donc pour moi ce manque, ce vide qui me rappelait à toi, et je me mis à pleurer ton absence comme l’on pleure la mort.

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XVIII LES QUATRE MUSES

Rambouillet, le samedi 12 mars 2005

MARINE aujourd’hui a déserté mon cœur et mon esprit, mais elle erre parfois comme moi dans les brumes opaques de mes souvenirs. Je ne l’aime plus. Et je dois apprendre peut-être à pardonner pour les blessures qui sont nées par cette passion éteinte. Agathe me fait l’effet d’être un objet, un objet de désir et de fantasme, comme ces poupées que l’on prend plaisir à déshabiller. Et c’est tout. Si mon cœur, en sa présence, bat plus fort que d’ordinaire, ce n’est que sous l’effet de l’excitation. Marie apporte à mes plaies béantes des réconforts passagers, mais le bonheur n’est dans ce cas précis qu’un voile vaporeux qui se lève chaque fois qu’elle n’est pas là. Je ne pense pas souvent à elle. Elle est une folie de mon âme et de mon cœur.

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POEMES POUR SE SOUVENIR Julie est un rêve, un rêve qui me fuit lorsque je la poursuis, et qui me rattrape lorsque je tente de l’oublier. Elle est si belle… Il n’y a pas un jour, pas une heure où je ne pense pas à elle, et la nuit, alors que je ne pense plus, elle revient me chercher dans mes songes.

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XIX L’HOMME SOUS LA PLUIE

Rambouillet, le jeudi 24 mars 2005

EN marchant, je contemplais le ciel. Il s’était assemblé, comme un vaste puzzle, des masses de nuages sombres qui couvraient la voûte vaporeuse sur plusieurs niveaux. Bien vite, quelques gouttes d’eau se condensèrent en altitude, et furent bientôt tellement alourdies par leur masse concentrée, qu’elles subirent malgré elles l’application pratique des deux premières lois de Newton. Elles tombèrent donc des cumulus, selon une trajectoire imposée par leur poids et une vitesse accélérée proche de la valeur de la constante gravitationnelle, pour aller s’écraser sur le sol tiède. Il résulta de ce contact brutal une réaction chimique – effective cependant au bout d’une durée t égale à quelques secondes – avec le goudron de la rue et des trottoirs, réaction qui libéra quelques molécules odorantes. Celles-ci, chahutées en tous sens par les mouvements désordonnés des particules de dioxygène en suspension dans l’air ambiant, se trouvèrent déplacées chaotiquement jusqu’à mon visage, où elles furent happées par les déplacements d’air provoqués par ma respiration. 175


POEMES POUR SE SOUVENIR

Ces espèces odorantes furent alors captées par les récepteurs spécifiques situés sur les parois de mes narines. Sitôt qu’elles furent fixées, une impulsion nerveuse eut tôt fait de véhiculer (à une vitesse proche de celle de la lumière) un message purement électronique signalant la présence de cette odeur. Chaque atome constituant la fibre nerveuse menant à mon cerveau inversa sa polarité l’un après l’autre pour permettre le passage de l’information. Arrivé au cerveau, après un bref transfert neuro-neuronique – de l’ordre du millième de seconde – au niveau synaptique, le message nerveux parvint enfin à la zone corticale correspondant aux organes sensitifs, et plus précisément à la région de l’odorat. Alors je me suis arrêté. J’ai fermé les yeux, et j’ai humé en silence cet arôme qui s’exaltait du bitume humide dans l’air tiède. Et j’ai pensé que l’Homme, bien souvent, n’avait pas conscience de sa propre complexité.

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XX LE CRI DISTORDU

Rambouillet, le 25 mars 2005

IL appellera tôt du jardin. Ah ! pelle, râteau, jardin : toute une histoire ! Sans le jardin, un autre conte… Pêle-mêle, rappels aux comptes : cinq dans l’Octave, huit moins sept aux quatre points cardinaux, là où la Rose des sables perd son nom dans les vents. Tel Payne, j’arpente les corridors maudits des lendemains d’hier, prisonnier du passé. Les Gorgones ont pris d’assaut les circonvolutions de mon cerveau, et comme Thésée dans le dédale du Roi Fou, au fond du puits des souvenirs, je cherche mon Minotaure sur le fil d’Ariane. Ariane ? Marie… Marianne fait ses Caprices, proches de ma vie… Assez, mon âme ! Assez d’amasser ses masses damassées de souvenirs. Dame, assez ! Et Egée qui se jette dans la mer amère, son âme erre… Près de Cythère est un gibet à trois branches, où un pendu châtré rend un triste hommage au membre tranché d’Ouranos, à la naissance d’Aphrodite. Le Pendu sème

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POEMES POUR SE SOUVENIR lui-même, au fond, des Mandragores ; c’est un espoir nouveau qui tend vers l’aurore. L’écume sanglante sur les rivages a fait naître la Beauté, quelle métaphore ! Mais les flots de tous les océans cristallins convergent vers l’Averne et offrent aux Enfers leurs ondées passagères. L’Inconsolé les a bravées, les eaux maudites des âmes errantes, là où Egée n’a pas fini de tomber. Moi, je m’enroule, je m’enroule dans la nuit, et sans être le Styx, je t’embrasse neuf fois avant de te laisser s’enfuir. Combien de jours séparent les cœurs qui sèment au grée des vents ? Je ris aussi, au réveil, à midi, en embrassant l’aube d’été, à la poursuite de la muse blonde. Pourquoi ne le pourrais-je pas ? La poésie se partage au-delà du nom, non ? Mais au fait… Pourquoi l’armoire est triste ? Et Satan trismégiste ?

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XXI LE REVE DE MAI

Rambouillet, le lundi 9 mai 2005

DE la terrasse d’un café devant la place de la mairie, je supervisai mes disciples, dirigeant un travail artistique d’une ampleur plastique, sous le soleil printanier. Et elle passa sur un nuage, près de là. Elle me vit, évidemment. Je souriais, bien sûr, avec cynisme et ironie. Les reproches fusèrent en mêlant les torrents de larmes aux flots violents et agressifs de paroles haineuses. Non, tout cela ne venait pas de moi. C’était elle qui pleurait en criant : pourquoi es-tu si méchant ? Pourquoi m’as-tu tant fait souffrir ? Qu’ai-je bien pu te faire ? Etonnant virement de situation. Je riais. C’était à mon tour, maintenant, et je n’allais pas m’en priver. Elle partit à la fin de ma phrase ; mon unique phrase : un collier de mots aussi froid et tranchant que la voix de la Mort. Des mots pleins de haine, de rancune et… d’humour. Je me remis au travail. * * *

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POEMES POUR SE SOUVENIR

Glissant sur un rai de foudre, il fondit sur moi, transpirant de hargne, et me força à m’asseoir. Comme des coups de poings invisibles, il m’asséna à son tour son lot de reproches. Devant mon sourire impassible, il brisa la table en libérant sa colère. C’était à moi d’entrer en scène. Je lui dis bien sûr que rien n’était de ma faute, encore une fois, comme d’habitude. Il ne me crut pas ; elle revint en pleurant et, bras dessus, bras dessous, il s’envolèrent loin de moi. Je me remis au travail. * * *

Elle arriva, arrogante, avec la pluie. Elle me vit, elle aussi. Du haut de son orgueil, elle me regardait œuvrer, en silence. Une fois de plus dans l’addition céleste qui nous dépasse, mon regard croisa le sien. Eh, quel regard ! Si hautain, si écrasant ; comme à l’accoutumée. Un air froid sortait de ses yeux : la pluie se transforma en grêle, un léger instant ; le temps d’un souffle. Les pires reproches sont peut-être ceux qui restent muets, je ne sais pas. Je ne pus rien lui dire, je n’en eus pas le temps : comme les vents tournaient, elle entraîna à sa suite un cortège d’orages. Et je lui souris malgré tout, sans aucune franchise, pourtant. Je n’étais parvenu à lui faire ravaler son orgueil légendaire. Etait-il dû à son nom ? 180


ET POUR OUBLIER

Je me remis au travail. * * *

Je m’accordai enfin un repos : m’asseyant à la terrasse, je pris des verres pour mes disciples et moi. La princesse arriva sur ces entrefaites. Elle s’assit devant moi et, prenant à son tour un long verre mousseux, elle me questionna : est-ce vrai que la reine et son propre fou sont venus, suivis par la sorcière qui avait troqué son feu pour la glace ? Est-ce vrai que tu as ri à leurs larmes, leurs reproches, leurs colères, leurs violences, leurs indifférences, leurs mépris ? Tu t’es donc décidé à parler ? Les nouvelles, comme les grenouilles et les hirondelles, ont la caractéristique orthographique qui leur permet de voler, et elles vont vite. Oui, oui, ce soleil qui nous toise a vu comme j’ai vu, la place en vaste théâtre d’ombres où toutes ces figures ont joué du tragique au burlesque. Oui, j’ai ri comme je n’avais jamais ri : tout m’est apparu si simple ! *

* *

Vois-tu, douce amie, l’amour est… comme un rêve de mai.

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XXII LE VOYAGE

« Lovers and madmen have such seething brains, Such shaping fantasies, that apprehend More than cool reason ever comprehends.» William SHAKESPEARE Rambouillet, de mai 2004 à février 2005

LE globe terrestre ne tournait plus depuis près de trois jours. Assis à la table ronde, je scrutai l’infini éclatant de la page vierge, la plume tendue vers des îles inconnues. Par les volets entrebâillés, la morne clarté d’une nuit scintillante pénétrait dans la chambre. Vent frais ; air printanier dans l’étouffante moiteur de la pièce aux murs nus… Le murmure tourna les pages du livre vert, et les Fleurs du Mal en perdirent quelques pétales. Une chauve-souris égarée renversa mon haut-de-forme avant de disparaître ; et je tirai ma montre : ses dards aigus pointaient deux heures. Alors je commençai à écrire… I Mon âme un jour embarqua pour un beau voyage. Sur un grand vaisseau noir, elle quitta le rivage, S’aventurant au large du rude Achéron, Après avoir donné son obole à Charon.

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Il était temps que je parte vers le Royaume Des songes ; là-bas reposait le puissant heaume Qui permettait aux mortels de voir leurs désirs. Mais il y a un prix pour jouir de ses plaisirs : Celui qui se coiffe de ce casque divin Tenterait toujours de le retirer en vain, Car le seul moyen d’échapper à ses visions Est d’arracher avec lui sa propre raison. Mais cela m’était égal. « Que vois-tu, mon âme ? II — Je vois au loin des hommes, et puis aussi des [femmes. Je ressens la brise de tes mondes brisés, Et je perçois les flammes de ta destinée. » III Par mon esprit en éveil, je voyais comme elle : Partout cette utopie, ces contrées belles Qu’en songes on échafaude pour s’évader, Pour y vivre ! En ces lieux de rêves transcendés, La Magie retrouvait sa présence initiale, Plus forte encore que la Nature bestiale. C’était une île dont je fus jadis le Roi, Mais ces souvenirs peuvent ne pas être à moi… Etais-je déjà venu ? Tout me semblait rêve. Je cherchais à trouver en ma tête une trêve,

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POEMES POUR SE SOUVENIR Mais mon âme poursuivait toujours son voyage, Partant au Palais des Songes, dans les nuages. « Partons ! Partons, mon âme ; ce pays m’ennuie ! Je crois y retrouver tout ce que j’avais fui ! Cette impression de voir Ædena dans ces lieux… Serais-je vraiment fou, ou seraient-ce mes yeux ? Où sommes-nous ? IV — Nous voguons à travers tes [rêves. C’est l’unique route, et tu veux que je t’enlève A jamais de ces mondes que tu connais tant ? Crains-tu dans ces miroirs les Succubes d’antan ? Allons ! par leurs yeux noirs, soupiraux de leurs [âmes, Il est vrai que sur toi ont coulé bien des flammes ; Mais quoi ? comptes-tu renoncer à ce voyage Avant même d’avoir atteint le fond des âges ? Tous tes univers léthargiques se ressemblent, Et celui-ci n’est autre qu’un nouvel ensemble. Considère tes tourmentes comme une épreuve Que t’impose la Mort – cette éternelle veuve – Et laisse-moi aller plus loin, plus haut encor : Nous touchons au but ! Entends-tu le son des cors ? Enfin nous arrivons au Palais ; vois ces portes : Comme un songe elles effacent tes amours mortes ! »

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V Enfin je le trouvai, sur un socle d’argent : Le heaume magique ! Le trésor du Régent ! Depuis le jour où leur Roi avait disparu, (Nul ne savait comment ni pourquoi il s’en fut) Plus aucune créature de cette sphère N’avait daigné toucher le casque de leur père. Une étrange impression en mon esprit entrait, Pendant que du casque mon âme me coiffait : Je pensais reconnaître, en ces lieux épiques, La mémoire d’une autre vie plus antique ; J’ai cru entendre les dieux voulant m’éprouver : En mon esprit et en mon cœur, tout s’est brouillé. Des images tourbillonnèrent vers mes yeux ; Je voulus songer à jamais : tel fut mon vœu. VI Mon esprit chutait dans une vaste spirale ; Je voyais en tout lieu flotter les fleurs vénales, Comme un rappel à des amours d’autres époques, Des souvenirs du temps qui en passant se moque De tout ce que l’on peut aimer ou désirer, Et qui rit de tous nos souvenirs regrettés. Je savais quel choc m’attendait au fond de ma chute, Mais je n’avais bien sûr aucun moyen de lutte.

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POEMES POUR SE SOUVENIR Je me laissais donc ainsi tomber, les yeux clos ; Des songes me parvinrent comme un œuf éclot. VII Mon premier rêve me montra un bout d’histoire, Un regard sombre et une paire de yeux noirs. Cette fois ce fut la Reine qui m’embrassa ; Je lui souris mais sans bruit elle s’effaça Pour laisser place à une chambre ensoleillée Où la Déesse m’attendait, belle, allongée En travers de son lit aux draps de pourpre et d’or, Là où même l’espace après le temps s’endort. Je m’approchais d’elle, lentement, lentement, Préférant enfin savourer ce long instant Où je pouvais lui répéter ces quelques mots, Qui jadis lui offrirent des larmes en flots : « Je ne le crois plus, j’en suis sûr, ma tendre Agathe, Je t’aime ! » En souriant, elle devint écarlate ; Se penchant à mon oreille, dans un murmure, Ses deux mots firent chavirer mon âme impure : « Moi aussi. » VIII Je commençais juste à entrevoir Le but de ce voyage en quête de savoir : Les instants qui avaient échappé de ma vie Me revenaient en rêve, en suivant mes envies.

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La nuit m’étreignait dans ses douces arcanes, Je voyais renaître vos spectres diaphanes, Mes amours ! Et je pouvais enfin réécrire, Par vos tendres inespérés éclats de rire, Les pages entachées, lourdes et obscures D’un destin placé sous le signe de Mercure. Alors, cœur heureux, je poursuivais ce voyage, Annotant mentalement un grand nombre de pages. IX Je vis des soirs dorés et des jours pluvieux ; J’explorais tout un âge et je devenais vieux ; Je restais seul avec chacune de mes Muses, Aimant encor, jusqu’à ce que le temps ne m’use… Je me souvenais de les avoir fait souffrir, Par le passé, et je voulais m’en repentir ; Mais les actions qui en songes sont possibles, Dans la réalité, jamais ne sont miscibles… Je me demandais jusqu’où pouvaient voler Les baisers qu’une tendre fille m’a lancés, Dans l’air vaporeux des longues nuits d’automne… Ont-ils seulement atteint mon cœur monotone ? Ces visions firent renaître en moi le doute : Laquelle des Muses préférais-je entre toutes ? X Maintenant je voyais, en un songe nouveau,

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POEMES POUR SE SOUVENIR Un être, encagoulé tel qu’un sombre bourreau, Porter à terre un genou et, main sur le cœur, Se courber face au tendre sourire moqueur D’une jeune et jolie sorcière embrasée, Arborant derrière elle des ailes dorées. XI « Que pourrai-je dire d’une telle aventure ? En Magicienne tu as percé mon armure, En Phoenix tu as ressuscité mon amour Et en mystérieuse fille, pour toujours Tu as gravé en mon cœur un serment durable Que, même en tant que Chevalier honorable, Je ne puis guère tenir. XII — Alors ne dis rien. Laisse-toi porter par la douceur de mes mains, Je t’emmène vers mon cœur, ne viendras-tu pas ? C’est pourtant ce fond de moi que j’ai fait appât Pour recueillir ton amour, mon Fou pardonné ; Car c’est un peu en moi que ta tourmente est née… » XIII Je pleurais en voyant cette dernière scène, Elle m’apparaissait comme ma propre Cène : C’était la fin de tout, mon ultime plaisir, Car ce rêve ne pourrait jamais se produire.

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Mais n’est-ce pas là le propre de tous les songes Que de rester ce qui, dans la nuit, nous plonge Vers des désirs aussi impossibles que fous Qui laissent au réveil une larme sur la joue ? Celui qui préfère vivre de ses illusions, Dans les mains du Destin n’est autre qu’un pion ; Et je venais de comprendre – en le payant De ma raison – que dans mes mondes oppressants Je n’étais maître de rien ni de personne, Sauf de lointains fantômes – échos qui résonnent, Fictifs –, et qui disparaissent au long des nuits, Errant dans l’infini des puits de ma folie… Les grattements du chat à la porte close me tirèrent de ma torpeur ; midi sonnait. Des rêves épiques et romantiques pendant toujours à mes paupières, je quittai le fauteuil tristement. Le chat entra, crevant d’un chaud miaulement mes derniers songes ; l’encre avait coulé toute la nuit, tapissant d’ombres et de sangs les pages de l’oubli. Mais je n’étais parvenu à effacer ton souvenir…

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Fin des POEMES POUR SE SOUVENIR ET POUR OUBLIER…

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TABLE DES MATIERES INTRODUCTION ………..……………………………….. 9 UN AUTRE TEMPS …………………………………… 15 FRAGMENTS DE VERITE ET LYRISME DU MENSONGE …. 27 BOUFFONNERIES …………………………………… 117 LES CHAMBRES DE L’ESPRIT ………..……..…………127 * * *

UN AUTRE TEMPS Apocalypse .....................................................................17 Messe Noire....................................................................18 Le Destin ........................................................................19 L’Incompris....................................................................20 « American Dream » ......................................................21 Halloween.......................................................................22 Amour.............................................................................23 Souvenir de St Chaffrey .................................................23 Carnifex..........................................................................24 * * *

FRAGMENTS DE VERITE ET LYRISME DU MENSONGE Lost in Loneliness ..........................................................29 J.A.C.K...........................................................................30 Agathe ............................................................................31 Cœnesthésie....................................................................32 Άν΄αγκη..........................................................................32 Le Vampire.....................................................................33 Decay..............................................................................34 Compte-Rendu aux Dieux Olympiques .........................34 193


POEMES POUR SE SOUVENIR Un Air Onirique .............................................................35 Ædena.............................................................................37 Emilie .............................................................................38 Message Entre Neuf et Dix ............................................39 Phœnix (Première Renaissance).....................................40 Le 4e Rêve ......................................................................40 Elle .................................................................................41 Le Magnétisme du Désespoir.........................................42 Le Livre ..........................................................................43 Confession d’un Possédé................................................44 L’Histoire du Fou Noir...................................................45 Le Songe d’Une Matinée d’Eté......................................48 Danse Macabre...............................................................49 A Une Jeune Fille Trop Belle.........................................50 L’Ensorceleuse ...............................................................51 Réveil à la Réalité ..........................................................52 Le Souffle.......................................................................52 Bella Damigella..............................................................53 Hermana Tormenta.........................................................53 Le Collectionneur de Muses...........................................54 Chère Magali ..................................................................55 Veni Hortus Veritatis .....................................................56 Underworld.....................................................................57 Ma Nymphette................................................................58 Noche Dell’Amore .........................................................59 Ces Ongles Que J’Ai ......................................................60 La Rupture......................................................................61 Quando l’Eroe È un Demone .........................................62 III-IV-MMIV..................................................................63 AS...................................................................................64 Le Cinquième Cycle de la Folie(Seconde Renaissance) 65 Délire..............................................................................66

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Camera Obscura .............................................................67 Roxanne..........................................................................68 Analyse d’un Poëte.........................................................69 Pleine Lune.....................................................................70 An Other World..............................................................71 Chanson Pour Elle…......................................................72 Seconde Isle....................................................................73 Chloé ..............................................................................74 Mi Hermana....................................................................75 Le Manoir.......................................................................76 Rancune..........................................................................77 Octave.............................................................................78 Les Dormeurs D’Ædena.................................................79 Ira Vehementi.................................................................80 Sang d’Encre ..................................................................81 Tenebra...........................................................................82 Lamento de Mayo...........................................................83 La Danse des Ombres.....................................................84 Dans le Silence de l’Aube ..............................................85 Baudelaire.......................................................................86 Quand le Silence Dort ....................................................87 Je dois te remercier.........................................................88 L’Aveu ...........................................................................89 Les Muses.......................................................................91 Titania.........................................................................91 Artificia ......................................................................92 Hermia........................................................................93 Les Mille Paillettes.........................................................95 Le Rêve de Décembre ....................................................97 Carnifénix (Troisième Renaissance) ..............................98 Sensations.......................................................................99 The Great Dream..........................................................100

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POEMES POUR SE SOUVENIR El viajero ......................................................................101 La Bouteille à la Mer....................................................102 Le Gel...........................................................................103 Lointaines Années d’Enfance.......................................104 Chère “…ie”.................................................................105 Les Regrets...................................................................107 La Robe ........................................................................108 Mnémosyné ..................................................................109 Le Miroir ......................................................................110 Les Zombies .................................................................111 L’Accident....................................................................112 Not Like The Other Girls (Quatrième Renaissance)....113 Le Poème......................................................................114 * * *

BOUFFONNERIES Le Repas de Famille.....................................................119 Boulogne ......................................................................120 Fin de Soirée.................................................................121 Ode à Alix ....................................................................122 Comme tu me l’as demandé… .....................................123 The Game .....................................................................124 * * *

LES CHAMBRES DE L’ESPRIT Schizophrénie Passagère : Le Rêveur et l’Ombre........129 The Death of the Fool...................................................133 Amo i Belle Ragazze....................................................135 De l’utilité de rêver ......................................................137 A Gorgeous Angel Through Hell’s Events.............139 196


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L’Ombre et La Lumière ...............................................142 Méandres ......................................................................144 Nuages..........................................................................148 De Retour au Manoir....................................................150 L’Orfèvre......................................................................152 La Naissance du Chevalier...........................................156 Prière d’un Profane.......................................................160 Mémoire .......................................................................162 Une Vision....................................................................164 Icare..............................................................................168 L’Ame du Vin ..............................................................169 The Call of Nought.......................................................171 Les Quatre Muses.........................................................173 L’Homme sous la Pluie ................................................175 Le Cri Distordu.............................................................177 Le Rêve de Mai ............................................................179 Le Voyage ....................................................................182

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REMERCIEMENTS Tout d’abord, merci à mes amis qui m’ont soutenu pendant une poignée d’années de lycée : Nezach, Chouchou, Gom, Stabby, Roms, Aurel, Sunny, Magic Nono, Niko, AirWann, T.O., Lolo, Matthieu, Mag, Anne, Katta, Charlotte & Alex mes cousins… Et à celui qui ne m’a jamais soutenu : Sayers ; on a toujours besoin d’avoir une force contraire pour équilibrer la balance ! Merci à ceux (et surtout celles) qui ont, malgré eux, lancé et fait avancer l’infernale machine de la création : Ezekiel, Hugues, Alysson, Marine, Agathe, Julie, Emilie, Marie, Stéphanie… et à travers les âges, chacune des Mille Paillettes ! Merci aux ruines, aux vents, aux temps, aux nuages et aux orages, merci à la vie qui se complexifie, à la mort qui achève le chemin, aux choses qui passent par nos pensées, la nuit, puis qui finissent par être oubliées… Merci à l’existence sans qui la poésie ne serait rien. Et enfin à mes auteurs préférés, tellement cités et suscités qu’on en oublie de les renommer : Charles Baudelaire, Arthur Rimbaud, Alfred de Musset, Gérard de Nerval, William Shakespeare, HubertFélix Thiéfaine, CharlElie Couture et aussi Stephen King !

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ET POUR OUBLIER

MON TESTAMENT (DERNIERS VERRES) De toute ma vie, je n’ai pas possédé Grand-chose que je pourrais un jour partager, Ni l’argent, ni l’amour, ni l’honneur de mon nom, Rien à offrir au passé, au présent, sinon Ces quelques pages toutes grouillantes de vers. Comme on offre la tournée des derniers verres, Lorsque l’on finit sa soirée au fond d’un bar Parmi les ivrognes attardés au comptoir Pour éviter de noyer seul son désespoir, Je fais cadeau de ce livre, avant mon départ, A tous ceux qui, par intérêt ou par ennui, Laissent traîner leur imagination, la nuit, Et rêvent en lisant, avec un bon sourire, A ce que les auteurs auraient bien pu écrire ; Et pour eux, je laisse ce texte inachevé…

Sam Rimbault 2005

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Est-il possible de ressasser son passé sans pour autant remuer la poussière de ce que l’on préférait garder dans l’ombre ? Ce recueil de textes du passé est comme un coin de vieux grenier : l’auteur y plonge avec nostalgie et exhibe des fragment de mémoire plus ou moins reluisants. Et entre les lignes, à travers les pages, se posent quelques questions : que cherche-t-on à oublier ? quels souvenirs veut-on préserver ? Peut-on oublier à force de souvenirs ?


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