Journal de médecine du travail 5

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Le Journal de la Médecine du Travail Bulletin Officiel de la Société Algérienne de la Médecine du Travail (SAMT) N°ISSN : 11 12 – 2438 N° 5 – Nouvelle Série, Annaba Directeur de la Publication Pr. S. GUEROUI Secrétaire Général de la SAMT Rédacteur en chef

SOMMAIRE Editorial. Dossier :les cancers broncho pulmonaires: - Cancers broncho-pulmonaires professionnels :difficultés de détermination d'une prévalence dans la région de Annaba Gueroui S., Tourab D., Djabourabi M., Nezzal A., Benali R. - Cancers broncho-pulmonaires primitifs dans la région de Annaba : identification des facteurs de risque Tourab D., Gueroui S., Nezzal Az., Labiod H., Benali R., Nezzal Am.

Pr. Dj. TOURAB Comité Scientifique de Lecture du J.M.T. Coordinateur : Pr. Am. NEZZAL Membres : Pr. BOUKERMA Z. – Sétif Pr. HADDAD M. – Constantine Pr. GUEROUI S. – Annaba Pr. TOURAB D. – Annaba Pr. FYAD A. – Oran Pr. TEBBOUNE C.B. – Oran Pr. MOHAMED BRAHIM B. – Oran Pr. KANDOUCI – Sidi BelAbbes Pr. KEDDARI N. – Alger Pr. SEMID A. – Alger Pr. SAAD – Alger Pr. LAMARA M. – Alger Pr. MOKHTARI R. – France Pr. TIBERGUENT A. – France

- Exposition aux produits cancérogènes : enquête au niveau de 2 entreprises et résultats de surveillance de 15 années. Boukerma Z., Benhaddad K., Haddad S., Abbassene S. - Le cancer bronchique à Annaba : étude de cas et iconographie. Benali R., Mallem H., Rehamna K., Cherkaski H. - Le cancer broncho-pulmonaire : entre le prescrit et le réel. Benali R., Khelloufi F., Deghdegh K., Cherkaski H. Forum médical: - Proposition d'une étude d'impact standard lors de la réalisation d'un projet. Khaznadji L. - Investissement sanitaire et mortalité adulte en Afrique du nord. Ahmed Nacer B. - Rôle des praticiens exerçant en milieu professionnel dans la promotion du planning familial. Gharbi M., Soukehal A.

Comité de rédaction Dr. BAAMARA – Alger Dr. BENZEROUZ – Arzew Dr. BIA A. – Hassi Messaoud Dr. BOUKKORT – Alger Dr. BOUZID H. – Alger Dr. BRIXI-GORMAT – Tlemcen Dr. HADDAR – Alger Dr. IDDER LAIB – Alger Dr. KRIOUDJ A. – Annaba Dr. MAGUEMOUN – Alger Dr. MOKRANI T. – Alger Dr. NEZZAL Az. – Annaba Dr. OUAAZ M. – Alger Dr. OULED ZAOUI – Hassi Messaoud Dr. REZKELLAH B. – Oran Dr. TIFFOURA - Alger Conception réalisation: Dr M. BOUMAZA—Le JIP

Impression:

- Où en sommes-nous par rapport aux modèles explicatifs de la communication : point de vue de la psychologie et santé au travail. Gueroui S. - Les troubles de la statique vertébrale chez les chirurgiens dentistes Boumaza M. - Fonction labyrinthique et visuelle chez des production de peinture Tebboune C.B., Benrezkallah L., Fyad A.,

travailleurs de la

Formation continue : - Le management de la santé, sécurité au travail et environnement. Nezzal Am. - Les techniques d'identification de l'accident du travail : Quelle place font-elles au facteur humain ?. Gueroui S., Tourab D. Informations :

Imp. Le Phénix—Annaba Novembre 2001

Le journal de la médecine du travail - N°05 - 2001

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L ‘ équipe du JMT (Journal de la Médecine du Travail) s’incline avec douleur à la mémoire de l’ensemble des victimes de la catastrophe nationale du 10 Novembre 2001 et spécialement à la mémoire de nos confrères, consoeurs et collègues de Bab-El-Oued. Nos condoléances attristées à la famille et aux collègues de travail de Mme DALI Nora, infirmière au service de médecine du travail du CHU de Bab-El-Oued, décédée lors de la catastrophe nationale du 10 Novembre 2001. Professionnelle intègre et appréciée pour ses multiples qualités, la défunte laisse un grand vide.

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EDITORIAL

Le thème central de ce JMT est le cancer broncho-pulmonaire, affection multifactorielle par excellence. La part attribuable aux facteurs environnementaux en général et professionnels en particulier est souvent malaisée à démontrer. Même si des exceptions notables dérogent à cette première affirmation (lien étiologique très puissant entre le mésothéliome et l'amiante, l'angiosarcome du foie et le chlorure de vinyle), le cancer broncho-pulmonaire est un sujet de recherche toujours d'actualité. La santé au travail est directement concernée par les résultats produits à plusieurs titres : - le médecin du travail est un des rares acteurs du dispositif de santé publique en contact direct avec le terrain. La recherche fondamentale et opérationnelle peut lui fournir les instruments de repérage, d'évaluation et de gestion du risque. Il peut lui-même valider ou enrichir des étapes cruciales du risk assessment et du risk management. - Devant une pathologie où les taux de morbidité et de mortalité se confondent le débat n'est pas forcément tranché : tenons-nous là un « bon » ou « mauvais » thème pour décider de l'opportunité d'ériger un Programme National de Santé ? En revanche cette même caractéristique en fait une priorité dans les programmes de surveillance médico-environnementale en santé au travail. - La scène scientifique nationale voire maghrébine est rarement productive de données évaluant la fréquence de l'exposition à des cancérogènes en milieu de travail. Les contributions disponibles se déclinent souvent sur le registre des cas cliniques exemplaires par l'un ou l'autre des aspects « historiques », cliniques ou encore chirurgicaux. Un rapport national est vivement souhaité et sa médiatisation attendue. Le présent numéro du JMT tente modestement de combler partie de ces déficits. Les auteurs pneumologues et médecins du travail construisent une démarche inscrivant ses racines dans les difficultés réelles que nous occasionne la prise en charge du cancer bronchopulmonaire. Ils tentent alors de distinguer en la matière le prescrit du réel. Une iconographie de cas hospitaliers balisent un champ sanitaire aux prolongements scientifiques, sociaux et économiques multiples. La détermination de la prévalence de l'affection rencontre des biais méthodologiques à mettre à plat. L'identification des facteurs de risque cancérogènes souffre de l'inexistence d'un outil national validé pour évaluer l'exposition et le risque au sein des groupes de population au travail. L'équipe de Sétif tente une réponse en nous restituant les résultats d'une surveillance de quinze années dans deux entreprises. En dépit des manques à gagner scientifiques, cette production a le mérite de nous ré ancrer à un courant de recherche et de préoccupation universel. Pour affirmer dans les actes la multi disciplinarité revendiquée à maintes reprises, nous ouvrons les colonnes du J.M.T. à d'autres confrères et collègues : - une ingénieur de l'environnement explicite l'Etude d'Impact Environnement (E.I.E.) qui, indéniablement, serait très contributive dans la problématique de notre thème central si les différents experts décident un jour d'un sujet d'investigation commun. - une médecin démographe érige des repères nécessaires pour la planification des actions en santé publique. - un épidémiologiste cherche à promouvoir le planning familial notamment en milieu professionnel.

Le journal de la médecine du travail - N°05 - 2001

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- une contribution en matière de communication en santé au travail à l'occasion d'une journée scientifique où la psychiatrie algérienne étudiait des domaines d'intérêt commun comme la psychologie. - un confrère aborde un thème d’actualité : les lombalgies chez un groupe à risque (les chirurgiens dentistes). L’amorce du débat est prometteuse car il y a invite claire à la multi disciplinarité et dans la foulée, l’auteur pose l’hypothèse de retenir cette pathologie comme professionnelle. - les confrères d’ Oran investiguent les fonctions labyrinthique et visuelle de 149 travailleurs de la production de peinture. Enfin, nous lançons à partir de ce numéro une rubrique de formation continue. Nous voulons y synthétiser les connaissances sur des thèmes que le praticien et le chercheur abordent quotidiennement.

La Rédaction

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Le journal de la médecine du travail - N°05 - 2001


LES CANCERS BRONCHO-PULMONAIRES

Cancers broncho-pulmonaires professionnels : difficultés de détermination d' une prévalence Dans la région de Annaba Gueroui S.*, Tourab D.*, Djabourabi M.*, Nezzal A.*, Benali R.** (*) Service de Médecine du Travail - CHU Annaba (**) Service de Pneumo-phtisiologie - CHU Annaba

Ses facteurs étant très souvent liés à l'environnement, le cancer est devenu un problème récurrent en santé publique notamment depuis la fin des années 80. Ainsi en 1995 en France, rapporté à un taux d'incidence standardisé européen, le nombre de nouveaux cas de cancers est estimé à 482 / 100 000 chez l'homme et 309 / 100 000 chez la femme. Par ailleurs cette incidence est en constante augmentation entre 1975 et 1995. En France toujours, la probabilité d'avoir un cancer au cours de sa vie est de 46.9 % chez l'homme et 36.6 % chez la femme; le cancer du poumon est celui associé à la plus forte mortalité dans ce pays [1]. Contrairement à une idée assez répandue, il représente une cause importante de mortalité des sujets jeunes voire la cause principale de mortalité entre 45 et 64 ans [2]. Aux Etats-Unis, en 1975, le cancer est responsable du décès d'une personne sur cinq environ [3]et c'est pratiquement la même situation en France en 1971 [2]. Sur le total des cancers de l'étude américaine déjà citée [3] on identifie 65 000 cancers du poumon (environ 20%) à l'origine de 287 000 journées de travail perdues par an et par personne. Les cancérogènes chimiques seraient à l'origine de 60 à 90% des cancers humains. Cependant la place des substances industrielles parmi les agents chimiques cancérogènes reste controversée même si la plupart des agents dangereux ont été identifiés suite à l'observation d'une incidence élevée d'affections néoplasiques parmi certains groupes professionnels. [4] Lauwerys estime que pour les substances cancérogènes de l'homme 3% des cancers sont d'origine professionnelle ; mais cette pathologie liée au travail restant à découvrir ce pourcentage pourrait atteindre 25%. Au U.S.A., le N.I.O.S.H. conclut vers 1980 que la proportion des cancers d'origine professionnelle va passer de 1 à 5% à 23 à 38% [4]. D'autres sources [1] donnent en 1981 pour les U.S.A. 4 % de l'ensemble des cancers attribuables à des nuisances professionnelles; mais ce pourcentage varie

considérablement en fonction du site de cancer analysé ( il est ainsi de 15 % pour le poumon chez l'homme). En Algérie, les références épidémiologiques font cruellement défaut et ne permettent pas d'approcher la question, notamment dans l'espace du travail, en connaissance de cause. Il semble ainsi contributif et nécessaire de quantifier ce véritable problème de santé publique au sein de la population générale de la région de Annaba. Les difficultés de l'entreprise sont connues mais, en dépit des biais épidémiologiques classiquement admis dans ce type de démarche, nous formulons l'hypothèse que la captation des cas de cancers broncho-pulmonaires est significative au niveau du service de pneumo-phtisiologie du C.H.U. de Annaba, structure à large recrutement régional. La période considérée va de 1990 à 1999 (Tb. 1). Sur cette décennie, nous colligeons un total de 223 dossiers. Les âges incriminés sont ceux de 60-69 ans (37.22%) et 50-59 ans (19.73%). Le sexe masculin est très prédominant (93.27%). Tableau 1 : Distribution par âge et sexe des 223 cancers broncho-pulmonaires. Annaba (1990 - 1999) Age

n

%

20-29

02

00.90

30-39

09

04.04

40-49

34

15.25

50-59

44

19.73

60-69

83

37.22

70-79

41

18.39

80-89

06

02.69

90-99

04

01.79

Total

223

100

n

%

Sexe F

15

6.73

M

208

93.27

Total

223

100

Tiré à part : GUEROUI S., Service de Médecine du travail, C.H.U. Annaba Le journal de la médecine du travail - N°05 - 2001

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Le recrutement annuel (Tb. 2) semble uniforme de 1990 à 1999 avec un pic en 1998 (25.56% des cas) que nous n'avons pu élucider (amélioration des possibilités diagnostiques ? épidémie ? préoccupations particulières des praticiens autour du thème pour des finalités sanitaires, pédagogiques ou autres ? Etc.) Tableau 2: Distribution annuelle des 223 cancers bronchopulmonaires. Service de Pneumo-Phtisiologie - C.H.U. Annaba (1990 - 1999)

Année 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 Total

n 12 08 24 18 23 09 23 23 57 26 223

% 05.38 03.59 10.76 08.07 10.31 04.04 10.31 10.31 25.56 11.56 100

Le bassin de recrutement des patients est très large et englobe six wilayas, soit pas moins de 3 078 295 habitants (Tb. 3). Si l'on admet que les plus de 20 ans sont la fraction susceptible d'intéresser la santé au travail, il s'agit de 1 647 193 habitants. [5]. Tableau 3: Bassin de recrutement de la population Source : (4è R.G.P.H 1998)

Tarf (12.54 / 100 000 H) soient sur représentées. Tableau 4 : Prévalence des cancers broncho-pulmonaires 1990- 1999 (Annaba et bassin de recrutement) KBP (n= 223)

Prévalence/100.000 H.

Wilaya

KBP

%

P. totale

+ de 20 ans

Annaba

115

52.47

20.54

34.81

El Tarf

44

19.28

12.54

23.02

Guelma

24

10.76

05.40

09.91

Skikda

20

08.52

02.52

04.80

S/Ahras

11

04.93

03.01

05.74

Tébessa

09

04.04

01.59

03.27

Total

223

100

07..24

13.54

KBP: cancers broncho-pulmonaires

En comparaison d'une région équivalente à celle de notre étude, nous relevons une proximité remarquable des chiffres (Tb. 5) : en effet, à Sétif, en 1990-1997, le Registre des Cancers donne une incidence brute des cancers broncho-pulmonaires primitifs de 8.5 / 100 000 habitants. [6] Tableau 5 : Registre Cancers Sétif. Données validées (1990-1997) [6]

1/- Cancers Broncho-Pulmonaires Primitifs : 8Incidence brute : 8.5 / 100 000 Habitants 8Incidence standardisée : 25.8 / 100 000Hbts 8Pourcentage par rapport à l’ ensemble cancers : 18.3 % de toutes les localisations. 2/- Cancers de la vessie : 3.3% de l 'ensemble des cancers.

POPULATION Wilaya

Femme

Totale

+20ans

Annaba 281 941

277 956

559 897

330 331

El Tarf

175 457

175 331

350 788

191 167

Guelma 224 640

219 591

444 231

242 140

Skikda

401 424

391 722

793 146

417 084

S/Ahras

184 444

180 663

365 107

191 619

Tébessa 283 789

281 337

565 126

274 852

1 551 695 1526 600

3078 295

1647 193

Total

Homme

Ceci nous permet de déterminer la prévalence de période (1990 1999) des cancers bronchopulmonaires (Tb. 4). Au sein de la population totale des six wilayas nous retrouvons une prévalence de 7.24 / 100 000 habitants alors qu'au sein des plus de 20 ans elle bondit à 13.54 / 100 000 habitants. Les biais de recrutement expliquent en grande partie que les wilayas de Annaba (20.54 / 100 000 H) et El

8

Cette cohérence des chiffres est toujours présente quand on scrute la situation épidémiologique à l'échelle de tout un pays maghrébin, la Tunisie (Tb. 6). L'incidence de 1988 est de 6.8 / 100 000 habitants. [7] Tableau 6 : Situation épidémiologique du cancer Broncho- pulmonaire en Tunisie en 1988. [7] TUNISIE Taux Incidence 1988 : 6.8 / 100 000 Habitants Incidence Hommes : 12.5 Age moyen hommes : 61.5 ans Tabagisme

:

93%

L'ensemble de ces données pêche par omissions diverses. Il dresse néanmoins un profil préoccupant pour les décideurs. Il pousse à édicter des programmes de prise en charge au bénéfice des groupes à risque et donc des populations au travail où l'épidémiovigilance doit être de règle . A Annaba, en colligeant les dossiers hospitaliers du service de pneumo-phtisiologie sur 10 ans (Tb. 7) , nous retrouvons 16 mésothéliomes

Le journal de la médecine du travail - N°05 - 2001


pleuraux, pathologie professionnelle par excellence, soit une prévalence de 2.86 / 100 000 habitants. Tableau 7 : Prévalence du mésothéliome pleural à Annaba. Source : Dossiers hospitalisation service de pneumo- Phtisiologie, C.H.U. Annaba, 1990-1999.

Nombre de cas :

16 Mésothéliomes Pleuraux.

Prévalence : * population totale : 2.86 / 100 000 Habitants * population +20 ans : 4.84 / 100 000 Habitants

En conclusion et en dépit des grandes difficultés à construire des indicateurs épidémiologiques valides, nous estimons que les données disponibles sont un prétexte à prendre des décisions urgentes en matière de prévention et de suivi des cancers bronchopulmonaires.

BIBLIOGRAPHIE : 1/- BROCHARD P. et al. (2001), Le risque cancérogène: du repérage à la surveillance médicale, Arch. Mal. Prof., 62, n° 1S, 1S63-1S76, Masson. 2/- LE PECQ J.B. (1989), Quelques notions générales sur les mécanismes de la cancérogenèse, Cours estival en santé communautaire (du 5 au 9 juin 1989), Université Laval, Canada. 3/- CAIRNS J. (1975), The Cancer Problem, Scientific American, 233 (5), 64-78.

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4/- LAUWERYS R. (1992), Toxicologie industrielle et intoxications professionnelles, Masson, Paris, 693 p. 5/- 4ème Recensement Général de la Population et de l'Habitat, Algérie, 1998. 6/- HAMDI-CHERIF M., Registre des Cancers, Sétif. Données validées (1990 1997) . ( Communication orale, 12ème J.N.M.T.). 7/- BOUACHA H. et al. (1990), Situation épidémiologique du cancer broncho-pulmonaire en Tunisie en 1988. La Tunisie Médicale, 68, 2, 77-82.

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LES CANCERS BRONCHO-PULMONAIRES

Cancers broncho-pulmonaires primitifs Dans la région de Annaba : Identification des facteurs de risque Tourab D.*, Gueroui S.*,Nezzal Az* ,Labiod H.*,Zerizer K*, Benali R.** , Nezzal Am* (*) Service de Médecine du Travail - CHU Annaba (**) Service de Pneumo-phtisiologie - CHU Annaba

INTRODUCTION : Le cancer broncho-pulmonaire demeure le plus meurtrier des cancers de l'homme. On estime qu'il est responsable de 4% des décès par cancer, 7% chez l'homme et 1% chez la femme.[1,2] Son incidence annuelle en progression nette et constante est surtout liée aux agressions bronchopulmonaires devenues plus nombreuses [3] bien qu'on puisse l'expliquer de manière partielle par l'augmentation de la longévité, le progrès remarquable des méthodes de diagnostic, l'implantation des registres de cancers, une meilleure tenue des registres de décès … Parmi les cancérogènes incriminés, le tabac tient incontestablement la première place. Cependant, le rôle des expositions professionnelles n'est pas négligeable. Dans le monde du travail en effet, de nombreux travailleurs sont exposés à un ou plusieurs facteurs cancérogènes connus au cours de leur activité professionnelle (9% en France d'après l'enquête SUMER 1994). Fruit d'une collaboration entre le service de médecine du travail et le service de pneumologie du CHU de Annaba, ce travail tente d'analyser les facteurs en cause dans 223 cas de cancers broncho-pulmonaires primitifs (CBPP) recensés dans la région de Annaba et d'apprécier le rôle des professions et de l'exposition professionnelle dans la survenue de ces cancers. MATÉRIEL ET MÉTHODE Il s'agit d'une étude cas-témoins. Les cas sont constitués par les sujets atteints de cancer bronchopulmonaire primitif (CBPP) confirmé histologiquement et admis au service de pneumologie de 1989 à 1999 soit une période de 10 ans : 223 sujets ont été retenus et 25 exclus de l'étude en raison de dossier médical jugé inexploitable. Pour les besoins de l'étude, 123 témoins ont été individualisés après assortiment selon le sexe et l'age parmi les sujets opérés pour cancer gastrique au service de chirurgie générale durant la même période . Cependant , il n'a pas été possible de dégager un nombre suffisament grand de témoins à même d'améliorer la puissance statistique.

Les variables étudiées sont l'âge à la première admission, le sexe, l'origine géographique, le mode d'habitat, le tabagisme, l'exposition professionnelle. La caractérisation des facteurs de risque à partir des informations contenues dans les dossiers médicaux, n'a pas rencontré de difficultés particulières sauf pour les variables tabagisme et exposition professionnelle. Concernant le tabagisme, les sujets ont été classés en deux catégories : fumeur, non-fumeur. La dose de tabac cumulée a été évaluée de façon approximative en paquets-années. L'exposition professionnelle a été appréciée à partir de la profession exercée ainsi que la recherche systématique d'une exposition aux cancérogènes réputés tels que : amiante, chromates, bis (chlorométhyl) éther, nickel, arsenic, chlorure de vinyle, fumées de goudron, combustion du charbon ou coke, béryllium, cadmium, uranium et éléments dérivés du radon… 1- Type histologique (Tab. N°1) A l'exception d'un seul cas, les caractéristiques histologiques des cancers broncho-pulmonaires figurent dans tous les dossiers. Ainsi, les carcinomes épidermoides sont les formes histologiques dominantes (74% des cas) suivis des adénocarcinomes BdP (21,5%) . Les autres variétés histologiques sont rares (3.1% de cancers à petites cellules et 1.3% de carcinomes à grandes cellules). Ce constat est conforme aux données de la littérature qui attribue aux carcinomes épidermoides une fréquence de 70% parmi les types histologiques reconnus.

Type histologique

%

Carcinomes épidermoides bronchiques

74

Adénocarcinomes broncho-pulmonaires

21.5

Cancers à petites cellules

3.1

Carcinomes à grandes cellules

1.3

Tiré à part : TOURAB D.., Service de Médecine du travail, C.H.U. Annaba

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Le journal de la médecine du travail - N°05 - 2001


2- Distribution selon l'âge La distribution selon l'âge des cas objective un âge moyen de 60,3 ans avec un écart-type de 12,9 ans et un âge médian de 61,7 ans.

sont représentées quoique une fréquence plus élevée est constatée pour les cas de El-Tarf. La répartition des témoins selon l'origine géographique n'est pas statistiquement différente de celle des cas . Fig.N°3 : Origine géographique des cas de CBPP

(Fig. N°1). répartition des cas selon l'âge

5- distribution selon le mode d'habitat L'histogramme des âges montre une fréquence réduite dans les tranches d'âge inférieure à 50 ans et celle supérieure à 80 ans et souligne la prédominance des cas entre 50 et 70 ans (Fig. N°1).

La répartition des cas et des témoins en fonction du mode d'habitat ne montre pas de différence statistiquement significative (Fig.N°4). Il existe dans les deux groupes une nette prédominance des cas urbains .

Fig.N°2: Prévalence du CBPP dans la population générale

Fig.N°4 : fréquence des cas urbains

Cette tendance est nettement confirmée par la courbe d'évolution de la prévalence du CBPP parmi la population générale déterminée en rapportant le nombre de cas aux effectifs par tranche d'âge tels que décrits par le dernier recensement de la population de la région de Annaba . Cette courbe suggère en effet une évolution de la fréquence de la maladie rapidement ascendante à partir de 50 ans , les valeurs les plus élevées étant observées dans la tranche 6070 ans (fig.N°2). 3- Distribution selon le sexe le CBPP est classiquement le cancer de l'homme. Cette notion est retrouvée dans cette série dans laquelle 93,3% des cas sont de sexe masculin . Le sexe masculin est donc fortement associé au cancer broncho-pulmonaire : OR=5,9 [3 ; 12]. 4- Distribution selon l'origine géographique La moitié des cas proviennent de la wilaya de Annaba (Fig.N°3). Toutes les autres wilayates environnantes

Le journal de la médecine du travail - N°05 - 2001

6- Tabagisme Le tabagisme est présent chez 83% des cas contre 47,1% parmi les témoins (différence significative p<0,0001). L'analyse des données confirme une forte association du tabagisme au CBPP : OR égal à 5,5 [3,2 ;9,2]. Il est admis que chez l'homme 95% des cancers broncho-pulmonaire sont dus au tabac. Tableau 2: Répartition selon les habitudes tabagiques

Fumeur

Non-fumeur

CAS

185

38

TEMOINS

58

65

L'évolution de la fréquence de la maladie en fonction de la dose de tabac n'est pas linéaire. Basse à des doses inférieures à 10 paquets-années, la fréquence de la maladie accuse une augmentation rapide au fur et à mesure que la dose de tabac augmente pour atteindre son maximum à 25 paquets-années puis se maintient en plateau à partir de 50 paquets-années (Fig.N°5). Une telle évolution n'est pas contradictoire, elle est en partie expliquée par l'interférence d'autre facteurs.

11


Fig.N° 5 : Fréquence du CBPP en fonction de la dose de tabac

60 50 40 30 20 10 0 <10

10--29

30-49

50-69

12.3

Industrie chimique

11.5

Agriculture

11.2 8

Transport

6.7

Santé/ Enseignement/ Administration

6.3

Port/hydraulique/Forêts/Sonelgaz

5.4

Corps constitués

5.4

Sécurité/ Gardiennage

3.1

Indéterminés

30

Tab. N° 3 :

Répartition des cas selon le secteur le secteur d'activité L'évaluation de l'association des secteurs d'activité ainsi définis avec le CBPP donne des résultats tout à fait compatibles avec les connaissances actuelles : - Secteur Agriculture : une association de la maladie statistiquement significative avec le secteur Agriculture est retrouvée : OR=3.7 [1.2 ; 12.9]. Le contrôle de l'effet confondant du tabagisme donne les mesures corrigées suivantes : exposition en agriculture (OR=3.1) , exposition au tabac (OR=5.5) , exposition tabac et agriculture (OR=6.8). - Secteur Sidérurgie-métallurgie : une association significative est objectivée : OR=6.5 [1.5 ;41.1].Cependant , le nombre restreint de témoins exposés dans ce secteur n'a pas permis le contrôle de l'effet de confusion possiblement induit par le tabagisme. - Autres secteurs d'activité : les résultats ne mettent pas en évidence d'association avec tous les autres secteurs d'activité : Secteur privé( artisans et petites entreprises) ,

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Transport, Santé-Enseignement-Administration, Porthydraulique-forêts-Sonelgaz, Corps constitués, Sécurité- Gardiennage :Tab.N° 4 : Association du CBPP à divers secteurs d'activité

Fréquence %

Métallurgie/Sidérurgie

Privé( artisans et petites entreprises)

gauche

>70

7- Exposition professionnelle L'analyse des données relatives à l'activité professionnelle nous a confronté à une double difficulté . D'abord , la mention relative à une occupation précise fait souvent défaut dans les dossiers médicaux (30% parmi les cas). La deuxième difficulté est liée à la diversité importante des fonctions et des employeurs. Ceci nous a amené à procéder à un regroupement arbitraire en secteurs d'activité (Tab.N°3 ). Secteur d’activité

Opacité du champs pulmonaire d’un carcinome épidermoïde du lobe antérieur

SECTEUR Industrie Sidérurgie-métallurgie Agriculture Privé ( artisans et petites entreprises) Transport Santé/ Enseignement/ Administration Port/hydraulique/Forêts/Sonelgaz Corps constitués Sécurité/ Gardiennage

OR 6.6 6.5 3.7 ns ns ns ns ns ns

IC ( 1.5 ; 4.1 ) (1.5 ;4.1) (1.2 ; 12.9 ) / / / / / /

CONCLUSION Cette étude se veut une modeste contribution à la connaissance du CBPP . Elle confirme simplement la validité pour la population de la région de Annaba de notions décrites dans l'innombrable littérature consacrée à la question. Le cancer BCPP affecte surtout l'homme dans la tranche 50-69 ans. Il y a une nette prédominance des cas urbains. Parmi les facteurs étiologiques, le tabagisme accuse une très forte association. Le rôle de l'exposition professionnelle semble importante dans les secteurs de la sidérurgie et la métallurgie et l'agriculture. Cependant , l'organisation de l'étude n'a malheureusement pas permis d'identifier des facteurs professionnels précis ce qui limite sa portée. Quoiqu'il en soit , un excès de CBPP est signalé ce qui plaide en faveur d'études épidémiologiques notamment les études de cohortes. Bibliographie: 1. HILL C, BENHAMOU E., DOYON F. : Trends in cancer mortality, France 1950-1985. Br J. Cancer, 1991, 63 : 587-590 2. JENSEN OM, ESTEVE J., MOLLER H., RENARD H.: Cancer in européan community and its member sates. Eur. J. Cancer, 1990, 26 : 1167-1256. 3. KLEISBAUEUR JP, VESCO D. Cancers primitifs bronchiques, facteurs de risque carcinogène. EMC, Poumon, 6002 G30, 2-1987. 4. HAMDI CHERIF M., SEKFALI N., COLEMAN MP : Incidence of cancer in the wilaya of Sétif, Algeria. Bull Cancer 1991,78, 155-156.

Le journal de la médecine du travail - N°05 - 2001


LES CANCERS BRONCHO-PULMONAIRES

Exposition aux produits cancérigènes : enquête au niveau de deux entreprises et résultats de surveillance de 15 années. Boukerma.Z., Benhaddad K., Hassad S., Abbassene.S. Service de Médecine du Travail Faculté de médecine et de Pharmacie Sétif

Actuellement objet de débat, la liste des produits reconnus cancérigènes pour l'homme est en perpétuelle évolution en fonction de l'évolution des connaissances épidémiologiques et toxicologiques. A partir de 6 cas de cancers recensés ces 15 dernières années par le service au niveau d'une entreprise de fabrication de piles au manganèse et d'accumulateurs au plomb, nous avons non seulement recensé le nombre de travailleurs exposés aux agents cancérigènes et/ou reconnus être cancérigènes, mais étendu cette étude à une autre entreprise de fabrication de matière plastique où nous avons recensé 4 autres cas de cancers. Le résultat montre l'importance de la multiplicité des facteurs d'exposition.

Introduction Dans le cadre de la surveillances des cancers en milieu professionnel nous avons fait une étude sur les cancers en milieu industriel qui intéresse une cohorte de 1 648 travailleurs , dans deux entreprises, exposée à différents toxiques pendant une période 15 ans, soit de 1985 à 2000. pour cela nous avons développé un système de surveillance qui comprend outre les médecins du travail du service, les assistantes sociales chargées de répertorier et nous communiquer toutes les hospitalisations y compris de sujets à la retraite. Résultats La population étudiée est exposée pendant 8 heures par jour à différents produits toxiques dont certains sont reconnus cancérigènes par le CIRC (Centre International de Recherche sur les Cancers) et d'autres suspectés de l'être par différents auteurs. Les cancers en milieu industriel touchent une population relativement jeune. En effet 70% des cancers surviennent chez des travailleurs âgés de 35 à 45 ans (tableau 2); et pour 80% les travailleurs ayant une durée d'exposition inférieure ou égale à 20 ans . Cependant un fort pourcentage de cancers soit 40% se retrouvent pour une durée d'exposition ne dépassant pas les 10 ans (tableau 3). La prévalence (tableau 4) quant à elle assez variable, est 5 fois plus importante dans la population B dont le travail consiste en la fabrication de piles au manganèse que dans les populations A et C travaillant respectivement dans la fabrication de

matières plastiques (Population A) et dans la fabrication d'accumulateurs au plomb (population C). L'étude des incidences en fonction des années (tableau 5 et 6) traduisent l'importance de la survenue des cancers dans la population B dont l'incidence annuelle est plus de 2 fois plus importante que celle de la population masculine de la région de Sétif (Registre du Cancer). La probabilité de survie, tout en diminuant en fonction des années, est plus basse de un point pour la population C que pour les populations A et B. La localisation des cancers en milieu de travail est assez variable, et la comparaison avec le registre des cancers montre que la prévalence des cancers du rein, du pancréas, de la leucémie myéloïde chronique et du myélome multiple est plus importante dans la population ouvrière que dans la population générale. Discussion Depuis que Percival Pott en 1775 décrivit le cancer du scrotum chez d'anciens ramoneurs, un nombre de plus en plus important d'agents et de professions ont étés découverts et qui comportent un risque de cancers. La démonstration de la relation de cause à effet est un processus d'autant plus long et onéreux que l'exposition est faible. Les études épidémiologiques ne permettent que très rarement à elles seules l'identification de l'agent spécifique en cause [6, 8] . Ceci tient à la multiplicité des agents toxiques industriels pouvant être présents directement dans un ou plusieurs postes de travail mais aussi à distance du poste de travail incriminé.

Tiré à part : Boukerma Z.., Service de Médecine du travail, C.H.U. Sétif Le journal de la médecine du travail - N°05 - 2001

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Population Totale étudiée: 1648 Travailleurs Population A 896 Travailleurs (54.36%) Toxiques utilisés :

Population B 201 Travailleurs (12.19%) Toxiques utilisés

Population C 551 Travailleurs (33.43%) Toxiques utilisés

- Polychlorure de vinyle - Colorants - Stabilisants (sels de Plomb et sels de Cadmium) - Plastifiants (Phtalates) - Encres et Solvants (Alcool isopropilique ; Toluène Cyclohexanone ; Methyl-ethyl-cétone ; acétate d’ethyle ; Isophorone) - Polyéthylène basse et haute densité - Polyamide - Polystyrène - Acrylonitrile butadiène styrène - Phtalates - Sels de plomb - Sels de cadmium --Alcool isopropylique --Cyclohexane

- Bioxyde de Manganèse - - Bitume - Paraffine - Chlorure d’Ammonium - Chlorure de Potassium - Chlorure de Calcium - Noir d’acétylène - Oxyde de zinc - Chlorure de zinc - Sublimé de Mercure - Chaux

-Plomb (vapeur, poussière) -Oxyde de plomb -Suie -Acide sulfurique -Polychlorure de Vinyle -Antimoine -Huiles minérales -Sulfate de Baryum -Caoutchouc naturel -Soufre -Chaux -Coke

Tableau 1 : Population étudiée en fonction des différents toxiques

L' étude menée concerne un nombre de travailleurs assez restreint par rapport à la population ouvrière de Sétif et montre un fort taux d'incidence annuelle pour certaines localisations par rapport à l'incidence de ces mêmes localisations dans la population générale. En effet dans la population ouvrière étudiée, l'incidence annuelle est 30 fois plus élevée dans la population ouvrière pour la localisation au niveau du rein et des voies urinaires, 13 fois plus importante pour ce qui est du cancer du pancréas, 4 fois plus importante pour la leucémie myéloïde chronique et 20 fois plus importante pour ce qui est du myélome multiple. Si l'on considère la fréquence de ces cancers , l'étude des postes de travail montre une multiplicité d'agents industriels, les uns (colorants) déjà connus comme responsables de cancers de la vessie, les autres (plomb , tableau 9) suspectés de donner des cancers du rein [1].

Age (années) 35-40 41-45 46-50 51-55 55-60 61-65 Total

Nombre de cancers 5 2 1 1 0 1 10

% 50 20 10 10 0 10 100

Tableau 2 : Répartition des cancers par tranches d'âge

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Si le nombre de cas de cancers pouvant être imputés à des expositions combinées à des agents chimiques et physiques présents sur les lieux de travail est diversement apprécié par différents auteurs, on estime avec Doll et Peto [3] que 4% des tous les décès par cancer aux USA sont d'origine professionnelle. C'est dire l'importance de l'exposition professionnelle aux toxiques cancérogènes qui sont de plus en plus nombreux et dont la cancérogénicité est souvent méconnue . Si l'on se base sur la liste du Centre International de Recherche sur le Cancer et des items retenus dans l'enquête SUMER 94 [5 ], nous notons de nombreux produits reconnus cancérogènes qui sont utilisés conjointement pendant toute la durée du travail soit 8 heures par jour. Cette multiplicité des facteurs d'exposition cancérigènes et/ou non cancérigènes , associés à de possibles cocancérogènes et des promoteurs fait qu'il est réellement difficile de conclure à l'existence d'une cause professionnelle dans un temps aussi peu important que celui de la présente étude. Néanmoins, l'on peut d’ores et déjà dire que dans le cas de certaines expositions toxiques l'incidence des cancers en milieu de travail (Tableau 4) est deux fois plus importante , que certains types de cancers tels que le cancer du rein, du pancréas, la leucémie myéloïde chronique et le myélome multiple sont entre 4 et 30 fois plus fréquents en milieu professionnel que dans la population générale de sexe masculin. Il faut dire que ces travailleurs sont soumis à des risques multiples dont il est difficile d'évaluer la part de responsabilité dans des maladies à latence prolongée tel que le cancer ; et l'on ne peut que mettre en valeur le fait que les 2 seuls cancers du rein colligés,au niveau de 2 entreprises différentes de par le process

Le journal de la médecine du travail - N°05 - 2001


et de par le produit fini, sont associés à l'exposition au plomb minéral et ce d'autant plus que certains auteurs en ont suspecté le plomb comme responsable [1].

Années d’exposition 5-10 11-15 16-20 21-25 Total

Nombre de cancers 4 2 3 1 10

En effet actuellement à côté d'autres pathologies professionnelles transmissibles qui sont encore importantes de par leurs incidence et prévalence (hépatite virale B [2] , tuberculoses, pathologie non transmissible professionnelle) les cancers vont probablement prendre à l'avenir une place importante en matière de prévention en milieu professionnel. Cette importance est d'autant plus importante que les produits sont nombreux et les effets souvent peu connus.

% 40 20 30 10 100

Bibliographie 1. BAKER.E.L., GOYER.R.A., FOWLER.B.A. KHETTRY.U., BERNARD.D.B., ADLER.S., DE VERE WHITE.R., BABAYAN.R., FELDMAN.RG.- Occupational lead exposure, nephropathy and renal cancer .Am.J.ind.Med 1, 1939, 1980. 2. Z. BOUKERMA., Etude séro-épidémiologique de l'hépatite virale B en milieu médical à Sétif. Constantine, INESSMC, Thèse, 1993. 3. R.Doll., R.Peto.- The causes of cancer: quantitative estimates of avoidable risks of cancers in the United States today. J. Natl.Cancer Inst., 66,pp.1193-1307. 4. M.HAMDI CHERIF .- Registre du cancer de Sétif, tables d'incidences masculin. 5. O.HERAN-LEROY., N.SANDRET.- Résultants de l'enquête «SUMER 94 » l'exposition aux produits cancérogènes dans le travail., dmt n°75, 3ème trimestre 1998, pp 265-272. 6. M.GOLDBERG., D.HéMON.- Epidémiologie des cancers professionnels : quelle recherche ? Revue Prévenir, n° 16, 1er trimestre 1988, pp 43-53. 7. R.LAUWERYS.- les cancers d'origine professionnelles pp. 618665 in ,Toxicologie industrielle et intoxications professionnelles, 3ème édition, ed Masson 1992. 8. W.J.NICHOLSON. - Research issues in occupational and environmental cancer., Archives of Environmental Health, 1984, 39, 3,pp.190.202.

Tableau 3 : répartition des cancers par années d'exposition

Population A Population B Population C Nombre de cancers

4

4

2

% / population

0.44

1.99

0.36

Tableau 4 : répartition des cancers en fonction des populations étudiées

Conclusion Par delà la multiplicité d'exposition aux agents toxiques cancérigènes, cocancérigènes, et par delà le fait que certains cancers se sont révélés beaucoup plus fréquents (entre 4 et 30 fois) que dans la population masculine de la même région, cette étude laisse entrevoir la transition épidémiologique dans laquelle le pays se trouve actuellement.

Taux d’incidence (0/00)

Population

<1986

-

1988

1989

1990

1991

-

1994

-

2000

Totale

0.60

-

1.80

1.20

0

0.60

-

1.20

-

0.60

A

0

-

2.20

1.10

0

0

-

1.10

-

1.10

B

0

-

0

4.97

0

5.0

-

5.0

-

0

C

1.81

-

1.82

0

0

0

-

0

-

0

Tableau 5 : taux d'incidence des cancers en fonction des populations étudiées

Population

Incidence annuelle

A

0.372

B

0.995

C

0.241

Population totale

0.404

Population Générale

0.466

Tableau 6 : Incidences annuelles comparées de la population étudiée et de la population générale (registre du cancer de Sétif). Le journal de la médecine du travail - N°05 - 2001

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Population

<1986

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

- 2000

Totale

99.93

99.93

99.93

99.74

99.61

99.61

99.54

99.54

99.54

99.41

99.41

- 99.34

A

1

1

1

99.77

99.65

99.65

99.65

99.65

99.65

99.53

99.53

- 99.41

B

1

1

1

1

99.50

99.50

99.00

99.00

99.00

98.49

98.49

- 98.49

C

99.81

99.81

99.81

99.62

99.62

99.62

99.62

99.62

99.62

99.62

99.62

- 99.62

Tableau 7: Probabilité (%) de survie en fonction des populations étudiées

Localisation

Population étudiée

Registre du cancer

Rein

0.121

0.004

Nasopharynx

0.040

0.042

Poumon

0.080

0.085

Estomac

0.040

0.048

Pancréas

0.040

0.003

Leucémie Myéloïde Chronique

0.040

0.010

Myélome multiple

0.040

0.002

Tableau 8 : Etude comparée de l'incidence (0/00 ) des localisations des cancers avec le registre du cancer de Sétif.

Organe cible Rein Cavum Poumon Myélome Vessie Estomac Pancréas Plèvre Rein LMC

Produits manipulés PVC, Solvants (alcool isopripylique), Sels de plomb, sels de cadmium, colorants Phtalates PVC, Acrylonitrile, Butadiène, Styrène, Colorants, Solvants (Alcool isopropylique) Sels de plomb et de cadmium, polyéthylène, polyamide, polystyrène, Phtalates. Bitume, Paraffine, noir d’acétylène, Bioxyde de manganèse, Oxyde de zinc, Graphite, Chlorure d’ammonium, Chlorure de Zinc, sublimé de Mercure, Chaux, Silicate de soude. Vapeur et poussières d’oxyde de plomb, Arsenic (impureté).

Tableau 9 : Cancers en fonction de l'organe cible et des produits manipulés

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Le journal de la médecine du travail - N°05 - 2001


LES CANCERS BRONCHO-PULMONAIRES

Le cancer bronchique à Annaba : étude de cas et iconographie Benali R.., Mallem H., Rehamna K.,Cherkaski H. Service de Pneumo-phtisiologie, CHU Annaba.

Le cancer bronchique est une affection fréquente. Sa constatation en pratique pneumologique courante est en augmentation. L'acquisition de certains réflexes est capitale pour des diagnostics gérables médicalement. C'est une affection grave où les possibilités d'un traitement radical sont limitées. Une des raisons en est principalement le diagnostic tardif. En effet, les signes cliniques et radiologiques de cette affection sont polymorphes et souvent négligés par les patients. L'apparition de symptômes plus importants, susceptibles de motiver une consultation médicale, signe en général l'extension de la maladie et donc l'acheminement progressif mais inéluctable vers des thérapeutiques de plus en plus lourdes, aléatoires et coûteuses. Nous allons essayer d'illustrer ces propos par des cas de malades hospitalisés au service de pneumophtisiologie du C.H.U. de Annaba.

CAS N° 1 Mr B.RAH.,48ans, ouvrier au port de Annaba durant 15ans, s'est présenté à la consultation de pneumophtisiologie pour une dyspnée d'effort et une dysphonie. La radiographie du thorax demandée objective une opacité para-hilaire droite.

Fig1a: janvier 2001 (face)

fig1b : janvier 2001 (profil)

L'approfondissement de l'interrogatoire retrouve un tabagisme à raison de 40 paquets/années. La symptomatologie évolue depuis plus de 03 mois. Le patient résume dans un premier temps et ramène toute la symptomatologie aux méfaits « mineurs » du tabac. L'apparition de la dysphonie entraîna une réaction de l'entourage qui l'amena à consulter. L'examen physique est sans particularité. la fibroscopie bronchique est contributive : Au niveau de la trachée, nous avons constaté une sténose sub-totale, se situant à la jonction du tiers inférieur et deux tiers supérieur de la trachée, par un processus compressif extrinsèque. Aussi, une infiltration de la paroi trachéale sous forme d'excroissance sessile, blanchâtre. Au niveau des bronches, une sténose de la lobaire supérieure droite. Un élargissement de l'éperon de division lobaire supérieure droite et lobe intermédiaire. La TDM DU 11 janvier 2001 objective une masse du segment postérieur du lobe supérieur du poumon droit d'allure péjorative accompagnée d'adénopathies médiastinales, le stade est T2N1Mx.

Ponction scanno-guidée repérage

Tiré à part : Benali R.., Service de Pneumo-phtisiologie, CHU Annaba. Le journal de la médecine du travail - N°05 - 2001

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bronchique de la lobaire supérieure gauche. Les biopsies, faites à ce niveau, permettent d'asseoir le diagnostic histologique. Elles ont conclu à un processus tumoral nécrosé dans la totalité comportant par endroits des éléments d'allure polyédrique pouvant évoquer un carcinome épidermoide. La classification TNM n'a pu être réalisée chez notre malade. Le patient est perdu de vue depuis la date de réalisation de la fibroscopie. Ponction scanno-guidée , complication du geste : création d'un pneumothorax Les résultats anatomo-pathologiques sont en faveur d'un Carcinome malpighien hautement différencié et kératisant broncho-pulmonaire. Le patient a été classé selon la classification TNM : T4 N3 M0 correspondant au stade III B. Au mois de juillet 2001, le patient est suivi au centre anticancéreux de CONSTANTINE.

CAS N° 2 Mr SE. M.,65 ans, retraité, originaire et demeurant à Guelma , a été admis le 19/02/2001 dans le service de pneumo-phtisiologie pour prise en charge d'une hémoptysie objectivée sur opacité ronde paraaortique. Le patient tabagique à raison de 40 P/ A , a vu son état se détériorer depuis 4 mois. En effet, il rapporte un amaigrissement chiffré à 4 kg en 4 mois. L'examen pleuro-pulmonaire retrouve : - Une toux productive ramenant une expectoration muco-purulente évoluant depuis longtemps selon les dires du patient. - Une notion d'hémoptysie de faible abondance, répétée, n'inquiétant plus le malade. - Pas d'hippocratisme digital L'auscultation est normale L'examen de l'appareil cardio-vasculaire: - Les bruits du cœur sont audibles aux 04 foyers d'auscultation ; il n'y a pas de signes de phlébite. - La pression artérielle est de 11/06 mm Hg ; le pouls radial est à 100 b/mn. L 'examen des aires ganglionnaire ne retrouve pas d'adénopathie palpable Le reste de l'examen somatique est sans particularité. Le téléthorax de face du 18/02/2001 objective une opacité grossièrement ronde de 6 cm de diamètre para-aortique bien limitée n'effaçant pas l'arc du bouton aortique sans calcification ou clartés visibles ou infiltrat sous-lésionnel. Le profil gauche permet de préciser le siège de l'opacité. Pour notre cas, l'opacité est au niveau du segment dorsal. La fibroscopie bronchique faite le 19/02/2001 objective un processus tumoral, en choux fleur, de couleur blanc nacré, qui obstrue la lumière

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CAS N° 3 Mr Bouc. A., 72 ans, commerçant de profession, a été admis le 10/01/2001 pour prise en charge de douleurs thoraciques sur image radiologique d'opacités rondes multiples. L'interrogatoire retrouve un tabagisme occasionnel, une amputation des phalanges distales D2, D4 et D5 de la main gauche, complication d'un syndrome de Raynaud stade IV. Le patient a déjà été hospitalisé en ORL pour une tumeur buccale dont le type histologique n'a pu être précisée. L'examen clinique retrouve un amaigrissement non chiffré, une notion d'anorexie et une pâleur cutanée. L'examen de l'appareil respiratoire: outre une toux sèche et des douleurs thoraciques diffuses, il n'y a aucun signe d'appel pleuro-pulmonaire. L'examen de l'appareil cardio-vasculaire est sans particularité, la pression artérielle est 120/60 mmHg, le pouls radial est à 88 b/mn L'examen des extrémités révèle une lésion nécrosante des trois doigts de la main gauche témoin du syndrome de Raynaud stade IV, confirmé par échodoppler. L'examen radiologique montre de multiples images macro-nodulaires disséminées dans les deux champs pulmonaire évoquant « un lâcher de ballon ». La fibroscopie bronchique n'a pas été concluante. Elle a objectivé un aspect inflammatoire diffus de tout l'arbre bronchique gauche avec une hypersécrétion muqueuse. Le diagnostic a été fait à la biopsie transcutanée sous scanner. Le prélèvement recueilli a permis de conclure à un processus tumoral carcinomateux endocrinien métastatique à point de départ thyroïdien . Le scanner thoracique retrouve de multiples images nodulaires de densité tissulaire faisant évoquer un lâcher de ballon métastatique. Le patient a été orienté au Centre Anti Cancéreux de Constantine pour une chimiothérapie et traitement substitutif.

CAS N° 4 Mr L. D. 83 ans, boucher de profession, a été pris en charge par le service de pneumo-phtisiologie le 10/01/2001 pour douleurs thoraciques sur opacité latéro-trachéale droite. L'interrogatoire a permis de préciser le tabagisme : 90 Paquets/années et la durée des symptômes au-delà

Le journal de la médecine du travail - N°05 - 2001


de quatre mois sous forme toux sèche, de douleurs thoraciques droites et d'une dyspnée d'effort. L'examen de l'appareil respiratoire retrouve une fréquence respiratoire à 20 cycles/mn . L'inspection permet d'identifier un syndrôme cave supérieur droit. L'auscultation des deux champs pulmonaires retrouve des râles ronflants associés à de fins sibilants aux deux bases pulmonaires. L'examen des extrémités des doigts retrouve un hippocratisme digital . L'examen de l'appareil cardio-vasculaire est sans particularités: TA 14/07 et pouls 96 b/mn L'examen des aires ganglionnaires retrouve : une adénopathie sus claviculaire droite, dure, non adhérente au plan cutané. Le reste de l'examen somatique est normal L'examen radiologique: le télé-thorax de face objective une opacité para trachéale droite dont la limite interne se confond avec le médiastin, la limite externe est floue. L'opacité ne dépasse pas le bord supérieur de la clavicule.

thoraciques droites sur opacité pulmonaire, inhomogène, droite. L'interrogatoire retrouve un tabagisme à raison de 80 Paquets/années, une symptomatologie évoluant depuis trois mois environ faite de toux sèche quinteuse, de douleurs thoraciques droites diffuses et d'une dyspnée d'effort . Examen clinique: patient amaigri, pâleur cutanée, un hippocratisme digital au niveau des extrémités. L'auscultation pulmonaire retrouve de fins sibilants en fin d'expiration dans les 2 champs pulmonaires L'auscultation cardiaque est sans particularités. L'examen neurologique retrouve une hémiparésie droite et une hypoesthésie cutanée du membre supérieur et inférieur droit . La palpation des aires ganglionnaires ne retrouve pas de ganglions palpables. L'examen radiologique : une opacité ronde, de densité inhomogène, de siège médiastino- pulmonaire droite, à limites internes se confondant avec le médiastin et limite externe avec la plèvre. Au sein de cette opacité nous individualisons une clarté. Fibroscopie bronchique : aspect infiltratif irrégulier de la lobaire supérieure droite prenant la segmentaire apicale. Le scanner cérébral fait, le 10/01/2001 devant les signes d'appel neurologique retrouve un aspect en faveur de métastases cérébrales: l'une cérébelleuse droite, les deux autres frontale droite et pariétale gauche. Le diagnostic de carcinome bronchique a été retenu avec métastase cérébrale. Le patient a été orienté vers son médecin traitant pour une prise en charge palliative.

CAS N° 6

fig2 (face) Fibroscopie bronchique : Sténose en bourrelet du segment apical du lobe supérieur droit avec muqueuse oedémateuse et hémorragique. Nous relevons une compression extrinsèque de la trachée, de la lobaire supérieure droite et du tronc intermédiaire. Scanner thoracique: Néoformation bronchique proximale apicale droite avec volumineuse adénopathie de la loge de Bariety et une infiltration trachéale. La cyto -ponction ganglionnaire retrouve un aspect compatible avec une métastase ganglionnaire. Diagnostic présomptif : processus bronchique malin dont la classification nous donne T2N1M1. Il s'agit d'un stade IV. Le patient n'a subi ni radiothérapie, ni chimiothérapie. Un traitement palliatif contre la douleur de niveau 1 a été prescrit associé à des médications antitussives.

CAS N° 5 Mr Fed. Belg., 59 ans, retraité, a été admis le 10/01/2001 pour prise en charge de douleurs

Le journal de la médecine du travail - N°05 - 2001

Mr Am. Med., 56 ans, ouvrier à Hassi Messaoud, a été admis le 18/02/2001 pour prise en charge d'une toux persistante sur opacité du sommet droit. Le patient est un fumeur à raison de 60 Paquets/année. Examen clinique : patient amaigri (4 kg en 1 mois)

fig3a: (face) Examen de l'appareil respiratoire : - Une toux sèche parfois muqueuse, une dyspnée d'effort et des douleurs thoraciques droites évoluant depuis plus de 2 mois.

19


- Un hippocratisme digital au niveau des extrémités. L 'examen physique de l'appareil respiratoire : syndrôme de condensation pulmonaire du sommet d r o i t L'examen radiologique :Une opacité inhomogène occupant le tiers supérieur de l'hémithorax droit dont la limite inférieure est plus ou moins nette.

pleural. La fibroscopie bronchique : une obstruction totale de la lobaire supérieure gauche par une masse polylobée, bourgeonnante, de couleur blanc-rosâtre et lisse. Nous avons constaté un élargissement avec infiltration de l'éperon de division lobaire inférieure gauche et lobaire supérieure gauche. La scannographie thoracique : Aspect scannographique évoquant une néoformation broncho-pulmonaire maligne, excavée, avec adénopathie de la fenêtre aorto-pulmonaire .

fig3a: (profil) La radiographie de profil : l'opacité se trouve au niveau du segment apico-ventral. La fibroscopie bronchique : sténose en bourrelet de la lobaire supérieure droite et un élargissement de l'éperon de division des segments de la lobaire supérieure droite et du tronc intermédiaire. Nous avons constaté une compression extrinsèque de la trachée, de la carène et de la bronche souche droite. Le scanner thoracique objective une volumineuse masse apicale droite avec lyse costale et atteinte des parties molles en regard, évoquant une tumeur du sommet. Aussi, une infiltration de la VCS et du médiastin. Le diagnostic d'un Pancoast -Tobias de l'apex droit est retenu mais le devenir est non précisé.

Fig4

CAS N° 7 Mr N. Med, 69 ans, a été admis le 04/02/2001 pour prise en charge de douleurs thoraciques gauches sur opacité excavée du sommet gauche. Une notion de tabagisme en raison de 100 Paquets/années, des douleurs thoraciques gauche et une toux sèche résument un tableau évoluant depuis quelques mois selon les dires du patient. Examen clinique : patient amaigri, perte de 6 kg du poids antérieur, conscient. Examen de l'appareil respiratoire : sans particularités, hormis quelques râles à la base gauche. L'examen des aires ganglionnaires : pas de ganglion périphérique palpable. Les constantes hémodynamiques : une pression artérielle à 10/05 , un pouls radial à 84 b/mn et une fréquence respiratoire à 18 cycles/mn Le reste de l'examen somatique est sans particularité. L'examen radiologique : une opacité para cardiaque gauche, excavée avec épaississement

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Fig5 La biopsie bronchique : cancer épidermoide peu différencié. La classification TNM est : T3 N1 MX. Le devenir du patient est méconnu.

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IMAGES SCANNOGRAPHIQUES D'UN PANCOAST-TOBIAS

Envahissement pariétal et lyse costale

CAS N° 8 Mr B. A., 60 ans, se plaint d'une toux accompagnée d'une expectoration muco-purulente et un fébricule. Cette symptomatologie évolue depuis plus de trois mois. Lors d'une consultation, une radiographie du thorax fut demandée et elle objectiva une opacité hilaire droite.

La radiographie de profil fait un distinguo avec une grosse artère pulmonaire. L'interrogatoire approfondi révéla que le patient est tabagique à raison de 60 paquets/année.

Durant le dernier mois, le patient a fait des crachats hémoptoïques, survenant par épisodes de 2 à 3 jours puis disparaissant.

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Dans ses antécédents, on retrouve que le patient se plaint depuis quelques années d'une toux accompagnée d'une expectoration matinale et d'une dyspnée d'évolution progressive devenant invalidante ces dernières années. Sur le plan chirurgical, une appendicectomie en 1981. L'examen physique retrouve un patient amaigri, une perte de poids non chiffrée, des constantes hémodynamiques sans particularités TA : 14/08 ; pouls radial : 87 pulsations/mn ; FR : 27 cycles/mn ; T° :37°c. Par ailleurs, on relève un hippocratisme digital, les murmures vésiculaires sont bien transmis aux 2 champs pulmonaires. L'examen des aires ganglionnaires retrouve une adénopathie jugulo-carotidienne droite de 2 cm de diamètre. Différents examens complémentaires ont été effectués: La radiographie du thorax : De face , elle objective une opacité arrondie, para hilaire droite, de 05 cm de diamètre transversal, de densité inhomogène à contours spéculés. La tomodensitométrie thoracique : une image de densité tissulaire, para hilaire droite, englobant l'artère pulmonaire droite, les contours spéculés, irrégulière. En regard de cette image, on note un syndrome de comblement alvéolaire du lobe moyen. Présence d'adénopathie latéro-trachéale en regard de la loge de Barieti. Absence de déformation de la trachée et de la bronche souche gauche. Extension du processus dans la lumière de la bronche souche droite. Absence de lyse osseuse. Cette image se rehausse fortement après injection du produit de contraste.. Processus expansif de nature maligne du lobe moyen droit avec adénopathie latèro-trachéale droite. L'endoscopie bronchique : élargissement de l'éperon bronchique de la lobaire supérieure droite (LSD) et du tronc intermédiaire. Une sténose en entonnoir au niveau de la bronche souche droite (BSD). Des prélèvements histologiques des biopsies ont été faits. Des prélèvements bactériologiques pour la recherche du bacille tuberculeux ( direct et cultures) ont donné des résultats négatifs. Des prélèvements cytologiques : produit d'aspiration bronchique riche en éléments cellulaires, en exfoliation cellulaire, très suggestive d'un processus carcinomateux, lorsqu'on retrouve des atypies cellulaires. Ce résultat est fort utile lorsque la biopsie n'est pas concluante. Ponction du ganglion cervical : elle n'a pas été concluante. Bilan biologique : le bilan biologique et inflammatoire ne montre aucune particularité. La confrontation des données cliniques,

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radiologiques et cytologiques étaie le diagnostic de carcinome bronchique. Bilan d'extension : une échographie abdominopelvienne n'a révélé aucune lésion hépatique ou surrénalienne. D'après la classification TNM : le malade a été classé T2 N3 M0 d'où le stade III B. Malheureusement, ce stade est inopérable. Le malade quitta le service à sa demande. 5 mois plus tard, il est revenu avec une altération de l'état général, une accentuation des symptômes respiratoires : toux incessante et douleurs thoraciques. Dans une radiographie du thorax, par comparaison, nous avons relevé une extension des lésions, une opacité, dense, homogène, occupant le poumon droit. La trachée paraît déformée et attirée à droite. L'endoscopie bronchique : une obstruction totale, par une masse bourgeonnante, polylobée, friable , de la bronche. Les éperons de division bronchique sont élargis. La biopsie bronchique : elle conclut en faveur d'un adénocarcinome bronchique moyennement différencié.

Extension de l'image radiologique Le patient décède 6 mois après avoir sollicité un secours médical. Ce dernier résume toute la situation devant une affection que nous arrivons à diagnostiquer mais malheureusement pas guérir. Nous allons suivre le cheminement du médecin devant un tel cas. Mr BA , 60 ans aux antécédents de bronchite chronique avec dyspnée seule, tabagique à 60 P/A et hospitalisé pour toux, expectoration muco-purulente , fébricule avec crachats hémoptoiques, le tout évoluant depuis quelques jours. L'examen clinique: patient apyrétique, bien coloré, conscient, TA 12/7, FR 87 p/mn, FR 17 c /mn L'examen pleuro-pulmonaire: présence d'hippocratisme digital avec expectoration purulente, stries de sang, présence de quelques râles bronchiques avec présence d'une adénopathie cervicale droite de 02 cm de diamètre indolore.

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A la radiologie: présence d'une opacité grossièrement arrondie de 5 cm de diamètre à limite spéculaire para-hilaire droite. · TDM : processus expansif laminant l'artère pulmonaire se rehaussant après injection de produit de contraste avec adénopathie latéro - trachéale droite. · Endoscopie bronchique : élargissement de l'éperon de division du LSD - TI avec sténose en entonnoir de l'orifice de LSD. Prélèvement cytologique et histologique (biopsie): La cytologie bronchique met en évidence des cellules carcinomateuses, la biopsie n'est pas concluante. Une deuxième endoscopie faite après quelques semaines avec prélèvement biopsique confirme le diagnostic histologique d'adénocarcinome bronchique donc il s'agit d'un cancer bronchique T2 N3 MX. Chez nos 8 malades nous notons une similitude sur un certain nombre de points : q L 'âge supérieur à 45 ans q La notion de tabagisme qui est présente q Le délai de consultation prolongé et supérieur à 3 mois. q Le terrain bronchitique chronique avec une symptomatologie banale. q Le motif de consultation reste une aggravation de la symptomatologie avec souvent l'apparition de crachats sanglants. L'endoscopie bronchique avec prélèvement biopsique reste le seul moyen de confirmation diagnostique. Ces éléments nous incitent à plus de vigilance. Ils nous imposent un examen des bronches : bronchofibroscopie chez tout patient, fumeur, âgé de 40 ans et plus, quelle que soit la pathologie respiratoire. Un message de prévention, dans toute consultation pneumo-phtisiologique, doit être érigé en principe : la lutte contre le tabac.

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Une action à développer, pour garantir aux malades un soulagement des douleurs cancéreuses, est de veiller à la disponibilité des thérapeutiques antalgiques palliatives.

PROBLEMATIQUE : Dramatique proximité de l'incidence et de la mortalité dans ce type de pathologie expliquant en partie les résultats décevants des différentes thérapeutiques. En Algérie jusqu'aux années 1950 le cancer était l'apanage d'européens probablement pour une accessibilité plus facile aux soins. Par la suite, les mutations socioculturelles vécues par nos concitoyens, l'industrialisation et surtout le tabagisme, ont fait du cancer un fléau. Les estimations, enregistrées à Sétif et à Oran sur les tumeurs de 1988 au 31/12/1990, retrouvent le cancer broncho-pulmonaire en première place des cancers chez l'homme avec une incidence de 24,5 /106. Cette nouvelle situation nous pousse à conclure par deux questions lancinantes en santé publique: 1/ Quelle est la place réelle des cancers bronchopulmonaires dans le panorama épidémiologique respiratoire ? 2/ quelles actions doit-on entreprendre ? Nous souhaitons que les réponses alimentent un débat enrichissant pour tous les acteurs de la santé au profit de la population.

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MISE AU POINT

Le cancer broncho-pulmonaire : entre le prescrit et le réel Benali R.., Kalloufi F., Deghdegh K.,Cherkaski H. Service de Pneumo-phtisiologie, CHU Annaba.

Le cancer bronchique primitif est à l'heure actuelle le plus fréquent et le plus meurtrier chez l'homme. Méconnu dans les années 50 dans la population autochtone algérienne (1), son augmentation est impressionnante depuis les années 1970. A Sétif, durant les années 1990-97, l'incidence brute était de 8.5/100000 habitants, l'incidence standardisée était de 25.8/100000 habitants (2). A Annaba, en 1990-1999, l'incidence brute était de 7.24/100000 habitants ; l'incidence standardisée était de 13.54/100000 habitants .

Malgré la disparité voire la rareté de données épidémiologiques nationales en Algérie, nous ne pouvons que prédire une augmentation de fréquence dans les années à venir. Une des causes responsables de l'augmentation prévisible est l'usage accru du tabac. En effet, toutes les 8 secondes, il y a de par le monde un décès par le tabac. Cette affection aussi grave soit-elle, n'a pas un programme national de prise en charge. En effet, une affection où le taux d'incidence est égal au taux de mortalité, tel le cancer bronchique (4), ne constitue pas un exemple de problème de santé . La multiplicité des agents agresseurs et des intervenants pour une prise en charge font que seule une approche globale, systémique, permettrait d'ébaucher une résolution du problème. La variété des manifestations cliniques impose à tout médecin qui prend la responsabilité de ces malades tant des compétences et une aptitude à coopérer avec d'autres spécialistes que la coordination des démarches diagnostiques et des protocoles thérapeutiques. Ainsi, assurer une prise en charge à un malade porteur d'un cancer bronchique suppose une structure d'attache, une équipe multidisciplinaire, un protocole d'action en conformité avec la situation du pays où le généraliste joue le rôle essentiel. A côté de la prise en charge thérapeutique des patients, une autre activité représente une part importante de l'activité du pneumologue. Il doit prendre en compte non seulement les données scientifiques sur l'évolution de ce type d'affection, mais aussi la demande et l'angoisse des patients, tout cela dans un environnement médico-juridique et de rationalisation des dépenses de santé. Un moyen de répondre à la fois à toutes ces nécessités est d'appliquer les recommandations

nationales ou internationales en matière de prise en charge. Malheureusement, dans notre pays, il existe un écart entre les recommandations internationales et les moyens dont nous disposons. En effet, avec 58 dollars par habitant en dépense de santé, nous ne pourrons pas revendiquer les niveaux de performance des soins d'un pays qui dépense 2000 dollars par habitants. Dès lors, une adaptation des recommandations internationales à notre réalité est impérative.

LE RÉEL Les changements démographiques Le recensement général de 1998 a montré que nous sommes en phase de transition démographique. L'élargissement de la tranche d'âge 34-44 ans au détriment de la tranche 0-14 ans en est un signe. Le poids social des pathologies émergentes sera lourd, chronique et difficilement gérable. Facteur de risque Le tabagisme est en croissance perpétuelle. Le tabac suit l'école comme son ombre. Epidémiologie L'absence de données nationales est un handicap. Le premier registre a été conçu à Sétif en 1988. Le cancer est une affection où l'incidence est équivalente à la mortalité. Histologie 80% des cancers bronchiques sont sur le plan histologique opérables : il s'agit des Cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC). Ils regroupent les adénocarcinomes, les carcinomes épidermoides, et les carcinomes indifférenciés. La survie globale à 5 ans, pour tous les stades confondus, est à peine supérieure à 10%.

Tiré à part : Benali R.., Service de Pneumo-phtisiologie, CHU Annaba.

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Le traitement chirurgical ne peut être proposé qu'à 20% des patients. Cette catégorie correspond à ceux qui présentent une maladie diagnostiquée précocement et localisée au thorax sans envahissement ganglionnaire médiastinal stade I et II; la survie à 5 ans dans ce groupe de patients se situe entre 50 et 65 % . Les 20% restants sont constitués par les carcinomes bronchiques à petites cellules : CBPC. Ce sont des tumeurs à temps de doublement court avec dissémination métastatique précoce et à localisations secondaires cliniques dans plus de 70% des cas au moment du diagnostic. La médiane de survie spontanée est de quelques semaines après le diagnostic. Malgré la chimio-radio-sensibilité de ces tumeurs permettant d'obtenir un taux de réponse objective élevé, leur pronostic reste mauvais puisque la médiane de survie avec traitement est actuellement de 8 à 10 mois pour les formes disséminées et de 12 à 16 mois pour les formes limitées. Gravité 80% des patients arrivent au stade IIIB ou au stade IV qui restent au dessus de toute thérapeutique. Thérapeutique Aucun protocole n'est valide. Le retard de diagnostic de cancer associé au stade de découverte font que les patients diagnostiqués sont au dessus d'une intervention chirurgicale. D'autres part, la non disponibilité des services de chirurgie thoracique dans les différentes régions du pays constitue une entrave ou du moins un facteur limitant pour des approches diagnostiques et thérapeutiques. Les protocoles de chimiothérapie varient selon la disponibilité des drogues. Thérapeutiques palliatives Les douleurs sont présentes chez 40% des malades au stade initial et chez tous les malades au stade terminal. Les morphiniques ne sont pas disponibles sur le marché. Cette contrainte constitue un des facteurs d'empêchement à l'organisation d'un plan adéquat de soulagement de ces patients. Devenir Aucune information concernant le devenir des patients cancéreux n'est disponible. D'où l'incapacité à réaliser des courbes de survie sur une cohorte par manque de communication et de perte de vue des patients. Le mode de pensée du praticien. Le mode de pensée dominant est de type cartésien. Une approche globale, systémique, tenant compte du malade dans ces 3 dimensions (social, somatique et psychique), dans son environnement, n'est pas implantée. D'autant plus que ce type d'affection exige une complémentarité entre les différents intervenants et une interdisciplinarité. L'approche pragmatique et opérationnelle est reléguée au second plan par rapport à une approche explicative.

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L'ingeenering médical a supplanté l'approche clinique. La radiographie, l'imagerie en général n'est pas spécifique. La frayeur de la maladie fait que les praticiens de première ligne ne l'évoquent qu'exceptionnellement. Il faut nourrir des « réflexes médicaux » tels que : - Devant tout crachat strié de sang chez un patient de 40 ans une fibroscopie est indispensable; - Devant une pneumopathie récidivante dans le même territoire chez un patient de 40 ans une fibroscopie est indispensable….. Les moyens d'investigation ne suivent pas. Les hôpitaux ne sont pas dotés de fibroscopes bronchiques. Alors que l'endoscopie bronchique, examen physique des bronches, est une base.

LE PRESCRIT Le cancer du poumon a un mauvais pronostic. Un des éléments avancés est le retard du diagnostic. Depuis trois décennies, tous les scientifiques ont essayé de réveiller l'humanité sur les méfaits du tabagisme en général et du cancer bronchique en particulier. En 1979, en France, le cancer bronchique a tué plus que les accidents de circulation et en 1999 on lui impute 23 000 décès . En 1999, aux Etats Unis 130 000 décès relèvent du cancer bronchique. L'étude de la MAYO-CLINIC a montré l'incapacité à faire un diagnostic précoce en matière de cancer bronchique. L'implantation de supports d'information (registre du cancer) a permis d'analyser la tendance du cancer. Le cancer broncho-pulmonaire est la pathologie de la décennie à venir. Différents facteurs y concourent comme le vieillissement de la population mondiale et le tabagisme même si depuis les années 1980 les épidémiologistes rapportent une diminution du tabagisme dans la tranche d'âge 34-44ans. Facteur aggravant: nous assistons à un tabagisme précoce à l'âge adolescent et au tabagisme féminin qui prend le relais. D'autre part, si toute l'humanité s'arrête aujourd'hui de fumer, la chute de la courbe ne s'observera que dans une vingtaine d'années. Devant ce constat d'échec, les scientifiques ont fait pression sur les décideurs pour les amener à élaborer des textes juridiques en matière de consommation du tabac ( loi Evin en France; même les Etats-Unis ont promulgué des lois antitabac ). D'autre part, ils ont élaboré des consensus, des guides pratiques cliniques pour une prise en charge efficiente. Ces recommandations sont pertinentes pour leurs pays. Les données épidémiologiques sont colligées et publiées périodiquement. La démarche diagnostique s'articule autour de l'imagerie, elle-même dominée par la tomodensitométrie. La confirmation diagnostique est assurée lors de la fibroscopie. L'évaluation de la gravité : elle exige une TDM pour apprécier les ganglions médiastinaux et

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opposés. La décision thérapeutique en découle. Le devenir des patients est un indicateur épidémiologie pour étudier les courbes de survie. Globalement la survie des cancers bronchiques est inférieure à 10 % en 5 ans. La médiane de survie est inférieure à un an. Le devenir des cancers bronchiques non à petites cellules dépend avant tout du stade initial. Il est dans l'ensemble mauvais car les formes qui peuvent être traitées de façon radicale par la chirurgie sont les plus rares. La survie va peu dépendre du sexe, de l'âge initial, du type histologique mais va essentiellement dépendre du stade de la maladie. Le mode de pensée du praticien est orienté vers la technologie médicale. Cette dernière a pour mode de raisonnement l'approche systémique. Ce mode de pensée est un élément de la vie quotidienne du praticien. La thérapeutique: Elle est de plus en plus interventionniste avec les progrès de l'anesthésie et la création de services voire d'unités de chirurgie thoracique. Des recherches en matière de pharmacologie sont en cours pour la découverte de molécules actives avec moins d'effets secondaires. Des associations sont testées dans un but synergique. Mais aucun protocole n'est valide. D 'où les résultats décevants dans le cancer à petite cellule. La médiane de survie est autour d'une année (10 mois). Les structures: dans un premier temps on a vu l'émergence de structures lourdes intégrées (Centre Anti-Cancéreux). Très vite, on s'est rendu compte de leur incapacité a répondre aux problèmes posés par la prise en charge des cancers. Des structures légères, type hôpital de jour, moins onéreuses, efficaces sur le plan soins, laissant le malade dans l'atmosphère familiale, ont pris le relais. Pour une adaptation des recommandations en la matière, il y a nécessité de (d'): Implanter des supports d'information 1/ Service de pneumologie 2/ Unités d'endoscopie (publique et privée) 3/ Unités d'anatomie pathologique ( publique et privée) Car il y a nécessité de connaître l'ampleur du problème, donc il faut mesurer. Nous pourrions ce faisant générer des taux d'incidence et de mortalité et réaliser des comparaisons avec d'autres régions pour dégager des plans d'action. Maintenir un plateau technique fonctionnel et performant. Conscients que le diagnostic précoce est une notion vécue, il faut agir rapidement pour donner toutes les chances de survie à 5 ans au patient. Création de structures légères La multiplication de grands centres de cancérologie n'est pas l'approche à opposer au

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cancer bronchique. L'inexistence de protocoles valides, de plan de communication , la non disponibilité et l'irrégularité dans l'approvisionnement des différentes drogues, tous ces arguments plaident pour des unités légères de lutte contre la douleur. Mode de pensée Un changement dans l'approche diagnostique du cancer bronchique par les praticiens est indispensable. Nous préconisons la démarche suivante : IDENTIFICATION CLINIQUE Symptomatologie respiratoire non spécifique Evolution > à 3 mois Patient de 45 ans et plus. Tabagique >25 paquets/années EXAMEN PHYSIQUE : pauvre Sans spécificités Auscultation antérieure du thorax Examen général RADIOGRAPHIE : lecture standardisée selon une grille.La radiographie standard reste l'étape de base du diagnostic et du bilan des tumeurs bronchopulmonaires malignes. Elle permet le diagnostic et parfois de déterminer le stade de la tumeur et de poser d'emblée la contreindication opératoire. Il faut retenir la multiplicité des images et leur non spécificité. Parfois le cliché est normal : une telle constatation n'élimine pas le cancer. Q Image parenchymateuse -augmentation de la densité d'un hile. -opacité pulmonaire rétractée: atélectasie. -opacité arrondie périphérique, -image cavitaire. q Image pleurale -épanchement pleural: ponction et examen cytologique. Q Image pariétale -une lyse costale: s'il y a extension à la paroi. q Image médiastinale -une opacité médiastinale homo ou contro-latérale. En scopie: appréciation de la mobilité du diaphragme. La scanographie permet l'évaluation de la tumeur et de son extension médiastinale directe et ganglionnaire. Elle est surtout utile pour visualiser les ganglions sous carinaires et les ganglions opposés (cancer à gauche, l'adénopathie satellite à droite). FIBROSCOPIE : examen physique des bronches :La fibroscopie est importante. Elle permet de voir, de réaliser des prélèvements pour une étude anatomo-pathologique et d'évaluer la situation de la masse selon le trajet bronchique. Signes directs: bourgeon, induration de la paroi, sténose bronchique. Signes indirects: compression extrinsèque,sang dans la bronche: biopsie et aspiration ,brossage (plus cytologie),examen de l'expectoration.

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1) Le diagnostic n'est pas fait: Si la tumeur est périphérique. Si la tumeur est centrale mais sous une bronche sous-segmentaire. Si l'histologie est négative et la cytologie douteuse. Si le sujet est à risque: -ponction transpariétale sous scanner pour une tumeur périphérique. -ou thoracotomie exploratrice (gros fumeur de plus de 40 ans): après bilan d'extension de la tumeur et bilan fonctionnel respiratoire. Constatation de la lésion en peropératoire, biopsie, envoi d'extemporané en anatomo-pathologie, puis, s'il s'agit bien d'un cancer, on continue l'opération. -s'il existe une opacité de type ganglionnaire: médiastinoscopie préalable (appareil optique d'intérêt diagnostique et pronostique permettant les prélèvements sur ganglions médiastinaux en évitant une thoracotomie exploratrice). 2) Le diagnostic est fait: Apprécier les critères de résécabilité du cancer: extension locale (vue en fibroscopie), régionale (vue au scanner), générale (clinique et scintigraphies). Si le cancer est opérable: faire une exploration fonctionnelle respiratoire (EFR) à poumons séparés, apprécier la résistance du patient (compte tenu de l'âge... ), connaître l'état cardiovasculaire, rénal... EVALUATION L'indice de Karnofsky est un des indicateurs de la qualité de vie. (Tableau)

LA CLASSIFICATION TNM La classification TNM (T pour taille, N pour Métastase ganglionnaire ou plutôt envahissement, M pour Métastase) est indispensable. Elle a 2 rôles: 1/ Un rôle épidémiologique ( évaluation ) - Faire un stadging pré-opératoire - A quel stade sont découverts les cancers? - D'évaluer les différents traitements - Classer le malade. 2/ Un rôle thérapeutique ( indication ) Il n'y a pas une obligation de moyens: - Indication thérapeutique - Bilan pré - thérapeutique Bilan post opératoire La classification TNM admet ainsi: To = cancer in situ T1 = cancer < 3 cm, sans aucun contact avec la paroi T2 = cancer > 3 cm, sans atteinte de la paroi ( altération segmentaire lobaire ) T3 = T2 + épanchement pleural unilatéral T2 + Atélectasie de tout un poumon Tumeur à moins de 2 cm de la carène TX = ( cytologie + sans localisation précise ) NO = pas d'atteinte N1 = Atteinte ganglionnaire hilaire (non médiastinale) N2 = Atteinte ganglionnaire hilaire homolatérale - Adénopathie sous-carinaire - Adénopathie de la loge de BARETTI pour la cancer de la lobaire inférieure gauche MO = pas de métastase M1 = Métastase

Indice de Karnofsky

-r

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LES STADES sont: Stade III tous les N1, N2, T3 Stade II MO, T 2, N 1 Stade I T1 N1 MO, T2 NO MO, T1 NO MO La décision thérapeutique Traitement chirurgical: 1) Contre-indications (CI) d'exérèse: a) Clinique: Métastases, au niveau de tous les organes. Même le syndrome de Pancoast et Tobias n'est plus une contre-indication absolue. L'intervention est réalisée dans un but palliatif : soulager le patient de sa douleur. b) d'ordre bronchoscopique: Lors de l'endoscopie on trouve un envahissement manifeste de la carène ou de la trachée (touchant les 2 poumons). c) d'ordre radiologique: -métastase ganglionnaire croisée après contrôle histologique (c'est lorsque des ganglions droits sont métastasés dans un cancer bronchique gauche et réciproquement). -ostéolyse costale de plus de 2 côtes. -une image de "masse" hilaire ou médiastinopulmonaire au scanner ou bien une opacité contre la paroi n'est pas une CI: il faut faire une angiographie des vaisseaux pulmonaires : CI s'il y a infiltration, rigidité, enserrement du tronc ou d'une des branches de l'artère pulmonaire. d) Anatomo-pathologique: -cellules néoplasiques dans un liquide pleural d'accompagnement. -lymphangite carcinomateuse de la sous-muqueuse bronchique proximale. e) en per-opératoire: extemporanés... 2) Le patient supportera-t-il l'intervention ? Les Contre-indications majeures opératoires sont: -âge physiologique > à 75 ans. -Antécédents d'Infarctus du Myocarde dans les 6 derniers mois. -Insuffisance cardiaque, troubles du rythme non contrôlés. -Angor (à étudier par épreuve d'effort, scintigraphie myocardique, coronarographie). -Lésion carotidienne symptomatique (faire doppler, écho et artériographie). -Insuffisance hépatique ou rénale à améliorer avant l'opération. Les explorations fonctionnelles respiratoires sont très importantes: à faire globalement et poumons séparés. Les contreIndications sont totales si: -CV < 50% de la normale. -VEMS/CV (coefficient de Tiffeneau) < 40% -Altération grave de la diffusion alvéolo-capillaire (appréciée par l'étude des ductances). -Altération majeure de la fonction du poumon opposé à la lésion. Il existe des CI à une pneumonectomie alors qu'une exérèse plus petite peut être envisagée: -VEMS prévisible (après la pneumonectomie) et inférieur à un tiers du VEMS global théorique.

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-Hypoxie: Sa02 < 94% et PC02 > 43 mm Hg. -HTAP moyenne > à 25 mm Hg.

CONCLUSION Le cancer bronchique est un problème difficile. Sur un plan diagnostique, il semble que l'examen clinique, le cliché thoracique interprété selon une grille et l'endoscopie restent les piliers principaux. Les examens paracliniques sophistiqués et coûteux ne semblent pas justifiés. La classification permet le regroupement des patients porteurs d'un cancer broncho-pulmonaire au pronostic semblable avec des indications thérapeutiques identiques. Un certain nombre de cancers du poumon non à petites cellules peut bénéficier d'une chirurgie avec ou sans traitement adjuvant. Les modalités de prise en charge se posent en terme de qualité des soins et de qualité de vie pour le patient ainsi qu'en terme de coût. Le problème de santé « cancer du poumon » mérite une approche concertée. Les investissements doivent être initiés dans le long terme. L'intensification de la lutte anti-tabac avec des programmes éducatifs pertinents, attractifs, compréhensibles pour la population cible et l'érection d'unités légères, multidisciplinaires pour le traitement de la douleur et des soins palliatifs sont les 2 axes à développer à court terme. BIBLIOGRAPHIE 1- DELARUE / LES CANCERS BRONCHO-PULMONAIRES. MONOGRAPHIE, 1 VOL.1965. masson 2- HAMDI CHERIF.M REGISTRE DU CANCER : Données validées. Thèse DESM. 3- BOUACHA H ET AL. : situation épidémiologique du cancer broncho-pulmonaire en TUNISIE en 1988. Tunisie Médicale 68,2,77-82 4- ISRAEL.L : les cancers intra thoraciques. ed.FLAMMARION 5- RAPPORT OMS 1997. 6- C.APPERE DE VECCHI ; J-M.BECHOT ; B.LEBEAU La classification TNM : revue critique Rev.Mal.Respir.1998,15,323-332 7- EMC : RADIO-DIAGNOSTIC-CŒUR-POUMON 1993 ;32460-A-10 - Imagerie des tumeurs malignes primitives bronchopulmonaires. 8- BENICHOU J, FABRE C, CHASTANG et all :facteurs pronostiques du cancer du poumon opéré non à petites cellules. Rev.Mal.Respir.1987,4, : 301-309 9- Mc KENNA RJ, LIBSHITZ HI, MOUNTAIN CF, Mc MURTREY MJ : Roentgenographic evaluation of mediastinal nodes for preoperative from lung cancer. Chest 1985;88:206-210.

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ETUDE D’IMPACT

Proposition d'une étude d'impact standard lors de la réalisation d'un projet. Khaznadji L. Ingénieur Environnement, Sonatrach, Département Sécurité Industrielle / Siège Production

L'étude d'impact est un outil de base pour la mise en oeuvre de la protection de l'environnement (art 130 du décret 90-78du 27 février 1990 relatif aux études d'impacts). C'est une étude structurée et scientifique portant sur les conséquences environnementales probables d'une action humaine proposée. L'étude d'impact est donc un moyen d'améliorer et de protéger la qualité de l'environnement.

Quelques repères historiques sont nécessaires : - 1970 voit la première loi sur les études d'impacts avec l'entrée en vigueur de la National Environment Policy Act. - 1972 permet la tenue de la première conférence de l'ONU à Stockholm reconnaissant la rareté des ressources naturelles. - De 1973 à 1980, la législation sur l'EIE est promulguée dans tout le monde industriel occidental. - 1986 connaît la Directive de la communauté européenne sur l'EIE et son adoption par l'OCDE. - 1987 : l'Adoption par l'ONU du rapport de Burthland sur l'environnement et le développement a lieu. - 1992 : le Sommet de Rio se tient.

Quels sont les objectifs de l'EIE ? - Déterminer, évaluer, prédire, interpréter et atténuer les effets environnementaux d'une activité proposée. - Minimiser ou compenser les effets dommageables à l'environnement. - Identifier, dès le début du projet, les impacts environnementaux. - Prendre en considération des aspects environnementaux, lors de la conception du projet.

Les cinq principales étapes d'une E.I.E sont : - la description détaillée du projet et l'appréciation de

son opportunité. - la description de l'état initial du site et de son environnement. - l'identification et l'évaluation des impacts : en ayant recours, par exemple, à la Matrice de Léopold - l'élaboration des mesures d'atténuation et de compensation. - le rapport final. 1- La description du projet comporte : - l'opportunité du projet. - la localisation et l'étendue du projet - le description des travaux et opérations - le planning de réalisation 2- La description de l'état initial : Il s'agit notamment de décrire les éléments susceptibles de provoquer des interactions avec l 'environnement : * le milieu : physique, paysage, flore, faune - Rejets aqueux : nature, quantité et qualité - Rejets atmosphériques : nature, quantité et qualité - Déchets , bruits. * Humain : occupation des sols, répartition des populations, servitudes 3- L'identification et l'évaluation des impacts : Le but de l'évaluation est d'attribuer une importance aux impacts associés aux projets et de déterminer la possibilité de les atténuer ou de les compenser. Le recours à un outil comme la Matrice de Léopold est essentiel : créée en 1991 par le Geological Survey des Etats Unis, elle s'applique à tout projet industriel nouveau ou ancien. Elle peut présenter plus de 100 activités sur un axe et 88 caractéristiques environnementales sur l'autre tout en intégrant des données quantitatives et qualitatives sur les relations de cause à effet. (Fig. 1).

Tiré à part : Mme L . KHAZNADJI, Ingénieur Environnement, Sonatrach Le journal de la médecine du travail - N°05 - 2001

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Caractéristiques environnement Activité du projet

Sol Eau Air Climat

Faune Flore

Activité Socio., éco., Bâtiment, route, population, emploi

Esthétique, paysage tourisme

1- phase de construction Emprunt, aires de travaux, routes d’accès.

-

-

+ + + +

-

Phase d’exploitation

-

-

+ +

+

Ampleur de l’impact 1

1 2 3

Intérêts humains

L D

Fig.1 : MATRICE DE LEOPOLD :PARAMETRES D 'EVALUATION Intensité : 1= forte , 2= moyenne, 3= faible Etendue : majeure , minime Durée : L = longue , C = courte

L'évaluation des impacts comporte l'analyse des effets résultants entre le milieu environnemental touché et les différentes activités d'un projet. L'impact environnemental sera caractérisé par : - son intensité : forte ,moyenne ou faible - son étendue : majeure ou minime - sa durée : longue ou courte Compte tenu de l 'ampleur des impacts dénombrés, 3 situations peuvent se présenter : - le projet présenté est acceptable pour l’'environnement et donc réalisable ; - le projet présenté peut être réalisé à condition que des modifications soit apportées ; - le projet présenté n 'est pas acceptable pour l’'environnement et donc non réalisable. 4- Les mesures d'atténuation et de compensation : C'est l'ensemble des mesures qui doivent permettre d'améliorer l'incidence globale du projet sur l'environnement (eau, air, bruit, déchets...). Il est nécessaire de faire la présentation des mesures proposées, de définir les performances et caractéristiques des traitements projetés et de réaliser la description des installations de contrôle. Le plan d 'administration environnementale comporte : - Les mesures d 'atténuation proposées dans l 'EIE ; - Les moyens proposés pour minimiser et contrôler les impacts environnementaux ; - Les procédures d 'administration ou de gestion de tous les aspects environnementaux du projet. Ainsi, il vise à améliorer continuellement la

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performance environnementale du projet. D 'autres procédures sont à établir avant le commencement du projet : - les procédures de prévention de la pollution ; - les procédures d 'urgence contre les déversements accidentels ; - les procédures de stockage des produits chimiques ; - les procédures d 'audit interne. 5- Le rapport final de l 'E.I.E est un document public. Il comporte les résultats d'évaluation des impacts environnementaux, les conclusions et recommandations. Le rapport final doit être déposé au niveau des wilayas territorialement compétentes, conformément à l'article 06 du décret 90-78 du 27 février 1990 .

CONCLUSION : L'E.I.E. englobe toutes les incidences du projet, permet d 'avoir un langage chiffré pour l’évaluation environnementale et répond le mieux aux exigences internationales. L'étude d'impact constitue un volet de la politique d'objectif de qualité et devient donc une nécessité. Afin d'obtenir des critères d 'évaluation identiques, d'aligner les différentes études et de favoriser l'implantation d 'un Système de Management Environnemental, on gagnerait à standardiser la méthode.

Le journal de la médecine du travail - N°05 - 2001


DÉMOGRAPHIE

Investissement sanitaire et mortalité adulte en Afrique du nord Ahmed Nacer B. Médecin démographe, D.S.P. Annaba

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, l'Afrique du nord a connu une baisse de la mortalité suite au recul des maladies infectieuses contagieuses grâce à l'usage des antibiotiques. Cette baisse était faible en comparaison des pays de l'occident qui ont bénéficié surtout d'une amélioration des conditions de vie au début des années soixante. Indépendants, les pays de l'Afrique du nord ont mis en place un système de santé pour éradiquer et prévenir les maladies infectieuses dans le but de prolonger l'espérance de vie de leur population.

OBJECTIFS Cette étude a été réalisée dans le but de (d'): ¨ analyser les indicateurs de développement humain et examiner certains indicateurs sociodémographiques; ¨ comparer les budgets alloués quant à l'investissement sanitaire et les résultats obtenus en matière de mortalité, d'espérance de vie, d'assainissement, d'alphabétisation; ¨ induire éventuellement des changements sur les décisions politiques compte tenu de l'impact qu'elles peuvent avoir sur la santé et la mortalité des populations.

Tableau 1 : Evolution de la population totale (en millions).

Pays

1995

2025

Algérie Égypte Libye Maroc Tunisie Total

27,9 62,9 5,4 27,0 8,9 132,1

45,5 97,3 12,9 40,7 13,3 209,7

Source : Division de la population du Secrétariat de l'ONU

MATÉRIEL ET MÉTHODE Il s'agit d'une étude rétrospective portant sur les données socio-démographiques et les indicateurs du développement humain publiés par des organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales telles que la Banque Mondiale, l'O.M.S., l'UNESCO, l'ONU, etc. dans les années 1993 et 1995. Ces données intéressent les adultes jeunes et âgés.

RÉSULTATS Présentation des indicateurs du développement humain dans les pays de l'Afrique du nord La population de l'Afrique du Nord a compté 132,1 millions en 1995 avec l'Egypte au premier rang (62,9 millions). Cette population continuera à s'accroître jusqu'en l'an 2025 pour atteindre 209,7 millions. Le taux d'accroissement moyen de la population varie entre 3,3% en Libye et 1,17% en Tunisie et ce, entre 1995 et 2000 (Tb1).

Si la grande majorité des habitants du monde, il y a une cinquantaine d'années, décédaient avant l'âge de 50 ans, aujourd'hui la majorité vit au-delà de cet âge. L'espérance de vie moyenne dans les pays en développement , l'Afrique du nord incluse, est de 64ans. Elle devrait atteindre 71 ans d'ici l'an 2020. Ce chiffre a été dépassé dans les pays industrialisés. Tableau 2 : Indicateurs de mortalité , année 1995 Pays

Ratio de mortalité maternelle

Espérance de vie 1960 1995 F

(pour 100 000 Naissances)

H

Algérie

129

47

67,7

70,3

Égypte

266

46,2

64,7

67,3

Libye

-

-

63,9

67,5

Maroc

327

-

68,9

67,5

Tunisie

127

48,4

68,4

70,7

Sources : Division de la population du secrétariat de l'ONU Banque mondiale- UNICEF

Tiré à part : Dr B. AHMED NACER, Médecin démographe DSP Annaba Le journal de la médecine du travail - N°05 - 2001

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Dans le tableau 2, nous évoquons le ratio de mortalité maternelle. Ce taux reste élevé avec 327 au Maroc et 266 en Egypte. Il est à noter que ces décès surviennent à la suite d'hémorragies sévères (25 %), de causes indirectes (20%) et d'infections (15%). Aucune étude jusqu'à ce jour n'a déterminé d'une façon fiable les causes de décès maternels par manque d'un système d'enregistrement pertinent. La déclaration des décès reste biaisée au niveau des pays de l'Afrique du nord: à ce jour , l'état civil, les services de santé ( hôpitaux et centres hospitalouniversitaires) et les structures de santé de base pèchent par défaut d'informatisation. Les économistes et les épidémiologistes ont différencié la notion de l'espérance de vie en santé et l'espérance de vie professionnelle. Les deux notions sont encore mal exploitées, l'activité professionnelle et la santé sont cependant peu dissociables. Pour les économistes, le principal obstacle à la participation à l'activité est souvent la mauvaise santé et pour les épidémiologistes, l'incapacité est révélée par l'impossibilité de travailler normalement. Il est démontré qu'en dépit des apparences les indicateurs d'espérance de vie professionnelle et d'espérance de vie ont connu un développement commun. Qu'est ce qu'une espérance de santé ? C'est l'espérance de vie en bonne de santé, c'està-dire le nombre d'années qu'un individu peut espérer vivre dans un état de santé satisfaisant. L'idéal serait que chacun puisse mener une vie physique et mentale saine jusqu'à un âge avancé. Malheureusement ce n'est pas le cas car chaque année des milliers de personnes décèdent prématurément ou bien sont handicapées par des maladies et des affections qui pourraient être évitées. Les personnes décèdent du fait de la pauvreté, de la non accessibilité aux soins, des troubles mentaux, de la malnutrition, du manque de logement, d'eau et d'assainissement. Le surpeuplement favorise la propagation des maladies infectieuses, les pauvres dépensent des sommes disproportionnées plus pour le traitement de leur maladie que pour leur prévention - un diagnostic tardif rend généralement le traitement plus coûteux. Il est à noter que l'espérance de vie (EV) et l'espérance de santé (ES) ont connu une nette amélioration : l'Egypte à titre d'exemple dont l'EV est largement augmentée par rapport à l'E.S même si ces deux indicateurs sont variables selon le sexe et l'âge au delà de 65 ans. En 1989, l'E.V varie entre 12,1 et 13,3 ans entre homme et femme et l'E.S est de 8,3 ans pour les hommes et 6,7 ans pour les femmes. Tableau 3 : Espérance de vie et espérance de santé à la naissance à 65 ans, cas de l'Egypte et de la Tunisie. Pays Égypte 1976

Hommes E.V E.S 53,1 52,8

Tunisie 1975

52,7

51,9

L'accès aux soins de base peut être apprécié par la proportion de la population qui peut atteindre les services locaux de santé dans un délai d'une demiheure en utilisant les moyens de transport habituels. Cet indicateur n'a atteint que 60 % au Maroc contre 100 % en Libye. Ceci explique le faible pourcentage des accouchements assistés au Maroc; cependant, il existe des disparités sud-nord et entre zones rurales et zones urbaines. La population rurale en Afrique du nord varie entre 44 % en Tunisie et 56 % en Egypte parmi la population totale. La population rurale ayant accès aux soins de santé a atteint 80 % contre 100 % en milieu urbain entre 1985 et 1993. La proportion de la population rurale ayant accès à l'eau potable reste faible en Algérie et représente 60 % en milieu urbain. En revanche, la Tunisie a connu des améliorations spectaculaires dans ce domaine. Quant à l'assainissement, le Maroc n'a pu réalisé que 26 % en milieu rural contre 80 % en urbain; cet assainissement est moyen en Algérie, favorable en Tunisie. Tableau 4 : Indicateurs sanitaires. Année 1995 Pays Algérie Égypte Libye Maroc Tunisie

Sources : Banque mondiale - OMS

Le taux d'alphabétisation des filles est moyen au nord de l'Afrique et très faible au Maroc et en Egypte à l'exception de la Tunisie qui a atteint 51% dans la scolarisation des filles. L'image est inverse chez les hommes car plus de 50 % fréquentent les écoles. Tableau 5 : Taux d'alphabétisation des adultes. Année 1994

Proportion en pourcentage Pays Femmes 45.8 37 28.8 51.6

Algérie Égypte Libye Maroc Tunisie

Hommes 71.6 62.4 54.7 76.4

Sources : UNESCO, World Education Report 1994

Le nord de l'Afrique a beaucoup investi dans le domaine de la santé. Les dépenses publiques en santé ont intéressé en premier lieu la santé infantile puis celle des femmes et enfin l'homme en général. Cet investissement a touché également la formation du personnel, l'achat des médicaments, l'aménagement des structures de santé, l'équipement, etc. Ces dépenses publiques diffèrent d'un pays à un autre. En Algérie, en 1995 les dépenses ont représenté 5,4 % du PIB par habitant contre 2,3 % au Maroc et 6,6 % en Tunisie.

A la naissance Femmes E.V E.S 55,9 55,8 52,5

Proportion de la Proportion des population ayant accès naissances avec aux soins de santé assistance qualifiée 90 78 90 35 100 76 60 31 90 70

51,9

Hommes E.V E.S -

-

A 65 ans Femmes E.V E.S -

-

Égypte 1989

-

-

-

-

12,1

8,1

13,3

6,7

Tunisie 1989

-

-

-

-

12,7

9,0

13,8

8,6

Sources : Banque Mondiale OMS

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Le journal de la médecine du travail - N°05 - 2001


Tableau 6 : Indicateurs économiques année 1995 Pays Algérie Égypte Libye Maroc Tunisie

PIB par habitant 5570 3800 3270 4950

PNB USD 1780 660 1720

% Dépenses du gouvernement Éducation Santé 5,4 13,4 2,8 18,2 3,0 17,5 6,6

Sources : Banque Mondiale

Quel est donc l'impact sur la santé des individus ? On constate, malgré cet investissement important en Tunisie et en Algérie, que le taux de mortalité est identique dans tous les pays de l'Afrique du nord oscillant entre 6 et 7 pour mille habitants. Quelle est la population pouvant bénéficier de soins gratuits ? Il est à noter que 34% de la population rurale en Egypte vit au-delà du seuil de la pauvreté contre 31% en Tunisie et 25% en Algérie. N'oublions pas le flux migratoire important qui s'est produit dans ces pays, du rural vers l'urbain et surtout vers les capitales. D'après les experts, en l'an 2000, ce flux migratoire a atteint 60%. La population se dirige vers l'urbain à la recherche d'un emploi, d'une structure de santé spécialisée, etc. Il est évident que cette dernière est plus performante en équipement et en personnel qualifié et elle reste concentrée dans les capitales et autres métropoles. 2- Quels sont les objectifs d'un système de santé international, régional et local? L'OMS a adopté en 1998 une nouvelle politique de santé « pour tous ». Elle offre un soutien aux états membres dans leurs efforts pour assurer la pertinence, l'efficacité et la pérennité de leurs actions en faveur du développement sanitaire. Le but de l'OMS pour le 21 ème siècle est que les systèmes de santé devront être en mesure de résoudre des difficultés. Dans ce cas quels sont les facteurs internes et externes qui peuvent influencer les systèmes de santé ? et quelles sont les approches et les stratégies qui permettront de les adopter? Pour cela les gouvernements et leurs ministères sont impliqués. Toutefois, ils doivent faire participer d'autres partenaires qui deviendront alors les chefs de file de la santé : c'est-à-dire faire intervenir l'intersectorialité dans la mise en œuvre du système de santé. Cette idée a été soutenue lors de la conférence internationale au Canada sur le développement humain en 1997. Les stratégies à adopter Les stratégies doivent être modifiées, adoptées et mises en œuvre à l'échelle mondiale, nationale et régionale en fonction des diverses situations et contexte rencontrés dans les pays. Il est indispensable de disposer d'un personnel de santé qualifié, bien réparti pour développer les systèmes de santé et la fourniture des services. Bien que les ressources importantes aient été allouées dans ce domaine, des déséquilibres persistent dans la plupart des pays occasionnant par exemple des ruptures constantes de médicaments. Dans l'initiative de référence du secteur sanitaire, le développement des ressources humaines n'était

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pas performant pour empêcher l'échec du système de santé. Pour résoudre les problèmes actuels et futurs, il faudra répartir les différents partenaires entre les nombreux acteurs de la santé et adopter de nouvelles technologies reposant sur les connaissances et le matériel. Cette technologie doit être applicable à la santé, basée sur des éléments se rapportant à l'environnement , l'alimentation et à l'information. Elle doit être associée enfin aux connaissances et évaluée selon une politique globale de gestion. Du point de vue législatif, les pays de l'Afrique du nord doivent adopter des instruments juridiques internationaux (OMS) et renforcer leur mise en œuvre car c'est un volet qui est méconnu par la population.

En conclusion Les systèmes de santé au nord de l'Afrique doivent être réétudiés de nouveau. L'élaboration et la mise en œuvre de politiques nationales favorables à la santé sont impératives. Les soins essentiels doivent être améliorés, de bonne qualité et complets. Il s'agit de remplacer le système d'information et de surveillance sanitaire et d'encourager la recherche en santé en lui allouant un budget spécifique. Toute la population a le droit d'accéder à l'eau, à l'assainissement, l'alimentation et au logement. Les résultats seront meilleurs si les états arrivent à promouvoir l'égalité dans les secteurs de la société notamment l'alphabétisation, l'instruction, la nutrition, la santé des enfants et des femmes et garantir aux hommes et aux femmes le même droit. Ceci mènera sans aucun doute les pays de l'Afrique du nord à améliorer la survie, autrement dit à éliminer les maladies et à prolonger l'espérance de vie des individus. Bibliographie - INSERM « Annuaire statistique mondial sur l"espérance de vie en santé »,Rétrospective édition 1993. - Organisation Mondiale de la Santé « La santé pour tous au 21ème siècle », Rapport trimestriel de statistiques sanitaires mondiales, Genève vol 51, N° 1, 1998. - Fonds des Nations Unies pour la Population «les problèmes démographiques », Dossier d'information, 1995. - Fond des Nations Unies pour la Population « La population au 21ème siècle », Le FNUAP et action 21. - Fond des Nations Unies pour la Population « Etat de la population mondiale », 1995. - KATEB K. « La gestion administrative de l"émigration Algérienne vers les pays musulmans au lendemain de la conquête de l"Algérie (1830-1914) », Edition de l'INED, Paris, Population 1997 , 2. - OMS « Forum mondial de la santé », Revue internationale de développement sanitaire, Genève, volume N° 19, 1998. - CAMBOIS E. « Les espérances de vie appliquées à des statuts spécifiques »,Population INED, Paris, 1998, 3.

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PLANNING FAMILIAL

Rôle des praticiens exerçant en milieu professionnel dans la promotion du planning familial. Gharbi M. * , Soukehal A. ** *SEMEP Hopital Ibn Sina CHU de Annaba **Médecin Chef de Service - SEMEP Hopital Beni Messous CHU d'Alger

L'étude porte sur un des déterminants de la fécondité, dans la commune de Annaba , celui de la contraception sous ses aspects connaissances , attitudes et pratiques auprès des hommes . Cette approche a permis de dégager les tendances suivantes : la connaissance des méthodes de contrôle des naissances est largement répandue au sein de cette population , qui reste cependant incorrectement informée sur le dispositif intra-utérin (DIU) . Une proportion de 86% des hommes déclarent approuver le principe du planning familial . La pratique touche toutes les couches de la société , 68% des hommes enquêtés utilisent au sein du couple une méthode de contraception au moment de l'enquête . La cause principale du rejet reste le désir d'enfant ou l'âge avancé de l'épouse.

1 - Introduction : Donnant l'impression que le planning familial est une affaire de femmes , les administrateurs du programme de SR/PF ( santé reproductive / planification familiale )de notre pays se sont très peu occupés , si ce n'est pas du tout de la population masculine . Nous voulons comme preuves de ces insuffisances les différentes enquêtes nationales sur la contraception qui se sont intéressées uniquement aux femmes comme population cible de leur étude . Pourtant , si la contraception est propre au couple , l'homme détient une grande part dans la prise de décision en matière de planification de sa famille . Néanmoins , on ne peut répondre efficacement aux besoins masculins en planification familiale en faisant appel aux nombreuses sources classiques de PF pour les femmes , tels que les centres de SMI/ EN (Santé materno-infantile / espacement des naissances ) . A côté des mass-médias , des moyens de communication interpersonnelle et de masse ( mosquées , universités , centre de formation professionnelle … ) , le praticien en milieu professionnel garde une place prépondérante dans la promotion du planning familial dans notre pays . Les éléments obtenus dans notre enquête portant sur l'homme et l'espacement des naissances dans la commune de Annaba peuvent constituer ainsi la base de ses messages dans ses activités d'IEC ( information, éducation et communication ) auprès des hommes . Les objectifs fixés pour sa réalisation sont: - apprécier le degré des connaissances des hommes sur la contraception; - définir les domaines où les connaissances restent insuffisantes;

- déterminer leurs attitudes faces aux méthodes contraceptives et la pratique de la contraception au sein du couple.

2 - Matériels et méthodes : Population étudiée et méthodes d'échantillonnage : Il s'agit d'une enquête transversale par interview directe auprès d'un échantillon d'hommes , effectuée en 1997 dans la commune de Annaba. L'échantillon est réalisé selon un choix raisonné , type méthode des quotas . Un modèle réduit de la population masculine réelle de la commune de Annaba (25 ans- 54 ans) , quelque soit l'état marital est alors construit sur la base des documents du recensement général de la population et de l'habitat ( RGPH 1987 ) . Nous avons retenu comme variable de contrôle uniquement l'âge avec 6 modalités ( 25 - 29 ans , 30 34 ans , 35 - 39 ans , 40 - 44 ans , 45 - 49 ans , 50 - 54 ans ). Afin d'assurer une dispersion géographique de l'échantillon , nous avons pris selon un choix aléatoire 36 districts parmi les 260 concernés de la commune de Annaba. Nous avons ciblé les établissements d'intérêt public se trouvant au niveau des districts - échantillons ( Antenne de mairie , Bureau de poste , Guichets de la SONELGAZ , de l'entreprise des eaux , OPGI ) . Par rapport aux 360 hommes théoriquement prévus , l'échantillon obtenu est de 356 individus , représentant 99% du nombre prévu (tableau 1) . Cet échantillon est certainement sous-estimé car les données de base servant au calcul faisaient référence au RGPH de 1987.

Tiré à part : Dr Gharbi M., SEMEP Hopital Ibn Sina CHU de Annaba

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Le journal de la médecine du travail - N°05 - 2001


Tab. 1 : Modèle réduit de la population masculine à enquêter. Enquête E.N. : CAP à Annaba 1997.

Age

% dans population générale

Population prévue Pour l’enquête

Population Réellement enquêtée

25 – 29 ans

25,60 %

92

90

30 – 34 ans

21,33 %

77

76

35 – 39 ans

18,45 %

66

65

40 – 44 ans

12,27 %

45

45

45 – 49 ans

11,24 %

40

40

50 – 54 ans

11,08 %

40

40

Global

100

360

356

Source RGPH 1987

Le questionnaire utilisé est succinct , de façon à rendre le traitement des informations colligées plus rapide . Au total , il comprend 36 questions subdivisées en quatre sections : renseignements socio-économiques sur l'homme interviewé , fécondité des hommes mariés et attitudes des hommes en matière de taille de la famille idéale , attitudes en matière de planning familial , connaissances et utilisation contraceptive chez les mariés , désir d'en savoir plus sur le planning familial et préférence pour le sexe de l'enfant . La collecte des données a duré une semaine. Après vérification et codification , les données colligées sont saisies sur le logiciel Epi-info version 5 . Le test de chi2 est utilisé pour l'analyse statistique en adoptant le risque de première espèce = 0,05 .

3 Résultats de l'enquête : 3.1- Profil des hommes enquêtés :La population étudiée est composée de 63 % d'hommes mariés et 37 % des célibataires . Deux modalités sont légèrement prédominantes 25-29 ans (25,58 % ) et 30-34 ans (21,34%) . L'âge moyen est de 36,85 ans (± 1,16 ans) . Parmi ces hommes 11,51% sont analphabètes , 22,75% de niveau primaire , 24,43 % de niveau moyen et 41 % ont suivi des études secondaires ou supérieures. Si 10 % de la population mariée n'ont pas encore d'enfants, 36 % ont 1 à 2 enfants , 18 % 3 à 4 enfants, 31% ont 5 à 7 enfants et 4 % sont pères de 8 enfants et plus . La moyenne est de 3,39 enfants (+ ou - 0,16 enfants ) par homme marié . 3.2- Connaissances des méthodes contraceptives et de leurs sources d'information : 95% de la population enquêtée connaît au moins une méthode contraceptive . La fréquence des personnes qui "savent" augmente avec l'âge et le niveau d'instruction et très faiblement selon l'état marital avec respectivement 96% des mariés et 92% des célibataires . Une différence significative n'est observée qu'avec le niveau d'instruction (P 0,02 ) .

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La pilule est le mode contraceptif (90%) le plus connu , suivi par l'abstinence périodique (47%) , le préservatif (40%) alors que le stérilet occupe le 4eme rang avec une proportion de 36%. Quant aux autres méthodes , si le coït interrompu est faiblement connu (17% ), les spermicides (13% ), les autres sont très peu cités: les injectables (6% ), l'allaitement maternel (0,8%) et le diaphragme (0,2% ). Les méthodes modernes les plus usuelles en Algérie , ainsi que la technique traditionnelle (abstinence périodique ) sont les plus connues des hommes mariés , selon les modalités suivantes : pilule (92%) , stérilet (41%) et abstinence périodique (52%) . Par contre il semble que les hommes mariés soient moins informés que les célibataires sur les autres possibilités: spermicides (12%) , les injectables (4,4%) . Les contraceptifs oraux sont mentionnés par 90% des hommes célibataires et le préservatif par 47 % . Le moyen contraceptif qui est connu presque de façon homogène aussi bien selon l'âge , l'état marital que le niveau d'instruction est sans conteste la contraception orale . L'information interpersonnelle en matière de connaissances des modes contraceptifs constitue la source privilégiée avec 40% de l'ensemble des réponses obtenues . Les « amis » restent la source d'information la plus répandue en ce qui concerne la contraception avec 36% du total des réponses à la question « Qui vous a informé de ces méthodes » , le personnel de santé (20%) et autres sources , dominées surtout par le « conjoint » (4%). Les sources institutionnelles ( Radio, Télévision et Journaux ) sont représentées par 40 % des réponses. La télévision , toutes chaînes confondues occupe le premier rang de ce mode d'information avec 17% du global des réponses à la question précédente, les journaux 15% et la radio 8% . A la question « Parlezvous des méthodes contraceptives avec d'autres personnes ? » 74 % des hommes enquêtés ont répondu par « oui » . Les personnes avec lesquelles ce thème est discuté sont les « amis » qui représentent 64% de l'ensemble des réponses , le « conjoint » (32%) et d'autres personnes ( proches parents , personnel médical .... ) 4% .

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3.3- Désir d'en savoir plus sur le planning familial : Concernant la diffusion des informations sur le planning familial dans les médias et par des campagnes de communication , 80% des hommes sont d'accord et n'y voient pas d'inconvénients . Par contre 20% n'ont pas formulé le désir d'en savoir plus sur l'espacement des naissances . Les 21 % de ces individus se situent parmi les gens qui ont répondu que la contraception est une affaire de femmes et les 31% appartiennent à ceux qui sont contre le principe de la planification familiale , évoquant les motifs de religion et de danger pour la santé de la femme . L'analyse du facteur « connaissances » en matière de méthodes de contraception , retrouve que 69% d'entre eux ont cité deux méthodes et plus de contraception , ce qui suppose que cette frange de population croit qu'elle en sait suffisamment. 3.4 Opinions des hommes sur le désir d'avoir d'autres enfants et sur la taille idéale de la famille : A la question « Voulez - vous encore des enfants ? » , 72 % des pères disent non . Or 24 % d'entre eux ont un à deux enfants , alors que la dimension modale de la famille idéale pour l'ensemble de notre échantillon est de 3 enfants , chiffre que 37% des hommes questionnés ont avancé. De même , 15% des personnes qui ont répondu par la négative à cette question citent un chiffre du nombre idéal supérieur à celui du nombre d'enfants qu'il possède au moment de l'enquête. 32% de nos interlocuteurs affichent une préférence pour l'un des deux sexes , avec une prédominance pour le sexe masculin de 29% et pour le sexe féminin de 3 %. Pour les hommes qui veulent encore des enfants , 75% ont 1 à 2 enfants et 14% ont 3 enfants. Quant au nombre idéal d'enfants dans une famille , 37% des hommes ayant des enfants ont cité un chiffre inférieur au nombre de leurs enfants, 33% le même nombre que celui du nombre d'enfants qu'ils possèdent et 30% un chiffre supérieur (Figure 1) . Concernant la question « Pensez - vous qu'il soit bon d'avoir beaucoup d'enfants ou peu d'enfants ? » , 86 % des interviewés sont pour la famille peu nombreuse contre 13 % , le reste est sans opinion . Ceux qui approuvent la famille nombreuse se répartissent presque de façon homogène selon les différents niveaux d'instruction . Figure 1 : Opinion des hommes enquêtés sur le nombre idéal d'enfants dans une famille . Enquête E.N. : CAP/ ANNABA 1997

40 35 30 % 25 20 15 10 5 0

37 27,2 21 14

0,5 1

2

3

4

5et+

3.5 Attitudes des hommes sur la régulation des naissances : 86 % des hommes interviewés déclarent approuver le principe de la planification familiale. Cette opinion est valable quelque soit l'état marital, célibataire ou marié, avec une légère prédominance des premiers , respectivement 89,23% et 84% . Cependant , 73 % seulement voient dans l'espacement des naissances une affaire de couple , 11% pensent que c'est l'homme et 16 % disent que c'est à la femme qu'incombe la responsabilité de la régulation des naissances . Selon le niveau d'instruction , 12% de ceux qui sont pour les deux derniers avis sus-cités sont des illettrés ou de niveau primaire , tandis que les hommes qui désapprouvent la planification de la famille se situent dans l'ensemble des classes des niveaux d'instruction . 3.6- Solutions alternatives en cas d'absence de pilule sur le marché : La question posée est: « Si vous ne trouvez pas la pilule , pour quelle autre méthode opteriez vous ? » . Les hommes mariés dont les épouses utilisent ce moyen oral acceptent comme solution alternative le DIU (Dispositif intrautérin ) dans 34,25 % selon une fréquence décroissante allant du niveau "sans instruction" (54,54%) au niveau secondaire (33,33%) . Parmi les interviewés , 32,40 % disent recourir à la méthode du calendrier , tous niveaux confondus , 16,66% au préservatif avec une prédominance des hommes de degré d'instruction supérieur (37,5%) . Le retrait (12,96%) est mentionné surtout par les hommes de niveau secondaire , alors que les autres modes recueillent nettement peu de suffrage (3,70%) . Les motifs évoqués pour ce choix sont « l'efficacité de la méthode » comptabilisant 45% des réponses , « l'absence d'effets néfastes » constitue le second motif avec le tiers des réponses . Viennent ensuite « la simplicité d'utilisation » (13%) et le motif « économique » (7% ). Le stérilet est choisi dans 2/3 des cas pour son efficacité et 1/3 des cas pour la facilité de son utilisation selon nos interlocuteurs . La méthode du calendrier est choisie surtout du fait de son caractère anodin (71%) et 9 % parce qu'elle est efficace . Le recours au retrait est cité dans 71% des réponses pour son efficacité et 29% pour l'absence de danger pour la santé de la femme . Enfin le condom masculin est choisi pour l'efficacité par 56% des hommes enquêtés et 39 % par le fait qu'il ne présente pas de danger pour la santé . Quant à l'opinion des enquêtés sur le stérilet un quart de l'échantillon ont une opinion positive et jugent le DIU comme moyen contraceptif acceptable: ce sont surtout ceux dont l'épouse utilise un DIU et ceux qui ont répondu par l'affirmative quant à son utilisation comme mode alternatif en cas de manque de pilule ; l'autre quart dit qu'il ne le connaît pas ou n'a pas d'informations suffisantes et par conséquent est sans opinion . Une proportion de 46 % est contre son utilisation (et alors de ce nouveau total 51 % voient dans le stérilet un danger pour la santé de la femme, 21% évoquent les risques d'échecs, 10 % parlent du risque d'expulsion et 18% disent que c'est une méthode d'utilisation difficile et gênante pour la femme) .

Nombre d'enfants

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L'analyse selon le degré d'instruction retrouve 62% des hommes de niveau moyen qui sont contre l'utilisation du DIU , suivi par les "sans instruction" (53 %), les autres niveaux, secondaires et primaires avec respectivement 40 % et 34 % . Les hommes de niveau supérieur représentent 33 % des opinions négatives sur le stérilet et alors 11% parmi eux n'ont pas de connaissances sur cette technique 3.7- Utilisation future des contraceptifs chez les hommes mariés : Parmi les hommes n'ayant jamais utilisé de moyens de régulation des naissances au sein de leur couple , correspondant à 15% de la population mariée enquêtée , la moitié d'entre eux pensent utiliser un moyen de contraception dans le futur . La préférence va toujours vers la pilule (76 %) , le reste des réponses se répartit entre la méthode des comptes , le DIU et le préservatif . Ce choix de la contraception hormonale semble être motivé par l'efficacité de la méthode (46%), la facilité d'utilisation (38 %) et parce que la méthode est dénuée de risques de complications (16% ). Les hommes qui s'opposent à l'utilisation future se situent parmi ceux des niveaux d'instruction bas ( illettré ou primaire ), soit 82% de cette population . 3. 8Les hommes célibataires enquêtés et l'utilisation future d'une contraception : Une fois qu'ils seront mariés , 70,76 % des hommes célibataires disent être d'accord pour utiliser un moyen de contraception . Plus le niveau d'instruction croit et plus les réponses par l'affirmative augmentent ( 0,02< P< 0,01) . Quant aux futurs moyens à utiliser , la pilule obtient 40% des suffrages , viennent ensuite la méthode du calendrier (26%) , le stérilet (15%) et le préservatif (14%) .Le retrait et les autres méthodes sont faiblement cités (4%). Tenant compte des niveaux d'instruction , la pilule trouve ses partisans parmi les gens de niveau primaire (64%) , le stérilet , surtout les célibataires universitaires (28%) , tandis que le préservatif , surtout les gens instruits (85 % des sujets sont de niveau moyen ou supérieur) . La méthode du calendrier reste le second mode de choix pour le célibataire de niveau primaire , moyen et secondaire et le troisième moyen pour ceux de degré supérieur après le DIU . 3.9- Les hommes célibataires et l'utilisation contraceptive dans le futur : A la question « Une fois marié , pensez-vous utiliser une méthode contraceptive ? » , 29% des célibataires ont répondu par la négative . Le motif religieux est évoqué dans 51% de leurs réponses , 21% les considèrent comme un danger pour la santé de la femme et celle du fœtus , et certains évoquent l'éventualité d'une stérilité définitive . Le désir des enfants représente 21% des réponses , et le motif économique (cherté du produit ) n'est rapporté que dans 8 % des réponses. 3.10- Utilisation contraceptive actuelle chez les hommes mariés : 68% d'hommes mariés interviewés déclarent pratiquer au moment de

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l'enquête une forme de contraception au sein de leur couple : la pilule est de loin la méthode la plus utilisée (70%) , devançant la méthode du calendrier (14%) et le stérilet (12%) . Les autres moyens sont rarement employés , préservatif (3%) et retrait (2%) . Selon l'âge , les non utilisateurs d'une contraception se situent surtout au niveau des tranches d'âge extrêmes: 69% des mariés âgés de 25-29 ans et 54 % des mariés de 50 à 54 ans déclarent ne pas utiliser un moyen de contraception . La différence est significative à p < 0,001 . Plus le niveau d'instruction augmente , plus l'utilisation est croissante . Les sujets n'ayant aucun niveau d'instruction et ceux de niveau primaire recourent moins à la contraception , respectivement dans leur fréquence 22 % et 42% de l'ensemble des non usagers. La différence est significative à p < 0,001 . La pilule est la méthode de choix des hommes âgés de 40 à 54 ans: ils représentent 66 % de l'ensemble des utilisateurs de la contraception hormonale orale . La tranche d'âge des 25-29 ans constitue le second groupe qui recourt le plus à la pilule, 62,5% parmi eux l'utilisent comme mode de protection contraceptive et ce sont eux les premiers utilisateurs des préservatifs avec une fréquence de 37,5%. C'est au niveau de la tranche d'âge 35-39 ans qu'on rencontre le plus grand pourcentage des usagers du stérilet , 24% de leur femme l'utilisent comme mode de contraception . En fonction du niveau d'instruction , la plus grande fréquence d'utilisation du DIU (33%) s'observe chez les femmes dont les maris sont sans niveau d'instruction . La méthode des comptes trouve ses adeptes parmi les hommes de 35 à 39 ans: c'est le moyen de contraception de 21% d'entre eux , ainsi que de 31 % des hommes de niveau supérieur . Un homme de niveau supérieur sur trois l'utilise comme moyen pour planifier sa famille . 3.11- Responsabilité du choix de la méthode et sources d'approvisionnement : Concernant la décision du choix de la méthode contraceptive , celleci émane du couple dans 62,98% des réponses , elle est décidée par le mari dans 16,88% et suite à la proposition du médecin dans 11,68% des cas. La responsabilité de la femme toute seule est incriminée dans 8,44 % des réponses . En matière d'approvisionnement , si les DIU sont insérés uniquement au niveau des centres publics d'espacement de naissances , ce n'est pas le cas de la pilule où 86 % disent recourir la plupart du temps aux officines privées pour obtenir leur produit préféré . 3.12- Utilisation antérieure chez les hommes mariés : 32% des hommes mariés déclarent ne pas faire usage de moyens de régulation des naissances au sein de leur couple . Cependant 53% l'ont utilisé dans le passé , représentant ainsi les 17 % de l'ensemble de la population mariée . La pilule est la plus utilisée (50%) , devançant le stérilet (21% ), les comptes (16%) , le retrait (11 %) et le préservatif (3%) .Quant aux causes d'abandon , elles sont dominées pour moitié par la ménopause , la stérilité secondaire et le désir de grossesse. Les problèmes de santé viennent en seconde position avec 34%.

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L'abandon fait suite à l'apparition d'effets secondaires dans 26 % des cas pour la pilule et 8 % pour le DIU. La notion du mauvais choix de la méthode ( femme présentant une contre-indication à la méthode utilisée ) est mentionnée dans 8 % des cas .

4- Discussions : 4.1- Fécondité et aspirations de la population enquêtée : L'attachement au désir d'enfant comme l'une des normes de notre société locale ne constitue pas une barrière à la famille réduite ; 78% des hommes enquêtés sont pour la famille peu nombreuse. A la question sur le nombre d’enfants désirés , la préférence de 3 enfants est mentionnée par 37% des hommes, avec une différence statistique non significative .Toutefois le chiffre retenu comme « idéal » n'est pas toujours proche du nombre réel d'enfants . Un long chemin reste à parcourir pour saisir le lien entre le modèle collectif et le comportement de notre population du fait de la préférence marquée pour l'un des deux sexes , cas chez 32% de nos interlocuteurs . Mostefa Boutefnouchet écrit dans " La famille algérienne : évolution et caractéristiques récentes " « Bien que l'enfant de sexe féminin est de mieux en mieux accepté , une famille algérienne sans mâle est considérée comme incomplète et si le nombre de filles est trop élevé comme une famille fragile (.. )» [ 6 ]. Malheureusement , l'option "3 enfants" ne milite pas en faveur d'une situation d'équilibre pour le renouvellement des générations dont le seuil est de 2,1 enfants / femme. En 1998 le recensement général de la population et de l'habitat trouve un indice synthétique de fécondité de 4,14 enfants / femme à l'échelle nationale . 4.2- Les attitudes face au planning familial : Une genèse d'attitudes et de comportements nouveaux vis-à-vis de la contraception s'est produite au sein des générations actuelles de la région . Ce que traduisent les résultats obtenus . La pratique contraceptive approuvée par 86 % de l'ensemble des hommes interrogés est répandue parmi les personnes enquêtées sans que ces derniers atteignent encore le nombre d'enfants désirés . La naissance d'un enfant au moment propice est devenue une responsabilité partagée et assumée par les deux époux , ce qui n'existait pas lors des époques précédentes ; 63% d'hommes parlent d'une décision commune dans le choix contraceptif au sein de leur couple . Autant que la femme , l'homme se sent concerné par la planification familiale ; 73% d'entre eux voient dans la contraception une affaire de couple et 32% parlent de l'existence d'une communication inter-conjoints en matière de planification familiale . 4.3- Les connaissances de la contraception : Une attitude favorable à la planification de la famille reste insuffisante pour un recours potentiel aux produits contraceptifs si elle n'est pas accompagnée de connaissances justes et dénuées de préjugés [ 7 ] . Les données obtenues sur ce sujet indiquent une

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information sur les moyens de régulation des naissances relativement élevée chez les hommes quelque soit leur état marital (95%) . Les méthodes efficaces sont surtout les plus connues ; la pilule est la plus mentionnée (90 % de réponses) . Le stérilet, second mode usuellement utilisé par nos couples , n'est connu que par 41% des hommes mariés et 36% de l'ensemble de l'échantillon masculin . Ces derniers indicateurs mettent à nu les carences du programme visant les hommes . La situation est d'ailleurs similaire pour les jeunes, parents de demain , qui sont très peu renseignés au sujet de leurs responsabilités sexuelles. L'enquête « Connaissances , Attitudes et Pratiques des jeunes en planification familiale » réalisée par le CE.NEAP en 1994 trouve près de 30% de garçons âgés de 15 - 25 ans qui ne connaissent pas de méthode contraceptive et 16 % seulement parmi eux au courant de l'existence d'un programme de maîtrise de la croissance démographique [ 2 ] . L'intérêt porté par l'enquête aux sources d'information sur les méthodes utilisées trouve l'entourage comme principale source d'information sur les moyens de planning familial: 40% des hommes interviewés le mentionnent. Le personnel de santé n'est cité que par 20% des hommes. Si le rôle de l'entourage en tant que support d'information garde toujours son importance pour une adhésion maximum de la population au planning familial , le contrôle de la qualité des renseignements par le prestataire apparaît impératif . En effet , le canal « bouche à oreille » est très souvent source de rumeurs et d'informations déformées , imprégnées de préjugés qui ne potentialisent pas la pratique contraceptive , entraînant parfois l'abandon et les grossesses non désirées avec toutes leurs conséquences négatives [ 7]. Quant aux médias qui peuvent éveiller au sein de la population le besoin de planification familiale , de produire des attitudes et des comportements actifs et responsables [ 12 ] , leur rôle reste timide . Ils occupent les dernières places dans la hiérarchie des sources d'information en matière de régulation des naissances . Malgré la présence de la radio et de la télévision dans presque la totalité des foyers , uniquement 17% des hommes ont cité la télévision , 8% la radio et 15% les informations écrites . Il faut reconnaître que le programme de population algérien fait rarement appel aux médias pour informer le public en matière de contraception . Bien que les 80% des hommes interviewés sont d'accord et ne voient pas d'inconvénients dans la diffusion des informations au sujet du planning familial dans les médias . Il est temps de donner une plus grande importance aux émissions sur le planning familial dans les radios locales qui peuvent jouer un rôle important dans les programmes de P.F. à l'intention des hommes mariés et des jeunes . La régulation des naissances à travers les médias ne doit pas rester un thème à débattre uniquement lors de certaines circonstances . 4.4- Pratiques des méthodes contraceptives : La mesure de l'intensité de la pratique contraceptive au cours de ces enquêtes révèle une diffusion importante dans les différentes strates sociales de la population .

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Nombreuses personnes enquêtées (85%) nous ont confié avoir eu recours à un moment quelconque de leur vie commune à une technique de contrôle de leur fécondité . Les pourcentages d'utilisation les plus faibles sont observés au niveau des tranches d'âge extrêmes parmi les hommes mariés de 25-29 ans et 50-54 ans (P<0,001) avec comme causes , généralement, le désir d'enfant chez les jeunes et la période ménopausique de l'épouse chez les personnes âgées . A l'image de la structure contraceptive nationale, les 68% des couples utilisateurs à l'époque de l'enquête emploient essentiellement un moyen médical (84%). En réalité la prévalence contraceptive isolée reste un indicateur insuffisant pour nous informer sur la qualité réelle de la pratique en consommation contraceptive [ 5 ] . Elle doit être accompagnée par la mesure du taux de continuité dont l'impact est important sur la dynamique de la fécondité. Dans notre étude les légères différences constatées en comparant l'utilisation actuelle et l'utilisation passée restent une mesure très approximative de la durée de consommation [ 11 ] et indiquent une pratique contraceptive de période plus longue par la moyenne de notre population enquêtée , avec une différence de 17% . Toujours en matière d'utilisation et à l'instar de très nombreux résultats d'enquêtes réalisées sur le planning familial dans le monde , la pilule est de loin la plus utilisée par les populations interrogées (70%) , suivie par un recours relativement moins fréquent au stérilet et au calendrier (14%) , les autres moyens sont très faiblement utilisés [ 10 ] . La fourniture surtout de la pilule et du stérilet par le programme de P.F. de la région , ainsi que l'insuffisance de la promotion pour le DIU expliquent cette prédominance hormonale . Quant au condom , d'accès facile au niveau de nos structures publiques , ce procédé trouve rarement d'adeptes. Pour ce qui est de la place du calendrier en tant que deuxième mode de planification familiale, le choix inadapté des méthodes médicales ( imposé par l'absence du produit ou suite à une prescription inadéquate ) , parfois la crainte des effets indésirables incite certains couples à l'adoption de moyens secondaires , beaucoup moins efficaces . La poursuite de la planification de la famille par des moyens traditionnels , montre l'attachement à l'espacement des naissances qui reste profondément enraciné dans la population et la nécessité de répondre à ce type de besoin lorsque cette pratique devient nécessaire ( méthode d'appoint , problème de santé , ... ) . D'autant plus que très souvent c'est chez des couples dont la femme a plus de 40 ans , donc à faible fécondité , que la médiocre efficacité de ces méthodes peut s'améliorer par des conseils appropriés , un enseignement adéquat de la technique et un soutien continu . Pour assurer cette tâche , nos prestataires doivent recevoir une formation spéciale en matière de continence périodique . Le dépouillement de données du pré-test d'un recyclage de formation à l'intention d'un groupe de sages-femmes et de médecins généralistes trouve seulement 27,5% de réponses justes à la question sur l'utilisation de la

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courbe thermique en tant que moyen de régulation des naissances . Comme retrouvé lors de certaines enquêtes , les gens instruits , surtout de niveau supérieur ou secondaire des deux sexes enquêtés [ 10 ] , constituent le second groupe partisan de ce mode traditionnel . Le problème peut se situer au niveau de la composante psychoaffective de cette population qui appréhende les effets négatifs des produits contraceptifs sur la santé . Dans une telle situation , le rôle des prestataires demeure d'informer , démystifier , lever l'inquiétude et rassurer les clients sur les moyens modernes . La nouvelle stratégie du programme national de SR/PF propose de sensibiliser les couples et les amener à utiliser le DIU , mode de contraception posant moins de problèmes de suivi et offrant une protection efficace et plus longue contre la grossesse . D'où la nécessité de faire participer le mari dans l'action marketing en faveur du stérilet . L'enquête homme révèle une opposition à son utilisation par 46% d'entre eux , dont 51% qui y voient un danger pour la santé de la femme et seulement 34% qui sont aptes à l'utiliser comme méthode alternative en cas d'une éventuelle absence de la pilule sur le marché . Alors que pour la consommation future , le penchant de la majorité des hommes va toujours à la contraception orale. L'intervention doit cibler tous les hommes , essentiellement ceux au courant des éventuels effets secondaires du stérilet , donc généralement les personnes instruites, en les informant qu'aucune méthode de contraception moderne ne peut avoir des effets négatifs sur la santé et que les effets délétères graves décrits dans la littérature restent exceptionnellement observés . D'autant plus que chaque femme constitue un cas particulier pour qui le choix de la méthode sera envisagé en fonction de l'état de santé propre. L'adhésion à ce mode de contraception est possible , car dans les mêmes conditions sociales et culturelles que les nôtres , le stérilet est la méthode de « choix » en Tunisie avec 21,9 % [ 1 ]. Il est la principale méthode médicale , représentant plus de la moitié de l'emploi des contraceptifs modernes en Jordanie avec 15% et prés de la moitié en Egypte avec 17% [ 11 ] .

5- CONCLUSION : Cette étude révèle des attitudes favorables à la planification familiale et une diffusion importante de la contraception dans les différentes strates sociales de la population . Une proportion de 85% des hommes interrogés ont eu recours à un moment quelconque de leur vie commune à la contraception. La naissance d'un enfant au moment propice est devenue une responsabilité partagée et assumée par les deux époux . Un pourcentage de 63% des hommes parlent d'une décision commune dans le choix contraceptif au sein du couple. En matière d'information , le stérilet reste peu connu par les hommes: il est cité au 4ème rang par 36% de l'ensemble de l'échantillon masculin . La stratégie actuelle du programme national de SR/PF qui incite à encourager l'utilisation du stérilet doit prendre en compte ce facteur dans ses orientations en matière

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d'IEC (Information, Education et Communication ) . Etant donné qu'on ne peut pas répondre de manière efficace à leurs besoins en P. F. , en faisant appel aux centres de santé maternelle et infantile , le programme SR/PF auprès des hommes doit essentiellement s'appuyer sur les médias . On doit faire appel aussi aux moyens de communication interpersonnelle et de masse auxquels le praticien en milieu professionnel peut recourir. Bibliographie : 1/- Association Algérienne Pour la Recherche démographique Economique et Sociale (AARDES ) , La régulation des naissances : Opinions et attitudes des couples algériens. Résultats préliminaires d'une enquête nationale, Alger, 1967 , 126 pages . 2/- C.E..N.E.A.P. (Centre National d'Etudes et d'Analyses pour la planification), Connaissances , Attitudes et Pratiques des jeunes en matière de planification familiale , Rapport de synthèse Alger 1995 -Vol I , 108 pages . 3/- Da Vanzo Julie , Parnell Allan M . , Fœge William H. , Contraception et modes de reproduction : Leurs conséquences en matière de santé publique . Résumé d'un rapport de l'US National Research Council , Washington DC., JAMA, 1991 ,Vol 16 , N° 229 , 719 -724. 4/- Gallen M.E. : L'homme dans les programmes de planning familial . Population Reports, 1987 , Série J , N°33 . 5/- Lapham R .J. , Mauldin W. P : Contraceptive prevalence: The influence of organized family programs . - Studies in Family planning 1985 . Vol 16 , N°= 3 p.p.. 117 - 138 .

7/- Nafo F., Wallast E., Serniclaes W., Vekemans M., Ignorances et préjugés dans l'utilisation des méthodes contraceptives , Rev. Med. Bruxelles, 1993 , 14 , 216 - 220. 8/- Office National des Statistiques, Recensement de la population et de l'habitat , Données par Wilaya , Collection Statistiques, n°46 , série résultats , Vol. 4 , Alger, Mars 1992. 9/- Population Reports 1985 : Après la contraception , dissiper les rumeurs sur la fécondité ultérieure . Série J , N° 28 , 40 pages . ( éd . anglaise publiée en 1984 ) . (Population , Information , Program , The Johns Hopkins University , 527 St . Paul Place , Baltimore , Maryland 21202 - Etats Unis ) . 10/- Population Reports 1986 , Enquêtes sur la fécondité et sur le planning familial : Eléments nouveaux, Série M , n° 8 , 68 pages ( éd . anglaise en 1985 ) . ( Population , Information , Program , The Johns Hopkins University , 527 St . Paul Place , Baltimore , Maryland 21202 - Etats Unis ) . 11/- Population Reports 1992 , La révolution de la procréation : Résultats de nouvelles enquêtes . Série M , n° 11 , 44 pages . ( Population , Information , Program , The Johns Hopkins University , 527 St . Paul Place , Baltimore , Maryland 21202 - Etats Unis ) . 12/- Population Reports 1995 , Amener les médias à couvrir la planification familiale . Série J, 42 , 28 pages . ( Population , Information , Program , The Johns Hopkins University , 527 St. Paul Place , Baltimore , Maryland 21202 - Etats Unis ) . 13/- Ross John A., Mauldin W. Parker, Les programmes nationaux de planification familiales : bilan des acquis - Forum mondial de la santé, 1994 , Vol. 15 , 265 272.

6/- Boutefnouchet M., La famille Algérienne - Evolution et caractéristiques récentes - 2èmè édit., SNED, Alger, 1982, 316 Pages .

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COMMUNICATION

Où en sommes-nous par rapport aux modèles explicatifs de la communication: Point de vue de la psychologie et santé au travail Gueroui S. Service de Médecine du Travail, Annaba.

Note: la présente contribution emprunte beaucoup d'éléments à notre communication orale à la 4ème Journée Nationale de Psychiatrie de Annaba, le 28 Octobre 1999. L'intitulé de notre travail vient en écho au propos de G. JULLIEN qui assure que “ La psychologie du travail est une psychologie de réactions et […] celles-ci se manifestent surtout à l'occasion de la communication ” [1].

Ceci nous interpelle en tant que professionnels de la santé au travail car, chez nous, la médecine du travail se décline essentiellement sur un mode “ administratif ” qui : - Confisque la parole au travailleur ; - Ne l'observe qu'en cabinet médical en reproduisant volontiers la méthodologie de l'investigation du clinicien devant un malade ; - A des moment précis (embauche, visite périodique, etc.) ; - En dehors de la réalité de sa situation de travail. Or l'activité du médecin du travail s'effectue dans un milieu spécifique où il rencontre des hommes divers avec des réactions et des attitudes engendrées par la pression du groupe, de l'environnement humain et matériel, des activités elles-mêmes, de l'organisation en vigueur et de la technologie en place. Du point de vue de la psychologie du travail, il nous importe de savoir au minimum que l'opérateur en situation de travail perçoit des contraintes [1], notamment celles représentées par cinq éléments : - la perte partielle ou totale de sa liberté d'action, parfois de pensée et son libre-arbitre ; - Il s'astreint à un fonctionnement hiérarchique ; - Il évolue dans un cadre spatial et temporel rigide (celui du travail) ; - Il assume ou non des responsabilités ; - Il accomplit parfois des tâches monotones, répétitives,… Les éléments 1,2 et 3 composent un premier tiroir A qui définit la dépendance entre l'homme et son milieu de travail. Les éléments 4 et 5 composent un second tiroir B qui

nous fait dire par exemple que l'homme est bien ou mal “ dans sa peau ”. Les contenus des tiroirs A et B induisent des comportement, des conduites et des régulations chez le travailleur. L'homme y fait face notamment par : - l'acquisition de compétence (s) et de connaissances techniques ; - une formation scolaire, professionnelle et un effort de perfectionnement ; - l'entretien de relations humaines dans le travail. De plus, la structure du travail, le système organisationnel formel et informel, les impératifs de production, les conduites et les systèmes de valeurs des hommes font de l'usage de l'espace professionnel une façon de travailler et, surtout , définissent l'entreprise comme un territoire psychologique et social [2, 3]. Le médecin du travail qui réalise une étude de poste s'aperçoit souvent tardivement et avec étonnement qu'il interroge des espaces humains et non mécaniques, des espaces humanisés comme tant d'autres environnements, chargés de différenciations cognitives et symboliques et souvent objets d'enjeux et d'équilibres à l'intérieur du système professionnel. Il est acculé à revisiter la clinique médicale en médecine du travail, clinique qui réinvente une nouvelle façon d'intervenir en prévention collective en substituant aux approches normatives une approche privilégiant les rapports sociaux du point de vue de la santé [4]. Il s'adonne alors à des pratiques reposant “ sur une éthique du témoignage complémentaire de l'éthique compassionnelle classique en médecine ” - cette éthique du témoignage constituant même une spécificité du métier de médecin de travail [4].

Tiré à part : Pr GUEROUI S., Service de Médecine du Travail, CHU de Annaba Le journal de la médecine du travail - N°05 - 2001

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Obligé d'adopter une approche populationnelle, il prend conscience précocement ou jamais de l'importance du collectif de travailleurs et des groupes qui le composent. Voici une entité, le groupe, formé artificiellement pour les besoins de la tâche, mais souvent durable -groupe auquel l'opérateur individuel est appelé à s'intégrer pour raison de proximité d'espace, de similitude forcée des horaires de présence, de réalisation d'objectifs de travail, etc. Les relations et les communications - à titre interpersonnel, - entre petits groupes de travail, - avec les structures de décision et de direction, deviennent une dimension primordiale dans tout établissement de programmes de surveillance médico-environnementale. Mais cette dimension est encore souvent occultée malheureusement. Nous allons tenter de la mettre en perspective à travers deux modèles auxquels nous confronterons rapidement notre propre expérience de terrain. Le premier modèle est celui de Sainsaulieu R. [5]. Il détermine la propension pour les membres d'un groupe à aider l'autre en fonction de la qualité des relations en vigueur dans le collectif de travail. Placés sur un axe (du maximum de coopération au strict minimum), on obtient successivement quatre groupes : - Groupe fusionnel : forte solidarité, rapports amicaux ou affectifs. C'est le cas en général des ouvriers industriels et des catégories peu qualifiées ; - Groupe négociation : rapports plutôt amicaux, valeurs communes, échanges autour du métier et du savoir. C'est le cas des techniciens, des cadres et spécialistes de haut niveau ; - Groupe séparatiste ou affinitaire : relations restreintes et sélectives entre 2 à 3 sujets au plus; rapports entre collègues réduits mais intenses ; vie de groupe inconstructible car elle freinerait la mobilité professionnelle ; le travail est une valeur forte car c'est l'instrument d'ascension par excellence . C'est le cas des agents de maîtrise en recherche de promotion sociale, et de nombreux groupes d'employés du secteur tertiaire ; - Groupe retrait : relations très lâches ; le travail est accessoire car l'essentiel s'édifie hors de l'entreprise: c'est-à-dire la vie familiale, les loisirs, les implications associatives et communautaires. C'est le cas des salariés peu qualifiés à dominante étrangère comme nos émigrés en Europe par exemple. Le croisement de cette variable relationnelle à trois modalités avec l'autonomie au travail (atteinte ou non des objectifs assignés) permet de décompter alors six types distincts d'insertion potentielle (schéma 1). - L'intégration communautaire : Le contexte relationnel est marqué par une très forte solidarité ; le

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groupe intègre solidement l'individu qui adopte ses normes. Au demeurant, le vécu de cette intégration par le sujet n'admet aucune restriction, car il est au même niveau de compétence et d'atteinte des objectifs que ses collègues ; - L'assimilation fonctionnelle : Le partage de valeurs communes est moins important, mais il y a insertion à défaut d'intégration car il existe des échanges plus ou moins riches et un climat social plus ou moins coopératif; - L'accommodation individuelle : Le contexte relationnel est très pauvre mais l'insertion d'un sujet entièrement autonome est envisageable car le travail n'est qu'un moyen de se réaliser mais ailleurs ; - La protection solidaire : Le sujet est dépendant de ses collègues mais peut être intégré car le souci des membres du collectif est d'assurer la persistance et le renforcement du groupe ; - L'insertion fragile : Un contexte relationnel pauvre se rajoute à une dépendance dans le travail. Mais l'écoute est encore possible, notamment dans les petites unités ; - La mise à l'écart : La dépendance dans le travail et l'absence d'un minimum d'écoute entraînent un rejet inéluctable de la personne par ses collègues et sa hiérarchie. ATTEINTE (OBJECTIFS)

ACCOMMODATION INDIVIDUELLE

INTÉGRATION ASSIMILATION FONCTIONNELLE COMMUNAUTAIRE

MISE A L’ ECART

INSERTION FRAGILE

PROTECTION SOLIDAIRE

MOINS D’ AIDE

AIDE POSSIBLE (AFFINITAIRE ET NÉGOCIATION)

PLUS D’AIDE (FUSIONNEL)

NON ATTEINTE (OBJECTIFS)

Premier modèle d’insertion d’un individu dans un groupe de travail (inspiré de Sainsaulieu R. , 1985)

Dans une recherche récente sur les handicapés au travail dans des entreprises de Annaba, nous avons été amenés à définir l'insertion socioprofessionnelle de 467 sujets présentant l'un ou l'autre stade du processus du handicap (déficience, incapacité et désavantage). [6] Nous avons observé le type de l'intégration communautaire vis-à-vis de sujets assumant notamment des rôle administratifs.

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Nous illustrerons ceci par le cas d'une secrétaire paraplégique, en fauteuil roulant et qui, participant à l'établissement d'un bilan annuel, devait colliger et traiter des dossiers rangés dans des boîtes mises à un niveau hors de la portée d'atteinte de ses bras étendus et levés en l'air. L'ensemble de ses collègues de service a rapidement engagé des régulations structurales à son profit [7]. Régulièrement, l'une ou l'autre de ses camarades l'alimentait en boîtes de rangement et une fois les dossiers finalisés, les remettait à l'endroit approprié sur les étagères. La secrétaire a ainsi rempli ses missions et participé activement à l'excellent climat socioprofessionnel de son service. A l'inverse nous avons beaucoup observé le type de la mise à l'écart dans la catégorie formée par le personnel d'exécution. Nous illustrerons ceci par le cas d'opérateurs chargés d'alimenter à la pelle un cirque à soufre dans une industrie chimique de Annaba, étape préliminaire à la fabrication d'Acide sulfurique concentré et plus tard à celle d'engrais phosphatés. Le travail a des exigences physiques et une cadence assez élevées, notamment quand la production de l'unité doit atteindre certaines performances quantitatives. Tout travailleur déficient occasionnel ou définitif est irrémédiablement mis à l'écart par ses camarades. Il est marginalisé de différentes façons et inéluctablement poussé à l'absentéisme médical ou à la mutation vers un autre service.

Ceci se passe d'ailleurs avec la complicité plus ou moins agissante de la hiérarchie et la tolérance voire la bénédiction du médecin. Dernière remarque : L'axe vertical de ce premier modèle intègre l'atteinte ou non des objectifs assignés à l'opérateur. Or jusqu'à une date récente, pour beaucoup de secteurs et de catégories professionnelles en Algérie, aucun objectif n'est retenu, le travail affectant des dimensions de solidarité de la communauté envers tous sans distinction de production ou de rentabilité, de redistribution d'un salaire qui devient vite un acquis puis un droit inaliénable, etc. Moyennant ces réserves l'utilisation de cet axe peut s'avérer délicate dans notre cas d'espèce. Le deuxième modèle explicatif que nous vous proposons situe dans une perspective dynamique la problématique de l'intégration d'un sujet dans un groupe de travail (schéma 2). La combinaison des 2 variables fondamentales(R ou relationnelle, T ou technique) circonscrit toutes les insertions potentielles. Sous le point d'intersection de la bissectrice et de la courbe d'insertion, il y a rejet ou fort risque d'échec car le capital relationnel et fonctionnel ne sont pas suffisamment élevés. Sous le point médian, les potentialités d'insertion sont plus relationnelles car R>T. A l'inverse , au dessus de la médiane , l'insertion sera fonctionnelle car R<T. Le rejet sera quasiment nul quand on déplacera la courbe i le long de la médiane vers la courbe i' car les capitaux relationnel et fonctionnel seront suffisamment élevés pour obtenir un rapport R/T viable et garantir des chances supérieures d'insertion réussie.

Schéma 2 : Second modèle d'insertion, fonction des 2 variables relationnelle et fonctionnelle.

T I’

I

Insertion fonctionnelle Rejet

Insertion relationnelle

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R

T=capital fonctionnel R=capital relationnel I =courbe d'insertion I' = courbe d'insertion “ améliorée ”

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Nos propres observations du terrain depuis bientôt 25 ans nous démontrent qu'au sein de nos entreprises, nos décideurs et nos managers consentent beaucoup d'efforts sur l'axe technique. Des formations ciblées, des remises à niveau, des réactualisations à fort contenu fonctionnel sont organisées à l'intention de plusieurs catégories professionnelles. Par contre très peu (voire pas du tout) de formations autour du relationnel, de l'entreprise communicante sont tenues en Algérie. Un déséquilibre flagrant du fameux R/T en résulte et conditionne vers l'échec ou la réussite modeste les tentatives de se débarrasser des organisations pseudo-tayloriennes qui persistent dans nos entreprises.

Conclusion : Nous voudrions conclure en disant qu'en dernière analyse , la question n'est pas tant d'utiliser (le) ou de se situer par rapport à tel ou tel modèle explicatif aussi pertinent soit-il que de concrétiser sur le terrain les assertions de l'anthropologie culturelle du début de ce siècle et de l'ethnosémantique [8] qui disposent que chaque culture est unique et doit être comprise à partir de ses propres prémices, en dehors des règles et des valeurs dominantes de la société occidentale. Par ailleurs, nous souscrivons totalement au propos qui fait que “ la communication est technologique ou elle ne l'est pas ” (surtout dans les grandes entreprises) et qu'elle “ est installée dans un continuum qui va du noyau épistémique à la forme symbolique ” [9].

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Pour prendre date, je peux vous assurer que beaucoup d'équipes algériennes ont engrangé en santé au travail un capital expérience qui vaut le détour à l'occasion d'une rencontre scientifique de psychologie médicale.

BIBLIOGRAPHIE [1] ROURE MARIOTTI M.C. (1985), Psychopathologie et médecine du travail, Masson, Paris. [2] FISCHER GUSTAVE-Nicolas (1989), Psychologie des espaces de travail, Armand Colin, Paris. [3] SUNDSTROM E., SUNDSTROM M.G. (1986), Work Places : The Psychology of the Physical Environment in Offices and Factories, New York, Cambridge University Press. [4] CARRE A. (1997), Psychodynamique du travail et prévention des risques de l'organisation du travail pour la santé psychique.. Arch. mal. prof., 1997, 58, 292-293. [5] SAINSAULIEU R. (1985), L'identité au travail, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 2e éd., Paris. [6] GUEROUI S. (1996), Handicapés du travail : approche préventive et de prise en charge dans une unité industrielle de Annaba, Thèse D.E.S.M., Alger [7] SIX F., VAXEVANOGLOU X. (1993), Les aspects collectifs du travail, Octares, Toulouse. [8] CASSON R.W. (1981), Language, culture and cognition. Anthropological perspectives, Mac Millan pub, New York. [9] SFEZ L. (1990), Critique de la Communication, Editions du Seuil, Paris.

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LOMBALGIES

Les troubles de la statique vertébrale chez les chirurgiens dentistes Boumaza M. Chirurgien Dentiste Inspecteur D.S.P., Annaba.

Plusieurs études ont été réalisées sur la santé des Chirurgiens Dentistes au sujet des affections vertébrales, pour ne citer qu'entre autres : - 1959 : Création par la Fédération Dentaire Internationale d'une commission spéciale d'études sur la santé des Chirurgiens Dentistes - 1961 : Les maladies professionnelles du Chirurgien Dentiste (J. CHARON-J. RAULO) - 1969 : Maladies professionnelles du praticien et affections vertébrales (Dr BUCCHEIM) - 1971 : Fondation de la Société Française d'Ergopathologie - 1974 : la gymnastique adaptée aux Chirurgiens Dentistes :la gymnastique d'étirement. etc... Ces différents travaux ont permis de mettre en évidence statistique la fréquence et de la précocité d'apparition des troubles statiques. La première statistique préparée en 1964 en Angleterre par la British Dental Association a permis de mettre au point une enquête ayant porté sur une population de 2.288 praticiens hommes. Cette enquête a permis de relever que 70% des praticiens signalent des troubles locomoteurs. En 1972, une autre étude réalisée à Paris par J GUAREAU et G. LAUMOND sur 924 sujets a montré les éléments suivants: âgés de 34 à 45 ans, 48% des praticiens souffrent de douleurs vertébrales qu'ils rattachent à l'exercice de leur profession et seuls 20% s'estiment en bonne condition physique! L'enquête réalisée en 1999 durant les mois de Janvier / Février, au niveau du secteur sanitaire de

Annaba, avec la collaboration des Chirurgiens Dentistes a permis de mettre en évidence les faits suivants: sur un effectif global de 90 praticiens, 19 sont des praticiens hommes (soit 21% Hommes et 79% femmes). L'âge moyen étant de 39 ans avec une ancienneté moyenne de 12 ans et demi. Depuis 1970 la sensibilisation des praticiens au travail assis et l'élaboration par les constructeurs d’'ensembles de soins plus physiologiques ont permis de voir le pourcentage de praticiens, travaillant en position assise, plus que doubler. Au secteur sanitaire de Annaba: * 19 travaillent en position debout (32%) * 02 assis (3%) * 37 en position mixte (63%) L'éclairage du cabinet est insuffisant pour 23 praticiens ( dans 33% des cas) et le Scialytique fonctionnel (86%). L'acuité visuelle des praticiens est bonne (47%), plutôt moyenne (38%) et nécessite le port de lunettes (14%). Ils ne pratiquent aucune activité sportive (60% des cas) ou occasionnellement (25%).

A cuité visuelle

50% 45% 40% 35% 30% 25% 20% 15% 10% 5% 0%

Bonne

Hommes

1 Moyenne

Port de lunettes

Femmes

Tiré à part :

Dr BOUMAZA M., Chirurgien Dentiste Inspecteur DSP Annaba Le journal de la médecine du travail - N°05 - 2001

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Leur état général : ¨ 07 s'estiment en bonne condition physique (12%) ¨ 24 % présentent des douleurs vertébrales à type de cervicalgies. ¨ 44 % des dorsalgies. ¨ 60 % des lombalgies. ¨ 17% présentent des algies mixtes ou diffuses. ¨ 30 % des maux de tête fréquents. ¨ 68% de ces Chirurgiens Dentistes pensent que ces douleurs (d'apparition récente dans 61% des cas) sont rattachées à l'exercice de la profession. 60% ont déjà consulté un médecin, voire même un spécialiste (12%) avec 09 cas d'antécédents chirurgicaux dont 05 opérés pour des pathologies vertébrales. Au même titre que celles effectuées précédemment et pré-citées, cette étude nous montre indiscutablement que le Chirurgien Dentiste est exposé beaucoup plus tôt et beaucoup plus fréquemment que les autres professions, à des troubles vertébraux, avec précocité d'apparition des signes douloureux, rapidité de l'évolution, émaillée d'accidents aigus (torticolis, dorsalgo, lumbago, sciatique). la douleur s'accompagne de troubles statiques vertébraux et peut être directement rattachée à ceuxci. Comment peuvent alors se produire si précocement et si fréquemment ces troubles statiques? Ils résultent le plus souvent de la fixation d'une attitude vicieuse de travail. La fixation s'explique par le fait que les Chirurgiens Dentistes, en travaillant, conservent longtemps au cours de leur travail des positions nuisibles à leur statique vertébrale. Ces positions variant selon que le praticien travaille debout ou assis et selon la disposition de son ensemble (disposition du fauteuil, éclairage).

Fig 1

Rotation du rachis : Intervient aussi le facteur de rotation du rachis à droite qui permet au praticien de pouvoir travailler avec ses deux mains sur la bouche du malade. Il est donc nécessaire au praticien de faire une rotation du tronc vers la droite afin d'amener ses mains au niveau de la bouche du patient. (Fig. 2)

ETUDE DES POSITIONS DE TRAVAIL Inflexion latérale: En station debout unipode prolongée, le praticien doit avoir la jambe gauche libre afin de pouvoir accéder aux différentes pédales alors que la jambe droite, proche du fauteuil lui sert d'appui et lui permet de réaliser son équilibre en faisant passer l'axe vertical appliqué à son centre de gravité (centre déplacé à droite par l'inclinaison du thorax) par l'axe vertical de sa jambe droite. L'appui sur la jambe droite entraîne donc une bascule du bassin avec une aile iliaque gauche plus basse que la droite. L'articulation L5-S1 étant inclinée en bas et à gauche, la colonne vertébrale dessinera un grand axe scoliotique à convexité gauche. En outre, la flexion latérale sera d'autant plus grande qu'il existe un accoudoir à la droite du fauteuil .Cette attitude scoliotique à grand arc amène une dissymétrie dans les muscles para vertébraux car seuls les muscles gauches travaillent dans cette position. Elle sera à l'origine des douleurs musculaires de fatigue, et de la fixation de l'attitude vicieuse. (Fig. 1)

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(Fig. 2)

En station debout, cette rotation se fera avec la participation du train porteur, par simple avancée du pied gauche en avant et à droite. C'est donc une rotation globale sans participation rachidienne. En station assise, le praticien doit se trouver le plus près possible du patient pour limiter son inflexion latérale, mais avec les ensembles classiques, ses jambes buteront contre les montants du fauteuil et toute la rotation se passera alors au niveau du seul rachis, en particulier le rachis dorsal.

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Attitude cyphotique : La troisième position que devra prendre le praticien au cours de son travail est une attitude cyphotique, plus ou moins prononcée, qui lui permettra d'amener ses yeux à une distance optimale de la bouche de son patient. On conçoit immédiatement que cette attitude cyphotique dépende de plusieurs facteurs : ¨ Bon éclairage de la bouche du patient ¨ Acuité visuelle du praticien ¨ Taille du praticien Elle sera maximale dans la position de travail à la tête du patient allongé, dite aussi position midi. Cette position toutefois ne nécessite ni inflexion latérale, ni rotation du rachis. Elle est toutefois peu employée car fatigante à cause de la permanence de la cyphose et aussi pour des problèmes techniques, comme la nécessité d'une aspiration continue dans la bouche du patient. L'étude de l'attitude cyphotique conduit à considérer la station debout et la station assise. En station debout, les praticiens de grande taille seront très gênés par le fait que les fauteuils classiques ne montent pas assez haut. D'autre part, il est très fatiguant de travailler avec les mains plus hautes que les épaules. C'est une position qui favorise l'attitude cyphotique. En station assise, l'attitude cyphotique sera moins accentuée car les yeux du praticien se placent facilement face à la bouche du patient. La cyphose étant moindre, l'extension compensatrice de la tête le sera également. De plus l'appui antérieur sur la bouche du patient se fera plus facilement qu'en position debout. La station assise est donc à recommander pour les praticiens de grande taille.

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En conclusion : On peut donc avancer que le facteur déclenchant de l'attitude vicieuse du praticien, attitude qui aura tendance à se fixer par le fait que cette posture est maintenue pendant plusieurs heures, sera la bascule du thorax vers le côté droit. On pourra donc dégager de cette étude des attitudes du praticien que la station assise représente moins d'inconvénients que la station debout car elle entraîne moins de déformations vertébrales d'une part, et d'autre part, parce que le train porteur s'y fatigue moins, car il y est pratiquement au repos. Mais il faudra noter aussi que la position assise, entraînant une flexion des cuisses sur le tronc, provoque un redressement de la courbure lombaire, proportionnel à l'angle de flexion. Cette mise en cyphose lombaire prédisposera le Chirurgien Dentiste aux lombalgies aiguës ou chroniques et aux sciatiques. Est-ce que la CHIRURGIE est l’inéluctable destin du DENTISTE? Bibliographie: - GOEMINNE N., Scoliose et unit dentaire. Revue odonto-stom. 1970, 25 N° 99 p p163-169 - GUAREAU J., Trouble de la statique vertébrale et santé du praticien. Inform. Dent. (Paris) 1973, 55 N° 18, p p 39-41 - LAUMOND G., Algies vertébrales de posture des chirurgiens dentistes Chi.Dent (France) 1970, 40 N° 22 p p 26-28. - LAUMOND G.,Trouble de la statique vertébrale et pratique dentaire Thèse Paris, 1970 - LEHINGUE G., La fatigue visuelle du praticien en stomatologie Thèse Paris 1949.. - LEMOUROUX P., Affections du rachis et profession dentaire . Actualités odonto stomatologiques 1969, 23 p p 421-428 - MALENCON M., Les maladies professionnelles du chirurgien dentiste . Chir.Dent. France 1974, 44 N° 157 p p 81-84.

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FONCTION LABYRINTHIQUE …

Fonctions labyrinthique et visuelle chez des travailleurs de la production de peinture Tebboune C.B., Benrezkallah L., Fyad A. Service de Médecine du Travail, CHU Oran.

En vue d'estimer l'exposition dans l'entreprise de fabrication des peintures et d'évaluer la fréquence de la morbidité labyrinthique et visuelle des travailleurs exposés aux solvants, une étude transversale rétrospective a été réalisée. Après étude des conditions de travail et estimation de l'exposition aux solvants par la méthode des matrices posteexposition OMS/NIOSH, 189 travailleurs ont subi la passation de questionnaire portant sur les troubles de l'équilibre, un examen clinique orienté et des explorations fonctionnelles cochléo-vestibulaire et visuelles (dépistage de dyschromatopsies congénitales et acquises). On retrouve une forte exposition au niveau de l'atelier de fabrication des peintures colorées. La prévalence des troubles de l'équilibre avec ou sans vertige (37,8%) d'origine essentiellement vestibulaire périphérique et celle de l'atteinte visuelle (51,2% de dyschromatopsies acquises) dépistés semblent en rapport avec les conditions d'exposition. Mots-clés : Equilibre, Vertige, Vestibulopathie, Dyschromatopsie, Industrie, Peinture.

Introduction : L'information accessible au cerveau est entièrement tirée de l'activité sensorielle. Les diverses agressions, les sollicitations environnementales et les réactions physiologiques adaptatives peuvent altérer la fonction des organes et la capacité opérationnelle des travailleurs. Les fonctions neuro-sensorielles les plus touchées sont l'audition, la vision et l'équilibre. En particulier, les atteintes sensorielles liées aux toxiques seraient très fréquentes. L'audition a déjà fait l'objet de plusieurs travaux en Algérie; par contre, il existe peu ou pas de publications à caractère épidémiologique en rapport avec la morbidité vestibulaire et visuelle. De nombreuses nuisances rencontrées en milieu de travail, notamment physiques (bruit, vibration, chaleur,…) ont été identifiées. L'impact de celles-ci sur le vestibule apparaît en particulier dans l'étude américaine de KEYE K. et col. [8]. Dans une enquête portant sur le vertige en milieu de travail [7] menée en 1995 chez les travailleurs de la métallurgie, nous avons pû répertorier plusieurs facteurs physiques susceptibles d'entraîner une atteinte vestibulaire. En outre, de nombreux auteurs [3, 4, 5] ont incriminé d'autres nuisances, d'origine chimique qui pourraient avoir une toxicité sur le vestibule et sur le nerf optique. Parmi ceux-ci, les solvants occupent une place de choix. Les atteintes sensorielles se traduisent, en particulier pour le vestibule par des troubles de l'équilibre à type

de vertige rotatoire ou de sensation de déséquilibre, et par des dyschromatopsies acquises pour le nerf optique. Ces affections peuvent avoir des répercussions graves sur l'homme et sur la production. L'irréversibilité de l'affection vestibulaire, si la destruction cellulaire est importante ou le diagnostic est tardif, l'absence de traitement étiologique et les résultats aléatoires du traitement symptomatique nous incitent à envisager un dépistage précoce. Dans cette étude, nous nous sommes fixés comme objectif d'évaluer l'exposition aux solvants chez les travailleurs de l'industrie de la wilaya d'Oran et d'évaluer la prévalence de leur morbidité sensorielle labyrinthique et visuelle.

Matériel et méthodes: Il s'agit d'une étude exhaustive qui s'est déroulée au niveau d'une entreprise algérienne de production des peintures (unités ENAP/SIG et ENAP/ORAN). Notre population se compose de 119 travailleurs exerçant dans les ateliers de production de peinture et 70 travailleurs issus de l'administration de cette entreprise. Au total 189 travailleurs ont subi un premier questionnaire standardisé sur les troubles de l'équilibre. Les travailleurs ayant répondu positivement au premier questionnaire ont été convoqués pour subir un deuxième questionnaire plus détaillé portant sur les causes probables, les

Tiré à part : Tebboune C.B., Service de Médecine du Travail, CHU Oran

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Le journal de la médecine du travail - N°05 - 2001


circonstances de survenue des troubles de l'équilibre, les signes accompagnateurs auditifs, neurologiques et neurovégétatifs et les habitudes médicamenteuses (oto-toxiques, sédatifs) et alcoolotabagiques. Un examen clinique minutieux effectué avant la prise de poste et comportant un examen général, un examen vestibulaire spécifique (la recherche de nystagmus avec fixation et sans fixation sous lunettes de Frenzel, Romberg, marche aveugle, épreuve des index, épreuves doigt-nez, et épreuve de Fukuda), un examen neurologique, et un examen musculosquelettique, un examen otologique avec otoscopie et acoumétrie, un examen des yeux avec étude de l'oculo-motricité. Des examens complémentaires ont été réalisés pour explorer la fonction visuelle et auditive. Un examen au Visiotest Essilor à la recherche des troubles de la vergence, des tests de la vision des couleurs (Hishihara et petit Farnsworth) pour le dépistage des dyschromatopsies congénitales et acquises, une audiométrie tonale liminaire grâce à un audiomètre Interacoustics en cabine insonorisée ont été pratiqués.

ENAP/SIG). Ces unités comportent plusieurs ateliers dont un atelier de production des résines synthétiques, un atelier de production des peintures blanches et un atelier de production des peintures colorées. Les schémas 1 et 2 montrent les différents procédés avec les postes ou activités comportant un risque d'exposition aux solvants. C'est dans les ateliers de fabrication des peintures colorées que l'exposition aux solvants semble la plus forte. L'évaluation de l'exposition aux solvants réalisée grâce à la matrice poste-exposition OMS/NIOSH montre une forte exposition (grade 3) au niveau des postes de conditionneur, de laveur de cuve et d'empâteur où l'on utilise régulièrement du White Spirit et du toluène. BROYAGE FILTRATION

EMPATAGE *

DILUTION

P P

Critères d'exclusion / inclusion : dans la première étape de l'enquête, ont été considérés comme positifs tous ceux qui ont répondu par l'affirmative au premier questionnaire (présence de trouble de l'équilibre avec ou sans véritable sensation de déplacement du corps par rapport à l'environnement ou vice-versa). Dans une deuxième étape, nous avons considéré comme positifs tous les travailleurs chez qui un trouble de l'équilibre a été noté et chez qui nous avons décelé un syndrome vestibulaire (déviation axiale et segmentaire et la présence d'un nystagmus à la fixation ou sous lunettes.) Ont été exclus du cadre de cette étude les travailleurs qui présentent un faux vertige (sensation de plénitude ou de tête vide, syncopes, état de pseudo-ébriété, anxiété, hyperventilation), une ataxie cérébelleuse, une ataxie sensitive et un trouble de la marche (marche impossible, perturbée ou troublée). L'étude des conditions de travail a été réalisée lors de la visite des lieux de travail avec observation, interview et métrologie d'ambiance pour cerner les ateliers à risque. L'estimation de l'exposition a été réalisée grâce à l'élaboration des matrices posteexposition OMS/NIOSH. L'analyse statistique : Les données ont été saisies grâce au logiciel EPI-INFO pour calculer les paramètres de dispersion (moyenne, déviation standard, amplitude). Les différences de moyennes et les différences de fréquences observées ont été déterminées grâce aux test t de Student et au test du khi-deux (X2).

Résultats: 1- Exposition : Cette étude a été réalisée au niveau des deux principales unités de fabrication des peintures de la région de l'Ouest algérien (ENAP/ORAN,

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EMBALLAGE

CONDITIONNEMENT * * : exposition aux solvants P : pompe

Schéma 1: Procédé de fabrication de peinture

Par contre au niveau du poste de dilueur le risque est moindre car l'opération se déroule dans des cuves fermées où les produits utilisés arrivent par un système de canalisation. Au niveau de l'atelier de production des résines, ce sont essentiellement les opérateurs de filtration et les manutentionnaires qui semblent être les plus exposés.

ESTERIFICATION *

CHAUFFAGE + SOLVANTS H 20

Alcool + Acide

80° - 120°

RESINES Refroidissement DILUTION *

EMBALLAGE * : exposition aux solvants P : pompe

Schéma 2: Procédé de fabrication des résines synthétiques

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2 Morbidité sensorielle : Dépistage des troubles fonctionnels par questionnaire : Au total 70.8% travailleurs de la production de peinture ont été interrogés. Il s'agit de travailleurs de sexe masculin exerçant dans une industrie de la peinture. Les caractéristiques générales des deux groupes de travailleurs sont données au tableau 1. On ne note pas de différences statistiquement significatives entre les deux groupes de travailleurs touchés. Paramètres n Groupe Production Peinture 119 Administration Total

Sexe

70

M

Age (ans) X±DS 40.1 ± 8.5

X ± DS 12.4 ± 6.0

M

37.6 ± 8.4

13.1 ± 8.0

189

Tableau 1 : Caractéristiques générales des travailleurs ayant répondu au questionnaire

45 travailleurs parmi ceux de la production ont répondu par l'affirmative au premier questionnaire soit une prévalence de troubles de l'équilibre avec ou sans vertige rotatoire de 37.8% contre 10% pour les travailleurs de l'administration comme indiqué au tableau 2. La différence est hautement significative sur le plan statistique.

Signes Subjectifs Présence Absence Groupe Production Peinture 45 74 Administration

7

Total 119

63

70

Tableau 2 : Fréquence des signes subjectifs dans les deux groupes de travailleurs (X2 17,1)

Dans les deux groupes, la majorité des travailleurs se plaignent de vertige rotatoire pur comme le montre le tableau 3. Le déséquilibre est retrouvé dans 1/5 des cas chez les travailleurs de la production de peinture. Signes Subjectifs Groupe Production Peinture Administration

Vertige rotatoire 26

Déséquilibre

Mixte

Total

9

10

45

7

1

2

10

Tableau 3 : Répartition des travailleurs selon le type de signes subjectifs dans les deux groupes de travailleurs.

C'est dans l'atelier de production de peinture colorée que l'on rencontre le pourcentage des troubles le plus élevé (tableau 4). La comparaison des plaintes recueillies auprès des travailleurs des trois ateliers ne montre pas de différence statistiquement au seuil de 0.05 (X2 = 5.2). Si l'on compare les plaintes des travailleurs de l'atelier des peintures colorées, où l'estimation de l'exposition est la plus forte, aux travailleurs des autres ateliers la différence devient statistiquement significative au seuil de 0.05.

50

Signes Subjectifs Présence Absence Atelier Peinture colorée 26 27

Total 53

Peinture blanche

11

29

40

Résines

8

18

26

Total

45

74

119

Tableau 4 : Répartition des plaintes subjectives par atelier.

Les troubles de l'équilibre avec ou sans vertige ont été recueillis en majorité chez les travailleurs occupant les p o s t e s d e c o n d i t i o n n e u r, d ' e m p â t e u r, d e manutentionnaire et des opérateurs de filtration, de cariste (tableau 5). Ces troubles prédominent chez les travailleurs qui ont entre 10 et 15 ans d'ancienneté au poste de travail.

Signes Subjectifs Présence Absence Poste Conditionneur 16 21

Total 37

Empâteur

15

18

33

Broyeur

2

5

7

Dilueur

1

2

3

Coloriste

0

1

1

Manutentionnaire

4

15

19

Opérateur réacteur

0

5

5

Opérateur filtration

3

1

4

Laveur de cuve

0

2

2

Cariste

2

1

3

Agent de maîtrise

2

3

5

Total

45

74

119

Tableau 5 : Répartition des plaintes selon le poste de travail.

Etude clinique et fonctionnelle vestibulaire et visuelle : Pour mieux cerner le diagnostic d'atteinte vestibulaire, les travailleurs ayant répondu par l'affirmative au questionnaire ont été soumis à un examen clinique et à des explorations fonctionnelles comme indiqué cidessus. Au total, sur les 45 travailleurs ayant répondu positivement au questionnaire, 31 se sont présentés en consultation pour subir les explorations cliniques et para-cliniques, soit un taux de participation de 69%. Les caractéristiques de la population figurent au tableau 6. Il s'agit de travailleurs de la production de peinture, de sexe masculin dont l'âge moyen est de 39.0 ans avec des extrêmes allant de 28 à 52 ans. Ils ont une ancienneté moyenne au poste de 11.3 ans avec une amplitude de 8 à 19 ans et un niveau d'instruction ne dépassant pas le primaire pour la plupart d'entre eux (77%). La majorité d'entre eux ne boivent pas d'alcool (90%), ne consomment pas de drogues (90%) mais ont une consommation tabagique modérée à élevée dans 90% de cas.

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Paramètres

X ± DS

Minimum

Maximum

Age (ans)

39.0±6.5

28.0

52.0

Dyschromatopsie congénitale

4.9

95.1

Poids (Kg)

63.9±9.8

50.0

85.0

Dyschromatopsie acquise

51.2

48.8

Taille (cm)

173.2±6.9

159.0

193.2

Ancienneté (ans)

11.3±2.6

8.0

19.0

Tableau 6 : Caractéristiques générales des travailleurs exposés.

La majorité des travailleurs de la production de peinture souffrent ou ont souffert de vertige rotatoire pur ou de troubles de l'équilibre associés à un vrai vertige. Le début des plaintes remonte à 3.5 ans en moyenne avec des écarts allant de 3 mois à 8 ans. Dans la presque totalité des cas, l'évolution a été paroxystique et dans 10% des cas permanente. La fréquence moyenne des crises vertigineuses est de 7 par mois avec une prédominance (64% des cas) à une crise par mois. Dans 95% de cas la durée de la crise est inférieure ou égale à 15 minutes dans plus de la moitié des cas à moins de 5 minutes. La crise survient essentiellement en position assise (77%) et rarement en position couchée ou debout ou en mouvement. Dans la moitié des cas, ces troubles surviennent sur les lieux du travail. Cette situation oblige le travailleur à interrompre son activité pour se reposer dans un milieu aéré (95.4%) pendant une durée moyenne de 15 minutes. Le trouble de l'équilibre avec ou sans vertige se voit surtout dans toutes les tranches d'âge mais surtout entre 30 et 45 ans avec une plus grande prédilection pour la tranche 40 à 45 ans. C'est entre 10 à 15 ans d'ancienneté que l'on recueille le plus de plaintes (68.7%). Le classement par syndrome basé sur l'examen clinique et fonctionnel montre que le syndrome vestibulaire périphérique se retrouve dans plus de 2/3 des cas. La répartition selon les tranches d'âge montre une prédominance d'atteinte entre 30 et 45 ans. C'est chez les travailleurs qui ont entre 10 à 15 ans d'ancienneté au poste que l'on note le plus grand nombre d'atteinte vestibulaire, en particulier périphérique. Dans plus de 90% de cas, l'examen neurologique est normal hormis la présence d'une céphalée isolée (45% des cas). L'examen du facial et du trijumeau est normal chez l'ensemble des travailleurs investigués. Les examens audiométriques ont permis de détecter 7 syndromes cochléo-vestibulaires pouvant expliquer certains vertiges avec ou sans troubles de l'équilibre. C'est dans les postes empâteur et conditionneur que l'on dépiste le plus grand nombre d'atteintes vestibulaires (59%). L'exploration fonctionnelle visuelle a permis de déceler 10% de déficience visuelle (acuité de loin et de près) et 50% d'hétérophories (eso et exophories). Les troubles de la vision colorée dépistés se repartissent comme le montre le tableau 8. les dyschromatopsies acquises type axe bleu-jaune se chiffrent à 51.2%.

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Anomalies de la vision colorée Présence(%) Absence(%)

Tableau 7 : Répartition des anomalies de la vision des couleurs chez les travailleurs de la production de peinture.

Discussion : Le vestibule, organe du maintien de l'équilibre de l'individu, se distingue par sa situation particulière, sa structure anatomique et histologique spécifique et la complexité de ses connexions avec les autres organes sensoriels (vision) et proprioceptifs. Plusieurs études nationales [5,6] ou publications étrangères [1, 2, 4, 7] font état d'une prévalence élevée des troubles des fonctions neuro-sensorielles. En particulier, les travailleurs qui manipulent des solvants , présentent des atteintes sensorielles fréquentes [2, 3, 4]. Dans notre étude, nous avons trouvé une prévalence de 37.8% de troubles de l'équilibre avec ou sans vertige en rapport avec une atteinte vestibulaire essentiellement périphérique chez les travailleurs de la production de peinture exposés aux solvants. La fréquence de ces atteintes semble être en rapport avec les niveaux d'exposition retrouvés. La prédominance des troubles chez les conditionneurs, les empâteurs et les opérateurs de filtration va dans le même sens des niveaux d'exposition estimés par la matrice poste-exposition OMS/NIOSH. En outre, la survenue des troubles en milieu de travail et spécialement lors de la manipulation des solvants est un argument supplémentaire en faveur de l'exposition à ceux-ci. Dans une enquête prospective menée par questionnaire [6] et portant sur 344 travailleurs de la sidérurgie et de la métallurgie âgés de 40.1 ans en moyenne, nous avons trouvé une prévalence de 37.5%. Dans ce type d'industrie, les nuisances fréquemment recensées sont le bruit, les vibrations, la chaleur, les rayonnements, les toxiques (CO, solvants). S'il est bien établi que certaines nuisances (bruit, rayonnement non ionisant) peuvent engendrer des altérations vestibulaires ou visuelles, les effets sensoriels de l'exposition aux solvants fontencore l’objet de controverses. Par ailleurs, les effets de l’exposition simultanée à des nuisances diverses ("multinuisances") tels que solvants, bruit, pigments toxiques ne sont pas connus. Les pigments (plomb, cobalt) utilisés dans les colorants peuvent être incriminés dans les lésions vestibulaires. En particulier, c'est le cas du plomb responsable d'encéphalopathie caractérisée par des vertiges et un nystagmus en rapport avec une atteinte des noyaux vestibulaires. Si les résultats de notre enquête vont dans le même sens que ceux du japonais HIROHIKO U. & col (1994) [4] menés sur des travailleurs exposés à un mélange de solvants (avec prédominance du toluène), il ne faut cependant pas perdre de vue les limites de notre étude en raison du nombre de répondants lors de la deuxième étape du protocole.

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En outre, l'âge, la durée et les niveaux d'exposition, la consommation de drogues et les habitudes alcoolotabagiques sont des facteurs qui peuvent altérer les fonctions sensorielles. Dans notre étude, le tabac peut constituer un facteur de biais qu'il s'agira de démêler en comparant cas et témoins avec des échantillons plus représentatifs dans une étude en cours. Pour les troubles de la vision colorée, les résultats (62.0% de dyschromatopsie acquise) observés par cet auteur japonais nous semblent excessifs si l'on considère le fait que le test 15 Hue (petit farnsworth) ne permet de déceler que les déficits importants. Dans notre échantillon, 1/3 des cas de dyschromatopsies acquises dépistées par le test 15 Hue restent douteux et nécessitent une investigation plus approfondie par anomalscope ou le test 100 Hue (grand Farnsworth). La prévalence des dyschromatopsies congénitales retrouvée dans notre travail est inférieure à celle rapportée dans la littérature [8]. Dans la population masculine les dyschromatopsies acquises atteignent 8% contre 0.5% chez les femmes. L'effet de sélection dans une population de travailleurs nécessitant une aptitude spécifique intervient probablement.

Conclusion : Notre étude nous a permis de constater que les conditions de travail sont précaires au niveau de cette entreprise de production de peinture. Les niveaux d'exposition aux solvants estimés par la méthode des matrices poste-exposition OMS/NIOSH sont élevés dans les ateliers de production de peintures colorées. En outre, elle fait état de troubles sensoriels vestibulaires et visuels élevés pouvant être en rapport avec l'exposition.

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Il s'en dégage l'intérêt de pratiquer des dosages atmosphériques des principaux solvants utilisés dans cette industrie et de procéder à une surveillance régulière et spécifique de ses travailleurs. L'introduction, à titre systématique, de passation de questionnaire sur les troubles de l'équilibre et avec examen clinique sensoriel et neuro-comportemental et test de dépistage des troubles de la vision des couleurs (15 Hue) s'impose. Il faut enfin souligner l'urgence des mesures de prévention à mettre en place. BIBLIOGRAPHIE : 1- Martin Da Cunha H. & col. : Dépistage du syndrome de déficience posturale en médecine du travail, Archiv. Maladies Prof. Vol 54, n°8, 1993, pp. 667- 680. 2- MICHAEL J. & col. : Encephalopathy and vestibulopathy following short term hydracarbon exposure, Journal occupational Medicine vol. 31 n°1 A, pp.51-54, Jan 1989. 3- Lille F., A. Letinnier A. : Apport des techniques d'explorations fonctionnelles et d'imagerie. 18ème journées nationales de Médecine du Travail, Besançon, 1994. 4- HIROHIKO U. & col. : Occupational exposure to solvent mixtures effects on health and metabolism. Occupational and Environemental Medicine 1994, 51 : 523-529. 5- TEBBOUNE C.B., BENREZKALLAH & col : Syndrome de déficience posturale et aptitude au travail. Rencontre nationale de médecine du travail, 28, 29, 30 Déc. 1995. 6- BENREZKALLAH, TEBBOUNE C.B. & col : Vertige en milieu de travail. XVIIIème Journées Internationales Méditerranéennes de Médecine du Travail, 26-29 Avril 1995. 7- KILBURN K. & col. : Are Hearing loss and vestibular dysfonction, related, Journal occupational médecine. 8- Domont A., Gallen B. & col. : Perception colorée et trafic aérien, maritime et terrestre. Dépistage des dyschromatopsies en médecine du travail, Arch. Mal. Prof. 43, n°1, 1982.

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FORMATION CONTINUE

Le management de la santé, sécurité au travail et environnement NEZZAL Abdelmalek Service de Médecine du Travail, Annaba.

L'intégration de la gestion de la Santé, Sécurité au Travail et Environnement (SSTE), aux activités de toute la ligne hiérarchique, constitue un principe de la politique Santé, Sécurité au Travail et Environnement de l'entreprise. Des structures spécialisées assistent et soutiennent les programmes des différentes entités de l'entreprise en question.

Introduction : La présente introduction a pour but de définir les principaux termes utilisés dans le cadre de la Santé, Sécurité au Travail et Environnement, afin d'harmoniser la compréhension des concepts et d'en faciliter l'interprétation chez tous les intervenants. 1.1- Santé, Sécurité au Travail et Environnement (SSTE): Une distinction doit être faite entre la SSTE et les conditions de vie au travail afin de concentrer les efforts et les investissements sur les zones et les postes de travail à l'intérieur des ateliers (Ateliers couverts ou découverts), lieux où sont concentrés les risques et nuisances ainsi que les facteurs de pénibilité (physiques ou psychiques) pouvant altérer la santé des travailleurs (ouvriers, agents de maîtrise, techniciens et cadres) et constituer un danger pour leur sécurité (incidents et accidents du travail). Le domaine de la SSTE recouvrirait ainsi : - L'environnement de l'entreprise - L'environnement du poste de travail - La machine, les équipements, les outils de travail - L'interface entre l'homme et la machine - Le travailleur -Les annexes et autres lieux (réfectoires d'ateliers, vestiaires et sanitaires) - L'organisation du travail et la communication. Les facteurs de risques à identifier, évaluer, contrôler sont : - Les facteurs physiques : bruit, vibrations, rayonnements ionisants et non ionisants, ambiances thermiques, intempéries, etc. - Les facteurs chimiques : organiques et inorganiques - Les facteurs physico-chimiques : poussières et autres particules

- Les facteurs ergonomiques : horaires de travail, charges physiques et psychiques, etc. - Les facteurs sécuritaires : facteurs augmentant le risque de survenue de chutes, de brûlures, d'électrocution , etc. Les prestations directes à développer sont : - L'Hygiène industrielle - La Sécurité du Travail - La Médecine du Travail - La lutte contre la Pollution de l'environnement - L'information et la Communication Les Prestations contributives sont : - La Qualité -La Maintenance, le renouvellement et la modernisation des installations - Les Méthodes et les études techniques - Les Finances - Les Achats - Le Commercial - Les Ressources humaines et la Formation. L'amélioration de la SSTE a pour finalité la p r é s e r v a t i o n d e l ' H o m m e a u Tr a v a i l , d e l'environnement, de l'outil de production ainsi que la production performante. Cette amélioration passe par le respect des Textes et Règlements en vigueur. La promotion de la SSTE vise à réduire les niveaux d'exposition aux risques et non à accorder des primes de risque. 1.2 Lésion professionnelle: Le terme lésion professionnelle est utilisé pour désigner toute maladie, tout traumatisme, toute atteinte organique ou toute blessure dont l'existence est attribuable, en tout ou en partie, à des facteurs de risque présents dans le milieu de trava l de la

Tiré à part : Pr NEZZAL Am., Service de Médecine du Travail, CHU de Annaba Le journal de la médecine du travail - N°05 - 2001

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personne affectée. 1. 3 Dommage matériel: Un dommage matériel est une altération de toute installation, tout moyen de production, tout objet, tout matériel, tout outil ou tout équipement, altération telle qu'elle gêne ou empêche son utilisation, réduit son utilité ou nécessite des réparations ou la mise au rebut. 1. 4 Arrêt de production: Il faut entendre par arrêt de production tout arrêt non programmé d'un process, pouvant entraîner la mise à l'arrêt forcée des installations concernées ou l'arrêt des étapes ou process suivants. 1. 5 Accident: Un accident survient lorsqu'il y a rencontre fortuite, dans le temps et l'espace, d'un certain nombre de circonstances propices, susceptibles de causer des lésions professionnelles, des dommages matériels, des arrêts de production ou n'importe quelle combinaison de ces conséquences indésirables. Cette définition n'est pas aussi large que celle “ d'événement indésirable ” ou celle de “ dysfonctionnement ” en ce qu'elle exclut des événements tels que grèves, ralentissements volontaires de production et autres moyens de pression, vol ou sabotage, qui ont des causes conceptuellement différentes. 1. 6 Facteur de risque: Sont des facteurs de risque toute condition, tout contaminant, toute circonstance, toute anomalie ou tout dysfonctionnement contribuant à accroître la probabilité de survenue d'une lésion professionnelle, d'un dommage matériel ou d'un arrêt de production. 1. 7 Situation à risque: Une situation à risque est une situation de travail dans laquelle se retrouvent un ou plusieurs facteurs de risque. 1. 8 Situation dangereuse: Une situation dangereuse est une situation à risque, dans laquelle le ou les facteurs de risque sont tels que la probabilité de survenue d'une lésion professionnelle, d'un dommage matériel ou d'un arrêt de production est très élevée. 1. 9 La sécurité du travail: La sécurité du travail se définit comme l'absence (relative) de risques d'accident. 1. 10 Prévention des risques professionnels: La prévention des risques professionnels est une démarche systématique qui vise à identifier les facteurs de risque, les évaluer, les corriger, les minimiser ou les neutraliser avant qu'ils ne contribuent à produire une lésion professionnelle, un dommage matériel ou un arrêt de production. Les activités d'identification des facteurs de risque sont les suivantes : examens médicaux, statistiques,

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enquêtes et analyses d'accidents, relevés d'hygiène industrielle, inspection planifiée des lieux de travail, observation planifiée des méthodes de travail, études ergonomiques des postes, analyse des tâches critiques. Les activités de correction des facteurs de risque sont les suivantes : interventions organisationnelles (politique, supervision, organisation du travail), entretien préventif, tenue des lieux, correctifs matériels (protecteurs collectifs, ventilation, encoffrement, conception, reconception ou modification des machines, outils, postes, procédés, matériaux et matières premières), procédures sécuritaires de travail et procédures, équipement de protection individuelle, formation et information, sélection et assignation. 1. 11 - Prévention: Tous les programmes visant à la promotion des conditions de travail. 1 . 12 Gestion de la SSTE: La gestion de la SSTE est un ensemble systématique de fonctions ayant pour but d'agencer les activités liées aux conditions de travail d'une façon adéquate. Ses principales composantes sont la planification (définition des objectifs, fixation des priorités, définition des programmes et activités, identification des ressources humaines, matérielles et financières, détermination des critères de performance et de l'échéancier), l'organisation (attribution des responsabilités et des tâches, définition du processus, de ses mécanismes et de ses outils), la direction (supervision et coordination du déroulement des activités, formation et information des intervenants impliqués) et le contrôle (suivi des actions, évaluation de la performance, et correctifs). 1. 13 Politique : Une politique est un document qui officialise les intentions des instances supérieures d'une entreprise ou d'une usine sur un sujet 1.14 - Un programme-cadre: constitue le canevas de fond dont devront s'inspirer tous les programmes particuliers ou spécifiques élaborés sur le même sujet ou dans le même domaine de préoccupation. Le programmecadre établit les valises des autres programmes par des objectifs généraux. 1.15 Programme: Un programme est un ensemble cohérent d'activités articulées autour d'un but commun (l'objectif général) et répondant chacune à l'un ou plusieurs des éléments (les objectifs spécifiques) nécessaires à l'atteinte du but. En plus des objectifs et activités, le programme comprend également une organisation et une répartition des tâches, une définition des moyens humains, matériels et financiers nécessaires, un échéancier, la définition des mécanismes d'évaluation et de contrôle de même que les indicateurs opérationnels sur la base à mesurer le degré d'atteinte des objectifs.

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1.16 Prestations: Ensemble d'activités contribuant directement ou indirectement à un objectif donné. 1.17- Responsabilités: Une responsabilité se définit de deux façons. Premièrement, c'est un mandat (comportant implicitement des activités et des tâches) qui est confié par une instance d'un niveau donné à une instance subordonnée. L'instance qui confie le mandat doit également confier les moyens de le réaliser. La définition des activités et tâches pour accomplir le mandat se fait normalement par la voie d'un programme. Deuxièmement, du fait même qu'un mandat est confié, s'instaure pour la personne ou l'instance mandataire la nécessité de rendre des comptes sur sa réalisation, sur l'atteinte des objectifs, sur les résultats obtenus, et sur l'utilisation des moyens. Cette nécessité de rendre des comptes est le deuxième volet de la définition d'une responsabilité. 1.18 Tâche: Une tâche est un geste, une action ou une partie d'activité nécessaire pour la réalisation d'un mandat. Ce geste, cette action ou cette partie d'activité requiert un caractère obligatoire, lorsqu'ils sont spécifiquement identifiés dans la définition des responsabilités ou dans le programme concerné. 1.19 Activité: Une activité est un ensemble complet et cohérent de gestes à accomplir pour l'atteinte d'un objectif spécifique.

2 Enoncé de principes en SSTE:

favorables possibles. Pour ce faire, l'entreprise se dote du présent programme-cadre et définit les principales responsabilité de tous les intervenants en cette matière. 2.5 Les principes sur lesquels reposent la présente politique sont les suivants : 2.5.1 La SSTE est une responsabilité majeure de tous les niveaux de direction, cadre et maîtrise. 2.5.2 La SSTE a une importance égale à celle de la production, de la qualité, des coûts et de la gestion des ressources humaines. 2.5.3 Puisque c'est au niveau de l'activité de production que les risques sont présents, c'est à ce niveau que doivent se dérouler les activités de promotion de la SSTE. 2.5.4 La SSTE fait donc partie de toutes les grandes fonctions d'exploitation de l'usine (achats, entretien, planification, ingénierie, production, expédition, gestion). 2.5.5 Une politique doit fournir un cadre global permettant d'harmoniser les efforts de tous les intervenants, en matière de prévention, cadre permettant également d'élargir et de systématiser les meilleures initiatives et activités tant nouvelles que déjà existantes en matière de SSTE.

3 Objectifs du programme cadre: Conformément à ces principes, l'entreprise adopte un programme-cadre dont les objectifs sont les suivants : 3.1 Se conformer aux exigences des lois et règlements en matière de SSTE.

Ces principes peuvent être formulés ainsi: conscient des torts inestimables que causent les maladies professionnelles, les incidents et accidents du travail au niveau du capital humain, des ressources matérielles et financières et de la capacité de production, l'entreprise reconnaît qu'il est de sa responsabilité de prendre, dans la mesure du possible, toutes les mesures ayant trait à la SSTE pour :

3.2- Se doter (concevoir, construire, aménager, faire construire) des installations et équipements qui soient au moins conformes aux exigences légales, normatives ou réglementaires, les plus strictes (soit celles en vigueur en Algérie, soit celles en vigueur dans le pays d'origine, soit celles de l'Entreprise).

2.1 Protéger la santé physique et psychologique, la sécurité et l'intégrité physique de toutes les personnes sous sa dépendance.

3.3 Prévenir les accidents, incidents, blessures, maladies, pertes matérielles de tous genres dans l'exploitation et l'entretien des ateliers.

2.2 Réduire, contrôler, limiter, neutraliser ou éliminer les risques d'accidents ou de maladies de façon à minimiser ou enrayer les dommages matériels, les lésions professionnelles, les pertes de production et financières qui s'en suivent.

3.4 Prévenir la pollution de l'environnement en réduisant, contrôlant ou éliminant les rejets de déchets solides, gazeux ou liquides.

2.3 Limiter ou enrayer l'émission dans l'environnement de substances polluantes ou nocives résultant de ses activités de production. 2.4 Fournir à tous des conditions de travail les plus

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3.4 Fournir à tout le personnel des conditions de travail sûres, salubres et exemptes de tout danger. 3.5 Concevoir, rendre opérationnelles et coordonner toutes les activités préventives visant à détecter et corriger les facteurs de risques, assurer le suivi de ses correctifs et gérer l'ensemble de la démarche préventive.

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3.6 Engendrer et maintenir chez tout le personnel à tous les niveaux un souci constant de leur responsabilité individuelle et collective pour un milieu et des méthodes de travail sans danger. 3.7 Se doter de personnel compétent en prévention pour aider le personnel de direction et de gestion dans sa prise en charge de la SSTE, et d'une organisation structurelle permettant d'atteindre cet objectif. 3.8 Se doter d'une politique pour les principales fonctions contribuant à la SSTE : achats, ressources humaines, maintenance et autres.

Définition des responsabilités: L'atteinte des objectifs généraux passe par le développement, le caractère opérationnel et le contrôle d'un programme efficace. Pour être efficace ce programme requiert la participation active de tous les niveaux hiérarchiques et tous les travailleurs. Il faut donc que chaque personne assume pleinement ses responsabilités .

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Les responsabilités à définir sont celles du Directeur, des responsables d'atelier, des chefs de service, chefs d'équipes, des travailleurs, des structures fonctionnelles comme la CHS et des professionnels de la SSTE.

CONCLUSION: Cette approche managériale de la SSTE est originale dans le contexte de la culture d'entreprise en Algérie. Elle a pour avantage d'attirer l'attention sur le fait qu'il s'agit d'une fonction à valoriser impérativement, en lui appliquant les mêmes règles et les mêmes démarches que toutes les autres fonctions. BIBLIOGRAPHIE: 1- PERUSSE M., Notes de cours en santé, sécurité au travail. Université Laval Québec 1987. 2- BSI-OHSAS 18001 occupational Health and safety management system 3- BS 8800 - 1996 Guide des systèmes de management de santé et sécurité au travail.

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FORMATION CONTINUE

Les techniques d'identification de l'accident du travail: quelle place font-elles au facteur humain? Gueroui S., Tourab D. Service de Médecine du Travail, Annaba

Le texte qui suit constitue la formalisation écrite d'une communication orale au Séminaire International sur la sécurité industrielle et l'environnement dans le secteur des hydrocarbures (Hassi Messaoud, octobre 2001).

L'accident de travail est un révélateur des dysfonctionnements survenus en situation de travail. Les chiffres qui en rendent compte sont en augmentation constante. Cependant tous s'accordent à en reconnaître la sous-déclaration manifeste. Ces limites tiennent pour partie aux termes de la définition légale algérienne ( "Est considéré comme accident de travail tout accident ayant entraîné une lésion corporelle imputable à une cause soudaine, extérieure, et survenu dans le cadre de la relation de travail") comme le disposent les articles 6 et suivants de la loi de juillet 1983. Son caractère semble réducteur et peu opérationnel. Pour des fins de prise en charge des conséquences de l'accident il s'agit d'envisager des concepts permettant la mise en route d'actions de prévention et de maîtrise. Dans cette perspective nous entendons par accident la rencontre fortuite dans le temps et l'espace d'un certain nombre de circonstances propices à causer des blessures, des dommages matériels ou les deux à la fois. Ceci dessine trois entités (Fig. 1): - les circonstances propices (facteurs, antécédents, "causes") que peut prendre en charge un programme de prévention; - La rencontre fortuite (fait accidentel) dont la réalisation implique la mise en place de procédures valides et efficaces d'un programme de protection; - Les conséquences indésirables (blessures, dommages divers) auxquelles répondent les programmes de réparation, d'intervention appropriée et de mesures d'urgence. L'accident de travail trouve sa place dans une démarche préventive pour : - déclencher des Techniques d'identification des problèmes ( propos de notre intervention );

choisir le mode d'intervention adéquat ( à la source des risques; entre la source et les travailleurs; auprès des personnes exposées; ou une combinaison de deux ou plusieurs de ces modes ); - implanter la (es) solution (s) adoptée(s) sur le terrain; - effectuer un suivi régulier des programmes. Les Techniques d'identification sont de plusieurs natures (Fig. 2): descriptives analytiques préventives postérieures à la survenue de l'accident En les croisant, nous obtenons (Fig. 2): l'inspection des lieux de travail (générale ou spécifique; avec ou sans thème); les statistiques ; l' "arbre des causes" ; l'analyse sécuritaire des tâches ; l'ergonomie. Chacune de ces techniques comporte à l'évidence des avantages et des aspects critiquables; elles font une part inégale au facteur humain. Nous allons en débattre sommairement pour la mise en exergue de cette dernière condition. 1/- L'inspection des lieux de travail se propose de détecter les risques potentiels dans la situation de travail pour y remédier avant que ne se produisent les accidents. Selon sa nature (générale ou spécifique; avec ou sans thème ) elle est réalisée par des experts (exemple: personne chargée d'émettre les permis de procéder; responsable de la sécurité; contremaître; spécialistes divers, etc.). La tentation ici est forte pour ces "inspecteurs" de s'ériger en détenteurs du savoir de la sécurité et

Tiré à part : Pr GUEROUI S., Service de Médecine du Travail, CHU de Annaba

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Circonstances Circonstances propices propices

Prévention Prévention

Rencontre Circonstances fortuite propices

Conséquences Circonstances indésirables propices

Protection Protection

Urgences Urgences Réinsertion Réinsertion Réhabilitation Réhabilitation

Fig. 1: Définition opérationnelle de l'accident du travail

Avant

Après

Inspection

Statistiques

Descriptives

Analytiques

Analyse sécuritaire des Tâches Ergonomie

Enquête Et analyse

Fig. 2: Les différentes techniques d'identification

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d'employer les opérateurs comme effecteurs de consignes des systèmes experts destinés à gérer la prévention de façon systémique et globale. Cette technique peut au contraire devenir une occasion d'apprentissage collectif et de prévention intégrée si l'opérateur est pris comme le véritable expert du travail, l'objectif ultime de la prévention et son réel instrument de validation. Ceci rejoint les approches actuelles qui s'accordent à dire que dans les systèmes complexes comme les hydrocarbures, plus l'automatisation est poussée plus les tâches dévolues à l'homme sont cruciales. Les divers accidents dans le nucléaire, l'aviation ou la pétrochimie nous enseignent que le système complexe ne fonctionne que rarement de la façon prescrite, l'environnement étant par essence imprévisible. Les dysfonctionnements y deviennent la règle dans la tâche réelle. L'objectif réaliste alors n'est pas tant de les empêcher que de les maîtriser. Cette maîtrise, cette compétence devient par excellence le rôle de l'opérateur humain. L'organisation du travail envisagera le recours à des techniques mais fera la part belle au vécu de l'homme, à son droit à l'erreur qui sera positivé. Dans ce sens l'inspection des lieux de travail devient un moment de construction de solutions réalistes et collectives dans la prévention de l'accident de travail. 2/- Les statistiques produisent des indicateurs (fréquence, gravité) faciles à manipuler et à évaluer. Leur inconvénient est de réduire l'homme à une réalité virtuelle, une donnée informatique. De plus elles évaluent la situation du point de vue accidents et non de celui opérationnel des mesures de prévention. Elles tiennent compte uniquement des accidents avec blessures et perte de temps et non du lot quotidien de l'entreprise: blessures mineures, incidents, etc. Elles restent inadaptées aux secteurs où l'occurrence des événements enregistrés est rare (secteur tertiaire). Le recentrage de cette technique vers le facteur humain passe par une redéfinition des objectifs en la matière. On peut envisager ainsi alimenter les bases de données statistiques par le nombre de traitement des premiers soins fournis par l'infirmerie au cours d'une période convenue (jour ou semaine), par les indices de mesure des performances des activités de prévention sans attendre que les blessures soient subies par les travailleurs ( technique de l'incident critique, Safety Audit, échantillonnage du comportement des travailleurs) 3/- La technique de l'enquête et analyse (arbre des causes) de l'INRS français est une approche systémique. La recherche des faits et la reconstitution logique des événements supposent de mettre un accent important sur le facteur humain comme source d'information. Toute action corrective de rupture des liens entre les événements incidentels implique que l'accident ne pourra plus se reproduire dans les mêmes conditions et revêt de fait une dimension préventive. Outre le fait qu'elle caricature une réalité de terrain,

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surtout dans les systèmes complexes, certains lui reprochent de laisser en place beaucoup de conditions non traitées qui, recombinées autrement , pourraient se traduire par un accident proche du premier. Sous nos latitudes, on agit souvent sur les causes humaines et très peu en amont c'est-à-dire sur le facteur organisationnel et le milieu. 4/ L'analyse sécuritaire des tâches part de critères pour choisir la (es) tâche(s) à analyser. Les tâches et moyens utilisés garantissent l'objectivité, la comparabilité des résultats et la valeur des déductions. Les étapes successives ne peuvent s'accommoder d'une négligence du facteur humain. En effet le choix de l'ouvrier avec qui construire et mener l'analyse est essentiel : sa coopération active et les explications de la démarche et du contenu de l'analyse sont un gage de pertinence et de réussite. En bout de course, si l'analyse est menée sans vices méthodologiques : - on redéfinit et on implante une tâche plus sécuritaire et des méthodes de travail améliorées ; - le responsable a une meilleure connaissance de la tâche réelle et une communication plus riche avec les opérateurs ; - les travailleurs manifestent un intérêt plus grand pour leur tâche ; - on obtient dans le cadre des activités de prévention, un instrument de travail efficace ; - on diminue les accidents. Mais cette technique nécessite un investissement au départ, recourt parfois à des équipements d'analyse spécifiques , impose une collaboration active et « négociée » avec l'opérateur comme elle en dérange certains. 5/ L'approche ergonomique est multidisciplinaire, globale et participative. Elle érige l'opérateur en véritable source du savoir technique et de la sécurité de son propre travail ; elle en fait la source de validation des solutions construites souvent collectivement. Si les demandes sont consensuelles entre les différents partenaires socioprofessionnels en matière de prise en charge des accidents de travail, elle peut contribuer à améliorer les performances de sécurité industrielle. Elle s'inscrit d'emblée par ses dimensions psychosocio-économiques dans les courants de recherche qui mettent le facteur humain au premier chef de leurs préoccupations. Au total, une technique quelconque ou son usage ne peut constituer une finalité ; comme elle ne peut prétendre épuiser à elle seule les possibilités d'action ou supplanter la batterie des autres moyens d'analyse et d'intervention. Mais les techniques les plus achevées et les plus actuelles en matière d'identification des accidents de travail sont celles qui partent de l'homme acteur et non objet au travail et qui visent à garantir son intégrité et promouvoir sa qualité de vie au travail.

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Organes de la Société Algérienne de la Médecine du Travail (SAMT)

Bureau de la SAMT

Président : Pr. BOUKERMA ZIADI – CHU Sétif Secrétaire général : Pr. GUEROUI SAID – CHU Annaba Trésorier : Dr. BENAISSA – Sidi BelAbbes Vice-Présidents : 1 VP : Pr. SEMID A. – CHU Alger e 2 VP : Pr. TEBBOUNE C.E.B. – CHU Oran e 3 VP : Dr. BENREZKALLAH e

Membres : Dr. HADDAR – Alger Dr. OULED ZAOUI – Hassi Messaoud

Secrétariat de la Société Algérienne de Médecine du Travail Service de Médecine du Travail CHU Annaba Tél. : (213-038)86.32.18 Fax : (213-038)86.56.86 Email : nmalek@ifrance.com

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Liste des auteurs du présent numéro : ABBASSENE.S. AHMED NACER B. BENALI R. BENHADDAD K. BENREZKALLAH L. BOUKERMA Z. BOUMAZA M. CHERKASKI H. DEGHDEGH K. DJABOURABI M. FYAD A. GHARBI M. GUEROUI S. HASSAD S. KALLOUFI F. KHAZNADJI L. LABIOD H. MALLEM H. NEZZAL ABDELMALEK NEZZAL AZ REHAMNA K. SOUKEHAL A. TEBBOUNE C.B. TOURAB D. ZERIZER K P

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Annonces de congrès Espace réservé à la publication des annonces de congrès, colloques ,symposium , séminaires dans le domaine de la santé au travail. Lombalgies & Travail 18 janvier 2002 Lombalgies et Travail : pour une stratégie consensuelle. 18 janvier 2002 Journée thématique de la Société Française de Médecine du Travail organisée conjointement avec la Société Française de Rhumatologie. Renseignements et inscription : mocom@margauxorange.com. Tél. : 01 42 21 15 25. Fax : 01 42 21 15 55. ANMTEPH : XXXVIIIèmes Journées Nationales de Formation des Médecins du Travail du Personnel des Etablissements de santé Publics ou Privés, les 22,23 et 24 MAI 2002 Congrès d'épidémiologie et de santé au travail BARCELONA 11-13 septembre 2002 XVIème congrès mondial sur la santé et sécurité au travail 26-31 mai 2002 VIENNE Date : 26 au 31 mai 2002 Lieu : Vienne Autriche Organisateurs : · Caisse d'assurance accidents autrichienne · Fédération des institutions d'assurance sociale d'Autriche · Association internationale de la sécurité sociale (AISS) · Bureau international du Travail (BIT) Secrétariat du congrès : · Allgemeine Unfallversicherungsanstalt · Kongressbüro · Adalbert-Stifter-Strasse 65, A-1200 Vienne, Autriche · Tél. (+43 1) 33 111 537 · Fax (+43 1) 33 111 469 · E-Mail: safety2002@auva.sozvers.at · Site web : http://www.safety2002.at/ Langues : Allemand, anglais, espagnol, français (Une interprétation simultanée sera assurée pour toutes les séances, sauf mention contraire) Thèmes : · Nouvelles technologies, nouvelles formes d'organisation du travail nouveaux enjeux pour la santé au travail · Méthodes, démarches et instruments de la prévention · Evaluation des risques, résultats et mise en œuvre · Démarches actuelles en matière de qualification · Information et communication

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· Systèmes de management de la prévention · Aspects politiques et institutionnels de la prévention · Répartition des tâches entre l'Etat, les organismes sociaux à gestion paritaire et le secteur privé; rôle de l'Etat en matière de contrôle et d'assistance aux entreprises · Relations entre assurance sociale et prévention · Systèmes de prévention de conception nationale dans le contexte de la mondialisation de l'économie · La prévention dans les PME La prévention dans les pays en développement Journées Nationales de médecine du travail Grenoble 2002 Afin de donner votre avis sur les sujets proposés pour les Journées Nationales de Grenoble en 2002, voir : http://medecine-sante-travail.com

27e Congrès International de la santé au travail, (27e ICOH), Brésil 2003 Thème : « L'enjeu de l'équité en santé et en sécurité au travail »

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L’actualité, La formation médicale, L’information en médecine de travail est dans le

BULLETIN OFFICIEL DE LA SOCIÉTÉ ALGÉRIENNE DE MÉDECINE DU TRAVAIL - S.A.M.T. -

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TARIF DES ABONNEMENTS 1 AN (03 NUMEROS) /500,00 DA (Frais d’envoi inclus) N.B. TRANSMETTRE UNE COPIE DU CHEQUE OU DU RECEPISSE DU MANDAT AU SECRETARIAT DE LA S.A.M.T. SERVICE DE MEDECINE DU TRAVAIL C.H.U. ANNABA Hôpital Ibn Sina ANNABA 23.000 Fax. : 038.86.56.86

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Adressé à l’ordre de : LA SOCIETE ALGERIENNE DE MEDECINE DU TRAVAIL (SAMT) N° COMPTE BANCAIRE : BEA N° 6550— 0— 46 C

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