magazine artistes suisses

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Atelier O誰 Lars M端ller Esther Brinkman

MADE IN SWITZERLAND


2 « C’est la somme de tous nos projet - grands ou petits - qui fait de l’Atelier Oï ce qu’il est » souligne Louis.

Atelier Oï, La Neuveville, BE Aurel Aebi *1966, Patrick Reymond *1963, Armand Louis *1966 www.atelier-oi.ch Formation Aurel Aebi, Patrick Reymond: Architectes, Ecole d’architecture Athénaeum, Lausanne; Armand Louis: constructeur naval Clients Ikea; Hidden; Belux; Röthlisberger; Wogg; Swatch Group; Expo.02. Distinctions Atu Prix, Kanton Bern, 1998; Europäischer Musuemspreis, 2001; If Design Award, Product Design, 2003; Design Plus, Frankfurt, 2004. Texte: anna Schindler Photos: Carmela Odoni


Atelier Oï

Leur nom en soi tout un programme. L’Atelier

borateurs varie entre onze et quinze. Ceux-ci 3

Oï, dont le nom est constitué des deux voyelles

ne souhaitent pas être considérés comme des

de la syllabe initiale du mot troïka, un traîneau

Suisses romands ou des Suisses alémaniques,

attelé à trois chevaux, est dirigé par un trio

et refusent que leur travail soit confiné à l’ar-

formé des architectes Aurel Aebi et Patrick

chitecture ou au design. La recherche du non-

Reymond, et du constructeur naval Armand

disciplinaire n’a cependant rien à voir avec le

Louis. Ils marient architecture et design à la

processus moderne de l’échantillonnage qui as-

perfection. La diversité de leurs projets en té-

socie des éléments transposables empruntés

moigne : ils conçoivent aussi bien des chaises

ici et là. Concilier les différentes professions,

et des canapés, que des tables et des lits. Ils

de même que des univers et influences variés

construisent également des cabanes de pê-

s’avère un exercice de corde raide qui exige

cheur, des maisons familiales, des musées, et

une approche méthodique.

même des tentures pare-soleil. Un café Inter-

Les trois partenaires, Reymond, Aebi et Louis,

net réalisé à Tokyo pour le Groupe Swatch, des

s’attaquent architecturalement aux problèmes

boutiques à Cannes et à Porto Cervo en Sar-

de design et conçoivent leurs bâtiments comme

daigne ainsi que l’ambitieuse fabrique de bijoux

s’il s’agissait de grands meubles. Les études

« Dress your Body » près de Neuchâtel portent

du trio bénéficient toutes de l’emploi expéri-

tous leur signature. En collaboration avec le

mental et ludique de matériaux soigneusement

groupe d’architectes « Multipack », ils ont éga-

classés et répertoriés : « Nous nous engageons

lement créé l’Arteplage de Neuchâtel avec ces

dans une démarche d’analyse organique des

trois « plates-formes en galets » dans le cadre

matériaux » déclare Aurel Aebi. « Par le biais

de l’Exposition nationale Expo.02.

de diverses expériences, nous tentons de trou-

C’est en 1997, grâce aux études réalisées pour

ver, pour chaque matériau, quel usage est le

Ikea, qu’ils percent au niveau international. La

moins habituel. » Le meuble de rangement mu-

genèse de cette collaboration reflète l’attitude

ral pour Ikea n’a, par exemple, été créé que

de l’Atelier Oï qui se démarque de ses concur-

lorsque ses auteurs ont constaté à quel point

rents en empruntant des voies inhabituelles :

le PET était malléable. Pour ce qui est des pla-

les premiers liens avec l’empire suédois ont été

tes-formes en galets de l’Arteplage de Neuchâ-

noués lors d’un atelier de Vitra à Boisbuchet.

tel, ils se sont inspirés de la photo d’une goutte

« C’est une carte de Noël illustrée, montrant

d’eau qui, en tombant sur une couche d’huile,

l’un de nos projets, qui a donné le coup d’en-

a formé une ellipse en éclatant. Bien que ce

voi à notre collaboration », raconte Aurel Aebi.

projet n’ait pas pu être réalisé comme prévu

Cette collaboration a par exemple donné nais-

en raison des coûts, l’idée a quand même été

sance à la lampe « Mesosfär » ainsi qu’à « Tors-

conservée dans les membranes en plastique

landa », un meuble rural rabattable, servant de

tendues et bombées.

porte-manteau et de porte-journeaux, réalisé à

« Jusqu’ici, l’Atelier Oï a réalisé près de deux

partir de bandes déformables en PET.

cents projets », déclare Armand Louis, « du

L’Atelier Oï existe depuis quatorze ans. Les

nain au géant, de l’emballage à la fabrique de

trois associés âgés d’une quarantaine d’an-

bijoux ». Pour acquérir une vue d’ensemble de

nées ont établi leur siège sur les hauteurs de

leurs œuvres si diverses, elles on toutes été

la Neuveville, au bord du lac de Bienne, dans

répertoriées dans un catalogue de 450 pages

un atelier qu’ils ont construit eux-mêmes et

à usage interne.

baptisé « l’usine » : une fabrique d’idées et de produits. L’emplacement de cette petite ville bilingue entre le lac et le Jura reflète l’ouverture d’esprit de l’équipe, dont le nombre de colla-


patrick reymond, armand louis, aurel aebi arteplage de neuchâtel, ROSEAUX, GALETS ET SANABAMBOORIUM, expo.02 vitrines, musée archéologique laténium, neuchâtel, 2000-2001




serviteur mural TORSLANDA, ikea, älmhult, 1997 lampe à papier ROUND ABOUT THE BOOK, prototype, 2005


vitrines et architecture d’intérieur, musée archéologique laténium, neuchâtel, 2000-2001


signalétique, musée archéologique laténium banc public TENSIO, atelier oï, 2003


10 « Ich vertraue auf die Komposition, die Dramaturgie und das Buch als Objekt. »

Lars Müller *1955, Oslo, Norwegen Lars Müller Publishers, Baden, AG www.lars-mueller-publishers.com Enseignement Depuis 1985 dans diverses écoles supérieures, membre de jurys et orateur à l’échelle internationale Texte: Christian Eggenberger Photos: Miriam Künzli


Lars Müller

A 27 ans, Lars Müller franchit un pas déci-

cun de ses livres avec une approche radicale- 11

sif en décidant de fonder sa propre maison

ment nouvelle, il crée à chaque fois un objet

d’édition. Au début des années 80, il travaille

bibliophile autonome ne demandant qu’à être

en tant que graphiste pour le Parti socialiste,

touché. Pour l’intérieur, il fait entièrement

divers syndicats et quelques musées. « Les

confiance au contenu. La conception est sé-

contrats, bien que passionnants, ne me com-

vère et logique, une spectaculaire réduction à

blaient pas », résume Lars Müller. « J’étais en

l’essentiel. Depuis son premier livre, il utilise la

quête d’autonomie et je me suis alors tourné

police de caratères Helvetica.

vers le support imprimé le plus beau, le plus

« Elle est rude, mais géniale », s’enthousiasme

durable : le livre. » C’est en 1983 que paraît

Lars Müller. « Je pourrais bien sûr me laisser

le premier livre conçu et édité sous la res-

tenter par une petite aventure avec une police

ponsabilité de Lars Müller : Die gute Form (la

moderne, mais dois-je sacrifier un livre à une

bonne forme). D’autres ouvrages importants

aventure ? » Et c’est pourquoi il demeure fidèle

consacrés au design en Suisse suivront. Lars

à ces caractères dont il connaît tous les se-

Müller doit s’armer de patience pour monter

crets, rendant hommage à Max Miedinger, son

sa maison d’édition. Pendant quinze ans, ce

créateur, par un livre : Helvetica – Homage To

sont les revenus de son atelier graphique qui

A Typeface.

en assurent l’existence. En période florissante,

Pendant 20 ans, Lars Müller a marié de fa-

il emploie quatorze personnes dans un atelier

çon quasi symbiotique les rôles de concepteur

de 450 m à Baden, « avec des clients senta-

de livre et d’éditeur : « Assurer la survie de la

tionnels comme Swatch et Radio DRS 2 ».

maison d’édition me pesait. » En 2005, il en

Son cœur bat cependant pour l’édition, pour

tire des conclusions : Lars Müller Publishers

tous les livres qu’il souhaite publier. Peu à peu,

devient en majorité la propriété des Editions

sa petite maison d’édition attire l’attention

Birkhäuser.

grâce à des publications marquantes dans les

Aujourd’hui, assisté de ses cinq collaborateurs,

domaines de la photographie, de l’architectu-

Lars Müller se consacre avant tout à son sujet

re, du design et de l’art. C’est ainsi que nais-

préféré, les livres, dont il publie 15 à 20 titres

sent, en collaboration avec les photographes

par an. A côté d’ouvrages sur l’art et la créa-

Balthasar Burkhard, Annelies Štrba et Thomas

tion, « car un monde bien conçu est peut-être

Flechtner, des ouvrages déterminants dans le

un monde meilleur », il désire se tourner de plus

développement de leurs carrières respectives.

en plus vers des thèmes politiques et sociaux.

Les publications que Lars Müller met au point

Et il a déjà apporté une contribution très re-

avec Peter Zumthor, Zaha Hadid et Herzog &

marquée : The Face of Human Rights (L’image

de Meuron lui valent une renommée internan-

des droits de l’homme), un ouvrage encyclopé-

tionale. D’autres architectes célèbres souhai-

dique fort de 720 pages, un document unique

tent publier un livre avec Lars Müller, comme

sur l’état des droits de l’homme au début de

Peter Eisenman, le créateur du Mémorial de

ce millénaire. Le Visual Reader Who Owns the

l’Holocauste à Berlin.

Water ? (A qui appartient l’eau ?) est en cours

Malgré des thèmes divers et les influences

de réalisation, des publications sur la démocra-

conceptuelles variées auxquels ils sont sou-

tie, le travail et la nanotechnologie sont pré-

mis, tous les ouvrages portent la griffe de Lars

vues. Pour la seconde moitié de sa carrière,

Müller. « Je fais confiance à la composition, à

Lars Müller a su une fois encore réinventer sa

la dramaturgie et au livre en tant qu’objet »,

maison d’édition.

2

explique Lars Müller. « Créer un livre tourne à l’obsession lorsque le contenu, matériau et transposition s’harmonisent. » Concevant cha-


lars m端ller, HELVETICA, HOMAGE TO A TYPEFACE, baden 2004


lars m端ller


peter eisenman, HOLOCAUST MAHNMAL BERLIN, 2004 peter zumthor, WORKS. BUILDINGS AND PROJECTS 1979-1997, baden 1998 walter kälin, lars müller, judith wyttenbach, THE FACE OF HUMAN RIGHTS, baden_AG tranche de livre, THE FACE OF HUMAN RIGHTS, baden_AG 2004 ouvrages soigneusement conçus et qui ont remporté plusieurs prix




lars müller (ed.), FREITAG INDIVIDUAL RECYCLED FREEWAY BAGS, baden 2001 philip ursprung, cca, montréal (ed.), HERZOG & DE MEURON, HISTOIRE NATURELLE, baden 2002


18 « La lecture du monde qui m’entoure m’incite à apporter une contribution en réalisant des petits objets. »

Esther Brinkmann *1953, Baden, AG_Ateleir, Guangzhou, China Formation Orfèvre, Ecole des arts décoratifs, Genève Distinctions Bourse Lissignol, Genève, 1981/82 Prix de l’artisanat de l’association des communes genevoises, 1998 Prix Brunschwig pour les arts appliqués, 2000 Collections Musée de l’horlogerie et de l’émaillerie, Genève Mudac, Lausanne Bundesamt für Kultur, Bern Bernische Stiftung für Angewandte Kunst und Gestaltung Fonds national d’art contemporain, Musée des arts décoratifs, Genève

Texte: Köbi Gantenbein Photos: Sabine Rock


Esther Brinkmann

Le but d’Esther Brinkmann est d’orner le corps

personnes fortunées, mais qui souhaitent ex- 19

humain féminin d’un bijou qui se remarque tant

plorer d’autres voies. Elle devient donc desi-

par sa forme ou son poids que par ses maté-

gner de bijoux, tout en continuant à cultiver

riaux qui peuvent même déposer leur emprein-

l’art de la fonte, du martelage, du repoussage,

te sur la peau. « Un bijou destiné uniquement à

du tournage et du forgeage, autant de gestes

être vu et porté ne m’intéresse pas. Une paru-

qui exigent un maniement précis des outils.

re doit se faire sentir », dit-elle. À l’image de la

Toutefois, elle désire rompre avec la tradition,

bague – le bijou préféré d’Esther Brinkmann –

et commence une évolution. Au milieu des an-

elle doit pouvoir être portée facilement par une

nées 1970, de profonds changements voient

femme dans ses tâches quotidiennes, mais elle

le jour à Genève comme à Zurich, Amsterdam

peut aussi déranger ses habitudes, signaler sa

ou Munich dans le domaine du bijou. L’utilisa-

présence comme si elle murmurait : je suis là, à

tion de l’or et des pierres précieuses devient

ton doigt. « Sinon, inutile d’acheter mes bijoux !

plus expérimentale, permettant aux parures et

J’existe par le biais de mes créations qu’une

ornements de trouver des acheteurs dans les

personne choisit, achète et conserve toute sa

galeries plutôt que dans les bijouteries.

vie. »

Il a toujours été difficile de vivre des bijoux réa-

La création d’un bijou doit tenir compte de trois

lisés dans un esprit d’auteur. Les séries sont

facteurs. Il y a d’abord les attentes du client qui

petites et se composent souvent d’exemplaires

souhaite que la parure corresponde à l’image

uniques. Contrairement à l’assortiment d’une

qu’il désire donner de lui-même tout en étant

bijouterie, même les créations de designers les

proche de son imaginaire. Deuxièmement, il y a

plus coûteuses dépassent rarement la barre

les attentes des gens qui aiment pouvoir admi-

des 3000 francs. La moitié du montant revient

rer et faire des commentaires sur la personne

à la galerie qui se charge de la présentation,

qui porte un bijou. Il y a enfin les ambitions

de la publicité et de la vente.

créatrices du designer. « Je ne suis pas une

Après avoir été nommée enseignante du cours

prestataire qui exécute une commande à la de-

d’orfèvre, Esther Brinkmann trouve sa vérita-

mande d’une cliente et qui prend ses mesures

ble vocation en créant le cours de design en bi-

pour réaliser une broche ou une bague à sa

jouterie et devient professeure à la Haute éco-

convenance. Je sonde rarement une âme pour

le d’arts appliqués de Genève. Cela ne s’était

créer une bague qui soit le reflet de son être

encore jamais vu en Suisse: une designer et

profond. La lecture du monde qui m’entoure

un petit groupe d’enseignants et d’étudiants

m’incite à apporter une contribution en réali-

faisant des recherches sur les bijoux, et cher-

sant des petits objets. »

chant à donner une forme à leurs réflexions,

Depuis 30 ans, Esther Brinkmann associe

tout en lui trouvant un emballage adéquat. Un

ses créations aux femmes qui les portent et

cycle qui s’achève en 2004, quand Esther Brin-

au monde qui les entoure. Son apprentissage

kmann, mariée à Werner Nievergelt, le nou-

d’orfèvre à l’Ecole d’arts appliqués à Genève lui

veau Consul général suisse à Guangzhou (Pro-

a donné des bases solides. Un cadre où elle a

vince de Canton), émigre en Chine. Libérée de

appris à donner des réponses appropriées aux

ses tâches d’enseignement, elle souhaite dé-

questions les plus répandues, en puisant dans

sormais s’asseoir devant son établi pour réali-

un répertoire complet de processus, de ma-

ser des bijoux d’auteur, brosse d’établi et boîte

tériaux et de rituels. Un véritable travail d’ar-

à bouterolles sous la main, et le logiciel DAO à

tisan que peu de designers maîtrisent encore

portée de souris.

aujourd’hui. Très tôt dans sa carrière, la jeune orfèvre a rejoint des collègues qui refusaient de réduire le bijou à un objet de parure pour


portrait esther brinkmann

bijoux avec leur ĂŠcrin 1985-2005


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double page suivante 1_bague, 2005 | 2_pendentif DEDANS, 2000 | 3_bague BOULE, 2002 | 4_bague GOBELET, 1885 | 5 | 6_bague, PETITES BLESSURES, 1998 | 7_bague DOUBLE, 1996 | 8_bague

10

CLOCHE, 1996 | 9_pendentif DEDANS, 2000 | 10_pendentif DEDANS, 2000




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