2-3 10-11 18-19
Atelier O誰 Lars M端ller Esther Brinkman
MADE IN SWITZERLAND
2 « C’est la somme de tous nos projet - grands ou petits - qui fait de l’Atelier Oï ce qu’il est » souligne Louis.
Atelier Oï, La Neuveville, BE Aurel Aebi *1966, Patrick Reymond *1963, Armand Louis *1966 www.atelier-oi.ch Formation Aurel Aebi, Patrick Reymond: Architectes, Ecole d’architecture Athénaeum, Lausanne; Armand Louis: constructeur naval Clients Ikea; Hidden; Belux; Röthlisberger; Wogg; Swatch Group; Expo.02. Distinctions Atu Prix, Kanton Bern, 1998; Europäischer Musuemspreis, 2001; If Design Award, Product Design, 2003; Design Plus, Frankfurt, 2004. Texte: anna Schindler Photos: Carmela Odoni
Atelier Oï
Leur nom en soi tout un programme. L’Atelier
borateurs varie entre onze et quinze. Ceux-ci 3
Oï, dont le nom est constitué des deux voyelles
ne souhaitent pas être considérés comme des
de la syllabe initiale du mot troïka, un traîneau
Suisses romands ou des Suisses alémaniques,
attelé à trois chevaux, est dirigé par un trio
et refusent que leur travail soit confiné à l’ar-
formé des architectes Aurel Aebi et Patrick
chitecture ou au design. La recherche du non-
Reymond, et du constructeur naval Armand
disciplinaire n’a cependant rien à voir avec le
Louis. Ils marient architecture et design à la
processus moderne de l’échantillonnage qui as-
perfection. La diversité de leurs projets en té-
socie des éléments transposables empruntés
moigne : ils conçoivent aussi bien des chaises
ici et là. Concilier les différentes professions,
et des canapés, que des tables et des lits. Ils
de même que des univers et influences variés
construisent également des cabanes de pê-
s’avère un exercice de corde raide qui exige
cheur, des maisons familiales, des musées, et
une approche méthodique.
même des tentures pare-soleil. Un café Inter-
Les trois partenaires, Reymond, Aebi et Louis,
net réalisé à Tokyo pour le Groupe Swatch, des
s’attaquent architecturalement aux problèmes
boutiques à Cannes et à Porto Cervo en Sar-
de design et conçoivent leurs bâtiments comme
daigne ainsi que l’ambitieuse fabrique de bijoux
s’il s’agissait de grands meubles. Les études
« Dress your Body » près de Neuchâtel portent
du trio bénéficient toutes de l’emploi expéri-
tous leur signature. En collaboration avec le
mental et ludique de matériaux soigneusement
groupe d’architectes « Multipack », ils ont éga-
classés et répertoriés : « Nous nous engageons
lement créé l’Arteplage de Neuchâtel avec ces
dans une démarche d’analyse organique des
trois « plates-formes en galets » dans le cadre
matériaux » déclare Aurel Aebi. « Par le biais
de l’Exposition nationale Expo.02.
de diverses expériences, nous tentons de trou-
C’est en 1997, grâce aux études réalisées pour
ver, pour chaque matériau, quel usage est le
Ikea, qu’ils percent au niveau international. La
moins habituel. » Le meuble de rangement mu-
genèse de cette collaboration reflète l’attitude
ral pour Ikea n’a, par exemple, été créé que
de l’Atelier Oï qui se démarque de ses concur-
lorsque ses auteurs ont constaté à quel point
rents en empruntant des voies inhabituelles :
le PET était malléable. Pour ce qui est des pla-
les premiers liens avec l’empire suédois ont été
tes-formes en galets de l’Arteplage de Neuchâ-
noués lors d’un atelier de Vitra à Boisbuchet.
tel, ils se sont inspirés de la photo d’une goutte
« C’est une carte de Noël illustrée, montrant
d’eau qui, en tombant sur une couche d’huile,
l’un de nos projets, qui a donné le coup d’en-
a formé une ellipse en éclatant. Bien que ce
voi à notre collaboration », raconte Aurel Aebi.
projet n’ait pas pu être réalisé comme prévu
Cette collaboration a par exemple donné nais-
en raison des coûts, l’idée a quand même été
sance à la lampe « Mesosfär » ainsi qu’à « Tors-
conservée dans les membranes en plastique
landa », un meuble rural rabattable, servant de
tendues et bombées.
porte-manteau et de porte-journeaux, réalisé à
« Jusqu’ici, l’Atelier Oï a réalisé près de deux
partir de bandes déformables en PET.
cents projets », déclare Armand Louis, « du
L’Atelier Oï existe depuis quatorze ans. Les
nain au géant, de l’emballage à la fabrique de
trois associés âgés d’une quarantaine d’an-
bijoux ». Pour acquérir une vue d’ensemble de
nées ont établi leur siège sur les hauteurs de
leurs œuvres si diverses, elles on toutes été
la Neuveville, au bord du lac de Bienne, dans
répertoriées dans un catalogue de 450 pages
un atelier qu’ils ont construit eux-mêmes et
à usage interne.
baptisé « l’usine » : une fabrique d’idées et de produits. L’emplacement de cette petite ville bilingue entre le lac et le Jura reflète l’ouverture d’esprit de l’équipe, dont le nombre de colla-
patrick reymond, armand louis, aurel aebi arteplage de neuchâtel, ROSEAUX, GALETS ET SANABAMBOORIUM, expo.02 vitrines, musée archéologique laténium, neuchâtel, 2000-2001
serviteur mural TORSLANDA, ikea, älmhult, 1997 lampe à papier ROUND ABOUT THE BOOK, prototype, 2005
vitrines et architecture d’intérieur, musée archéologique laténium, neuchâtel, 2000-2001
signalétique, musée archéologique laténium banc public TENSIO, atelier oï, 2003
10 « Ich vertraue auf die Komposition, die Dramaturgie und das Buch als Objekt. »
Lars Müller *1955, Oslo, Norwegen Lars Müller Publishers, Baden, AG www.lars-mueller-publishers.com Enseignement Depuis 1985 dans diverses écoles supérieures, membre de jurys et orateur à l’échelle internationale Texte: Christian Eggenberger Photos: Miriam Künzli
Lars Müller
A 27 ans, Lars Müller franchit un pas déci-
cun de ses livres avec une approche radicale- 11
sif en décidant de fonder sa propre maison
ment nouvelle, il crée à chaque fois un objet
d’édition. Au début des années 80, il travaille
bibliophile autonome ne demandant qu’à être
en tant que graphiste pour le Parti socialiste,
touché. Pour l’intérieur, il fait entièrement
divers syndicats et quelques musées. « Les
confiance au contenu. La conception est sé-
contrats, bien que passionnants, ne me com-
vère et logique, une spectaculaire réduction à
blaient pas », résume Lars Müller. « J’étais en
l’essentiel. Depuis son premier livre, il utilise la
quête d’autonomie et je me suis alors tourné
police de caratères Helvetica.
vers le support imprimé le plus beau, le plus
« Elle est rude, mais géniale », s’enthousiasme
durable : le livre. » C’est en 1983 que paraît
Lars Müller. « Je pourrais bien sûr me laisser
le premier livre conçu et édité sous la res-
tenter par une petite aventure avec une police
ponsabilité de Lars Müller : Die gute Form (la
moderne, mais dois-je sacrifier un livre à une
bonne forme). D’autres ouvrages importants
aventure ? » Et c’est pourquoi il demeure fidèle
consacrés au design en Suisse suivront. Lars
à ces caractères dont il connaît tous les se-
Müller doit s’armer de patience pour monter
crets, rendant hommage à Max Miedinger, son
sa maison d’édition. Pendant quinze ans, ce
créateur, par un livre : Helvetica – Homage To
sont les revenus de son atelier graphique qui
A Typeface.
en assurent l’existence. En période florissante,
Pendant 20 ans, Lars Müller a marié de fa-
il emploie quatorze personnes dans un atelier
çon quasi symbiotique les rôles de concepteur
de 450 m à Baden, « avec des clients senta-
de livre et d’éditeur : « Assurer la survie de la
tionnels comme Swatch et Radio DRS 2 ».
maison d’édition me pesait. » En 2005, il en
Son cœur bat cependant pour l’édition, pour
tire des conclusions : Lars Müller Publishers
tous les livres qu’il souhaite publier. Peu à peu,
devient en majorité la propriété des Editions
sa petite maison d’édition attire l’attention
Birkhäuser.
grâce à des publications marquantes dans les
Aujourd’hui, assisté de ses cinq collaborateurs,
domaines de la photographie, de l’architectu-
Lars Müller se consacre avant tout à son sujet
re, du design et de l’art. C’est ainsi que nais-
préféré, les livres, dont il publie 15 à 20 titres
sent, en collaboration avec les photographes
par an. A côté d’ouvrages sur l’art et la créa-
Balthasar Burkhard, Annelies Štrba et Thomas
tion, « car un monde bien conçu est peut-être
Flechtner, des ouvrages déterminants dans le
un monde meilleur », il désire se tourner de plus
développement de leurs carrières respectives.
en plus vers des thèmes politiques et sociaux.
Les publications que Lars Müller met au point
Et il a déjà apporté une contribution très re-
avec Peter Zumthor, Zaha Hadid et Herzog &
marquée : The Face of Human Rights (L’image
de Meuron lui valent une renommée internan-
des droits de l’homme), un ouvrage encyclopé-
tionale. D’autres architectes célèbres souhai-
dique fort de 720 pages, un document unique
tent publier un livre avec Lars Müller, comme
sur l’état des droits de l’homme au début de
Peter Eisenman, le créateur du Mémorial de
ce millénaire. Le Visual Reader Who Owns the
l’Holocauste à Berlin.
Water ? (A qui appartient l’eau ?) est en cours
Malgré des thèmes divers et les influences
de réalisation, des publications sur la démocra-
conceptuelles variées auxquels ils sont sou-
tie, le travail et la nanotechnologie sont pré-
mis, tous les ouvrages portent la griffe de Lars
vues. Pour la seconde moitié de sa carrière,
Müller. « Je fais confiance à la composition, à
Lars Müller a su une fois encore réinventer sa
la dramaturgie et au livre en tant qu’objet »,
maison d’édition.
2
explique Lars Müller. « Créer un livre tourne à l’obsession lorsque le contenu, matériau et transposition s’harmonisent. » Concevant cha-
lars m端ller, HELVETICA, HOMAGE TO A TYPEFACE, baden 2004
lars m端ller
peter eisenman, HOLOCAUST MAHNMAL BERLIN, 2004 peter zumthor, WORKS. BUILDINGS AND PROJECTS 1979-1997, baden 1998 walter kälin, lars müller, judith wyttenbach, THE FACE OF HUMAN RIGHTS, baden_AG tranche de livre, THE FACE OF HUMAN RIGHTS, baden_AG 2004 ouvrages soigneusement conçus et qui ont remporté plusieurs prix
lars müller (ed.), FREITAG INDIVIDUAL RECYCLED FREEWAY BAGS, baden 2001 philip ursprung, cca, montréal (ed.), HERZOG & DE MEURON, HISTOIRE NATURELLE, baden 2002
18 « La lecture du monde qui m’entoure m’incite à apporter une contribution en réalisant des petits objets. »
Esther Brinkmann *1953, Baden, AG_Ateleir, Guangzhou, China Formation Orfèvre, Ecole des arts décoratifs, Genève Distinctions Bourse Lissignol, Genève, 1981/82 Prix de l’artisanat de l’association des communes genevoises, 1998 Prix Brunschwig pour les arts appliqués, 2000 Collections Musée de l’horlogerie et de l’émaillerie, Genève Mudac, Lausanne Bundesamt für Kultur, Bern Bernische Stiftung für Angewandte Kunst und Gestaltung Fonds national d’art contemporain, Musée des arts décoratifs, Genève
Texte: Köbi Gantenbein Photos: Sabine Rock
Esther Brinkmann
Le but d’Esther Brinkmann est d’orner le corps
personnes fortunées, mais qui souhaitent ex- 19
humain féminin d’un bijou qui se remarque tant
plorer d’autres voies. Elle devient donc desi-
par sa forme ou son poids que par ses maté-
gner de bijoux, tout en continuant à cultiver
riaux qui peuvent même déposer leur emprein-
l’art de la fonte, du martelage, du repoussage,
te sur la peau. « Un bijou destiné uniquement à
du tournage et du forgeage, autant de gestes
être vu et porté ne m’intéresse pas. Une paru-
qui exigent un maniement précis des outils.
re doit se faire sentir », dit-elle. À l’image de la
Toutefois, elle désire rompre avec la tradition,
bague – le bijou préféré d’Esther Brinkmann –
et commence une évolution. Au milieu des an-
elle doit pouvoir être portée facilement par une
nées 1970, de profonds changements voient
femme dans ses tâches quotidiennes, mais elle
le jour à Genève comme à Zurich, Amsterdam
peut aussi déranger ses habitudes, signaler sa
ou Munich dans le domaine du bijou. L’utilisa-
présence comme si elle murmurait : je suis là, à
tion de l’or et des pierres précieuses devient
ton doigt. « Sinon, inutile d’acheter mes bijoux !
plus expérimentale, permettant aux parures et
J’existe par le biais de mes créations qu’une
ornements de trouver des acheteurs dans les
personne choisit, achète et conserve toute sa
galeries plutôt que dans les bijouteries.
vie. »
Il a toujours été difficile de vivre des bijoux réa-
La création d’un bijou doit tenir compte de trois
lisés dans un esprit d’auteur. Les séries sont
facteurs. Il y a d’abord les attentes du client qui
petites et se composent souvent d’exemplaires
souhaite que la parure corresponde à l’image
uniques. Contrairement à l’assortiment d’une
qu’il désire donner de lui-même tout en étant
bijouterie, même les créations de designers les
proche de son imaginaire. Deuxièmement, il y a
plus coûteuses dépassent rarement la barre
les attentes des gens qui aiment pouvoir admi-
des 3000 francs. La moitié du montant revient
rer et faire des commentaires sur la personne
à la galerie qui se charge de la présentation,
qui porte un bijou. Il y a enfin les ambitions
de la publicité et de la vente.
créatrices du designer. « Je ne suis pas une
Après avoir été nommée enseignante du cours
prestataire qui exécute une commande à la de-
d’orfèvre, Esther Brinkmann trouve sa vérita-
mande d’une cliente et qui prend ses mesures
ble vocation en créant le cours de design en bi-
pour réaliser une broche ou une bague à sa
jouterie et devient professeure à la Haute éco-
convenance. Je sonde rarement une âme pour
le d’arts appliqués de Genève. Cela ne s’était
créer une bague qui soit le reflet de son être
encore jamais vu en Suisse: une designer et
profond. La lecture du monde qui m’entoure
un petit groupe d’enseignants et d’étudiants
m’incite à apporter une contribution en réali-
faisant des recherches sur les bijoux, et cher-
sant des petits objets. »
chant à donner une forme à leurs réflexions,
Depuis 30 ans, Esther Brinkmann associe
tout en lui trouvant un emballage adéquat. Un
ses créations aux femmes qui les portent et
cycle qui s’achève en 2004, quand Esther Brin-
au monde qui les entoure. Son apprentissage
kmann, mariée à Werner Nievergelt, le nou-
d’orfèvre à l’Ecole d’arts appliqués à Genève lui
veau Consul général suisse à Guangzhou (Pro-
a donné des bases solides. Un cadre où elle a
vince de Canton), émigre en Chine. Libérée de
appris à donner des réponses appropriées aux
ses tâches d’enseignement, elle souhaite dé-
questions les plus répandues, en puisant dans
sormais s’asseoir devant son établi pour réali-
un répertoire complet de processus, de ma-
ser des bijoux d’auteur, brosse d’établi et boîte
tériaux et de rituels. Un véritable travail d’ar-
à bouterolles sous la main, et le logiciel DAO à
tisan que peu de designers maîtrisent encore
portée de souris.
aujourd’hui. Très tôt dans sa carrière, la jeune orfèvre a rejoint des collègues qui refusaient de réduire le bijou à un objet de parure pour
portrait esther brinkmann
bijoux avec leur ĂŠcrin 1985-2005
1
2
3
6
4
7
5
8
9
double page suivante 1_bague, 2005 | 2_pendentif DEDANS, 2000 | 3_bague BOULE, 2002 | 4_bague GOBELET, 1885 | 5 | 6_bague, PETITES BLESSURES, 1998 | 7_bague DOUBLE, 1996 | 8_bague
10
CLOCHE, 1996 | 9_pendentif DEDANS, 2000 | 10_pendentif DEDANS, 2000