LES OGRELETS réalisé par la classe de seconde du lycée françois joseph talma de brunoy
mars 2014
BOÎTE AUX LETTRES SA PASSION DOUBLE FACE LE GÉNIE LA FOLIE EN PERSONNE LE DIABLOTIN L ' HIVER EN AFRIQUE ÇA TOURNE ÇA ZOOM ÇA GRATTE INGRES CONFIDENCES PARANO TRAHISON
LES OGRELETS mars 2014
DES LYCÉENS AYANT UN APPÉTIT OGRESQUE POUR LA CULTURE ! Les Ogrelets, dispositif phare des actions culturelles initiées par la Scène nationale de Sénart, continue de rassembler des professionnels de la culture, des lycéens, des équipes pédagogiques autour des problématiques liées à la création artistique. Pensé comme une académie d’éducation populaire, ce projet – soutenu par la DRAC Ile-de-France dans le cadre des résidences d’artistes – rend compte du processus de création d’une œuvre, de sa conception jusqu’à sa rencontre avec le public. Tourné résolument vers le questionnement et la transmission, le projet des Ogrelets a permis l’échange entre trois classes des lycées Sonia Delaunay à Cesson, Pierre Mendès France à Savigny-le-Temple et François Joseph Talma à Brunoy. Ces 110 élèves ont bénéficié d’un lien privilégié avec le metteur en scène Patrick Pineau et les artistes de sa compagnie : au cœur de ce dialogue, la création du Conte d’hiver de William Shakespeare. Cette œuvre magistrale traite de la jalousie dévorante, de l’aveuglement, de l’injustice, de la violence mais aussi de la compassion, de la sagesse, du courage, autant de sujets qui résonnent chez les adolescents et leur permettent d’aiguiser leur point de vue critique sur le monde. Cette saison encore, les lycéens proposent leur regard singulier et ambitieux sur l’art, étonnant et affûté sur la mise en perspective de ses différentes étapes de construction, généreux et curieux sur toutes les personnes qui le font exister. Aussi, nous sommes tous fiers de vous présenter cette 3ème édition des Ogrelets.
GROUPE PRESSE - LYCÉE TALMA Directeur de la publication Jean-Michel Puiffe Rédacteurs en chef Camille Sarret (TV5Monde) Pauline Berenguer (Chargée des relations avec le public) Rédacteurs Les élèves du lycée François Joseph Talma de Brunoy : Valentin Duband, Hugo Scelles, Vincent Charpentier, Hugo Damairon, Théo Gasparin, Mathieu Legrand, Caroline Schroer, Aïssatou Diaby, Julie Soumet, Marion Petitpas, Laurie Bonnet, Kim Koutcheravenko, Andréa Kho. Photographes Pierre-André Clergue ; Philippe Delacroix ; Le groupe photo du lycée François Joseph Talma de Brunoy : Mathilde Maignant ; Natasha Bovis ; Malo Calvez ; Juliette Lefebvre ; Amélie Madene ; Jeremy Gourde ; Rachad Oulaï ; Julie Copin ; Elisabeth Voedzo ; Floriane Valmy ; Marine Gardet. Mise en page Louison Costes (Graphiste); Inspiré du magazine idépendant Le Tigre
Remerciements Aux proviseurs Jean-Marc Letort (Lycée François Joseph Talma de Brunoy), Guy Ferret (Lycée Sonia Delaunay de Cesson), Frédérique Jeannerod (Lycée Pierre Mendes France de Savigny-le-Temple) ; À Patrick Pineau, metteur en scène du Conte d’hiver ; À Mr Fraysse, psychiatre et psychothérapeute à Brunoy ; À Julia, Rachad, Elisabeth, Sarah, Colette, Nicole, Natacha, Amélie, Anne, Pierre et Marine. Projet initié par Jean-Christophe Estiot, Caroline Simpson Smith. Mise en œuvre Alexandra Boegler, Pauline Berenguer, Estelle Erisay et Yann Hery. Autres intervenants du projet Olivier Defrocourt (scénographe), Aline Leberre (comédienne) et Jérémy Sicard (résponsable du service cinéma). Équipe technique Fanny Jullian (son) ; Bernard Espinasse (lumière) ; Esteban Sanchez (plateau) ; Remy Descotils (plateau) ; Laurent Maloumi (électricien)
COURRIER DES SPECTATEURS
Ce qu’ils ont pensé du Conte d’Hiver mis en scène par Patrick Pineau p r o p o s
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COLETTE, retraitée
PIERRE, photographe
« Je ne connaissais pas la pièce. Ma partie préférée a été la tragédie. Les sentiments que j’ai le plus ressentis étaient la jalousie et la justice car ils étaient vraiment bien représentés par la mise en scène. Celle-ci était claire et facile à comprendre. J’étais émue car on pouvait vraiment s’identifier aux personnages. »
« J’avais déjà vu la pièce, et j’ai adoré cette mise en scène. J’ai trouvé la différence entre la partie tragédie et la partie pastorale bien marquée. Mais j’ai préféré la partie comédie car il y a plus de rythme. J’aurais préféré une mise en scène avec des décors plus industriels, plus modernes. La jalousie était très bien exprimée à travers la pièce. »
NATASHA, lycéenne « Je n’avais jamais vu la pièce et je n’ai pas aimé la mise en scène en particulier le mélange ancien et moderne. J’ai eu l’impression que les parties pastorale et tragédie étaient deux pièces différentes. Personnellement, j’ai préféré la tragédie car la comédie part dans tous les sens. J’ai trouvé ça bizarre. Le sentiment qui m’a le plus marqué est la jalousie.» AMELIE, lycéenne « Je ne connaissais pas la pièce mais franchement j’ai bien aimé, sauf la fin qui m’a semblé un peu bizarre. La première partie est très droite et structurée. C’est elle que j’ai préférée. La deuxième était plus comique et extravagante. L’amour est le sentiment que j’ai le plus ressenti.»
ANNE, professeure « Je connaissais déjà la pièce, je l’avais déjà vue et déjà lue. Par rapport aux mises en scènes précédentes, je l’ai trouvée relativement inventive et plutôt bien réalisée. J’ai bien aimé l’opposition entre les deux personnages des rois. J’ai été un peu plus déçue par la partie comédie à cause de l’espace scénique et de la scénographie que j’aurais imaginée luxuriante et peut être un peu plus festive. En terme de scénographie, j’ai préféré la partie tragédie. En revanche, j’ai bien aimé tout le dénouement et son traitement médiatique avec les coupures de presse. J’ai trouvé qu’il y avait quelques longueurs. »
MARINE, jeune salariée « Je connaissais déjà la pièce, je l’avais lue durant mes études. J’ai eu une bonne impression sur la mise en scène, elle reflète bien les enjeux de la pièce. Alternant entre scènes tragiques et comiques, le décor de la première partie est très impressionnant et permet une transition facile des différentes scènes et passages des personnages. Les couleurs sombres permettent d’appuyer sur l’aspect dramatique de cette première partie. À l’opposé, des couleurs plus claires, plus joyeuses sont présentes dans la deuxième partie. J’ai beaucoup aimé les deux parties mais l’énergie et le dynamisme de la deuxième partie m’a particulièrement plu. Mon sentiment le plus fort sur la pièce est la surprise (des choix de la mise en scène) et la curiosité (comment présenter une mise en scène originale et nouvelle d’une pièce de Shakespeare, un des auteurs les plus montés au théâtre). Après ma première lecture, j’ai imaginé une mise en scène fidèle à l’époque de l’histoire racontée par Shakespeare avec des costumes d’époque et un jeu très codifié. Il est donc très intéressant de découvrir comment cette pièce a été “modernisée” tout en respectant l’histoire et la langue de l’auteur. Patrick Pineau a su présenter une adaptation de la pièce qui serait comprise par le public du XXI siècle. » NICOLE, professeur « J’ai trouvé l’utilisation de la vidéo vraiment futée, le rendu était vraiment très beau.»
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PATRICK
PINEAU La scène, sa passion pa r
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C’est dans sa loge, à la Scène nationale de Sénart que nous avons rencontré Patrick Pineau. Décontracté, les cheveux en bataille, la barbe de trois jours, vêtu d’un simple jeans et d'un pull, il nous a raconté son dernier défi théâtral : la mise en scène de la célèbre pièce de Shakespeare Le Conte d’hiver.
la scène en tant qu’acteur. « Être sur un plateau, je trouvais ça irréel », se souvientil. Mais très vite, il s’est demandé ce que signifiait le fait d’être acteur, le fait de jouer. C’est en travaillant avec des grands metteurs en scène tels que Georges Lavaudant qu’il a appris l’art de la mise en scène. Patrick Pineau est un vrai autodidacte : « Sans avoir fait d’études, j’ai appris à être metteur en scène. »
Le Conte d’hiver est une pièce complexe, pour le metteur en scène comme pour les acteurs, avec ses successions de scènes où il faut sans arrêt changer de lieux, de personnages et de genre. Pour Pineau, c’est une pièce unique : « On peut la monter de mille et une façons ». C’est pour cela qu’elle resiste au temps. C’est pour cela qu’elle est devenue célèbre et qu'elle est appréciée partout dans le monde.
Pour Patrick Pineau, il faut être passionné pour pratiquer un métier artistique. « Que ce soit la peinture, la musique, l’acteur, la mise en scène, le faire sans passion c’est impossible ». Cependant être passionné ne signifie pas que ce soit simple, cela reste tout de même difficile, mais c’est cette difficulté justement qui rend la chose passionnante.
Avant d’exercer le métier de metteur en scène, Patrick Pineau est monté sur
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Un metteur en scène, selon Patrick Pineau, n’est jamais entièrement satisfait de ses pièces. Certaines l’ont déjà déçu, dont La noce chez les petits bourgeois de Brecht et
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Les trois sœurs de Tchekhov. Néanmoins, il les aime toutes, « même les loupées, car elles vous font grandir », confie-t-il sourire aux lèvres. Ce qui montre à nouveau que c’est une passion d’être metteur en scène. Méfiant, Patrick Pineau ne prête pas attention aux critiques faites sur ses pièces, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. C’est pourtant plus agréable lorsque les critiques sont bonnes. « C’est toujours désagréable quand on vous dit que votre travail est dégueulasse, mais j’essaie de ne pas y faire attention. » Pour lui, le public est sa seule réponse. « Vous pouvez avoir de très mauvaises critiques et avoir des salles pleines », souligne-t-il. Patrick Pineau préfère donc rester lui même et garder son propre style.
UN CONTE D ' HIVER
À DEUX FACETTES pa r
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Patrick Pineau s'approprie avec originalité la pièce de Shakespeare, conjuguant tragédie et comédie. Dans le célèbre Conte d'hiver de Shakespeare, l'amitié entre Léonte et Polixène est si grande que lorsque celui-ci doit partir Léonte est prêt à tout pour le retenir. Il demande donc à sa fidèle femme, Hermione, de l'aider. Comme celle-ci arrive à le convaincre tout de suite, il naît en Léonte une folle jalousie. Confondant amour et amitié, il accuse Polixène et Hermione d'avoir une liaison secrète. La suite mêle des histoires d'exil, de prophétie et d'amour impossible. Heureusement, tout rentre dans l'ordre à la fin et on célèbre l'union de l'innocence et de la jeunesse, symbolisée par Perdita et Florizel. La pièce est composée de deux parties, la tragédie et la comédie. Dès le début, le décor original frappe l'œil du spectateur, quatre écrans géants et un fond rouge qui représente une tête de gargouille. Ce décor en cache un deuxième, plus complexe avec des barreaux et des plateaux à différentes hauteurs. Ce système est plutôt ingénieux car il permet de changer le décor sans avoir à baisser le rideau ce qui ne perturbe pas le spectateur au cours de la pièce. Rouge, noir, les couleurs dominantes expriment l'amour, la passion, la jalousie, la haine. Elles représentent les sujets que traite l'histoire. Les costumes des personnages évoluent au cours de la pièce, ils ne sont donc pas les mêmes pour la tragédie et la comédie ce qui permet aux spectateurs de mieux ressentir la transition entre les deux registres. Autant dans la partie tragédie les costumes sont sobres, longues robes, longs manteaux, camaïeux de noir, blanc, gris, autant ils sont extravagants dans la partie comédie ce qui peut surprendre fortement le public. De plus, le ton de cette partie est beaucoup plus humoriste et excentrique que celui de la première partie. Homme déguisé en danseuse, en mouton, fête extravagantes... Un comique sans limite. Pour continuer dans l'original, Patrick Pineau a décidé de mettre en scène cette pièce de façon contemporaine. Utilisation de vidéos de surveillance, journal télévisé, téléphone portable. Cela crée une ellipse brutale, étant donné que cette pièce a été écrite au XVIIe siècle. Tout cela dans un cadre spatio-temporel qui pourrait faire penser à l'antiquité, en raison des costumes et des croyances des personnages. Cela crée une dimension comique qui a pour but de marquer le spectateur. Au final, la pièce se termine de façon insolite et Patrick Pineau nous laisse perplexe.
Le génie de Shakespeare pa r
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William Shakespeare serait né le 23 avril 1564 à Stratford-upon-Avon, en Angleterre. Il est le fils d’une famille nombreuse assez aisée qui n’avait aucune relation avec le théâtre. La première date marquante de sa carrière dramatique serait l’année 1591, s’il faut lui attribuer, comme on pense devoir le faire, la seconde et la troisième partie de la pièce Henri VI, Shakespeare apparaît ensuite dans la troupe de Lord Strange et, en 1594, il est engagé en tant qu’acteur et dramaturge au « The Globe Theatre » dans la troupe de James Burbage, appelée alors la troupe de Lord Chamberlain. Shakespeare joue lui-même dans ses propres œuvres. On sait par exemple qu’il interprète le spectre du père dans Hamlet. Ses œuvres les plus célèbres sont Le Songe d’une nuit d’été, Othello, Hamlet ou encore Roméo et Juliette, sans oublier Le Conte d’hiver qui a été joué maintes fois à la cour à partir de 1611. L’influence de Shakespeare sur le théâtre moderne est considérable. Il a créé certaines des pièces les plus admirées de la littérature occidentale. Pour Thierry Koster, enseignant d’anglais au lycée Simone Signoret de Vaux-Le-Pénil, grand fan de Shakespeare, la longévité du dramaturge s’explique par « la justesse de ses propos [...]. Même si ses textes ont plus de trois siècles, ils sont encore d’actualité ». Shakespeare a réussi à analyser la véritable nature de l’Homme et tous les vices qui peuvent l’accaparer. Force est de constater que depuis l’écriture de ses œuvres, l’homme à certes évolué intérieurement mais il reste le même, il aspire aux mêmes choses. Shakespeare reste aussi dans les mémoires parce que beaucoup de films actuels sont inspirés de sa façon de créer les histoires. Ses personnages « sont devenues des archétypes aujourd’hui », analyse Thierry Koster, tels que Richard III, le méchant machiavélique qui est aujourd’hui repris dans presque tous les films et les pièces. Les séries se sont aussi inspirées des mêmes registres : amour, jalousie, trahison... Pour les Anglais, Shakespeare reste un monument de la culture nationale. Certaines répliques de ses personnages sont devenus « des mots cultes que tous les Anglais et même les Américains connaissent », souligne Thierry Koster. Encore aujourd’hui à Londres, au moins 7 pièces de Shakespeare sont jouées chaque semaine et plus de 420 films ont été adaptés de ses pièces.
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SHAKESPEARE RÉINVENTÉ pa r
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LA JALOUSIE PERSONNIFIÉE L’envie. La convoitise. La rancœur. La colère. Comment résumer cette pièce en un seul mot ? C’est une atmosphère pesante qu’a choisie le groupe 1 pour l’interprétation de l’extrait du Conte d’Hiver. C’est sur la jalousie de Léonte que repose toute la pièce de Shakespeare. « Sans [elle] la pièce serait détruite », confirme Gédéan, l’un des metteurs en scène. La tension entre Léonte et Polixène est palpable. Les spectateurs attendent et craignent le moment où la rage de Léonte deviendra incontrôlable. « Kévin va être parfait pour ce rôle. » La jalousie de Léonte, véritable fil conducteur de la pièce, est elle-même jouée par un acteur. « La jalousie devient un personnage, confie Gédéan, en créant deux personnages, cela montre plus la folie. » Digne héritage de la tragédie d’origine, cet extrait nous fait vivre des émotions poignantes. La colère, la peur, la douleur surprennent le spectateur par leur intensité. Les élèves des deux classes, l’une de première L, l’autre de seconde, ne se connaissaient pas auparavant. D’abord timides et réservés, ils ont appris à se connaitre. La première étape de la mise en scène a définitivement brisé la glace. La forte cohésion du groupe se ressent, tous portés par le même projet et la même envie de bien faire. « S’il [le public] vient me voir, je n’ai pas envie qu’il s’ennuie, et même si ce sont les parents. » Car comme le dit Gédéan, c’est un divertissement moderne et de qualité qu’ils cherchent à présenter. En effet, le groupe cherche avant tout à moderniser la pièce de Shakespeare. A l’époque actuelle, la pièce se déroule dans un appartement, portée par des acteurs qui cherchent à ancrer leurs personnages dans la réalité. Malgré l’ambition du projet, et les obstacles qui s’enchainent, tous continuent de travailler avec acharnement. Gédéan se livre
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sur les difficultés du rôle de metteur en scène. Mais dans le même temps, c’est la collaboration et le travail des différents metteurs en scène qui paient. « Imène et moi, on est sur la même longueur d’onde. […] C’est beaucoup plus facile à deux. » Un cri se fait entendre, et la scène est plongée dans le noir. Le « Silence ! » crié par Kévin, interprète de Léonte, résonne longtemps dans la salle de répétition. Un détail, mais qui fait toute la différence. « On a déjà la moitié des idées » nous dit Nordi, technicien lumière. On a lu le texte et on savait déjà ce qu’on voulait faire. » Ils veulent, entre autres, mettre des lumières chaudes, pour représenter la colère de Léonte face à la trahison de sa femme. Le son sera travaillé avec l’ensemble du groupe, et les costumes seront choisis au dernier moment. Quand on leur demande leurs sentiments sur la représentation à venir, Nordi réagit : « Je ne vois pas pourquoi je stresserai ! ». Ayant choisi un rôle important mais discret aux lumières, il n’a pas la pression de devoir monter sur scène. Et même si son camarade Gédéan est dans le même cas, lui nous fait part de sa légère inquiétude, due à son rôle de metteur en scène. « Si ça se passe mal, çe sera un peu de ma faute. Mais je suis confiant. » Cette confiance est la même qui habite tout le groupe. Selon Gédéan, les acteurs sont « au taquet ». C’est cette énergie qui se ressent sur scène. Derrière l’atmosphère oppressante de la représentation, c’est dans la joie, l’énergie et la bonne humeur que se sont déroulés ces deux jours. Des répétitions prometteuses et un travail plus que convaincant devant l’ampleur de la tâche et la qualité du travail fourni.
LÉONTE ET SON DIABLOTIN
UN SHAKESPEARE AFRICAIN
Alors que Le Conte d’hiver date du XVIIe siècle, les élèves des Lycées Sonia Delaunay et Pierre Mendes France ont décidé de modifier totalement la mise en scène de Patrick Pineau en modernisant l’extrait qu’ils doivent interpréter. Ils se réapproprient complètement la pièce.
Le Conte d'hiver, une tragi-comédie écrite par l'un des plus grands dramaturges anglais William Shakespeare, a été transposée de manière surprenante par un groupe d'élèves des lycées Sonia Delaunay et Pierre Mendes France. lls ne se sont pas inspirés de la mise en scène du professionnel Patrick Pineau. Ils ont opté pour une version beaucoup plus dynamique de l'extrait. Nous les découvrons dans le hall de la Scène nationale de Sénart, enthousiastes, dans une ambiance euphorique. C'est décontracté qu'ils abordent ce travail de création théâtrale, ils n'appréhendent pas l'idée de monter sur scène. « Pour ma part, je ne suis pas stressée », avoue Sophie qui travaille la mise en scène.
Maeva, comédienne, et Emerick, technicien son, nous expliquent que leur groupe a l’intention de mettre en scène Léonte et Polixène, respectivement roi de Sicile et roi de Bohème, dans le rôle d’hommes d’affaires au sein de la même entreprise. Deux collègues au statut hiérarchique différent. La jalousie maladive de Léonte viendrait-elle ainsi se renforcer par la stature haute placée de Polixène ? Le décor se limite à un bar et une table pour les invités. Les lumières scintillent au-dessus de la scène, donnant une pointe festive. Quant à l’habillage sonore, la pièce démarre sur une musique calme qui devient de plus en plus rythmée au fil de la pièce. Les metteurs en scène ont ainsi tout organisé pour laisser place à une fête. Malgré cette ambiance festive, ils ont choisi de garder l’esprit tragique de la pièce. L’expression de la jalousie de Léonte reste explosive. Personnage clé de la pièce, Léonte se dédouble, en étant interprété par deux acteurs. L’un incarne le Léonte rationnel, l’autre le Léonte jaloux, tel un « diablotin » comme l’expliquent les élèves. La scène sera alors plongée dans le noir, « les lumières rouges seront centrées sur lui et sa conscience », précise Maeva. C’est un travail bien pensé et inventif. Les rôles se sont répartis rapidement entre les élèves. Maeva, elle, interprète le personnage qu’elle souhaitait jouer : celui d’Hermione. « Enceinte, elle se bat pour préserver son amour, une femme forte et moderne », analyse avec finesse la comédienne.
Pour se faire, les élèves se sont penchés sur le thème de l'Afrique. Cette idée peut sembler étrange d'autant plus qu' « il n'y a pas d'hiver en Afrique », comme le dit Christelle. Mais, dans le groupe, il y a une majorité d'élèves d'origine africaine et cette culture les intéresse. C'est pour cela qu'ils ont choisi d'orienter leur mise en scène dans cette direction. La scène sera éclairée de lumières rouges qui rappellent l'ambiance chaude de l'Afrique. Les comédiens ont prévu de porter des pagnes et de longues robes, tandis que des plantes vertes seront disposées sur le plateau. Ce lien avec l'Afrique a aussi été l'occasion pour eux d'orienter leur mise en scène de manière plus inattendue vers le comique, édulcorant sérieusement le registre tragique initial. L'accent africain un peu plus marqué de Léonte, les onomatopées, l'écho des djembés… Tout cela permet de surprendre le spectateur. Comme nous le confie Sophie « nous cherchons l'humour dans le pathétique ». Pour faire revivre cette pièce classique, les élèves ont donc misé sur le décalage comique y compris pour les scènes les plus tragiques. C'est un pari osé mais nous y croyons.
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À LA RENCONTRE DE... pa r
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DES PHOTOS QUI INTERPELLENT
UN TRAVAIL MINUTIEUX POUR UN FILM SENSIBLE
Séries après séries, les élèves du groupe photo finalisent leur travail. Les photos sortent une à une de l'imprimante pendant qu'une partie du groupe déambule dans le hall pour visualiser la future scénographie de leur projet. Leur but est d'exposer les clichés qu'ils ont pris pour illustrer les principaux thèmes du Conte d'hiver : l'amour, la jalousie, le manque de confiance en soi, la haine ainsi que l'idée d'ellipse temporelle.
Les yeux rivés sur l’écran de l'ordinateur, les dix élèves du groupe vidéo procèdent au « derushage » de leurs interviews. Ils échangent leurs points de vue et débattent sur les moments qui doivent apparaître dans le film. « Stop », « reviens en arrière », « coupe », s’exclament les élèves concentrés. Des discussions intenses et des idées dispersées dans l’objectif final de faire un film inspiré du Conte d’hiver de Shakespeare.
Les séries visent à faire réfléchir, rire ou encore à toucher, à sensibiliser. Les photos ont été prises par les élèves eux-mêmes. Ils ont choisi leurs modèles parmi les membres du groupe, ainsi que parmi leurs amis et leur famille. « Nous sommes allés dans la forêt pour prendre des photos, nous nous sommes entraidés, il y avait une bonne ambiance », se souvient Natasha, élève de seconde, qui se met à rire en se rappelant les bons moments. « Les modèles ne se prenaient pas la tête, ce n'était pas scolaire », ajoute-t-elle. Ils ont ensuite procédé à une sélection de quelques photos soumises à Pierre-André Clergue, photographe professionnel qui les a accompagnés tout au long de leur travail. C'est ce dernier qui a eu la mission de trancher et de choisir les meilleures. Certaines photos ont été travaillées grâce à un logiciel de retouche d'images pour faire ressortir des détails ou bien pour amener le spectateur à se concentrer sur l'essentiel.
Les élèves y abordent des sujets forts tels que la jalousie, l’amour et la folie. Il leur aura fallu une douzaine d’heures pour réaliser ce travail à la fois sensible et ingénieux.
Pour organiser le sens de l'exposition, « on s'est mis à la place des visiteurs », explique Juliette, armée de son bloc notes et des plans du hall. Comme dans une vraie galerie, les images sont exposées dans un ordre précis, pour amener le spectateur à explorer les thèmes les uns après les autres. C'est une préparation minutieuse. Rien n'est laissé au hasard. Pour Natascha, cette expérience est « un rêve qui devient une réalité. On a trop l'impression d'être des photographes professionnels, pour de vrai ! » Juliette approuve : « C'était super bien ».
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Quelques semaines auparavant, les élèves se sont filmés et interviewés entre eux. Ils répondent à des questions posées en fonction des thèmes. En décor, un tableau de classe en arrière plan et des lumières adaptées à chaque visage. Seuls les élèves volontaires et motivés apparaissent dans le film. « C’était difficile de trouver les mots, on était stressé », confie Charles-Auguste, d’autant que cet élève de seconde reconnaît que « l’amour, c’est trop fort. Personnellement, je suis plus attaché qu’amoureux. » Parfois, les réponses peuvent choquer et même faire sourire, pourtant les confidences ne sont pas trop personnelles. Ensuite, ces interviews d’élève ont été combinées avec des extraits du Conte d’hiver et avec l’entretien vidéo du metteur en scène Patrick Pineau. Une manière de montrer que « chacun peut s’identifier aux personnages du Conte d’hiver », précise Charles Auguste, même encore aujourd’hui, quatre siècles après l’écriture de la pièce par Shakespeare. Pour les élèves, cette expérience a été bénéfique. « J’ai appris de nouvelles choses, j’ai découvert un univers que je ne connaissais pas », raconte Louise, participante au projet.
48 HEURES CHRONO Dans la salle de réunion du groupe presse à La Scène nationale de Sénart, sur le projet Les Ogrelets, l’effervescence bat son plein quelques heures avant la remise du journal. L’atmosphère assez détendue de la veille a changé. Les yeux rivés sur les écrans, les doigts s’agitent sur les claviers, les mots se cherchent tout le monde s’attèle à son travail. Les interviews realisés, les observations faîtes et les photos commandées, les articles sont en cours de rédaction. La graphiste est prête a les mettre en page. « Ce travail est long et demande de l’énergie » nous rapporte Caroline qui comme les autres est concentrée sur son article. « Je n’ai aucun regret à avoir choisi le groupe presse car j’aime écrire, même si au debut j’ai hesité à choisir le projet photographie » raconte Julie. Le groupe presse est réparti en différents comités. Certains décrivent le travail de l’ensemble des vidéastes et illustrent ainsi le documentaire qui se réalise en vue de la projection. Ces mêmes rédacteurs nous racontent également comment se monte l’exposition à partir des photographies réalisées par le groupe photo. En dehors de ces élèves du Lycée François Joseph Talma dont le groupe presse est lui même issu, d’autres journalistes rendent compte du travail de pratique théâtrale des Lycées Sonia Delaunay et Pierre Mendes France. Armées d’un bloc note, crayons à la main, trois équipes sont allées à la rencontre des trois groupes disséminés à la Coupole en situation de travail. Metteurs en scène, scénographes, comédiens et techniciens leur ont confié leurs idées, méthodes de travail, appréhensions et sentiment général quant à l’adaptation d’un extrait de la pièce Le Conte d’hiver qu’ils doivent présenter sur le plateau de la Scène nationale. Les articles du journal en création seront accompagnés des différents clichés tirés de ces ateliers de répétitions. Après des séances de travail en classe, c’est au cours de ces deux journées de travail intensives que va ainsi naître un journal titré Les Ogrelets. Mais également un documentaire vidéo, une exposition de photographies et trois adaptations d’un extrait du Conte d’hiver. Le fruit d’une appropriation personnelle qui se révèlera ou non proche de celle de Patrick Pineau, découverte par les lycéens en novembre 2013.
De haut en bas : Le groupe presse, le groupe photo et le groupe vidéo en séance de travail à la Scène nationale de Sénart
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« Quand on avoue sa jalousie, on l’a déjà dépassée. Les vraies jalousies, on n’en parle pas. » Alexandre Kauffmann
GIANCIOTTO DÉCOUVRE PAOLO ET FRANCESCA peinture de jean - auguste - dominique ingres (1819)
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C’EST QUOI LA JALOUSIE ? Analyses et confidences au lycée François Joseph Talma à Brunoy p r o p o s
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« Pas une fatalité »
Sarah, surveillante « Je suis de nature jalouse mais avec le temps et la maturité j’ai pris conscience que la jalousie nuirait à mon couple et à ma famille. J’ai commencé par fouiller le téléphone portable de mon conjoint, puis ça a empiré je devenais paranoïaque et j’interprétais très mal certains messages qu’il recevait. J’ai fini par sortir de la jalousie grâce à un sophrologue et à mon entourage. Je pense que la jalousie est un trait de caractère et que ce n’est pas une fatalité… Il faut juste se faire aider. »
« Les femmes sont plus jalouses »
Julia, 15 ans, lycéenne « Je ne suis pas jalouse en amour mais je l’ai déjà été en amitié et je pense que les hommes ne montrent pas assez leur jalousie : ils sont passifs. Les femmes sont plus jalouses car elles sont envieuses et possessives. Je connais une amie qui est folle de jalousie. Elle est allée jusqu'à suivre une personne, elle l'a même menacée. Elle a été violente envers sa « concurrente ». »
« Pour moi c’est invivable »
Surveillante « Je ne suis pas jalouse de nature car pour moi c’est invivable. Mais je pense que les femmes sont plus jalouses que les hommes car elles envient beaucoup les autres femmes et ce qu’elles ne possèdent pas. »
Julia, 15 ans
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« Les femmes sont en concurrence »
Rachad, 16 ans, lycéenne « Les femmes sont beaucoup plus jalouses car elles se comparent entre elles, elles sont toujours en concurrence alors que quand ce sont les hommes, eux passent vite à autre chose. J’ai déjà été confronté à cette situation car deux étaient "sur" moi et elles se comparaient à chaque fois et ne comprenaient pas ce que je trouvais à l’autre. »
« Des réactions possessives »
Elisabeth, 15 ans, lycéenne « Mon meilleur ami avait des réactions possessives. Il me demandait toujours ce qu’il y avait entre moi et mon ex-petit ami avec qui je n'étais plus. Pourtant il insistait et était persuadé que je restais en contact avec lui. »
« Passer à autre chose »
Thomas, 15 ans, lycéenne « On m’a fait croire qu’une fille m’aimait alors que ce n’était pas le cas. J’ai essayé de sortir avec elle mais elle a refusé. Plus tard, je l’ai surprise avec mon meilleur ami, j’ai tout de suite compris qu’ils étaient ensemble. A partir de ce moment là, je suis devenu très jaloux de ce garçon. J’ai quand même réussi à passer à autre chose. »
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LA JALOUSIE
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C’est au lycée François Joseph Talma que le Docteur Fraysse a répondu à nos questions. Ce psychiatre et psychothérapeute nous a fait part de sa perception de la jalousie telle que ses patients l’expriment. Comment définissez-vous la jalousie ? C’est un sentiment normal qui n’est pas considéré comme pathologique. C’est un sentiment de l’ordre de la passion (au même titre que l’amour et la haine) qui fait que l’on éprouve à l’encontre de quelqu'un d’autre des sentiments d’amour contrariés. Avez-vous souvent des patients qui ont des problèmes de jalousie ? Oui. Il s’agit plus souvent de patients masculins. Dans un couple, ce sont les hommes qui, encore aujourd’hui, même si cela évolue, prennent les devants et qui ont le sentiment de se mettre en danger. Ce sont donc eux qui manquent de confiance en eux. Le sentiment de jalousie peut-il devenir grave au point de devenir maladif ? C’est ce qu’on appelle la jalousie pathologique. C’est quand ce sentiment de jalousie nous rend fou, occupe tout notre esprit et nous incite à faire des actes inhabituels. J’ai reçu une dame récemment qui vient, entre autres, parce qu’elle
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croit que son mari la trompe. Elle fait cette supposition car elle trouve qu’il n’est pas assez attentif à elle et qu’il ne passe pas assez de temps avec elle. Elle a aussi remarqué qu’il allait sur des sites pornographiques et des sites de rencontre. Ça prend toute la place dans sa vie. Il y a trois grandes catégories de jalousie pathologique. Les gens qui manquent de confiance en eux développent plus une jalousie névrotique. Cela se soigne par la thérapie, pour reprendre confiance en soi. Il y a ensuite la jalousie d’ordre psychotique qui se transforme en délire. Par exemple, « ma femme a regardé tel type mais je suis sûr qu’elle n’a pas fait que le regarder. » Ce n’est plus du réel, c’est de l’interprétation du réel. La troisième forme de jalousie pathologique est celle liée à la démence. Elle concerne des personnes qui ont des problèmes non pas pyschiatriques mais neurologiques. Elle peut, par exemple, se développer chez des personnes âgées qui souffrent de démence ou chez des personnes atteintes de maladie du cerveau ou souffrant d’alcoolémie grave. Pensez-vous que la jalousie et la paranoïa sont liées? Dans le cas des jalousies névrotiques, il s’agit souvent de délires paranoïaques. « Je pense qu’on me veut du mal » ; « je pense aussi que ma femme me trompe » ; « je le pense parce que je vois leurs regards » ou car « c’est la petite voix dans ma tête qui me l’a dit ». On arrive ici à des cas pathologiques très graves. Ce genre de délire paranoïaque existe et peut aller très loin, jusqu’au meurtre. Mais ça reste très rare.
HOLLANDE-GAYET :
SCANDALE POLITIQUE OU AFFAIRE PRIVÉE ? pa r
j u l i e
s o u m e t
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Plus que la vie privée du président, l’affaire « Closer » met en lumière la personnalité d’un homme pris au piège de ses ambiguïtés. « C’est sans doute ce qui fait le plus mal. » résume Le Nouvel Observateur. Cette affaire, qui a défrayé la chronique, met en lumière la difficulté de la distinction entre vie privée et vie publique. Aujourd’hui, les médias font partie intégrante de la vie quotidienne. La frontière entre la vie privée et la vie publique d’une personne est mince, et facilement franchie. L’actualité en a donné un exemple flagrant, avec l’affaire Hollande-Gayet. Ce boum médiatique a entièrement secoué la classe politique, mais également la société française dans son ensemble. « L’affaire ne les regarde pas, mais ils ne regardent qu’elle. » souligne L’Express. Comment la vie publique empiète-t-elle sur la vie privée ?
Un président normal, trop normal... Depuis 2007, Valérie Trierweiler est devenue la concubine de François Hollande, en d’autres termes la femme qui partageait sa vie privée. Mais avec son entrée au pouvoir en qualité de président des Français, il l’a entrainée dans sa vie politique puisqu’elle se devait d’être à ses côtés en qualité de première dame de France et donc du même fait dans sa vie publique. C’est là qu’apparait bien le côté cornélien de la dissociation de la vie privée et de la
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vie publique d’une personne connue, en l’occurrence d’un chef d’Etat : où commence la vie publique et où s’arrête la vie privée d’un Président et de sa compagne ? Mais voici un rapide rappel des faits. Le vendredi 10 janvier 2014, le magazine Closer a publié un article sur une relation supposée entre François Hollande et l’actrice Julie Gayet. Photos à l’appui, la révélation du journal entraine un véritable séisme médiatique. « L’amour secret du président », révélé au grand jour, n’est tout à coup plus si secret. Les autres journaux se sont emparés de l’affaire, qui a rapidement été relayée à l’étranger. Ce qui n’est à la base qu’une simple affaire relevant de la vie privée est devenue une affaire publique, exposée aux yeux de tous. « Le choc », « le discrédit », « le déshonneur »… les journaux ne sont pas avares d’adjectifs pour qualifier ce qui s’annonce déjà comme l’un des plus gros scandales politiques de la décennie. Relatée par les journaux étrangers, tels le Times aux Etats-Unis, la radio, les émissions télé et Internet, cette « people-story » est suivie de près. Et pour cause ! François Hollande a trompé sa compagne pendant plus de deux ans, élément relevant de sa vie privée. L’image de l’homme en prend un coup, lui qui était déjà au plus bas dans les sondages de popularité. Le constat dressé par le journal Le Parisien est inquiétant : « La cote de popularité de François Hollande a encore perdu deux points en un mois. Seul 20% des Français se déclarent satisfaits du chef de l’Etat en février. »
Ces secrets, relevant de l’intime, passionnent les Français. Comme le confie l’écrivain Christian Salmon au journal L’Express, « les puissants apparaissent non plus comme des souverains, mais comme des sujets de conversation, des personnages de série télé. » La dignité du personnage se retrouve balayée, lointain souvenir de la retenue et de la distinction dont il est sensé faire preuve. La faute lui incombe complètement, il ne nie pas cette liaison, il l’assume même en prônant le fait que cela ne regarde que lui, que cela fait partie de sa vie privée. Néanmoins, il ne tient pas compte qu’en tant que Président de la 6ème puissance mondiale, il se doit d’être prudent et de se protéger, car il n’a plus comme il a l’air de le croire le statut d’un citoyen lambda. Du jour où il est devenu Président il a perdu ce statut anonyme. Sa responsabilité vis-à-vis de ses concitoyens est telle qu’il doit se protéger, il a en charge un pays, il en est le chef, choses qu’il n’a pas du tout prises en considération lors de ses actes. Car c’est également sa sécurité, en temps que chef de l’Etat, qui est ainsi compromise. François Hollande n’est pas un citoyen français comme les autres, c’est le président de la République. De ce fait, c’est tout l’aspect relatif à sa sécurité qui est mis en cause. En effet, lors de ces déplacements personnels, François Hollande n’était escorté que par un garde du corps, risque flagrant pour sa personne. « Un compromis entre discrétion et déploiement de force. » soutient L’Express. L’équilibre ne semble pourtant pas préservé.
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Un homme sous influence féminine ? Mais loin de toutes ces considérations, se trouve une femme brisée, trahie. Valérie Trierweiler a été hospitalisée, suite au choc que lui a causé ces révélations. Et quand elle est enfin sortie de l’hôpital, ce fut avec stupeur que la France apprenait la rupture officielle du couple présidentiel. En effet, le communiqué officiel de l’Élysée n’a pas tardé : « Je fais savoir que j’ai mis fin à la vie commune que je partageais avec Valérie Trierweiler. » Une phrase courte, laconique, sèche. Cette réaction s’est voulue rigide, dure, autoritaire comme pour rattraper un faux pas, au risque de passer pour un goujat vis-à-vis de l’opinion publique. Une nouvelle fois, on constate que cette limite « vie privée-vie publique » est d’autant plus difficile à poser en fonction de la position de la personne publique et suivant l’importance de ses responsabilités. Si bon nombre de politiciens de gauche préfèrent ne pas commenter cette affaire, d’autres encore assument pleinement leur opinion sur ces événements qui dépassent l’entendement. Ainsi la réaction de Nathalie Kosciusko-Morizet, candidate
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UMP à la mairie de Paris face à la socialiste Anne Hidalgo, est sans équivoque : « J’ai eu l’impression de lire quelque chose qui ressemblait plus à une lettre de licenciement qu’à une lettre de rupture.» Georges Fenech, député UMP, s’exprime quant à lui de la façon suivante : « L’annonce unilatérale par le président de la République de sa séparation s’apparente à une répudiation qui (...) porte atteinte à la dignité de toutes les femmes. » C’est certainement d’ailleurs la raison pour laquelle Valérie Trierweiler a reçu bon nombre de messages de soutiens de tous bords, même de la part de personnes qui la critiquaient ouvertement auparavant, et ce même si la première dame n’a jamais eu les faveurs de la population française. Pour l’aider, la conforter, la soutenir, une forme de solidarité qui parait justifiée à l’époque actuelle où le chef d’état prône l’égalité entre hommes et femmes en nommant un ministre chargée de ce dossier, la jeune Najat Valldu Belkacem, et donc par la même le respect de chacun et de chacune. La façon peu cavalière de rompre de François Hollande dénote tout simplement une absence de respect
évidente, tout comme un manque de considération envers la femme qui a partagé sa vie durant de longues années. « Après avoir promis la rupture, la normalité et la discrétion, Hollande a échoué à rejeter l’intime hors de la sphère politique. » Cette phrase du journal L’Express résume tout à fait le problème posé par cette affaire. Estce la vie privée de François Hollande qui a empiété sur sa fonction de président ? Ou est-ce la vie publique du chef de l’Etat qui a été relayée par les médias et confondue avec sa vie personnelle ? C’est une subtilité sur laquelle il est impossible de légiférer puisqu’elle est dépendante de la capacité d’un individu mis sous les feux des projecteurs à se comporter personnellement et publiquement. « Hollande, cette page qu’il ne peut tourner », affirme Le Nouvel Observateur. Mais pour combien de temps ?
Clichés extraits de séries réalisées par le groupe photo autour des thèmes tels que la jalousie, le jeu trompeur des apparences, la fuite du temps ou le manque de confiance en soi. Ces photos s'inscrivent dans une volonté d'illustrer les thématiques intemporelles de la pièce « Le Conte d'hiver ».
©Groupe photo Talma; Ogrelets 2014
ŠGroupe photo Talma; Ogrelets 2014