Les Ogrelets - Cyrano de Bergerac

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LES OGRELETS réalisé par la classe de seconde du lycée pierre mendes france

mars-avril 2014

ÉCHEC SUCCÈS DOUBLE JEU JO CÉLÈBRE ? CYRANO(S) 5431009792 WESH BOUH OH EUX NOUS HAVE A BREAK #LOVE MYTHIQUE


LES OGRELETS mars-avril 2014

DES LYCÉENS À L ' APPÉTIT OGRESQUE POUR LA CULTURE ! Les Ogrelets, dispositif phare des actions culturelles initiées par la Scène nationale de Sénart, continue de rassembler des professionnels de la culture, des lycéens, des équipes pédagogiques autour des problématiques liées à la création artistique. Pensé comme une académie d’éducation populaire, ce projet – soutenu par la DRAC Ile-de-France dans le cadre des résidences d’artistes – rend compte du processus de création d’une œuvre, de sa conception jusqu’à sa rencontre avec le public. Tourné résolument vers le questionnement et la transmission, le projet des Ogrelets a permis l’échange entre trois classes des lycées Sonia Delaunay à Cesson, Pierre Mendès France à Savigny-le-Temple et Saint-Pierre à Brunoy. Ces 110 élèves ont bénéficié d’un lien privilégié avec le comédien Patrick Pineau interprétant la figure d’un personnage hors-norme au verbe haut Cyrano de Bergerac. Au cœur de ce dialogue, la pièce d’Edmond Rostand mise en scène par Georges Lavaudant. Cette œuvre romantique traite de l’amour, de l’héroïsme, de la séduction, de l’audace mais aussi des désillusions, de l’abnégation, du rejet, de la blessure intime, autant de sujets qui résonnent chez les adolescents et leur permettent d’aiguiser leur point de vue critique sur le monde. Cette saison encore, les lycéens proposent leur regard singulier et ambitieux sur l’art, étonnant et affûté sur la mise en perspective de ses différentes étapes de construction, généreux et curieux sur toutes les personnes qui le font exister. Aussi, nous sommes tous fiers de vous présenter cette 3ème édition des Ogrelets.

GROUPE PRESSE Directeur de la publication Jean-Michel Puiffe Rédacteurs en chef Camille Sarret (TV5Monde) Pauline Berenguer (Chargée des relations avec le public) Nourhan Safey (professeure de lettres) Rédacteurs Les élèves du lycée Pierre Mendes France de Savigny-le-Temple : Nathan Maury, Camille Hoslet, Mélanie Gautrot, Célia Lieben, Lucas Baguet, Cloé Desmet, Gabriella Kongo, Célia Dos Santos Silva, Lucie Esdras, Yohann Pichet et Dieu-Veille Ganga. Photographes Pierre-André Clergue; Hervé All; Marie Clauzade. Le groupe photo du lycée Pierre Mendes France : Ninon Cabiran, Abdou Mouzaïnat, Ludivine Carotine, Priscille Mambole, Chiadon Eblin, Bryan Authier , Inès Ndema Elimbi, Séphora Mandozi, Fatima Djafri, Emi Scarsi, Fiona Marein, Mélissa Papin et Eve Lefaut. Mise en page Louison Costes (Graphiste); Inspiré du magazine indépendant Le Tigre

Remerciements Aux proviseurs Frédérique Jeannerod (Lycée Pierre Mendes France de Savigny-le-Temple), Guy Ferret (Lycée Sonia Delaunay de Cesson) et Olivier Joube et Claudio Vaccari (Lycée Saint-Pierre à Brunoy); À Daniel Loayza, dramaturge de la pièce Cyrano de Bergerac; À Philippe Breton, sociologue et anthropologue; À Claude, Lionel, Rama, Paul, Jeremy, Prunelle, Berte, Françoise, Mme Kello, Monique, Patricia, Rachid, Sophie, Yannis, Elodie, Guillaume. Projet initié par Jean-Christophe Estiot, Caroline Simpson Smith. Mise en œuvre Alexandra Boegler, Pauline Berenguer, Estelle Erisay et Yann Hery. Autres intervenants du projet Olivier Defrocourt (scénographe), Sophie Jude (metteur en scène), Jérémy Sicard (résponsable du service cinéma) et Thomas Chariot (maître d'armes) Équipe technique Amelie Gougeon (son) ; Bernard Espinasse (lumière) ; Esteban Sanchez (plateau) ; Remy Descotils (plateau) ; Laurent Maloumi (électricien)


EDMOND

ROSTAND Un parcours avec des hauts et des bas pa r

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“ Soyez tous des petits Cyrano ” pa r

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À ses débuts, plusieurs de ses pièces ont été un échec. Derrière le succès de la pièce Cyrano de Bergerac, Rostand a connu un parcours difficile.

Dès sa première représentation, en 1897, Cyrano de Bergerac connaît un grand succès, ce qui a surpris l’auteur lui-même.

Edmond Rostand est un écrivain français né en 1868 à Marseille. Il est issu d’une famille aisée qui s’intéresse autant au commerce et à la finance qu’aux arts et à la littérature. Il fait ses études au collège Stanislas à Paris et à ses heures perdues griffonne quelques vers. C’est en vacances qu’il rencontre Rosemonde Gérard, sa future femme, qui aspire elle aussi à devenir poète. Tous deux se lient d’abord d’amitié. Ils échangent ensuite de nombreuses lettres dans lesquelles chacun propose à l’autre ses vers et ses conseils. Alors que ses parents souhaitent le voir poursuivre des études de droit, il choisit contre leur avis la carrière littéraire. Ses premiers essais littéraires passent inaperçus auprès du grand public. Puis, il compose plusieurs pièces comme Le Gant Rouge, un vaudeville, joué pour la première fois le 24 août 1888. C’est un échec ! Les représentations cessent au bout de la 17ème date. Dès lors, Rostand ne souhaite plus écrire ce type de pièce. Il se lance alors dans d’autres projets littéraires : il veut se consacrer à des sujets plus nobles et souhaite écrire en alexandrins. Rosemonde publie elle aussi des œuvres, notamment Les Pipeaux. Ce recueil poétique obtient le Prix de l’Académie en 1889. En 1890, Rostand publie son premier recueil de poèmes, Les Musardises. Le livre n’est vendu qu’à une dizaine d’exemplaires et c’est en cachette de son mari que Rosemonde parvient à le faire publier. Quelques critiques évoqueront cependant favorablement l’ouvrage, source d’espoir pour notre jeune auteur ! Il s’essaye ensuite à la traduction et rencontre plus tard Constant Coquelin et Sarah Bernhardt. Cette dernière lui demande de lui écrire un rôle. Il compose La Princesse lointaine et encore une fois le succès est mitigé. Mais le 28 décembre 1897 au Théâtre de la Porte Saint-Martin à Paris, se joue Cyrano de Bergerac. C’est un énorme succès. Constant Coquelin incarne le rôle titre. La salle ne désemplit pas, la pièce est diffusée dans tout le pays, puis traduite dans de très nombreuses langues. Le personnage de Cyrano devient un symbole patriotique dans tous les pays où il est mis en scène. Elu en 1901 à l'Académie française, Edmond Rostand meurt en 1918 à Paris, suite à l’épidémie de grippe espagnole qui sévit à l’époque. Il repose au cimetière de Marseille, sa ville natale. Sa femme, Rosemonde, décède bien après lui, le 5 juillet 1953.

La pièce d’Edmond Rostand voit le jour en 1897, époque marquée par une tradition théâtrale plutôt réaliste et naturaliste. Le réalisme et le naturalisme sont deux mouvements littéraires qui ont pour objectif de représenter le monde contemporain, social et historique tel qu’il est. Le naturalisme a une caractéristique en plus : il s’appuie sur la science pour représenter le monde. Des auteurs tels que Balzac ou Flaubert ont écrit des ouvrages réalistes, Emile Zola est un des plus grands auteurs naturalistes du 19e siècle. Les pièces de théâtre à cette époque sont majoritairement des drames historiques ou des tragédies. À cette époque, Cyrano de Bergerac se détache de cette tradition théâtrale. Elle rassemble plusieurs genres en une seule pièce : elle est à la fois comique, pathétique, romantique et tragique, et elle se rapproche du « drame romantique » des années 1820. Rostand, lui, préfère les termes de « comédie héroïque ». En 1897, la pièce connait un énorme succès. Tout le monde en parle, et en particulier la presse. Quelques mois après la première représentation de la pièce, Le Journal publie un sondage dans lequel il demande aux lectrices quel est le héros littéraire qui leur est le plus cher et aux lecteurs quel est le héros littéraire qu’ils auraient aimé être ? Tous, hommes comme femmes, répondent en chœur Cyrano de Bergerac. Pour l’auteur, ce succès était inattendu. En effet, Rostand n’avait aucune idée de l’impact que pouvait avoir la pièce sur ses contemporains. Grâce à ce succès, la pièce est jouée un peu partout, et notamment dans l’ancien collège de Rostand. À la fin de cette représentation, l’auteur déclare aux élèves du collège : « Voici mon conseil de poète : soyez tous des petits Cyranos! ». Au même moment une autre pièce d’Alfred Jarry affiche son originalité : c’est Ubu Roi publiée en avril 1896. Alors qu’Ubu Roi fait scandale, Cyrano de Bergerac connaît un grand succès.

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UN SUCCÈS

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A la Scène nationale de Sénart, le public est venu en nombre pour la représentation de Cyrano de Bergerac. L’impatience se fait sentir. Certains connaissent la pièce, l’ont lue ou même déjà vue. D’autres la découvraient sous la mise en scène de Georges Lavaudant. Célèbre metteur en scène, auteur dramatique et acteur, Georges Lavaudant est considéré comme l’un des maîtres du théâtre. Sur scène, tous les personnages sans exception portent des costumes d’époque. Les tenues de Christian et de Cyrano, personnages principaux, sont un peu similaires car les deux personnages ne font qu’un : l’un a la parole (Cyrano), l’autre a le physique (Christian). Tous les deux ont le même but : séduire Roxane. Le plateau est peu éclairé. Les lumières sont tamisées et donnent au décor une atmosphère romantique et douce. Au centre de la scène, trône une grande structure qui tourne sur elle-même selon les axes et les lieux. Elle permet de changer de décor. Par exemple, la structure est passée d’une scène de théâtre à un balcon. Cela nous donne l’impression que les scènes se passent toutes au même endroit. Le personnage de Cyrano joué par Patrick Pineau dans cette mise en scène représente la force, la puissance, la bravoure et le courage. On le voit dans ses batailles lorsque le personnage principal de la pièce manie l’épée avec brio, ou encore lorsqu’il interrompt ses interlocuteurs de longues tirades. Cyrano montre aussi sa faiblesse et sa sensibilité, fou amoureux de Roxane. Cette dernière est une femme qui s’impose, on le voit dans les actes III et IV. Mais elle a aussi des points faibles : elle aime un jeune homme, Christian de Neuvillette, cadet dans la compagnie de Cyrano et elle veut aussi qu’on lui parle d’amour de façon poétique. Comme on disait à l'époque, c’est une précieuse. Cette pièce a remporté le même succès qu’en 1897, dès l’acte I, tout le public a applaudit. Néanmoins, l’articulation de Patrick Pineau n’était pas toujours audible. Serait-ce dû à un stress ou à une pleine incarnation du personnage de Cyrano ? Malgré cela, les avis sur cette pièce restent positifs et une grande partie du public a exprimé sa satisfaction à la sortie de salle.

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Cyrano de Bergerac mis en scène par George Lavaudant


CYRANO DE BERGERAC “ On en a coupé plus d'un tiers ” pa r

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Il n’est pas fait pour être supporté par une seule voix mais par plusieurs. Le but ce n’est pas toujours d’apporter de la nouveauté mais quelque chose de vivant et d’intense que l’on puisse partager avec des spectateurs.

Daniel Loayza est conseiller artistique à l'Odéon Théâtre de l’Europe à Paris. Dramaturge, il répond à toutes les questions que peuvent se poser le metteur en scène et les comédiens sur les textes de théâtre. Pour la pièce de Cyrano de Bergerac, il a travaillé en étroite relation avec Georges Lavaudant, le metteur en scène. Êtes-vous seulement en contact avec le metteur en scène ou également avec le public ? Je joue le rôle d’intermédiaire entre les artistes, l'ensemble de l'équipe artistique et le public. Je choisis les textes et les mets en forme. C’est moi aussi qui rédige les textes de présentation ou les textes de programme. Je vais également dans des classes, dans des universités et dans des entreprises. Il m’arrive de présenter des spectacles avant qu’ils ne passent au théâtre ou d’aller en discuter après avec des spectateurs. Qu’est-ce qui vous a fait choisir ce métier ? Je n’avais pas de vocation très marquée. Pendant mon service civil que j'ai fait à l’ambassade de France au Mexique, dans les services culturels, j’ai fait la rencontre d’un homme de théâtre, metteur en scène, avec qui je me suis lié d’amitié. C'était Georges Lavaudant. A l’époque, je ne connaissais rien au théâtre. Il m’a parlé de son métier et à mon retour du Mexique il m’a proposé de travailler avec lui une première fois en qualité de dramaturge. Il m’a expliqué que, pour lui, le rôle consistait à être capable de résoudre tous les problèmes textuels ou linguistiques qui pouvaient se poser à une équipe artistique. En 1996 exactement, quand Georges Lavaudant a été nommé directeur de l’Odéon, il m’a proposé de travailler avec lui. J’ai fait des études de lettres classiques. Je suis polyglotte, je parle suffisamment bien l’anglais et l’espagnol pour pouvoir lire les textes dans ces langues et les traduire directement. Georges Lavandant a dû se dire que j'avais un sens de la langue et que je pourrais lui être utile pour certaines traductions.

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Cela veut-il dire que pour être dramaturge il faut maîtriser plusieurs langues ? Je ne sais pas si il faut être polyglotte pour être dramaturge. Le théâtre n’est pas forcément français, il est aussi allemand, anglais et international. Le théâtre est un grand genre européen. Quand on travaille sur les textes théâtraux, on a intérêt à comprendre les moindres détails, c'est pourquoi il est toujours important de pouvoir revenir à l’original. En tant que dramaturge, quels sont, selon vous, les avantages et les inconvénients que présente le texte de Cyrano de Bergerac ? Pour Cyrano, il a fallu discuter des visions possibles de la pièce avec le metteur en scène et les comédiens. Il fallait aussi résoudre pas mal de problèmes linguistiques parce que Edmond Rostand s’est beaucoup amusé avec la langue française et qu'il aime se servir de mots rares ou précieux. Un dramaturge, c’est quelqu’un qui peut aider le metteur en scène à faire des coupes ou à mettre en forme les coupes qu’il souhaite. Pour le texte de Cyrano de Bergerac on en a coupé plus d’un tiers mais il a fallu se débrouiller pour que la versification soit respectée. En quoi pensez-vous apporter du nouveau à cette pièce qui a été jouée de nombreuses fois ? Un texte de théâtre n’est pas fait pour être lu dans un coin par un lecteur solitaire et silencieux. Il est fait pour être apprécié collectivement, par un public dans une salle de théâtre, et être incarné par des acteurs.

D’après vous, les spectateurs peuvent-ils se retrouver dans Cyrano ou même dans Christian ? On peut s’identifier à l’un ou à l’autre d’autant que nous avons tous vécu des situations de timidité, des situations où la timidité va pouvoir s’effacer quand on veut vraiment pouvoir s'exprimer. Pourquoi avez-vous choisi de travailler sur ce texte ? C’est Georges Lavaudant qui a fait ce choix parce qu'il avait d'abord trouvé l'interprète qui convient pour Cyrano. Lui-même l'a dit plusieurs fois : « jamais je n'aurai mis en scène cette pièce si je n'avais pas pu le faire avec Patrick (Pineau, ndlr) ». Personnellement, après lecture, je lui ai confirmé qu'il s'agissait d'un texte très intéressant. Pourquoi ne devenez-vous pas metteur en scène ? C’est un autre métier et franchement je n’y ai jamais trop pensé. Un metteur en scène s’exprime à travers son dialogue avec les acteurs, ainsi qu'à travers ses choix de mises en scène, de scénographie et de texte. Moi, je m’ exprime autrement. Par contre, travailler avec le metteur en scène, ça j’aime beaucoup. Avez-vous vu des films ou d’autres adaptations de la pièce avant de travailler le texte de Cyrano ? Quand on passe le bac, on lit de nombreux commentaires parce qu’on veut vérifier qu’on a bien compris le texte. De même, quand on met en scène un spectacle, on aime voir comment les autres l’ont mis en scène pour se rendre compte des solutions qu'ils ont trouvées, pour confronter notre point de vue aux leurs, pour repérer les aspects auxquels les autres ont été sensibles.

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QUI EST CYRANO DE BERGERAC? pa r

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Yannis, 23 ans « Je pense au nez, il a un grand nez non ? Je ne me rappelle pas de l’histoire. Je l’ai lue il y a longtemps. » Jeremy, 28 ans « Je ne connais pas grand-chose à part son nez assez long. L’image de Cyrano qui me vient à l’esprit est son adaptation cinématographique avec Gérard Depardieu, je pense que c’est un très bon film ainsi que l’un des meilleurs rôles de Gérard Depardieu, je l’ai aussi étudié à l’école. »

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Guillaume, 21 ans « Il avait un nez... Un nez un peu en patate! »

Berte, 46 ans « Je ne connais pas du tout Cyrano de Bergerac mais je pense à la littérature. » Françoise, 63 ans « Je décris Cyrano comme un batailleur, je ne me souviens plus de son physique. Je l’ai étudié étant jeune à l’école. » Jean-Pierre, 64 ans

Rama, 22 ans « Cyrano, oui je pense à la littérature française, le scandale. Niveau physique, je pense au nez. Je connais Cyrano de Bergerac grâce au livre ainsi que les différentes adaptations cinématographiques que j’ai eu l’occasion de voir auparavant. »

Paul, 76 ans « Je me rappelle d’un passage de la pièce où l’on parle du long nez du personnage suivi de cette phrase : « C’est un pic, c’est un cap, c’est une péninsule ! ». Je ne me souviens plus du nom de l’auteur. Je connais Cyrano par la littérature que j’ai étudiée au lycée ainsi que par la lecture. » Lionel, 43 ans « Ce qui me vient à l’esprit directement est l’adaptation du film avec Gérard Depardieu. Cyrano est connu comme un homme de panache, courageux, déterminé, luttant contre les inégalités. Physiquement, je pourrais décrire Cyrano par son nez, son grand chapeau à plumes ainsi que par sa tenue de mousquetaire. »

Rama, 22 ans

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Paul, 76 ans

Je connais Cyrano, ainsi que l’auteur Edmond Rostand. Je pense à son nez long ainsi que la phrase : « C’est un pic, c’est un cap, c’est une péninsule ! », j’ai lu la pièce plusieurs fois et vu son adaptation cinématographique avec Gérard Depardieu. Ce personnage incarne un homme historique, un héros, un amoureux transit, il écrit des lettres d’amour, beaucoup de bravoure, il n’est pas un mauvais acteur, il incarne la générosité, la beauté intérieure face à la laideur physique. Complexé du nez, il n’ose pas déclarer sa flamme. »

Patricia, 49 ans « Cyrano de Bergerac ? Une pièce de théâtre, un gros nez, Edmond Rostand, Gérard Depardieu. Sur l’histoire, rien ne me revient car ça remonte à bien longtemps ! » Rachid, 35 ans « Je pense à la pièce de théâtre, je sais que j’ai étudié le livre quand j’étais petit . Qui a écrit ça, je ne sais plus. Cyrano de Bergerac, je sais qu'il a le nez pointu. »

Françoise, 63 ans

Yannis, 23 ans


D ' UN CYRANO

AUX AUTRES Et si le vrai Cyrano rencontrait son personnage pa r

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J'ai certes un nez anormalement grand, remarqué sur un tableau de Théophile Gautier, mais alors vous, ils ne vous ont pas fait de cadeau !

Oui, ces hommes de théâtre m'ont rendu célèbre avec votre nez, dit « péninsulaire ». Hercule Savinien Cyrano, enchanté ! Que faites-vous dans la vie ?

Cyrano de Bergerac, homme de lettre du 19ème siècle. Moi, écrivain français du 17ème siècle. J'ai eu une carrière militaire honorable, j'ai mis en fuite une centaine de spadassins à proximité de la porte de Nesle.

Il en est de même pour moi. J'ai combattu contre cent hommes à la porte de Nesle. Ma cousine Madeleine Robineau s'est mariée avec mon grand ami Christophe Champagne, baron de Neuvillette. Quant à moi, je souffre de mon amour déçu avec M. d'Assoucy.

Roxane... Précieuse inspirée de ta cousine Marie Robineau. Elle a choisi mon bon ami Christian, baron de Neuvillette.

CYRANO EN CHIFFRES

543 adaptations de la pièce en plus de 100 ans. 9 traductions en 7 langues différentes. 9 personnages tirés de personnes réelles. 2 livres inspirés de la pièce : Les 3 Mousquetaires et le Masque de Fer d'Alexandre Dumas

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UN CLASSIQUE, TROIS MODERNITÉS pa r

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NOUVELLE GÉNÉRATION : DU RAP DANS CYRANO Un coup de jeune a été donné à la célèbre pièce Cyrano de Bergerac écrite au 19e siècle par Edmond Rostand. Des élèves de 1ère L des lycées Sonia Delaunay à Cesson et de Saint-Pierre à Brunoy ont décidé d'en jouer un extrait de manière comique en créant des effets de mise en scène audacieux. C'est en rappant que l'un des personnages, le marquis Montfleury, entrera sur scène. Un contraste surprenant par rapport à la version de Georges Lavaudant qui donne de l'originalité à la scène. « On voulait rendre le personnage ridicule », affirme Morgane qui assure la mise en scène. D'autant plus que le rôle de Montfleury est endossé par une fille dont la voix sera rendue plus grave en résonnant dans un micro.

« battle », le public joué par les figurant encourage le rappeur à poursuivre sa représentation. Les deux hommes en viennent au combat que les techniciens lumière ont décidé de mettre en avant par un couloir de lumière centré sur les deux personnages. Pour rendre le moment plus intense et réel, les ingénieurs du son ont eu l'excellente idée d'insérer la musique du film américain Pirates des Caraïbes 1 avec le célèbre acteur Johnny Depp. Montfleury finit par se soumettre à son adversaire en quittant la scène et laissant les spectateurs abasourdis.

En tout et pour tout, six comédiens seront sur scène dont deux figurantes qui joueront le public. Ils seront présentés comme des clients dans un bar. Autour d'eux, une table et des chaises, le tout plongé dans une lumière rouge tamisée. Ce choix de décor permet d'apporter une ambiance urbaine, au goût du jour.

Pendant les répétitions, pas de blocage. « Tout s'est fait tout seul », raconte Pauline. En une journée, tous les rôles des élèves ont été attribués : comédiens, metteurs en scène, ingénieurs son et lumière… Les élèves redoutaient de manquer de temps mais au final la mise en place s'est faite rapidement. Les idées ont immédiatement fusé. Morgane n'appréhende pas tellement le passage final sur scène étant donné qu'elle n'est que figurante dans la pièce, contrairement aux deux acteurs principaux qui ont le trac. Vont-ils plaire?, se demandent-ils.

L'entrée sur scène de Cyrano sera fulgurante. Il surgira du public brisant l'effet du quatrième mur. Dès son entrée sur scène la lumière sera braquée sur lui et tous les regards seront donc portés sur le comédien. Cyrano gardera les mêmes valeurs que dans la pièce originale : sa bravoure, son panache et son éloquence. En revanche, « il sera beaucoup plus calme », précise Pauline, en charge des lumières.

Alors que cette pièce, qui leur a été imposée, les emballait peu au début, les élèves ont été de plus en plus inspirés au fil des répétitions. Ils ont notamment apporté des modifications au texte, avec des injections plus modernes et donc moins de vocabulaire du xixe siècle. Malgré tout, cette expérience n'incitera ni Morgane ni Pauline à se lancer dans une voie artistique. Toutes deux ont déjà une idée précise de leur orientation professionnelle.

Dans l'extrait, Cyrano interrompt la représentation de Montfleury qui tente de résister aux réflexions méprisantes de Cyrano mais se trouve tout de même déstabilisé. Comme dans une

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DU CORPS, DE L ' ESPRIT ET DES MOTS

UN CYRANO AU LYCÉE

Venus à la Coupole dans le cadre du projet Ogrelet, les élèves de 1ère L du lycée Sonia Delaunay ont tout de suite été très enthousiastes à l'idée de monter sur scène pour présenter un passage de la pièce Cyrano de Bergerac. Nouvelle expérience pour certains, déjà vécue pour d'autres, les élèves auront, selon leurs souhaits, pu se mettre autant dans la peau d'un comédien, d'un éclairagiste, ou même encore d'un metteur en scène. Solène, elle, a fait le choix de prendre en main la mise en scène. « Ça me plait beaucoup de faire ça. Je trouve que le théâtre, c'est très intéressant », raconte-telle tout sourire. Cette expérience aura pu leur donner des idées pour leur avenir professionnel, même si le choix de se lancer dans le théâtre avait déjà été fait pour certains. C'est d'ailleurs le cas de Paloma 17 ans, interprète de Cyrano. C'est pour elle une véritable passion que l'on remarque au premier coup d'oeil lorsqu'on la voit jouer ou même lorsqu'on l'entend parler du personnage qu'elle interprète. « Chaque acteur a vraiment sa propre interprétation du personnage, explique-t-elle à plusieurs reprises. Les comédiens apportent tous quelque chose au personnage. »

Un groupe d’élèves de 1ère L des lycées Sonia Delaunay à Cesson et Saint Pierre à Brunoy a décidé de jouer un extrait de Cyrano de Bergerac en transposant cette célèbre pièce d’Edmond Rostand dans leur univers : celui du lycée. Les lycéens misent sur une mise en scène moderne et radicalement différente de celle proposée dernièrement par le metteur en scène Georges Lavaudant.

Placé dans le public au début de la pièce, notre Cyrano au féminin fera une entrée spectaculaire sur scène. La lumière se braquera soudainement sur lui, tandis que la musique fera résonner les hauts parleurs de la Coupole. Sortiront ensuite de l'ombre des coulisses, deux nouveaux acteurs armés d'épées et placés en avant de la scène. Qui sont-ils ? Ce sont les corps de Cyrano et Montfleury qui se battent au rythme des didascalies. Placés plus en arrière-scène, les deux premiers acteurs clameront les répliques des personnages. Ainsi, les élèves de ce groupe ont fait le choix d'utiliser le thème du double dans leur mise en scène. Au lieu d'avoir le traditionnel couple Cyrano/Christian, on ressent davantage l'opposition entre le corps et l'esprit.

Sur scène, des casiers et des bancs. Un décor sobre mais efficace pour rappeler l’ambiance des couloirs du lycée. Juliette et ses camarades, metteurs en scène, ont même pensé à introduire une sonnerie d’école. Ils vont aussi jouer sur le bruitage pour imiter le brouhaha des élèves. Pour être plus en phase avec le langage des adolescents d’aujourd’hui, les metteurs en scène ont changé le texte original de la pièce en ajoutant des interjections comme : « oh » ou encore « eh ». Il y a des metteurs en scène et des acteurs mais il y a aussi des figurants et des éclairagistes. Le fait qu’il y ait peu de garçon oblige les filles à jouer des rôles masculins. Dans cet extrait, il y aura un combat d’épée. Les deux filles qui jouent Cyrano et Montfleury vont être remplacées par deux autres filles lors du combat qui se sont entraînées à l’art de l’escrime à l'aide de bâtons. Sarah, l’une des comédiennes, est ravie du rôle qu’elle a pris. Tous les élèves ont apprécié le travail. Mais ni Sarah ni Juliette n’ont l’intention de se lancer dans le théâtre. « Non, plus tard je ne voudrais pas être metteur en scène, a répliqué Juliette. Mes parents travaillent dans ce domaine mais je ne veux pas y être ».

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LA SÉDUCTION VUE, VÉCUE ET REVUE

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PHOTOGRAPHIER LA SÉDUCTION « C’était très intéressant, on a appris à monter une exposition et nous n’avions pas l’impression de travailler ». Voilà ce qu’Emi et Bryan, élèves du groupe photo, ont exprimé d’un air enchanté. Ces deux élèves ont expliqué leur travail de ces derniers mois. Le groupe photo a réfléchi sur différents thèmes, issus de Cyrano de Bergerac, la pièce d’Edmond Rostand : « le beau et le laid », « l’amour en secret », « l’amour malgré les difficultés », « personne parfaite »… Ils ont pris plus de 100 photos, dans certains lieux significatifs, comme le lycée pour représenter la modernité. Ils ont créé des images en superposant des photos qui mettent en scène des adolescents du lycée Pierre Mendès France. Ce avec l'accompagnement de Pierre-André Clergue, photographe et Estelle Erisay, chargée des relations publiques. « La beauté est subjective, le physique n’est pas une chose importante pour tout le monde », explique Bryan. D’où ce choix pour le titre de leur exposition : « La beauté du cœur ». Cette exposition a été réfléchie et s’avère originale. Les élèves se sont tous beaucoup investis dans le projet.

leur façon de séduire. Certains ont parlé de la séduction comme s’ils étaient dans un conte de fée. Ces interviews ont été intercalées entre différents extraits filmés de la pièce Cyrano de Bergerac mise en scène par Georges Lavaudant. Par ces choix de réalisation, les élèves ont pour objectif de montrer comment les jeux de séductions ont évolué depuis le xviie siècle, époque à laquelle a vécu Cyrano de Bergerac. « C’était très stressant de se livrer à la caméra et de dévoiler un peu sa vie », confie Manon après avoir vécu cette expérience. C’est un documentaire attrayant mais aussi intellectuel. À travers le titre original du film, « Séduis-moi…si tu peux ! », le suspense est au rendez-vous et nous donne envie d’en savoir plus sur la suite du film.

LA SÉDUCTION, UN CONTE DE FÉE ? Une quinzaine d’élèves du lycée Pierre Mendès France ont produit un film sur la séduction. Jérémy Sicard, responsable du service cinéma et Yann Héry, chargé des relations publiques encadraient les élèves. Ils ont travaillé sur plusieurs postes, comme le raconte Charlène. « J’ai porté le réflecteur qui permet de jouer sur la lumière, j’ai interviewé, j’ai été au cadrage ». Huit personnes, dont des lycéens et Elisabeth Le Corre, un professeur de lettres à l’Université Paris Est Créteil, ont été interviewées pour donner leur avis sur le thème de la séduction et Le groupe presse en séance de travail à la Scène nationale de Sénart

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QUI SOMMES-NOUS ? En octobre dernier, nous, élèves de seconde au lycée Pierre Mendes France, avons appris que nous allions écrire un journal. « C’était bien, on était contentes, enthousiastes. C’était une nouvelle experience », ont déclaré Célia et Mélanie. « On pensait que ça allait être dur » ont avoué Lucie et Gabriella. Avec l’aide de Pauline, chargée des relations publiques à la Scène nationale du Sénart, et de Camille, journaliste, nous avons commencé nos articles. Plus on rédigeait plus on s’investissait. À la Coupole pendant deux jours, le 31 mars et 1er avril, nous avons finalisé notre journal. Pour se faire, nous avons observé les différents groupes de pratique théâtrale chargés de mettre en scène un extrait de Cyrano de Bergerac, ainsi que les groupes photo et vidéo. Puis nous avons organisé une conférence de presse. « C’était intéressant, bien fait, il y avait une bonne ambiance. J’ai trouvé ça enrichissant », répond Célia Dos Santos Silva. « Au début, on avait un peu de mal à cerner leur démarche sur scène. Puis quand nous les avons interviewés, tout est devenu clair, on a compris l’organisation de leurs intentions au niveau de la pièce et sur scène » précisent Célia et Mélanie. Ensuite nous avons rédigé les différents arcticles, mis en page le journal et imprimé celui-ci… Euhhh pas vraiment…. On n’a pas fini de faire tout ça ! Mais on peut déjà vous dire que notre journal est composé d’articles sérieux tout en offrant de l’humour décalé sur Cyrano de Bergerac. Par exemple, vous pourrez vous plonger dans une analyse sur les nouveaux jeux de séduction et découvrir le profil humoristique de Cyrano sur un site de rencontre, ainsi que des parodies de vieilles publicités.

De haut en bas : le groupe photo, vidéo et presse en séance de travail à la Scène nationale de Sénart

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Conception et rĂŠalisation : Louison Costes


LES NOUVEAUX ENJEUX DE SÉDUCTION SUR LE WEB pa r

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Dans la pièce d’Edmond Rostand, le thème de la séduction a une part importante. Cyrano souhaite séduire Roxane, tout comme Christian. Quand l’un séduit par son physique, l’autre séduit par son langage. Il nous a donc paru intéressant de réaliser quelques pages sur ce thème. Qu’en est-il de la beauté physique ? Quel impact la publicité a-t-elle sur notre rapport à la beauté ? Aujourd’hui les sites de rencontre sont un véritable phénomène de société. Alors, séduire, est-ce plus simple via internet ? Que ce soit au temps de Shakespeare avec Roméo et Juliette, de Voltaire avec Candide et Cunégonde, ou encore de Edward et Bella dans Twilight de Stephanie Meyer, le thème du couple est un élément récurrent et emblématique dans notre culture. La séduction a évolué au fil des années, laissant aux oubliettes les doux poèmes de Cyrano ou bien encore les invitations aux bals. Le physique paraît être un élément essentiel puisque c’est la première chose que l’on remarque. Dans Cyrano de Bergerac, le personnage principal de la pièce se considère comme laid à cause de son nez imposant. Cela lui fait perdre confiance en lui et il n'ose pas aborder Roxane directement. Quoi qu'on en dise, cela reste un élément important dans la confiance en soi, même si notre héros parvient au final à conquérir sa cousine par la beauté de son langage. De nos jours, avec l’invasion du numérique, les écrans télévisés, les vidéos internet, les affiches publicitaires et les articles de magazines, tout semble être « photo shopé » (ndlr : logiciel permettant de retoucher une photographie). La société de consommation et le poids de l’industrie de la mode et des cosmétiques tentent de nous envoyer une image de la beauté, du bien-être et d’un physique avantageux. Être belle rimerait avec un physique semblable à celui de Barbara Palvin, Miranda Kerr, etc. Être beau, ce serait ressembler à Robert Pattinson, Ash Stymest ou encore Julian Schratter. Si l’on analyse les slogans de différentes publicités, ceux-ci sont pleins de promesses. L'Oréal vous dira que c'est « parce que vous le valez bien », qu'il faut « se réinventer chaque jour » selon Yves Rocher, et Garnier vous ordonnera « prends soin de toi », en imageant leurs propos avec de nombreuses photos retouchées par des experts. C'est notamment avec ce type de publicités que beaucoup de personnes restent incroyablement complexées par leur physique. Chaque société à chaque époque crée des normesphysiques et provoque des complexes. C’est le cas de Cyrano, per-

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sonnage de fiction dans la célèbre pièce d’Edmond Rostand mais cela peut aussi toucher tout un chacun. Beaucoup se torturent avec ces photos et sont, de toute évidence, incités à acheter de nombreux cosmétiques pour tendre vers une certaine perfection physique et croient donc aux promesses alléchantes des slogans. Selon Philippe Breton, professeur au centre d’enseignement universitaire de journalisme à l’université de Strasbourg, spécialiste en sciences de la communication : « La séduction fait appel aux affects, ça ne fait pas appel à la raison. C'est une manière de manipuler quelqu'un d'une certaine façon, que d'utiliser la séduction pour lui vendre un produit ». Les sites de rencontre d’ailleurs, utilisent ces procédés pour attirer une clientèle toujours plus nombreuse et complexée par les canons de la beauté. De nos jours, la technologie s'est répandue dans le monde entier et c'est à présent un moyen d'approche et de séduction courant. Les réseaux sociaux, tels que Facebook ou encore Twitter, sont des nouveaux moyens de communication qui ont remplacé les lettres que nos grands parents utilisaient pour correspondre. Afin de mieux comprendre cette évolution dans les rencontres amoureuses, nous avons interrogé Nicole Gautrot, 67 ans, retraitée. Elle nous affirme d'abord que pour espérer séduire, il faut connaître ses atouts et savoir les mettre en avant sans en faire trop. Selon elle, la séduction traverse tous les âges et encore aujourd'hui les petits jeux de séduction resteraient les mêmes : «Il est vrai que par rapport à ce que j'ai connu, le monde a beaucoup changé, mais en ce qui concerne la séduction, je ne pense pas ». En revanche en ce qui concerne l'avancée technologique, notre super mamie désapprouve : « Dans ce type de communication, il y a un manque de temps de réflexion puisque les portables ont été créés pour correspondre rapidement. Cela prépare une génération impatiente et habituée des réponses immédiates ». Au niveau plus personnel, elle évoque comment elle a rencontré son mari et ce, depuis son enfance : « Après avoir été séparés durant dix longues années, nous nous sommes retrouvés et avons vécu notre bonheur après avoir échangé de nombreuses lettres ». Aujourd’hui cela a bien changé ! La communication via internet est un moyen presque accessible à tous et permet de faciliter les échanges lorsqu’on n’ose pas s’exprimer directement. Selon Philippe Breton, si le physique peut être considéré comme un handicap, c’est parce qu’« on a l’impression que l’image qu’on va donner aux autres ne va pas convenir. En prenant la parole, on attire l’attention, on attire le regard vers soi, et si l’on pense que l’on a un défaut ou quelque chose qui est laid, ça peut freiner la fait de prendre la parole. »

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Les réseaux sociaux et les sites de rencontre ont chamboulé les codes de la séduction. De nombreux sites de rencontre sont apparus sur le marché (Meetic, E-Darling, Attractive World...) pour ceux qui se désespèrent de trouver l’amour dans la réalité. C'est un moyen plus moderne et plus adapté à la vie actuelle. En effet, de plus en plus de célibataires ont recours aux sites de rencontres. On compte en moyenne une hausse de 20% d’inscriptions sur Meetic tous les ans, notamment en période de Saint-Valentin, du Réveillon et du jour de l'An. Selon Valentine Schnebelen, directrice marketing de Meetic, le site de rencontre compte environ 920 000 abonnés en Europe et on compte en moyenne plus de 100 000 personnes connectées tous les soirs en France, avec autant d'hommes que de femmes. Elle explique, qu’en plus d'être sécurisés grâce au filtrage efficace des utilisateurs et de leurs photos, certains sites de rencontres organisent divers événements, soirées, activités, partout en France (plus de 100 par mois). Tout est fait pour séduire la clientèle ! Par exemple, Attractive World est un site de rencontres pour célibataires. Il a pour slogan : « Le 1er site de rencontres avec sélection à l’entrée ». Sa page d’accueil présente la mise en page suivante : une femme séduisante au regard charmeur nous observe attentivement. Elle a un sourire plutôt timide mais séducteur. Trois phrases sont également présentes et mises en évidence sur la page d’accueil du site : « Rencontrer des célibataires partageant vos centres d’intérêt, privilégiez la qualité des profils à la quantité et gagnez du temps, découvrez + de 100 événements pour célibataires chaque mois ». Ces trois phrases ont pour but d’attirer la clientèle et de mettre en évidence les côtés positifs de ce site. Elles s’adressent directement à l’internaute ce qui crée un lien de confiance. Elles cherchent à susciter l’envie, la curiosité de découvrir un peu plus les services offerts par « Attractive world » tout comme la jeune femme, sur la photographie, très vraisemblablement retouchée mais dont la beauté reste naturelle. De plus, pour rassurer au maximum les clients, des avis sont postés sur cette page d’accueil. Ce sont des commentaires positifs, comme : « J’ai fait LA RENCONTRE inattendue !! Merci à AW … » . Les avis de la presse sont convoqués. C’est la rubrique « La presse en parle », avec la présence de radios, de chaînes de télévision. Ces références offrent au site un gage de sérieux. Quand la séduction se fait entre futurs prétendants, elle se fait bien avant en attirant la clientèle… Nous sommes dans le marketing qui joue sur la séduction en faisant appel aux affects de l’internaute. Dans le monde, on compte environ six millions de célibataires inscrits sur un ou plusieurs sites de rencontres. D'après Terrafemina, 72% des femmes estiment qu'il est difficile de rencontrer un homme séduisant au quotidien et une femme sur dix n'a jamais été tentée par les rencontres via internet. Dans tous les cas, pour parvenir à séduire, il est préférable d'adopter une écriture correcte et de vite cerner la personne pour pouvoir la faire rire et propager la bonne entente. Les deux individus concernés apprennent d'abord à faire connaissance puis, si le courant passe entre eux, ils peuvent décider de se donner rendez-vous et donc de se rencontrer réellement. Parfois, on peut avoir un contraste entre l’image virtuelle de l’utilisateur et la réalité. C’est un peu le cas dans Cyrano de Bergerac. Le personnage principal de la pièce en passant un pacte avec Christian qui devient son image physique désirée

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communique à Roxane tout son amour. Il se construit alors une sorte d’avatar et le dénouement de la pièce révèle peut être les dangers de ce type de communication. Parler via un moyen de communication informatisé déshumanise fortement le contact entre les deux personnes car il manque un élément essentiel : l’interaction directe. Selon le sociologue David Le Breton : « La communication sans visage, sans chair favorise les identités multiples, la fragmentation du sujet engagé dans une série de rencontres virtuelles pour lesquelles il endosse à chaque fois un nom différent, un âge, un sexe, une profession choisis selon les circonstances. La cyberculture est souvent décrite par ces adeptes comme un monde merveilleux ouvert aux mutants qui inventent un nouvel univers, ce paradis est nécessairement sans corps. » C’est d’ailleurs ce qui est arrivé à Imane, une Parisienne de 17 ans. Alors qu’elle jouait à un jeu de rôle par réseau, elle a cru avoir été abordée par un jeune homme. « À partir de ce moment-là, on a commencé à s'envoyer des messages toute la journée, tous les soirs, puis au bout d'un moment j'ai fini par l'appeler et à ce moment-là, j'ai vraiment entendu une voix de mec au bout du fil », se souvient Imane. Mais ce jeune homme s’est avéré être sa cousine. Une mauvaise blague qui l’a profondément troublée.

Conception et réalisation : Louison Costes


Clichés extraits de séries réalisées par le groupe photo autour des thèmes tels que l'apparence, la séduction, le regard des autres ou encore le fantasme. Ces photos s'inscrivent dans une volonté d'illustrer les thématiques intemporelles de la pièce « Cyrano de Bergerac ».

© Groupe photo Talma ; Ogrelets 2014


Conception et rĂŠalisation : Louison Costes


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