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Le temps de conclure
from Mémoire HMONP : Le temps long en architecture, ou la recherche d'une architecture durable dans le te
Au-delà du journal de bord qui est le temps de l’introspection et d’une analyse sur ses compétences et celles de son agence, j’ai vu dans le mémoire professionnel le moment de synthèse entre mon parcours d’étude, mes intérêts personnels et mon rapport au métier d’architecte avec les apports que l’on peut trouver dans les lectures et découvertes. Aussi avons-nous tenté de répondre à la nécessité du temps long dans le projet architectural. Cette question est corrélée à une époque où crises plurielles s’entremêlent avec une accélération du temps de nos vies comme celui du projet. Les phases de rendu ne s’obtiennent pas les maîtrise d’ouvrage en des temps records, avec des conséquences souvent désastreuses pour l’objet architectural, que ce soit dans son processus même ou dans la réalisation finale.
Nous avons pu explorer les différentes notions de temps long en architecture au travers du rapport au matériau, à l’artisan et au temps d’exploitation du bâti. Nous avons pu explorer une partie des conséquences directes de la direction globale de notre société sur les bases qui font l’architecture, nos matériaux. Avec des origines de matières et de production de plus en plus éloignées de nos sites de projet. Si le premier temps du matériau est symptomatique d’une direction globale de nos modes de faire, il représente également le temps clé que les artisans doivent percevoir et reprendre en main pour repenser leurs formes de pratiques professionnelles, au service de l’architecture et de notre confort. Nous avons pu voir au travers de cette mise en comparaison avec les méthodes anciennes et contemporaines les différences notables et consternantes dans l’usage abusif de matériaux inappropriés à leur site de projet. Dans le même temps, l’artisan a un rôle à jouer dans son rapport à l’architecture, avec la maîtrise de son temps, décomposé en trois catégories du temps de déplacement, de production et d’évacuation de son travail. Et nous avons pu voir l’impact que pouvait avoir son rapport à la matière dans l’organisation de son temps de travail et son ressenti. Aussi le charpentier des Hautes Alpes découvre par la contrainte qu’il a une plus grande satisfaction à retaper une vieille charpente en bois massif qu’une structure neuve tout droite certes mais en pin polonais ou lamellé-collé. Si ces observations relèvent de mon expérience, il demeure évident que le rapport matière-temps-artisan est déterminant dans l’alchimie qui sert et fait l’architecture. C’est selon moi cette alchimie que tout architecte passionné par son métier recherche à exploiter pour tendre vers un projet le plus qualitatif possible et au proche de ses contraintes.
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Nous avons pu voir que si le rapport matériaux-artisans était décisif dans la fabrique d’une architecture d’une architecture, c’était notamment lié à l’intention du maître d’ouvrage de construire dans le temps. Ainsi le rapport matériau-temps de vie devient une des clés dans la conception d’une architecture. Si j’ai nourri les premières recherches de ce présent mémoire par une vision très idéale des anciennes méthodes de construction, il n‘en demeure pas moins que la durabilité dans le temps de ces constructions doit nous inspirer dans la fabrique architecturale. Le temps long dans le sens péjoratif du terme a donc disparu grâce notamment à la révolution des transports et des principes d’industrialisation des matériaux de construction. Pour autant, toute la complexité est de savoir prendre le temps du projet à des moments clés dans un monde en constante accélération. Au même titre que le choix des matériaux, il s’agit de savoir prendre le bon temps au bon moment. Dans le cas d’un projet de rénovation par exemple, le temps de concertation des usagers et de diagnostic de l’existant est décisif dans le bon fonctionnement d’un projet.
Pour ce qui est du neuf, de nombreux facteurs entrent aussi en compte qu’il faut identifier en amont du chantier tel que le vieillissement des matériaux et la réaction aux aléas climatiques locaux afin d’effectuer une projection sur le plus long terme de ce que l’on a l’habitude de construire, dans un effort de durabilité autant écologique que temporelle.
Si le « temps long » exprimé un peu comme une expression d’architectes est venu nourrir mon mémoire professionnel, je pense pouvoir le définir après ces recherches et réflexion partagées avec vous. Ainsi me semble-t-il que le temps long en architecture est une démarche à adopter dans une volonté de construire dans le temps. Cela passerait par plusieurs étapes clés que sont le choix des matériaux propres à un site, la manière de les manipuler afin de ne pas les dénaturer et de les mettre en œuvre. La dernière étape de cette démarche est de projeter les constructions actuelles sur des échelles plus durables dans le temps, permettant ainsi aux usagers de se projeter par la même occasion sur un plus long terme, et de relationner plus qualitativement à l’objet architectural.
Si ces différentes étapes viennent structurer ma pensée sur ce qu’est le temps long, soit le temps nécessaire à la production d’une architecture durable dans le temps, d’autres peuvent nous venir en tête, toutes aussi pertinentes. L’une d’elle qui m’est venue en finalisant la rédaction de ce mémoire est celle du temps de transmission des savoirs-faires artisanaux notamment. Et de se dire : est-ce qu’au final, prendre du temps sur un projet n’est-il pas un gain de temps sur ceux à venir ? En effet, dans une optique de prise de temps de formation dans le cadre d’un chantier comme la construction du château de Guédelon dans l’Yonne, où des passionnés se retrouvent depuis 1997 pour avancer la construction avec les seules techniques ancestrales du Moyen-Age. Nous pourrions penser que cette démarche est dérisoire en termes de technique par rapport à ce que nous sommes aujourd’hui capables de réaliser. Pour autant cette approche prend tout son sens, dans la transmission des savoirs-faires ancien comme dans le fait d’assumer de se retrouver avec le temps, dans le cadre d’un chantier. Au cours de discussion transverses à la rédaction de ce mémoire, plusieurs personnes me confirmaient ce besoin de ne plus avoir le temps de rien, de devoir réapprendre à prendre le temps afin de ne pas à lui courir après. Dans cette même optique-là, et pourtant à des milliers de kilomètres, est détruit et reconstruit le sanctuaire d’Ise Jingu tous les 20 ans, dans une volonté de transmettre aux nouvelles générations le génie et la sagesse de construction de ce lieu de culte. L’éphémère devient-il alors capable de relationner avec l’intemporel, comme une réponse à cette recherche de durabilité dans le temps ?