Jardins sauvages

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Jardins Sauvages Du jardin Anglais au Jardin au Mouvement Etude documentaire

Antoine SEGALOV_2009 Professeur Hervé Kempf


Sommaire

Introduction ................................................................................................................................. 3

Le jardin sauvage ..................................................................................................................... 4 Le jardin anglais : la redécouverte de la nature sous son aspect sauvage et poétique .................... 4 L’exportation du jardin anglais du XVIIIème et XXème siècle: vers un systématisme dogmatique 8 L’utopie sauvage contemporaine : Louis Guillaume Leroy ............................................................ 12

Gilles CLEMENT ....................................................................................................................... 22 Portrait d’un jardinier‐paysagiste‐poète… .................................................................................... 22 Illustrations .................................................................................................................................. 29

Conclusion .................................................................................................................................. 35 Sources‐Bibliographie ...................................................................................................................... 37

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Introduction

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’art et l’histoire des jardins nous offre à lire différentes approches de ce que l’on peut appeler « la poétique » du jardin. De l’antique chinois et japonais, au jardin paysager anglais, en passant par les jardins perse, assyriens, Renaissance italienne, Baroque ou encore Classique, chacun cherche à leur manière cet équilibre instable de l’Homme avec son milieu. Tandis que longtemps, cette nature maîtrisée sous forme de jardins agrémentait la vie par l’harmonie de leurs couleurs, de leurs senteurs, des sons qui s’en échappent, le jardin contemporain paraît contenir autant si ce n’est plus de symbolisme. On sait que l’art des jardins en occident se proposait jusqu’à la première révolution industrielle et urbaine du milieu du XIXème d’exprimer une vision personnelle du monde, celle de personnages au temps et moyens entièrement dédiés à cette tâche_ l’art des jardins était alors à la faveur des intellectuels, des milieux artistiques, politiques et aristocratiques_ Les paysagistes ont depuis conquis l’espace public des villes en pleine expansion, faisant du jardin une réflexion sur le paysage. Par une succession d’événements, le paysagisme en France au XXème siècle à pris deux directions divergentes, illustrées d’un côté par le jardin paysager Anglais et de l’autre par le jardin classique dit à la Française. Il n’en demeure pas moins majoritairement une question d‘ordre esthétique, le sauvage et le régulier comme le décrit Jean‐Pierre Le Dantec dans son livre éponyme.1 C’est pourquoi ce travail s’oriente vers une étude documentaire qui serait l’occasion de réfléchir au potentiel de ces “ jardins sauvages», que l’on s’attachera à décrire d’après le travail représentatif de Gilles Clément, paysagiste Français. Alors qu’autrefois, on ne voyait pas dans les jardins une condition nécessaire à notre existence, mais une façon de la rendre agréable, paisible, Gilles Clément fait partie de ceux qui souhaitent aujourd’hui s’assurer que chaque partie végétale préservée ou développée soit un acte de guérison de notre écosystème, et par la même, une condition de notre survie. _Parce qu’en dehors des aspects esthétiques évidents de ses jardins que l’on mettra en avant, ces derniers contiennent une part d’éthique qui révèle un autre visage du travail du jardinier_et qui diffèrent en cela largement du jardin ‘‘classique’’. Celui d’un Homme qui laisse à la nature une liberté qui n’est pas sans rappeler les jardins paysagers anglais du XVIIIème siècle2. Mais aussi parce que les concepts qu’a pu développer ce “ jardinier planétaire ” 3 ont trouvé un écho partout sur la planète, alors même qu’ils contiennent des notions que l’on retrouve dans le travail moins diffusé de l’artiste‐paysagiste hollandais Louis Guillaume Leroy, _Parce que le jardin irrégulier anglais est arrivé en réaction à une société pré‐industrielle rigide, et qu’il trouve un enracinement philosophique plus ancien dans le rapport de l’Homme et son milieu, il devient intéressant de faire le parallèle avec ce mouvement paysager contemporain. Ce dernier s’inscrit dans une société globale qui complexifie les rapports que nous entretenons avec la nature ; d’un côté un développement important de tous les peuples, et de l’autre, une finitude écologique contraignante. Ce travail consiste donc en l’analyse de ces concepts contemporains en s’attachant à comprendre leur possible filiation avec le jardin paysager anglais, dont la notion de paysage naturel, présente dans l’un et l’autre, participe d’un langage poétique commun. 1 2 3

Le sauvage et le régulier, art des jardins et paysagisme en France au XXème siècle. Ed. Le moniteur, Paris, 2002

Concept du jardin en mouvement, Le Jardin en Mouvement, Ed. Sens et Tonka 1991 Gilles Clément Luisa Jones, à propos de Gilles CLEMENT, dans Une écologie humaniste, Ed. Aubanel, 2006 3|P a g e


Le jardin sauvage

Le jardin anglais : la redécouverte de la nature sous son aspect sauvage et poétique

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a naissance du jardin anglais repose sur une particularité de l’Angleterre, qu’est son climat humide, couvert et brumeux. A ses débuts au XVIème siècle, le paysagisme anglais était en quelque sorte le refuge psychologique à la mélancolie de ce peuple insulaire. Et dès le XVème siècle, le philosophe Florentin Marsilio Ficino suggérait d’ailleurs : “The palliatives for the distress of melancholy was the green of nature sought by the haunting of gardens and groves and pleasant walks along rivers and through lovely meadows” “Le moyen d’échapper à la détresse de la mélancolie réside dans la nature verdoyante des jardins, les bosquets fréquenté et les agréables promenades le long des rivières et à travers de jolies prairies” La Maladie Anglaise, titre d’un essai du Dr. George Cheyne en 17334 , est une conséquence de cette vie isolée sous une météo capricieuse. D’après Cheyne, les tendances suicidaires des Anglais seraient liées, “d’une part, aux progrès de l’athéisme et de l’esprit philosophique et, d’autre part, au tempérament mélancolique des insulaires, dû à des conditions géographiques et climatiques défavorables” (G. Minois, Histoire du suicide, p. 213). De même, John Evelyn5 note en 1702 dans son Journal: “C’est une triste chose de penser à tous ceux qui se sont tués eux‐mêmes dans cette nation depuis quinze ou seize ans”. Cela fait peu de temps qu’à l’époque, les données concernant la mortalité sont accessibles dans les journaux, de sorte que l’élite anglaise se rende compte du nombre élevé de suicides dans son pays. Et l’Angleterre acquiert alors la réputation peu enviable de pays du suicide. Le “mal anglais” affecte même César de Saussure, écrivain Suisse, auteur des Lettres de Turquie et de Notices. En visite en Angleterre en 1727, il aurait écrit à sa famille qu’à peine arrivé à Londres il se sentait “accablé par le temps qu’il fait”, et ajoute que, ”s’il était anglais, il se serait sans doute suicidé” (G. Minois, Histoire du suicide, p. 213). Ce mythe va durer jusqu’à l’avènement des statistiques modernes où le taux de suicide en Angleterre sera largement dépassé par celui d’autres nations. Mais cela n’enlève pas la véracité des observations du Dr. Cheyne sur les conditions défavorables de l’Angleterre, source de cette mélancolie maladive. Montesquieu, dans De l’esprit des lois, cherche de son côté à expliquer la différence du suicide chez les Romains par rapport au suicide chez les Anglais. Ainsi écrit‐il: “Nous ne voyons point, dans les histoires, des Romains qui se fissent mourir sans sujet; mais les Anglais se tuent sans qu’on puisse imaginer aucune raison qui les y détermine, ils se tuent dans le sein même du bonheur. Cette action, chez les Romains, était l’effet de l’éducation; elle tenait à leur manière de penser et à leurs coutumes: chez les Anglais, elle est l’effet d’une maladie; elle tient à l’état physique de la machine, et est indépendante de toute autre cause. Il y a apparence que c’est un défaut de filtration du suc nerveux; la machine, dont les forces motrices se trouvent à tout moment sans action, est lasse d’elle‐même; l’âme ne sent point de douleur, mais une certaine difficulté de l’existence. La douleur est un mal local qui nous porte au désir de voir cesser cette douleur; le poids de la vie est un mal qui n’a point de lieu particulier, et qui nous porte au désir de voir finir cette vie” (Œuvres complètes, Paris, Seuil, «L’intégrale», 1964, III, XIV, 12, p. 617) 4 5

The English Malady or a Treatise of Nervous Diseases of all Kinds, Dr. George Cheyne ,1733 John Evelyn ,écrivain, paysagiste et mémorialiste anglais du XVIIème siècle 4|P a g e


Du livre XIV à XVIII, Montesquieu professe sa théorie controversée sur les climats qui serait un facteur de comportement des peuples. On pourrait d’ailleurs étudier plus longuement ces théories qui, à l’époque des lumières, s’établissent comme le fondement des thèses anthropologiques. Mais l’Histoire veut que l’Angleterre en ait le plus souffert, et ait donné naissance à cette vision charnelle de la nature. Ainsi les Anglais ont‐ils fait de leur jardin un morceau de nature sauvage dédié à une contemplation consolative de cette “difficulté de l’existence “, comme le dit Montesquieu. Théorisé dès la première moitié du XVIIIème siècle par le philosophe Shaftesbury, ou le poète Shenstone, l’idée de jardins‐paysage fut mise en pratique autant par les architectes que par les paysagistes anglais. En voici les points forts : •

un point de vue intéressant avec l’utilisation de la perspective atmosphérique en lieu et place de la perspective optique

la suppression des clôtures, des haies,

la mise en valeur des courbes, buttes, reliefs,

l’utilisation des jeux d’ombre et de lumière,

l’implantation de fabriques, temples, ruines, pagodes, ponts et embarcadères.

Avant Hogarth, autre théoricien du jardin anglais, qui, en 1753, dans son livre sur les composantes du Beau, The Analysis of Beauty, décrivait la ligne ondoyante comme étant ‘‘la ligne de beauté’’, William Kent, artiste et architecte paysagiste, sut persuader ses contemporains de la supériorité en matière d’art de la ‘‘ligne serpentine’’. Il fut donc parmi les premiers à remplacer les allées droites du jardin à la française et ses canaux rectilignes par des chemins sinueux et des cours d’eau qui dessinaient des méandres. Il comprit que la nature toute entière était jardin soit en supprimant les clôtures, soit en utilisant le relief pour les faires disparaître. Le paysagiste Capability Brown suivit la même voie que Kent en supprimant les murs, les clôtures, les haies, pour mieux se fondre au paysage, et il aménagea des lacs dans les parcs, planta les arbres et arbustes de façon naturelle par frondaison. William Kent fut d’ailleurs un des chefs de file du mouvement paysager anglais. Après John Vanbrugh, qui fut le premier à tenter d’introduire les ruines comme composantes à part entière des jardins anglais6, il développa ce concept du jardin comme le lieu d’une confession entre l’Homme et la Nature, entre le Passé et le Présent. S’organisant selon des cheminements sinueux ouvrant sur des points de vue pittoresques, le jardin est très vite apparu comme un ensemble de lieux où le peintre aime à poser son chevalet, et cette citation de Kent nous le confirme : "All gardening is a landscape painting" William Kent Loin du système géométrique du jardin classique à la française, les jardins anglais mettent donc en valeur à travers les points de vue un élément naturel remarquable : arbre rare au feuillage coloré, tronc torturé, pelouse, ruisseau, étang, prairie et même éboulis, précipice et ruines. 6

Ruines du manoir médiéval de Woodstock sur le site du Palais de Blenheim, où il conçut un jardin paysager qui sera transformé par Lancelot Capability Brown puis aménagé dans un style plus classique par le français Achille Duchêne, sur demande du Duc de Marlborough, amoureux de Versailles. 5|P a g e


William Kent structura majoritairement ses jardins autour de fabriques néo‐palladienne au style classique, agrémentés parfois de ruines. Chacun de ses jardins contient cette poésie d’une nature sublimée, tels le jardin de Stowe ou bien encore le jardin de Rousham House, un des plus représentatif de son travail.

L’exemple de Rousham House Considéré comme l'un des premiers jardins paysagers en Angleterre, et l'un des plus influents, ce jardin a été commencé par Charles Bridgman, jardinier du roi, dans les années 1720. En 1738, William Kent a été invité à terminer le travail de Bridgman. Il en résulte un des meilleurs exemples de jardin paysager.

Les temples classiques qui parsèment ses jardins sont autant de références philosophiques, ainsi que les éléments Romains dont regorgent le jardin de Rousham, comprenant la statuaire, les urnes, et un temple classique.

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La présence de la pierre sous forme de fabriques vient révéler cette nature par un contraste saisissant, et guide le visiteur d’un lieu à un autre du jardin avec une élégance que vient souligner le parcours d’eau, sous forme de canaux et cascades. La composition du point de vue répondant aux règles du tableau, Kent recherche l’équilibre des volumes, la variété et l’accord des coloris et des essences végétales. Le jardin est soigneusement arrangé afin de magnifier les effets artistiques de la lumière, les formes et les couleurs des massifs herbacés. À la perspective optique, exploitée dans le modèle classique, il substitue la perspective atmosphérique, inspirée de la peinture de l’époque, dans laquelle les effets de profondeur sont créés par la brume qui noie les lointains ou bien par la variation des feuillages des différents bosquets du jardin. L’organisation du jardin à l’anglaise en une succession de points de vue pousse les concepteurs à exploiter plutôt qu’à corriger les accidents du site. Les reliefs deviennent ainsi des belvédères, les effondrements des grottes. Le jardin est l’écrin de la demeure.

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L’exportation du jardin anglais du XVIIIème et XXème siècle: vers un systématisme dogmatique

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e jardin anglais s’est exporté en Europe dès la deuxième moitiè du XVIIIème siècle comme le nouveau paradigme jardinistique. Devenant par la même occasion au centre des discussions esthétiques en France, où le cercle des Lumières s’y consacra avec passion. Mais on apprend avec Jean‐Pierre le Dantec que cette idée de jardins pittoresques ne serait pas née en Angleterre, bien que ce soit là‐bas que fut mis en pratique ces théories. L’auteur dramatique, chansonnier et romancier français Charles Rivières Dufrensy (1648‐1724) aurait conçu avant Kent des jardins de ce type. Louis XIV, dont il était le garçon de chambre et le protégé, le nomma dessinateur des jardins royaux, qu’il projeta avec talent. Du nom de Le chemin creux, ou bien encore le Moulin Joli, ses jardins étaient inspirés de la peinture de paysage classique. On retrouve notamment des traces de ces jardins‐paysage dans le parc d’Hesdin7 conçu au XIIIème siècle sur demande de Robert d’Artois. Il n’empêche que le style paysager anglais revêt à cette époque un caractère d’Art officiel, qui conduira notamment Hegel et Kant à l’associé aux nombre des beaux‐arts. Servant de modèle à de nombreux jardins publics, ce style vit deux ouvrages français en fixer les règles au XIXème siècle au moment où il devint l’art officiel des jardins du Second Empire: Les promenades de Paris de Jean Charles Adolphe Alphand et L’art des jardins : traité général de la composition des parcs et jardins d’Edouard André. A Paris, les travaux du préfet Haussmann conduiront J‐C Adolphe Alphand, ingénieur des ponts et chaussée à diriger le programme d’embellissement de la capitale avec l’aide d’un paysagiste resté célèbre, J‐P Barillet Deschamps. Ce dernier inaugure un type de jardin inspiré du jardin anglais, caractérisé par des pelouses vallonnées et les formes sinueuses des allées et des lacs. L'œuvre de Barillet‐Deschamps, qui servira parfois en province et à l'étranger de modèle, parfois de contre‐ modèle, caractérisera l’art des jardins du XIXe siècle, et marquera de son empreinte le XXe siècle. On raccroche son œuvre à ses patrons et l’on parlera bientôt de style paysager ‘‘Alphandiste’’. En effet, ce dernier donna à Barillet Deschamps un nombre important de réalisations dans Paris: parc Monceau, parc des buttes Chaumont, aménagement d’une grande partie jardin du Luxembourg (alors entièrement jardin à la française), bois de Boulogne et de Vincennes…. Après la disparition de Barillet Deschamps, ce style paysager Alphandiste commence à sombrer dans ce que J‐P Le Dantec juge de systématisme et académisme. Et c’est ainsi que l’on peut lire une sorte de manuel du parfait jardin paysager dans les ouvrages d’Alphand et d’André. Aux mariages d’essences inconnues ou presque s’ajoutent des voies larges, des inflexions “douces et harmonieuses", des vallonnements de plus en plus conventionnels. “Au lieu de niveler simplement la superficie, on étudiera l’art de modeler le sol" nous décrit Edouard André dans son traité. Ce dogmatisme sous‐jacent est révélé par l’emploi de l’adverbe toujours quand il décrit plus précisément le système de composition du jardin : “Le centre des pelouses se creusa en cuvette, les massifs d’arbustes se relevèrent, les arbres se détachèrent en vedette où s’appuyèrent les corbeilles de fleurs toujours elliptiques et légèrement exhaussées [..]" (ci‐contre un exemple de ces corbeilles) 7

Hesdin est une commune française, située dans le département du Pas‐de‐Calais et la région Nord‐Pas‐de‐ Calais. 8|P a g e


Considérant l’art des jardins comme régi par l’idée de progrès, Alphand se risqua à dire dans son introduction des promenades de Paris que ‘‘les jardins commencèrent par des propositions confuses, "mesquines et naïves" (les jardins classiques français ?) pour aboutir à des réalisations toujours mieux maîtrisés et pensés. " Edouard André, dans la tradition horticole issue du Second Empire, et ses collègues, pensaient que le renouveau du paysagisme en France à cette époque ne se trouvait pas dans le travail des Duchêne (voir plus loin, les Duchêne restaurateur des jardins à la Française). Selon André, il fallait établir un compromis entre des compositions horticoles régulières liées à l’architecture et des créations paysagères rappelant la nature, à une certaine distance des bâtiments. Le style Composite vit le jour. L’architecte paysagiste Jules Vacherot précisera ce style ‘‘composite’’ qu’André pensa inventer, dans la lignée du travail de son collègue aux promenades de Paris , J‐P Barillet Deschamps : “Un jardin paysager est une œuvre d’art puisée dans la nature même, non pas au hasard capricieux des exemples qu’elle met sous nos yeux, mais avec discernement et suivant des règles bien déterminées"8 J‐P Le Dantec nous rappelle que c’est par ‘‘ignorance et goût exclusif pour la végétation, les allées et vallonnements réputés naturels’’ qu’André et ses adeptes oublièrent l’essence même du jardin anglais et rejoignèrent les travaux similaires qu’avaient effectués leurs prédécesseurs le français Thouin, l’anglais Repton et l’allemand Pückler Muskau au début du même siècle, qui firent du composite sans le savoir.

Plan du Jardin des Plantes, à Paris, par Gabriel Thouin 8

Jules Vacherot. Les parcs et Jardins au commencement du XXème siècle, Paris, 1908‐1925 9|P a g e


L’Alphandisme paysager, de par ce comportement presque totalitaire, fut alors contesté. C’est en même temps ce dogmatisme systématique et une certaine ignorance du renouveau de la peinture de paysage de l’époque qui fut d’un côté, à l’origine d’un retour au style régulier français_que les Duchêne réinterprètent_ et de l’autre, un renouvellement de la vision de la ville, de la campagne et des couleurs que fournit le travail des impressionnistes. Henri et Achille Duchêne, père et fils, paysagistes attitrés de la haute société à la fin du XIXe siècle, s’attaquaient dans le même temps à ‘‘restaurer’’ les jardins classiques à la Française. Profitant d’un climat propice au renouveau du ‘‘formalisme classique’’9, Henri Duchêne fût le premier à répondre au besoin urgent de restaurer les chefs d’œuvre du jardin à la française tels que ceux de Le Nôtre. Duchêne a étudié dans les ateliers de paysagisme de la ville de Paris, et fut par conséquent nourri de cette tradition Alphandiste. On trouve d’ailleurs dans les parcs de Bois Boudran et de Chaumont sur Loire des traces laissant penser qu’il maîtrisait cette manière du jardin paysager. Mais c’est sans doute parce qu’il sentit la mode du jardin paysager s’essouffler qu’il choisit la voie du jardin classique d’après J‐P Le Dantec. C’est en 1877 qu’il ouvre son atelier où le rejoindra son fils Achille quelques années plus tard. Ensemble, ils mettront au point une manière et des techniques pour non pas restaurer mais réinventer les jardins classique à la française.

Vue du jardin de Vaux le Vicomte, restauré par les Duchêne sur une conception originale de Le Nôtre.

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Ce climat est engendré par certains écrivains tel Lucien Corpechot ou encore une étude du journaliste J‐M Bernard et de l’architecte paysagiste Maurice Luquet de Saint‐Germain, faisant l’apologie de cette ‘‘victoire de l’esprit sur les forces brutes de la nature’’ dans leur étude intitulée La renaissance du jardin Français. 10 | P a g e


En ce début de XXème siècle, le jardin paysager anglais exporté en Europe depuis la seconde moitié du XVIIIème siècle semble donc connaître une sorte de perversion avec ce paysagisme Alphandiste. Oubliant l’aspect d’une nature initiale que l’on sublime, les exemples Français resteront une piètre copie du modèle insulaire, et laisseront ainsi se réinstaller le paysagisme classique. Le XXème siècle connaîtra par la suite un ensemble d’autres mouvements comme autant de vision du paysagisme. Après avoir dressé un portrait de ce qu’est le jardin ‘‘anglais’’ en dehors de ses frontières, cette étude va maintenant se concentrer sur l’émulation contemporaine du jardin sauvage. Aussi ne développerais‐je pas le travail de figures telles que le paysagiste Bernard Lassus, à mon sens intéressant sur les questions théoriques du paysage10 ou encore Jacques Simon et son approche artistique proche du Land Art pour me concentrer sur deux autres visions du paysage contemporain que sont le travail de Louis Guillaume Leroy, pour la mise en pratique d’une théorie mal comprise autour de son projet d’Eco‐cathédrale, et Gilles Clément pour la modestie de son approche pluridisciplinaire complexe qui à quant à elle connue un franc succès. 10

Bernard Lassus est notamment à l’origine de la création de l’Ecole Nationale Supérieure de Paysage de Versailles. 11 | P a g e


L’utopie sauvage contemporaine : Louis Guillaume Leroy

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n ne peut évoquer la question du jardin sauvage sans parler de Louis Guillaume Le Roy. Cet artiste et philosophe hollandais constitue à lui seul un bouleversement de la culture du paysage en Europe depuis les années 1960. En publiant, dès 1973_un an après les prédictions environnementales dérangeantes du Club de Rome_ son ouvrage "Natuur Uitschakelen Natuur Inschakelen ", que l’on pourrait traduire par Nature / Culture, Le Roy apporte un concept de société soutenable et écologique universel. L’œuvre de cet artiste‐paysagiste‐jardinier se veut être un manifeste d’une nouvelle conscience humaniste. Et trouve sa manifestation dans la réalisation de ce qu’il appelle une Eco‐cathédrale, près de Mildam aux Pays Bas. Au travers de mes recherches, je me suis attardé sur un texte de Piet Vollaard11 , écrivain Néerlandais, dont Chantal van Arendonk‐Bourgeois livre une traduction qui suffit à comprendre l’ensemble de l’œuvre et la philosophie de ce personnage singulier, et que je retranscris ici :

"L'Éco‐cathédrale de Louis le Roy (± 1970 ‐ 3000). Pour qui s'attend à trouver un 'joli coin de nature', dans le style des jardins des magazines de luxe, la visite de l'Éco‐cathédrale est une expérience démystifiante. Pour le visiteur qui s'y aventure, il n'y a pas grand‐chose à voir, à première vue, si ce n'est un petit bois non entretenu, complété par une décharge de matériaux de démolition. C'est seulement après une inspection plus poussée des lieux, qu'il découvrira ce que cache cette apparence, une jungle traversée par des sentiers. Cachées entre les arbres, les buissons et les plantes, apparaissent des constructions empilées, en grandes parties envahies par la végétation naturelle.

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Piet Vollaard , "Time‐based Architecture in Mildam", dans Oase, Tijdschrift voor architecture 2001, nº 57 12 | P a g e


Plus on s'y enfonce, plus on a l'impression d'être un explorateur tombé sur les vestiges d'une ancienne culture, telle celle des Mayas. Mais certaines constructions, près de la décharge, sont singulièrement nouvelles, cette culture n'ayant apparemment pas encore disparu. Il y a toutes les chances que le visiteur aperçoive, entre les monceaux de briques, l'architecte de ces murailles. Chaque jour, sauf s'il pleut ou s'il neige, Louis Le Roy ordonne ce chaos, triant, traînant, roulant ou jetant, et empilant en constructions, des tas de dalles, briques, bordures de trottoir, petits puits absorbants, et toutes sortes de pierraille provenant de la démolition de routes. Aussitôt ces empilements délaissés, la nature s'en empare, Le Roy étant déjà occupé plus loin à ordonner un nouveau tas de débris.

Les structures complexes de ces constructions sont d'une beauté particulière, les briques n'étant pas empilées n'importe comment. Les formes sont déterminées essentiellement par le fait que Le Roy n'utilise pas de ciment, l'ensemble devant se tenir debout par le seul effet de la pesanteur. Cela explique la dominance de murs épais et massifs, et de constructions en gradins, à section décroissante, dont la structure est influencée par les matériaux utilisés… en majorité de petits éléments rectangulaires, tels que briques et dalles. Le Roy a acquis, au fil des années, une grande habileté à créer des motifs complexes à l'aide de petits éléments, développant une seconde nature. Sur la table de son atelier, à Mildam, des matériaux hétéroclites, tels clous rouillés, briquettes, petites bouteilles, et autres bric‐à‐brac trouvés entre les briques, forment une magnifique composition chaotique. 13 | P a g e


Dans sa maison, à Oranjewoud, tous les rebords et plans de fenêtres sont bondés d'empilements tout aussi complexes de verreries colorées, provenant de marchés aux puces. En outre, les empilements ont une fonction écologique, des plantes pouvant y pousser dans les rainures et les joints. Les briques entassées retiennent longtemps l'eau de pluie, jouant ainsi un rôle dans le régime hydraulique. Les notions de beauté ou de laideur, ne s'appliquent pas à la jungle à la fois naturelle et culturelle de ce projet d'Éco‐cathédrale. Pour Piet Vollaard, si elle est exceptionnelle, ce n'est pas non plus du fait de sa valeur écologique évidente, ce qui rend inutile la description de l'Éco‐cathédrale telle qu'elle. Elle n'est ni un parc, ni un système spatial conçu avec des éléments naturels et artificiels, mais bien un processus en cours, dans le temps et l'espace, que l'on ne peut décrire qu'en relatant ce qui s'y passe. L'Éco‐cathédrale, comme résultat d'un changement permanent, ne connaît pas 'd'état idéal', ni de moment où elle sera 'terminée', le but n'étant pas de réaliser un objet fini. Étant donné que l'Éco‐cathédrale a été conçue essentiellement comme un processus dans le temps et l'espace, le projet est 'plus naturel' qu'un jardin ou un parc traditionnel. Cependant, pour Piet Vollaard , ce serait une erreur de le considérer comme un véritable espace naturel ou sauvage. En tant qu'écosystème, l'Éco‐cathédrale est artificielle en ce sens qu'elle a été inventée et mise en route par un homme. Sans son créateur infatigable, et sans le hasard de la nature, elle n'existerait pas, en tout cas pas dans son état actuel. L'Éco‐cathédrale est un processus dans lequel l'apport de l'homme et celui de la nature, se maintiennent en équilibre ; autrement dit, où la différence entre culture et nature a disparu. Le Roy développa sa théorie à partir de la pratique, avant même de commencer à écrire sur ce sujet. Artiste plasticien de formation, son œuvre (y compris l'Éco‐cathédrale) devant être considérée dans

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cette optique. D'une manière comparable à Constant12, qui passa de la peinture à l'architecture et l'urbanisme, en réalisant son projet Nouvelle Babylone, Le Roy se lança, à la fin des années soixante, dans des disciplines spatiales, par sa réflexion sur l'ordonnancement complexe et les processus naturels. Bien que Le Roy opère dans le contexte de la nature, et que la ville soit le point de départ de Constant, Le Roy partage la conviction de Constant, que les puissances créatrices de l'homme sont illimitées, celles‐ci pouvant se libérer dans une interaction avec l'environnement. & Piet Vollaard estime qu’ils sont tous les deux à la recherche de la liberté créatrice et de l'interaction entre l'homme (jouant) et son environnement, dans des systèmes dynamiques et complexes, ne connaissant pas de forme fixe, ni début ni fin, ni dans le sens spatial, ni dans le sens temporel. Leurs points de départ communs sont frappants, malgré la différence entre les structures spatiales artificielles de Constant, et l'environnement naturel de Le Roy. Une autre différence, non dénuée d'importance, est que Constant estimait qu'une 'société sans travail' était nécessaire. Dans son essence, la Nouvelle Babylone est une utopie, soulevant la question de savoir si l'auteur de ce projet ne pensa jamais assister à sa réalisation concrète. Le Roy développa sa théorie à partir de la pratique, et cela ne se fit pas en une, mais en plusieurs fois, à différents endroits et dans différentes conditions, pas toujours avec le même succès, ceci étant inhérent à l'expérience. Dans un article de plus de trente pages, intitulé ''Onze spectaculaire samenleving'' _Notre société spectaculaire_il expose les fondements de sa philosophie, à l'aide d'une accablante critique de la Ville Nouvelle ''Grigny, La Grande Borne'' (1967 ‐ 1971), d'Emille Aillaud. En dépit des nombreux tableaux de

Grigny_La Grande Borne. Réalisée dans l’Essonne, non loin de Paris,France.

carreaux de faïence ''culturel'' et des objets artistiques dont la ville est parsemée, Le Roy considère ce fleuron de l'urbanisme du début des années soixante‐dix comme un désert culturel monotone, y voyant une ville morte, hors du temps, où la participation des habitants est indésirable, voire même interdite.

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Constant Anton Nieuwenhuys, dit Constant Artiste néerlandais (Amsterdam 1920‐Utrecht 2005). 15 | P a g e


A ses yeux, un tel projet est voué à l'échec, ce qui fut confirmé par la suite. Dans son article, Le Roy se base sur l'Évolution Créatrice, d’Henri Bergson et sur la critique de la société de Guy Debord _La Société du Spectacle_ainsi que sur l'Internationale Situationniste, mouvement artistique radical auquel adhéra Constant pendant une courte période. Dans les conceptions de Bergson, l'homme est le centre actif d'un processus d'évolution créatrice, les notions de temps et d'espace étant fondamentales. Le temps est considéré comme le support de l'essence de la vie. Le changement, le processus continuel de la re‐création de l'espace, est inhérent à une existence consciente et active. Si le potentiel créatif de l'homme est ignoré, s'il est considéré comme une partie passive d'un système mécanisé, sa vie devient impossible. Cinquante ans plus tard, Debord formula cette théorie d'une manière plus incisive et plus radicale, partageant, dans sa critique de la ''société du spectacle'' consommatrice d'images, la nécessité de libérer le potentiel créatif. Pour Le Roy, trois notions empruntées à Bergson sont importantes : • • •

la Terre en tant qu'héritage, le temps comme continuum, et l'engagement.

Le premier jardin sauvage de Le Roy fut créé autour de sa maison, à Oranjewoud. Son projet suivant fut aussitôt établi à une échelle beaucoup plus grande. Vers 1970, Le Roy obtint de la commune de Heerenveen qu'elle lui confiât l'aménagement de la bande centrale du Kennedylaan, d'une superficie d'un hectare et demi, un kilomètre de long et 15 mètres de large. Avec l'aide des habitants des environs, Le Roy a transformé cette bande, qui devait normalement être recouverte d'une monoculture de plantes de couverture, en un jardin sauvage d'une riche variété, se développant, au fil des ans, en véritable espace boisé. Les ingrédients sont d'une grande simplicité et faciles à copier : Prenez n'importe quelle steppe cultivée, faites‐y décharger une grande quantité de débris de démolition, puis organisez un groupe de résidents intéressés, allez tous creuser, empiler, et surtout dans la première phase du projet, semer et planter à tout hasard. Dites‐vous que le projet ne sera jamais terminé, continuez à construire, à investir de l'énergie créatrice dans le projet, et vous verrez bientôt que la nature participera, faisant apparaître un système toujours plus complexe. La seule proscription est de ne rien ranger, la nature et les hommes devant pouvoir faire ce qu'ils veulent. Plan du projet

Le projet du Kennedylaan fut un succès, en dépit du fait que la commune en eut assez après quelques années, consolidant plus ou moins les développements, et passant outre à l'intention de Le Roy, d'y œuvrer pendant trente ans. 16 | P a g e


Néanmoins, le projet fit couler beaucoup d'encre dans des revues internationales, Le Roy devenant célèbre. À partir de là, il fut sollicité par différentes communes, pour mettre en place des projets similaires. À la différence de l'expérience de Heerenveen, la plupart de ces projets échouèrent, principalement parce que les gens pensaient pouvoir réaliser la même croissance spontanée à un rythme accéléré, alors que Le Roy exigeait une durée du projet d'au moins vingt à trente ans. Il obtint tout ce qu'il demandait, la terre, les gens, l'argent,… sauf le temps : • •

Dans les années soixante‐dix, Le Roy collabora avec Lucien Kroll et plusieurs étudiants, à un projet dans le quartier universitaire de Bruxelles, Woluwé‐Saint Lambert, qui fut rasé sous la surveillance de la police. On lui demanda entre autre d'aménager des espaces verts publics, avec la participation des habitants de la banlieue de Cergy‐Pontoise. On le renvoya lorsqu'on s'aperçut que le projet n'impliquait pas uniquement des plantes, mais aussi des personnes. Des villes allemandes comme Brême, Hambourg, Odenbourg et Cassel, revinrent vite, elles aussi, de leur enthousiasme initial, non parce que les projets s'étaient avérés impossibles à réaliser, ou trop coûteux (il n'existe pas de manière meilleure marché de développer des espaces verts), ni à cause d'un manque de participation des habitants, mais du fait que les pouvoirs publics voulaient garder le contrôle du projet, exigeant de ranger de temps à autre, pour éviter que ne s'instaurent le chaos et la pagaille.

Piet Vollaard dit ne pas s'étonner que Le Roy ait pris, au fil des années, l'administration en aversion. Ce qui le froissa le plus, c'est l'arrêt du projet de Lewenborg, un quartier de Groningue, où les habitants purent, sous la supervision de Le Roy, sur un terrain central affecté à l'aménagement d'espaces verts, ''laisser libre cours à leur créativité, au‐delà de la limite cadastrale de leur territoire, et contribuer concrètement au développement du domaine public''. Ce projet fut un succès, et dix ans plus tard, le développement de cette zone battait son plein. Les limites entre les domaines public et privé étaient en effet bien effacées, ce qui n'était apparemment pas prévu, et l'on mit fin à ce libre état informel. D'après Le Roy, les systèmes politiques actuels ne permettront jamais qu'on donne vraiment carte blanche ''au potentiel créatif dans l'espace et le temps'' Le Roy démarra la réalisation de l'Éco‐cathédrale, dans des conditions optimales, sur son propre terrain, ayant tout son temps et s'y engageant personnellement. Il commença par construire son propre atelier sur la maigre parcelle monoculturale, semant et plantant au hasard. Au bout d'un certain temps, apparut ''automatiquement'' une verdure plus riche. À l'occasion de la démolition d'une prison, à Heerenveen, Le Roy fit décharger les décombres sur son terrain, ce qui bouleversa sa structure d'une manière drastique. À partir de là, Le Roy commença, empilant et construisant, à participer lui‐même activement au processus évolutionnaire, ce qu'il fait maintenant depuis plus de trente ans. Des camions déversent régulièrement des tas de briques sur son terrain, perturbant la structure qui s'était créée. Il ordonne sans relâche les masses pierreuses, la nature prend le relais, et lui continuant à empiler. Le Roy voit un rapport entre la théorie du chaos et la complexité croissante de ce processus à la fois naturel et culturel. Il cite souvent les idées du prix Nobel belge, Llya Prigogine, qui associe les systèmes dynamiques complexes et le facteur temps, la complexité étant importante pour le maintien de 17 | P a g e


systèmes dynamiques. C'est la complexité, non la simplicité, qui est la caractéristique du vrai (et du naturel). Selon le philosophe et biologiste français, François Jacob, plus un organisme est complexe, plus il est libre. Les systèmes dynamiques et complexes sont sujets à des fluctuations entre des moments de relatives organisation et régularité, et des intervalles de chaos et d'irrégularité. Dans ce processus, des organisations existantes, temporairement stables, sont transformées en nouvelles organisations suite à des perturbations systématiques. Pendant ce processus, se développe toujours, au fil du temps, un nouveau système dynamique et complexe, qui est stable tout en étant sujet à un changement permanent. L'Éco‐cathédrale est un très bon exemple concret de cet état apparemment paradoxal. Lorsqu'il décida de déployer son potentiel de créativité et sa ''libre énergie'' pour travailler, avec la nature, à l'Éco‐cathédrale, Le Roy se posa la question de savoir, s'inspirant de Prigogine, " Que peut accomplir un seul homme dans le temps et l'espace ? ". Depuis, 1500 camions ont déversé 15000 tonnes de matériaux, qui ont ''disparus'' dans la structure chaotique créée sur quatre hectares de terre.

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Il a maintenant modifié ses limites de temps, créant une fondation pour assurer la continuation du processus entamé, jusqu'à l'année 3000. La manière dont se relayent l'engagement, la nourriture avec de l'énergie libre, et l'interaction entre la nature et les hommes, sera documentée en détail, pour répondre à la question de Prigogine : " De quoi la nature est‐elle capable ? De quoi un organisme vivant est‐il capable ? De quoi les hommes sont‐ils capables ? ". Dans ses textes, Le Roy a toujours assorti sa théorie d'une critique rigoureuse de la pratique contemporaine de l'urbanisme. Dans sa forme actuelle, la ville contemporaine constitue selon lui un écosystème inférieur. Sur la table de dessin, la complexité de la vie est délibérément extraite de la ville, pour faire place à des systèmes monotones d'un niveau inférieur, ne laissant pas de place à l'expression personnelle. Le Roy nourrit peu d'illusions relatives à la possibilité de démarrer des projets comparables à l'Éco‐cathédrale dans les grandes villes. Néanmoins, il ne cesse d'insister sur la nécessité d'injecter la monoculture de la ville avec des projets libres, laissant libre cours au temps et donnant aux hommes la possibilité de mettre en œuvre leur potentiel créatif. Selon Le Roy, un pour cent du territoire de la zone urbaine, et une participation de un pour cent des habitants, devraient largement suffire au départ. Il interdit l'intervention d'un concepteur, au sens traditionnel du terme, estimant que les systèmes auto‐adaptatifs, plus complexes, fournissent une organisation d'une qualité plus élevée que les systèmes ''conçus''. Les systèmes sociopolitiques actuels ne permettent pratiquement pas de tels développements libres dans l'espace et le temps. C'est à se demander dans quelle mesure il faut prendre au sérieux l'appel actuel à davantage de liberté individuelle, auquel adhèrent si aisément les promoteurs immobiliers et les pouvoirs publics. Si cette liberté était réellement prise au sérieux, cela impliquerait d'octroyer des terres, de laisser faire le temps, de respecter la participation, et d'autoriser le chaos, mais il n'y a pas d'argent à gagner avec 19 | P a g e


cette liberté. Les craintes de Le Roy s'avèrent fondées ; cette liberté ne sera pas admise sans coup férir par le système politique existant. . Pour l'heure, les conceptions de l'architecte Carel Weeber _moins d'intervention des pouvoirs publics et davantage de liberté pour les consommateurs pour construire leur propre maison_ sont beaucoup plus dociles que la notion de ''jardin sauvage'' de Le Roy, la promesse de ''liberté de choix, d'architecture de consommateur, etc.'', apparaissant au plus comme le dernier masque d'une ''société de spectacle'' axée sur la consommation passive. Si la liberté est le véritable but, elle doit alors, selon toute probabilité, être conquise ''d'en bas'' par les intéressés eux‐mêmes. La question de savoir si, dans notre actuelle société privatisée, les hommes désirent encore une telle liberté, impliquant la participation, l'expression collective et/ou individuelle, comme c'était le cas il y a trente ans, demeure une question hypothétique, tant que les possibilités ne sont pas créées à cet effet. La spontanéité, l'intuition et la libre expression, ne se planifient pas, et surtout, ne se calculent pas. Il existe une seule manière de le savoir ; c'est de le mettre en pratique. Donnez des terres, du temps et de l'espace, et laissez les processus suivre leur cours. Des connaissances sur le déroulement de ces systèmes et processus complexes de petite envergure, on pourrait peut‐être apprendre quelque chose, qui pourrait s'appliquer à une plus grande échelle de l'aménagement du territoire. C'est précisément à cette échelle de modèle, toujours dominée par des technocrates pensant méthodiquement, que l'on ressent le plus fortement les limitations de la manière de penser, en systèmes délibérément gardés simples, la suppression du facteur temps, et la méfiance à l'égard des systèmes auto‐adaptatifs. Parler de villes et de systèmes réseau, de ministères du Temps, et d'urbanisme 4D, c'est une chose, les réaliser est autre chose. Il n'y a pas lieu d'être optimiste sur la réalisation d'une telle planification urbaine, libre et fondée sur le temps. ” Piet Vollaard ne voit pas comment toute cette machinerie pourrait, tout simplement, changer radicalement d'orientation. L'environnement urbain actuel est un cadre prédéfini. L'homme y est spectateur, pas participant. Il y vit en dehors du temps et de l'espace. Comment peut‐on, au sein de cet écosystème restreint de la ville, développer un système naturel, un environnement complexe où le temps requiert l'espace et où l'espace requiert le temps ? C'est la question centrale du travail de Le Roy. Un tel développement signifierait un changement fondamental, qui bouleverserait les structures actuelles de la politique, de l'argent et des « principes ». Par le biais de l'intégration de l'énergie libre et de la coopération mutuelle des Hommes, des plantes et des animaux, ces structures naturelles, d'après Le Roy, pourraient exister. Il y a 30 ans qu’il a débuté ce projet ouvert dans le temps avec son expérience de l'Eco cathédrale à Mildam. A l'origine, une triple question du lauréat du prix Nobel llya Prigogine : "que peut faire la nature, que peuvent faire les hommes, et à quoi peut mener un organisme vivant ? " Le Roy s'est demandé ce que l'homme pouvait faire, et a ajouté l'acte au mot. Il a mis la culture et la nature en mouvement, et s'attend à ce que les générations futures continuent cette création de structures souples évolutives, réalisées à partir d’éléments récupérés. Si au fil des ans, le Roy est demeuré une figure publique contestée dans les milieux de

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l’aménagement et du paysage, personne ne s’est encore véritablement penché sur son travail, notamment les Anglais dont il a sans doute hérité son approche artistique et poétique du jardin. Ce n’est que très récemment qu’est sorti cet article de Piet Vollaard, qui rend hommage au travail de Le Roy, dont la puissante réflexion n’a pas su trouver l’écho nécessaire à son établissement dans notre société, pourtant malade et enclin à de nouvelles formes de thérapies. Il n’en reste qui si le travail de Le Roy est considéré par certain comme une utopie écologique extrême13, ses idées ont peut être inspirés de nombreux paysagistes. Et c’est naturellement parce que Gilles Clément est parvenu à être mondialement connu pour son concept du jardin en mouvement, terme propre au travail de Le Roy, et que ses réalisations sont nombreuses, qu’il constitue la partie suivante de ce travail d’observation et de compréhension du paysagisme contemporain.

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Expression de J‐P le Dantec dans ‘‘Le sauvage et le Régulier, arts des jardins et paysagisme en France au XXème siècle’’ Ed. Le Moniteur, 2002 21 | P a g e


Gilles CLEMENT

Portrait d’un jardinier‐paysagiste‐poète…

L

uisa Jones, dans le livre qu’elle signe avec Gilles Clément, Une écologie Humaniste, aux éditions Aubanel, 2006 signe un portrait complet du jardinier_comme il aime à s’appeler_ sur environ vingt page extrêmement bien documentées. Aussi serait‐il ambitieux de vouloir faire ce portrait sans se référer directement à celui‐ci. Ce que l’on sait de Gilles Clément, c’est avant tout son caractère polyvalent : poète, philosophe, jardinier, paysagiste et naturaliste. Cette palette de compétences réside sans doute en ce que Gilles Clément est avant tout un amoureux de la nature. Et qu’il y trouve par conséquent toute son inspiration. Dès son enfance, entre l’Afrique Nord où son père décide de s’installer et la France14 où il viendra en vacances, Luisa Jones souligne que Gilles Clément fut toujours en mouvement, à l’image de cette nature qu’il à depuis toujours plaisir à contempler. Des aller et retour France Algérie à son voyage au Cap de Bonne Espérance, Clément en garde les souvenir d’un enfant ‘‘déterminé à s’émerveiller devant la vie’’. Il intégrera l’Ecole Nationale Supérieure d’Horticulture de Versailles en 1964 et en sortira à la fois ingénieur agronome et paysagiste en 1969. Il avoue sa nécessité de comprendre les plantes et les animaux en en connaissant le nom. Aussi remercie‐t‐il les maîtres qui ont pu, à l’image de Jacques Montégut ou d’autres enseignants, scientifiques, philosophes, lui donner accès à cette connaissance du vivant. Dans les années 1970, il découvre les grands jardins Anglais, tel Sissinghurt et Great Dixter. Il en explora le concept, ‘‘pesa jugea et admira les grandes connaissances requises par le modèle Anglais mais fut gêné par son esprit d’ordre et son organisation hiérarchique’’ nous précise Luisa Jones. Il dira d’ailleurs comment à cette époque la découverte de la biologie (qu’il appellera plus tardivement l’écologie scientifique) fut fondamentale et constitua la base de sont travail. En 1977, il acquière un terrain proche de celui de son enfance, en Creuse. Là, il débute son travail de réflexion biologique du jardin. Ce terrain, du nom de La Vallée, reste encore aujourd’hui le lieu où il aime se retrouver régulièrement. En 2003, il résume ainsi sa vision du jardin, qu’il développe sans cesse en Creuse : ‘‘ En tant qu’êtres humains, nous commençons à nous positionner en situation presque équivalente à celle des plantes et des animaux. La prise de pouvoir sur l’espace ne peut pas se résoudre comme elle se résolvait autrefois avec des perspectives, la géométrisation, la mise en tableaux, tout le côté pittoresque ou dominateur. Elle est plutôt dans un dialogue avec les êtres vivants et s’il y a pouvoir, c’est plutôt dans 14

Dans la Creuse plus précisément. 22 | P a g e


l’accroissement de la connaissance, la familiarisation avec ces êtres là. Mais en tant qu’être de dialogue et non pas en tant qu’être asservi à un esthétique, une forme, etc… Donc l’aspect formel des jardins perd son importance. Par contre, l’aspect comportement, les rythmes, la diversité, le foisonnement prend de l’importance. C’est donc une autre vision mais qui atteint très profondément le fond de notre système culturel. Ce n’est pas partagé par tout le monde. Parce qu’être immergé, cela signifie accepter que l’on n’est plus le centre du monde ou accepter qu’on ne domine plus. Donc on abandonne en même temps les fondements de nos croyances religieuses, tout ce qui fait que nos cultures sont assises sur ces croyances‐ là, notre regard dépend des croyances‐là. Changer de regard, c’est aussi mettre en question nos fonds culturels.’’ On discerne dans cette posture de Gilles Clément une position très contemplative et non interventionniste, tel l’était les paysagistes Anglais ou plus encore ceux du XXème. Cette filiation que l’on pouvait pressentir n’est peut être pas aussi avérée. On perçoit souvent son travail comme une réinterprétation des modèles paysagers des XVIIIème et XIXème siècle. Mais il en donne en fait la véritable lecture, et s’en détache véritablement. Quand les paysagistes de cette époque cherchent à créer une illusion de nature sauvage, ils dissimulent une intervention humaine qui est fait présente partout. Et donne l’apparence de la nature spontanée. Luisa Jones nous renvoi au texte La nouvelle Héloïse, de Jean Jacques Rousseau, en 1764 dont elle précise en faire une lecture différente de Jacques Leenhardt15. Ainsi donc le jardin de Julie ressemblait au ‘‘lieu le plus sauvage, le plus solitaire de la nature’’ mais cette ‘‘ impression de fouillis et de désordre était en fait le résultat d’un calcul très précis’’. Luisa Jones et Jacques Leenhardt ont une lecture de Jean Jacques Rousseau différente quand au rôle de Julie dans ce jardin, mais retienne le même paradoxe : contrôle ou liberté La démarche de Gilles Clément ne cherche pas à créer une illusion du naturel mais de participer à un flux vital déjà bien en place nous renseigne Luisa Jones en citant Clément : ‘‘ le bruit de l’eau qui coule et non celui de l’eau que l’on faire couler’’16 Et pour marquer cette différence avec le jardin Anglais, on notera cette phrase de Clément : ‘‘ Je cherche trop l’immersion et toutes les manières d’annuler la distance entre l’individu et son milieu pour que la couleur, en dépit de son immense pouvoir, m’oblige à forger sur l’espace un regard de peintre’’ Enfin, comprendre le personnage Gilles Clément, c’est retenir qu’il est un des artisans du rapprochement des notions de jardins et de paysage. Nous donnant une lecture éclairée, et appuyé sur des auteurs comme Alain Roger et Augustin Berque, Clément estime que si le jardin devient ‘‘ cet espace aux frontières brouillées, où la végétation est en grande partie spontanée, où des chemins modulables relient îlots et clairières, il se met à ressembler étonnamment à un morceau de paysage’’. Cette théorie se retrouve notamment dans son concept du jardin planétaire.

Concepts

L

orsque Gilles Clément accède à la commande publique dans les années 1980, il regrette s’éloigné du contact direct avec les usagers_les commanditaires privés_ au profit de commanditaire ignorant tous des futurs usagers, le public. C’est ainsi, qu’ignorant le programme de sa demande (celle du public), qu’il qualifie d’intime, il s’appuie sur des généralités d’usage qui renvoient à la notion d’utile. Il nous donne l’exemple des espaces à usages déterminés, les normes de jeux pour enfants, la largeur des allées. Mais selon lui, 15

Jaques Leenhardt, Le jardin planétaire, le jardin inconnu Sur le travail paysagiste de Gilles Clément, Ed. Michel CONAN, 2006 Correspondance avec Monique Mosser, dans Jardins de lettres , Jane Otmezguine éditeur, Nice 2003

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‘‘quoi de plus utile que le simple plaisir de se retrouver dans le jardin ?’’ C’est justement ce qui l’amène à définir le rôle de paysagiste, sans savoir si cela est dit sur un ton ironique : ‘‘Hissé au rang de concepteur, il est vivement recommandé d’honorer son titre, c'est‐à‐dire de produire un concept’’ Il n’empêche que Gilles Clément puisera dans ses observations ‘‘d’enfant émerveillé de la nature’’ pour nous offrir une trilogie de concepts, complémentaires et reflet d’une vrai préoccupation environnementale. Il en donne une définition simplifiée dans son ouvrage commun avec Luisa

Jones : 1_Le Jardin en Mouvement

« Le Jardin en Mouvement s’inspire de la friche : espace de vie laissé au libre développement des espèces qui s’y installent. Dans ce genre d’espace, les énergies en présence_croissances, luttes, déplacements, échanges_ne rencontrent pas les obstacles ordinairement dressés pour contraindre la nature à la géométrie, à la propreté ou à tout autre principe culturel privilégiant l’aspect. Elles rencontrent le jardinier qui tente de les infléchir pour les tourner à son meilleur usage sans en altérer la richesse. Faire le plus avec, le moins possible contre résume la position du jardinier du Jardin en Mouvement. Comme tous les espaces animés d’êtres vivants_plantes, animaux, humains_ le Jardin en Mouvement se trouve soumis à l’évolution résultant de leur interaction dans le temps. Ici, la tâche du jardinier revient à interpréter ces interactions pour décider quel genre de jardinage il va entreprendre. Quelle balance entre l’ombre et la lumière, quel arbitrage entre les espèces en présence, l’objectif étant de maintenir et accroître la diversité biologique, source d’étonnement, garantie du futur. Pour cela, il faut : _Maintenir et accroître la qualité biologique des substrats : eau, terre, air _Intervenir avec la plus grande économie de moyens, limitant les intrants, les dépenses d’eau, le passage des machines… Cet état d’esprit conduit le jardinier à observer plus et jardiner moins. A mieux connaître les espèces et leurs comportements pour mieux exploiter leurs capacités naturelles sans dépenses excessive d’énergie contraire et de temps. Dans cette dynamique de gestion, l’une des manifestations les plus remarquables du Jardin en Mouvement vient du déplacement physique des espèces sur le terrain. Ce déplacement rapide et spectaculaire concerne les espèces herbacées à cycle court_annuelles, bisannuelles (coquelicots 1, bleuets 2, nielles 3, nigelles 4, digitales 5, molènes 6, résédas 7...)_ qui disparaissent sitôt leur graines formées. Elles réapparaissent à la faveur des accidents du terrain_sols retournés_ partout là où les graines, disséminées par le vent, les animaux et les humains, parviennent à germer. (voir page d’après une illustration des ces herbacées) Le Jardin en Mouvement tire son nom du déplacement physique des espèces végétales sur le terrain, que le jardinier interprète à sa guise. Des fleurs venant à germer dans un passage mettent le jardinier devant un choix : conserver le passage ou conserver les fleurs. Le jardin en mouvement préconise de conserver les espèces ayant décidés du choix de leur emplacement. Ces principes bouleversent la conception formelle du jardin qui, ici, se trouve entièrement confiée aux mains du jardinier. Le dessin du jardin, changeant au fil du temps, dépend de celui qui l’entretient ; il ne résulte pas d’une conception d’atelier sur les tables à dessin. Ce mode de gestion, donc de composition , élaboré à partir du jardin de La Vallée, puis théorisé et élargi à tous les espaces et toutes les échelles, s’est exporté dans les ville en France mais aussi à l’étranger, parfois se référant au terme générique de Gestion différenciée, parfois au terme spécifique 24 | P a g e


de Jardin en Mouvement, décrit pour la première fois en 1985 dans un article paru sous le titre La friche apprivoisée, puis en 1991 sous son titre définitif, aux éditons Sens et Tonka.

Coquelicots 1, bleuets 2, nielles 3, nigelles 4, digitales 5, molènes 6, résédas 7 25 | P a g e


2_Le jardin Planétaire

Le Jardin Planétaire est un concept destiné à envisager de façon conjointe et enchevêtrée : ‐la diversité des êtres sur la planète ‐le rôle gestionnaire de l’homme face à cette diversité. Le concept de Jardin Planétaire est forgé à partir d’un triple constat : ‐la finitude écologique ‐le brassage planétaire ‐la couverture anthropique. La notion de finitude écologique survient au milieu du XXème siècle en même temps que s’approfondissent les connaissances écologiques sur la planète. Elle fait apparaître le caractère ‘‘fini’’ de la biomasse planétaire, rend la vie précieuse et précaire, non indéfiniment renouvelable, donc épuisable. De ce fait elle responsabilise l’homme, être conscient, sur son rôle de garant d’une diversité inconsciente et tributaire de son action. Enfin elle pose les limites de l’enclos dans lequel se joue l’avenir de la diversité dont l’homme fait partie : la biosphère, fine pellicule autour de la planète, limitée aux limites‐mêmes d’apparition de la vie. Le mot jardin vient du germanique ‘‘ Garten ’’, qui sigifie enclos. Historiquement le jardin est le lieu de l’accumulation du meilleur : meilleurs fruits, fleurs, légumes, arbres, meilleur art de vivre, meilleures pensées … Le Jardin Planétaire est le lieu de l’accumulation de toute une diversité soumise à l’évolution, aujourd’hui orientée par l’activité humaine et jugée en péril. Le brassage planétaire est le résultat d’une agitation incessante des flux autour de la planète : vents, courants marins, transhumances animales et humaines, par quoi les espèces véhiculées se trouvent constamment mélangées et redistribuées. Contrairement à l’homme, seule espèce capable de franchir toute les barrières climatiques à l’aide de multiples prothèses (habitats, vêtements, véhicules climatisés), les plantes et les animaux se redistribuent selon leurs capacités de vie au sein des grandes zones climatiques sur la planète, encore appelées biomes. L’image dite du « continent théorique », empilement de biomes assemblés en une seule figure, tous continents confondus, bien que virtuelle, traduit une réalité biologique actuelle. Le brassage planétaire menace la diversité spécifique par la mise en concurrence d’espèces d’inégales vitalités mais induit de nouveaux comportements, de nouveaux paysages, parfois aussi de nouvelles espèces. Le jardin, pris dans le sens traditionnel, est un lieu privilégié du brassage planétaire. Chaque jardin, fatalement agrémenté d’espèces venues de tous les coins du monde, peut être regardé comme un index planétaire. Chaque jardinier comme un entremetteur de rencontres entre espèces qui n’étaient pas destinées, à priori, à se rencontrer. Le brassage planétaire, originellement réglé par le jeu naturel des éléments, s’accroît du fait de l’activité humaine, elle‐même toujours en expansion. La couverture anthropique concerne le niveau de surveillance du territoire affecté à la régie de l’homme. Dans un jardin, si tout n’est pas maîtrisé, tout est connu. Les espèces délaissées du jardin le sont volontairement, par commodité ou par nécessité, mais l’espace délaissé n’est pas nécessairement un espace inconnu. La planète, entièrement soumise à l’inspection des satellites, est, de ce point de vue, assimilable au jardin. Le Jardin Planétaire est une manière de considérer l’écologie en intégrant l’homme _le jardinier_ dans le moindre de ses espaces. La philosophie qui le dirige emprunte directement au Jardin en Mouvement : ‘‘Faire le plus possible avec, le moins possible contre’’. La finalité du Jardin Planétaire consiste à chercher comment exploiter la diversité sans la détruire. Comment continuer à faire fonctionner la machine planète, faire vivre le jardin, donc le jardinier. Exprimée pour la première fois dans un livre _Thomas et le voyageur, 1996_l’idée de Jardin Planétaire fera l’objet d’une importante exposition à la grande Halle de La Villette (1999‐2000). Certaines 26 | P a g e


études s’y réfèrent directement : Le Jardin Planétaire de Shangaï, 2002, ou indirectement : La charte paysagère de Vassivière, 2004‐2005. Si tous les jardins constituent comme on l’a dit un index planétaire plus ou moins élaboré, l’exemple du Domaine du Rayol dans le Var, jardin commencé en 1988 pour le compte du Conservatoire du Littoral, demeure le seul qui aborde frontalement la question du brassage planétaire au sein du biome méditerranéen soumis au feu, considéré ici comme un outil du jardinage planétaire.

3_Le Tiers‐Paysage

Le Tiers‐Paysage _fragment indécidé du Jardin Planétaire_désigne la somme des espaces où l’homme abandonne l’évolution du paysage à la seule nature. Il concerne les délaissés urbains ou ruraux, les espaces de transition, les friches, marais, landes, tourbières, mais aussi les bords de route, rives, talus de voies ferrées, etc … A l’ensemble des délaissés viennent s’ajouter les territoires en réserve. Réserves de fait : lieux inaccessibles, sommets de montagne, lieux incultes, déserts ; réserves institutionnelles : parcs nationaux, parcs régionaux, ‘‘réserves naturelles’’. Comparé à l’ensemble des territoires soumis à la maîtrise et à l’exploitation de l’homme, le Tiers‐ Paysage constitue l’espace privilégié d’accueil de la diversité biologique. Les villes, les exploitations agricoles et forestières, les sites voués à l’industrie, au tourisme, à l’activité humaine, l’espace de maîtrise et de décision sélectionne la diversité et parfois l’exclut totalement. Le nombre d’espèces recensées dans un champ, une culture ou une forêt gérée est faible en comparaison du nombre recensé dans un délaissé qui leur est attenant. Considéré sous cet angle le Tiers‐paysage apparaît comme le réservoir génétique de la planète, l’espace du futur … La prise en considération du Tiers‐Paysage en tant que nécessité biologique conditionnant l’avenir des êtres vivants modifie la lecture du territoire et valorise des lieux habituellement considérés comme négligeables. Il revient au politique d’organiser la partition des sols de façon à ménager dans son aire d’influence d’espaces d’indécision, ce qui revient à ménager le futur. Le Tiers‐Paysage intéresse le professionnel de l’aménagement, le concepteur, en ce qu’il l’amène à inclure au projet une part d’espace non aménagé ou encore à désigner comme espace d’utilité publique les délaissés que génère, quoi qu’on fasse, tout aménagement. Le terme de Tiers‐Paysage vient d’une analyse paysagère du site de Vassivière en Limousin commandée par le Centre d’Art et du Paysage de Vassivière en 2003. L’analyse montre le caractère binaire de ce paysage : d’un côté l’ombre avec les exploitations forestières dominées par le douglas, paysage réglé par l’ingénieur forestier ; de l’autre côté la lumière avec les exploitations agricoles principalement vouées à l’élevage, paysage réglé par l’ingénieur agronome. Si la masse ombre‐ lumière semble couvrir tout le territoire elle ne le révèle pas dans son entier. Si par ailleurs on s’avise d’en recenser les espèces on s’aperçoit que leur nombre, très bas, ne révèle pas la diversité moyenne attendue pour le secteur analysé. Un troisième ensemble constitué, à Vassivière, de landes, tourbières, ripisylves, côtes abruptes, bords de routes, accueille la totalité des espèces chassées des terres exploitées, capables de vivre sous ce climat et sur ce terrain. Le terme de Tiers‐Paysage17 ne se réfère pas au Tiers‐Monde mais au Tiers‐Etat. Il renvoie au mot de l’Abbé Siéyès : ‘‘Qu’est‐ce que le Tiers‐Etat ? – Tout – Quel rôle a‐t’il joué jusqu’à présent ? ‐ Aucun – Qu’aspire‐t‐il à devenir ? – Quelque chose.’’ Le Manifeste du Tiers‐Paysage paraît en 2003 aux Editions Sujet/Objet. » 17

Le seul projet d’ampleur proposant une scénographie du Tiers‐Paysage est le Parc Matisse à Lille où l’île Derborence, objet central exhaussé à 7 mètres du plan commun, reçoit sur 3 500 m2 une forêt idéale installée par la seule nature. Inaccessible mais observée, elle sert de matrice et d’indicateur pour une gestion dans la plus grande économie possible des huit hectares de parc public.

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Voici deux exemples de ce qui peut‐être considéré comme du Tiers Paysage. D’un côté les bords de route, dont on s’attachera à réfléchir à la meilleur période de fauche pour ne pas perturber l’éco‐système de ces hautes herbes, et de l’autre, ‘‘une île de Tiers Paysage dans un océan de canne à sucre’’, sachant que cette île est composé de ce qui ressemble à des friches.

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Illustrations Le jardin en Mouvement_Jardin de La Vallée

Gilles Clément dans son jardin expérimental. Sa pratique de jardinier dans ce jardin nourrit son travail de paysagiste depuis ses débuts. On remarquera la beauté de ces plantes d’ordinaires mal considérées, telles les digitales (herbacées roses) en second plan.

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Ces photos sont le reflet du travail de Gilles Clément car elles témoignent de sa sensibilité. La photo ci‐dessus, représente notamment un tronc à terre. Mais pour Gilles Clément, c’est plus que cela. Il s’agit du ‘‘pont du chien ’’ (terme poétique sui semble propre à Clément) sur le dessus duquel se développe une herbacée comme il les affectionne tant, l’oxalis petite oseille, installée sur le couvert de mousse. Ci‐ dessous, des plantes vagabondes proche de la maison de La Vallée.

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Cette pagee tirée du livre ‘‘Gilles ‘ Clément, une écologie Huumaniste’’ reflète e cette approchee de Gilles Clém ment, que l’on qualifie q alors d’entomolo ogique. Cette approche participe d’une vison inteerdisciplinaire de e son métier de paysagiste‐jardin p nier, mais plus en ncore, d’une vision du paaysage et des jard dins : un lien inéluctable entre fau une et flore. 31 3 |P a g e


Le jardin en Mouvement_Autres travaux

Cette image du jardin en mouvement du Parc André Citroën n’est pas sans rappeler le travail de William Kent dans le parc de Rousham House, dans le traitement des différents plans. La photo ci‐dessous à été prise dans une parcelle du champ des Prêles où Gilles Clément s’est associé à un Lycée d’horticulture pour suivre et accompagné les élèves dans un projet de gestion différenciée d’un ensemble de 6ha.

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Le pré des Lumières, faisant partie du jardin en Mouvement du Lycée Jules Rieffel cité plus haut. Pour en finir avec l’illustration de ce concept de jardin en mouvement qui constitue une étape importante du travail de Gilles Clément on peut s’intéresser notamment à son jardin pour l’Ecole Normale Supérieure de Lyon. Là, il réalisa sur 5ha en 2000 un espace ou se mêlent une quantité impressionnante d’espèces dans une symbiose quasi parfaite, qu’un soleil givré automnale sublime…..

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…..et qu’un été ensoleillé permet d’en tirer tout le potentiel dans l’alternance de l’ombre et la lumière, comme autant d’oasis dans un désert vert …

L’ensemble de l’œuvre de Clément est disséminée un peu partout sur la planète notamment en France, où de nombreuses villes et projets s’attachent à cette gestion différenciée du jardin‐ paysage. On notera par exemple le jardin de la Tête d’Or à Lyon, où Gilles Clément est parvenu à convaincre ses collègues jardiniers d’abandonner la souffleuse mécanique qui nuit au maintien d’un éco‐ système précieux, ou encore, plus récemment, l’aménagement du jardin du musée des Arts Premiers à Paris_le Quai Branly. (photo ci‐dessous)

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Conclusion

A

près avoir lu et compris le travail de Louis Guillaume Le Roy, j’ai été surpris que Gilles Clément n’en fasse pas mention dans le livre support que j’avais à disposition18. Cela m’a donc conduit à entreprendre la lecture de son œuvre littéraire. Ce qui me marque, c’est qu’à l’évidence l’un et l’autre partage cette même vision de la question paysagère, avec ces notions tirés de la biologie que sont la dynamique, le flux, le temps, le mouvement et tant d’autres… J’émet l’hypothèse que leurs parcours étant différents _ Le Roy étant plasticien de formation quand Gilles Clément est ingénieur agronome et paysagiste_sans doute Gilles Clément, en plus de la chance d’accéder aux commandes publiques tel que son manifeste Parc André Citroën à Paris, sans doute Gilles Clément a‐t‐il su communiquer et divulgué ces idées en s’appuyant sur la crédibilité supposée de sa formation. Luisa Jones nous rappelle comment Emmanuel de Roux, journaliste, résuma la démarche de Gilles Clément : ‘‘Ce personnage pour qui le vagabondage est une deuxième nature est en passe de renouveler en profondeur l’art du jardin, à la lumière de la biologie’’ Et à Gilles Clément de préciser ‘‘ qu’aujourd’hui, le jardin peut être considéré comme un conservatoire des espèces menacées, une école o ù l’on enseigne le respect des éco‐systèmes terrestres. C’est aussi un observatoire : les espèces végétales, comme les hommes se déplacent, se mélangent, évoluent. C’est enfin un modèle de gestion qui peut‐être proposé à la terre entière ’’ En tout état de cause, Piet OUDOLF, Henk GERRITSEN et Michael KING, tous trois Hollandais s’accorde à dire au sujet de Clément qu’il a montré ’’ comment les idées peuvent se représenter à la fois à grande échelle et dans le plus petit détail. Si bien que son approche est aussi pertinente pour le modeste jardinier que pour le vaste monde des architectes du paysage’’ De même, Jacques Leenhardt à propos d’une caractéristique singulière du travail de Gilles Clément : ’’Il a placé au cœur de sa pratique de jardinier une activité pluridisciplinaire complexe qui embrasse des domaines apparemment très différents : le travail théorique sur la dynamique Végétale, qu’il a analysée dans son livre Le Jardin en Mouvement ; le travail pratique du jardinier, qui a conduit à la réalisation du parc Citroën, du jardin de La Vallée et de la création du parc Botanique du Rayol19 ; une pratique d’investigation qui a fait de lui un voyageur impétinent et une activité de diffusion à travers des événements comme l’Exposition du Jardin Planétaire qui eut lieu à La Villette, de septembre 1999 à janvier 2000. Elle fut, pour un très large public, un accès intellectuel et sensible aux questions de la vie sur la Terre et de ses transformations. Enfin, Clément se fit écrivain dans Thomas et le voyageur, cherchant dans la forme littéraire une manière encore différente de faire comprendre les enjeux qui sont au fondement de son travail et de ses préoccupations de jardinier. Une stratégie multiple donc, dont les différents aspects concourent tous à construire une représentation contemporaine du jardin sous l’angle de la planétarisation de la vie sur la Terre ’’ Pour continuer ce parallèle avec Le Roy, qui je le rappelle s’avère nécessaire dès lors que tous deux inclus dans leur démarche cette réflexion biologique du mouvement, je tiens à citer Le Roy lui‐ même : ‘‘Les paysages se faisant eux‐mêmes, les paysagistes officiels sont les seuls qui ne font jamais de paysage. J'avais déclaré ceci lors d'une conférence à l'École du Paysage de Versailles : je n'y ai plus été invité...’’ C’est donc sans aucun doute cette nuance selon laquelle les paysages se font d’eux‐même que le travail de Le Roy n’eut pas le même impact que celui de Clément. Car si le propos n’est pas de les

18

Gilles Clément, Une écologie Humaniste, Gilles Clément et Luisa Jones, Ed. Aubanel, 2006 Commandité par le Conservatoire Nationale du Littoral, il s’agit d’une création de plusieurs jardins sous un couvert forestier préexistant, où chacun évoque un paysage de climat méditerranéen d’une partie du monde. 19

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confronter, il est important de comprendre comment cette vision du jardin sauvage est aujourd’hui partagée et appliquée aux quatre coins du monde. Aussi Gilles Clément est‐il parvenu, non pas à réinterpréter les style paysager anglais, mais à en chercher l’essence philosophique sous‐jacente depuis que cet art s’est avéré être celui qui rapproche l’homme de la Nature. Et en se plaçant modestement entre la faune et la flore de nos paysages pour en tirer le meilleur, il n’est pas spectateur du libre développement de ceux‐ci, mais bien le savant chef d’orchestre entre art, architecture, nature et paysage.

J

e ne suis ni historien, ni philosophe, ni poète. A l’évidence, je ne suis encore que cet étudiant en quête inépuisable d’une meilleure compréhension du monde qui m’entoure. Etudiant donc, en architecture, je perçois le paysage comme une composante indissociable de la vie, dont l’acte de bâtir est une résultante, et le jardin une composante. En commençant cette étude, je souhaitais mieux appréhender la question du paysage, sous la forme de cette collecte d’informations ; en essayant de cerner le lien qu’il pouvait y avoir entre ces notions de nature sauvage telles qu’on les perçoit dans les jardins paysager anglais initiaux, et celles de Gilles Clément dont le travail théorique couplé à ses expérimentations dans son jardin de la Vallée lui ont value cette reconnaissance internationale. Je retiens dans un premier temps une plus juste définition de ce que l’on appel communément le jardin anglais, ou jardin à l’anglaise. Notamment le fait que ce n’est pas tant ce rapport pictural à la nature qui le caractérise, mais plus une façon d’organiser cette dernière autour d’éléments artificiels, les fabriques ou folies et naturels, arbres, bosquets, bassins…. Si j’en avais déjà connaissance, j’en suis maintenant imprégné par les discours de leurs instigateurs, du théoricien Shaftesbury, au praticien, l’architecte paysagiste William Kent. De plus, après avoir observé la dispersion des idées anglaises après leur importation en Europe, j’ai pu constater que le XXème avait connu dans le paysage de nombreuses hésitations, de multiples points de vue. Pour arriver ensuite à cette vision plus contemporaine qui replace le jardin comme composante du paysage, et l’associe aux notions écologique de préservation de nos éco‐systèmes. En cela, le livre de J‐P le Dantec constitue une solide base documentaire. Alors que la notion de nature sauvage et réconfortante semble être née du désir de s’échapper d’une vie insulaire morose dans une Angleterre malade, voilà qu’aujourd’hui notre désir de nature est intimement lié à un besoin inéluctable de préserver notre île commune qu’est la planète Terre. Nous ne pouvons alors qu’applaudir la poésie des jardins issue du travail de Clément qui semble aujourd’hui constituer une véritable base de travail pour développer et préserver ces paysages enclin à une urbanisation rapide, et qui remet en cause la question fondamentale du rapport que nous entretenons avec notre environnement. Je remercie Gilles Clément de faire part au plus grand nombre de ses réflexions universelles grâce à son talent d’écrivain, qui l’ont sans nul doute aidé à se faire cette place tant admirée dans l’histoire du paysagisme contemporain. Ainsi ne pouvons‐nous pas penser qu’une des grandes réussites de Gilles Clément réside dans le fait qu’il à su montrer à tous l’extraordinaire beauté du monde naturel_se rapprochant ainsi des débats esthétiques caractéristiques des paysagistes_ tout en ayant cette approche écologique de l’aménagement de nos territoires ?

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Sources‐Bibliographie

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http://en.wikipedia.org (biographies) http://www.discovereastmidlands.fr/html/‐voir‐faire/histoire‐et‐patrimoine/jardins/ (recensement de jardins anglais typiques) http://agora.qc.ca/thematiques/mort.nsf/Dossiers/Maladie_anglaise : compréhension de la ‘‘maladie Anglaise’’ The English Garden, Meditation and memorial, David R. Coffin, Princeton University Press The English Garden Tour, a view into the past, Mavis Batey & David Lamber Le sauvage et le Régulier, Art des jardins et paysagisme en France au XXème siècle, Jean‐ Pierre le Dantec, Ed. Le moniteur Les jardins des Duchêne en Europe, catalogue de l’exposition réalisée en 2001 à l’Eco‐musée de CREUSOT‐MONTCEAU, en France http://www.stichtingtijd.nl/fr/ecokathedraal.php Gilles Clément, Une écologie Humaniste, Gilles clément et Luisa Jones, Ed. Aubanel 2006 Pour aller plus loin : De l’esprit des lois, Montesquieu, Ed. Flammarion 1993 La nouvelle Héloïse, Jean Jacques Rousseau, Ed LGF, 2002 Des Manuscrits de Sieyès. 1773‐1799, Tome I et II, publiés par Christine Fauré, Jacques Guilhaumou, Jacques Vallier et Françoise Weil, Paris, Champion, 1999 et 2007 The picturesque Garden in Europe, John Dixton Hunt Ed. Thames and Hudson, Londres 2004

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