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Family Buy Out, outil de transmission intrafamiliale de l’entreprise : opération dans un cadre franco-suisse
Frédéric
Sutter Avocat, Brevet d’avocat (Genève), Certificat d’aptitude à la profession d’avocat (Paris)
Le Family Buy Out (FBO) est une technique de transmission d’entreprise entre membres d’une même famille combinant donation et apport de titres à une holding de reprise.
S’agissant d’une opération domestique helvétique, les droits de donation étant selon les cantons inexistants ou très faibles, l’enjeu portera sur le respect des réserves héréditaires. Il faut préciser que la quotité disponible vient d’être portée à la moitié de la succession et qu’une réforme sur la transmission d’entreprise est en cours.
En pratique, peut par exemple se poser la question de la transmission des titres d’une société sise en Suisse par un résident fiscal français à l’un de ses enfants. Dans un tel contexte, l’opération sous l’angle de la fiscalité française permet, par le recours au dispositif Dutreil, de réduire l’assiette taxable de 75 %, outre une réduction des droits de donation de 50 %, sous certaines conditions.
Pour être éligible, l’entreprise doit avoir une activité opérationnelle ou être une holding animatrice de groupe ou société interposée détenant une participation dans une telle société opérationnelle. À cela s’ajoute l’engagement collectif du donateur et d’au moins un de ses associés de conservation des titres durant deux ans ainsi que l’engagement individuel du donataire de conservation durant quatre ans et de direction de l’entreprise durant trois ans.
La première étape consiste à acter une donationpartage d’une partie des titres en présence de tous les héritiers réservataires. À charge ensuite pour l’héritier gratifié des titres de reverser une soulte aux cohéritiers. Il constituera une holding dont la finalité sera de se voir apporter les titres reçus, de régler la soulte due et de financer l’acquisition des titres résiduels. In fine, l’héritier gratifié détiendra par le biais de sa holding 100 % de la société familiale dont le remboursement du financement des titres résiduels sera assuré par les dividendes revenant à la holding, outre la déduction des intérêts correspondants, alors que le donateur et les cohéritiers auront reçu des liquidités. Enfin, une telle opération cross-border complexe impliquant la prise en compte des spécificités légales françaises et suisses doit faire l’objet d’un ruling fiscal en Suisse pour éviter toute problématique lorsque la société y a son siège.
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Nouvelle loi fédérale sur la protection des données dès le 1er septembre 2023 : quel impact ?
Avocate associée au sein de l’Étude Reymond & Associés et chargée de cours à l’EPFL, Me Anne Dorthe pratique essentiellement en droit de la protection des données. Dans cet article, elle traite de la nouvelle loi sur la protection des données.
Anne Dorthe Avocate, Associée Chargée de cours à l’EPFL
La loi actuelle en matière de protection des données (LPD), adoptée en 1992, a subi un remaniement total dans le but de l’adapter aux évolutions sociales et technologiques et de la mettre à niveau avec les réglementations internationales récentes, dont le RGPD. Sa nouvelle version entrera en vigueur le 1er septembre 2023 et aucun délai transitoire n’est prévu, sous réserve de quelques exceptions de portée limitée.
Partant, tous ceux et celles qui y sont soumis, notamment les sociétés suisses (peu importe leur taille) traitant des données personnelles (de clients, employés, etc.) doivent impérativement se saisir sans délai de cette problématique.
En effet, une mise en conformité prend plusieurs mois. Il est conseillé d’établir un plan d’action permettant d’avancer étape par étape, de façon pragmatique et sans entraver l’opérationnel. Il faut notamment déterminer quelles sont les mesures idoines, parmi lesquelles la formation des employés, le registre des activités de traitement, la nomination d’un data protection officer (DPO) externe ou interne, l’adoption de procédures et règlements internes, le remaniement des contrats, les analyses d’impact, etc.
Outre l’élévation des standards et des exigences, la nouvelle loi accordera plus de droits aux personnes dont les données sont traitées. Les pouvoirs du Préposé fédéral à la protection des données seront étendus et ses décisions seront contraignantes. Il devra être informé en cas de violation de la sécurité présentant un risque élevé. Pour ce faire, il mettra en ligne une plateforme permettant des annonces et dénonciations (« whistleblowers »). Enfin, le catalogue des infractions pénales sera étoffé. En principe, ce seront les personnes physiques (et non plus les entreprises) qui seront poursuivies et l’amende pourra atteindre CHF 250 000.-.
À l’ère de la digitalisation et de la multiplication des cyberattaques, les enjeux sont majeurs. Une non-conformité peut engendrer, entre autres, un arrêt net des activités, une atteinte à la réputation, une perte de clients et de partenaires au profit de la concurrence, une enquête des autorités, le paiement de rançons, dommages-intérêts et/ou amendes, ainsi que des recherches forensiques onéreuses.
Utilisés pour enregistrer des vidéos, capter de belles images en hauteur ou simplement pour virevolter dans les airs, les drones, ces aéronefs volants sans équipage embarqué, sont de plus en plus populaires. Dès lors, il est nécessaire d’instaurer une réglementation pragmatique.
C’est effectivement ce qu’a fait la Suisse le 1er janvier 2023 en reprenant la réglementation de l’Union européenne sur les drones. Mais qu’en est-il exactement ? Sylvain Métille, avocat à l’Étude HDC et Professeur associé à l’Université de Lausanne, spécialiste de protection des données et de droit des nouvelles technologies, revient sur la question.
Sylvain Métille, quels sont les différents types de drones et leur réglementation ?
Il existe principalement deux grandes catégories de drones en fonction des risques encourus : une catégorie ouverte et une catégorie spécifique. Le poids du drone et l’endroit où il va voler sont deux des éléments considérés comme risques. Aussi, lorsqu’un drone peut enregistrer des images ou des sons, il y a également un risque lié au traitement de données personnelles.
La catégorie ouverte concerne la majorité des drones utilisés par le grand public. Il n’est pas nécessaire d’avoir une autorisation pour les petits aéronefs qui pèsent moins de 250 grammes, à condition qu’ils ne soient pas équipés d’une caméra ou d’un dispositif capable de recueillir des données personnelles. Cela ne veut toutefois pas dire qu’on peut faire ce qu’on veut avec des appareils de cette catégorie. Il y a des exigences d’enregistrement par exemple, de formation du pilote ou encore de certification du drone pour qu’il soit autorisé à voler. Il existe encore des sous-catégories, avec des distances de sécurité entre le drone et les personnes survolées notamment. Selon l’usage qui va être fait, on aura une augmentation des exigences qui seront imposées au pilote. peuvent être identifiés sur les images et on peut également enregistrer une conversation entre deux personnes dans la rue. Ces données contiennent parfois de nombreuses informations et permettent des analyses très poussées si le logiciel utilisé est suffisamment puissant.
Le drone doit à présent être certifié, ce qui n’était pas le cas avant. Ensuite, le pilote est obligé d’avoir une autorisation de piloter et il lui est interdit de survoler les rassemblements de personnes.
Des voyageurs souhaitent utiliser leur drone pour enregistrer des images de leur séjour en Suisse. Quelles données ont-ils le droit d’enregistrer ? Sous l’angle de la protection de données, le drone est un simple outil. Qu’on prenne des photos avec un drone ou avec un appareil photo, cela ne change rien. La question à se poser est : est-ce que ces images contiennent des données liées à une personne identifiable ? Si je prends des photos de montagnes et de paysages sur lesquelles on ne voit personne ou on ne peut identifier personne, on est hors du champ de la protection des données.
La catégorie spécifique, elle, a des exigences beaucoup plus techniques, notamment en ce qui concerne des usages particuliers par des professionnels. Mais le sujet est vaste et plus compliqué.
Quels types de données peuvent être relevés par un drone ? Techniquement, n’importe quelles données. Les images et les sons contiennent des données personnelles. Par exemple, des numéros de plaque d’immatriculation ou des visages
De manière générale, lorsqu’une image contient des données personnelles, il faut pouvoir justifier l’utilisation de ces données. Imaginons que je fasse des photos à un mariage: toutes les personnes sont informées et personne ne s’y oppose car ce sont des photos pour l’album des mariés. Dans ce cas-là, tant pour les drones que pour les appareils photo, il n’y a pas de problème particulier du point de vue de la protection des données. Prendre des images avec un drone n’est pas forcément un problème, mais il y a un cadre juridique qui s’applique et qu’il est important de respecter.
Quelles réglementations s’appliquent à la transmission et la communication de ces données ?
Pour la transmission entre le drone et l’appareil de visualisation, il faut évidemment assurer la sécurité des données pour éviter que quelqu’un puisse les capter facilement.
Pour la communication à des tiers, il faut savoir si la communication est la raison pour laquelle les données ont été enregistrées. Reprenons l’exemple du photographe de mariage, la communication des images aux mariés a été annoncée dès le départ et est donc légitime. En revanche, la transmission de ces photos à d’autres personnes n’est pas conforme sans l’accord des personnes concernées ou une justification spécifique. La question à se poser dans ce cas est : est-ce que la communication de ces données est nécessaire au but visé, conforme à ce que l’on avait annoncé ? S’il s’agit d’une autre finalité, il faudra un consentement pour justifier le but non envisagé initialement avant que la communication n’ait lieu.
En résumé, quels sont les changements majeurs entre cette nouvelle réglementation et celle adoptée jusque-là par la Suisse ?
Il y a deux aspects principaux. Le drone doit à présent être certifié, ce qui n’était pas le cas avant. Ensuite, le pilote est obligé d’avoir une autorisation de piloter et il lui est interdit de survoler les rassemblements de personnes, en tout cas pour la catégorie ouverte.
Comment voyez-vous l’évolution de l’utilisation des drones et donc l’évolution de la réglementation ?
L’utilisation des drones était au début quelque chose d’assez anecdotique et n’était donc pas très bien régulée, sans que cela ne pose de problème. Aujourd’hui, elle a pris plus d’importance et il fallait donc l’encadrer de manière correcte. Cette nouvelle réglementation peut paraître sévère, mais elle me semble nécessaire.
Je vois très positivement l’intégration d’une formation du pilote, tant du point de vue technique que de la protection des données. La plupart des pilotes ne liraient probablement pas d’eux-mêmes la loi sur la protection des données, mais aujourd’hui ces principes de base font partie de leur formation.