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La réglementation financière suisse : entre défis et adaptation

Spécialisé dans la réglementation financière, lecocqassociate est un cabinet d’avocats qui propose des solutions innovantes à ses clients. Ayant rejoint l’Étude en 2016 à Genève, Lucile Cesareo-Hostettler est aujourd’hui associée. Dans cette interview, elle présente les enjeux de la régulation financière.

Lucile Cesareo-Hostettler Associée

Lucile Cesareo-Hostettler, quels sont les domaines d’activité de lecocqassociate et quels services l’entreprise propose-t-elle ?

Dans le domaine de la règlementation financière, nous accompagnons nos clients, des établissements financiers, dès leur structuration et tout au long de leur vie. Nous nous occupons également de leur processus d’autorisation ou de licence auprès de la FINMA pour la Suisse : licences bancaires, de maisons de titres, de gestionnaires de fortune collective ou « simple » notamment, ou encore d’infrastructures des marchés financiers, comme les bourses, les systèmes multilatéraux de négociations, ou encore les systèmes de négociations fondées sur la TRD (technologie des registres distribués). Nous conseillons aussi des clients étrangers qui souhaitent s’installer en Suisse ou offrir des produits financiers en Suisse. De la même manière, nous conseillons nos clients actifs dans le domaine de l’assurance dans le processus d’agrément auprès de la FINMA pour leur permettre d’exercer leurs activités d’assurance, de réassurance ou d’intermédiaires d’assurance(s) en Suisse. Notre expertise s’étend également à la régulation applicable aux marchés de capitaux, comme par exemple les règles de cotation en bourse.

En Suisse, quels sont les organes de régulation du secteur financier ?

Le régulateur suisse est la FINMA, l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers, dont le siège est à Berne. La FINMA surveille le bon fonctionnement des marchés financiers avec pour but la protection des investisseurs, consommateurs et créanciers en garantissant notamment la solvabilité de ses acteurs. Pour cela, elle dispose des outils de l’autorisation, de la surveillance et de l’enforcement, c’est-à-dire qu’elle applique le droit de la surveillance par des décisions contraignantes.

Quels sont les enjeux de la régulation financière suisse ?

L’enjeu principal est la préservation de la Suisse comme une place financière sûre, forte et attractive, pour les établissements, acteurs du secteur financier et les investisseurs. Cela passe par une réglementation et une surveillance qui doit garantir une réputation irréprochable tout en permettant la continuation des affaires. Au niveau international, cela signifie que la Suisse doit s’adapter aux évolutions d’un système financier par essence globalisé.

Il y a une nécessité pour le législateur et le régulateur de comprendre en profondeur les questions techniques afin de réfléchir à des solutions en accord avec les besoins des acteurs du secteur financier et la demande des clients/investisseurs.

Y a-t-il eu récemment de nouvelles régulations dans le secteur financier suisse ?

Le 1er janvier 2020, la LSFin (loi sur les services financiers) et la LEFin (loi sur les établissements financiers) sont entrées en vigueur et entérinent une refonte du système réglementaire. L’objectif était notamment de renforcer la compétitivité de la place financière par le renforcement de la protection des clients, la fixation de conditions de concurrence uniformes en appliquant les mêmes obligations à tous les prestataires de services financiers et de soumettre la gestion de fortune à la surveillance. Nous pouvons aussi citer la nouvelle licence Fintech introduite avec l’article 1b de la Loi fédérale sur les banques (1er janvier 2019) et l’introduction dans la Loi sur l’infrastructure des marchés financiers du système de négociation basé sur le TRD, entrée en vigueur le 1er août 2021.

Pour le futur, la modification de la Loi fédérale sur les placements collectifs de capitaux entrera en vigueur avec le nouveau Limited Qualified Investor Fund (L-QIF). Il s’agit d’un nouveau type de fonds destiné uniquement à des investisseurs qualifiés qui ne sera pas soumis à autorisation et surveillance de la FINMA, afin de renforcer l’attractivité des fonds suisses.

Quel est l’impact de la constante évolution de la digitalisation de la finance sur la régulation ?

La digitalisation des services financiers permet une optimisation des services et l’avènement de nouveaux modèles. Il s’agit de pouvoir s’adapter à ces nouveaux modèles « Fintech » et d’évoluer rapidement, afin de permettre aux acteurs d’implémenter les nouvelles technologies avec des outils légaux et techniques compétitifs. Il y a une nécessité pour le législateur et le régulateur de comprendre en profondeur les questions techniques afin de réfléchir à des solutions en accord avec les besoins des acteurs du secteur financier et la demande des clients/investisseurs.

Comment voyez-vous l’évolution de la régulation financière en Suisse ? On peut s’attendre à une prise en considération des critères environnementaux dans la régulation, notamment dans le cadre de l’approche basée sur les risques des établissements, mais également en termes d’obligations d’information à la clientèle et de prévention du Greenwashing.

Cette évolution devrait être guidée par les obligations internationales de la Suisse (telles que les Accords de Paris), la demande croissante de la clientèle des prestataires et des établissements financiers, mais également par l’objectif de maintenir une place financière compétitive face au développement de la législation internationale et européenne en ce sens.

Le 16 décembre 2022, le Conseil fédéral a publié des recommandations dans son Champs d’action 2022-2025 en vue d’assurer à la place financière suisse une position de leader en matière de finance durable. Il a également publié une prise de position en matière de lutte contre l’écoblanchiment dans le secteur financier, dont le risque est de tromper les investisseurs sur les qualités d’investissements présentés comme ayant des caractéristiques de durabilité et mis en place un groupe de travail dont fait partie la FINMA. Ce groupe de travail à jusqu’à fin septembre 2023 pour soumettre des propositions concrètes en ce sens.

La mise en œuvre d’obligations contraignantes pour les établissements et les prestataires de services financiers dans les années à venir est à prévoir.

Interview Léa Stocky

Entreprenariat, innovation et durabilité : un grand saut dans le vide en matière de fiscalité et réglementation ?

L’Étude Kellerhals Carrard accompagne ses clients, constitués notamment de PME de l’arc lémanique, de la création de sociétés à la réalisation de transactions complexes. En mettant l’accent sur la capacité à anticiper et intégrer les modifications du cadre légal, elle en fait un avantage concurrentiel pour les acteurs économiques. Dans cette interview, les équipes dédiées des bureaux de Genève et de Lausanne abordent les récents changements au niveau fiscal, en matière de durabilité et leur impact sur les entreprises.

À votre avis, l’arc lémanique est-il encore attractif pour les entrepreneurs et l’innovation ?

Sur le plan économique, la région lémanique reste très dynamique ! Les conditions-cadres, grâce à la présence de hautes écoles spécialisées, en particulier l’EPFL, d’importants acteurs internationaux, et un secteur financier fort, restent très bonnes. Toutefois, certains changements récents en matière de fiscalité, notamment concernant les plans d’intéressement, pourraient freiner ce dynamisme.

La fiscalité des plans d’intéressement est-elle un obstacle pour la croissance des start-ups ?

Pour attirer de brillants collaborateurs, une start-up ne peut généralement pas miser sur des salaires très attractifs mais proposera à ses collaborateurs une rémunération comprenant un intéressement dans le capital de la société. Le collaborateur prend un risque car la plus-value qu’il peut espérer n’est pas garantie. Le droit fiscal incitait par ailleurs à cette prise de risque par le biais du mécanisme du gain en capital exonéré en cas de revente des actions. Or, un changement récent de pratique basé sur le modèle zurichois transforme des plus-values en cas de revente des actions jusqu’ici exonérées en salaire partiellement voire pleinement imposables, soulevant des questions liées à la transition d’un régime à celui d’un autre. Face à ces incertitudes, un travail de lobbying doit notamment être entrepris par l’ensemble des acteurs de l’écosystème start-up pour tenter de corriger certains éléments du cadre juridique actuel, lobbying auquel les avocats spécialisés doivent également pleinement s’associer.

Qu’en est-il de la fiscalité des PME dans ce contexte ?

Pour les PME, la dernière réforme des entreprises a été indiscutablement positive pour améliorer les conditions-cadres. En revanche, tous les entrepreneurs ne sont pas traités de la même façon sur l’arc lémanique. Alors que le canton de Vaud, sous certaines conditions, a grandement diminué la taxation de l’outil de travail pour l’impôt sur la fortune, les entrepreneurs genevois restent soumis à un impôt très lourd sur l’impôt sur la fortune faute de mesures similaires prises au bout du lac.

Pour ces derniers, il est recommandé de mettre d’autres stratégies en place, notamment salariales, visant à capitaliser sur les mécanismes de prévoyance tout en réduisant les valeurs de rendement qui tendent à impacter lourdement l’imposition sur la fortune.

En outre, les prochaines votations portant sur des objets fiscaux dans le canton de Genève pourraient « sonner le glas » de l’entreprenariat et l’innovation, entraînant potentiellement une « migration » importante d’entrepreneurs notamment dans le canton de Vaud.

Pourquoi avoir formalisé un desk ESG and sustainability ? Cela répond-il vraiment à une nouvelle matière du droit ?

La durabilité, de même que les préoccupations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) ne constituent nullement une nouvelle matière autonome du droit. Il s’agit bien au contraire d’une approche transversale qui touche à l’ensemble des domaines juridiques et il importe que les entreprises, de toute taille, intègrent ces enjeux de manière holistique dans leur stratégie de développement. Avec notre desk dédié, nous sommes en mesure de les accompagner dans leurs démarches, pour leur permettre non seulement d’assurer la conformité de leur organisation avec les normes en vigueur, mais également pour leur permettre d’anticiper la régulation à venir.

En quoi les PME suisses sont-elles concernées par cette évolution ?

S’il est vrai que les nouvelles dispositions de droit suisse en matière de reporting extra-financier et les directives européennes récemment adoptées s’adressent prioritairement aux grandes entreprises, l’ensemble de la chaine de valeur va devoir se conformer aux exigences de comportement et de transparence requises contractuellement pour l’établissement des rapports publics. Les PME suisses sont donc concernées par ces obligations dès lors qu’elles constituent des maillons de la supply chain des grandes entreprises et qu’elles peuvent même être directement assujetties aux obligations réglementaires si elles réalisent un chiffre d’affaires important en Europe. L’environnement législatif est mouvant et contraignant, mais il est aussi porteur de belles opportunités pour les entreprises qui sauront s’adapter à temps. Notre rôle est aussi de les identifier pour le bénéfice de nos clients.

À propos de Kellerhals Carrard :

• Étude organisée en coopérative

• 280 avocats ou juristes

• Présence sur 6 sites en Suisse, 3 sites en Romandie : Genève, Lausanne, Sion

• Présence internationale : Chine, Japon, membre de réseaux internationaux

• Maîtrise de 24 langues

• 29 domaines d’expertise

• Des valeurs communes : esprit d’entreprise, valeurs humaines, professionnalisme

• Intégration de la durabilité via un desk ESG interdisciplinaire

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