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Interview : Agnès Flémal
« Etre entrepreneur, c’est saisir une opportunité en toutes circonstances »
Faire de projets technologiques des entreprises performantes, telle est la vocation de WSL, fidèle à son slogan « Will Stretch your Limits ». La société pilotée par Agnès Flémal se classe au top mondial des incubateurs « technos ». Son moteur : cultiver l’esprit d’entreprendre.
TEXTE FERNAND LETIST PHOTO CHRISTOPHE KETELS W SL est la structure support dédiée à toutes les startups wallonnes technologiques (deeptech/ hightech). « Depuis 20 ans, mon job consiste à être à l’écoute de tous porteurs de projets d’entreprise et de trouver de solutions originales et évolutives à concrétiser pour démarrer et grandir », explique Agnès Flémal, la dynamique CEO de WSL. Son écurie entrepreneuriale pèse aujourd’hui 900 millions d’euros de chiffre d’affaires cumulés…
Que signifie « entreprendre » aujourd’hui en Belgique ? « En Belgique comme en Europe, l’esprit d’entreprendre est en retard par rapport à ce qui se vit aux Etats-Unis, en Chine ou en Inde. Nous avons été bercés durant des décennies dans un confort lié à nos grandes entreprises, à nos richesses. Cela ne pousse ni à l’effort ni au dépassement. Il a fallu du temps pour redonner le goût d’entreprendre aux jeunes générations. Cela évolue positivement depuis 15 ans. Entreprendre ne doit plus symboliser le “risque”. »
Quel est la clé de la réussite : idées, argent, capacité d’adaptation ? « L’équipe, les gens. Les Solvay et autres étaient des humains porteurs d’une vision et d’une stratégie pour déployer une entreprise. Avoir une bonne idée ne suffit pas. Une fois lancé, il faut aussi être capable de s’adapter. Actuellement, les tendances économiques, rapides et mouvantes, imposent de pouvoir pivoter rapidement. Le Covid vient de durement nous le rappeler. A cet égard, le
LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS INNOVANTS EN RÉSEAU ET À VOCATION INTERNATIONALE EST LE CŒUR DE L’ACTIVITÉ DU PÔLE. Interview d’Anthony Van Putte, Directeur Général
Quel est la mission du Pôle MecaTech, au sein de l’ecosystème wallon ?
Notre mission est d’accompagner les entreprises dans leur développement pour créer les emplois et l’activité de demain, par le montage et la réalisation de projets collaboratifs et innovants à vocation internationale. Ces développements amènent les entreprises à se transformer, notamment au travers du numérique : 70% de nos projets mettent en œuvre ou développement des technologies numériques. Le numérique est clairement au cœur de notre stratégie. Ces évolutions correspondent à notre vision qui est d’œuvrer pour une Wallonie réinventée pour ses citoyens, où il est facile d’entreprendre et qui supporte les initiatives individuelles, tout en répondant aux enjeux sociétaux d’aujourd’hui.
Comment le Pôle MecaTech peut aider les entrepreneurs qui souhaitent pérenniser leur entreprise ?
Entreprendre seul n’est plus une option. La collaboration et l’innovation ouverte ne sont pas un effet de mode mais une nécessité absolue pour pérenniser et faire croître une activité industrielle à haute valeur ajoutée, face à notre environnement en constante évolution. Notre réseau est notre force, avec nos 200 membres industriels à la pointe de l’innovation. Le Pôle MecaTech accompagne les entreprises et porteurs de projet depuis l’idée jusqu’à son industrialisation en aiguillant l’entreprise vers le financement adéquat. Comment ? En l’accompagnant dans ses démarches, en trouvant les bons partenaires, en la conseillant sur les meilleurs choix à prendre pour le développement de son entreprise.
Quels sont les secteurs clés aujourd’hui ?
La crise que nous traversons nous rappelle l’importance de nos défis sociétaux. Elle nous alarme des risques climatiques auxquels nous devrons nous confronter si nous n’y prenons pas garde. Les secteurs de la santé (medtech et e-santé), de la mobilité connectée et durable, de l’énergie renouvelable et de l’économie circulaire constituent des champs d’actions importants pour nos entreprises et nos technologies.
+608m
IMMOBILISATIONS CORPORELLES BRUTES DES PMES MEMBRES
(entre 2006 et 2017)
digital s’est montré un levier formidable pour être réactif et agile. »
Quelle qualité humaine doit avoir un entrepreneur en 2020 pour émerger ? « Le leadership avec la capacité de convaincre, de mobiliser une équipe, des financiers, des CA. Avoir une vision et pouvoir l’opérationnaliser en fédérant tous ses partenaires. Il y a des leaders-nés et d’autres qui peuvent le devenir. A WSL, des scientifiques se sont révélés de vrais leaders. »
Votre travail vise à dénicher des pépites technologiques et à les faire briller ? « (Rires)… Je veux surtout qu’elles se rendent compte de tous les atouts qu’elles ont. A l’inverse, quand d’autres se voient déjà Microsoft ou Elon Musk, il faut leur remettre les pieds sur terre. Dans les deux cas, cela passe par un encadrement qui les challenge. »
WSL se concentre sur les start-ups actives en (hautes) technologies, pourquoi ? « Notre spécialité est l’entreprise tournée vers le B2B industriel avec un projet de technologie forte. Dans tous les cas, il faut que l’on soit en présence d’une “technologie propriétaire”. Soit avec un brevet, soit une technologie éprouvée dans le secteur B2B. Notre éventail d’entreprises concerne cinq secteurs “deeptech”: mécatronique, medtech, ICT, “green” et industrie 4.0. Nous sommes le seul acteur wallon de ce type reconnu à l’international, au niveau de Toronto ou Shanghai. Notre approche “techno” permet d’être concentré sur une population entrepreneuriale très typée et d’appliquer une méthodologie de développement qui lui est totalement adaptée. »
Quels sont les traits principaux d’un technoentrepreneur ? « Ce sont des… foutus putains d’ingénieurs en sciences !... Comme moi. C’est la caractéristique de la population de CEO qu’on accompagne. L’ingénieur représente 90 % des profils porteurs de projets qui frappent à notre porte. L’avantage est que l’on sait comment les faire évoluer, les encadrer, les entraîner. Ils sont quasi tous taillés dans le même roc et nous parlons tous le même jargon technoscientifique. »
Quel critère de réussite est le plus pertinent : les revenus, la survie, la croissance ? « Pour les sociétés sous l’aile de WSL, l’aspect revenu est assez exceptionnel. 95 % génèrent plus vite jusqu’à six fois plus de revenus comparés à d’autres. Cela tient à une démarche claire : on est là pour soutenir des sociétés qui vendent quelque chose. Après, l’aspect financier se résout de lui-même. A l’opposé de la tendance en vogue dans les startups et le digital où on se focalise sur de grosses levées de fonds avant même d’avoir fait ses preuves. A WSL, pas de pré-funding, de mirage de licornes ou de numérique blingbling. Seulement des acteurs industriels qui trouvent des clients et un marché autour des produits et/ou services qu’ils proposent. L’indicateur de réussite essentiel, c’est le taux de croissance. Cette année, un tiers des sociétés coachées par WSL affichent 25- 30% de taux de croissance. »
Comment WSL et ses poulains ont-ils vécu la crise sanitaire Covid ? « Globalement très bien. Cela a ouvert à un grand nombre de nos sociétés des opportunités nouvelles. Certaines ont pu exploser et gagner en visibilité grâce à leurs services et solutions. Pour 60 % de nos entreprises, la crise Covid s’est révélée positive et porteuse de débouchés ; pour 20 %, l’effet a été neutre ; et pour 20 %, il a été négatif, surtout celles actives sur des secteurs fort impactés comme l’aéronautique
ou l’automobile. En revanche, nos sociétés spécialisées dans la technologie en milieu médical et en santé ont été les plus sollicitées. La crise a fait prendre conscience qu’il fallait utiliser plus et mieux les outils digitaux. Un paramètre essentiel pour faire tourner l’industrie du futur, ce sera la qualification des personnes. »
Etre entrepreneur, c’est parvenir à faire de la crise une opportunité ? « Absolument. C’est le propre des PME et des startups technologiques d’avoir ce réflexe. Et les crises offrent toujours des opportunités à saisir. »
SMART FACT.
Si vous n’étiez pas devenue directrice de WSL vous seriez aujourd’hui... « Dirigeante d’une entreprise. Ce que j’ai déjà été la première moitié de ma vie professionnelle. Je serais CEO d’une boîte de technologie… J’aurais pu aussi devenir championne d’équitation car j’ai fait beaucoup de compétitions à haut niveau. J’adore autant la compétition que le cheval en lui-même. Mon kiff, c’est d’entrer en piste, de passer les obstacles et de gagner. »
Tessares
Dans l’écurie WSL, l’entreprise néolouvaniste Tessares s’est distinguée pendant le lockdown comme solution pour les réseaux informatiques saturés du fait de l’inflation de demandes de téléchargements et du télétravail généralisé. Son prototype de dropbox a permis de soulager les réseaux en orientant les utilisateurs vers les plus délestés. Elle a ainsi décroché quelques beaux contrats auprès d’opérateurs dans le monde.
CRL Booster
Chaque année, Agnès Flémal initie un projet-pilote pour améliorer les services fournis par WSL. En 2020 : le CRL Booster. Une méthodologie de formations pour aider chaque société à définir sa proposition de valeurs et (se) vendre plus vite et mieux. Pendant 10 jours, chaque matin, des entrepreneurs chevronnés partagent leur expérience avec ceux qui vont se lancer. L’après-midi, ces derniers appliquent sur leur propre boîte ce qu’ils ont appris. En répondant à une foule de questions : quel est mon produit ? Ma proposition commerciale ? Comment je la communique ? Je me vends comment ? Je négocie comment ?...
35%
ÉVOLUTION DE L’EMPLOI DES ENTREPRISES MEMBRES
(entre 2006 et 2017, sans AGC et ARCELOR)
3
MEMBRES
Dont 200
MEMBRES ENTREPRISES
78%
ÉVOLUTION DE LA VALEUR AJOUTÉE DES ENTREPRISES MEMBRES
(entre 2006 et 2017, sans AGC et ARCELOR)
127
PROJETS LABELLISÉS
en 27 appels à projets
Il ne faut certainement pas broyer du noir
De quel soutien vont pouvoir bénéficier les entreprises à la sortie de la crise sanitaire ? Stéphanie Gowenko, responsable Wallonie chez Xerius nous en dit plus.
Àquoi devrons-nous faire face dans quelques années ? Cette question, alors que l’on sort progressivement de la crise sanitaire, beaucoup d’entrepreneurs se la sont posée. Car, faut-il le rappeler, la crise sanitaire passée, ce sera à la crise économique de frapper à la porte de beaucoup d’entre eux. « On se rend compte que l’heure de vérité pour beaucoup d’entrepreneurs se situera aux environs du deuxième semestre de l’année », explique Stéphanie Gowenko, responsable Wallonie chez Xerius. Tout à fait conscients du rôle primordial qu’ils s’apprêtent à jouer, les guichets d’entreprises et les caisses d’assurances sociales devront être au plus proche de leurs clients. Leur but? Les aider à sortir du rouge ! Cependant, ces interlocuteurs indispensables aux indépendants tiennent à les rassurer. « Il ne faut certainement pas broyer du noir ! Les solutions existent au cas où les entreprises viendraient à manquer de clientèle : report de paiements, demande de dispenses ou encore réduction de cotisations sociales », rassure Stéphanie Gowenko. Des aides que les meilleures caisses d’assurances sociales s’empresseront bien sûr d’expliquer à leurs clients.
« Sur des sujets comme le droit passerelle par exemple, nous avons dû et nous devons encore être extrêmement disponibles et réactifs », insiste Stéphanie Gowenko.
Et peut-on parler de disponibilité et de réactivité sans évoquer la nécessité indiscutable du digital dans ce domaine d’expertise ? « Personne ne s’attendait à être frappé aussi durement par le Covid et le confinement. Certains n’avaient pas investi assez dans les outils informatiques. Aujourd’hui, toutes les caisses d’assurances sociales qui étaient dans ce cas savent qu’elles doivent absolument se remettre en question.» Un mal pour un bien pour l’entrepreneur donc (qui bénéficiera prochainement de nouveaux outils informatiques) mais aussi pour les professionnels du chiffre avec lesquels les caisses d’assurances et les guichets d’entreprises travaillent. « Chez Xerius par exemple, nous basons notre trio gagnant sur l’expertise de nos collaborateurs, le client et le comptable. Ce dernier bénéficiant d’informations sur la législation (extrêmement mouvante en ce moment) et d’outils informatiques de qualité a pu se consacrer entièrement à son corps de métier : le conseil client. »
Selon l’expert, au-delà du soutien dont les entreprises déjà existantes vont bénéficier durant cette crise, il faudra aussi penser à proposer de l’aide aux nouveaux starters.
Des ambitieux qu’il faudra bien évidemment encadrer pour se lancer sur le marché. « Selon l’expert, au-delà du soutien dont les entreprises déjà existantes vont bénéficier durant cette crise, il faudra aussi penser à proposer de l’aide aux nouveaux starters. Des ambitieux qu’il faudra bien évidemment accompagner pour se lancer sur le marché. « Certaines personnes ayant perdu leur emploi par exemple, vont voir la crise comme une véritable opportunité et se lancer en tant qu’indépendants ». Plus que jamais, la communication sera primordiale. Avant toute chose, il faudra les rassurer et leur faire comprendre qu’être indépendant n’équivaut pas à être dépourvu de droits sociaux. « Aujourd’hui, c’est une fausse croyance de penser qu’un indépendant ne peut pas dormir sur ses deux oreilles surtout s’il dispose de conseillers compétents et à l’écoute. » Mme Gowenko se veut donc plus que rassurante même en ces temps difficiles et tient à donner quelques conseils aux indépendants :
Ne pas avoir peur de venir chercher les informations nécessaires en contactant
À PROPOS DE...
Xerius soutient le démarrage, l’évolution et la cessation d’une entreprise. Nous nous occupons des démarches administratives pour les indépendants débutants en veillant toujours à ne rien oublier pour qu’ils puissent enfin se considérer comme de véritables indépendants. Bien entendu, nous calculons également les cotisations sociales pour le compte des autorités. Nous veillons aussi toujours à être proactifs dans nos démarches d’information aux indépendants. Nous sommes l’organisme le plus à même de les renseigner sur leurs devoirs mais aussi sur leurs droits. Nous sommes actifs aussi bien en Wallonie qu’en Flandre et à Bruxelles. les caisses d’assurances sociales et guichets d’entreprises ; Rencontrer au plus vite un comptable pour mettre au plus vite son projet sur papier ; Réaliser rapidement une estimation chiffrée pour évaluer les impôts et les frais professionnels en jeu ; Confronter son entourage et tester très vite son projet sur le marché pour faire les adaptations nécessaires.
STÉPHANIE GOWENKO RESPONSABLE WALLONIE XERIUS
Cette « Nuit » porte conseil !
Parce qu’un entrepreneur doit parfois prendre le temps de lever la tête du guidon pour respirer et s’inspirer, la « Nuit des Entrepreneurs Inspirants » permet de se rencontrer en échangeant idées, histoires et expériences sous le signe de l’émotion.
L’objectif de ces « Nuits » (qui sont plutôt de longues soirées et n’empièteront donc pas sur vos heures de sommeil, rassurez-vous !) est de faire face à la morosité, envers et contre tout. « Nous sommes submergés d’informations négatives et anxiogènes », souligne l’organisateur
Geoffroy Josquin. « Il était donc nécessaire de lancer une initiative mêlant positivisme et inspiration. Pour montrer que les choses bougent dans le bon sens ! »
Et le « storytelling » est l’un des axes principaux de l’événement. « Car cette façon de procéder permet de faire surgir des anecdotes souvent méconnues et de faire connaissance avec les invités sous un autre angle. » Cette « Nuit » donne donc aussi l’occasion d’entendre des histoires pour le moins atypiques. Comme, l’an dernier, celle de cette ancienne mannequin devenue antiquaire, par exemple…
En détail, la « Nuit des Entrepreneurs Inspirants » se décline en quatre soirées, toutes présentées par Emilie Dupuis (RTL-TVI – Waldorado). Le volet liégeois du 26 mars à l’Abbaye du Val Saint-Lambert, accueille comme conférencière la pianiste Valérie Marie, entourée de 4 autres entrepreneurs inspirants, avec qui faire plus ample connaissance (Ingrid Hick (Find Your Place) - David Eloy (groupe Eloy) - Pierre Hamblenne (J&Joy) - Gregory Nolens (Cerhum). Nous nous rendrons ensuite au Château-Ferme d’Arche pour le chapitre
namurois du 7 mai. Avec Laura Lange, Docteure en Philosophie Pratique, en conférencière principale, entourée des « locaux » Camille Gersdorff (Maison Gersdorff) - François Delahaut
(Cafés Delahaut) - Ludovic Vanackere (Atelier de Bossimé) - Simon-Pierre Breuls (Universem). Le 19, au tour du Hainaut au Dôme de Charleroi (avec la conférence du conférencier-illusionniste Régis Rossi et les présences de Aline Goffin & Julie Vandeput (Oh My Box!) - Damien de Dorlodot (Groupe Decube) - Ronald Gobert (Groupe Gobert) - Christophe Wanty (Groupe Wanty). Avant de clore cette édition 2020 en beauté du côté du Brabant Wallon, à l’Abbaye de la Ramée. Avec une conférence signée Virginie Delalande, première femme sourde de naissance devenue avocate en France, qui sera cernée de près par Emna Everard (Kazidomi), Julie Foulon (Girleek), Allison & George Vanderplancke (Chaussures Maniet) et Frédéric Depraetere (Nomade Wine). Bref, des entrepreneurs inspirés, mais surtout inspirants, c’est-à-dire fin prêts à donner envie à d’autres de tenter la grande aventure de l’entrepreneuriat.