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Abobo-Gare : retour à la tranquillité
L’argent de poche, un geste qui fait grandir ?
Villages de joie juin 2012 / n° 221 / 2 €
LA REVUE DES DONATEURS
DOSSIER
Mère SOS, un engagement personnel et professionnel Si les profils des mères SOS sont très différents les uns des autres, elles ont toutes en commun le fait de s’être engagées sur une voie singulière, où se mêlent investissements professionnel et personnel. lles étaient factrice, assistante sociale, employée de banque, agricultrice, employée de restauration, assistante maternelle ou familiale. Toutes ces femmes ont résolument changé de métier et de mode de vie pour devenir mères SOS. Un engagement personnel et professionnel sur le long
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terme qui résulte d’une longue réflexion menée tout au long du processus de recrutement mis en place par SOS Villages d’Enfants. « Le recrutement d’une éducatrice familiale, dite mère SOS, est organisé en quatre étapes », explique Anne-Sophie Gerin, responsable du recrutement et de la formation des mères SOS de SOS Villages d’Enfants.
« Chaque mois, le groupe de travail dédié au recrutement des mères SOS se réunit en commission pour étudier les candidatures reçues, poursuit-elle. Il est constitué d’un directeur de village d’enfants SOS, d’une mère SOS, de la responsable des ressources humaines, d’une assistante de recrutement et de moi-même. Les personnes
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Le mot du président
DOSSIER
Des situations qui appellent une réflexion SOS Villages d’Enfants France s’est joint à l’Unicef pour adresser aux responsables politiques mobilisés en période électorale, un manifeste qui alerte sur la situation des enfants et des jeunes dans notre pays. La France s’enorgueillit d’une législation protectrice de l’enfance qui va au-delà des principes fixés par la convention internationale des droits de l’enfant adoptée en 1989. En 1996 en effet, le législateur français a rappelé le droit spécifique des fratries en l’inscrivant dans notre code civil, alors même que la convention ne fait à aucun moment mention du maintien des liens fraternels, essentiel cependant dans les situations graves pour restaurer l’équilibre et redonner la confiance. En France pourtant, plus de 200 000 enfants sont reconnus en danger, accompagnés par les juges pour enfants et les services sociaux. Et il y a tous ces enfants, non pas en danger, mais malheureux, qui sont pris dans les turbulences de la vie familiale ou qui vivent dans la pauvreté. Ils ne relèvent naturellement pas des mêmes modes d’accompagnement, mais ils existent et le droit n’est que d’un faible recours. Ces situations, et bien d’autres qui touchent à l’adolescence, sont pressantes. Je ne doute pas que la Défenseure des enfants veuille conduire une réflexion pour tenter d’aboutir à un projet de véritable code de l’enfance. Nous serons à ses côtés, si elle le souhaite, pour que les enfants et les jeunes en difficulté obtiennent le respect de leurs droits et que la société de demain soit, pour eux, porteuse d’avenir. Pierre PASCAL
Villages de joie. Magazine édité par SOS Villages d’Enfants / 6, cité Monthiers - 75009 Paris / Tél : 01 55 07 25 25 / Président : Pierre Pascal / Vice-présidents : Jean-Pierre Rousselot et Michel Rémond / Directeur général et directeur de la publication : Gilles Paillard / Rédacteur en chef : François-Xavier Deler / Impression sur papier recyclé : Imprimerie SIEP / Photos : ChantalS, Luis Paterno, Reinhard Winkler, Katerina Ilievska, SOS Archives, Alexandra, Blend Images, SOS Villages d’Enfants, droits réservés. Publication trimestrielle éditée par SOS Villages d’Enfants / Abonnement annuel : 8 €. Prix au numéro : 2 € / Commission paritaire : N° 0112 H 81095 – ISSN : 0243.6949 – Dépôt légal à parution. Cette revue est accompagnée d’un encart d’appel à dons (enveloppe, lettre et bulletins d’abonnement/don).
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retenues doivent remplir un dossier très approfondi qui sera étudié lors de la commission suivante. » Les candidates sélectionnées seront alors reçues lors d’une réunion d’information collective. « Cette réunion permet de présenter SOS Villages d’Enfants et ses missions. Elle est suivie d’un entretien individuel avec deux membres de la commission de recrutement », précise encore Anne-Sophie Gerin. Une joie de vivre communicative L’objectif de cette rencontre est d’échanger sur les motivations et les attentes des postulantes, mais aussi de bien leur faire prendre la mesure de l’engagement personnel et professionnel que représente la fonction de mère SOS. À l’issue de ce parcours, les candidates retenues effectuent deux stages pratiques d’une semaine au sein de deux villages d’enfants SOS différents, afin d’observer la vie d’une maison familiale dans un village SOS. Enfin, elles seront reçues par un cabinet de conseil en recrutement dont la mission consiste à déceler d’éventuelles fragilités qui seraient jusqu’alors restées inaperçues (voir interview p. 3). S’il n’y a pas de profil type pour devenir mère SOS, quelques critères sont cependant nécessaires : il faut avoir un niveau scolaire au moins égal au CAP/BEP et savoir conduire. Il faut
« Mère SOS » : un métier Cette profession est reconnue par le statut d’éducatrice familiale depuis 2005. L’appellation « mère SOS » est un terme affectif qui témoigne du lien.
aussi être prêt à quitter son domicile personnel pour vivre dans une maison familiale au sein du village SOS. La mère SOS travaille à temps complet pendant 3 à 4 semaines, suivies d’une semaine de repos pendant laquelle l’aide familiale prend le relais auprès des enfants. Une mère SOS peut venir au village seule ou en couple et/ou avec son propre enfant, sous certaines conditions.
Il faut aussi être prêt à quitter son domicile personnel pour vivre dans une maison familiale au sein du village SOS. Autre critère important : la maturité, car les futures mères SOS devront s’occuper, 24 heures sur 24, d’une fratrie de quatre ou cinq enfants, du bébé à l’adolescent, avec les responsabilités que cela suppose. « Être mère SOS demande une grande résistance physique et psychologique, souligne Anne-Sophie Gerin. Il faut être patient, ouvert, dynamique et faire preuve d’une joie de vivre communicative. »
2 questions à… Micheline Mauduit, directrice générale du cabinet Brigitte Croff Conseil spécialisé dans le conseil et la formation dans le secteur des services à la personne.
« Identifier les compétences transversales » Sur quel processus vous appuyez-vous pour évaluer les candidates au poste de mère SOS ? Lorsque nous recevons de futures mères SOS, notre objectif est de travailler avec elles sur leurs compétences plutôt que sur leurs défauts. Les profils des mères SOS sont souvent atypiques et il est intéressant de décloisonner les univers personnel et professionnel. Pour cela, nous confrontons les résultats des travaux menés par une graphologue et les conclusions auxquelles je suis parvenue à l’issue d’un entretien de plus de deux heures avec la candidate. Au cours de cet entretien, j’ai recours à une méthode québécoise qui permet d’identifier, dans des situations pas nécessairement professionnelles, les compétences transversales des candidats : la persévérance, l’esprit d’équipe, la facilité d’adaptation, le sens de l’observation, la minutie, la confiance en soi, le sens des responsabilités, la communication, la débrouillardise, la créativité… Quelles sont les compétences recherchées pour les mères SOS ? Nous cherchons à nous assurer que les personnes pressenties aient le sens des responsabilités, soient autonomes dans leur travail, fassent preuve d’un réel sens de l’organisation et soient capables de gérer des enfants d’âges et de caractères différents, ainsi que toutes les activités qui leur sont liées. En effet, le rôle de mère SOS n’est pas simple et, au-delà de l’enthousiasme des premières semaines, il faut être capable, sur le long terme, de se donner pleinement trois semaines durant avant de reprendre son souffle dans son propre univers. Nous vérifions donc leur capacité à s’inscrire dans la durée, à ne pas cacher leurs éventuelles difficultés et à travailler avec l’aide familiale et l’équipe éducative. Et bien sûr… leur aptitude à aider les enfants à s’épanouir.
« Devenir mère SOS était une évidence » Mère SOS depuis quelques mois au village d’enfants SOS de Plaisir (78), Catherine a trouvé un nouvel épanouissement dans sa vie au village d’enfants SOS. Ses nouvelles fonctions lui ont permis de conjuguer harmonieusement dimensions personnelle et professionnelle. l’aube de la quarantaine, Catherine connaît un tournant dans sa vie professionnelle. Elle souhaite quitter l’univers de la restauration où elle travaille pour se tourner vers un métier en contact avec des enfants. « Lorsque j’ai entendu parler de SOS Villages d’Enfants, postuler comme mère SOS a immédiatement été une évidence. Je m’investissais depuis plus de vingt ans dans une association humanitaire et je souhaitais donner une dimension plus humaine à ma vie professionnelle. Je réalisais alors un bilan de compétences et lorsque j’en ai parlé à mon conseiller, il m’a confirmé que ce métier était fait pour moi. Dans mon esprit, c’était très clair : c’était cela que je voulais faire et rien d’autre. » Après avoir suivi le processus de recrutement, Catherine a pris ses fonctions de mère SOS au mois de décembre dernier. « J’ai rencontré les enfants dont je m’occupe désormais lors d’un stage d’une semaine au village d’enfants SOS de Plaisir (78). La plus jeune a cinq ans et la plus âgée, treize. Le contact est passé très rapidement et nous avons très vite trouvé nos marques. Cela correspond totalement à ce à quoi je m’attendais. L’équipe éducative est très présente et la solidarité entre mères SOS réelle. Cela m’a été d’une grande aide durant les premières semaines. » L’éloignement de son domicile, situé en Vendée ? « Ce n’est pas un problème, sourit-elle. Dans la restauration, j’étais habituée à ne pas avoir de week-ends et à travailler avec des horaires décalés. Mon domicile est éloigné mais, finalement, ce n’est pas plus mal. Lorsque je rentre chez moi, cela me permet de souffler, de faire une vraie coupure… et de revenir avec le plein d’énergie ! » Catherine est heureuse alors de retrouver les enfants de la maison familiale qui – eux aussi – l’attendent avec impatience…
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Vivre la pauvreté : qu’en disent les enfants ? Comment les enfants perçoivent-ils les conséquences de la pauvreté dans leur vie quotidienne ? Focus sur les principaux enseignements, parfois à rebours des idées reçues, d’une enquête menée d’octobre 2010 à mai 2011 en régions Provence - Alpes - Côte d’Azur, Ile-de-France et Rhône-Alpes (1).
es enfants en situation de pauvreté se perçoivent « avant tout comme des enfants ». Tel est le sentiment général qui prédomine à la lecture des résultats de la vaste étude réalisée au cours de l’automne 2010 en régions Provence - Alpes - Côte d’Azur, Rhône-Alpes et Ile-de-France. En observant le rapport entretenu par les enfants avec leur famille, leur logement, leur scolarité, leurs loisirs et leurs pratiques alimentaires, il ressort que ces enfants « souriants, drôles, voire espiègles », comme le soulignent les enquêteurs, vivent comme les autres leur vie d’enfant avec leurs joies et leurs préoccupations propres.
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Une solidarité intra et interfamiliale Ces jeunes mettent spontanément en avant leur famille en évoquant des liens étroits et solidaires avec leurs parents et la fratrie. Mais aussi plus largement avec les oncles, tantes, cousins et cousines. « C’est très important d’avoir des frères et sœurs. J’y tiens comme si c’était moi-même », explique Assamala, 10 ans. « Des fois, je préfère la regarder
cuisiner plutôt que de jouer », explique Khalil, 13 ans, au sujet de sa mère. Cet univers enfantin relativement préservé, très explicite chez les jeunes, s’exprime toutefois de manière différente chez les plus grands, davantage conscients des contraintes de la pauvreté. La volonté de « mettre de côté les choses qui ne vont pas » pour se préserver est prégnante.
Les enfants en situation de pauvreté montrent d’importantes capacités d’adaptation aux difficultés rencontrées. Autre constat significatif qui témoigne de leur belle énergie : la place accordée au jeu. C’est avec le sourire qu’ils parlent de la complicité et du plaisir à partager des moments ludiques, que ce soit chez eux, au centre social, sur le terrain de jeu du quartier… Les enfants en situation de pauvreté montrent d’importantes capacités d’adaptation aux difficultés rencontrées par leur famille. Ils se socialisent en intégrant les codes
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culturels et les habitudes de consommation de leur environnement. Ces stratégies d’accommodement s’expriment également lorsque les ressources financières de la famille sont réduites et que les enfants renoncent à l’acquisition de certains biens. Cette situation, inscrite dans le temps, n’est pas considérée comme un manque par les enfants mais plutôt comme un état de fait. Des fragilités sous-jacentes Cette attitude positive des plus jeunes est toutefois tempérée par des moments de gravité. Sans que le sentiment de honte ne soit jamais évoqué, les conséquences des privations apparaissent en filigrane lorsque les enquêteurs insistent et que les parents ne sont pas présents pour entendre les réponses. Parmi les principaux sujets douloureux : la promiscuité dans les logements ou dans les centres d’hébergement. Yanis, 14 ans, aimerait « avoir une chambre seul parce que la chambre est trop petite à trois, on n’a pas d’espace, on est tout serré. Une chambre, c’est pas que pour dormir, c’est aussi pour se détendre ».
Autre point sensible : l’absence récurrente de vacances hors du domicile qui, à leurs yeux, les stigmatisent par rapport aux autres enfants. Olivier, 16 ans, observe par exemple que cela fait quatre ans qu’il passe ses congés chez lui : « Tout le monde part en vacances et ici il n’y a plus personne. C’est un peu lourd. J’aimerais bien faire comme tout le monde. Pourquoi moi je dois rester là ? ». Enfin, un sentiment récurrent de mal-être à l’école s’exprime chez certains adolescents au travers de l’évocation d’une certaine fatalité à se diriger vers des métiers moins valorisants socialement. « J’ai pas le choix », constate l’un d’eux qui travaille comme ferrailleur. Malgré toutes ces difficultés, l’étude rend compte du fait que les jeunes interrogés gardent tous l’espoir d’une vie « belle ». La plupart des enfants ont des rêves ambitieux, comme d’aller vivre aux États-Unis. Pourquoi ? Parce que c’est « le pays des rêves ». (1) Vivre la pauvreté : qu’en disent les enfants ?, étude conduite par le Dispositif régional d’observation sociale (Dros) de Provence - Alpes - Côte d’Azur, la Mission d’information sur la pauvreté et l’exclusion sociale (Mipes) en Ile-de-France et la Mission régionale d’information sur l’exclusion (MRIE) en Rhône-Alpes, novembre 2011.
3 questions à Vanessa Stettinger, sociologue, qui mène des recherches sur le vécu des enfants face à la pauvreté.
« Ils semblent vivre davantage dans le présent et être moins préoccupés de leur devenir » Les « enfants pauvres » font-ils régulièrement l’objet d’études ? C’est seulement à partir des années 1990 que certains chercheurs américains et anglo-saxons se sont intéressés à cette population avec un objectif principal : évaluer les effets à long terme de la pauvreté afin de mesurer son éventuelle reproduction dans les générations suivantes. La France, elle, va s’intéresser aux « enfants pauvres » surtout et démarre ses propres recherches – peu nombreuses – au début des années 2000. On voit que la question du devenir des enfants y est également centrale. Quelle est la valeur ajoutée de cette étude des trois observatoires régionaux de Provence - Alpes - Côte d’Azur, de Rhône-Alpes et d’Ile-de-France ? C’est une des premières études sur la perception qu’ont les enfants en situation de pauvreté de leurs conditions de vie. L’enquête apporte des témoignages sur le quotidien de ces enfants, sur leurs ressentis, leurs relations avec leurs copains et leur famille, et ce à différents âges. C’est une approche sociologique qui aborde l’« enfant pauvre » non plus seulement comme un être en devenir, inachevé et dépendant des adultes, mais aussi comme un acteur de sa vie actuelle. C’est primordial. Qu’en avez-vous retenu ? Selon cette enquête, les jeunes enfants ressentent la pauvreté différemment de leurs parents et des adultes en général. Ils semblent vivre davantage dans le présent et être moins préoccupés de leur devenir. Cette perception doit être acceptée et prise en compte par les adultes qui les entourent et les chercheurs qui s’intéressent à eux.
A C T U A L I T Éen bref... • COMMANDEZ L’AGENDA SOS VILLAGES D’ENFANTS 2012-2013 > Visibilité maximale, la semaine sur deux pages, tout au long de l’année scolaire (de septembre 2012 à septembre 2013). Joignez le solidaire et l’utile : son prix de 15 € (frais de port inclus) est intégralement reversé à l’association. Il sera disponible à partir de fin juillet 2012. Pour commander : envoyez un chèque de 15 € à l’ordre de SOS Villages d’Enfants – Opération Agenda, en mentionnant vos coordonnées postales à l’adresse suivante : SOS Villages d’Enfants – Opération Agenda, 6 cité Monthiers, 75009 Paris.
www.sosve.org rubrique Actualités
• « Musiques d’enfance » sur Radio Classique > À l’invitation d’Anny Duperey, de nombreuses personnalités évoquent un souvenir de leur enfance lié à un morceau de musique. Diffusion en mai et juin, puis de septembre à décembre. Pour écouter ces chroniques : www.sosve.org rubrique Actualités/ Musiques d’enfance • SOS Villages d’Enfants Mali* > Suite aux événements survenus au Mali, les 139 enfants et leurs 17 mères SOS et aides familiales du village SOS de Socoura, près de Mopti ont été évacués – de façon préventive – le dimanche 1er avril, vers les villages SOS de Sanankoroba et de Kita. Ces deux villages SOS fournissent aux enfants déplacés et à leurs mères SOS les conditions d’hébergement et de restauration adéquates tout en assurant aux enfants la continuité de leur scolarité.
À Mopti, les équipes de SOS Villages d’Enfants Mali poursuivent leur mission auprès des enfants, des jeunes et des familles du voisinage : école SOS, cantine, infirmerie. Les membres du personnel du village SOS restés sur place veillent sur les locaux et les équipements. * Au moment de l’impression du magazine.
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Zoom
S O S V I L L A G E S D ’ E N FA N T S E N C Ô T E - D ’ I V O I R E
Un retour à la tranquillité à Abobo-Gare Jean-Claude Angoulvant, administrateur de SOS Villages d’Enfants France, a visité le village d’enfants SOS d’Abobo-Gare en Côte-d’Ivoire, quelques mois après la crise politique qui avait nécessité l’évacuation des enfants. Il y a découvert un havre de paix, au cœur d’une société encore fragile. Récit. n février 2011, la région d’Abidjan se retrouve au cœur du conflit qui secoue alors la Côte-d’Ivoire. Afin d’assurer leur sécurité, les enfants et les mères SOS du village d’enfants SOS d’Abobo-Gare sont évacués vers l’est, au village SOS d’Aboisso. Tous ont pu revenir au mois d’août suivant. Dès le mois de juin, le jardin d’enfants, l’école et le centre de soins avaient de nouveau ouvert leurs portes aux familles des environs. Un an plus tard, Jean-Claude Angoulvant se trouve à Abidjan dans le cadre de son activité professionnelle. Il en profite pour contacter les responsables du village SOS d’AboboGare, dont il est parrain, afin de découvrir comment les enfants et le personnel ont surmonté cette période difficile. « Ma visite était improvisée, mais j’ai été reçu très chaleureusement », raconte Jean-Claude Angoulvant.
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Abobo-Gare fait figure de pôle de référence en termes de qualité environnementale, éducative, familiale et de sécurité. Des enfants épanouis et bien habillés Créé en 1971 dans un faubourg d’Abidjan, le village d’enfants SOS d’Abobo-Gare s’est peu à peu retrouvé au cœur d’un grand quartier populaire et déshérité, en raison de la forte croissance démographique et urbaine. Les besoins y sont considérables. « Les 3,5 hectares du village constituent un véritable havre de paix, poursuit Jean-Claude Angoulvant. C’est le village SOS le plus ancien d’Afrique, mais il est propre, moderne, bien entretenu. À noter que, sans doute à cause de ce qu’il représente pour les Ivoiriens, et bien qu’il ait été évacué,
• Les 3,5 hectares du village SOS sont un véritable havre de paix pour la centaine d’enfants accueillis. •
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• Jean-Claude Angoulvant, lors de sa visite au village SOS d’Abobo-Gare. •
Le village d’enfants SOS d’Abobo-Gare compte 10 maisons familiales et accueille une centaine d’enfants (voir le parcours d’Adeline p. 10 et 11). Il comprend également un jardin d’enfants SOS, une école primaire fréquentée par plus de 200 élèves et un centre médico-social SOS.
il n’a subi aucune incursion malveillante pendant le conflit alors que le quartier était pris dans la tourmente. Les enfants sont épanouis et bien habillés. Ils disposent chacun de leur moustiquaire traitée contre le paludisme, ce qui est très important dans cette région. Quant à l’école primaire, qui joue un rôle essentiel, c’est la plus belle de Côte-d’Ivoire, avec son parement intégral en petits carreaux de verre qui la met à l’abri des moisissures tropicales. » Passionné par l’Afrique et spécialiste des questions de protection sociale, Jean-Claude Angoulvant insiste sur le rôle d’un village SOS comme celui d’Abobo-Gare, qui – selon lui – va au-delà du secours durable apporté aux enfants en détresse. « Abobo-Gare remplit une mission d’assistance à ceux qui en ont besoin, apporte l’éducation et les soins médicaux, mais fait aussi figure de pôle de référence en termes de qualité environnementale, éducative, familiale et de sécurité, explique-t-il. Pour ses animateurs et responsables ivoiriens, l’enjeu est de contribuer à la construction d’une société civile forte et autonome. C’est un chantier de très longue haleine, reposant sur des initiatives et où l’on ne prêche que par l’exemple. »
Info
Entretien
Info partenaires
Fête le Mur : éduquer par le sport Fondée par Yannick Noah, l’association Fête le Mur (1) permet à des milliers de jeunes des quartiers défavorisés de pratiquer le tennis. Le but est de les aider à s’épanouir, mais aussi de leur transmettre des valeurs essentielles : goût de l’effort, respect des règles… Rencontre avec Séverine Thieffry, sa directrice. Pouvez-vous nous présenter l’association Fête le Mur ? Fête le Mur a été créée en 1996 par Yannick Noah, qui souhaitait transmettre sa passion du tennis mais surtout aider les jeunes des quartiers défavorisés à trouver leur place dans la société. Leurs parents ne peuvent généralement pas se permettre de payer d’inscription à un club sportif. Nous sommes aujourd’hui présents dans 26 zones urbaines sensibles dans toute la France et encadrons près de 3 000 jeunes qui pratiquent gratuitement le tennis chaque semaine. Quelles sont, pour vous, les vertus du tennis ? Il s’agit bien sûr de donner un peu de plaisir aux jeunes des zones urbaines sensibles, mais cela va plus loin. Nous sommes convaincus des vertus éducatives du sport. Connaître ses forces et ses faiblesses, acquérir le goût de l’effort, gérer ses émotions et ses frustrations, respecter les règles, faire preuve de patience et de ténacité : toutes ces notions sont essentielles pour réussir sa vie. Nous aidons ces enfants à grandir dans les valeurs citoyennes et le respect des autres. Notre approche est différente de celle des écoles de tennis. Nos jeunes veulent tout de suite faire des matches ! Il nous faut donc concilier l’aspect ludique, la compétition, la technique et la pédagogie, pour ne pas les décourager. Vos interventions dépassent-elles le cadre de la pratique du tennis ? Oui, nous avons aussi à cœur d’aller vers leurs parents et de les impliquer. Certaines de nos associations locales sont gérées par des familles du quartier. De plus, certaines équipes pédagogiques mettent en place des projets d’aide aux devoirs, forment les enfants aux gestes de premier secours… Comment assurez-vous le financement de vos actions ? Nous ne faisons pas appel à la générosité du public. Nous sommes soutenus par des partenaires de confiance : le ministère des Sports, la Fédération française de tennis, des fondations, des collectivités, des entreprises privées et des équipementiers qui travaillent de longue date avec Yannick Noah et nous fournissent le matériel. Notre principe a toujours été la gratuité pour les enfants, mais nous pensons maintenant qu’il est préférable de demander aux familles une contribution modeste : tous les jeunes vont désormais payer la licence annuelle FFT, d’un montant de 13 euros, car cela permet de promouvoir la notion d’engagement. (1) Fête le Mur est bénéficiaire avec SOS Villages d’Enfants des Boucles du Cœur en 2012 (cf. p. 12).
partenaires
Des cuisines pour les villages d’enfants SOS L’enseigne Cuisinella, engagée durablement aux côtés de SOS Villages d’Enfants, reverse à l’association 15 € pour tout achat d’une cuisine de la gamme STAR. Cette année, les fonds collectés permettront d’équiper et de rénover les cuisines du village SOS de Neuville (59). Cette belle opération s’inscrit dans un vaste programme de rénovation du village qui fêtera par ailleurs ses 50 ans en octobre. www.cuisinella.com •
1 pack acheté = 1 accès à l’hygiène De juillet à septembre 2012, Lotus reversera une partie des ventes de ses gammes mouchoir, essuie-tout et papier toilette à SOS Villages d’Enfants. Ce généreux don permettra de financer la construction d’infrastructures sanitaires pour améliorer les conditions d’hygiène et l’accès à l’eau potable des populations démunies du sud de Madagascar. www.lotus-planete.com •
Des repas au profit des jeunes des villages SOS Pendant tout le mois de février, les hôtels participants du groupe Marriott en Europe ont reversé 1 € à l’association SOS Villages d’Enfants par couvert servi au déjeuner et au dîner dans leurs restaurants. À cette occasion, un dessert élaboré par des enfants des villages SOS lors d’une journée passée avec un chef Marriott était également proposé à la carte des restaurants. Cette opération innovante a pour objectif de soutenir les programmes d’accompagnement des jeunes des villages SOS vers l’insertion et l’autonomie. www.marriott.fr •
Rénover pour se reconstruire Partenaire de SOS Villages d’Enfants depuis 2007, Satas – désormais Néopost – soutient cette année la rénovation du sous-sol d’une maison du village SOS de Plaisir (78). Cet aménagement permettra de créer une salle de jeux pour les enfants. www.neopost.fr • www.sosve.org rubrique Nous soutenir
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Enquête
L’argent de poche, un geste qui fait grandir ? Exceptionnel ou régulier, outil de récompense ou d’apprentissage, l’argent de poche revêt des usages divers dans les familles. Comment contribue-t-il pour les enfants et les jeunes à la découverte d’une certaine forme d’autonomie ? Enquête. n France, 40 % des parents donnent de l’argent de poche à leurs enfants. Un taux émoussé par la crise puisqu’ils étaient 51 % en 2006, puis 45 % en 2008 (1). Cet usage coutumier des pays d’Europe du Nord comme l’Allemagne, l’Autriche et le Luxembourg, où les enfants reçoivent très tôt de l’argent, serait moins ancré dans les pays du Sud où il est plutôt donné de manière exceptionnelle. Pour la psychologue Marie-Claude François-Laugier (2), « l’argent de poche n’est pas une obligation. Cela doit rester un don, un cadeau ».
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Un usage institué entre 11 et 13 ans Dans l’Hexagone, cet usage s’institue vers l’âge de 11 à 13 ans. « Avant l’âge de 9-10 ans, un enfant n’a pas la notion de l’argent », souligne en effet la psychologue. Une étude (3) révélait ainsi en 2009 que 44 % des enfants de 8-10 ans reçoivent de l’argent de poche plus ou moins régulièrement, 61 % d’entre eux entre 11 et 14 ans et plus de 66 % vers 17 ans. Avec l’âge, la régularité et le montant des dons augmentent : de 5 à 9 € par mois en moyenne pour les 8-10 ans, de 10 à 14 € pour les 11-14 ans, de 15 à 24 € pour les 15-17 ans et de 25 à 49 € pour les 18-19 ans.
Il arrive également que les parents complètent leur apport pour de menus travaux ou services. « Pour une bonne note à l’école, il vaut mieux aller choisir un cadeau avec son enfant, estime Marie-Claude François-Laugier. Sinon, il pourrait penser que tout est monnayable. En revanche, punir l’enfant en lui supprimant son argent de poche n’est pas une bonne idée, excepté dans les cas extrêmes de délinquance et de consommation de drogue. » Apprendre à gérer un budget Pour une majorité de parents, donner de l’argent de poche à son enfant, c’est avant tout lui apprendre à gérer un budget, pour d’autres un moyen de le récompenser. « Lorsque l’on donne de l’argent de poche à un enfant, si on lui explique que c’est pour son plaisir, cela lui permettra de différencier ses besoins de ses envies. C’est une notion fondamentale, explique la psychologue. Ce peut être aussi l’occasion de lui apprendre à différer ses envies en économisant. S’il ne dépense pas tout d’un seul coup, il aura un plaisir encore plus grand à s’offrir quelque chose de mieux. » Pour les plus grands, les revenus des petits boulots, réguliers ou saisonniers, viendront compléter leur argent
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L’enfant doit comprendre que l’argent ne tombe pas du ciel, qu’il est gagné par le travail de ses parents. de poche. « L’enfant doit comprendre que l’argent ne tombe pas du ciel, qu’il est gagné par le travail de ses parents, poursuit MarieClaude François-Laugier. C’est d’ailleurs ce qui l’incitera à faire des petits boulots, du babysitting, garder des chiens, des chats… » Près de la moitié des 1517 ans dispose par ailleurs d’un compte bancaire à leur nom pour y déposer leur argent (3). « Aux États-Unis, il existe des Money camps où les enfants immergés pendant quelques jours y apprennent l’essentiel de la finance, souligne MarieClaude François-Laugier. Sans aller jusque-là, il est important d’apprendre aux petits Français les rudiments de l’argent, ce qu’est
une banque, les bases de la gestion… » Mais attention toutefois, met en garde la psychologue : « L’argent doit circuler, servir à autrui dans l’échange et le partage. Il ne doit pas être là seulement pour se faire plaisir à soi. Sans compter qu’on peut aussi faire plaisir autrement qu’en achetant quelque chose, en faisant un dessin par exemple. L’argent n’est pas tout ».
(1) Sondage CSA pour le Crédit Agricole, 2010. (2) Marie-Claude François-Laugier est psychologue clinicienne et psychanalyste. Elle a exercé dans la banque et la finance. Elle est l’auteur, entre autres, de L’Argent dans le couple et la famille (2007) aux éditions Payot. (3) Étude TNS Sofres, Comportements bancaires des jeunes, 2009.
Apprendre à gérer son argent, un pas essentiel vers l’autonomie Chez SOS Villages d’Enfants, l’argent de poche donné à l’enfant est, encore plus qu’ailleurs, une pierre à l’édifice éducatif. ans les villages d’enfants SOS, l’argent de poche est une obligation légale. « La dotation départementale inclut, dans son prix à la journée, une somme pour l’argent de poche », explique Pierre Garnier, directeur du village d’enfants SOS de Digne-les-Bains. L’enfant reçoit ainsi de l’argent de poche dès qu’il sait compter, et parfois même en dernière année de maternelle. « À cet âge, c’est davantage un euro symbolique, comme pour s’acheter des bonbons… », évoque Pierre Garnier. L’enfant reçoit ensuite en moyenne 15 € par mois vers l’âge de 10 ans, entre 40 et 50 € au moment de la préadolescence, et des sommes plus importantes à partir de 16 ans. C’est à cet âge qu’il devra faire face à certaines dépenses courantes mais essentielles comme la brosse à dents, les vêtements…
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Apprendre à dépenser Progressivement, les jeunes apprennent à gérer l’argent qui leur est confié. « Ce sont des enfants qui, plus tard, seront lâchés dans la vie sans filet. Là où un enfant aura le soutien de ses parents, eux n’auront rien, explique
C’est facile d’apprendre à économiser, ce qui l’est moins, c’est d’apprendre à gérer ses dépenses ! Pierre Garnier. C’est important qu’ils fassent leurs propres expériences. Nous avions, par exemple, un jeune à qui on donnait de l’argent pour ses repas dans la semaine. Au début, il a tout dépensé et il ne lui restait plus de quoi avoir des repas équilibrés… Petit à petit, il a appris à mieux gérer
T É M O I G N Atémoignages GES Nicolas vit au village d’enfants SOS de Jarville depuis une dizaine d’années. Il a 17 ans et suit un CAP pour être sapeur-pompier. Depuis l’âge de 16 ans, il gère déjà un petit budget. « J’ai de l’argent de poche depuis l’âge de 7 ans. Lorsque j’étais petit, c’était ma mère SOS qui me donnait ce dont j’avais besoin, à la boulangerie par exemple. À 16 ans, on m’a proposé de gérer davantage mon budget, pour certaines dépenses de la vie quotidienne, ce que j’ai accepté ; je reçois une somme mensuelle : 60 € pour les vêtements, 15 € pour les dépenses d’hygiène et 30 € d’argent de poche. À moi de m’organiser. J’ai par exemple
son argent. » Au sein des villages d’enfants SOS, les enfants apprennent les bases théoriques de la gestion d’un budget. Reste la pratique. C’est un travail de longue haleine qui, selon le directeur, pourrait même commencer avant 16 ans. « J’ai connu un jeune qui avait très bien appris à faire des économies… Seulement, il ne savait pas dépenser. Et il a tout dilapidé en une seule fois !, se souvient Pierre Garnier. C’est facile d’apprendre à économiser, ce qui l’est moins, c’est d’apprendre à gérer ses dépenses ! C’est là où nous les aidons, chacun individuellement. »
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choisi de prendre un abonnement de téléphone portable à 20 €/mois, il me reste donc 10 € d’argent de poche. Ensuite, je fais attention, je prends soin de mes vêtements, pour économiser et m’offrir autre chose. Ce mois-ci, j’ai épargné mes 60 € pour pouvoir inviter ma copine au restaurant. C’est vrai aussi que ma mère SOS me fait parfois des cadeaux, des T-shirts par exemple… Je suis très bien comme ça, je ne manque de rien. Et j’apprends à gérer mon budget. Au début, bien sûr, j’ai fait des erreurs… comme tout “claquer” d’un coup. Mais c’est comme ça qu’on comprend. Au final, je pense que 16 ans, c’est un bon âge pour apprendre à gérer. »
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Parcours
• Adeline s’apprête à courir les 100 et 200 mètres aux prochains Jeux olympiques de Londres. •
Après avoir grandi au village d’enfants SOS d’Abobo-Gare, en Côte-d’Ivoire, Adeline est aujourd’hui une étoile du sprint et participera cet été, à 18 ans, aux Jeux olympiques de Londres.
Adeline ladivine 3 ans, Adeline est accueillie au village d’enfants SOS d’Abobo-Gare où elle grandit au sein d’une fratrie de dix enfants, sous la houlette bienveillante de Jacqueline, sa mère SOS. Quinze ans plus tard, elle s’apprête à disputer les 100 mètres et 200 mètres aux Jeux olympiques de Londres au sein de l’équipe nationale d’athlétisme de Côte-d’Ivoire. Une trajectoire tracée dès son plus jeune âge, lorsqu’Adeline disait
À
10 / Villages de joie / JUIN 2012 / N° 221 / www.sosve.org
vouloir devenir « coureur » et que sa mère SOS lui rétorquait que ce n’était pas un métier… Or la petite fille aimait courir et, faute de pouvoir fouler la cendrée, elle jouait au foot avec ses frères. L’entraîneur du club repère alors sa très grande rapidité et lui demande d’être attaquante, puis lui
suggère d’abandonner le foot pour se consacrer à l’athlétisme. « Je ne savais pas ce que c’était, explique Adeline. J’ai découvert à l’entraînement ce que voulait vraiment dire être “coureur”. Et cela m’a confirmée dans ma volonté de devenir professionnelle. » Dès 14 ans, au vu de ses performances,
J’ai découvert à l’entraînement ce que voulait dire être « coureur ». Cela m’a confirmée dans ma volonté de devenir professionnelle.
Adeline rejoint un club accessible aux plus de 16 ans et bat la meilleure du club. De compétitions en compétitions, de succès en succès, elle rejoint bientôt l’équipe nationale de Côte-d’Ivoire et participe aux championnats d’athlétisme juniors d’Afrique organisés au Togo, d’où elle revient avec une médaille d’or en relais. Un soutien précieux de ses proches Un parcours qui doit beaucoup au soutien de ses proches et de sa mère SOS. Jacqueline l’encourage et fait alors office de « coach à la maison », notamment en matière de régime alimentaire. Pour mieux réussir, Adeline doit ainsi renoncer à manger son plat préféré, le fufu, à base de banane et de manioc. Sa mère SOS la dissuade aussi d’abandonner lorsque le découragement la gagne, en particulier lorsque les enfants et les mères SOS du village d’Abobo-Gare partent se mettre en sécurité au village SOS d’Aboisso, lors des conflits dans la région d’Abidjan en 2011. Adeline se retrouve alors sans repères pour ses entraînements. Jacqueline l’incite à tenir bon : « C’est ce que tu as choisi. Moi je t’encourage ». Elle lui propose alors un endroit propice à l’entraînement, à l’écart des serpents qui lui font peur… Sa grande sœur, Dindji-Léonie, qui, admirative, surnomme sa cadette « Adeline ladivine », la soutient aussi beaucoup, la stimulant pour
son travail scolaire lorsqu’elle revient harassée de l’entraînement ou prenant le relais pour les tâches domestiques… Les Jeux olympiques à Londres Aujourd’hui, à 18 ans, la jeune fille a des échéances importantes puisqu’elle participe aux championnats d’athlétisme seniors d’Afrique en juin, aux championnats du monde juniors d’athlétisme de Barcelone en juillet et aux Jeux olympiques de Londres du 27 juillet au 12 août prochain. « Je serai aux Jeux olympiques de Londres, mais mon objectif personnel, ce sont les Jeux de 2016 au Brésil, souligne-t-elle. J’ai encore besoin d’années d’entraînement pour espérer remporter une médaille
dit-elle, renoncer à certains loisirs que j’aime, comme la télévision ou les jeux vidéo, pour tirer au mieux parti de mon temps. » Toujours parmi les premières de sa classe, douée pour les langues puisqu’elle a appris l’anglais, l’allemand, l’espagnol et l’italien par elle-même en lisant des livres ou en regardant la télévision, Adeline a ainsi réalisé un autre de ses rêves d’enfant : étudier l’anglais et le sport en Grande-Bretagne. Ses études sont sponsorisées par une bourse HSBC. Elle loge au campus et partage le quotidien avec cinq autres étudiantes de différentes nationalités (chinoise, coréenne…). Cette vie à plusieurs lui convient. « J’aime être en famille », sourit-elle. Adeline avait fait part de
J’ai dû faire des choix, des sacrifices, renoncer à certains loisirs que j’aime pour à la fois m’entraîner et poursuivre mes études. aux Jeux olympiques. » Adeline s’inspire de son modèle, Hussein Bolt (1). Elle s’attache en ce moment à améliorer son départ, un point crucial dans les courses de sprint. Désormais installée en GrandeBretagne, Adeline a dû s’habituer au climat et au froid, mais aussi aux horaires contraignants d’une vie partagée entre ses séances d’entraînement et ses études au Loughborough College, au centre de la Grande-Bretagne. « J’ai dû faire des choix, des sacrifices,
ses rêves à Kathie de SOS Villages d’Enfants Angleterre, rencontrée au village SOS d’Abobo-Gare. À son retour en Angleterre, Kathie a tout mis en œuvre pour que les rêves d’Adeline puissent se concrétiser. Elle est aujourd’hui la personne référente d’Adeline qu’elle considère comme sa fille.
(1) Athlète jamaïcain, spécialiste du sprint, triple champion olympique et détenteur de trois records du monde.
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