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L’HACHE DE RAISON

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HOROSCOPE

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immersion

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HACHE TENDRE & TÊTE DE BOIS

Marsannay-la-Côte est à la BFC ce qu’Orlando est à la Floride : la nouvelle terre promise de l’entertainment. On retrouve dans cette charmante ZI « la crème de la crème » des activités 2.0. Bienvenue dans un pays où Bowlings, Laser Games et autres Prison Escape (un fort Boyard sans le père Fouras) règnent en maître, et où le dernier arrivé en date est tout simplement un concept de lancer de haches. Mais pourquoi faire du lancer de haches ?

Par Frank Le Tank Photos : Thaï-Binh Phan-Van

Balancer une hache au milieu d’une cible, ça semble simple pour Jean Mineur dans les salles de ciné, mais en vrai, faut s’accrocher. Alors avant de taper dans le mille, et éructer un bruit d’une virilité maximale avec sa hache de type zombie, il faut taffer un minimum. Pas comme pour faire un marathon, je vous l’accorde, mais quand même. Avant d’en arriver là et comme le susurrait Marvin Gaye dans ses chansons ; ne brûlons pas les étapes et commençons par le commencement. Notre aventure démarre donc sur un parking, calé entre un surplus militaire, et un magasin de literie discount, vestige de l’ancien monde des boomers de zones commerciales. Laura, la tenancière et boss de la franchise dijonnaise de « l’Hachez-vous », est là pour nous accueillir. Nous sommes samedi en début d’après-midi et il n’y a pas encore foule. Cependant, elle ne semble pas préoccupée pour autant : « On a eu pas mal de monde cet été, jusqu’à l’installation du pass sanitaire. Ça reprend, mais ça reste un peu calme. Ce n’est pas facile de se faire une idée sur la fréquentation, c’est très fluctuant et puis les gens viennent souvent sans réserver ». D’autant plus que Laura n’a pas eu vraiment de chance niveau timing : « On est installé depuis 1 an et demi mais on a ouvert qu’en juin 2021 à cause des mesures sanitaires. Du coup, on a peaufiné le concept, j’ai beaucoup joué, je me suis entraînée ».

HACHE OF EMPIRE

Effectivement, l’endroit est plutôt bien fini et même si on ressent les stigmates d’un local commercial de cuisiniste, il y a eu un soin tout particulier apporté à l’ambiance. Dès l’entrée on ressent les effluves de bois qui se dégagent des cibles et les cinq cages alignées sont plutôt très imposantes. Une musique d’ambiance de type viking / Game of Thrones vient compléter le tableau. On navigue ici clairement entre bûcheron et viking, sans toutefois parvenir à s’arrêter sur une des deux. C’est un peu la hache dont vous êtes le héros ; ici tu as le choix des armes. Au fond de la pièce, on trouve un vestiaire avec des chemises de bûcheron à disposition pour ceux qui souhaitent s’immerger complètement dans le perso. Pas de casque viking néanmoins, Laura me confie : « Je suis en train de faire fabriquer des gros boucliers. J’aimerais aussi avoir des casques vikings mais ça coûte une blinde ». Enfin on trouve un bar, lieu de repère des lanceurs assoiffés où l’on ne sert

#Hachetag

que des softs. Car l’alcool ici est prohibé ; « En France, c’est très compliqué en termes de réglementation. On ne peut pas vendre de boissons alcoolisées dans ce type d’endroit, à part si on y adjoint de la petite restauration. J’adorerais avoir une tireuse, ça irait bien dans l’univers. Mais on comprend que l’on ne peut pas trop mélanger alcool et armes, si on ne veut pas que cela parte en cacahuète ». On voit bien ce que ça fait avec les chasseurs… Ça a donc du sens de ne pas mélanger les deux activités. Laura complète : « J’ai déjà eu un groupe en enterrement de vie de garçon beaucoup trop alcoolisé. On a arrêté au bout de deux minutes ; c’était beaucoup trop dangereux ».

PUBLIC «CIBLE»

Des jeunes garçons alcoolisés, ça serait ça le cœur de cible de « l’Hachez-vous » ? Pas forcément, « On a tous types de public ; des petits jeunes, des moins jeunes de 60 ans… On a aussi beaucoup de team building et bien sûr des enterrements de vie de garçon ou jeune fille ». Difficile donc de segmenter cette activité par typologie de public. Selon Laura, il s’agit davantage d’une « activité hors du commun, qui permet de se défouler ». Au fur et à mesure de notre entretien avec la tenancière, les gens affluent et c’est l’occasion de leur poser directement la question. Un groupe de quatre jeunes, un brin dégingandé, déboule dans le bouclard pour une partie. C’est un des jeunes loups, déjà familier avec le spot qui a amené sa meute attirée par l’odeur du sang et des copeaux de bois : « J’avais déjà essayé tout seul et ça m’avait bien plu. J’ai proposé à mes copains et ils avaient bien envie de tester. On est tous fans de jeux vidéo, on aime bien cette ambiance ». Effectivement la hache zombie a l’air de bien leur faire de l’œil, mais la vie est parfois plus dure qu’un jeu vidéo. La meute a un mal de chien à planter ses haches dans les panneaux de bois. Heureusement que Laura est là pour les recadrer, car on n’est pas loin de la blessure indienne : un tomahawk planté dans le scalp. Un peu plus loin, on rencontre une famille bien sous tous rapports qui nous confie : « La première motivation, c’est d’essayer un truc nouveau. On en a entendu parler sur les réseaux et sur France 3, on aime bien les activités originales alors on est venu voir ». Sortir du quotidien avec une activité atypique, voilà la première motivation chez nos lanceurs de haches. Le côté exutoire, quant à lui, n’arrive que dans un deuxième temps. Jeanne, une autre néolanceuse, qui est venue en couple confie ses craintes avant son premier lancer : « Je pense que j’aurais mal au bras au bout d’une heure ! ». La hache c’est avant tout un moyen de passer du temps avec ses amis, et de retrouver des sensations d’avant Covid. Même si cette activité existait bien avant…

GOLDEN AXE

Par bien avant, je ne parle pas forcément de vikings, apaches ou autres barbares qui balancent de la hache à gogo depuis Mathusalem, mais bien la pratique du lancer de hache dit « civilisé » qui fait son apparition au fond d’un jardin en 2006 au Canada. C’est d’ailleurs làbas que Laura a découvert cette activité avec des amis. Conquise par l’univers de Tomahawk (une des entreprises leaders dans le domaine), elle se décide donc de ramener le concept à Dijon, territoire vierge de tout lancer de hache. Elle contacte alors « l’Hachez-vous » à Lyon qui existe depuis 3 ou 4 ans et qui étend ses activités à Nantes, Aubagne… Pour Laura, la franchise, c’est un bon moyen de lancer son business sans se tromper et éviter les lourdeurs administratives inhérentes à cette pratique hors-norme : « L’avantage de la franchise c’est d’être accompagnée et puis il y a une réglementation assez stricte derrière qui est un peu difficile à maîtriser seule ». D’autant plus que cette dernière, après des années dans la restauration puis dans le commerce du vin, n’avait pas forcément le profil pour devenir bûcheronne. Parce que oui, s’il y a une vraie bûcheronne dans l’établissement, c’est bien elle : « Je dévisse et je change les planches de bois après chaque partie. J’ai une caisse avec mon stock de planches et je les change moi-même ».

HACHE HIPPÉ HACHE OPÉ

ON A PEAUFINÉ C’est bien beau tout ça,

LE CONCEPT, mais comment on joue ? En vérité, le lancer de haches s’apparente grandement J’AI BEAUCOUP JOUÉ, au lancer de fléchettes. Pour cinquante euros de JE ME SUIS ENTRAÎNÉ l’heure vous bénéficiez d’une zone de tir pour une équipe de trois, une location semblable à une table de billard ou un terrain de soccer five en somme. Si vous venez à quatre par contre, il faudra débourser cent euros, ce qui commence à faire pas mal pour un français moyen en quête de pouvoir d’achat… Les concurrents peuvent lancer de façon aléatoire, faire une sorte de 301, un mode positif/négatif, ou carrément un morpion pour accroître leur précision. Laura a même adapté un morpion pour la Saint-Valentin avec un petit cœur afin « d’enterrer la hache de guerre ». C’est mignon, un tantinet cheesy, en espérant que l’ambiance ne se transforme pas en guerre des roses… Cependant avant d’arriver à faire un morpion, il est vrai qu’il faut quand même s’entraîner un peu. Pas sûr que vous puissiez taper le high score de la salle (60 points en 10 lancers) dès votre première heure de pratique.

Parce que contrairement à ce que vous pensez, le lancer de hache n’est pas une affaire de force. Laura, nous le confirme : « Il y a différents types de haches mais en règle générale plus tu vas la jeter doucement et précisément plus elle va se planter. Si tu la lances trop fort, elle va rebondir et être potentiellement dangereuse ». Parlons-en justement des types de haches, trois déclinaisons s’offrent à nous : la « Viking » (ou Tomahawk), la « Bûcheron », la « Zombie » avec chacune leurs propriétés : la «Viking» a un long manche en bois, et un fer lourd. Elle pèse 700 grammes. C’est la plus grande du panel, la plus précise et la plus agréable à manœuvrer. La « Bûcheron » est quant à elle plus petite, plus lourde avec une lame plus fine, c’est un modèle que l’on pourrait qualifier tout simplement de bourrin. La « Zombie » est là pour le « plaisir et le bruit », en effet, comme elle est toute en métal, la hache émet un son lorsqu’elle se plante comme l’effet d’un diapason. C’est assez jouissif, il faut le dire mais les deux dernières citées se prêtent finalement peu au jeu d’adresse. J’en profite pour demander à Laura si on peut amener sa propre hache. Elle me répond par l’affirmative, avec tout de même l’expérience malheureuse d’un client « qui est venu avec

une hache qui était impossible à lancer, beaucoup trop lourde. Il est revenu avec une deuxième, et ça a déglingué ma planche en un coup ». Pas la meilleure des opérations donc, il vaut mieux s’en remettre au matériel sur site.

I AM DANGEROUS

CONTRAIREMENT À Le lancer de hache est-il un sport qui comporte des risques ? J’ai envie de vous CE QUE VOUS PENSEZ, répondre les sports : oui comme tous ! Et ce n’est pas LE LANCER DE HACHE Laura qui me contredira là-dessus : « Les lames ne

N’EST PAS UNE sont pas émoussées. Il faut qu’elles se plantent donc oui, cela peut présenter un AFFAIRE DE FORCE risque. J’ai eu une dame qui a tapé sur le tasseau en transversal, et elle s’est blessée au niveau de la main. Il peut y avoir des blessures, c’est rare, mais ça peut arriver ». Effectivement la blessure peut être tout de suite plus imposante que lors d’un jeu de fléchettes qui tourne mal mais selon Laura encore : « Si tu n’écoutes pas bien les consignes et que tu n’en fais qu’à ta tête, tu peux te faire mal ». C’est pour ça qu’un briefing de début de séance est là pour désamorcer tous les mauvais gestes éventuels ; c’est-à-dire en premier lieu d’éviter de lancer comme un énorme bourrin ! Pas de protection particulières à enfiler, ce qui paraît dingue quand

Coeur avec les doigts. on joue avec des haches... Mais juste être un peu précautionneux par rapport aux armes que l’on manipule… Pour ma part après une dizaine de lancers, j’ai chopé le coup de main : on calibre sa distance, on vise et surtout on effectue un léger coup sec au niveau du poignet au moment du lancer. Une fois de plus pas besoin d’une démonstration de force. Le groupe d’amis qui s’entraîne à côté de moi n’a pas forcément compris l’info et les haches rebondissent allègrement dans tous les sens. Heureusement que les zones de tirs sont bien séparées par des grillages façon poulailler…

L’HACHE PAS L’AFFAIRE FRÉROT

Une fois que l’on est chaud et qu’on a éclaté tous ses copains, que reste-t-il de nos amours barbares ? Eh bien il reste la compétition internationale pardi ! Il y a depuis quelques années une fédération internationale de lancer de hache. Les Américains et les Canadiens y règnent en maîtres, mais les Allemands, les Russes et les Scandinaves y tiennent également le haut du pavé. Laura nous confie qu’elle a imprimé le formulaire d’inscription au championnat du monde et qu’elle aimerait bien s’y inscrire. Cette année, c’est en Allemagne et la compétition est mixte. C’est donc le moment parfait pour détrôner les Américains qui possèdent une mainmise totale sur la discipline en pleine expansion. Pour notre part, on n’ira pas jusque-là, on a passé un moment agréable sans forcément être galvanisé. L’aspect fléchette est sympa mais, pour être tout à fait franc, il nous a manqué le côté défouloir dans tout ça. J’en profite alors pour parler d’une activité concurrente avec Laura, celle des Fury Rooms ; ces salles où l’on peut casser tout le mobilier pour se détendre. Ça fait déjà un carton aux USA et cela arrive doucement en France : « J’y ai pensé lorsque j’ai lancé mon activité mais c’est très compliqué au niveau de l’organisation et faut aller à la déchetterie tout le temps. En plus, niveau écologie, c’est aussi très discutable ». Dommage, on espère tout de même que notre nouvelle aire de jeu de Marsannay aura de quoi nous offrir ça d’ici peu, qu’on pète tout !

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