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EL DIABLO
by Sparse
LES PORTES DU DIAB
À Dijon et ses alentours, tout le monde connaît les légendes qui entourent la fameuse “Porte du Diable”. Le nom fait frissonner mais sur Google Maps le lieu est référencé comme étant une “attraction touristique”. Cette petite virée en forêt, non loin de Daix, est même notée 3,9 sur 5 étoiles. On est allées se faire flipper un peu entre souterrains, secte et Dame Blanche.
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Par Ophélie Morel et Myriam Bouayed Photos : Mathilde Leconte
Mur porteur.
N’étant pas contre une petite randonnée entre amies, nous nous sommes armées de nos plus belles lampes torches et de notre courage pour mener l’enquête à la Porte du Diable, située à 20 minutes à l’ouest de Dijon. Le but de la manœuvre : entrer en connexion avec le paranormal dans le plus grand calme ! Pour être sûres de ne rien louper sur place, on a téléchargé deux applications faisant office de spirit box, un boîtier censé nous permettre de communiquer avec des entités, EM Record et Ghost Hunting (choisi à 100 % pour son nom). Il est 22h30, un léger vent frais souffle dans la forêt, il fait nuit et malheureusement aucun éclairage urbain ne nous aide à y voir plus clair. Rappelons que la lune guide à la fois les morts et les vivants (c’est rassurant). La veille de notre arrivée, il a plu, la terre est humide, ou plutôt gorgée d’eau, et l’état de nos croquenots en témoigne aujourd’hui. Lampe torche tournée vers la Porte du Diable, inutile de vous dire que nous n’avons pas du tout envie d’amener notre faisceau lumineux dans une autre direction (oui, vous le savez, dans les films d’horreur quand on éclaire un endroit en pleine nuit, à coup sûr on peut voir apparaître un visage effrayant ou de gros yeux rouges). La chasse aux fantômes peut enfin commencer.
LE DÉCOR EST PLANTÉ !
La Porte du Diable est un vivier d’histoires frissonnantes. En effet, l’objet en lui-même est déjà insolite : une grande façade faite de pierres blanches de Bourgogne, ornée de moulures et dans laquelle se dessinent deux chambranles sans porte. Même le lieu est idéal ! Isolé, en lisière de forêt, le long d’une route de campagne, avec un petit château qui surplombe le tout, et pour seule lumière… celle de la pleine lune. Selon le théorème de la première dizaine de minutes de tout bon film d’horreur, tout est réuni pour : tomber en panne (sans réseau), se rendre compte au bout de X minutes que - insérer le nom d’un.e ami.e - a disparu, faire deux groupes de deux et commencer à fureter dans la forêt. En tout cas, le décor est planté ! Au détour d’une conversation entre amis, il n’est pas rare d’entendre quelqu’un parler d’une aventure à la Porte du Diable. Des bruits étranges, des cris, ou bien juste une sensation d’inconfort, l’endroit n’a pas l’air accueillant. Et cela, que l’on croit ou non en toutes les légendes obscures qu’on peut notamment lire sur le vaste internet. C’est d’ailleurs ce qu’on a ressenti en étant sur les lieux : apparitions paranormales ou pas, l’endroit n’est franchement pas le spot idéal pour siroter un Mojito ou un London Mule.
Les on-dit racontent qu’il est possible d’y croiser la Dame Blanche, un chien noir enflammé et même le Diable en personne. Ça donne envie. Plus fort encore que Casper, il paraît que le moteur des voitures s’arrête lorsque l’on passe devant cette porte maléfique (CF le début d’un film d’horreur).
De notre côté, la nuit est déjà bien avancée quand on arrive devant cette porte et pour tout vous dire, la voiture ne s’est pas arrêtée : couper le contact semble être le plus efficace pour stopper le moteur. Mais c’est quand même flippant ! Un silence plombe quelque peu le mood euphorique dans lequel on se trouvait juste avant d’arriver. On continue quand même à rire un peu et à faire semblant d’être sereines. « Fake it until you make it ». Le vent qui s’engouffre dans les arbres de la forêt d’en face fait craquer les troncs des feuillus : « on n’aime pas trop beaucoup ça ».
Plan Tinder en approche.
« PAS DE DÉMON À L’HORIZON »
Il paraît que durant les années 80 - avènement de la Nintendo Nes et sortie de Thriller, l’album le plus vendu de tous les temps - c’était la folie dans le coin. Les habitations des environs auraient même subi des dégradations. Jean-Yves Legate, moniteur d’équitation à l’écurie Legate, située à 200 m du lieu hanté à vol d’oiseau, raconte que « les gens venaient surtout pour
Chambre avec vue.
se faire peur ». D’après le cavalier, cela semble plus calme depuis quelques années et Nkdk, utilisateur de Google Maps, confirme qu’il n’y a « pas de démon à l’horizon ! ». Pourtant, cet internaute note son expérience cinq étoiles : un gage de qualité. On lui ferait presque confiance s’il s’agissait d’un bistrot.
En revanche, sur des forums en ligne obscurs, il est possible de se délecter de quelques expériences qui pourraient émoustiller les adeptes d’aventures mystiques. Sur minuit.forum-actif.net, on peut lire le slogan suivant : « Ici, le paranormal n’a jamais été aussi normal ». Nous en voulons pour preuve le témoignage de Souléou, retraité. En 2012, il affirme que lors d’une virée entre amis, sa voiture s’est mise à « avoir des secousses » avant de s’arrêter brusquement devant les portes. « Quand soudain, une légère brume apparut et un léger froid se fit sentir ». Il ajoute : « quand tout à coup une apparition de chien se fit à quelques mètres de nous ». S’en suivra, non pas la disparition de la brume mais une deuxième apparition ! Celle « d’une femme en blanc ». À peine eut-il le temps de jeter un œil à ses amis, que « l’apparition avait disparu !!! ». Une fois ces événements - d’une soudaineté visiblement rare - passés, la voiture se remit en marche et tout le petit groupe put rentrer sain et sauf.
22h40 : Nos yeux se portent tout en haut de la porte. On peut y voir un petit diable (d’où son nom), mais selon l’histoire il s’agit d’un bonnet phrygien, abîmé par l’usure du temps et certainement quelques vandales. La porte a vraisemblablement été construite au XIXe siècle avec des pierres de l’Hôtel Bernardon à Dijon. Elle aurait été commanditée par Monsieur Hias Bonnet né à Dijon en 1804, ancien propriétaire de la ferme de Champmoron située en amont de ladite porte. D’ailleurs, il semblerait que sieur Bonnet ait été enterré en aval de sa propriété à quelques mètres de la porte : son tombeau est encore visible. On y aurait aperçu des feux follets (un phénomène souvent observé dans les cimetières ou les marécages) ce qui a peut-être ajouté à la mystification du lieu. Si on suit le chemin qui succède à la porte, on arrive devant l’entrée d’un petit passage exigu, qui mène directement dans les caves de la ferme. Aujourd’hui ce souterrain a été comblé.
on a telecharge deux applications faisant office de spirit box, un boitier cense permettre de communiquer avec des entites
22h45 : On essaye de choper des fantômes avec l’application qui a un nom pas drôle, mais il ne se passe rien alors on passe sur Ghost Hunting, pour aller à la chasse aux entités de manière badass : mais toujours rien. Notez quand même que nous allons de déception en déception. En réalité, il y a bien quelques bips mais vu qu’on n’y connait rien, on ne sait pas trop ce que ça veut dire. L’application n’est pas difficile à utiliser (on se justifie parce qu’on voit venir) : le téléphone filme en continu et s’il détecte une variation de son ou de chaleur, c’est qu’il faut se tailler vite fait. 22h46 : L’une de nous est maudite. En chassant du ghost, elle est passée par la porte qu’elle avait déjà empruntée juste avant. Et ça, selon la légende, ce n’est pas bon du tout ! À l’époque de Gym Tonic et des K-Way colorés, la « Porte du Diable » était aussi un point de deal, une deuxième interrogation nous trotte alors dans la tête. Le chien noir entouré de flammes : hallucination ou réalité ? En lisant le commentaire de Zonedanjer sur jeuxvideo.com - forum de référence sur la toile - on se dit qu’on a enfin trouvé quelque chose de surnaturel : « des collègues de boulot y sont allés et ont vu des personnes habillées comme au Moyen Âge, ils ont même pensé que la porte pouvait les faire voyager dans le temps ». Hélas ce n’est que déception en continuant la lecture de ce commentaire, il ajoute : « mais ils se sont rendus compte qu’ils avaient trop bu ce soir-là ». Promis, nous étions sobres, nous ! « COMME LE KLU KLUX KLAN »
Le plus probable, est qu’ils aient aperçu les membres de la secte « Amour et Miséricorde » (oui, le nom laisse perplexe). À la tête de cette secte : Eliane Deschamps, 67 ans. Selon France 3 Bourgogne, elle aurait attiré une vingtaine d’adeptes dans ses filets. Elle affirme avoir vu la Vierge Marie tous les 15 du mois à 00h06 précisément aux abords de cette fameuse porte. Nous avons du mal à y croire mais Jean-Yves Legate, lui, est formel : « Il y avait pas mal de On eclaire timidement monde, entre 10 et 20 personnes avec des draps blancs et des l entree avec une petite cagoules, comme le Klu Klux Klan ». Le moniteur ne s’est lampe torche. Ouais, on jamais arrêté pour voir ce qu’il se passait de plus près, et en augmente d un cran sur même temps on le comprend. Il affirme qu’il n’a pas revu l echelle de la flippe. le petit groupe depuis un bon moment. Et pour cause ! Eliane Deschamps a été condamnée en novembre dernier à deux ans de prison avec sursis pour « abus de faiblesse dans le cadre de dérives sectaires » et à verser « 62 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice subi pour sept des plaignants ». À noter que sa propre fille a été partie civile durant ce procès, elle aussi victime de l’emprise de la gourelle durant de nombreuses années. UNE PETITE VIRÉE ENTRE AMIES 22h50 : On redescend vers le bord de la route pour rejoindre l’endroit où se trouve le tombeau de Monsieur Hias Bonnet. En réalité on ne voit pas grand-chose : quelques pierres entassées les unes sur les autres, et un butternut en décomposition. On ne sait pas si c’est vraiment un signe. Nous trouvons aussi une sandale blanche par terre. Peut-être appartient-elle à la Dame Blanche… ou à Eliane Deschamps ?
22h51 : Update dans la série Qui est maudite ce soir ? Deux sur trois en même pas 30 minutes, ça c’est pro. RAS du côté du tombeau. On décide alors de se rendre un peu plus haut dans la forêt pour visiter un souterrain : il paraît que celui-ci mène directement dans les caves du château.
23h00 : On est devant la grotte (enfin c’est juste un souterrain) et bim dans le mille, on entend des chiens aboyer. Je vous laisse imaginer ce à quoi on pense à ce moment-là. On tergiverse. On éclaire timidement l’entrée avec une petite lampe torche. Ouais, on augmente d’un cran sur l’échelle de la flippe. On entre, on entend des petits bruits. Il y a quelques insectes, on croit voir une seringue et une couverture, les chiens jappent encore. On ressort en vitesse et on prend un point de flippe en bonus. On reprend nos esprits et on essaie de s’encourager avec des « Allez, on y va ! », « De toutes façons les fantômes ils ne peuvent rien nous faire ! ». On retente notre chance. Pour la régalade, voici un petit passage de notre conversation à ce moment précis :
- Trouillouse : « ça glisse la vache ! » - Flipette : « t’inquiète je te tiens, je te tiens » - Trouillouse : « tu mens » - Flipette : « je te tiens toujours » - Trouillouse : « TU MENS » - Pétocharde : « oui, elle ment » - Trouillouse : « me laissez pas y aller seule ! »
Finalement, nous irons jusqu’au fond du passage qui a été comblé. Pas de ghost à l’horizon. Juste des gouttes de condensation qui font « clic clic » sur le sol et quelques araignées qui font un petit peu peur quand même. Pas glorieux en effet, et ce n’est pas demain la veille qu’on partira faire de l’urbex. On a level up dans le jeu « j’ai la trouille » mais on ne lâche pas notre objectif : détecter une apparition avec notre super application.
« Wouaf ! Wouaf ! » : Tiens donc ! Alors que les aboiements étaient de plus en plus proches, on aperçoit la truffe de deux Beagles - on ne fait pas partie de la Société Centrale Canine mais on pense reconnaître la race - à travers les ornements du rempart tout en haut. « Quelqu’un approche » chuchote l’une d’entre nous. Sans doute la propriétaire des deux cabots. Et là on entend quelque chose dégringoler à quelques mètres, au-dessus de nous. On se barre en vitesse, mais pas trop quand même, on ne veut pas se faire remarquer. On fait bien attention à partir par le bon côté de la porte cette fois, et on retourne à la voiture, on trace... phénomènes étranges. Même l’application, qui semblait être une réelle garantie, n’a rien détecté de fantomatique. Quelques bips, quelques variations d’images mais pas de quoi hanter notre esprit durant des mois : en bref, rien de bien concret. En fait, c’est seulement une forêt pas très accueillante, de nuit. Si tu ajoutes les legendes urbaines... C’est quand même efficace pour te faire peur.