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NOS PARIS POUR LES PROCHAINES RÉGIONALES
by Sparse
Le gros prono des élections régionales
Les élections régionales ont lieu les 20 et 27 juin. Qui pour succéder à Marie-Guite Dufay (PS), à la tête de la Bourgogne-Franche-Comté depuis 2015 ? On tente les pronos.
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Par Martial Ratel, avec Florentine Colliat Illustrations : Loïc Brunot La région Bourgogne-Franche-Comté, c’est plus de 2,8 millions d’habitants et un budget de 1,9 milliard d’euros. Une réalité plus administrative que tangible (sauf bien entendu pour les land runners de chez Sparse) mais derrière l’administratif flou, il y a de la politique. Pour connaître les forces en présences et leurs différences, on a demandé l’expertise de Benoit Montaggioni, journaliste politique au Journal de Saône-et-Loire. Il colle aux basques des politiques locaux toute l’année, se fait engueuler par Sarkozy en goguette à Chalon-sur-Saône quand il ne lui donne pas du « Monsieur le président » en début d’interview, voit ses tweets blagueurs repris par Jean Castex et en plus il met des jeux de mots dans ses titres. Bref, l’homme idéal pour nous guider.
L’enjeu immédiat, c’est le score du Rassemblement National. Guidé par Julien Odoul, les ex-frontistes espèrent remporter la région. Dans un coup de billard multibandes le coup est jouable. Une alliance des gauches pourra-t-elle empêcher cela ? Un rapprochement avec RN et la droite classique est-elle possible ? Pour mémoire, la région Bourgogne a déjà subi l’influence néfaste de l’extrême droite parfois en sous main ou de façon spectaculaire comme en 1998 quand Jean-Pierre Soisson (UDF) avait été scellé un accord électoral avec le FN, portant le bonhomme à la présidence de la région. Les règles électorales ayant été modifiées, l’histoire ne va pas se répéter à l’identique mais… Au-delà de cet enjeu RN, le reste en découlera pendant 5 ans sur la région : des subventions avec beaucoup de zéros, des aides aux entreprises, les TER, l’enseignement secondaire, la formation professionnelle ou encore l’environnement.
1 - Le Temps des Cerises : liste conduite par l’élu de Belfort Bastien Faudot. Liste soutenue par GRS, LFI, GDS, Ensemble, Nouvelle Donne et Place Publique.
« Ça fait rigoler un peu tout le monde la cerise, la vieille chanson de la Commune de Paris, c’est un symbole de l’époque où ‘la gauche’ voulait encore dire quelque chose. C’est la gauche à l’ancienne, eux appellent ça la gauche sincère. La plupart étaient au PS et sont partis parce qu’ils trouvaient que le PS n’était pas assez à gauche. Ils veulent faire du ‘back to the roots’. Politiquement, ils ont beau s’allier à plusieurs, ils sont tous un peu sur le même terrain. Il n’y a pas de vrai parti écologiste chez eux même si comme tout le monde, ils parlent de transition écologique. Sont-ils vraiment en rupture avec la liste PS ? Cherchent-ils une meilleure place pour être élus ? Laurence Fluttaz était vice-présidente à la Culture et là elle est tout en bas de la liste des Cerises donc elle ne cherche pas à avoir une place. Je pense qu’on peut leur accorder le bénéfice du doute. Ce sont des gens qui ont mangé leurs chapeaux pendant 5 ans dans la majorité de Marie-Guite Dufay, ils se sont étranglés quand en 2017 au premier tour, elle a dit « Moi mon candidat c’est pas Hamon, c’est Macron ». Ils ont très peur qu’elle s’allie à La République En Marche. Ils ont fermé leurs gueules la plupart du temps parce que la majorité avait une toute petite avance, il ne fallait pas que ça explose. Ils peuvent encore s’allier avec Dufay, ils laissent encore des portes ouvertes. Mais si jamais au second tour, Marie-Guite Dufay a besoin de s’allier avec LREM, ça sera l’un ou l’autre. Soit elle s’allie avec les écolos et Le Temps des cerises, même si ce n’est pas forcément automatique, soit avec LREM, mais pas les deux. »
LE PRONO : Comme les pauvres communards, le seul horizon de leurs propositions politiques, c’est la défaite. Même si l’histoire retient quoi ? Louise Michel, Courbet et toute une liste de revendications sociales qui pour la plupart nous semblent évidentes aujourd’hui. On se souvient aussi de la trahison des communards par une gauche molle et le fameux retour de « l’ordre moral ». Finalement, ça ne semble plus si loin que ça 1871. Au mieux, ce sera dans les 10 % et ils n’iront pas au bagne comme les communards condamnés aux travaux forcés ou à la déportation.
« Il y a une vraie possibilité que le RN remporte la BFC. Julien Odoul est un très bon candidat pour le RN même s’il a des rapports très complexes avec Marine Le Pen qui a essayé de le faire sauter. Il s’est fait connaître avec des coups d’éclats dégueulasses quand il se fait sa pub en humiliant une mère de famille voilée venue dans le public du Conseil Régional avec son gamin. Marine Le Pen n’a pas aimé. Il prend trop de lumière et avance des thèmes qui ne sont pas encore validés par le parti. Sur le fond, sur cette polémique de la maman voilée, je ne suis pas certain que ça dérange fondamentalement le RN. Après, c’est venu d’une manière pas forcément très classe, il a un peu tiré la couverture. Il sait bien parler, c’est un politique malin, c’est un mec qui passe bien et il a réussi à se faire connaître en BFC. Sur une alliance Les Républicains-RN ? Odoul et Platret se détestent. Et ils se détestent d’autant plus que les deux sont en train de se bousculer et jouer des coudes sur le même couloir. C’est : « - Pousse toi, moi j’aime pas les éoliennes, - Moi non plus », « - Moi je suis pour la laïcité - Moi aussi », « - Je veux que le sujet principal de la campagne soit la sécurité. - Moi aussi ». Clairement ils chassent le même gibier. Une alliance avec Les Républicains lors d’un troisième tour dans l’hémicycle pour constituer une majorité ? Platret pousse à droite jusqu’au bout de la droite républicaine. J’ai tendance à penser qu’il n’osera jamais franchir le petit pas qui le sépare du RN. Parfois il y a pas grand chose, 10 cm, mais j’ai l’impression que dans ses références historiques, philosophiques, il y a quand même encore une barrière mentale. S’il devait la détruire ça serait un grand choc. »
LE PRONO : Si seuls les électeurs RN se mobilisent, la liste d’extrême droite arrivera largement en tête. Ils plafonneront à 35 % (ce qui fait que mécaniquement 65 % sont contre leurs propositions fascisantes). La grosse cote, c’est ce qu’on souhaite, c’est que les embrouilles internes et les détestations viscérales les fassent chuter à la 3ème place au soir du premier tour. Mais un jour, il va peut-être falloir s’attaquer aux raisons qui poussent ces électeurs à voter facho. Donc on mise contre la tendance : au premier tour, le RN placé mais non gagnant.
3 - Écologistes et Solidaires. Les Verts, avec Stéphanie Modde.
« Ils ont réussi à réunir une liste 100% AOC Verts, y’a même les écologistes indépendants qui sont avec eux. Ils veulent jouer un rapport de force avec MarieGuite Dufay. Je pense que c’est un peu la grenouille qui se voit plus grosse que le bœuf. Ils espèrent être devant elle, ce qui sera sans doute compliqué. Ils veulent s’allier à Marie-Guite Dufay au second tour, mais on voit que dans la campagne, ils ne peuvent pas s’empêcher de se tirer dans les pattes. Il y a Dufay qui tend des perches depuis 6 mois dans tous les sens. Je pense qu’ils vont réussir à se mettre d’accord, qu’ils vont insérer des élus verts au second tour. Pour les écolos, rouler avec LREM ça me paraît compliqué. Ça serait le sacrifice ultime. »
LE PRONO : Là, c’est très chaud. Difficile de savoir où les Verts arriveront. Leur campagne est très calme pour ne pas dire silencieuse. Loin, très loin de récolter les fruits de bons résultats nationaux nos Verts BFC sont comme souvent appellés à faire le nombre quand on parlera fusion. On peut envisager un 15 % dans le meilleur des cas, au-dessus on parlerait de victoire (symbolique) et d’implantation dans la région.
4. La région partout et pour tous. La République En Marche, liste menée par Denis Thuriot.
« En fait, l’éternel problème de LREM, c’est qu’on ne sait pas où ils sont. Il y a des régions où ils sont plus proches des Républicains, là ils sont sans doute plus proches de Marie-Guite Dufay que de Platret. Pour l’instant ils n’arrivent pas à faire émerger de grosses identités politiques à part d’être celle des candidats de Macron. On sait que sur nos territoires, ce n’est pas dit qu’il y ait un vivier d’élus et de militants très forts. Ce sont des listes où on ne connaît que quelques noms, on connaît la tête de liste mais globalement c’est un peu comme le personnage dans Matrix qui a toujours la même tête, l’agent Smith. Ils n’y vont pas pour gagner, ils y vont pour exister, pour avoir quelques élus. Depuis 2017, LREM dit que son but, c’est de s’implanter sur les territoires. Ils avancent très doucement et ils ont du mal à incarner. Denis Thuriot est un bon candidat, c’est un bon élu de terrain mais politiquement on a l’impression qu’ils y vont juste pour essayer d’avoir assez pour faire une alliance de second tour. Et je ne vois pas ce qu’il incarne en BFC : on est sur du centre mais c’est peu incarné politiquement. François Patriat, président du groupe LREM au Sénat, est l’ancien collègue/mentor de Dufay. Il était président de la région Bourgogne en tant que PS jusqu’en 2015. La moitié des gars qui sont chez Marie-Guite Dufay étaient des gars à Patriat quand il était au PS. Patriat, c’est le mec qui pendant 5 ans, alors qu’il a changé de parti se pointait au conseil régional pour aller boire un coup, pour montrer qu’il était toujours présent. »
LE PRONO : « Y’a-t-il un pilote pour sauver le Parti ? » Oui, un : Thuriot. Quand on regarde le site internet de la liste, tout est axé sur la bobine du maire de Nevers. Un site web comme un site commercial, il y a 10 ans. On en attend quand même plus d’un parti marqueté pour « réinventer la politique». 10 % pour cette liste en misant sur le capital sympathie nivernais.
5. Faire entendre le camp des travailleurs. Lutte ouvrière, guidée par Claire Rocher.
« Forcément, il y a un petit côté Amélie Poulain. C’est à l’ancienne, on est content de les voir, on sait qu’ils ne vont pas faire beaucoup mais qu’ils ne cherchent pas à faire beaucoup. Ils veulent être là et faire entendre le camp des travailleurs dans les 2-3 occasions qui leurs sont accordées pendant la campagne. Eux, ils savent qu’ils ne s’allieront avec personne. C’est un peu comme la Macédoine en coupe d’Europe de foot, on les regarde gentiment. Ils ont un petit électorat qui n’est pas énorme. Clairement, ils ne cherchent pas à jouer dans la même cour que les autres, ils sont là avec leurs convictions, ils ne font pas semblant. Ils ont leurs idées.»
LE PRONO : 100 % de chances de gagner... dans un monde idéal sans Dieu, ni César, ni Tribun où les damnés de la terre et les forçats de la faim se donneraient la main, feraient changer de base le monde et du passé, feraient table rase.
Gilles Platret.
7. Pour la Bourgogne et la Franche-Comté. Les Républicains et Debout La France, avec par Gilles Platret.
« Gilles Platret adore les campagnes électorales et le clash. Son alliance avec Debout La France n’a pas fait le scandale que ça a fait en PACA quand LR s’allie avec LREM. Dans les gens de Debout La France qu’il a choisis en BFC, plusieurs sont des anciens du FN. Ce qui est assez dingue, c’est que quoi qu’il fasse, il l’assumera jusqu’au bout. Ce qui est sûr, c’est qu’il a perdu plein de copains à droite. Il veut aller sur les crampons de Julien Odoul, il veut ratisser ses électeurs. Il y a aussi le côté ramasse-miette des derniers jours. Il nous a quand même sorti une alliance avec Antoine Waechter, l’écolo qui a dû être cryogénisé et ressorti pour la campagne. C’est un écolo qui veut du nucléaire et pas d’éolienne, qui ne pèse rien. Il y a un petit côté panique aussi à vouloir la plus grande alliance possible. Mais Platret est comme Odoul, il parle bien, c’est un bon candidat. Mais il est en train de s’enfermer dans un couloir. Je serais très curieux de voir son score, parce qu’il a effrayé une partie de la droite modérée. Je suis peut-être naïf, mais je crois Platret quand il dit : « le RN c’est le tabou absolu ». Je le crois quand il dit qu’il n’ira pas jusque-là. Je me dis qu’il a vraiment poussé à la frontière, à quelques millimètres du RN. Mais lui qui est fan de Napoléon, je crois qu’il ne franchira pas cette limite. » LE PRONO : Le maire de Chalon-sur-Saône va s’allier avec le mec qui devait être le premier ministre de Le Pen (DupontAignan) en venant d’un parti gaulliste, ça doit être compliqué de se regarder dans une glace le matin. Chalon, c’est à combien de kilomètres de Vichy ? C’est pas très loin, nan ? Platret possiblement en deuxième position au premier tour, en dessous ce serait une défaite.
6. Notre Région par Cœur. PS, PRG et PCF, liste conduite par Marie-Guite Dufay.
« Marie-Guite Dufay a un bilan à défendre. Elle a globalement tenu la barre pendant la crise. Il y a peu de gens qui seraient capables de citer son nom. C’est l’élu un peu sérieuse, avec des valeurs, un peu Angela Merkel de gauche. Elle n’aime pas la politique politicienne. Elle a le côté grand-mère sérieuse qui tient la barre alors que ça ne va pas bien. Ça peut lui servir. Elle a de grosses chances de conserver la région. En 2017 elle soutenait Macron sans réserve dès le premier tour. Il n’y a pas si longtemps on lui a proposé de rentrer dans le gouvernement et elle a dit non. Mais on lui a proposé, ce qui prouve à quel point elle est Macron-compatible. Et là, depuis 6 mois, elle flingue le gouvernement dès qu’elle en a l’occasion. Elle vente son écologisme dès qu’elle a l’occasion. On a bien senti qu’elle a compris que son camp, c’était la gauche, elle fait partie des gens de gauche qui ont cru en Macron. Ça reste une femme de gauche et ses adversaires la pilonnent en lui disant que c’est une macroniste. Elle a compris que si elle devait gagner, c’était en gagnant à gauche, et qu’il fallait qu’elle ne se fasse pas avaler par un macroniste centre-gauche. Elle a compris que son bilan de mandat est plutôt un bilan de gauche. Y’a de l’écologie, de la culture, de l’associatif, du soutien aux migrants. Est-ce qu’un accord Verts, LREM et PS est possible ? C’est possible dans très peu de cas, si le RN fait un immense carton au premier tour. Ça va être hyper compliqué. Déjà Marie-Guite Dufay a les communistes avec elle, et elle a signé un papier pour dire qu’elle ne fera pas d’alliance avec LREM, ce qui n’est pas certain. Mais en tout cas, si elle le fait, elle perd les communistes de sa liste. »
LE PRONO : le cœur à gauche et le sextant politique à droite. Marie-Guite navigue entre les pièges de tous ses anciens « amis » et malgré un sondage la donnant «présidente de région la moins connue de France », elle va coiffer tout le monde sur le poteau en réalisant une réconciliation au second tour. En 3ème position au soir du 1er tour et la bamboche d’un poil de cheveux ensuite, si… ses électeurs se mobilisent. // MR et FC.