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LE CENTRE ATHÉNAS VEILLE SUR LA VIE SAUVAGE

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S.O.S. faune sauvage

Bien connu des Jurassiens pour ses actions en faveur de la sauvegarde et de la réhabilitation du lynx, le Centre Athénas, situé dans le village de L’Étoile (39), est un centre de soin de la faune sauvage qui fait office de modèle national depuis plus de 30 ans. Plongée au cœur d’un sanctuaire unique en son genre.

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S.O.S. Si une prise de conscience massive de l’urgence à lutter contre le dérèglement climatique semble occuper les esprits, la nécessité de sauvegarder la biodiversité progresse également dans les mentalités. Les salariés, bénévoles, stagiaires et volontaires du Centre Athénas, avec 25.000 animaux sauvages blessés recueillis depuis 1987, sont bien des héros de cette cause qui bénéficie d’un nouvel éclairage médiatique suite aux publications alarmistes des scientifiques. Car les effondrements des populations d’insectes et d’oiseaux seraient les prémices d’une très probable « 6ème extinction de masse des espèces ». Quels sont les soutiens, les combats et les obstacles des actions du Centre Athénas en faveur de la vie sauvage ? Les sauvage chasseurs sont-ils les premiers écologistes de France ou des barbares sanguinaires ? Quelles sont les motivations des braconniers ? Lorane Mouzon et Gilles Moyne, les tauliers du Centre Athénas, ouvrent les portes du lieu. Dans le bucolique et viticole village de L’Étoile, pas de panneau indicateur signalant la présence du Centre Athénas. Discrètement située à flanc de colline et sécurisée par des portes cadenassées, l’entrée ne se fait pas sans montrer patte blanche. En poireautant dans l’allée, attendant l’heure du rendez-vous, on observe de jeunes gens qui entrent et sortent des différents bâtiments et dépendances au pas de course, affichant la détermination et la concentration de soldats en mission. « Je préviens les responsables de votre arrivée », entend-on au loin. Quelques minutes plus tard, Lorane Mouzon nous rejoint. Elle est l’une des 3 salariés de la structure. Titulaire d’un master de biologie-écologie, elle s’est d’abord impliquée bénévolement puis est devenue soigneuse à plein temps en 2012. Désormais « capacitaire cheffe d’équipe », elle impressionne par sa connaissance de la vie sauvage et des écosystèmes. En revanche, elle nous signifie assez vite qu’on ne vient pas ici pour faire des selfies avec les Lynx. Les animaux recueillis par le Centre Athénas ont vocation à retourner à la vie sauvage, il est donc

impératif de limiter au maximum les interactions avec les humains. La visite se limitera donc à « l’infirmerie » où trois jeunes filles en service civique et une salariée s’activent pendant que Gilles Moyne, le directeur du centre, pianote sur un clavier d’ordi, absorbé par des tâches administratives. Les soins aux animaux se succèdent dans un ballet bien rôdé. Après avoir remballé une ribambelle de tortues, on soigne un rapace au bec amoché, on nourrit un renardeau, puis des oisillons affamés. Dans la salle attenante, un héron cendré, un jeune écureuil, des canetons nous observent depuis leur cage. Une jeune service civique questionne : « Lorane, je fais la vaisselle ou je continue les soins ? - Tu fais d’abord la vaisselle. » On se sent un peu empotés et inutiles comme des voyeurs dans les urgences d’un CHU. Une jeune retraitée, bénévole référente, fait irruption avec un panier garni d’oisillons tombés du nid. Toute l’équipe s’affaire pour identifier l’espèce et nourrir les orphelins. Le Centre Athénas, c’est une ruche qui fédère 1.500 adhérents, 300 bénévoles actifs dont des référents qu’on peut contacter lorsqu’on trouve un animal sauvage blessé dont on ne sait pas quoi faire. Souvent bien mal informé sur les mœurs de la faune sauvage, on peut parfois faire des erreurs en ramassant des jeunes chouettes au sol, les croyant blessées... Elles ne font souvent que vivre leur vie de juvéniles. Il semble également que les bons samaritains ont un faible pour les espèces « mignonnes » dont la star est le hérisson : 500 spécimens par an sont déposés au Centre Athénas. « Il y a une information erronée qui circule selon laquelle le hérisson pourrait disparaître d’ici 2025 », nous confie Lorane. Si les hérissons périssent en masse sous les roues des voitures (près d’un million par an en France), l’espèce n’est cependant pas sur la liste rouge des espèces menacées d’extinction.

Wanted : braco de lynx

Une des activités d’Athénas, c’est aussi la lutte contre le braconnage. Les soins et les efforts fournis par les salariés et les bénévoles du centre pour la sauvegarde du lynx peuvent être anéantis par un simple coup de flingue d’un chasseur mal intentionné. En 2020, le Centre Athénas dépose des plaintes après deux cas de braconnage avérés en Alsace et dans le Jura. En janvier 2021, rebelotte, un lynx boréal est découvert criblé de plomb dans le canton de Quingey (25). Pour Athénas, on entend bien médiatiser l’affaire et retrouver le coupable en offrant 1.000 € de récompense à quiconque permettrait d’identifier le braconnier ; une initiative déjà expérimentée par Rewild, une organisation créée par sept associations de défense de la vie sauvage, qui offrait 5.000 € en 2020 pour les signalements qui permettraient d’identifier les auteurs des tirs. Une espèce que Gilles Moyne tente également de protéger du braconnage, c’est le busard cendré, un rapace migrateur qui a la particularité de nicher au sol, initialement dans les prairies naturelles à végétation basse mais qui, avec la disparition et l’exploitation de ce type de milieux, niche dans les cultures céréalières. Les exploitants agricoles se montrent presque toujours coopératifs en laissant intervenir le Centre Athénas qui place les nids dans de petites cages (ouvertes vers le ciel

pour permettre le nourrissage par les adultes), empêchant les jeunes de fuir et de se faire broyer par les machines agricoles. Cependant, Lorane nous confie que cela ne suffit pas, il faut aussi faire appel à des bénévoles qui campent sur place pour éviter la destruction des nichées par des braconniers. « Les nids sont régulièrement détruits et les oisillons écrasés à coup de botte ou même empoisonnés. Probablement parce que les rapaces sont considérés comme des prédateurs, donc des nuisibles. Mais la seule présence d’une tente de bénévoles à proximité suffit à prévenir ces destructions. Les braconniers qu’on imagine comme des gens violents, sont finalement peu téméraires ! » L’éducation des populations pour changer le rapport que nous entretenons avec les autres vivants est donc un chantier énorme et qui, selon Lorane Mouzon, ne passe pas seulement par la lutte contre le braconnage. « Les VTTistes font beaucoup de dégâts en détruisant des espaces de nidification sur les sentiers à flanc de montagne. Même les photographes animaliers, qui sont passionnés par la vie sauvage, s’immiscent parfois entre les parents et les nids. Les adultes, par peur de signaler la présence du nid, hésitent à retourner couver, ce qui peut provoquer la mort des oisillons. » Partenaires et adversaires

Dans le combat pour la sauvegarde de la vie sauvage, partenaires et adversaires ne se trouvent pas toujours là où l’on pense. Ainsi, si les chasseurs sont souvent pointés du doigt pour leur manque de respect du vivant, ils collaborent aussi parfois avec le Centre Athénas. « Lorsque nous sommes à la recherche d’un lynx blessé, on fait appel à des chasseurs qui sont heureux de faire travailler leurs chiens de sang. » Étonnamment, des clébards initialement dressés pour traquer le gibier blessé peuvent donc rendre service pour sauver des lynx. Les relations avec le monde de la chasse ne sont cependant pas toujours cordiales. Prédateur de cervidés, le lynx est vu par la plupart des chasseurs comme un concurrent. Lors de sa dernière assemblée générale, la fédération des chasseurs du Jura s’est félicitée de la décision du tribunal administratif de Besançon qui a débouté le Centre Athénas de sa demande de suspension de dérogation de chasse pendant la période de confinement. Le préfet du Jura Richard Vignon, réputé pro-chasse, a fait annuler le permis de construire de la nouvelle infirmerie du centre. De même, chez les supposés partenaires, certaines déclarations dénotent par leur étrangeté. Selon le correspondant départemental du réseau LoupLynx de l’Office français de la biodiversité, « la population de lynx se porte très bien dans nos contrées. Elle arrive même presque à

« La seule présence d’une tente de bénévoles à proximité suffit à prévenir ces destructions. Les braconniers qu’on imagine comme des gens violents, sont finalement peu téméraires ! »

Gilles Moyne, directeur du centre Athenas

saturation ». Des propos qui ont fait bondir Gilles Moyne puisque la population de lynx en France ne représente que 120 individus, menacés par la circulation routière et le braconnage. Unique en son genre, le Centre Athénas est régulièrement médiatisé pour son combat en faveur de la sauvegarde du lynx boréal, ce qui ne représente qu’une partie de son activité. Recueillir, soigner et réhabiliter des animaux sauvages tout en sensibilisant le public à la protection de la faune apparaît comme une gigantesque tâche. L’urgence étant aussi de changer ce rapport qu’on entretient au vivant, et de reconsidérer la nature, souvent envisagée uniquement comme une ressource à exploiter. Et ce même si parfois, la priorité, c’est de faire la vaisselle avant de soigner. // AT.

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