LE MAGAZINE DE LA 2E JOURNÉE DU DIGITAL 25 OCTOBRE 2018
AR Laissez ce magazine s’animer: téléchargez l’application DigitalDayAR, scannez les pages et expérimentez la réalité augmentée.
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LA POSTE EST LÀ. POUR TOUS. Pour l’environnement aussi. Le facteur Pierre-André Chevalley est fier que les 6000 scooters de la Poste roulent tous au courant écologique. poste.ch/pierre-andre
Penser numérique Chère lectrice, cher lecteur,
Photo: Shane Wilkinson
Lorsque j’ai opté pour le journalisme il y a dix bonnes années, il m’apparaissait clairement que l’avenir serait en ligne. Une précision est intervenue quelques années plus tard: l’avenir est mobile. Et aujourd’hui? Vous tenez entre les mains un magazine à niques qui nous facilitent la vie. Elle nous la fois imprimé et numérique. La réalité contraint aussi à repenser les choses. Aussi augmentée (AR) relie ces deux univers, bien en matière de protection des données permet aux photos de devenir vidéos, aux que de disparition d’emplois due à l’autoarticles de se muer en informations multimatisation. La Suisse est très bien armée médias. En deux mots, l’AR éveille les contepour transformer ces défis en opportuninus à la vie (voir le mode d’emploi à la tés. Grâce à ses Hautes écoles, à son écopage suivante). L’avenir? Il est évident. Pour nomie florissante et à un système politique quelques années au moins. qui garantit la stabilité tout en libérant des Cet exemple montre que la numérisation espaces pour les approches créatives. fait partie depuis longtemps de la vie La numérisation nous concerne tous. Lors quotidienne et qu’elle fait tourner la terre du 2e Digital Day, projet phare de l’initiade plus en plus vite. Les scénarios futuristes tive digitalswitzerland ce 25 octobre, il sont sans cesse rattrapés, de nouvelles sera question du dialogue entre recherche, opportunités – et de nouveau défis – se économie, politique et population. Parce présentent à un rythme incroyable. Pour que la société dans son ensemble doit expérimenter l’AR dans ce magazine, vous repenser la Suisse 4.0. Le cerveau humain devez télécharger une application. Y comn’aura jamais été aussi essentiel que dans pris les dispositions de protection des donce monde de haute technologie. nées que vous ne lirez pas. Pas plus que l’avertissement sur les cookies sur les pages Fabian Zürcher, rédacteur en chef d’accueil que, de façon irréfléchie et énervée, nous virons d’un clic – en dépit du scandale Facebook. Trop compliqué, trop pensé pour un monde analogique. Scannez la page et La quatrième révolution industrielle ne découvrez la réalité AR nous vaut pas que des auxiliaires techaugmentée.
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Guide: lorsque vous voyez ce triangle, une expérience AR vous attend.
Télécharger l’appli AR
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La réalité augmentée (AR) enrichit le print de contenus numériques. Voyez comment ce magazine s’anime grâce à l’application DigitalDayAR. Découvrez des vidéos, des graphiques et des objets en 3D. Voici la marche à suivre: 1. Dans l’app-store, téléchargez l’appli cation gratuite DigitalDayAR, p. ex. chez Google Play.
Sur les réseaux sociaux, il est le magistrat le plus actif. L’interview du président de la Confédération Alain Berset porte entre autres sur Instagram, les défis sociétaux et les perspectives d’avenir pour la Suisse.
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3.Orientez la caméra de votre smartphone ou tablette sur les pages marquées du triangle ci-dessus et scannez-les.
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Editeur: Ringier AG, Brühlstrasse 5, 4800 Zofingue Rédaction: Brand Studio Direction: Fabian Zürcher Production: Alice Massen Graphisme: Dominique Signer Rédaction photo: Christof Kalt Réalité augmentée: Jasmine Rüegg Traduction: Gian Pozzy Coordinatrice pour la version française: Mélanie Beney Responsable des partenariats contenu et marketing: Thomas Passen Publicité: Admeira SA Impression: Swissprinters AG, 4800 Zofingue Indication des participations importantes de Ringier AG selon l’art. 322, al. 2 CPS: cash zweiplus ag, DeinDeal AG, Energy Schweiz Holding AG, Energy Bern AG, Energy Zürich AG, Geschenkidee.ch GmbH, Infront Ringier Sports & Entertainment Switzerland AG, Jobcloud AG, JRP Ringier Kunstverlag AG, MSF Moon and Star Festival SA, Ringier Africa AG, Ringier Axel Springer Media AG, Ringier Digital AG, Ringier Digital Ventures AG, SMD Schweizer Mediendatenbank AG, The Classical Company AG, Tickecorner Holding AG, Ringier France SA (France), Geschenkidee D&A GmbH (Allemagne), Ringier (Nederland) B.V. (Pays-Bas), Ringier Pacific Limited (Hongkong), Ringier China (Chine), Ringier Vietnam Company Limited (vietnam), IM Ringier Co., Ltd. (Myanmar)
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Connecté C’est un jeune parfaitement normal, il passe six heures par jour sur les médias sociaux. Robin, 15 ans, parle des «streaks» et des vacances sans WiFi.
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Paraître plus qu’être Les «likes» et les «shares» sont bons pour l’égo. Et pour le compte en banque. Les astuces qu’utilisent les influenceurs pour faire exploser leurs résultats sur les réseaux sociaux.
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Pas besoin d’inciser L’ordinateur remplace le scalpel. A l’Institut de médecine légale de l’Uni de Zurich, les nouvelles technologies soutirent leur histoire aux dépouilles.
Impressum Ce magazine spécial du 2e Journée du digital est un supplément du Sonntagsblick, de la Schweizer Illustrierte, de la Handelszeitung, du Temps et d’Il Caffè.
Plus grand qu’Internet La blockchain est le prochain grand truc, dit-on. Pourquoi des entreprises suisses sont à l’avant-garde de cette technologie.
Retour vers le futur La numérisation et l’automatisation le rendent possible: la production revient en Suisse. Et fait à nouveau du pays un site industriel attrayant.
S’y rendre Le 2e Journée du digital a lieu le 25 octobre. Les rendez-vous à ne pas manquer dans tout le pays, les personnalités, le résumé.
La pieuvre Comment Facebook est devenu un dévoreur de données. Et pourquoi un spécialiste suisse de la protection des données trouve que ce n’est pas si grave.
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Questions? Quand les machines seront-elles plus intelligentes que les humains? Quelle puissance possède les meilleurs atouts? Combien d’énergie consomme un bitcoin? Nous répondons à 55 questions sur la numérisation.
2. Choisissez l’édition du magazine Digital Day.
L’expérience AR a été développée par le Ringier Brand Studio en collaboration avec la startup Augmara. Celle-ci a développé une technologie au cœur de laquelle se trouve un Content Management System (CMS) propriétaire. A l’aide de ce CMS, des expériences AR peuvent être créées et publiées sans que cela nécessite des connaissances particulières. «La réalité augmentée est facile à utiliser avec notre solution et apporte aux lecteurs une véritable plus-value», assure Dominik Schmid, CEO d’Augmara. Beaucoup de plaisir avec ce print de nouvelle génération!
Alain CyBerset
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Et la suite? Quand la première voiture autonome circulera-t-elle? Quand verrons-nous la première cyberguerre? Quand n’y aura-t-il plus de misère? Tentons un coup d’œil vers demain.
Photos: Matthew Shave for Stylist Magazine, KellenbergerKaminski (2), Ruben Wyttenbach/13 Photo, Nicholas Hunt, Justin Sullivan/Getty Images
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Photos: Matthew Shave for Stylist Magazine, KellenbergerKaminski (2), Ruben Wyttenbach/13 Photo, Nicholas Hunt, Justin Sullivan/Getty Images
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«Nous devons trouver des solutions» Président de la Confédération, Alain Berset aborde les opportunités et les dangers de la numérisation. Le profit qu’il tire des réseaux sociaux et de son côté joueur. Sermîn Faki
Que vous voulez dire? La numérisation nous place face à la question: que voulons-nous conserver, que devons-nous changer? Nous voulons préserver notre sécurité sociale. Car une Suisse numérique n’ouvre pas seulement de grandes opportunités mais offre également un sentiment d’insécurité chez les gens. Nous devons prendre ça au sérieux et trouver des solutions. Le plus tôt sera le mieux. Comment la Suisse est-elle armée pour cette révolution? Très bien. Grâce à une bonne formation,
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à des infrastructures exceptionnelles et à une économie performante. En outre, les distances sont courtes, on se connaît entre nous, ce qui facilite bien les choses. Mais pour qu’un maximum de personnes profitent de la numérisation, il faut en particulier renforcer la formation et la formation continue.
A quels sujets faut-il s’attaquer d’urgence? Plusieurs à la fois: nous devons ouvrir des banques de données adéquates sous forme d’open data, notamment pour rendre la mobilité plus conviviale et plus efficace. En matière d’e-government, nous ferons un bond en avant quand l’identité électronique sera introduite. Et dans le domaine de la santé, il existe un très gros potentiel pour le dossier électronique du patient. Autrement dit? Avec le DEP, nous pouvons améliorer la qualité des traitements, la sécurité du patient et l’efficacité du système de santé. Mais ce qui compte, c’est de renforcer la protection des données. Le Parlement s’en occupe justement. Où se situent les meilleures opportunités pour la Suisse? Dans l’intrication étroite de nos excellentes Hautes écoles et d’une industrie innovante. Cette collaboration traditionnellement étroite de la science et de
«Le Conseil fédéral a déjà vérifié deux fois la base légale des médias sociaux»: Le président de la Confé dération Alain Berset.
l’économie a fait que nous sommes leaders en matière de drones. Et dans le fédéralisme qui, après tout, est aussi une compétition des idées. Des cantons comme Genève et Zoug collectent des expériences dont les autres bénéficient.
La programmation doit-elle devenir matière de cours? Premièrement, l’école obligatoire est l’affaire des cantons. Il ne me semble pas nécessaire que tous les enfants et adolescents sachent programmer. Mais la
Il recourt régulièrement à Instagram: selfie dans une école de sumotoris à Tokyo.
Photos: Kurt Reichenbach/Schweizer Illustrierte, instagram/alain.berset
Monsieur le Président, on dirait que le thème de la numérisation est enfin arrivé au Palais fédéral. Les interventions parlementaires s’accumulent, le Conseil fédéral et l’Administration bougent. Pourquoi seulement maintenant? Alain Berset: Je dois contester d’emblée. Le Conseil fédéral a approuvé en 2016 déjà une première stratégie «Suisse numérique». Il faut toujours pas mal de temps pour que des évolutions complexes telles que la numérisation soient appréhendées par le radar politique et mises en œuvre sous forme de projets concrets. Cela dit, beaucoup d’autres acteurs empoignent le sujet. Heureusement! Car pour le succès d’une Suisse numérique, il faut la force innovatrice de tout le monde. Pas seulement technique mais aussi sociétale.
Photos: Kurt Reichenbach/Schweizer Illustrierte, instagram/alain.berset
l’inscrire dans la loi. Pourquoi? C’est tout simple: jusqu’ici, au contraire d’autres pays, nous n’avions pas de blocage ou de ralentissement du transfert de données. Le Conseil fédéral n’entend pas légiférer à titre préventif. Venons-en à vous. Quel est pour vous, personnellement, le plus grand bienfait de la numérisation? Le fait que j’aie toujours un appareil photo avec moi, que j’utilise souvent et volontiers. Par ailleurs, je peux travailler quand je suis en route. Avec tous les avantages et les inconvénients. Et le plus grand danger? Le fait que la numérisation accélère la tendance à la fracture sociale. Nous devons y veiller. Je suis convaincu que les sujets sociaux tels que les salaires équitables, une bonne prévoyance vieillesse et la protection contre le chômage se feront encore plus importants.
«Les questions sociales deviendront encore plus importantes.» diffusion de compétences numériques fait partie de la formation. Ce qui importe, c’est que les élèves comprennent les nouveaux médias, qu’ils sachent les utiliser et en connaissent les risques.
Les géants du Net comme Google et Facebook sont-ils devenus trop puissants? faut-il rapidement de nouvelles lois? Après tout, il en va des données personnelles et des risques de manipulation. Nous observons les développements de près. Deux fois déjà, le Conseil fédéral a vérifié la base légale des médias sociaux. Mais il y a une certaine retenue à intervenir. Les mesures qui touchent les multinationales du numérique doivent être concertées au niveau international pour avoir quelque perspective d’efficacité.
En Suisse, le débat est chaud sur le vote électronique. La Confédération veut aller de l’avant, mais une initiative populaire veut son interdiction. Vous êtes surpris? Il faut du temps pour que les nouvelles technologies soient acceptées. C’est normal. Le droit de vote est un bien précieux. La légitimation par les urnes se fonde sur le fait que les citoyennes et citoyens se fient à la légitimité du résultat. Mais nous ne devons pas oublier que beaucoup de Suisses vivent à l’étranger. Nous souhaitons qu’ils restent en lien avec leur patrie, y compris sur le plan politique. C’est pour cela que l’e-vote est important. Quel est votre avis? Je suis convaincu que le vote électronique est un bénéfice pour notre démocratie directe. Mais comme je l’ai dit: il doit être absolument sûr. Le thème de la neutralité du Net, autrement dit le principe que toutes les données sur la toile soient traitées de la même manière, suscite peu l’intérêt public. Le Conseil fédéral n’a pas voulu
Vous êtes le conseiller fédéral le plus actif sur les médias sociaux, votre compte Twitter est très suivi, Instagram également. Quels posts émanent-ils véritablement de vous? Mon compte Facebook est animé par le service de communication du département. Je m’occupe moi-même de Twitter et Instagram. Qu’est-ce qui vous fascine là-dedans? Je peux y vivre mon côté joueur. Les médias sociaux offrent de toutes autres possibilités d’information et d’échange. Lorsqu’on les maîtrise bien, on accroît ses chances d’être entendu et compris. Qu’autorisez-vous à vos enfants en termes de médias sociaux et d’Internet? Pour les jeunes, les médias sociaux sont essentiels. Par conséquent, un usage sûr et sain est vraiment important, ce qui parle à coup sûr à toutes les familles. D’abord, il faut savoir comment les médias sociaux fonctionnent et où se nichent les dangers, notamment dans le cyber-mobbing. Ensuite, il faut des règles claires et un équilibre entre les activités en ligne et hors ligne. Mais ce n’est pas très différent pour les adultes …
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Toujours en ligne, toujours prêt pour un selfie: concert de Massive Attack à Pula en Croatie. Photo: Jelena Jankovic
55 questions la numérisat i Peter Hossli
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sur t ion
Tous les humains sont-ils connectés? Non, un peu plus de la moitié, soit 54,5 %. Des quelque 7,64 milliards de Terriens, 4,16 milliards ont accès à l’Internet. C’est en Amérique du Nord que la proportion est la plus forte, avec une part de 95 %, et en Afrique qu’elle est la plus faible, avec 35,2 %. En Europe on en compte 85 % et en Asie 48,1 %.
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Premier robot à réalité augmentée, Sophia a été développée à Hongkong et possède la nationalité saoudienne.
Combien de Suisses sont connectés? Selon l’Office fédéral de statistique, 91 % des Suisses recourent au moins une fois par semaine à l’Internet. La Suisse se place ainsi derrière la Norvège, première avec 96 %, et par exemple devant l’Italie (69 %).
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Notre empreinte numérique est-elle indélébile? Oui, car il est moins cher de sauvegarder de manière permanente que d’éliminer. Nos mouvements numériques demeurent. Combien de courant consomme la vie numérique? L’Université de Berkeley chiffre la consommation annuelle de courant des Américains sur le Net à 70 milliards de kilowattheures. Autrement dit, l’équivalent de huit centrales nucléaires ou encore deux fois plus de cellules photovoltaïques qu’il en existe actuellement aux Etats-Unis. En 2025, la numérisation devrait consommer un cinquième de l’électricité mondiale. Pourquoi Google est-il si puissant? 93 % du trafic sur la toile est aujourd’hui généré par des moteurs de recherche. 96 % des requêtes sur les appareils mobiles passent par Google. En moyenne, Google enregistre 63 000 requêtes par seconde.
Les bots (programmes informatiques) sont-ils une concurrence pour le (la) partenaire? En 2020, la plupart des gens auront plus d’échanges via les bots qu’avec leur partenaire, estime le cabinet d’analyses Gartner.
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Quand les machines s’amélioreront-elles elles-mêmes grâce à l’intelligence artificielle? Les futurologues parlent de singularité technique, du jour où les ordinateurs apprendront des ordinateurs. La notion naît en 1958. Reste que l’année où cette singularité technique interviendra a sans cesse été repoussée. Des sondages dans les années 2012 et 2013 ont indiqué que les scientifiques s’attendent à ce que cela se produise entre 2040 et 2050. D’autres pensent que ce sera soudain et imprévisible. Combien y’a-t-il de réseaux sociaux multimiliardaires? Trois. Facebook compte 2,23 milliards d’utilisateurs actifs, YouTube 1,9 mil-
liard et Instagram, filiale de Facebook, un milliard.
Grâce à l’iPhone, Apple a atteint une capitalisation boursière dépassant les mille milliards de dollars. Le groupe peut-il continuer de croître? Pour les smartphones et les ordinateurs, on devrait assister à une certaine saturation. L’Apple Watch n’a pas le même potentiel que l’iPhone. Mais il existe un gadget par faitement calqué sur la philosophie Apple: la voiture intelligente. Si Apple réussit à lancer au bon moment une voiture électrique branchée, le groupe vaudra bientôt 2000 milliards de dollars.
Photos: Matthew Shave for Stylist Magazine
Un jour le langage remplacera-t-il le clavier ou l’écran tactile? Oui et très vite. En 2017, le nombre de requêtes exprimées par la voix a augmenté de 60 %. En 2020, la moitié de toutes les requêtes devraient être exprimées oralement. Déjà 55 % des adolescents utilisent leur voix tous les jours en guise d’accès, chez les adultes on en est déjà à 44 %.
Photos: Matthew Shave for Stylist Magazine
nier qu’elle misait sur la voiture électrique, mais sans donner de date. Les groupes automobiles tablent sur le fait que le point d’inflexion où ils vendront le plus de voitures électriques interviendra entre 2020 et 2030.
Pourquoi la réalité augmentée est-elle plus qu’une mode? Gartner estime qu’en 2020 déjà 100 millions de personnes feront leurs achats dans un univers AR (de réalité augmentée). Un an plus tard, un milliard d’entre elles fréquenteront régulièrement des plateformes AR. L’AR est aujourd’hui déjà un succès. Le jeu vidéo AR Pokémon Go a été téléchargé 500 millions de fois en deux mois et a réalisé en 90 jours un chiffre d’affaires de 600 millions de dollars.
L’intelligence artificielle est-elle supérieure à l’intelligence humaine? Fondé sur l’intelligence artificielle, le système DeepMind de Google a regardé la télévision pendant 5000 heures et s’est ensuite montré 34 % plus précis qu’un pro en lisant sur les lèvres.
En mars, une femme est morte en Arizona après un accident avec une voiture autonome. Est-ce la fin de cette technologie? Pas du tout. Les voitures autonomes ont le potentiel de préserver des millions de vies. Chaque année, 1,25 million de personnes meurent sur la route et 50 millions sont blessées. Dans 95 % des cas, on a affaire à une défaillance humaine. Les voitures autonomes ne causent presque pas d’accidents et limitent les bouchons. Qu’est-ce qui est essentiel pour une voiture autonome? La 5G! Pour mettre en place l’infrastruc-
ture de la 5e génération de la technologie de transmission sans fil, 225 milliards de dollars doivent être investis ces prochaines années, calculent des analystes de Morgan Stanley. La 5G peut transmettre des données jusqu’à mille fois plus vite que maintenant. Les voitures autonomes ne seront pas seules à en bénéficier, il sera aussi possible de transférer de gigantesques paquets de données, ce qui ouvre la porte à l’Internet des objets.
Quand vendra-t-on plus de voitures électriques qu’avec moteur à essence? A partir de 2040, en France et en Grande-Bretagne, seules des électromobiles pourront encore circuler. La Chine – où circule un tiers de toutes les voitures – a fait savoir l’an der-
Quel pays aura la suprématie en matière d’Internet mobile? Clairement la Chine. En 2020, quelque 70 % des achats sur Internet en Chine se feront par téléphone mobile. C’est beaucoup plus qu’ailleurs: les Etats-Unis suivent avec 46 %, la Grande-Bretagne et le Japon avec 40 %, l’Inde avec 30 %. La numérisation rend-elle l’humain malade? L’Organisation mondiale de la santé (OMS) considère officiellement depuis juin 2018 l’addiction aux jeux en ligne comme une maladie. Les estimations parlent de 70 000 addicts au Net en Suisse, en Allemagne ils seraient un demi-million. Qu’est-ce que la cyberdépendance? Cette maladie est analogue à l’addiction au jeu. Les personnes concernées perdent le contrôle d’elles-mêmes, leur vie sociale et leur état psychique souffrent. La conséquence est l’isolement, la difficulté à se concentrer et une perception déformée de la réalité. Les effets corporels peuvent être l’obésité, des troubles de la vue et des maux de têtes persistants.
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Sommes-nous dépendants de notre téléphone mobile? En moyenne, les personnes de moins de 30 ans passent quatre heures par jour sur leur smartphone. La plupart ne peuvent plus s’imaginer vivre sans et affichent des syndromes de sevrage quand ils le perdent. Les entreprises de la Silicon Valley nous rendent-elles volontairement dépendants? L’expression en cours parmi les critiques de la numérisation est «brainhacking». C’est la «tentative d’influencer le cerveau humain par des interventions psychologiques mais aussi directement techniques», selon la spécialiste de la communication Miriam Meckel qui a écrit un ouvrage à ce propos. Les développeurs programmeraient volontairement leurs applications de sorte qu’on ne parvienne plus à les quitter. La technologie interviendrait sur notre cerveau et modifierait notre manière de penser. A qui appartient l’avenir? Dans le monde entier, les gens achètent, s’informent et se divertissent de plus en plus en ligne. Deux groupes couvrent plus que d’autres ces besoins: Amazon et Facebook.
que 65 % des enfants commençant l’école aujourd’hui exerceront un métier qui n’existe pas encore.
Quelle est l’importance du Net dans les décisions d’achat? 92 % de tous les clients font confiance aux conseils personnalisés, 70 % tiennent compte des critiques sur la toile.
Quels sont les acteurs numériques les plus puissants? Les six plus grands groupes mondiaux – Apple, Amazon, Alphabet (Google), Microsoft, Facebook et Alibaba – sont des groupes qui tirent leurs revenus essentiellement des activités numériques. Il y a dix encore, c’étaient les pétroliers qui figuraient en tête de cette liste.
Comment la numérisation influe-t-elle sur l’avenir du monde du travail? Le Forum économique mondial (WEF) estime
Quel est le montant des dépenses annuelles en IT? En 2017, les entreprises et les Etats ont dépensé 3500 milliards de dol-
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lars en IT. Cette année, on devrait atteindre les 3700 milliards de dollars.
Quel est le plus fort, Amazon ou Facebook? Les analystes boursiers privilégient Facebook. Mais ceux qui ont un horizon plus durable misent sur Amazon, surtout parce que le géant de la vente au détail s’est implanté dans d’autres secteurs et occupe une place importante dans les domaines du divertissement, de la pub, de l’intelligence artificielle et de l’information. Les patrons du numérique sont-ils les nouveaux barons du pétrole? On gagne depuis longtemps plus avec des
Photo: Ben Roberts/PANOS
Pourrons-nous un jour déposer plainte pour notre dépendance à la toile? Des entreprises telles qu’Apple, Facebook et Twitter ont commencé à attirer l’attention de leurs clients sur les dangers de la dépendance numérique, à l’image de ce que doivent faire les fabricants de tabac après avoir payé de lourds dédommagements. Des outils sont intégrés aux systèmes d’exploitation Android et iOS, grâce auxquels le comportement de l’utilisateur peut être surveillé. Instagram a un projet analogue. Les entreprises entendent ainsi empêcher qu’on leur attribue la responsabilité de la «zombisation» de la société.
Photo: Ben Roberts/PANOS
Grand comme neuf terrains de football: vue du centre de logistique d’Amazon à Rugeley (GB).
La blockchain a-t-elle du succès? Cette technologie en est à peu près là où l’Internet en était il y a vingt ans. Moins de 1 % de la population de la planète utilise la blockchain, tandis que 55 % recourent à l’Internet. D’ici à 2024, le chiffre d’affaires total de la blockchain devrait croître à 20 milliards de dollars. Quels sont les patrons les plus appréciés dans les technologies? L’entreprise de placement de personnel Glassdoor a interrogé le personnel de 100 sociétés technologiques sur leur patron. Le patron Tim Cook n’est arrivé qu’au 25e rang, Sundar Pichai de Google au 18e. Le numéro 1 est Eric S. Yuan, de l’entreprise de vidéoconférences Zoom, suivi par Daniel Springer, le patron de l’entreprise de signature électronique Docusign. Et le troisième est Jeff Weiner, de LinkedIn. Quels métiers sont menacés par la numérisation ? Des drones remplacent les facteurs, les robots nettoient les fenêtres, les chatbots répondent aux questions dans les call-centers, les ordinateurs font le boulot des employés de commerce, les caisses automatiques remplacent déjà les caissières.
0 et des 1 qu’avec le pétrole. Parmi les dix personnes les plus riches du monde, six sont dans le numérique. Avec une fortune de 155 milliards de dollars, le fondateur d’Amazon Jeff Bezos est de loin l’homme le plus riche, suivi par le fondateur de Microsoft Bill Gates.
Dans quels pays les gens passent-ils le plus de temps sur les réseaux sociaux? Les Philippines sont numéro 1 depuis trois ans : chaque utilisateur y passe en moyenne quatre heures par jour. Elles sont suivies par le Brésil, l’Indonésie et la Thaïlande.
Quand les réseaux sociaux supplanteront-ils la TV? C’est le cas depuis l’an dernier. Pour la première fois, les Allemands ont passé en moyenne plus de temps sur les médias sociaux (226 minutes par jour) que devant la TV (223 minutes). Les bitcoins sont-ils très énergivores? Expert en blockchain, Alex de Vries assure que le système des bitcoins nécessite plus d’énergie que bien des Etats : autour de 67 terawatts par an. Par comparaison, la consommation d’électricité en Suisse a été de 58,5 terawatt heures en 2017.
Quels sont les métiers d’avenir ? Les métiers très qualifiés et créatifs devraient résister à la rationalisation qu’entraîne l’ordinateur, indique une étude de l’Université d’Oxford. Les métiers liés aux IT vont croître fortement. La demande de métiers liés aux soins à la personne et à la protection de l’environnement restera élevée. Dans quelle mesure l’argent des Suisses est-il virtuel ? En Suisse, quelque 17 millions de cartes de crédit et de débit sont en circulation. Les Suisses les utilisent plus d’un milliard de fois par an pour des achats. Selon un sondage de Comparis, seuls 3 % des Suisses utilisent leur téléphone comme moyen de paiement. Et 1 % seulement évoquent les applications en guise de moyen de paiement préféré.
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Dans quelle mesure la gestion de fortune est-elle numérisée? Les «robo-advisors» sont bon marché et aussi bons que les conseillers à la clientèle traditionnels. Selon «Cash», les principaux prestataires suisses, Swissquote et True Wealth, gèrent respectivement 200 millions et 100 millions (à fin 2017) de cette manière. Une miette par rapport aux plus de 6650 milliards gérés par les banques suisses. Qu’est-ce qu’un DEP? Le dossier électronique du patient (DEP) stocke toutes les informations importantes sur l’état de santé d’un patient : résultats d’analyses, données de laboratoire, vaccinations, ordonnances. Sa disponibilité immédiate permet un diagnostic sûr et peut sauver la vie en cas d’urgence. Et le DEP économise des coûts parce que beaucoup d’examens ne doivent pas être refaits.
Qu’est-ce que la médecine espère du big data? Les algorithmes sont capables d’analyser très rapidement les données génomiques. Les biomédecins espèrent que l’inventaire des données génomiques fera progresser la médecine car le séquençage de l’ADN fournit des informations précises sur le patrimoine génétique. En quoi hommes et femmes se différencient-ils en ligne? 30 % des femmes demandent de l’aide à des copines pour établir leur profil, ce que ne font que 16 % des hommes. Sur 100 personnes qui cherchent l’amour en ligne ou via une application, 52,4 % sont des hommes et 47,6 % des femmes.
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Quand les premières voitures autonomes circuleront-elles en Suisse? Plus tôt qu’on ne le pense. General Motors pense mettre sur le marché une voiture autonome en 2019. Mobileye, la filiale d’Intel, prévoit de le faire en 2021, Waymo, de Google, entend transporter les passagers de manière autonome dès la fin de 2018. Audi et Volvo prévoient de le faire en 2020.
La vie sexuelle est-elle numérisée? De nos jours, beaucoup de gens se cherchent un(e) partenaire en ligne. Les applications de « dating » comme Tinder, Lovoo et Badoo comptent plus de 200 millions de membres dans le monde. Chez Tinder, on enregistrerait plus de 1,4 milliard de contacts par jour. Quelle est la taille du marché numérique du porno? Les sites pornos comptent plus d’utilisateurs que Netflix, Amazon et Twitter réunis. 35 % des téléchargements et 30 % des données transférées sont de la pornographie,
12 % de tous les contenus sur le Net sont pornographiques. En 2016, près de 92 milliards de vidéos pornos ont été vues sur la toile, soit 12 par habitant de la Terre.
Quel est le chiffre d’affaires de la pornographie sur la toile? Les estimations parlent de 100 milliards de dollars annuels. Qu’est-ce que le e-vote? L’e-vote, le vote électronique, nous permet de voter et d’élire par le biais d’Internet. Cela rend possible un vote indépendement du lieu et du temps.
Photo: plainpicture/cgimanufaktur
Quand le DEP sera-t-il instauré en Suisse? Par une loi, le Conseil fédéral a décidé de l’introduction du DEP en 2015. Il est entré en vigueur en 2017. Aujourd’hui, seuls les hôpitaux de Genève et de Bâle le proposent. D’ici à 2020, tous les hôpitaux du pays devront l’avoir.
Photo: plainpicture/cgimanufaktur
C’est ainsi que, jadis, on imaginait la voiture du futur: pour l’instant, elle ne plane pas mais elle roule de plus en plus souvent toute seule.
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La cybercriminalité a-t-elle aussi de bons côtés? Elle crée des postes de travail. Alors qu’en 2014 on comptait un million des personnes actives dans la cyberprotection, en 2021 elles devraient être 3,5 millions. La Suisse est-elle bien armée pour la numérisation? Le Conseil fédéral a tenté de répondre à cette question dans un rapport de 2017 sur l’économie numérique. Conclusion: «Les développements en cours sont avant tout une opportunité pour la place économique suisse.» Et «divers indicateurs montrent que la Suisse est bien préparée dans plusieurs domaines face à la numérisation croissante».
Quand les Suisses disposeront-ils du vote électronique? L’e-vote est un sujet disputé. Ses partisans disent que davantage de gens participeraient au processus politique. Ses adversaires disent que c’est la porte ouverte aux manipulations. Pour le Conseil fédéral, d’ici à 2019 une majorité de cantons devraient permettre le vote électronique.
Combien la lutte contre la cybercriminalité coûte-t-elle? Rien que cette année, les entreprises et les gouvernements auront dépensé 93 milliards de dollars pour lutter contre les attaques en ligne, selon le cabinet d’analyse Gartner.
Combien de dégâts fait la cybercriminalité? Selon l’entreprise de conseil CyberSecurity, les dommages passeront de 3000 milliards de dollars en 2015 à 6000 milliards en 2021. La cybercriminalité est ainsi plus profitable que l’ensemble du trafic de drogue.
Quels sont les délits les plus usités des cybercriminels? Le délit le plus répandu est l’extorsion. Toutes les 40 secondes, une entreprise voit son système IT attaqué. L’attaque prend fin contre paiement d’une rançon.
Où faut-il des ajustements légaux en raison de la numéri sation? Le Conseil fédéral propose de réviser notamment le droit du bail en raison de l’économie du partage; de repenser les prescriptions sur le transport de personnes à cause d’entreprises comme Uber; de réfléchir à l’introduction de nouveaux systèmes de mobilité; de faciliter l’accès d’entreprises fintech; éventuellement d’assouplir la législation sur les fusions afin que les jeunes sociétés du Net puissent prospérer plus rapidement; de voir comment la numérisation peut être encouragée dans les hautes écoles; de tenir compte des développements mondiaux. Quel conseiller fédéral a le plus de followers sur Twitter? Alain Berset (99 000), suivi de Johann Schneider-Ammann (23 000) et d’Ignazio Cassis (8234). Les autres twittent par le biais du compte de leur département. Quel Suisse compte le plus de followers? Roger Federer: il est suivi par 5,2 millions de personnes sur Instagram, par 12,3 millions sur Twitter, par 14,5 millions sur Facebook.
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Désormais, il bafouille Après les scandales du détournement de données, des fake-news et des théories du complot, la réputation de Facebook est esquintée. Le réseau social affronte une sérieuse épreuve de vérité. Adrian Meyer
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Photo: Ruaridh Stewart/ZUMA/Dukas
Les données ont été et restent l’huile qui fait marcher la machine.
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u connais Facebook?» demanda-t-elle au moment de s’en aller. Après cette soirée sympa dans un bar de Barcelone, on ne devait jamais se revoir. Elle était une «backpacker» américaine, moi je sillonnais l’Espagne en train. Et c’est alors qu’elle a prononcé ces mots. Je n’avais aucune idée de ce qu’était «un Facebook». On était en 2007 et, à l’époque, seuls des nerfs savaient ce qu’étaient les réseaux sociaux. Elle m’a donc envoyé une invitation. Curieux, je me suis inscrit. Et je me suis relié à des gens dont je n’avais qu’une adresse courriel et des souvenirs de bons moments mais avec qui je n’avais pas maintenu le contact. Inopinément, je pouvais guigner dans leur vie quotidienne par une fenêtre numérique: ils parlaient de leurs soucis, de leurs désirs, parfois avec une photo en général floue. Ce n’était pas encore la HD. Bientôt les amis s’annonçaient en nombre croissant. Nous nous écrivions mutuellement des sottises ou des news dans la timeline qui, alors s’appelait encore le mur. Dans les messages d’état, nous parlions de nous à la troisième personne: «Adrian est malade» ou «Adrian se réjouit de son week-end à Londres». C’étaient pour l’essentiel des messages banals balancés à un journal numérique. Ils témoignent de la naïveté du néophyte, de l’usage insouciant de Facebook à qui on confiait sa vie privée sans penser au détournement de données, à la sphère privée, aux fake-news ni aux théories du complot. On dirait qu’il s’est passé une éternité. Or Facebook n’a même pas 15 ans. Ce qui était au début un annuaire numérique pour étudiants de Harvard est très vite devenu le plus grand réseau social du monde avec plus de 2 milliards d’utilisateurs actifs. Un nombre inimaginable. Une croissance rapide a toujours été à la base du modèle d’affaires de Facebook, conformément à la première devise de l’entreprise: «Move fast and break things». Depuis l’IPO de 2012, le nombre d’utilisateurs de Facebook a grimpé de 1 à 2,2 milliards et le
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AR Video: C’est ainsi que Mark Zuckerberg s’est défendu devant le Sénat.
chiffre d’affaires de 5 à 40 milliards de dollars. Facebook a racheté le réseau photo Instagram, le service de messagerie Whatsapp et le fabricant de lunettes de réalité virtuelle Oculus VR. Le cours de l’action s’est hissé de 38 dollars à un plus haut de 210 dollars en juillet de cette année. En bourse, Facebook était alors valorisé à 630 milliards de dollars. Mais, dans sa quête de nouveaux utilisateurs, le site s’est pris les pieds dans le tapis. Le réseau d’amis s’est mué en diffuseur de fake-news et de théories du complot, en repaire de discours haineux et de violences. Le directeur général Mark
Zuckerberg a même toléré les négateurs de l’Holocauste. Dans une récente interview, il disait que l’on était légitimé à affirmer le faux pourvu qu’on ne le fasse pas intentionnellement et qu’il n’y ait pas d’appel à la violence. Sa prétendue théorie de la neutralité et le prétexte de la liberté d’expression recèle un calcul: on gagne aussi des revenus publicitaires avec de fausses nouvelles et des campagnes de dénigrement. Ses contempteurs reprochent à Zuckerberg son opportunisme moral et sa lâcheté face à des actionnaires qui ne veulent qu’un chose: que le réseau continue de croître. Les données des utilisateurs étaient l’huile qui faisait fonctionner les rouages de la machine. Accumuler un maxi-
mum d’informations sur un maximum d’utilisateurs pour leur servir de la publicité ciblée: tel est le cœur d’activité de Facebook. Protéger les données est devenu accessoire. Pour trouver ce que Facebook sait vraiment de moi, j’ai requis les informations qu’il détient sur moi. J’ai reçu un dossier téléchargeable de 340 mégabytes avec quelque 3000 fichiers de données. Il contient tous les «likes» que j’ai exprimés pendant onze ans, tous les commentaires que j’ai écrits, toutes les photos que j’ai postées. Au moment de farfouiller dans ces vieux messages et mises à jour de statut, je suis envahi par un sentiment étrange. C’est moins la quantité de données collectées qui m’effraie. Je n’étais pas assez naïf pour croire que Facebook oubliait mes données. J’ai toujours su que lorsque quelque chose est gratuit, c’est que tu es le produit.
Non, le coup d’œil sur mon moi passé m’est désagréable: je suis péniblement touché par mes soucis de l’époque, les messages restés sans réponse au nirvana numérique, le langage branché depuis longtemps obsolète. On les lit comme le journal intime périmé de l’adolescence. Etait-ce vraiment moi? Curieux, je clique sur le dossier intitulé «A propos de toi». Je m’attends à une analyse approfondie de l’appréciation que Facebook me consacre,
tection des données la responsable de la perte d’utilisateurs. Or le ras-le-bol se manifestait depuis longtemps. Presque plus personne n’écrivait encore quelque chose de personnel, seuls les narcisses impénitents apparaissent encore dans la timeline. Pour le reste, presque que des vidéos «likées» de pages de news, de célébrités et d’entreprises. La plupart des amis demeuraient muets ou invisibles. Le fait que Facebook ne se préoccupe que d’entreprises et d’annonceurs et bien moins des utilisateurs était devenu patent. Lors de
à la pub qui me convient, à la personnalité qu’on m’attribue. Mais il est simplement écrit: «Vie d’adulte bien établie». Il m’apparaît que Facebook en sait sûrement plus que ce qu’il me fait miroiter. Le fait est que c’est un énorme détournement de données qui a fait bégayer cette machine bien huilée pour la première fois: en mars, on apprenait que l’entreprise d’analyse de données britannique Cambridge Analy-
les utilisateurs ont massivement appelé au boycott. Zuckerberg a dû témoigner en personne devant le Congrès américain. Il s’est montré repentant, s’est excusé et a promis d’améliorer la protection des données. Dans un premier temps, il a semblé que le scandale affecterait peu les affaires de Facebook: l’action s’est vite reprise et a atteint des niveaux de record. La machine continuait de tourner. Le grand clash s’est produit quatre mois plus tard, en juillet: Facebook a présenté ses chiffres du trimestre et perdu d’une coup 150 milliards de dollars de valeur boursière. L’action s’est effondrée d’un quart. Ce fut le plus impressionnant naufrage boursier de l’histoire, quand bien même Facebook réalisait un bénéfice de 5 milliards. Problème: non seulement le chiffre d’affaires mais aussi le nombre d’utilisateurs actifs stagnait pour la première fois. En Europe, il reculait même: 3 millions d’utilisateurs quotidiens ont quitté Facebook. Ces chiffres indiquent un malaise croissant face au réseau social, notamment en Europe où les soucis quant à la protection des données sont plus grands. Facebook voit d’ailleurs dans l’ordonnance de l’UE sur la pro-
Photo: Imago/Xinhua
Facebook s’intéresse à ses annonceurs, pas à ses utilisateurs. tica avait utilisé sans autorisation les données de quelque 87 millions de profils Facebook pour influencer l’opinion publique lors de l’élection présidentielle américaine et le vote sur le Brexit en faisant de la publicité électorale illicite. Facebook le savait depuis 2015 mais n’a pas informé les utilisateurs. Au fil des révélations, Facebook a perdu 50 milliards de dollars en bourse. Avec le mouvement #deletefacebook,
l’IPO il y a six ans, Mark Zuckerberg écrivait qu’avec Facebook il voulait «rendre le monde plus ouvert et plus connecté». Mais cette foi en l’amélioration de la planète l’a rendu aveugle au fait que son réseau devenait un monstre à peine maîtrisable. Au lieu de rendre le monde plus ouvert sont nées des bulles de filtres. Les dictatures exploitent le réseau pour leur propagande, des gouvernements étrangers tentent d’influencer des élections. Au lieu que les gens entrent en relation, des discours haineux se diffusent, comme au Myanmar où ils ont débouché sur de réelles violences. Là-bas, cela fait des années qu’est entretenu sur Facebook un climat antimusulman sans que Facebook ne réagisse jamais. En Allemagne aussi, les fake-news sur Facebook ont engendré des agressions contre les réfugiés, comme l’indique une étude. Jusqu’ici, Zuckerberg s’est disculpé en prétendant n’être qu’une plateforme, non responsable des contenus. Il a ainsi pu poursuivre l’âme en paix son énorme rythme de croissance. Devant le Sénat, il disait: «Nous sommes responsables du contenu mais ne produisons pas le contenu.» La pression exercée sur Facebook pour prendre enfin au sérieux les besoins de ses utilisateurs a beaucoup augmenté depuis le scandale des données. Zuckerberg a promis d’investir dans la protection des données et d’empêcher les manipulations. Il entend lutter davantage contre les discours haineux et les fausses informations. En outre, les utilisateurs devraient à nouveau figurer au centre des préoccupations: plus de photos personnelles d’amis, moins d’informations ; plus de photos de chats, moins de vidéos. Un pas en arrière vers les racines, donc. Depuis juillet, Facebook plaide dans une vaste campagne d’image pour un «Facebook plus progressiste, meilleur». Sur
le ton mielleux habituel, le réseau social s’excuse, admet les erreurs et promet d’amé-
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liorer son traitement des données. Les critiques décrivent cette démarche comme de la cosmétique. Mark Zuckerberg a promis au début de l’année déjà de «réparer» Facebook, avant le scandale des données. Mais une telle restructuration coûte beaucoup d’argent. Zuckerberg entend investir jusqu’à 60 % de plus dans la sécurité des données, le marketing et les contenus. Mais cela énerve les investisseurs qui misent toujours sur de hauts rendements et une croissance accélérée. L’an 2018 s’avère pour Facebook comme le plus difficile de sa jeune histoire. Le groupe est à la croisée des chemins: s’il fait le ménage, il doit abandonner la politique de croissance rapide; s’il continue comme jusqu’ici, il risque de perdre encore plus d’utilisateurs. Car l’image de Facebook a fortement souffert ces derniers mois. Pour les jeunes utilisateurs surtout, le plus grand réseau social est tout simplement mort. En Suisse, en un an, Facebook a perdu un quart de ses utilisateurs de moins de 20 ans. La
plupart ont déménagé sur d’autres plateformes. Les messages personnels, on se les envoie sur Whatsapp, les photos sur Instagram. Là, on a le sentiment d’être entre soi. Encore. Alors que les années de vaches grasses sont passées pour Facebook, le groupe se concentre évidemment sur ses filiales. Elles recèlent aussi un énorme potentiel de ressources publicitaires. En plus, Facebook continue de croître en Asie-Pacifique. Le réseau ne disparaîtra pas de sitôt. Il est trop grand pour ça et sa force de frappe publicitaire est énorme. Moi-même, je n’ai pas encore quitté Facebook. Je suis certes devenu plus muet, je ne me logue pas tous les jours. Mais je ne veux pas prononcer un adieu définitif. Car peut-être qu’un jour il redeviendra utile.
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Lorenz Keller, expert chez Blick, explique: il est tout simple de protéger vos données.
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«Vos données n Facebook? Google? Pas si terribles. Spécialiste des données, Florent Thouvenin suggère que la protection des données soit radicalement repensée. Sermîn Faki Vous trouvez que nos données sont trop protégées. La plupart des gens vous contrediraient. On ne parle pas d’un excès de protection des données mais d’une fausse protection des données. Celle-ci se fonde sur l’idée qu’il est dangereux que l’Etat ou les entreprises exploitent nos données. C’est pourquoi le processus de traitement est réglementé depuis le moment où des données sont saisies jusqu’à celui où elles sont annulées. C’est une mauvaise approche. Pourquoi? Mes données m’appartiennent. Non, d’un point de vue juridique, elles ne sont pas à vous. Mais il faudrait. Au contraire, ce serait dangereux. Comment? Si vous étiez propriétaire de vos données, vous pourriez les vendre. Et l’acheteur pourrait alors en disposer librement, y compris contre vous. Vous voyez: le fait que ces données ne vous appartiennent pas vous confère une certaine protection. Mais pas la loi sur la protection des données? Les conceptions de la protection des données actuelle remontent aux années 1970. Mais depuis le monde a beaucoup changé. Et également ce que nous entendons par sphère privée. La sphère privée est certes importante face aux personnes que nous connaissons mais, lorsque ma recherche Google atterrit sur Dieu sait quel serveur, au fond ça m’est égal, de même
qu’à beaucoup d’autres. Du moins tant que n’importe qui de mes connaissances ne peut y accéder.
Mais le fait que des accapareurs de données comme Google, Facebook, Amazon et les autres en sachent autant sur moi me dérange … Un peu seulement. Car ils ne mordent pas. On ne parle justement pas de ce qui figure sur Dieu sait quel serveur mais des conséquences pour moi: serai-je discriminé à cause de mes données? m’interdira-t-on d’aller dans tel ou tel pays? Ce serait un problème. Au lieu de réglementer le processus de traitement des données, c’est ici que la protection des données devrait intervenir. Mais j’ignore ce que les entreprises font de mes données! D’ailleurs pourquoi devraient-elles les enregistrer? Parce que vous avez donné votre accord. Et parce que ça leur est utile. Le fait, par exemple, que vos résultats de recherche soient si bons tient au fait que Google possède toutes ces données. Cela dit, il est vrai que nous n’en savons pas assez sur ce qui est fait de nos données. La Loi sur la protection des données exige certes de la transparence, mais cette dernière reste la grande absente. C’est ce qu’a montré le scandale Facebook. Oui, tous ces scandales sont liés au fait qu’on ne dit au gens qu’a posteriori quel usage sera fait de leurs données. Reste que dans deux ou trois mois cela n’intéressera plus grand monde.
s ne sont pas à vous!» Pardon? C’est l’erreur de la protection des données actuelle. Elle part de l’idée qu’il nous importe de pouvoir contrôler ce qu’il advient de nos données. Or, dans nos rapports interpersonnels, nous n’avons pas non plus ce contrôle. Vous ne maîtrisez pas l’usage que je fais des données que mon cerveau est en train de collecter sur vous. Oui, mais j’ai le contrôle sur ce que je vous dis. Bien sûr, mais vous ne pouvez pas contrôler ce que je fais de cette information. En principe, le droit n’intervient qu’à partir du moment où vous subissez un inconvénient concret. Le droit de la protection des données est différent: il ne part pas d’un problème concret mais réglemente un processus en pensant minimiser ainsi un risque d’inconvénient ou de dommage. Sans même savoir ce que cet inconvénient pourrait être.
Photo: Anja Wurm
De quels problèmes concrets parle-t-on? Par exemple de la question des prix individualisés. Nous connaissons tous cela par les prix des vols qui changent à tout instant. Peut-être parce que le site constate que je cherche pour la troisième fois un vol pour Madrid. Du coup, l’algorithme rend le vol plus cher. Ce n’est pas honnête. Exactement. La plupart des gens jugent cela discriminant. Aussi aucune entreprise n’admettra-t-elle qu’elle le fait. Mais je peux aussi prendre les choses dans l’autre sens: alors que je peux payer 200 francs
pour un vol, un autre ne peut pas se le permettre. Il pourrait peut-être mettre 120 francs. Ce traitement différencié est-il injuste ou, au contraire, honnête? J’admets que, dans l’ensemble, c’est de la musique d’avenir mais il se pourrait que bientôt les supermarchés fixent le prix d’un produit à la tête du client.
C’est une niche pour les gens qui ont peu de sous et iront acheter pour les riches! Les systèmes remarqueraient que la retraitée AVS ou l’étudiant n’achètent pas pour eux. La question centrale est de savoir s’il est juste de demander des prix différents à des gens pourvus de revenus différents. Cela, la loi sur la protection des données l’occulte complètement. Avec une telle approche, un grand potentiel de la numérisation est anéanti. Par exemple? La médecine. Ce que votre médecin vous prescrit aujourd’hui fonctionne pour une moyenne. Mais quelle dose de quel médicament fonctionne pour vous? Quelle quantité de vin rouge vous sied-elle personnellement? Il y a sur ce point un potentiel énorme fondé sur nos données, mais nous ne l’exploitons que beaucoup trop peu. Le droit de la protection des données supprime ici beaucoup d’opportunités de prévenir des risques qu’il ne connaît pas le moins du monde.
Florent Thouvenin Florent Thouvenin, 42 ans, est spécialiste de la protection des données. Ce Zurichois est depuis 2016 professeur de droit de l’information et de la communication à l’Université de Zurich. Il y pratique surtout la recherche sur la protection de la sphère privée dans la société numérique.
Mais il existe aussi un risque d’abus. Bien sûr. Et c’est de ça que la loi doit protéger. Il faut de la transparence et l’assurance que les données ne finissent pas entre de mauvaises mains. Ces deux aspects sont actuellement réglés par la loi sur la protection des données. Mais insuffisamment mis en œuvre.
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Vidéo: voici comment Ringier traite vos données.
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En collaboration avec ABB
Une tâche pour YuMi Hawa Sliding Solutions AG a un nouvel employé. A Sirnach (TG), le robot à deux bras YuMi assemble des éléments de porte pour l’entreprise. Un collègue avec potentiel. Max Fischer
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ous les chefs rêvent de YuMi. Il ne fait jamais d’erreur, n’est jamais malade, il ne se fatigue pas au travail, et en plus il est sympa. YuMi est dans l’équipe de Peter Möller. Le responsable du domaine exploitation & logistique chez Hawa Sliding Solutions explique: «Nous avons évalué avec ABB dans quels domaines de la fabrication l’automatisation est raisonnable». L’objectif était d’augmenter le débit de production et de libérer des ressources. Les experts ont rapidement trouvé ce qu’ils cherchaient, avec le montage simple d’élé-
ments d’arrêt pour portes coulissantes. Un coup d’œil dans l’atelier laisse apparaître un processus d’assemblage monotone. Saisir une pièce de la main gauche et la mettre sur sa contrepartie tenue dans la main droite. Puis insérer le système de boulonnage dans les deux. «Juste bonne pour YuMi», explique Peter Möller. «Avec sa capacité de préhension maximale de 500 grammes par bras, le robot est donc adapté aux pièces légères». YuMi a été lancé il y a trois ans par ABB, leader technologique mondial. Il a été développé principalement pour l’assemblage de
petites pièces dans l’industrie électrique, comme les montres, les tablettes ou les téléphones portables, mais aussi dans la production, par exemple l’assemblage de petites pièces pour ferrures coulissantes de meubles
La numérisation redonne son lustre a L’automatisation le permet! La production revient en Suisse. L’exemple de Wander.
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ous les enfants connaissent l’«Ovo». L’entreprise Wander, qui fabrique la marque culte Ovomaltine, a installé la production d’un de ses produits phares dans la région bernoise. Depuis fin 2016, la pâte à tartiner Ovomaltine Crunchy Cream est produite à Neuenegg. Lancé il y a environ dix ans, le produit était à l’origine fabriqué en Belgique. Mais la poudre Ovomaltine devait être importée de Suisse en Belgique. Cela prenait du temps et coûtait cher.
Un système de contrôle de processus entièrement automatique et un robot d’ABB ont permis de rapatrier le produit en Suisse. Le cœur de l’installation, un moulin à billes ultramoderne, est mû par un moteur électrique de 100 kilowatts d’ABB. Wander a investi plus de 10 millions de francs dans la nouvelle usine, qui produit 50 000 pots par jour. Trois personnes suffisent par quart de travail, un personnel spécialisé formé depuis longtemps par Wander. L’exemple montre que l’automatisation permet aux entreprises
Efficace, sûr, polyvalent: le YuMi d’ABB a été créé pour le montage de petites pièces.
chez Hawa Sliding Solutions. Particularité: les employés d’Hawa programment le robot eux-mêmes. «Nous avons formé une équipe d’automatisation, qui a acquis le savoir-faire nécessaire dans les cours de formation
d’ABB», explique Henri Schildknecht, responsable d’équipe construction des outils. Autre particularité: des caméras peuvent être intégrées dans les pinces du robot. Grâce au traitement de l’image, YuMi peut désormais
aussi «voir». Chez Hawa Sliding Solutions, les caméras sont également utilisées pour le contrôle qualité: «YuMi compare les pièces fabriquées avec des images de référence des éléments correctement assemblés». S’il y
Photo: ABB
e au site industriel suisse d’à nouveau produire bon marché en Suisse. Certes, elles nécessitent moins d’employés, mais elles achètent leurs infrastructures et leurs équipements ici. Et elles procurent leurs réalisations passées et leurs services en Suisse. Cela créée des emplois et garantit une valeur ajoutée auprès de tiers. «Avec les solutions d’automatisation d’ABB, nous avons fait de bonnes expériences dans les autres installations de production à Neuenegg», dit Xavier Ducousso, responsable de production chez Wander.
Le plus: avec les données du système, les responsables peuvent en tout temps suivre tous les flux de matières et les adapter. Par exemple, le rythme de l’agitateur dans le mélangeur. La précision avec laquelle se déroule le processus dans le moindre détail est cruciale, pour que la qualité, la consistance et la saveur d’Ovomaltine Crunchy Cream soient toujours les mêmes. Un point important pour l’entreprise. Chef du département d’audit de l’entreprise et société de conseil
KPMG, Stefan Pfister part du principe qu’à l’avenir, le travail «numérique» ne coûtera que le tiers de ce qu’il coûte actuellement dans les pays à bas salaires. Dans le dernier sondage des chefs d’entreprise au niveau mondial de KPMG, contrairement à l’opinion la plus répandue, 62 % des managers partent du principe que l’intégration progressive de l’intelligence artificielle créera plus de nouveaux emplois que les activités traditionnelles en supprimeront.
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En collaboration avec ABB
YuMi au travail: chez Hawa Sliding Solutions AG, le robot intelligent assemble des éléments de porte.
a une divergence, il pousse la pièce au rebut. Ce qu’Hawa apprécie, c’est l’extrême flexibilité de YuMi. Le robot ne pesant que 38 kg, il peut être retiré de son poste de travail en quelques minutes. Peter Möller a de grands projets pour le petit: «La prochaine étape est de programmer YuMi pour d’autres stations, afin d’étendre sa zone opérationnelle». Selon la tâche, une coopération directe avec les collaborateurs est également envisageable. L’avantage: YuMi est fait pour coexister en toute sécurité. En effet, il est le premier robot à deux bras véritablement collaboratif au monde. S’il enregistre un contact inattendu, il arrête ses mouvements en quelques millisecondes. Et ce n’est pas tout: le rembourrage de protection souple est conçu de sorte à exclure le piégeage des parties du corps. C’est pourquoi YuMi n’a pas besoin de faisceaux lumineux et de barrières, usuelles pour les robots industriels. Peter Möller estime l’engagement de YuMi utile: «Nous pouvons renforcer notre position sur le marché avec des solutions d’automatisation bien pensées et renforcer nos deux sites suisses», souligne-t-il. «L’intégration du robot est un pas important dans cette direction. Nous apprécions notre YuMi!». L’exemple du canton de Thurgovie montre que la coopération avec des robots collaboratifs permet d’accélérer le processus de travail, d’améliorer les produits et de rendre les emplois plus sûrs. Et bien plus passionnants puisque YuMi effectue les travaux monotones.
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Le logement de sur leur télépho L’habitat intelligent ne fait sens et plaisir que pour la troisième partie de vie. Les systèmes domotiques modernes facilitent l’autonomie des personnes âgées. Max Fischer
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ous vous êtes sûrement déjà énervé à propos du bordereau de livraison jaune de La Poste. C’est du passé. Lorsque le facteur sonne à votre porte et que vous n’êtes pas à la maison, il vous appelle sur votre téléphone portable. Vous pouvez alors voir votre facteur à l’écran, puis ouvrir la porte de votre garage avec votre smartphone, et le facteur peut y déposer le paquet. Du bureau ou de la plage, vous refermez votre garage en un seul clic.
«Nous pouvons tout faire fonctionner depuis le canapé, c’est super.»
Ce qui paraît être de la science-fiction, est déjà une réalité aujourd’hui. Les systèmes domotiques d’ABB facilitent la vie des jeunes et l’autonomie des personnes âgées. Par
exemple, Daniel Berner et Marianne Oesch Berner. Tous deux retraités, ils ont emménagé dans leur nouveau logement fin 2017. Et ce n’est pas un EMS, bien au contraire. Leur nouveau domicile est une maison intelligente ultramoderne bonacasa, numériquement connectée, construite à Utzensdorf (BE): bonacasa est le leader suisse du marché de l’habitat avec domotique connectée, services résidentiels individuels et architecture durable. «Pour l’instant, nous sommes en pleine forme, nous sommes autonomes et n’avons besoin d’aucun soutien. Mais le jour où nous ne pourrons plus faire le ménage nous-mêmes, nous serons contents de pouvoir compter sur un soutien», explique Marianne Oesch Berner. Elle a raison. Les habitants d’un appartement bonacasa
peuvent demander les services d’un majordome comme à l’hôtel. Le service par téléphone organise par exemple un personnel de nettoyage, un artisan ou commande un taxi devant la maison. Le concierge nourrit le chat, aère l’appartement pendant les vacances, et débarrasse les habitants âgés de leurs lourds paquets de vieux journaux. En cas d’urgence, la centrale d’appel répond 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Et les Berner
des Berner hone portable basse qu’au salon». Très agréable: la zone d’entrée peut être surveillée par transmission vidéo sur l’écran du téléphone portable, et la porte d’entrée peut être ouverte d’un simple clic. Si vous avez tendance à oublier des choses en vieillissant, pas de souci chez bonacasa: la fonction goodbye éteint automatiquement les fers à repasser ou les fours. Les détecteurs de fumée et d’eau offrent une sécurité supplémentaire. Une simple pression sur un bouton crée la bonne atmosphère: les solutions smart-home créent la bonne lumière pour travailler ou pour traîner devant la TV. L’assistante linguistique Alexa ne comprend pas seulement «Eteindre toutes les lumières», mais répond même par «OK. Toutes les lampes sont éteintes». L’interrupteur confort allume et éteint la lumière de manière autonome dès qu’il enregistre un mouvement. Il n’y a pas de raison de chauffer la maison quand personne n’y est. Les habitants peuvent définir leur profil de chauffage selon leur routine quotidienne, individuellement pour chaque chambre.
Illustration: Shutterstock
commandent le repas de midi par application. Pratique pour les plus jeunes et les plus vieux: tous les appartements sont conçus sans seuil ni marche. C’est un gros avantage pour les personnes âgées ou handicapées, mais aussi pour les familles avec enfants.
C’est le système domotique moderne ABBfree@home qui enthousiasme le plus Daniel Berner. «Il me permet de configurer la lumière, les stores, et le chauffage dans tout
l’appartement», souligne l’ingénieur à la retraite. Cela fonctionne ainsi: il allume la lumière par smartphone, baisse les stores, sans se lever du canapé. Des neurones à la place des biceps? «Mais non, la configuration n’était pas si compliquée», dit modestement Daniel Berner. Le hit: «Chaque pièce peut être pilotée individuellement», s’enthousiasme-t-il. «Notre température de confort dans la chambre est d’un à deux degrés plus
Daniel Berner est convaincu que la technologie l’aidera de plus en plus avec l’âge. Autrefois, il devait péniblement remonter les lourds stores à la manivelle. «Désormais, j’appuie sur l’écran de mon téléphone portable». Il sait par ses connaissances que beaucoup de personnes craignent la technologie. «Mais la configuration n’était pas si compliquée», souligne-t-il. Il est convaincu que «les appareils et systèmes connectés numériquement prolongent la période pendant laquelle une personne peut vivre de façon autonome à la maison». En ménageant le porte-monnaie et l’environnement: le système domotique développé par ABB, leader mondial de cette technologie, réduit considérablement la consommation d’énergie.
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En collaboration avec ABB
«Un meilleur avenir devant nous» CEO d’ABB, Ulrich Spiesshofer évoque les conséquences et les opportunités de la numérisation pour notre société.
Dans le domaine de la production aussi, nous parlons d’une quatrième révolution industrielle, digitale. Pour l’industrie, en particulier dans un pays à hauts salaires comme la Suisse, la révolution digitale est une excellente occasion d’assurer sa compétitivité à long terme. Elle peut être considérée comme la principale condition pour préserver la compétitivité existante et développer de nouveaux modèles et opportunités d’affaires. Nous sommes en pleine révolution industrielle, plus rapide et plus radicale que toutes les précédentes. Nous devons donc agir rapidement et de manière responsable; utiliser les possibilités offertes par la numérisation pour assurer l’avenir.
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Pouvez-vous donner des exemples de création d’une telle valeur numérique? Notre gamme unique de solutions numériques, «ABB Ability», offre à nos clients les possibilités de la numérisation dans les usines et les processus. Cela nous permettra de planifier et mettre en service les installations plus rapidement et mieux, et ainsi d’accroître encore la productivité de l’entreprise. Nous créons de nouveaux profils professionnels, dans le système dual avec la formation par apprentissage, et dans le domaine de l’ingénierie notamment. Un bon exemple est le capteur intelligent les moteurs électriques industriels, développé en colla boration avec le groupe Swatch, et sa solution de maintenance à distance. Avec cette solution, nous réduisons les temps d’arrêt de plus de moitié, tout en augmen tant l’efficacité énergétique et l’espérance de vie des moteurs. C’est bon pour nos clients, pour l’environnement et pour la sauvegarde des emplois. Un autre exemple est notre leadership technologique pour les solutions robo tiques. Par l’utilisation ciblée de simula tions 3D dans la planification, et d’intelli gence artificielle et de télémaintenance en entreprise, nous pouvons également améliorer la compétitivité de nos clients, et faire baisser les réticences à l’utili sation de solutions robotisées, spéciale ment pour les petites et moyennes
«Pour l’industrie, la révolution digitale est une excellente occasion d’assurer sa compétitivité à long terme.»
entreprises, nombreuses en Suisse. Dans l’interaction homme-robots, nous créons de la compétitivité, de la croissance et de l’emploi.
Les travailleurs qualifiés deviendront-ils bientôt inutiles, parce que les robots seront de plus en plus nombreux à faire le travail? Je comprends que beaucoup de gens s’inquiètent. Le fait est que les pays ayant la plus forte densité de robots ont les taux de chômage les plus bas. C’est avec cette compréhension que nous devons façonner activement l’avenir.
Photo: ABB
Cette année, le Digital Day pose la question de savoir si et comment la numérisation va changer notre monde. Comment vivez-vous ce changement? Ulrich Spiesshofer: nous sommes en plein changement mondial, la numérisa tion nous accompagne quotidiennement en maints lieux. Nous effectuons déjà nos tâches sur smartphones, tablettes et PC synchronisés, regardons notre film préféré quand nous le voulons via un service de streaming, et faisons nos opérations bancaires en ligne. Nous vivons tous quotidiennement de près de changement numérique et les nombreux avantages s’y rattachant.
Photo: ABB
nouvelles places de travail et contribue à réduire la pollution de l’environnement, puisque moins de produits doivent être transportés par bateaux sur les océans. Autre conséquence: les experts prévoient jusqu’à 890 millions de nouveaux emplois créés par les nouvelles technologies, des développeurs web ou analystes de big data, aux journalistes de médias sociaux.
Chaque travailleur en usine doit-il devenir un immigrant numérique? Non. J’ai déjà souligné que les pays les plus robotisés font aussi partie de ceux ayant les taux de chômage les plus bas, l’Allemagne par exemple, mais aussi la Corée du Sud ou le Japon. Aux Etats-Unis, où environ 100 000 nouveaux robots ont été mis en fonction ces cinq dernières années, 270 000 nouvelles places de travail ont été créées au cours de la même période dans la production, donc plus de deux emplois par robots!
Nous aurons toujours besoin d’une main-d’œuvre bien formée, en particulier d’apprentis et de travailleurs qualifiés. Les profils de formation sont en train de changer bien sûr, comme par le passé. Nous devons jouer un rôle actif comme entreprise responsable avec les institutions de formation. Quand je suis dans notre centre de formation des apprentis, je m’émerveille de voir comment nos enseignants réussissent déjà aujourd’hui à enthousiasmer des jeunes, mais aussi des employés participant aux cours de formation.
Mais les études montrent que l’automatisation détruit aussi des emplois. Les activités professionnelles ont changé tout au long de l’histoire industrielle et continueront à changer. Nous devons jouer un rôle actif à cet égard. Dans la combinaison entre la robotique et l’automatisation notamment, les personnes bien formées ont des opportunités. Par exemple, nous avons récemment rapatrié de Chine la production d’une petite entreprise, car la nouvelle formule «homme et robots» permet d’organiser en Suisse une production aux coûts compétitifs. Ce «reshoring» crée de
Nos sociétés sont-elles suffisamment équipées pour ces bouleversements durables? Vous parlez ici d’une tâche importante pour tous les responsables politiques, d’entreprises et de formation. Je continuerai à m’engager à fond pour que nos concepts de formation soient repensés et développés. Il faut écouter les gens, les informer, et les emmener dans le voyage vers le futur. Le monde du travail change si vite qu’aujourd’hui tout le monde doit avoir accès à la formation tout au long de sa vie. Les offres et les formats de formation doivent être orientés vers la numérisation, et les compétences numériques promues. Avec son système de formation duale exemplaire et son marché de l’emploi flexible, la Suisse a d’excellentes cartes en mains dans la concurrence internationale. Si nous les jouons bien et utilisons les nouvelles techniques de manière responsable, nous continuerons à créer une Suisse compétitive dans le nouveau modèle de prospérité et assurons l’emploi.
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En collaboration avec ABB
Un e-tigre dans le réservoir
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Innovation et durabilité: pour ABB, la formule E est la vitrine parfaite pour montrer son rôle de leader dans l’e-mobilité.
ABB Championnat FIA de Formule E réunit la haute technologie, le sport et la conscience environnementale. Pour Ulrich Spiesshofer, CEO d’ABB, les choses sont claires: «La mobilité électrique s’imposera aussi pour les voitures». Avec ses systèmes de charge rapide, ABB joue un important rôle moteur. Cet été, la station de charge la plus rapide du monde a été mise en service en première Suisse sur l’aire de service autoroutière de Neuenkirch (LU). Peu après, l’aire de service du Saint-Gothard à Erstfeld a aussi été équipée dans chaque direction de quatre chargeurs ultrarapides Terra HP d’ABB. HP signifie «High Power». Le bloc d’alimentation fournit 350 kilowatts de puissance. Huit minutes de charge pour parcourir 200 kilomètres en voiture électrique, c’est presque comme faire le plein d’essence avec une voiture conventionnelle. Cette borne de recharge est la réponse d’ABB à tous ceux qui pensent que les voitures électriques prennent plus de temps à charger qu’elles n’en passent sur la route. Environ 8000 stations de charge rapide d’ABB ont déjà été installées dans 70 pays. Ces stations de charge sont de plus en plus performantes, une tendance positive pour la durabilité. Mais cela montre aussi la nécessité
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de ne pas surcharger les actuels réseaux électriques locaux avec des voitures électriques chargées simultanément. Les stations de charge doivent donc communiquer entre elles et avec la gestion du réseau, ce qui est possible grâce au réseau numérique complet: des solutions numériques regroupées dans la gamme «ABB Ability». L’entreprise technologique propose aussi des solutions innovantes pour électrifier bus, chemins de fer, téléphériques et bateaux. Dans l’exemple du bus électrique de Tosa en service à Genève, le système de charge éclair nécessite moins d’une seconde pour relier le bus à la station de charge. Pendant que les passagers sortent et entrent, l’autobus se charge de 600 kilowatts en 15 secondes. Treize stations de charge rapide sont installées aux arrêts de la ligne de banlieue. Par rapport aux trolleybus diesel utilisés auparavant, Genève économise jusqu’à 1000 tonnes de dioxyde de carbone par an. ABB fabrique également le système de propulsion de navires le plus efficace au monde, utilisé sur l’océan. Il a permis à une centaine de brise-glace, de navires de recherche et de ferries de réduire leurs gaz à effet de serre et leur consommation d’énergie jusqu’à 25 %.
8 minutes, 200 km: Terra HP est la station de charge la plus rapide au monde.
Econome: Genève économise 1000 tonnes de CO2 grâce au bus électrique de Tosa.
— Pionnière de l’automatisation industrielle avec une technologie numérique performante pour l’industrie suisse. Désormais installée à Neuenegg dans le canton de Berne plutôt qu’à l’étranger, la production d’Ovomaltine Crunchy Cream a été rapatriée en Suisse. Ce produit à succès de la société Wander S.A. est maintenant fabriqué sur des lignes de production automatisées d’ABB. Ainsi, l’industrie nationale est renforcée par le savoir-faire numérique grâce à ABB Ability ™, la plateforme technologique innovante d’ABB. Let’s write the future. Together.
“EY” refers to Ernst & Young Ltd, Basel, a member firm of Ernst & Young Global Limited, London, a UK company limited by guarantee. ED None. MUK 1809-173
De nouvelles perspectives peuvent-elles naître de marchés en pleine mutation ?
ey.com/betterworkingworld #BetterQuestions
«Je crains bien plus les effets – prévus ou imprévus – causés par les artisans de l’IA que le fait qu’elle pourrait suivre son propore agenda.» Kate Darling, éthicienne en robotique au MIT
Photos: Joyelle West, Fabrice Coffrini/AFP, Tom Dymond/REX/Dukas
Intelligence artificielle Un bien ou un mal?
«Nous devons, ensemble et chacun de son côté, formuler les scrupules éthiques et moraux suscités par des innovations telles que l’intelligence artificielle ou la biotech.» Klaus Schwab, fondateur du WEF
«Le développement d’une véritable intelligence artificielle pourrait signifier la fin de l’humanité. Elle continuerait à se développer toujours plus vite toute seule. Les humains, qui sont liés au rythme de l’évolution, ne pourraient pas suivre.» Stephen Hawking, astrophysicien
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«A mon avis, la compétition pour la suprématie en matière d’IA au niveau national sera le déclencheur le plus probable de la Troisième guerre mondiale.» Elon Musk, fondateur Tesla
«On l’appelle intelligence artificielle mais la vérité est que cette technologie nous fera évoluer. Au lieu de l’intelligence artificielle, nous accroîtrons notre propre intelligence.» Ginni Rometty, PDG d’IBM
«Que nous soyons faits de carbone ou de silicium ne fait pas une différence fondamentale. Nous devons tous être traités avec respect.» Arthur C. Clarke, physicien et auteur de SF
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«L’intelligence artificielle est manifestement une intelligence transmise par des sujets conscients, une intelligence placée dans les objets. Elle a clairement sa source dans l’intelligence du créateur humain de telles machines.» Pape Benoît XVI
«On parle ni plus ni moins que d’humanisation de la technologie. L’intelligence artificielle doit être civilisée!» Philipp Thesen, professeur en interaction humain-système
«Diriger de manière innovante en matière d’intelligence artificielle, c’est s’acquérir la domination économique, puis politique et finalement géostratégique.» Mathias Döpfner, président du directoire Axel Springer
Photos: Krisztian Bocsi, Rolf Schulten, David Paul Morris/Bloomberg via Getty Images, Bachrach/Getty, Imago, Ben Baker/Redux/laif, Luis Enrique Ascui/Getty, Marina Rosa Weigl, Kim Kulish/Corbis via Getty Images, Andreas Pein/laif, Alexandra Wey/Keystone
«La vraie question n’est pas de savoir si les machines peuvent penser mais si les humains le font.» B. F. Skinner, psychologue américain
Luis Enrique Ascui/Getty, Marina Rosa Weigl, Kim Kulish/Corbis via Getty Images, Andreas Pein/laif, Alexandra Wey/Keystone
«Vous vous porteriez mieux si vous aviez toutes les informations du monde directement incluses dans votre cerveau ou dans un cerveau artificiel plus intelligent que votre propre cerveau.» Serge Brin, cofondateur Google
Jürgen Schmidhuber, directeur d’IDSIA
«La prochaine étape peut bien sûr être quelque chose qui réunit notre corps avec de la technologie, notre pensée avec un logiciel.» Miriam Meckel, publiciste
© UBS 2018. Tous droits réservés.
«Les intelligences artificielles entraîneront très probablement la fin du monde. Mais cela donnera de belles entreprises.» Sam Altman, entrepreneur et développeur d’IA
«Les humains ne disparaîtront pas à cause de l’IA. Ils ne seront simplement plus tellement importants.»
Bloquer ou autoriser les paiements en ligne pour certains pays. Grâce aux paramètres de sécurité personnels.
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Les trois questions de Davos AR
Photo: Gian Marco Castelberg
L’
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aventure a commencé dans les hautes que signifie 2025? Votre mission sera neiges de Davos. C’était en 2015, troialors terminée?» sième semaine de janvier. Nous sommes rentrés. Et avons tout de Lors du Forum économique mondial, suite entrepris de travailler sur digitalswitzerle WEF, aux petites tables basses de la land. Aujourd’hui, trois ans plus tard, cette pause j’avais préparé trois questions destimagnifique initiative compte 130 membres. nées aux patrons d’UBS, de Swisscom, des La plupart des grandes entreprises suisses CFF, de La Poste, d’EY, de Google, de Migros en font partie. Et en plus des institutions et de l’EPFZ. de formation et de recherche comme l’EPFZ Marc Walder, fondateur de digitalswitzerland Premièrement: la numérisation changeet l’EPFL, l’association économique faîtière et CEO de Ringier SA. ra-t-elle l’entreprise que tu diriges? economiesuisse ainsi que sept cantons. Deuxièmement: est-il important que la Le secrétariat compte désormais 14 collaSuisse demeure une place économique de borateurs à Zurich et Lausanne. Ils trapremier ordre? vaillent tous, inlassablement, à un objectif Troisièmement: adhérerais-tu à une initiative commun: faire de la Suisse une place numéqui entend faire de la Suisse un pays leader rique leader dans le monde. Promotion Formation et dans tous les secteurs de la numérisation? Nous travaillons sur les thèmes suivants: des startups: talents: accroître Les huit patrons ont répondu oui. C’est formation et recherche, encouragement financement de l’étendue et la pourquoi nous avons lancé cette initiative. des startups, environnement économique l’innovation et de qualité de la formaEn petit comité, plus ou moins. L’assemblée et politique, transformation des grands l’économie tion numérique constitutive de l’association a eu lieu quelques employeurs, visibilité internationale, connecmois plus tard à l’hôtel de ville de tivité, dialogue avec la population. Zurich. La maire, Corine Mauch, Et c’est bien de ce dialogue qu’il Encouragement Interconnexion s’est montrée tout de suite diss’agira le 25 octobre, lors du aux entreprises: internationale: posée à en être la marraine. A deuxième Digital Day du pays. projets pionniers améliorer l’époque, nous nous appelions Mes remerciements à tous les interdisciplinaires la visibilité et DigitalZurich2025. membres de digitalswitzerland collaborer Une bonne année plus et à leur équipe opérationnelle. tard, nous avons rencontré DaEt à Birgit Pestalozzi qui dirige niel Borel, le légendaire fondateur le projet Digital Day 2018. Splendide, Conditions Dialogue avec le du producteur de périphériques Logitech, ce que nous avons réussi en trois ans! cadres politiques: public: affûter la sur les bords du Léman. Logitech s’est environnement prise de conscience fait un nom avec les souris d’ordinaP.S. Dans le World Digital Competitivelégal durable de l’opinion teur. Borel n’y est pas allé par quatre ness Ranking de l’IMD, la Suisse figure publique chemins: «Vous devez faire de Digital désormais au 5e rang. Par comparaison: Zurich2025 une initiative nationale! Et l’Allemagne est au 18e rang.
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Moments forts de la journée du digital Que nous apporte la numérisation? Que nous a-t-elle déjà apporté? Réponses le 25 octobre dans tout le pays – et à Vaduz. Entrée libre. Coire
Alexanderplatz, 8.00 – 19.00 Apprendre, chercher et développer dans les Grisons: de l’alimentation des chats par un smartphone à la balade dans un simulateur de train en passant par le dossier électronique des patients et la programmation de bots et de robots: vous apprenez ici à connaître l’avenir numérique.
Genève
Gare Cornavin, 9.00 – 20.00 «Pepper» est un robot humanoïde doté d’intelligence artificielle. Malgré son nom piquant, il est aimable et accueille les patients à l’hôpital. Laissez-le vous souhaiter la bienvenue et voyez à quel point il est malin. Et vivez d’autres grands moments: il y a plein d’activités à Genève!
Lugano
Gare et Piazza Riforma, 10.00 – 20.00 Lifestyle au Tessin! Enfilez la dernière mode virtuellement et apprenez à connaître l’entier du processus d’achat numérique. Vous devrez trouver vous-même où se déroule précisément la «fashion mob».
Münchenstein (BL)
Haute école spécialisée du NordOuest de la Suisse, 10.00 – 18.00 Au-delà de ses connexions internationales, Bâle-Campagne affiche la nu-
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mérisation dans un contexte local. Les entreprises et Hautes écoles organisent des ateliers et présentent des innovations numériques.
Saint-Gall
En divers lieux, 09.00 – 17.00 Saint-Gall se fait Smart City. Découvrez en plusieurs lieux de la ville quelles solutions numériques facilitent la vie en commun de tout un chacun et dessinez la ville du futur.
Saint-Gall
Olma, 17.00 Le sport se fait lui aussi numérique! Lors du Digital Day, le premier congrès suisse d’e-sport se déroule dans la halle 2.1 de l’Olma. En conclusion, vous pourrez rencontrer des participants et des gamers lors de matchesexhibitions, de même que des poètes slameurs.
Sion
Gare, 08.00 – 18.00 La santé et la prévoyance bénéficient aussi de la numérisation. Des vêtements futés surveillent votre corps, le smartphone mesure la pression sanguine et, la formation la réalité virtuelle ouvre de nouvelles opportunités. Ou alors, arrêter de fumer grâce à l’aide d’un chatbot! Tout cela et plus encore, vous le trouverez à la gare de Sion.
Yverdon-les-Bains
Vaduz (FL)
Städtle, 09.00 – 21.00 Exposés, discussions, gestes artistiques: tout tourne autour de l’innovation, de la classe d’école numérique au musée du futur. Et à la poste de la Principauté, vous créerez vos propres timbresposte «selfie».
20.10.
Lausanne
Genève
Yverdon-les-Bains
Gare, 13.00 – 19.00 La numérisation ne comporte pas que des opportunités mais aussi des risques. Vous apprendrez ici comment, de manière simple, protéger smartphone, tablette, ordinateur et identité numérique.
Berne
Postparc, Bogenschützenstr. 9b, 07.30 – 21.00 La Poste s’embarque vers le futur avec des solutions numériques individualisables. Après tout, la communication devient de plus en plus mobile, vivez une rencontre numérique au Postparc Bern et dans 22 autres filiales de tout le pays.
Lausanne
EPFL, 10.00 – 20.15 Une exposition interactive montre comment la numérisation influence les systèmes de formation. Du MOOC (Massive Online Open Course) aux utilisations ludiques comme le Robo-
poly en passant par le traitement de nos données.
Lucerne
Forum Messe, 18.00 – 20.00 Les touristes viendront-ils encore à Lucerne s’ils peuvent arpenter le Pont de la Chapelle en réalité virtuelle depuis leur canapé? Parlez comme au Café du Commerce de vos attentes et de vos souhaits lors de cette manifestation d’economiesuisse. Inscription souhaitée.
Zurich
ZHdK, Toni-Areal, du 25 au 27.19 (3 jours) Par des objets d’exposition interactifs et des conférences, la Haute école des arts de Zurich (ZHdK) met en valeur le sujet des machines créatives. Ne manquez pas la performance artistique lors du programme live à la gare centrale de Zurich: «Zürich meets Hongkong».
Basel 22.10.
Zurich
24.10.
Saint-Gall
18.10.
Münchenstein
Vaduz 25.10.
Berne
Le train CFF numérique Déjà une semaine avant la journée du digital (dès le 18 octobre) le train numérique des CFF circulera dans tout le pays. Vous y trouverez beaucoup de conseils et d’astuces sur le thème de la mobilité numérique.
Lucerne
19.10.
Coire
23.10.
Locarno Sion
21.10.
Lugano
Pitch pour startups
Zurich
EPFZ, 08.30 – 17.00 Dans tout le pays les élèves apprendront à quel point la programmation peut être divertissante grâce à l’atelier de l’EPFZ.
Illustration: Shutterstock
Conseillers fédéraux au Digital Day
Zurich, Bienne, Lausanne Avant même que le président de la Confédération Alain Berset n’inaugure le Digital Day, il répondra aux questions dans le «train numérique» de Berne à Zurich. Le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann sera, lui, à Bienne, où le robot Thymio assiste les écoliers (11.15). Le soir, il sera en outre à l’EPFL. Troisième conseiller fédéral, Ignazio Cassis le rejoindra à 17.45.
Zurich, gare centrale, dès 10.00 Avec un jury spécialisé, choisissez le meilleur projet de startup! Les entreprises se présentent au public sur scène, sur un ton créatif et divertissant.
Live talks
Zurich, gare centrale, dès 09.40 Voyez comment, en dépit de Power point, les conférenciers de l’Uni de Zurich ne barbent pas leur public. «Big Data – ce que les galaxies, les cochons et les téléspectateurs ont en commun»: pas mal! Autres orateurs: 14.00, 15.30, 16.45 et 18.30.
Talks de peoples et débats
Zurich, gare centrale, dès 09.00 Que pense Anatole Taubmann des fake-news? Alain Berset peut-il s’imaginer une vie sans smartphone? Lors de cette BLICK-Arena, des
politiciens et des peoples répondent aux questions sur le thème de la numérisation. Et des experts débattent devant le public.
Vivre, s’extasier et gagner 10 000 francs!
Zurich, gare centrale Pitchez votre idée et gagnez (avec un peu de chance) 10 000 francs, expérimentez de près la réalité virtuelle et le «vertical farming», asseyez-vous dans un simulateur d’e-Race, adoptez le point de vue de l’oiseau dans l’«Erlebnistower» ou suivez une piste de santé particulière. A la gare centrale de Zurich, plus de 35 stands font vivre une quantité d’expériences. Toutes les infos: www.journeedudigital.swiss
Scannez la page et découvrez la gare centrale de Zurich sur un plan 3D.
AR
11 heures en direct
Gare centrale YouTube Livestream Un programme continu avec connexions dans tout le pays et du divertissement sur les sept thèmes mobilité, formation, santé, travail 4.0, mes données. Médias/news et lifestyle sur la grande scène de la gare centrale de Zurich et en livestream sur YouTube. De la startup jusqu’au Conseil fédéral, en passant par les écoliers et les profs, tout le monde y sera. Les «Schwiizergoofe» et Crimer se chargeront de détendre l’atmosphère. Tout cela et plus encore sur www.journeedudigital.swiss
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Big Data ou Small Data?
qu oi re ss em bl el ’av en ir nu m ér iq ue La n um ? éris atio n mo nde pour u n mei lleu r? A
Les rob ots règ ner ont -ils sur la
Intervenez!
omment communiquerons-nous dans cinq ans? Quelles tâches seront à l’avenir assumées par des robots? Comment faire pour réellement protéger mes données? Le Digital Day du 25 octobre entend offrir à la population la possibilité de poser précisément ces questions et d’ouvrir le dialogue avec la science, la politique et l’économie. Lors du Digital Day, plus de 100 experts sont à disposition pour des entretiens dans toute la Suisse. En outre, la plateforme www.digitaldaybrain.ch apporte des réponses à toute question imaginable sur la numé
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n mo
é? lit éa lr t-i adr en vi de s» ar gie rW ta nolo «S tech d elle , qu an one Qu ’iPh venir? ès l Apr uera l’a q mar
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à ose h c e elqu e? u q u ger mériq n a ch nu s-je ement i o D t por m o c
Qu’est-ce qui demeurera toujours analogique?
Qu’est-ce qu’une fuite de données?
ion isat ? r é m le a nu ra-t-el l l i e va l tra assum e u Q
Que ls p rob la n lè um éris mes e Qu nge atio ndr ’es n? e t-c eq ue je sa is m ie ux fa ire qu ’u n ro bo t?
L’argent liquide disparaîtra-t-il?
ons uer s? n uniq a mm inq ? t co ns c ue men s da iq nou Com ér m nu fie ni sig ue ,q nd fo
Au
Que lles apt itud es n um é dev riques rait -il p chacun oss éde r?
risation. Posez simplement votre question en ligne et obtenez la réponse fondée de l’expert concerné. Ou voudriez-vous, peut-être vous exprimer vous-même et intervenir dans le dialogue public sous la forme d’une déclaration filmée en vidéo? Vous en avez la possibilité sur www.digitaltag.swiss/fr/dialogue (en plus, un prix sera attribué parmi toutes les interventions). Pour tous ceux qui voudraient poser des questions numériques par des moyens analogiques, le Daten Café et les quatre podiums de discussion sont des lieux parfaits. Débattez devant une tasse de café avec des as des données
plan ète ?
ou des experts cotés sur la «piazza» de la gare centrale de Zurich. On y décortique des thèmes tels que l’intelligence artificielle, la conduite autonome, l’avenir du travail et la santé. Reste le dialogue entre soi. Possible aussi. A l’aide de l’application officielle Tribo du Digital Day, vous intervenez vous-même dans le débat et apprenez ce qui se passe dans chaque ville, qui rencontre qui et de quoi on parle. Et si vous le voulez, vous pouvez composer en toute simplicité votre propre programme Digital Day sous forme d’aide-mémoire. Disponible pour iOS et Android dans l’app-store ou via Google Play.
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«Les femmes sont plus honnêtes» Deux idées, deux «success stories». Fondatrices de startups, Lea von Bidder et Anna Alex s’expriment sur leur univers. Stefan Mair et Andreas Güntert
Anna Alex, Lea von Bidder, aviez-vous déjà fait connaissance? Anna Alex: En soi, le paysage des startups est immense mais si l’on parle de femmes fondatrices, il est réduit. J’ai déjà entendu parler de Lea mais nous ne nous sommes jamais encore rencontrées. Lea von Bidder: J’avais bien sûr une idée d’Outfittery. Mais c’est bel et bien notre première rencontre. Génial. Nous avons organisé cette rencontre parce qu’il y a dans l’univers des créateurs de startups extrêmement peu d’exemples féminins. Combien en connaissez-vous dans les technologies? Von Bidder: Aux manifestations où je me rends, où l’on collecte des fonds et distribue des prix, il y en a peut-être dix. Au maximum. A la Mecque des startups, Berlin, il y en a sûrement plus. Alex: Faux. Je dirais qu’elles ne sont pas plus de vingt. Et dans la Silicon Valley ça ne va pas mieux. J’ai récemment lu une étude sur la proportion de capital-risque qui, aux Etats-Unis, va aux entreprises dirigées par des femmes. Von Bidder: 1 %?
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Lea von Bidder Fonction: présidente Ava Science Age: 28 ans Carrière: études à Saint-Gall, fondation d’une fabrique de chocolat en Inde à 22 ans. Commence chez Ava à 24 ans. Pendulaire entre Zurich et San Francisco. L’entreprise: Ava produit un braceletsenseur qui aide les femmes à déter miner leur cycle. A l’aide d’une analyse des données, les clientes peuvent plus aisément déterminer le moment précis pour être enceintes.
propos. Elles veulent savoir si leur idée commerciale a des chances et si elles pourront intéresser des investisseurs. Une question qui me surprend.
Que répondez-vous? Alex: Qu’il n’existe pas de produits ou de modèles d’affaires qui soient un «business case» en tant que tels. En tout premier lieu, cela dépend des ambitions et de la taille de ce que l’on entend construire. Quand nous parlons avec des investisseurs, ils invoquent en général trois raisons quant à la faible proportion de femmes parmi les fondateurs. Pouvons-nous vous ennuyer avec ça? Alex: Bien sûr.
Anna Alex Fonction: cofondatrice Outfittery Age: 33 ans Carrière: études à Fribourg et Paris. Commence sa carrière chez Rocket Internet à Berlin. A Zurich, elle a dirigé une entreprise en ligne helvétique avant de lancer Outfittery. L’entreprise: Outfittery a été fondée en 2012 et compte des clients dans huit pays. Groupe cible: des hommes de 25 à 50 ans. Un styliste constitue une penderie sur mesure et l’envoie au client.
Alex: Un peu plus: 2%. Mais peu importe
Photos: Florian Kalotay/13 Photo
quels chiffres on invoque, cela reste insuffisant.
Vous êtes toutes deux dans ce monde des startups depuis quelques années. Comment a évolué la part des femmes parmi les fondateurs depuis? Alex: Ça s’est un peu amélioré. Je suis souvent approchée par des femmes qui voudraient fonder mais en sont encore au stade de l’idée. C’est formidable, mais il est clair que tout ça va beaucoup trop lentement.
Quels conseils vous demande-t-on? Von Bidder: J’entends souvent des femmes dire qu’elles ne trouvent pas de cofondateurs. Puis il y a le problème de la stabilité: beaucoup de femmes qui m’écrivent sont à quelques années de la planification familiale. Elles se disent: je pourrais fonder maintenant mais que se passerat-il si ça ne marche pas? Alex: Comme, avec Outfittery, il est notoire que nous avons pu collecter un capital de plus de 50 millions d’euros sur toute la période de fondation, il y a souvent des questions de femmes à ce
Première raison: lorsqu’un(e) jeune sortant de l’Université fonde une société, il (elle) doit y consacrer l’essentiel de son existence. Toute la vie tourne autour de l’entreprise, rien d’autre ne compte. Ce serait moins vrai pour les femmes qui, elles, veulent avoir davantage de vie. Alex: Qui dit ça? Des capital-risqueurs, qui sont typiquement des hommes. Alex: Je me demande ce qui nous attend encore. Sur la première raison: vous avez de la chance que cette ânerie ne vienne pas de vous. Von Bidder: Ce n’est pas une réflexion, c’est une offense. Ce que cela veut dire en réalité, c’est que les femmes voudraient, ma foi, avoir des enfants un jour ou l’autre. Une semonce (mal) voilée censée rappeler aux femmes combien leur horloge biologique avance. Et voici la deuxième raison. Lorsqu’on fonde une société et que l’on cherche de l’argent, il faut faire du bruit autour de son projet et ne cesser de répéter à quel point on est bon. Les hommes le feraient en général mieux que les femmes, assurent les capital-risqueurs. Est-ce aussi une offense? Alex: Il y a du vrai. Alors que les hommes prennent la pose et disent à quel point ils sont formidables, qu’ils dirigent la meilleure affaire du monde tout en
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«Souvent des femmes me disent qu’elles ne trouvent pas de cofon dateur.» Lea von Bidder
«Trop longtemps, garçons et filles ont été traités de façon stéréotypée.» Anna Alex
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présentant leurs prévisions de la manière la plus positive possible, les femmes tendent plutôt à indiquer des chiffres vrais, sans les doubler pour la présentation. Pour des capital-risqueurs, c’est peut-être décevant mais les femmes sont tout simplement plus honnêtes et réalistes. Si les investisseurs ne peuvent s’en accommoder et trouvent que les femmes manquent d’ambition, tant pis pour eux car cela n’a rien à voir avec la performance effective. Von Bidder: Le problème n’est pas tant de faire beaucoup de bruit ou non mais de susciter de l’intérêt. Bien des femmes pensent être mieux perçues en restant un peu en retrait.
Comment apprendre à faire le bruit adéquat? Alex: J’éviterais de donner des cours et de dire aux femmes qu’au prochain pitch elles n’ont qu’à multiplier les chiffres de leur business plan. C’est plutôt du côté des investisseurs que les choses doivent
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changer. Les capital-risqueurs doivent comprendre qu’il existe des différences. Deuxièmement, nous devons parler davantage d’une saine attitude d’assurance et de la raison pour laquelle hommes et femmes ne sont pas présents dans la même proportion. Von Bidder: Il n’y a pas de solution miracle. Sur ce point, je ne peux que remercier le milieu dans lequel j’ai grandi. Parce que j’ai été précocement encouragée à savoir me faire valoir.
L’éducation en guise de camp de préparation? Alex: En quelque sorte. Il n’y a pas de solutions à court terme. Le premier livre que j’ai acheté à ma fille s’intitulait «Good Night Stories for Rebel Girls». On y décrit cent femmes exceptionnelles dans l’Histoire, de Coco Chanel à Marie Curie. Ça, c’est la phase «seed». Alex: Exactement. J’ai inscrit ma nièce de
très tôt. Une de mes amies a une petite fille à qui on ne cesse de dire à quel point elle est mignonne. Moi, je dis que son aspect extérieur n’est juste pas important. Plus tard, il y aura d’autres choses importantes. En tant que fondatrice ou fondateur, tu dois avoir une énorme confiance en toi et être super-résilient(e). C’est une caractéristique qui, pour les femmes, n’est pas toujours perçue positivement par la société. Il y a une masse d’études à ce propos. D’un homme qui fait du bruit, on dit qu’il est digne de confiance et fort. D’une femme on dit qu’elle est «bitchy» et «bossy». Nous devons nous libérer de ça. Tous.
Et voici la troisième raison: les femmes seraient moins enclines au risque que les hommes parce qu’elles planifient souvent leur vie par étapes de cinq à dix ans. Dans un tel schéma, il y aurait peu de place pour fonder une entreprise, car c’est une initiative beaucoup trop incertaine. Alex: Je ne peux pas le confirmer pour moi. Je crois que cela dissimule de nouveau la question de la planification familiale. Mais cela révèle un aspect important: pour des femmes qui veulent fonder une entreprise, il peut être très sensé de se trouver un partenaire ouvert à de nouveaux modèles. Le choix du partenaire est donc clairement un aspect décisif pour le succès.
Photo: Florian Kalotay/13 Photo
Intéressé par encore plus de pouvoir féminin? Scannez la page.
9 ans à un cours de robotique. Je suis très curieuse de voir combien de garçons et combien de filles y seront. Il faut de l’attention et du temps afin que cela se répande dans un large public, afin que dans vingt ans il y ait davantage de fondatrices. Dans l’éducation, les garçons et les filles ont été trop longtemps traités de manière stéréotypée. Sur ce point, en tant que société, nous avons sérieusement raté quelque chose ces dernières années. Von Bidder: C’est vrai que cela commence
Photo: Florian Kalotay/13 Photo
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L’or grâce aux données Pour le jeune skieur Niels Hintermann, la collecte de données fait partie intégrante du sport. Elles lui servent à optimiser son entraînement.
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’ordinateur portable fait partie de l’équipement sportif au même titre que les skis et les bâtons pour Niels Hintermann: il y tient son journal d’entraînement numérique. Certes le skieur zurichois ne porte un cardio-fréquencemètre que lors de l’entraînement d’endurance. Mais il enregistre dans un fichier Excel les différentes valeurs de ses séances d’entraînement en salle de musculation ou à l’extérieur: vitesse,
kilomètres parcourus, fréquence cardiaque notamment. Il saisit également des données comme le nombre d’heures de sommeil, sa
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qualité perçue, des informations sur son temps de régénération et son état général. Une fois par semaine, il transmet toutes les données à son entraîneur, qui les évalue et recommande des adaptations de l’entraînement, en fonction du tout. «Par exemple, maintenir un pouls différent pendant l’entraînement d’endurance, selon l’intensité avec laquelle je me suis entraîné auparavant et l’influence que cela a eu sur ma performance», explique Niels Hintermann. Ainsi les données ne façonnent pas que le prochain entraînement. Elles servent éga-
lement de feedback à l’entraîneur quant à l’effet des séances passées. Une mauvaise qualité de sommeil sur une longue période pourrait par exemple indiquer un surentraînement ou le stade d’avant. Mais cela n’est pas généralisable. Il s’agit plutôt de constamment analyser, peser, adapter et ré-analyser, explique Niels Hintermann.
Dans la préparation de la saison, il est au moins une fois en zone de haute technologie absolue: dans la soufflerie du Ruag à Emmen, où les combinaisons de course sont testées pour leur aérodynamisme. L’essai se
Photos: Benjamin Soland, Jean-Christophe Bott/Keystone (2)
Mirjam Oertli et Marcel W. Perren
Surprise au Lauberhorn: lors du combiné l’an dernier, Niels Hintermann passe de la 23ème à la 1ère place
déroule à trois niveaux de vitesse: 80, 100 et 120 km/h. «Certains tissus fonctionnent très bien à grande vitesse, mais ont des déficits à vitesse moyenne». La tâche principale des responsables de Niels Hintermann est donc d’identifier grâce à l’ordinateur quelle combinaison a la meilleure valeur moyenne. Le lauréat surprise du combiné du Lauberhorn 2017 apprécie aussi la technologie d’analyse vidéo. Elle permet l’analyse extrêmement précise des descentes séquence par
séquence. De plus, deux descentes peuvent être comparées en les visionnant côte à côte. «Vous voyez exactement où et pourquoi tel ou tel dixième de seconde a été perdu, et comment travailler très spécifiquement votre technique». Selon Niels Hintermann, quasiment plus aucune fédération au monde ne travaille sans ces aides numériques.
Pour le skieur de 23 ans, le mesurage numérique est la norme dans son sport. Mais il ne veille pas non plus à avoir un style de
vie discipliné à cause des données. «Je me couche naturellement vers 22h et me lève entre 6h et 7h». Mais même si ce n’était pas le cas, le jeune homme estime qu’«il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises données, il y a simplement des données». Certes, il ne faut pas oublier d’écouter son propre corps, en regardant les tableaux et les écrans. «Mais les opportunités d’aujourd’hui m’aident à obtenir la performance optimale», conclut Niels Hintermann.
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LA POSTE EST LÀ. POUR TOUS. Même au milieu de la nuit. À l’heure où les habitants de Suisse dorment sur leurs deux oreilles, les choses sérieuses commencent pour le logisticien Pierre-Alain Auberson. poste.ch/pierre-alain
La Blockchain est partout L’euphorie autour de la blockchain ne tarit pas. Cette technologie pourrait révolutionner notamment le secteur financier. Adrian Meyer
A
ujourd’hui, qui sait d’où vient réellement la tomate qui se trouve dans son assiette, et comment elle a été cultivée? Le consommateur fait confiance au supermarché, qui fait confiance au détaillant, qui fait confiance au paysan d’avoir produit les tomates selon la qualité indiquée sur l’emballage. Le consommateur ne peut pas le vérifier rapidement et facilement. Une technologie ayant fait l’objet d’un énorme buzz ces derniers mois promet de changer ça: la blockchain. La start-up américaine «Ripe.io», par exemple, veut rendre la chaîne alimentaire transparente et traçable grâce à la blockchain et à l’Internet des objets. Le plan: des capteurs surveillent la croissance des tomates, et enregistrent automatiquement sur une chaîne de blocs des données sur la température ou l’arrosage, sur la maturité ou la teneur en sucre. Idem pour le stockage, le transport et la livraison. Les données sont enregistrées en continu. Elles sont visibles pour tous et grâce à la technologie de la blockchain ne peuvent pas être manipulées. Le consommateur a le
contrôle total, plutôt qu’une confiance aveugle en les commerçants. Blockchain et tomates, la combinaison semble étrange au début. Mais elle montre dans quels domaines la technologie de la chaîne de blocs est déjà entrée: elle n’est pas
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seulement considérée comme la base des monnaies cryptographiques telles les bitcoins, elle promet aussi une révolution dans d’innombrables domaines de l’économie. La Suisse est pionnière. Des dizaines de start-up consacrées à la technologie de la blockchain se sont déjà installées dans l’autoproclamée Crypto valley entre Baar et Zoug. Le site web Crypto valley répertorie
même plus de 500 start-up, organisations ou prestataires de services suisses travaillant à des solutions de la blockchain. Les applications vont des nouvelles monnaies cryptographiques et plates-formes commerciales dans le secteur financier aux nouvelles solutions pour les dons ou le e-vote (voir page 50), en passant par les dossiers automobiles pour voitures d’occasion, la surveillance du transport de médicaments et des conteneurs de fret intelligents. Selon un sondage d’IBM, environ 70 % des entreprises suisses voient le potentiel de la technologie de la blockchain. Mais que diable signifie une blockchain? A la base, une chaîne de blocs désigne une base de données décentralisée. Les données ne sont pas stockées sur un seul ordinateur, mais enregistrées sur nombre d’entre eux. La base de données fonctionne comme une liste extensible à l’infini, dont chaque utilisateur dispose d’une copie exacte. Les nouvelles en-
trées sont regroupées dans des ensembles de données (appelés blocs). Grâce à des techniques de cryptage, ces blocs sont enchaînés les uns aux autres (formant la chaîne) et envoyés régulièrement aux ordinateurs du réseau. Chaque donnée entrée dans la blockchain peut être consultée par tout le monde. Mais les auteurs restent anonymes grâce au cryptage. C’est le cas d’une chaîne de blocs publique qui utilise le bitcoin. Cependant, les entreprises utilisent de plus en plus les blockchains privées, où seules les personnes autorisées ont accès aux données (chaîne de blocs autorisée, voir le graphique à la page 51). Mais dans le deux cas, ce qui est stocké sur la chaîne de blocs y reste. Il est quasi impossible d’effacer ou de manipuler les données sans que cela soit détecté. Chaque bloc possède sa propre empreinte digitale cryptée, ou valeur de hachage, un terme cryptographique. Le bloc suivant doit avoir une copie de cette empreinte digitale en plus de sa propre empreinte digitale. Ce n’est qu’alors qu’il peut s’accrocher au bloc précédent. Quant au troisième bloc, il a aussi une copie de l’empreinte digitale du deuxième bloc et la sienne, et
ainsi de suite. Ainsi, chaque bloc se développe sur le précédent. Toute personne qui manipule une donnée entrée dans un bloc modifie automatiquement l’empreinte digitale de ce bloc. Le bloc suivant ne peut plus lire cette nouvelle empreinte, car il ne possède que la copie de l’empreinte originale. La manipulation brise donc la chaîne, et tous les blocs suivants sont invalides. Comme chaque utilisateur du réseau possède une copie de la blockchain originale, il remarque immédiatement que quelque chose ne joue plus. Une chaîne de blocs peut donc être comparée à un journal de bord virtuel et transparent, non manipulable et stocké de manière décentralisée, qui n’est pas surveillé par une instance unique, mais par un réseau. La technologie promet la fin de tous les intermédiaires veillant à une relation de confiance dans les transactions. Désormais, les contrats pourraient être automatiquement conclus et résiliés sans nécessiter un avocat. L’argent pourrait aussi
être échangé sans banque centrale, comme pour le bitcoin. Le bitcoin est basé sur la blockchain la plus ancienne encore existante. Elle a été fondée en 2008 par Satoshi Nakamoto, pseudonyme d’une personne inconnue. La technologie sous-jacente a fait l’objet de recherches et a été décrite par des scientifiques dès le début des années 1990. Pour le bitcoin, les transactions effectuées sur le réseau sont regroupées toutes les dix minutes en un bloc, et reliées à la chaîne de blocs. L’ensemble de la blockchain bitcoin est enregistré sur des millions d’ordinateurs, et est constamment actualisé. Au milieu de l’année, il avait déjà atteint une taille d’environ 180 gigaoctets. Les blocs nouvellement créés sont vérifiés et approuvés toutes les dix mi-
nutes par des personnes baptisées «mineurs». Si vous êtes le premier à valider un bloc, vous serez récompensé par un certain nombre de nouveaux bitcoins. Ainsi, les mineurs créent de la nouvelle monnaie numérique de façon décentralisée. Actuel-
lement, les mineurs reçoivent 12,5 bitcoins par bloc approuvé, ce qui au taux actuel du bitcoin correspond à environ 75 000 francs suisses. Ce sont 1800 nouveaux bitcoins
qui sont ainsi créés chaque jour. Ce qui paraît simple est en réalité extrêmement difficile. Pour déclarer un nouveau bloc valide, il faut résoudre des problèmes mathématiques complexes. Plus la puissance de calcul d’un mineur est grande, meilleures sont ses chances de résoudre la tâche. La personne ayant davantage de puissance informatique a donc plus de chances de gagner des bitcoins. Le travail des mineurs fonctionne comme une loterie: ceux qui achètent plusieurs billets ont plus de chances de gagner. C’est la raison pour laquelle le travail des mineurs n’est réalisé qu’à l’échelle industrielle dans d’énormes usines informatiques, avec une consommation d’énergie incroyablement élevée. Car de plus en plus de personnes voulant se faire mineur de bitcoins avec des processeurs de plus en plus puissants, les tâches informatiques à résoudre deviennent de plus en plus difficiles. C’est la seule façon de maintenir constante la création de nouveaux blocs et d’éviter les manipulations. En outre, le nombre total de bitcoins est limité à 21 millions. Actuellement, plus de 80 % de tous les bitcoins ont été extraits. Un nombre croissant de mi-
neurs se bat donc pour de moins en moins de ressources avec des armes de plus en plus lourdes. Ils sont comme des chercheurs d’or dans une mine où les plus grosses pépites ont disparu depuis longtemps: seuls ceux qui travaillent avec de la dynamite et
d’énormes excavatrices ont encore une chance de réussir. Cette course pour la puissance de calcul a de graves conséquences sur l’environnement. Selon le Bitcoin energy index, les ordinateurs des mineurs du réseau bitcoin consomment actuellement environ 73 térawattheures d’électricité par an. Ce qui correspond à la consommation d’électricité de toute l’Autriche, et à environ 0,33 % de la consommation mondiale d’électricité. Une seule transaction dans le réseau bitcoin nécessite autant d’énergie qu’environ 30 foyers américains en une journée. Cela fait du bitcoin un énorme pollueur. Une grande partie de l’industrie des mineurs est située en Chine, où elle fonctionne avec de l’énergie bon marché produite à partir de charbon. Une énorme consommation de ressources. Le bitcoin peut être considéré comme une blockchain 1.0 en raison de tous ses défauts: ingérable, un style à l’ancienne et lent. Mais l’idée de base révolutionnaire ne cesse de se développer. Dans le monde entier, des développeurs de logiciels travaillent sur de nombreuses nouvelles solutions pour rendre la technologie de la chaîne de blocs plus respectueuse de l’environnement, plus efficace et plus rapide. Et pour l’appliquer à des secteurs complètement nouveaux de l’économie. La blockchain va changer le monde autant que l’Internet, c’était la devise du bitcoin fin 2017. Son cours avait alors atteint près de 20 000 francs suisses en quelques semaines, avant de s’effondrer tout aussi rapidement. Il est actuellement d’environ 6509 francs. La mode du bitcoin a déclenché une énorme vague d’innovation. Des centaines
AR Vidéo: voici comment fonctionnent bitcoin et la technologie blockchain.
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de start-up ont été créées pour développer davantage la technologie de la chaîne de blocs et l’introduire dans des applications complètement nouvelles. Elles ont récolté en peu de temps des milliards d’investissements. L’euphorie a surpris jusqu’aux chercheurs s’intéressant depuis longtemps à la technologie de la blockchain. «Je ne comprends pas le buzz autour de la blockchain», déclare Roger Wattenhofer, 48 ans, professeur en systèmes distribués à l’EPFZ. Et de préciser: «Cette technologie a plusieurs décennies». Roger Wattenhofer estime que l’euphorie initiale va bientôt se calmer. «La question est de savoir s’il faut toujours une blockchain ou si d’autres solutions ne sont pas meilleures?» En effet, les données
sont déjà stockées de manière fiable dans des systèmes répartis. Emails, comptes bancaires, données clients, «il serait très surprenant que ces données restent stockées de manière centralisée», dit-il. Roger Wattenhofer est convaincu que la blockchain est aujourd’hui avant tout un concept marketing, et une solution parmi bien d’autres dans la numérisation de l’éco nomie. «Je ne pense pas que la blockchain est en train de changer le monde aussi fondamentalement que beaucoup le prétendent. La numérisation dans son ensemble est beaucoup plus complète». La blockchain n’en serait qu’une partie. «Mais je vois actuel-
lement un nombre incroyable de bonnes idées pour la technologie» souligne-t-il. La grande prospection dans la chaîne de blocs ne fait que commencer.
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Six idées «Swiss Made» La blockchain fait son entrée dans notre quotidien. La scène entrepreneuriale suisse veut utiliser la technologie de différentes manières. Exemples. Adrian Meyer (Texte), Mathias Bader (Infographie)
1. Surveillance de médicaments
La start-up zurichoise Modum développe des capteurs, qui surveillent la température tout au long du transport des médicaments, et stockent les données sur une chaîne de blocs. La réglementation stricte de l’UE et de la Suisse exige une documentation complète de la température pendant le transport. Pour la respecter, de nombreux médicaments sont refroidis sans absolue nécessité, ce qui augmente inutilement les coûts de transport. La Poste Suisse a déjà conclu un partenariat avec Modum.
2. Conteneurs intelligents
Le groupe suisse Smart Containers travaille sur le premier conteneur réfrigéré entièrement autonome pour le transport de médicaments, basé sur la technologie de la chaîne de blocs. Réutilisables, les conteneurs savent quand un contrat de livraison se termine et à qui envoyer la facture. L’entreprise entend ainsi éliminer la quantité des documents de fret. La compagnie aérienne Emirates est déjà partenaire.
3. E-voting
Mi-juin, la ville de Zoug a testé pour la première fois un système de vote par smartphone, via une application basée sur la blockchain. Les Zougois ont pu participer avec un identifiant numérique, également testé en ville de Zoug depuis quelques mois. La question du vote était de savoir si les feux d’artifice du Festival du lac de Zoug étaient une bonne chose.
4. Carte d’identité digitale
La start-up zurichoise Procivis développe des identifiants numériques basés sur la blockchain. Le canton de Schaffhouse est le premier à introduire régulièrement la «eID+». Les résidents peuvent créer une identité électronique avec leur smartphone. L’application leur permet d’accéder aux services de l’administration et d’enregistrer des documents.
5. Contrôle des dons
L’organisation de protection de la nature WWF Suisse veut simplifier le suivi des dons avec la blockchain de la start-up zougoise Proxeus. Les donateurs doivent pouvoir ainsi vérifier que leur argent est effectivement utilisé à l’endroit souhaité. Les microdons, qui ne valent pas encore la peine en raison de hauts coûts de transaction, pourraient notamment être utilisés de manière efficace et ciblée.
Point unique de vérité
Concessionnaire automobile
Chaque participant possède une version constamment synchronisée du dossier automobile, ce qui génère un état des données généralement universel. Le jargon technique recourt au terme «point unique de vérité», la seule source de vérité.
• Date d’importation • Date de vente • Prix catalogue
Office de la circulation routière
Ensemble des données Blockchain / dossier automobile Données vérifiées
• Numéro attribué • Dernier contrôle du véhicule
Constructeur automobile • Type et équipement • Date de fabrication • Usine
Point unique de vérité
Plate-forme d’occasions
Détenteur de voiture
• Km parcourus • Sinistres • Service
• Les données de l’ordinateur de bord sont régulièrement lues • Permis de circulation
Information directe Avec l’application d’une plateforme d’occasions, des données choisies peuvent être extraites du dossier automobile via code QR. Visions d’autres applications: Test de conduite immédiat Pour un essai, l’attestation d’assurance de la personne concernée est immédiatement demandée via la chaîne de blocs. En cas de libération, la voiture peut être déverrouillée à l’aide d’une application. Contrats intelligents Lors du changement de propriétaire d’un véhicule, l’achat, le rachat et l’ajustement de la demande d’assurance sont entièrement automatisés grâce aux données convergentes de la chaîne de blocs.
Garage
Assureur
• Réparations • Service • Modifications
• Attestation d’assurance • Polices d’assurance • Sinistres
6. Voitures d’occasion
L’entreprise suisse AdNovum teste un dossier automobile pour voitures d’occasion, en collaboration avec l’Université de Zurich, la Haute école spécialisée de Lucerne, l’importateur automobile Amag, l’assurance Axa, l’Office argovien de la circulation routière et l’entreprise de covoiturage Mobility. Il s’agit d’une sorte de CV de la voiture, comprenant des données sur les accidents, les kilomètres parcourus et chaque service. Toutes ces données sont stockées en continu sur une chaîne de blocs. Les participants à cette chaîne enregistrent l’historique d’un véhicule ainsi
que leurs propres données. Ces données sont stockées de manière décentralisée, chaque participant disposant d’une version exacte et toujours synchronisée de la chaîne de blocs. Comme les enregistrements de données sont identiques pour tous, l’expression «point unique de vérité» est utilisée. S’agissant de données personnalisées, l’auteur doit en autoriser l’accès (chaîne de blocs autorisée), ce qui devrait rendre les escroqueries avec des voitures d’occasion impossibles. Le Dossier automobile 2020 est activé avec cette fonctionnalité de base. D’autres applications sont prévues (voir encadré). www.cardossier.ch
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En collaboration avec UBS
En grand pour les plus petites
De nos jours, tout doit être rapide et simple – et sûr évidemment. UBS lance aujourd’hui un paquet bancaire pour les petites entreprises.
C
ela devrait réjouir les responsables de PME: avec UBS Digital Business, ils ont désormais un accès à l’univers moderne de la numérisation. Ces solutions bancaires pratiques devraient faciliter le travail quotidien, aussi bien pour le trafic des paiements ou l’e-banking que pour la gestion des liquidités. La comptabilité débiteurs peut être parfois très chronophage. Jusqu’ici, beaucoup de petites entreprises devaient envoyer ma-
nuellement les rappels aux clients. Or si le logiciel comptable est judicieusement connecté avec l’e-banking, le système envoie automatiquement les rappels aux clients négligents. Grâce à ce nouveau paquet bancaire, les PME économisent un temps qu’elles peuvent utilement consacrer à leurs clients. Alain Conte, responsable Corporate & Institutional Clients Segments: «Par cette offre, nous souhaitons alléger et simplifier le quo-
tidien professionnel des 520 000 plus petites entreprises de Suisse.» Les nouvelles solutions innovantes sont essentielles pour les PME, car leurs clients aussi continuent d’évoluer. Mais le contact direct avec les entreprises reste un important facteur de réussite. «Nous améliorons en permanence nos services et produits pour offrir à nos clients une combinaison de premier ordre entre technologie ultramoderne
Le petit aide le grand La collaboration avec des start-up fintechs aide la grande banque UBS à assurer sa position de leader en matière de digital banking. Max Fischer
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caires. Celles, surtout, qui contribuent à rendre le banking chaque jour un peu plus simple et confortable pour le client. C’est ainsi qu’UBS a été la première banque en Suisse à lancer une signature électronique qui répond aux exigences légales. Andreas Kubli constate que les améliorations ne naissent pas de sa branche mais proviennent des clients eux-mêmes: «Les expériences faites avec des entreprises d’autres secteurs sont les grands moteurs
Exemple de succès: SumUp.
de l’innovation. Y compris pour plusieurs choses qu’on n’aurait pas forcément attendues d’une banque.» C’est ainsi qu’avec l’UBS-Immo-Check, quiconque s’intéresse à un immeuble reçoit une évaluation de l’objet rêvé directement des sites ImmoScout24 ou Homegate.
Photos: Getty Images, SumUp
L
orsque des start-up et de grandes entreprises comme UBS collaborent, c’est en général une situation gagnant-gagnant», lance Andreas Kubli, responsable Multichannel Management & Numérisation, UBS Switzerland SA. En matière de coopérations, il est surtout intéressé par les idées géniales dans des domaines qui n’appartiennent pas aux compétences de base de la banque et apportent de nouvelles technologies aux activités ban-
Photos: Getty Images, SumUp
«Nous souhaitons alléger le quotidien professionnel des plus petites entreprises.» Les outils UBS Digital Business pour PME – E-Banking et Mobile Banking rapides et clairs Peu de clics, sécurité absolue: l’offre est spécialement conçue pour les petites entreprises.
et conseil individualisé», souligne Alain Conte. Pour toute innovation sur les produits, la question de la sécurité IT est très importante pour les PME, aujourd’hui comme demain. Ainsi, avec les paramètres individualisés dans l’e-banking, la sécurité est encore accrue, par exemple du fait que les paiements
sont bloqués pour certains pays ou des régions entières. Conclusion: UBS entend être présente dans tout le pays pour répondre aux attentes des petites entreprises. Les PME bénéficient ainsi du know-how exhaustif et de l’expérience accumulée de la banque universelle leader.
Andreas Kubli et son équipe observent jour après jour les derniers développements. Leur stratégie: ils examinent ce qui est déjà bien accueilli par les clients sur les marchés internationaux et peuvent ainsi proposer en Suisse une solution ajustée. UBS est ainsi toujours dans le coup. Exemple réussi de coopération: la gestion des liquidités pour PME et artisans à l’aide du Liquidity Cockpit. «Là, nous collaborons avec le développeur de logiciels Bexio.» En plus de l’état des comptes, l’outil intelligent tient compte automatiquement de tous les postes clients ouverts et des factures de fournisseurs en suspens. En outre, il saisit par exemple les investissements indispensables pour de nouvelles machines ou l’augmentation des stocks. Il peut ainsi planifier les liquidités des mois à l’avance. Et ce n’est pas tout: avec l’accord du client, Bexio peut prendre en charge quotidiennement les données bancaires d’UBS. Le client voit
ainsi automatiquement l’état de ses comptes dès qu’il se logue sur l’e-banking. Pourquoi UBS fait-elle cela avec un partenaire? «Nous ne devons pas faire nousmêmes tout ce que nous offrons à nos clients», insiste Andreas Kubli. Il est évident qu’avec leurs structures légères, les start-up sont bien plus agiles et peuvent raccourcir énormément le laps de temps entre une idée et sa mise sur le marché. UBS n’est pas seule à en bénéficier. Les start-up sont ravies de pouvoir démarrer d’emblée avec une plateforme établie et une large base de clientèle. En outre, une grande banque établie assure à un petit nouveau de la sécurité, du know-how et un vaste réseau. Autre atout: «Ces dernières années, nous avons accumulé beaucoup d’expérience dans la collaboration avec des start-up.» UBS a même trouvé un bon moyen pour que les start-up ne soient pas submergées par les structures et processus complexes d’un
– Solutions intelligentes pour le trafic de paiements quotidien – Gestion des liquidités pour éviter les goulets d’étranglement financiers – Protection maximale de la sécurité – Information en temps réel par d’utiles infos push – Conseil compétent et accessibilité pour les questions Extrait de l’offre UBS aux PME
grand groupe. Une série de «success stories» donne raison à UBS. Exemple: SumUp: ce terminal pour cartes mobile, sans câble ni contact, fait de tout smartphone une caisse enregistreuse. Désormais les clients peuvent simplement payer par carte le livreur de pizzas, l’animateur de stand ou le petit commerce. UBS élargit ainsi l’écosystème numérique de ses clients entreprises. L’usage d’IDnow est aussi un succès. Ce site fournit une vérification instantanée des documents d’identité de 7 milliards d’individus. Et permet de devenir client d’UBS sans même mettre les pieds dans une filiale. Expert en numérisation, Andreas Kubli en est persuadé: «La technologie est décisive pour qu’UBS puisse étoffer son rôle de banque leader.» Il y a donc du sens de réunir le savoir et l’expérience dans un seul domaine IT. Et de travailler avec des partenaires externes pour des solutions spécifiques.»
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Robin, 15 ans, socialement stressé Au moins 80 messages par jour et jusqu’à six heures en ligne. Robin aime partager sa vie avec ses amis. Mais il y a des zones d’ombre. Gabi Schwegler
M
on téléphone portable, c’est mon réveil. Juste après m’être réveillé, je regarde qui m’a écrit pendant la nuit. Ensuite j’envoie un message par snapchat à mes streaks. Les adultes n’y comprendront sûrement rien. On devient streak lorsqu’on échange un snap trois jours de suite avec une personne. Un émoji flamme apparaît alors à côté du nom. Il reste tant qu’on continue à s’envoyer mutuellement chaque jour un message. Le nombre de jours depuis lesquels on est ainsi en contact apparaît à côté du nom. Avec une amie, j’ai déjà 430 streaks. Voilà plus d’un an que
nous nous envoyons au moins un snap par jour. En ce moment, j’ai des streaks avec environ 40 amis et connaissances. Je leur
envoie à tous mes snaps du matin, la plupart du temps juste le mot «Bonjour». Quand mes parents et mes petites sœurs ne sont pas à la maison et que je prends le petit-déjeuner seul, je fais défiler le flux d’Instagram. Mais c’est davantage un passe-temps, je n’y poste pas grand-chose moi-même. Facebook est dépassé de toute façon, plus personne de mon âge n’y est encore vraiment actif. Quand je suis à l’école professionnelle ou au bureau le matin, ce n’est qu’à midi que je regarde qui a écrit. J’ouvre d’abord l’application affichant le plus de messages non lus. Généralement, je planifie ensuite avec mes amis via Whatsapp ce que nous faisons le soir. Nous écrivons le plus souvent dans des groupes de chat, je n’ai pas de vrais dialo-
Il ne peut presque plus se représenter une vie sans réseaux sociaux: «Pendant les vacances d’été, il n’y avait pas de WiFi dans l’appartement, c’était horrible».
«Les parents doivent suivre ça de près» Otto Bandli (58 ans), professeur à la Haute école pédagogique de Zurich, sur l’importance de l’empathie et de l’attention des parents et du personnel enseignant. 54 www.journeedudigital.swiss
Robin dit que la vie sans Internet lui paraît beaucoup plus simple. Ça vous étonne? Non, car nous adultes souffrons également de cette disponibilité constante et nous nous stressons inutilement. Ce qui me préoccupe davantage, c’est qu’il n’existe quasi aucune tendance contraire.
Quels sont les principaux changements qu’apportent les réseaux sociaux dans la vie des jeunes? Les jeunes y cultivent et y vivent leurs amitiés. Par conséquent, les comportements agressifs et l’exclusion sont aussi de plus en plus fréquents sur les réseaux sociaux. Cet espace virtuel exige une autre capacité à gérer les conflits que les jeunes doivent acquérir le plus rapidement possible. En quoi est-elle différente?
gues. Je me dis souvent qu’un monde sans Internet serait beaucoup plus simple. Je serai moins stressé et nos rendez-vous seraient plus contraignants. Je sais bien que je me mets seul toute cette pression. Mais c’est sympa de rester ainsi en contact étroit avec des amis. Nous nous envoyons des
signes de vie pour nous dire que nous ne nous oublierons pas, ça me plaît. Si ma maman a cuisiné quelque chose de particulièrement bon ou si je mange dans un endroit cool, par exemple en vacances sur un bateau, je prends une photo du dîner. En envoyant ça, je ne m’attends pas forcément à une réponse. Les snaps sont surtout une façon de divertir les autres et de
AR
L’empathie, donc la sensibilité, est le mot-clé le plus important. Il est plus facile de sympathiser avec une personne assise en face et dont les signes non verbaux immédiats, comme les expressions du visage et les gestes, sont visibles. Comme ce n’est plus le cas dans les médias électroniques, le risque augmente que les gens se trompent dans le choix des mots et que les blessures aient de grosses conséquences.
Comment apprendre l’empathie ? Personne ne naît avec une compétence sociale innée. Il est donc important que les jeunes apprennent à parler de leurs propres sentiments, et à reconnaître et
Photos: KellenbergerKaminski
«Je me dis souvent qu’un monde sans Internet serait beaucoup plus simple.»
comprendre les émotions des autres. Ça devrait avoir lieu avant tout à l’école, parce qu’une interaction sociale prévenante ne peut s’apprendre que dans un cadre social, que le petit cercle familial ne couvre que de manière limitée.
Quelle est la tâche des enseignants? Ils doivent assumer la responsabilité de l’interaction sociale en classe. Il s’agit de faire comprendre aux jeunes que les mêmes règles s’appliquent dans les mondes numérique et analogique, exigeant le respect mutuel, la tolérance et le courage civil. Le personnel enseignant doit suivre ça de près. En général, le
partager des expériences amusantes. Souvent, c’est une sorte de preuve que vous étiez bien à un endroit. Par exemple, lors d’un bon concert ou justement sur un bateau avec 200 personnes. Quand je n’ai rien de prévu après le travail, je regarde généralement des séries sur Netflix. Je joue de temps en temps à «Fortnite». Mais généralement, ça m’énerve, les séries sont donc plus intéressantes.
mobbing se glisse dans les deux mondes sur une plus longue période. Ce n’est pas soudainement facile.
Que voulez-vous dire par suivre de près? Il est important que les enseignants continuent à poser des questions et perçoivent les signaux lorsqu’un enfant se sent mal à l’aise en classe. Le travail relationnel des enseignants est crucial. Ensuite, une action rapide et cohérente est exigée. La tolérance zéro s’applique à la violence et au mobbing. Ne jamais détourner le regard par crainte de ne pouvoir réagir correctement.
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«Je trouve gênant que les parents suivent leurs enfants sur les réseaux sociaux.» Souvent, je bavarde aussi un peu à côté ou j’étudie pour l’école. Je trouve gênant que les parents suivent leurs enfants sur les médias sociaux. Et verrouiller leurs comptes ne sert à rien. Nous trouvons toujours un moyen de nous inscrire. Avec mes parents, je parle
très ouvertement des réseaux sociaux, et j’ai aussi donné une conférence quand j’étais à l’école secondaire sur Instagram et Snapchat lors d’une soirée de parents. C’est incroyable comme les adultes en savent peu. C’est peut-être pour ça qu’ils sont trop inquiets. Pendant les vacances d’été, il n’y avait pas de WiFi dans l’appartement, c’était horrible.
En quelques questions App préférée? Snapchat Temps par jour sur Internet? Trop. Trois à quatre heures, six à huit pendant les vacances. Mot préféré? Eclairé et réparé
Ça m’énerve quand je ne peux Nombre de pas avoir de contact et que je messages par crains de rater quelque chose. jour? C’est pourquoi après chaque Au moins 80 à mes souper, j’allais au bar de la plage streaks. où il y avait le WiFi. Quand un Facebook? émoji sablier apparaît derrière un Dépassé streak, c’est que vous avez quatre heures pour vous écrire, sinon tu perds la flamme. C’est pour ça que j’envoie encore un «Bonne nuit» à tout le monde avant de m’endormir».
Est-ce que ça signifie que les parents peuvent transférer la responsabilité à l’école? Non pas du tout. Le devoir de suivre de près est le même pour les parents. Ils devraient s’intéresser au monde de leurs enfants, être curieux et leur montrer qu’ils ont toujours une oreille attentive. Il s’agit de ne pas attendre les drames pour parler des sujets délicats, comme l’an dernier lorsque les médias ont annoncé le suicide d’une fille victime de cybermobbing. Il n’y a rien de bien sorcier, mais les parents doivent prendre du temps pour leurs fils et leurs filles.
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Clics, likes, posts – Ça se passe en 60 secondes sur Internet.
A propos de temps: existe-t-il une valeur indicative du nombre d’heures que les jeunes peuvent passer sur leur téléphone portable? Pour moi, un équilibre entre loisirs liés aux réseaux sociaux et sans réseaux sociaux ainsi que la conception de la vie sont plus utiles qu’une valeur indicative. Je recommande aux parents d’encourager leurs enfants à avoir des activités comme rencontrer des amis, faire du sport, ne rien faire. Les parents devraient-ils les suivre sur des réseaux comme Instagram
ou Snapchat? Non, je le déconseille. Les adolescents ne veulent pas que leurs parents les espionnent. Mais les parents devraient demander de temps en temps ce qui se passe sur le net et se faire expliquer les réseaux et nouvelles tendances. L’essentiel: les modèles de comportement social et de comportement avec les médias électroniques. Davantage d’informations et liens importants: www.feel-ok.ch; www.safersurfing.ch www.jugendundmedien.ch
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Bonjour la classe! Notre quotidien est hautement numérique, mais pas les écoles ni les jardins d’enfants. Le robot Thymio doit changer cette situation. Iris Kuhn-Spogat
Ê
tes-vous surpris que vos enfants apprennent plus ou moins les mêmes matières, à peu près de la même manière que vous à l’époque? Bienvenue au club. La numérisation a engendré des changements fondamentaux: de nombreuses branches et pays recherchent désespérément du personnel pour des emplois encore inexistants il y a cinq ans, 65 % des élèves actuels
Photo: Thymio
de l’école primaire exerceront un métier qui n’existe pas encore.
«Médias et informatique» forment un module commun dans le plan d’études 21. Mais jusqu’où faut-il aller? Certains politiciens et d’innombrables chefs d’entreprise exigent depuis longtemps que les enfants soient familiarisés avec la programmation, comme avec l’alphabet. C’est lors du WEF que le président de l’EPFL Martin Vetterli a lancé le processus lors d’un café avec Marc Walder au centre des congrès de Davos. Lors de la 2ème Journée digitale suisse le 25 octobre, Marc Walder, père de deux filles, directeur général de Ringier et moteur de l’initiative Digitalswitzerland, déclarera: «Un maximum d’enfants d’un maximum de classes devraient pouvoir
apprendre de façon ludique avec Thymio, comment fonctionnent les ordinateurs». Thymio est un petit robot, dont le matériel a été développé par le Groupe Mobots de l’EPFL et l’Ecole cantonale d’art de Lausanne. Le logiciel est issu d’une collaboration avec le Laboratoire des systèmes autonomes de l’EPFZ. La puissance intellectuelle de Thymio est telle que le robot est simple à programmer. Il peut déjà être essayé dans certains jardins d’enfants. «Les enfants doivent apprendre à préparer méthodiquement des problèmes, afin qu’ils puissent selon certaines règles formelles être résolus aussi par ordinateur», explique Martin Vetterli. A l’EPFL, la matière s’appelle «Pensée computationnelle». Martin Vetterli aimerait qu’elle soit enseignée déjà dans la formation de base. «Des machines comme Thymio préparent les enfants à la numérisation».
Qu’un enfant apprenne à se servir des technologies à l’école est encore une question de chance. Si vous voulez travailler avec Thymio, vous pouvez être formé. Jusqu’ici, plus de 1000 enseignants de l’école primaire en ont profité, et environ 5000 robots sont utilisés. «Nous voulons une expansion massive», dit Walder.
«Des machines comme Thymio préparent les enfants à la numérisation.» Martin Vetterli, président de l’EPFL
Un million de francs pour la formation, le matériel didactique et d’autres matériels similaires, c’est le budget approuvé par le Conseil des EPF sous la direction de Fritz Schiesser, Lino Guzzella et Martin Vetterli. Une fois la première phase terminée, les Thymio sont achetés et distribués. Le «Concept Alpin» est le point de départ, parce que les premiers cantons à être «thymionisés» sont montagneux: Uri, Schwyz, Lucerne, le Tessin et le Valais. Si les attentes se concrétisent, Thymio va bouleverser l’enseignement, et se répandre ainsi dans tout le pays.
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Voulez-vous voir Thymio en action? Lancez la page et la vidéo.
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Like-moi
Ils sont symbole de statut et modèle d’affaires: les «likes» sur les réseaux sociaux. Régulièrement truqués, parfois de manière éhontée. Benjamin Rüegg*
1. Groupes Whatsapp L’algorithme d’Instagram récompense les messages obtenant beaucoup de «likes» et commentaires dans les 30 à 60 premières minutes. Il existe donc des groupes dits «d’engagement» sur Whatsapp et Telegram, pour chaque sujet imaginable (mode, fitness, auto, etc.) avec souvent des centaines de participants. Celui qui a publié un nouveau message sur Instagram poste immédiate ment le lien dans le groupe correspondant. Tout le monde doit aimer ou commenter le poste, même sans connaître la personne (voir l’encadré sur les règles de ces groupes). En Russie, Telegram Messenger est encore plus populaire que Whatsapp: les groupes Whats app ne peuvent avoir «que» 256 participants, alors que chez Telegram c’est 30 000. Cer tains groupes d’engagement Telegram comptent plus de 8000 participants. 2. «Powerlikes» Les «powerlikes» sont des «likes» de grands comptes réels. Les fournisseurs de «power
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Règles du groupe Whatsapp 1. Ne bavardez pas, partagez juste votre lien Instagram 2. Commentez et aimez la contribution des autres aussi vite que possible (en l’espace de 20 minutes). 3. Ne postez qu’entre 19h30 et 20h30 pour économiser le temps des autres. 4. Utilisez des hashtags pertinents dans vos contributions. 5. Commentez avec au moins 3 mots et l’émoji correspondant. 6. Ça ne marche que si tout le monde est actif. Qui n’est pas actif se fait virer. 7. Plus il y a de monde dans un groupe, plus il est efficace.
likes» ont plusieurs dizaines de grands profils Instagram offrant plusieurs centaines de millions de «followers». A l’achat d’un «powerlike», on reçoit des «likes» de ces comptes, ce qui influence positivement l’al gorithme et la portée.
3. «Unfollow-bots» Les «follow/unfollow-bots» sont très popu laires. Ces robots suivent automatiquement jour et nuit certains profils, puis arrêtent de les suivre quelques jours plus tard. C’est une sorte de filet de pêche virtuel sur Instagram: les utilisateurs ignorants suivent en retour
sans remarquer que le profil correspondant arrête de suivre subrepticement quelques jours plus tard. Cette astuce permet aux robots de rassembler de nombreux nouveaux «followers» en quelques jours. Instagram ne permettant de suivre que 7500 comptes, ils doivent toujours garder l’équilibre et tôt ou tard arrêter de suivre des profils. Les «unfollow-bots» sont souvent utilisés par des marques et personnes influentes, parce qu’ils sont très efficaces sur de courtes périodes. Mais ils ne sont pas durables: qui éteint le ro bot, perd en fin de compte plus de «followers» qu’il n’en gagne. Un cercle vicieux.
4. Acheter des «followers» La méthode la moins chère et la plus rapide: acheter des «followers». Bien que presque plus personne ne le fasse, cela se produit encore. Peu importe que ce soit 500, 5000 ou 50 000 «followers»: tant que vous payez, vous pouvez commander le nombre souhaité de «followers». Pour 9 dollars, vous obtenez 1000 «followers» de votre profil, 10 000 pour 65 dollars. Sans surprise, la qualité des «fol lowers» est médiocre, la plupart d’entre eux n’étant pas des comptes réels: les nouveaux «followers» n’interagissent pas avec les nou veaux postes et disparaissent progressive ment du profil, car Instagram détecte et sup prime constamment ces comptes. Ce n’est pas efficace, mais le nombre de «followers» à l’air bon au premier abord. Certaines entre prises se laissent encore éblouir par le nombre de «followers»; mais le plus impor tant est de savoir combien d’entre eux intera gissent réellement avec le contenu, c’est-àdire combien laissent des «likes» et des com mentaires parmi les messages (engagement).
Photo: iHeart
I
nstagram n’avait pas d’algorithme avant d’être reprise par Facebook. Il a été intro duit en août 2016. Depuis, le fil d’Ins tagram n’est plus affiché par ordre chrono logique, mais hiérarchiser par Instagram pour les utilisateurs. Avant, vous pouviez poster une photo à 17h et être sûr de recevoir beaucoup d’appréciations et de commen taires, parce que les gens étaient en route pour la maison. Désormais, Instagram détermine quelles photos sont affichées en haut du fil, ce qui engendre de nouvelles méthodes côté utilisateur pour détourner l’algorithme:
Photo: iHeart
5. Acheter de l’engagement Au lieu de simplement acheter 50 000 «followers», vous pouvez opter pour la version plus lente: les nouveaux «followers» ne sont pas ajoutés au profil d’un coup, mais à intervalles réguliers, par exemple 50 par jour. Si vous êtes prêts à dépenser davantage, vous pouvez acheter un faux engagement: les «followers» achetés écrivent ensuite des commentaires et aiment tous les nouveaux messages, ce qui au premier abord paraît vrai. Mais si vous examinez par exemple les commentaires de plus près, vous verrez que beaucoup ne contiennent que des émojis, sans faire référence à la photo. 6. Acheter des profils au marché noir Même si les conditions générales d’Instagram l’interdisent explicitement, de grands profils Instagram sont vendus au marché noir. Le paiement s’effectue généralement en Bitcoin, les fournisseurs souhaitant rester anonymes. Quiconque achète un profil Instagram au marché noir se voit offrir la portée pratiquement sur un plateau d’argent: les comptes ont des milliers de «followers» et les fournisseurs promettent généralement un certain nombre de «likes» par message. 7. Acheter des «shout out» Les grands comptes vendent souvent des «shout out» à de plus petits comptes. Une personne influente ou un grand compte poste une image d’un autre compte sur Instagram et lie/tag le profil correspondant, ce qui lui vaut quelques nouveaux «followers». Des marchés spécialement créés (p. ex. www.shoutcart.com) fournissent des grands comptes et encaissent jusqu’à 3000 dollars par «shout out». *Benjamin Rüegg est développeur web et créateur de l’outil d’analyse d’influence www.likeometer.ch Cri d’amour numérique: cette œuvre de street art à Vancouver a obtenu 45 000 «likes» la première heure.
Scannez et cliquez: les Suisses qui ont le plus d’influence et de succès.
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La scie et le scalpel, c’était jadis. Le médecin-légiste Michael Thali mise sur les technologies numériques et pense que dans quelques décennies il ne sera plus nécessaire de découper les dépouilles pour faire une autopsie. Gabi Schwegler (Texte), KellenbergerKaminski (Photos)
Le légiste du futur
C
e n’est pas un lieu banal: trois places de parc pour les médecins, une pour la police et deux pour les visiteurs. C’est un lieu où, en ce matin venteux, le corbillard est déjà passé trois fois. A l’Institut de médecine légale (IRM) de l’Université de Zurich-Irchel, chaque semaine on scrute en moyenne une dizaine de personnes décédées dans le canton de Zurich et huit cantons environnants parce que leur mort a été soudaine et inattendue et parce qu’il y a un soupçon de cause violente. Dans les polars à la télé, ça se passe avec scalpels, scies et seringues. Le quotidien du médecin-légiste Michael Thali, 50 ans, qui dirige l’institut zurichois depuis 2011, est tout autre. Il y a vingt ans, dans une baraque provisoire de l’Institut de médecine légale de l’Université de Berne, il a développé avec son équipe la «virtopsy», l’autopsie virtuelle sans scalpel. «A l’époque, c’était une révolution, très contestée dans les milieux spécialisés de l’espace germanique.» Mais Michael Thali n’est pas peu fier de mentionner son surnom: «Digithali». La méthode s’est aujourd’hui largement imposée dans le monde et tous les grands centres médico-légaux de Suisse la pratiquent. «A l’aide des données numériquement relevées, nous pouvons répondre à 80 % des questions forensiques. Lorsque
les cas ne sont pas trop compliqués, la documentation est même de meilleure
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qualité.» Pour ce haut fait, Thali et son équipe ont reçu le Swiss ITC Award qui distingue en Suisse les numériseurs innovants. Le déclencheur de la recherche de nouvelles méthodes fut le meurtre de Kehrsatz, en 1985, qui n’est toujours pas élucidé, notamment parce que
la question de l’arme utilisée reste sujette au doute. Pour une virtopsie, on pratique une tomographie du corps et le virtorobot – un robot adapté, du genre de ceux qui sont utilisés pour vérifier la qualité dans l’industrie automobile – établit un scan de la surface du corps. En plus, le robot prend des photos de la texture du corps qui pourront être déposées sur le corps modélisé en 3D. Les processus sont ainsi accélérés et les dépouilles plus rapidement restituées. «Mais le plus important est
que le corps demeure intact, pour les proches, ça compte, surtout lorsque l’on a affaire à des enfants morts de façon inattendue, souligne Michael Thali. En
outre, la tridimensionnalité du corps reste en mémoire pour l’éternité. Cela facilite le travail d’enquête de la police et du ministère public et accroît énormément la possibilité de reconstituer les faits. Le nombre d’examens forensiques pour lesquels seule une virtopsie, et non une autopsie classique, a été réalisée est passé de 30 cas
Autopsie par tomographie assistée par ordinateur: grâce à la virtopsie, le corps reste pour l’essentiel intact.
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Médecin légiste et pionnier de la virtopsie: Michael Thali, surnommé «Digithali».
Constats plus rapides et plus précis: les scans sont évalués sur l’ordinateur.
en 2015 à au moins 200 en 2017. Lorsqu’on rencontre Michael Thali, on remarque vite qu’il est un fonceur et n’entend pas se reposer sur ses lauriers. Sa vision: «Nous
à plus long terme car les concentrations sont nettement plus faibles. «Et nous ne pourrons sans doute déchiffrer les chromosomes de cette manière que dans plus ou moins cinquante ans.» Par ce procédé, en se basant sur l’information génétique, on pourrait dresser des portraits robots précis en cas de crime avec violence. Peu avant midi, ce matin-là, la troisième dépouille gît déjà sur le matelas devant le tube CT. Le corps sans vie porte divers marquages qui serviront de références lors de la modélisation 3D ultérieure. Lars Ebert, 41 ans, qui a quitté Berne pour l’IRM de Zurich avec Michael Thali et travaille sur le développement des procédures de virtopsie, est posté derrière une vitre. Avec son équipe il fait de la recherche sur les méthodes de deep-learning censées faciliter le travail des médecins légistes.
travaillons sur des processus d’imagerie grâce auxquels nous pouvons établir d’un coup la présence d’alcool, de drogue ou de médicaments dans un corps sans devoir l’ouvrir. Et à plus long terme, on pourra
même déchiffrer le chromosome.» C’est pourquoi à l’IRM de Zurich – le cas est cas unique au monde – on travaille sur une méthode de tomographie à résonance magnétique visualisante, qui permet d’établir la présence d’alcool dans le corps. C’est la partie la plus facile à réaliser du programme de Michael Thali parce que l’éthanol, qui est décomposé après consommation d’alcool, est une grosse molécule. «Je crois que d’ici moins de dix ans nous pourrons déjà utiliser cette méthode au jour le jour.» Etablir la présence de drogue ou de médicaments sera pour les chercheurs un défi
Le projectile (en clair sur l’image) est facilement reconnaissable dans le CT en raison de sa haute densité.
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«Un scan CT peut contenir jusqu’à 10 000 images dont l’analyse peut prendre bien huit heures à un radiologue», dit-il. Un sys-
tème automatisé, auto-apprenant, devrait bientôt reconnaître les fractures, mesurer l’urine dans la vessie ou déterminer le poids d’un cœur. «Ainsi, le médecin légiste pourra se concentrer sur l’évaluation des anomalies relevées par le système.» En Suisse, où l’on relève annuellement 80 à 100 meurtres, c’est sans doute moins décisif que dans des pays plus affectés comme l’Afrique du Sud, les Etats-Unis et le Mexique. «Notre recherche pourrait aider nos collègues de ces pays car actuellement, faute de temps, ils ne peuvent pas respecter tous les standards de qualité d’une autopsie.» Un autre de ses objets de recherche est la reconstitution de la scène de crime à l’aide de la réalité virtuelle (VR). Avec le centre de compétences 3D de l’Institut
forensique de la police cantonale de Zurich, les scènes de crime sont répliquées et rendues accessibles grâce à des lunettes VR. «C’est ainsi que nous pouvons ramener des délinquants qui ont avoué ou des suspects sur la scène originelle où a été trouvée la victime et aborder de façon plus crédible les questions encore ouvertes sur le déroulement du crime.» Quand le directeur de l’IRM, Michael Thali, en parle, l’enthousiasme est perceptible dans sa voix. «Nous devons rendre ces nouvelles méthodes accessibles aux procureurs et aux enquêteurs de la police et les persuader des nouvelles opportunités numériques. Tout
comme nous l’avons fait avec succès pour la virtopsie», conclut-il en quittant la salle du sous-sol, identifiable par le mot «Virtopsy» en grandes lettres au-dessus de la porte vitrée.
Intéressé par la science forensique? Scannez la page et vous aurez plus de détails.
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Canal de tir bien visible Grâce à la virtopsie, on voit clairement le parcours du projectile dans le crâne de la victime. Le canal de tir est bien visible : l’orifice d’entrée à l’arrière de la tête, les fragments d’os détachés et la fracture causée par le ricochet de la balle dans la voûte crânienne (en haut).
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L’algorithme entre en gare
De nombreux trains et un réseau ferroviaire limité : les changements d’horaires sont un défi majeur pour les CFF. Un système informatique arrive à sa rescousse.
L
e réseau ferroviaire suisse est l’un des plus denses au monde. Une planification précise est indispensable pour que les trains n’entrent pas en collision. Cette opération principalement manuelle sera automatisée par étapes dès 2020. Les
Photo: Márton Botond
CFF travaillent sur un algorithme pour créer l’horaire parfait. «Le nouveau système doit garantir que les trains progressent autant que possible sans conflit », explique Julian
Jordi, membre de l’équipe de l’algorithme des CFF. «Dans l’idéal, tous les feux de signalisation passeront au vert pour les conducteurs». Le réseau ferroviaire sera ainsi optimisé. Mais les conditions de l’horaire seront toujours définies par l’homme. «Par exemple, ce sont les entreprises de transport qui préciseront quand le train devra quitter la gare,
Claudia Mascherin
ou définiront la durée maximale d’un voyage», explique Julian Jordi. L’ordinateur compile ensuite toutes les exigences et crée l’horaire optimal. L’intelligence artificielle pourrait aussi atteindre ses limites. «Le réseau ferroviaire étant limité, les conflits d’occupation restent possibles», précise Julian Jordi. «L’essentiel est que le système identifie rapidement les différentes solutions possibles». Ces dernières doivent aussi être utilisées en cas d’annulation d’un train, ou en cas de gros changements d’horaires dus aux grands chantiers de construction, comme cet été. «Jusqu’ici, les planificateurs étaient soumis à rude pression dans ces situations», explique Julian Jordi. «Le nouveau système permettra de créer en peu de temps un horaire fiable et idéalement adapté aux besoins des clients». Dans ces
situations, les concepteurs et planificateurs n’agissent plus comme des «chefs d’orchestre», mais choisissent la variante la plus confortable pour les passagers parmi les propositions de l’ordinateur. Les développeurs internes des CFF procèdent actuellement à divers essais concluants avec des prototypes. Ils bénéficient du soutien de plusieurs Hautes écoles. De plus, les CFF invitent les programmeurs à participer à un concours international. Ils peuvent soumettre leurs idées via la plateforme «CrowdAl». Une cinquantaine de
propositions ont déjà été déposées, selon Julian Jordi qui en attend beaucoup. «Il arrive souvent que des personnes extérieures à la branche aient de meilleures idées». Si tout marche comme prévu, c’est un ordinateur qui fera les horaires suisses dès 2025.
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Cyberhéros, où êtes-vous? La Suisse doit se doter d’une Madame ou d’un Monsieur Cyber. Tout le monde est d’accord. Le risque de piratage croît de jour en jour. Mais cela ne va pas aussi vite que l’on voudrait. Andrea Willimann
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«Le système de cyberdéfense se construit beaucoup trop lentement.»
L
e Conseil fédéral l’a réalisé après les attaques contre l’entreprise d’armement Ruag et différents offices fédéraux: la Suisse doit pouvoir mieux se protéger contre les cyberattaques. Mais Berne ne se laisse pas stresser: les départements responsables de la défense (cyberdéfense), de la justice (poursuite de la cybercriminalité) ainsi que des finances et de l’économie (protection des infrastructures critiques, cybersécurité) peuvent prendre leur temps. En juillet, le Conseil fédéral a annoncé la création d’un centre de compétence et la nomination d’un Monsieur ou d’une Madame Cyber. Mais seulement l’année prochaine! Tous deux seront rattachés au Département des finances. Nomen est omen: les finances fédérales ne doivent pas échapper à tout contrôle. Tout le monde n’accepte pas ce rythme lent. En août, la Commission de la politique de sécurité du Conseil national (CPS) a décidé d’écrire exceptionnellement une lettre au Conseil fédéral. «Dans ce document, nous demandons au gouvernement d’aller de l’avant dans la défense contre les menaces électroniques et de donner du pouvoir au Monsieur ou à la Madame Cyber à engager», a déclaré le président de la CPS Werner Salzmann, 55 ans. Car le Conseil fédéral n’a prévu que des «compétences pour donner des instructions».
Illustration: Shutterstock
«Cela va beaucoup trop lentement», critique Werner Salzmann. On parle beaucoup du développement de la cyberdéfense, mais il n’y a pas encore grand chose de concret.
«La Suisse ne peut pas se permettre de retarder les travaux nécessaires». La Centrale d’enregistrement et d’analyse pour la sûreté de l’information (MELANI) devrait donc recevoir immédiatement plus d’argent et de personnel. «En outre, la protection des infrastructures critiques doit être améliorée immédiatement, et l’économie être informée des dangers potentiels». C’est également ce que l’association faîtière ICT Suisse exige du
Conseil fédéral. Elle aimerait une campagne
de prévention sur les dangers d’Internet identique à la campagne de lutte contre le sida lancée il y a des années. Parce que là
aussi, la Confédération en est à ses balbutiements. Fin août, l’Office fédéral pour l’approvisionnement économique du pays (OFAE) a présenté une norme minimale attendue depuis très longtemps pour les technologies de l’information et de la communication (TIC). Cela encourage les entreprises à se
Israël et les EtatsUnis ouvrent la voie D’autres pays sont bien plus avancés que la Suisse. Les Etats-Unis par exemple se concentrent depuis des années sur la guerre du Net. Mais le plus grand modèle pour la Suisse est celui des Israéliens, considérés par les experts comme les meilleurs cyberguerriers du monde. Leur cyberunité, l’unité 8200, est devenue la plus grande unité de l’armée israélienne. Et elle est censée être plus que victorieuse: l’unité 8200 est soupçonnée d’être à l’origine du ver informatique Stuxnet, qui en 2010 a saboté les systèmes de contrôle des usines iraniennes d’enrichissement d’uranium. La cyberunité est très populaire auprès des jeunes Israéliens. Le recrutement commence à l’école, où les plus doués sont sélectionnés. Dans des programmes spéciaux, des jeunes de 14 ans apprennent déjà à combiner l’informatique avec le cybercombat. Après trois ans de service, de nombreux soldats de l’unité se sont tournés vers le secteur privé, en décrochant non seulement la réussite de leur propre entreprise, mais aussi en devenant très riches.
protéger contre les attaques de piratage électronique et autres risques informatiques. En matière de cyberrisques, tous les autres départements sont aussi en plein chantier: la stratégie numérique offensive du Conseil fédéral «Suisse numérique» 2018 engendre beaucoup de travail. Les Départements de la défense et des affaires étrangères, qui entretiennent aussi une coopération internationale dans le domaine de la cybersécurité, sont à l’avant-garde. Cet été, les 25 premières cyberrecrues ont commencé leur formation dans l’armée. Une filière pilote pour laquelle les participants ont dû être sélectionnés à grands frais. L’armée aimerait avoir au moins 100 cyberspécialistes dans ses rangs. Mais garder les jeunes qualifiés dans l’armée et au DDPS coûtera cher. Le ministre de la Défense Guy
Parmelin, 58 ans, l’a récemment avoué face aux médias. La mise en œuvre des autres mesures de la stratégie nationale de protection contre les cyberrisques (NCS 2.0) exige également beaucoup d’efforts. Par exemple, l’Allemagne est beaucoup plus avancée avec sa cyberunité fédérale déjà forte d’environ 15 000 membres et disposant de ses propres filières cyber et d’un cybercentre analysant en permanence l’économie à la recherche de produits de cyberdéfense. «La cybernétique est un sujet phare du présent et de l’avenir», a déclaré fin août la ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leyen, 59 ans, après une rencontre avec le conseiller fédéral Guy Parmelin à Berne. Il a hoché la tête et ajouté: «Personne ne peut faire face seul aux menaces actuelles». La manipulation des signaux GPS par exemple, qui fait partie de la guerre numérique. Les spécialistes craignent des collisions entre des avions commerciaux ou de combat. La Suisse est pionnière dans la recherche fébrile d’une plus grande sécurité GPS. Une innovation est mûre. Le réseau Open Sky est
une association à but non lucratif basée en Suisse. Baptisé Crowd GPS-Sec, le système calcule en quelques secondes à partir des données du trafic aérien s’il existe des écarts entre les signaux corrects et éventuellement falsifiés. Les faux signaux GPS peuvent être détectés immédiatement et la position des cyberattaquants localisée en 15 minutes avec une précision de 150 mètres.
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Match?
L’app de dating Tinder numérise la recherche de l’amour de sa vie. C’est prometteur, mais le plus beau de tous les sentiments restera le même, éternellement. Désirée Schweizer (Texte), Priska Wallimann (Infographie)
Equilibre hommes-femmes de l’app de dating suisse Frauen Femmes
27 % 73 %
Hommes Männer
M
on tram pour la gare part dans trois minutes. J’ouvre Tinder. Je m’assieds sur les WC. J’ouvre Tinder. Fatiguée, je me mets au lit. J’ouvre Tinder. Lorsque j’ouvre l’app de dating, le monde numérique rempli d’hommes prêts à se mettre en couple s’ouvre à moi. Selon le portail statistique Statista, 3,4 millions d’utilisateurs et utilisatrices étaient à quelques clics de moi en début d’année. Quatre fois
plus de personnes qu’il y a deux ans cherchent l’amour dans le cosmos numérique. Je peux chercher un partenaire en tout temps et en tout lieu, même inapproprié. Je suis surprise de découvrir que quelque chose d’aussi
Verteilung nach Répartition selonAltersklassen la classe d’âge (in(en Prozent) pourcent) 19,9
18-24 25-34 35-44 45-54 55+ 0,5
8,3 35,5
13,1 4,5 4,4 0,1
0,9
romantique peut devenir un passe-temps ap12,8 paremment absurde. Quand j’ai rompu avec mon compagnon il y a deux ans, j’hésitais. Je ne voulais pas devenir une de ces femmes, qui n’obtiennent plus de rendez-vous dans la vraie vie, mais qui n’en obtiennent que depuis l’arrêt du tram, les toilettes ou leur lit. J’étais imprégnée de l’idée que seules les personnes socialement handicapées et autres nerds cherchent leur bonheur amoureux en ligne. Je ne voulais
pas en faire partie. Mais quand un nombre croissant d’amis se sont lancés dans des relations heureuses grâce à Tinder, j’ai voulu au moins essayer. C’est ainsi qu’a commencé ma
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Combien de photos de profil sont téléchargées sur l’app de dating suisse? Nombre de photos 0,6 % < 10
8,5 %
orage/ pluie
0,5 %
30,1 %
lever ou coucher du soleil
14,3 % 6–9
27,5 %
soleil
25,2 % Qui montre des photos de groupe?
4–5
39,6 %
38,3 %
46,6 %
17,8 % nuit
29,3 %
neige
53,4 % 13,5 % autres
8,3 % 3
15,6 %
2
9%
1
7,7 %
30,5 % plage
Ville, campagne, plage? Les sujets de photo favoris
à la maison
14,5 %
10,9 % ville
Romantique ou passionné? Conditions météo sur les photos de profil
Top 5 des intérêts et loisirs
11,2 % 16 %
10,3 %
fleur/ arbre Source: zu-zweit.ch (Etude des photos de profil 2018/2019)
quête numérique du sentiment le plus analogique de la terre: l’amour. Voici comment j’ai expliqué Tinder à ma mère: je définis un âge et un rayon kilométrique où chercher des profils masculins. Puis les photos apparaissent avec son nom et son âge, parfois accompagnées d’une courte description, de sa chanson préférée sur Spotify ou de ses derniers posts sur Instagram. En poussant les profils à gauche, je dis «Non», en les poussant à droite, je dis «J’aime». Lorsque les deux personnes aiment, ça «matche» et le chat peut commencer. Ce qui m’amène au premier obstacle majeur de Tinder: le premier message. Comment entamer une conversation avec une personne dont je ne connais que quelques photos? Drôle, ironique, philosophique, romantique? Quels sont les mots justes pour ne pas l’effrayer, mais pour me rendre intéressante? Ou à l’inverse: quels mots n’ennuient pas mon interlocuteur? J’ai cessé de compter combien de fois j’ai lu «Salut, beau week-end n’est-ce pas?». Si quelqu’un n’écrit que «Salut», j’efface le
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20,8 %
montagne
match. Je ne peux pas démarrer avec une personne m’ayant complimenté sur ma bouche. À un type qui venait d’écrire «sexe?», j’ai répondu «sept». Il a effacé le match.
Quand je reçois des phrases comme «Salut, c’est ta première photo que je préfère. Presque un peu asiatique. Je suis justement fan de l’Asie. J’aime la pop japonaise, la pop coréenne aussi. Et toi?», je me demande com-
Photos à la salle de gym, autos tape-à-l’oeil, animaux de compagnie? Non merci! ment j’en suis arrivée là. Et quelles photos cet homme a vues. Certaines personnes n’ont aucune patience: «Puis-je avoir ton numéro de téléphone?». Une heure plus tard: «Tu me rends si curieux». Le lendemain: «Oui ou non?» Et puis: «Y a un problème?» Oui, il y en a un: tu es fou. Bien sûr je ne l’ai pas écrit, mais j’ai effacé le match. Et j’ai continué à explorer le monde
1. Voyage
des hommes. Bientôt avec un anti-modèle clair: les selfies dans la salle de bains, les motos et les voitures tape-à-l’œil, les photos de gym et les photos câlines avec des animaux de compagnie obtiennent un «Non». Idem pour les hommes embrassant des dauphins, posant avec des tigres sous sédatif ou postant des clichés de leur dernière cuite à la bière. Il ne suffit pas d’avoir une seule photo d’un coucher de soleil, ou pire encore, une seule photo avec le dicton «Ne rêve pas ta vie, mais vis tes rêves». Et non merci, le surf et la plongée ne sont pas des hobbies pour gens vivant loin de la mer. Avant de rencontrer une personne, j’échange volontiers des messages pendant un certain temps, parce que je ne crois pas aux rendez-vous quasi à l’aveugle. Mon temps est trop précieux, malgré l’optimisation de la recherche de partenaires par application.
Mais à un moment donné, il faut sortir de son cocon numérique protecteur pour revenir au monde analogique. En cas de doute, mieux vaut laisser tomber tôt que tard, sinon des châteaux en Espagne se construisent sur la base
Top 5 des attractions touristiques sur les photos de profil 1. Tout Eiffel
3. Grand Canyon
2. Golden Gate Bridge
4. Dôme de Milan
5. Big Ben
8,3 % 4%
autres
16,7 %
cocktail
14,8 % vin
en-cas/ sucré
36,7 %
bière
46,3 %
nourriture saine
Ce qui est bu sur les photos...
… et ce qui y est mangé 37 %
fast-food
36,2 %
2. Famille/ amis
eau-de-vie
4. Art/ culture
peu fiable des messages de chat. OK allons-y, sortons et rencontrons. J’ai organisé mon premier rendez-vous dans mon bar préféré. J’ai prévenu que j’avais quelque chose ensuite, presque comme une stratégie d’échappement. C’était sympa, sans plus. A 20h30, je préparais le poisson. Pour mon deuxième rendez-vous, j’ai proposé un endroit ironique, un bar où je ne serais pas allée autrement. Et ça a été fantastique. L’environnement froid avec ses boissons colorées, ses clients sortis de la banlieue et sa mauvaise musique offrait tant à discuter qu’il n’y a ni silence ni gêne. Cet homme a été pour moi la preuve qu’il y a des gens formidables sur Tinder. J’ai continué à donner des rendez-vous dans des endroits amusants: marchés de Noël, bistrots de quartier avec billard et flé-
L’amour ne peut être appréhendé par la numérisation.
5. Vie nocturne/ fêtes
chettes, zone shopping de l’aéroport. Ainsi, il n’y a jamais eu de vrai désastre. J’ai eu le sentiment de perdre un temps précieux seulement avec un sociologue. L’homme écrivait des choses intelligentes, était intéressé et drôle. Tout semblait matcher. Mais lorsque je l’ai vu à la gare, j’ai eu envie de faire demi-tour. J’ai compris subitement que ça ne donnerait rien dans la vie analogique, un sentiment instinctif. Mais j’ai pour principe de ne jamais laisser tomber personne, par respect. Nous sommes donc entrés dans un bar, et l’homme a tué toute légèreté avec des «évidences scientifiques». Comme je grignotais des
noix de wasabi, il m’a fait une conférence sur la recherche sur les bactéries contenues dans les snacks des bars. Au moment où j’ai commandé un Pisco Sour, il m’a expliqué le risque pour la santé des œufs crus dans les drinks. A vingt heures, j’ai fait mine de me rappeler que je devais encore faire le cadeau d’anniversaire de mon frère, et j’ai tiré ma révérence. Je ne compte plus les hommes rencontrés via Tinder, mais je sais que je n’aurais jamais rencontré tant de bonnes personnes autre-
AR
Vidéo: la conseillère sexuelle du Blick et psychologue Caroline Fux explique comment créer le profil Tinder parfait.
Photo: Maurice Haas
3. Sport
ment. Je suis tombée amoureuse plusieurs fois, et d’autres sont tombés amoureux de moi. Que ça n’a pas marché n’a rien à voir avec Tinder. C’est parce que dans la vie analogique, ça n’a simplement pas fonctionné.
L’amour ne peut être appréhendé par la numérisation, les sentiments réels ne suivent pas un algorithme. Je continue donc à vivre des hauts et parfois des bas, en gardant l’espoir de rencontrer un jour la bonne personne. Dans la vraie vie, pas numérique.
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Robot architecte A Dübendorf, près de Zurich, la maison du futur sort de terre: dessinée à l’ordinateur à l’aide d’algorithmes et construite par des robots. Adrian Meyer et Gabi Schwegler
L
a grue soulève le module fait de poutres de bois. Il s’élève doucement vers le chantier situé au troisième étage de cette bâtisse à la forme étrange: l’immeuble NEST voué à la recherche et à l’innovation sur le terrain de l’EMPA, le Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche, à Dübendorf (ZH). Satisfait, l’architecte et chef de projet Konrad Graser observe comment les ouvriers fixent le module de bois. «Même si ça ne se voit pas du premier coup, il y a beaucoup de high-tech et d’innovation là-dedans. Je suis très fier.» A vrai dire, les travaux ne sont guère spectaculaires. Jusqu’à ce qu’on apprenne quelles merveilles technologiques ils recèlent. Car le module de bois ou, plus précisément, l’appartement entier qui a été érigé cet été au sommet du NEST est unique au monde. Au total, trois étages conçus sur ordinateur à l’aide d’algorithmes et fabriqués par des robots et des imprimantes 3D: ils forment ce que l’on a appelé la «DFAB House», construite
par des chercheurs de l’EPFZ en collaboration avec des partenaires de l’industrie pour un budget de 2,4 millions de francs. DFAB signifie «digital fabrication», un des objectifs de recherche du Fonds national suisse qui se consacre à la construction future des habitations. Un algorithme a calculé les angles des poutres, deux robots les ont sciés et positionnés ensemble dans un labo high tech de l’EPFZ. Des humains ont surveillé le
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processus et boulonné les poutres ensemble, main dans la main avec les robots. Au bout du compte, six de ces modules de bois forment un appartement de deux étages. Le coffrage de la dalle incurvée sur laquelle l’appartement reposera est l’œuvre d’une imprimante 3D. Un robot a façonné directement sur le chantier le mur porteur du plafond et des deux étages de bois. On dirait une vague
de béton à la grâce spectaculaire. Il n’est certes épais que de 12 centimètres mais porte à 99 % tout seul la charge de 100 tonnes de l’appartement. «Par cette maison, nous voulons montrer les opportunités de la numérisation dans le bâtiment, explique le chef de projet Graser. Et cela dès aujourd’hui.» La DFAB House doit constituer une piste de réflexion pour l’ensemble de l’industrie du bâtiment. Huit chaires se sont associées au projet. Elles recourent pour la première fois dans le bâtiment à cinq technologies de fabrication numériques toutes nouvelles (voir encadré). Un mégaprojet auquel prennent part plus de 40 chercheurs et deux douzaines de partenaires de l’industrie. Et le transfert de technologie a l’air de marcher: les partenaires industriels entendent développer ultérieurement certaines des innovations et les utiliser au jour le jour. La recherche et l’industrie
AR
Voulez-vous voir les robots en action? Il suffit de scanner la page et d’assister à la construction.
Visualisation de l’appartement calculé et construit par l’ordinateur.
5 innovations numériques de la DFAB House 1 Fabrication in situ Pour la DFAB House, un robot constructeur mobile a fabriqué tout seul un grillage d’acier tridimensionnel deux fois incurvé qui sert d’armature au mur porteur en béton. 2 Technologie mesh-mould La structure grillagée fabriquée par le robot sert simultanément de coffrage et de ferraillage au mur de béton. Les mailles du grillage sont si étroites que le béton peut y être maintenu et formé. Cela permet des géométries complexes, sans coûts élevés ni beaucoup de déchet. Pour réaliser le grillage d’acier en forme de longue vague de 12 mètres, le robot constructeur a eu besoin d’environ 120 heures de «travail». 3 Smart Slab Le coffrage et la face inférieure de la dalle incurvée de 80 mètres carrés sont entièrement issus d’une imprimante 3D. Cela permet de nouvelles libertés dans les géométries et économise du temps et des matériaux.
Photos: NFS Digitale Fabrikation
4 Smart Dynamic Casting Ce processus larde automatiquement le béton avec des montants de diamètres divers. Le coffrage se réalise tout seul.
5 Spatial Timber Assembly Un système dit multirobot saisit, scie et positionne tout seul les poutres de bois dans l’espace. Les robots percent même les trous pour les vis. Un algorithme a, au préalable, calculé la disposition des poutres.
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Photo: KellenbergerKaminski
Ceux qui ont pensé la DFAB House: Thomas Wehrle (à g.) et Matthias Kohler.
Ils ont commencé par alimenter les programmes avec des plans de sol, des unités de volume, des charges et de multiples prescriptions. Puis les programmes ont calculé tout seuls la géométrie optimale de l’ouvrage.
Et c’est ce modèle-là qui a finalement été construit. Sur le chantier de Dübendorf, on n’est pas tout à fait dans son assiette quand on se balade à travers les modules de bois tout en sachant que tout cela n’est porté que par un mur large comme la main. Même les poutres de bois des modules sont toutes statiques, autrement dit aucune pièce de bois n’est là pour faire joli, elles ont toutes une fonction porteuse. Les poutres sont arrangées de manière à former une façade de biais, qui penche une fois vers l’intérieur, une fois vers l’extérieur. Les robots les ont assemblées selon des angles qu’un être humain n’aurait pu réaliser que très difficilement. Il lui aurait fallu, pour ce faire, une multitude d’outils et il aurait dû mesurer sans cesse. La crainte que des robots constructeurs et la numérisation produisent des maisons à la chaîne est infondée, selon les chercheurs. La DFAB le montre: elle est exactement le
«Nous pouvons désormais confier le travail fastidieux aux algorithmes.»
se sont unies au stade du laboratoire de l’EPFZ déjà. Matthias Kohler, professeur d’architecture et de fabrication numérique à l’EPFZ, et Thomas Wehrle, membre de la direction d’Erne AG Holzbau à Laufenburg (AG), voulaient partager leurs savoirs pour apprendre à construire numériquement avec succès. Les modules habitables de bois de la DFAB House font le lien entre le laboratoire et le projet de construction effectif. «Nous testons la recherche live, au format 1:1, re-
marque le professeur Kohler. Mettre correctement en position les extrémités d’une poutre de bois de 3 mètres ne va pas de soi, même pour un robot. Surtout avec un matériau naturel comme le bois, qui est rarement 100 % rectiligne.» C’est pourquoi l’assemblage des poutres par les robots a été contrôlé en permanence par des chercheurs de l’EPFZ et des collaborateurs d’Erne AG Holzbau. Ils ont vérifié que les robots n’abîment ni la structure ni eux-mêmes et ont vissé les poutres à la main. «En faisant pénétrer la vis, l’homme donnait au robot quittance que la poutre était bien positionnée et que les angles générés par les algorithmes étaient les bons», souligne Thomas Wehrle. Pour lui, c’est là le symbole de ce qui peut être fait à l’avenir dans l’industrie du bois. Chez Erne, il ouvre sans cesse le débat
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avec des collaborateurs qui voient leur métier menacé par la numérisation. «Je leur demande alors s’ils veulent vraiment passer leur vie à dessiner des ossatures de bois sur l’ordinateur. Ce travail fastidieux, nous pouvons le laisser aux algorithmes et nous concentrer d’autant plus sur la conception et l’exécution.» Pour Thomas Wehrle, ce qui compte est d’avoir des spécialistes bien formés qui ont appris leur métier dès l’enfance. «C’est d’ailleurs une condition pour savoir utiliser des robots.»
Du côté des architectes, on assiste également à de grands changements. Jusqu’ici, la conception et l’exécution sont deux processus largement distincts: l’architecte imagine, l’industrie construit. Les modifications ultérieures sont coûteuses. Désormais, les plans ne seront plus dessinés mais programmés, explique le professeur Kohler. «Nous devons savoir dès le stade de la conception comment quelque chose sera construit. Par exemple dans quel ordre les éléments seront assemblés.» Dès que le projet est complété, on passe à la production. Ce qui étonne, c’est qu’au début les chercheurs ne savaient pas précisément à quoi ressemblerait finalement la DFAB House.
contraire de l’uniformité et de l’automaticité. Les nouvelles technologies permettent une esthétique toute nouvelle. Grâce à elles,
il est désormais possible de construire à moindre coût des formes compliquées, excentriques, à l’instar des œuvres de l’architecte catalan Antoni Gaudí (1852-1926). «Grâce à la numérisation, les modules ne doivent pas être tous identiques, souligne Thomas Wehrle, d’Erne Holzbau. Nous avons de la liberté dans la planification et quand même une importante phase de préfabrication, ce qui est très attrayant pour nous comme pour le maître de l’ouvrage.» Les nouvelles possibilités enthousiasment également Konrad Graser, le chef de projet. Il pense que ces dix prochaines années les modes de construction changeront radicalement. «Nous voulons montrer que, sur les chantiers, l’homme et la machine peuvent collaborer superbement.» Le nouveau manœuvre sur les chantiers sera à coup sûr bientôt un robot.
«Mieux vaut un bon mot de passe que de nombreux mauvais» Elle doit devenir la nouvelle identité numérique des Suissesses et des Suisses.La SwissID permet d’utiliser les services en ligne de manière plus sure et confortable. Claudia Mascherin
Monsieur Naef, de quelle confiance jouit la SwissID après le scandale Facebook? Nous ressentons une confiance grandissante, puisque la SwissID, Markus Naef, directeur contrairement aux général de réseaux sociaux, ne SwissSign commerce pas avec les données du client et elle les enregistre en Suisse. La sécurité et la minimisation des données sont des priorités absolues de la SwissID. Donc vous n’allez pas évaluer les données des utilisateurs? Non, nous ne transmettons aucune donnée client, ni ne les utilisons à des fins commerciales. Notre service consiste à confirmer, si nécessaire et exigé, l’identité des utilisateurs, de manière aussi rapide que possible, et détaillée que nécessaire. C’est le client qui détermine l’étendue de la SwissID. Il en garde la souveraineté et le contrôle illimité.
Quel est l’avantage pour le client d’acheter une SwissID? Avec la SwissID, vous pouvez utiliser des services en ligne avec un nom d’utilisateur et un mot de passe, facilement et en toute sécurité, en particulier les offres de La Poste et une des premières plus grandes entreprises de médias. D’autres services vont suivre d’ici peu. Bientôt des démarches administratives, des achats en ligne, ou des souscriptions d’assurances pourront être effectués en ligne. Un seul login pour plusieurs services en ligne: la plupart des gens se méfient du mot de passe unique. Pourquoi insistez-vous? Le facteur décisif pour la sécurité est de gérer ses mots de passe. Des études montrent régulièrement que les utilisateurs gèrent mal la sécurité de leurs mots de passe. Lorsqu’ils en ont plusieurs, ils les inscrivent souvent sur un post-it collé au dos du clavier ou les sauvent sans sécurité sur leur smartphone. Le risque est considérablement diminué avec un seul mot de passe, mais très sûr, pour de nombreux services.
Les mots de passe appartiennent-ils bientôt au passé? Nous constatons une tendance vers d’autres méthodes comme les applications, les empreintes digitales, FaceID, etc. La SwissID fournit déjà certaines de ces méthodes ou est en train de les évaluer. Combien votre service compte-t-il d’utilisateurs? Aujourd’hui, plus d’un demi-million de clients ont opté pour la SwissID. Nous prévoyons plus de 4 millions d’utilisateurs de la SwissID ces prochaines années qui auront accès à des centaines de services. La SwissID va-t-elle remplacer le passeport traditionnel? Non. La SwissID est conçue comme identité numérique pour simplifier les processus en ligne. Mais pour les voyages, il faudra toujours une carte d’identité. Surtout «Ne jamais dire jamais».
Fait pour les PME comme l’entreprise de construction ici à gauche. Constructions Rénovations Démolitions 022 535 00 88 info@swart-constructions.ch rue de la Prulay 5 | 1217 Meyrin
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La numérisation crée plus de postes de travail qu’elle n’en supprime, souligne une nouvelle étude. Mais tous les secteurs n’en bénéficient pas. Entreprises, salariés et politiques doivent réviser leur manière de penser. Claudia Mascherin
Etes-vous dans le ca m V
oitures autonomes, repas tirés de l’imprimante 3D, appareils de communication qui lisent nos pensées: la science-fiction se fait toujours plus réelle. Le potentiel des nouvelles technologies est immense. Il est d’autant plus important de ne pas sous-estimer leurs effets sur la société. Dans l’étude «What if employment as we know it today disappears tomorrow?», l’entreprise d’audit financier et de conseil Ernst & Young (EY) se demande comment le monde du travail se modifiera au gré de la numérisation d’ici à 2030. D’abord l’aspect positif: la Suisse paraît bien armée pour les mutations qui s’annoncent. Question infrastructures en tech-
nologies d’information et de communication, elle n’est précédée que par la Scandinavie. La Suisse est particulièrement douée pour intégrer les nouvelles technologies: elle le fait plus vite que n’importe quel autre pays d’Europe. Alors, la machine vole-t-elle le travail de l’humain? Oui et non. Il est vrai que
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dans les fabriques beaucoup d’emplois se perdent du fait de l’automatisation des processus de production. Mais l’étude part de l’idée que la numérisation créera plus d’emplois qu’elle n’en tue. Reste que cette mutation place l’univers du travail suisse face à de grands défis. Economie, politique et société civile sont semblablement concernés. Les chiffres le disent: la Suisse compte beaucoup de main-d’œuvre bien formée. Plus de la moitié (52 %) de ses travailleurs ont des emplois à haute intensité de connaissances. Côté capital humain numérique, notre pays est donc bien armé. En outre, la Suisse est depuis longtemps une destination attrayante pour des immigrants hautement qualifiés. Il est vrai que pour ceux dont les qualifications sont moyennes, cela pourrait devenir plus rude. Car la machine sait exécuter plus vite et à moindre prix des tâches définies et répétitives. Le nombre d’emplois à temps partiel recule également. Les travailleurs de demain
doivent être prêts en tout temps à emprunter de nouvelles voies. «Nous sommes au milieu d’une transformation fondamentale. C’est pourquoi nous devons nous réinventer sans cesse, apprendre et être disposés à de nouvelles tâches, branches et entreprises. Les clés – pour les entreprises comme pour chacun d’entre nous – sont un apprentissage tout au long de la vie, une attitude positive proactive et une culture axée sur l’humain», souligne Mar-
cel Stalder, CEO d’EY (Suisse). Les aptitudes que n’ont pas les robots ou l’intelligence artificielle – réflexion connectée, empathie, créativité – sont ici décisives. L’industrie suisse se montre très soucieuse de recourir aux technologies numériques pour accroître la productivité. L’étude part de l’idée que les grandes entreprises dépenseront davantage pour les améliorations technologiques que les PME. Parce qu’elles peuvent se l’offrir et parce qu’elles tirent plus de profit du changement. Cela
Une seule formation avant d’aborder le monde du travail ne suffit plus.
a mp des gagnants? dit, les PME peuvent introduire de nouvelles technologies plus vite en raison d’obstacles structurels moindres. Reste que pour faire jeu égal avec la concurrence, les entreprises doivent réagir tôt et abattre les structures anciennes. Elles doivent en outre investir davantage dans la formation continue de leurs employés, afin
qu’ils soient sans cesse au fait des technologies les plus récentes. Gerard Osei-Bonsu, responsable People Advisory Services EY (Suisse): «Nos expériences indiquent qu’il n’y a pas un futur pour le travail mais que le futur du travail change sans cesse et que la numérisation exige et permet divers modèles de collaboration.»
Les experts d’EY s’attendent à une croissance totale de 317 000 nouveaux emplois d’ici à 2030. La plupart d’entre dans les banques et dans les sciences de la vie. En revanche, l’industrie de l’automobile et des transports devrait s’attendre à un recul de 70 %. Les pertes d’emplois toucheront sans doute aussi la production et le commerce de détail.
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Branches gagnantes: Industrie chimique, finance, santé, immobilier, IT, sciences de la vie
Le gouvernement suisse met actuellement à disposition des sources de financement pour les technologies 4.0 de l’industrie mais n’a pas encore réuni les acteurs des secteurs public et privé pour discuter des réactions politiques appropriées. Il faudrait en faire plus pour maintenir un dialogue constant sur ces questions, afin de préserver l’avantage comparatif du pays. Le politique doit se pencher sur le chômage et la sécurité sociale. Il importe de reconvertir les salariés et de les armer de nouvelles qualifications. Les formations scolaire et profes-
*Pour cette étude, des facteurs tels que la part des branches choisies au produit intérieur brut, le revenu par tête, les exportations et la disponibilité des ressources naturelles ont été examinés.
Ce que pense la Suisse L’étude d’EY table sur plus de 300 000 nouveaux emplois d’ici à 2030. Cela devrait sembler positif. Mais quel est le ressenti au sein de la population? Un sondage représentatif YouGov en Suisse révèle:
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Branches perdantes: Industrie de l’automobile et des transports, commerce de détail, entreprises de production
86 % des personnes interrogées sont (plutôt) satisfaites de leur emploi actuel. 77 % jugent leur emploi assuré pour l’avenir. 63 % partent de l’idée qu’à l’avenir il y aura moins d’emplois. 49 % s’estiment bien préparés pour l’avenir du travail. Ce sont surtout les femmes, les non-universitaires et les petits revenus qui se sentent mal préparés au monde du travail futur. Ils éprouvent de la pression et de l’insécurité et
pensent que leur métier deviendra moins attrayant. Les hommes, les universitaires et les mieux salariés voient en revanche dans le changement une opportunité. Les défis: l’automatisation et l’évolution démographique de la société sont considérés comme les grands sujets. Les opportunités: la flexibilisation et l’économie du partage font espérer des changements positifs dans notre future manière de travailler. Conclusion: la plupart des personnes
interrogées croient qu’à l’avenir leur métier deviendra plus attrayant. En même temps, elles partent de l’idée que la vie professionnelle deviendra plus rapide et stressante, avec pour les salariés davantage d’exigences en matière de prestations et de connaissances. Ils sont nombreux à redouter un fossé entre jeunes et vieux. Les employeurs, l’Etat et les salariés eux-mêmes (dans cet ordre) sont considérés comme responsables d’un emploi assuré pour l’avenir.
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sionnelle, la formation continue doivent être repensées. La saisie de données est essentielle au succès économique mais, en même temps, les données personnelles doivent être suffisamment protégées. A cet effet, des nouvelles règles s’imposent.
Photos: Shutterstock, Getty Images
Merci de votre confiance Même si la manière d’utiliser les médias change, dans quelques domaines les supports classiques restent prioritaires. Elefteria Xekalakis Matthys
L
a numérisation fait progresser considérablement l’évolution et les possibilités des divers médias. Au sein de cette mutation dans l’usage des médias, la TV demeure un média live et événementiel important. L’étude d’Admeira «Médias du futur 2022» montre ainsi que la télévision restera pour les Suisses le plus important média de divertissement et d’information. Regarder la télé ensemble, en famille ou avec des amis, est pour nous un rituel important, y compris pour les groupes-cibles plus jeunes. Pareil pour les produits de presse, imprimés ou numériques: ils jouent toujours un rôle essentiel. Les journaux et magazines jouissent d’une confiance élevée parmi les consommateurs. Sur ce point, «Page»
(contenu traité journalistiquement) se distingue par une crédibilité particulièrement élevée. Interrogés sur les sources auxquelles, en cas d’événement, ils font le plus volontiers confiance pour des informations correctes,
Où lis-tu ? Le recours aux médias se fait plus indépendant du lieu, de l’heure et du support.
44 % des consommateurs optent pour les produits de presse print ou pour les mêmes marques de médias sous forme numérique. La numérisation modifie et diversifie notre manière d’utiliser les médias. Nous consommons des contenus en tout lieu et en tout temps sur toute sorte d’appareils. 42 % des personnes interrogées souhaitent encore davantage de flexibilité de la part des médias, afin de pouvoir décider librement quand et où elles consomment des contenus. Ces cinq prochaines années, l’utilisation des médias deviendra sans doute plus numé-
rique et encore plus mobile. L’image animée est un moteur important de cette évolution. Le streaming vidéo est très demandé et gagnera encore en importance à l’avenir. Il en résulte une abondance d’information presque ingérable.
Dans ce raz-de-marée d’information, les «phares» comptent, manifestement. C’est pourquoi plus de la moitié des consommateurs de 15 à 59 ans cherchent à s’orienter dans l’immense offre médiatique en se concentrant sur les marques de médias familières.
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A
btov reçoit entre 3000 et 5000 business plans par an, 200 sont présélectionnés et l’entreprise investit finalement dans une douzaine. «Ce n’est pas la quantité qui compte,
mais la qualité», explique Florian Schweitzer, qui fait preuve de patience. «Parfois, il faut dix ans pour qu’une start-up réussisse». Ce sont des gens extraordinaires qui apportent le succès. Ils trouvent souvent btov sans que l’entreprise aille les chercher. «Les fondateurs d’entreprises extraordinaires connaissent le chemin vers l’un de nos super-anges», vers un investisseur qui s’embarque tôt. Une simple page sur laquelle une équipe forte esquisse une idée captivante peut suffire, ce qui se passe une fois par an, cinq dans le meilleur des cas. Investir plus tard est plus sûr, mais moins intéressant. «Je veux rencontrer d’autres bons fondateurs», dit Florian Schweitzer. Il cite le timing comme principal critère. Il y a encore cinq ans, il regardait d’abord l’équipe, puis l’idée. «Aujourd’hui, le timing prime, ensuite l’équipe, puis l’idée». Celui qui arrive trop tôt ou trop tard sur le marché n’a aucune chance. Il arrive même qu’une bonne équipe tire quelque chose d’une idée médiocre. Le business plan original correspond rarement à une histoire à succès. «Si une équipe est médiocre, même les meilleures idées échoueront». Selon lui, le magasin en ligne Zalando prouve à quel point le timing est central. En 2000, plus de 200 millions de francs suisses ont été investis dans une centaine de boutiques en ligne. Personne n’a survécu. Zalando est arrivé en 2008 lorsque le marché
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«Les seconds seront les premiers» La culture d’entreprise des start-up n’est pas assez bonne, selon Florian Schweitzer, fournisseur en capital-risque. Il exige davantage de politiciens courageux. Peter Hossli
était mûr. Aujourd’hui, l’entreprise vaut plus de huit milliards de francs. Et la culture de la start-up suisse? «Pas assez bonne», estime l’entrepreneur. Vingt ans se sont écoulés depuis l’entrée en bourse de Logitech. Depuis, il ne s’est plus rien passé dans le secteur des technologies de l’information. «Un pays comme Israël voit émerger chaque année une entreprise comme Logitech», dit-il. Il faut «davantage de politiciens courageux, comme le ministre de l’Économie Johann Schneider-Ammann, qui a récemment déclaré la Suisse crypto-nation, le pays qui doit faire progresser la technologie de la blockchain. Et la culture souvent louée de la création d’entreprise de l’EPFZ? «C’est un peu comme au football, les start-up des seconds sont souvent très bonnes». Les personnes issues de l’immigration auraient plus de mordant, plus de courage, une volonté plus forte de créer quelque chose d’extraordinaire. Comme à la Silicon Valley, où le père
de Steve Jobs est arrivé de Syrie, et Andrew Grove, fondateur d’Intel, de Hongrie.
Florian Schweitzer est genevois. Pour comprendre comment communique le monde, il a fait un apprentissage d’employé de commerce de logistique et transport. En 1995, il est électrisé à la lecture d’un article sur Internet dans «L’Hebdo». Il formule alors des idées pour le transport de marchandises du futur et les montre à sa cheffe. Elle refuse. Il comprend alors qu’il veut être son propre patron. Il s’inscrit à l’Université de Saint-Gall et fait des expériences similaires quand il demande où trouver des informations sur les start-up et le capital-risque. Les professeurs lui conseillent de se calmer et lui prédisent un bureau spacieux dans une multinationale comme Roche ou Novartis. Florian Schweitzer ne se calme pas. A l’université, il jouit de la liberté nécessaire. Il se fait des amis qui réfléchissent et savent comme lui qui a de bonnes idées. Quand toujours plus d’investisseurs commencent à s’informer sur des start-up prometteuses, ils fondent leur propre entreprise. A trois, ils partent cinq jours en montagne et développent l’idée d’une
Photo: KellenbergerKaminski
côté de la sonnette, l’enseigne est un peu jaunie, l’entrée est dans l’arrière-cour. Un dentiste pratique au rez-de-chaussée. «Je suis bien ici pour réfléchir, c’est calme», déclare Florian Schweitzer, 44 ans, PDG de l’une des plus anciennes et plus grandes entreprises de capital-risque en Europe. Dans une villa Art Nouveau de SaintGall, il dirige btov, abréviation de «brains to ventures», «cerveaux pour l’entreprise». Les idées trouvent du capital. Le fonds a actuellement investi 375 millions d’euros, principalement dans des start-up en Suisse, en Allemagne et en Autriche. Grand, mince, agile, Florian Schweitzer me conduit dans la salle de conférences, équipée de mobilier design américain et européen. Une pièce discrète et accueillante. «On passe beaucoup de temps ici, ça doit être sympa».
Photo: KellenbergerKaminski
«Aujourd’hui, le timing prime, ensuite l’équipe, puis l’idée.» conviction pourquoi elles veulent faire partie du cercle, y entrent. Tout membre actuel a un droit de veto. Ceux qui se comportent de manière inadéquate sont exclus, ce qui s’est déjà passé trois fois. Florian Schweitzer compare les sociétés de capital-risque aux journalistes. «Tous deux essaient de changer l’esprit du temps, et de trouver des gens qui le façonnent». La relation entre une start-up et l’investisseur en capital-risque, c’est «un peu comme un mariage», souligne-t-il. «On se serre les coudes dans les bons comme dans les mauvais moments». Vous avez une idée de start up? Alors lancez tout de suite l’AR.
Il ne peut pas prendre beaucoup de décision. Il pose des questions, écoute. Et il aide à trouver des employés, à lever des fonds, assiste le fondateur en cas de séparation.
AR
plate-forme sur laquelle start-up et investisseurs se rencontrent. Sur N-TV, ils diffusent une émission sur les start-up. Chaque semaine, ils reçoivent une trentaine de business plans et se font ainsi une vue d’ensemble de la scène européenne des start-up. Lorsque la bulle internet explose en avril 2001, entraînant de nombreuses entreprises dans la faillite, les fondateurs transforment btov. Ils vendent la plateforme Internet et
mettent l’accent sur le capital-risque. Environ 300 investisseurs providentiels injectent des fonds, dont cinq professionnels, et apportent leurs idées. Un cercle étroit de 55 investisseurs se forme autour des cinq. «Une grosse troupe» selon Florian Schweitzer. «Nous comptons les uns sur les autres». Ce n’est pas l’argent qui prime. «Le temps et la confiance sont les deux facteurs nous unissant». Les personnes pro-
posées par les autres, qui communiquent avec
L’objectif est d’entrer en Bourse. «Une entreprise peut ainsi mieux se développer que si elle est vendue». Il déconseille aux jeunes entrepreneurs européens de s’installer à la Silicon Valley. «Facebook, Uber et Google emploient les meilleurs ingénieurs». Il serait plus rapide d’avoir un investisseur en capital-risque américain pour aider à ouvrir le marché américain. «Pour devenir leader dans le monde entier, il faut être leader aux USA». Mais à cause de l’argent, il n’est pas nécessaire d’aller en Amérique. «Il y a assez de bons capitaux en Europe».
Fait pour les PME comme la startup ici à gauche. UBS Digital Business. Paquet bancaire pour PME avec plus de 20 outils utiles. Très pratique.
En collaboration avec Google
Compte Google
Transparence et contrôle tout à la fois Expert en protection des données chez Google, Stephan Micklitz développe des outils grâce auxquels l’utilisateur peut décider lui-même quelles informations il confie ou non à Google.
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«Le service est plus clair et plus personnalisé.» le Google Dashboard. D’autres fonctions s’y sont ensuite ajoutées: dès 2013 le gestionnaire de compte inactif, grâce auquel tout le monde peut gérer son héritage numérique, en 2014 la vérification des paramètres de sécurité et en 2015 la a vérification des paramètres de confidentialité, qui guident les utilisateurs à travers leurs paramètres de protection des données et de sécurité. La même année encore a suivi une application qui réunit toutes les autres: «Mon compte». Pour la première fois, les utilisateurs avaient un point de contact à partir
«Je vois tout de suite où je peux améliorer ma sécurité.»
duquel ils pouvaient vérifier quelles informations Google stocke et décider s’ils voulaient supprimer toute information récoltée sur eux. Ceux qui ne veulent plus voir de publicité personnalisée peuvent également le contrôler à cet endroit. Depuis son introduction, Mon compte a été sans cesse amélioré et complété. Rien qu’en 2017, il a enregistré près de 2 milliards d’utilisateurs, parmi lesquels 40 millions ont activé le contrôle de
«A chacun de décider des informations qu’il partage.» confidentialité qui y est intégré, et même 300 millions la Vérification des paramètres de sécurité. Une mise à jour de fond a été réalisée en juin de cette année : Mon compte est devenu Compte Google. Sur son smartphone, Stephan Micklitz explique le nouveau design du compte: «Nous voulions rendre le site plus clair et personnalisé, notamment pour
Photos: Google
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arfois, quand Stephan Micklitz rencontre des inconnus à une quelconque manifestation, il remarque avec quelle réserve ils réagissent face à son employeur. «Quand je dis que je travaille chez Google, j’entends souvent le reproche que nous accumulerions trop de données d’utilisateurs, dit-il dans son bureau de Munich, non loin de la gare centrale. Je leur réplique qu’ils peuvent aussi bien désactiver la saisie de données. Mais pour la plupart ils ne me croient qu’une fois qu’ils ont essayé eux-mêmes.» Stephan Micklitz travaille chez Google depuis 2007. Il fut un des premiers colla borateurs de la filiale munichoise et s’est rapidement penché sur les questions de sécurité en ligne et de protection des données. Depuis 2010, il dirige le développement international de produits Google décisifs pour la sécurité et la protection des données. Une partie de son équipe travaille dans l’infrastructure de protection des données à la filiale de Zurich. Google a mis sur le marché son premier outil de protection des données en 2009:
Photos: Google
Sécurité: conseils d’expert 1. Faites une Vérification des paramètres de sécurité de confidentialité sur votre compte Google
Sur le compte Google, nos utilisateurs peuvent en tout temps adapter individuellement les paramètres de confidentialité et de sécurité. Je souhaite donc les inciter à jeter un coup d’œil sur leur compte Google personnel et à opérer une Vérification des paramètres de sécurité de confidentialité. Chaque utilisateur peut ainsi choisir si, par exemple, Google a le droit de stocker des itinéraires ou doit supprimer les historiques de recherche.
Chez Google, rares sont ceux qui s’y connaissent mieux en matière de protection des données que Stephan Micklitz, engagé depuis 2007 à la filiale munichoise de Google.
les appareils mobiles à écran de taille réduite, dit-il. Lorsque je démarre le service, le logiciel me propose par exemple maintenant l’option de procéder à un contrôle de sécurité. Je vois donc tout de suite si Google a des propositions pour que j’améliore ma sécurité.» L’analyse des clics permet d’améliorer les services, ce qui intéresse beaucoup d’utilisateurs. «Certains trouvent pratique que leur smartphone les informe dès qu’il est temps de partir pour l’aéroport. D’autres apprécient la fonction Autocomplete du moteur de recherche, soit le parachèvement automatique d’un terme de recherche. D’autres encore sont agréablement surpris quand YouTube recommande des vidéos qui sont entièrement à leur goût.» Mais en matière de confidentialité, il n’y a pas de solution unitaire, d’autant que les besoins des utilisateurs évoluent au fil du temps, ajoute Stephan Micklitz. «Il nous importe que chacun puisse décider pour lui-même quelles informations il transfère à Google. Ainsi, nos outils continuent d’être développés en conséquence.»
Google Suisse au Digital Day 2018 Au Digital Day 2018, le thème de la sécurité sera central pour Google Suisse. Aux stands des gares de Genève et Zurich, les visiteurs apprendront la différence que fait un mot de passe sécurisé robuste, comment mieux se protéger avec une validation en deux étapes et comment gérer son compte correctement. Des collaborateurs de Google Suisse expliqueront aux visiteurs comment on pratique une Vérification des paramètres de sécurité de confidentialité avec Compte Google. Dans les locaux de la Sihlpost à Zurich, Google proposera en outre aux entrepreneurs des cours sur les thèmes «Sécurité sur Internet» et «Analyse web avec Analytics». Ces cours sont gratuits et peuvent être fréquentés sans inscription préalable. Plus d’informations sur le programme: www.digitaltag.swiss/fr/partenaires-18/google
2. Protégez-vous du phishing par une validation en deux étapes
Vous pouvez vous protéger contre le phishing à l’aide d’une validation en deux étapes. Bien des utilisateurs connaissent sans doute cela par leur compte bancaire en ligne. Quand vous voulez transférer de l’argent, vous devez, par exemple, indiquer en plus du mot de passe un code SMS. Cette authentification à deux facteurs par SMS est une bonne méthode. Mais l’authentification à l’aide de clés de sécurité physiques, par exemple un émetteur Bluetooth ou une clé USB, est encore plus sûre. 3. Mot de passe sécurisé, mises à jour, etc.
N’utilisez pas le même mot de passe sécurisé pour divers services, installez les mises à jour de sécurité et évitez les logiciels suspects. Donnez votre numéro de téléphone ou une adresse courriel alternative afin que l’on puisse vous joindre par d’autres voies. Et activez le blocage d’écran de votre smartphone afin de rendre son accès compliqué aux personnes non autorisées. Plus d’informations dans votre compte Google et dans le Centre de sécurité Google à l’adresse suivante account.google.com
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«La technique nous permet d’être plus humains» Professeur à l’EPFZ, Robert Riener pense qu’à terme l’homme et la machine fusionneront. C’est pourquoi il a lancé le Cybathlon : une compétition pour athlètes équipés de prothèses robotisées. Adrian Meyer
Professeur Riener, quel est votre superhéros préféré ? Spiderman. La trilogie m’a vraiment diverti. Vous travaillez sur les superhumains du futur. A l’EPFZ, vous développez des exosquelettes grâce auxquels des personnes paralysées peuvent marcher. C’est de la science-fiction. Les exosquelettes actuels ne savent pas encore faire grand-chose. Ils ont des articulations de genoux et de hanches commandées, parfois il peuvent pivoter les hanches de côté. Avec ça, les paraplégiques ne peuvent marcher que sur un sol plane. Ces appareils sont très primitifs et patauds, les batteries ne durent guère, les pieds ne sont pas mobiles. En cas de dévers, l’exosquelette bascule et ne peut pas marcher sans béquille. N’empêche que des paraplégiques peuvent remarcher. Comment réagissez-vous à cela ? Ce qui séduit le plus les patients concernés, c’est qu’ils peuvent à nouveau se tenir debout; regarder quelqu’un dans les yeux; attraper quelque chose sur l’étagère tout seuls. Pour eux, cette réalité est si belle qu’ils sont enthousiastes.
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Les costumes robotisés genre Iron Man demeurent-ils un rêve ? Hollywood nous fait miroiter de fausses réalités. On croit que la recherche est en train de développer un Iron Man ou un Terminator; et l’armée américaine de super-uniformes grâce auxquels un soldat peut porter plus de charge. Bien sûr qu’on y travaille, je connais tous les projets. Mais pour l’heure ils ne fonctionnent strictement pas. Pourquoi ? Parce qu’on ne sait pas fabriquer un costume robotisé capable de reconnaître tout de suite ce que l’humain veut. Et de mettre l’intention rapidement en œuvre. Il y a de premiers succès pour l’interface entre homme et machine, mais ces interfaces ne sont pas encore fiables. Je suis un peu déçu : il y a sans cesse un buzz autour des prothèses robotisées. Nous sommes à un tournant. De nouvelles technologies d’interface, de meilleurs matériaux, de plus beaux designs et des batteries améliorées arrivent. Mais tout cela n’a pas encore été intégré dans les appareils actuels. Et la technique n’est pas encore assez solide.
Il y a deux ans à Kloten, vous avez pour la première fois fait concourir des personnes équipées de prothèses-robots l’une contre l’autre en un Cybathlon. Pourquoi ? Pour la première fois, des personnes avec handicap se sont mesurées. Et ont soumis des prothèses robotisées à un test de robustesse. J’entendais ainsi donner de l’élan à la technique. Nous ne voulions pas seulement montrer ce qui fonctionne mais aussi ce qui ne marche pas. Au bout du compte, nous voulons des appareils utiles au jour le jour. Pour ce faire, il faut plus de concurrence. Le but, c’est des prothèses grand public qui fonctionnent de manière aussi polyvalente que des smartphones. Nous en sommes encore très loin. C’est pourquoi moins de la moitié des gens amputés d’un bras portent une prothèse. Qu’est-ce qui les empêche ? Pour les prothèses de bras, déjà la fixation au moignon. Si les patients transpirent beaucoup, la prothèse bouge et ils ne peuvent pas porter de lourdes caisses. Vous disiez que les préparatifs du Cybathlon vous avaient ouvert les
Scannez et apprenez encore plus sur le sujet.
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Photo: Gerry Nitsch
Le maître des cyborgs: Robert Riener Le professeur Robert Riener, 50 ans, pratique la recherche depuis quinze ans à l’EPFZ. Ingénieur mécanicien, il dirige l’Institut des systèmes sensori-moteurs. Il travaille sur les technologies qui facilitent la vie aux personnes avec handicap. Son équipe développe entre autres des exosquelettes qui aident les paraplégiques à marcher. En 2016. Robert Riener a créé le premier Cybathlon.
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«Il existera un jour des exosquelettes qui permettront de marcher si vite que je n’aurai plus besoin de voiture.» yeux sur les besoins des personnes avec des limitations physiques. Dans quelle mesure ? Beaucoup de nouveaux appareils semblent sensationnels et sont géniaux du point de vue robotique. Il y a des prothèses permettant de bouger les doigts. Mais le porteur n’en profite guère parce qu’il maîtrise la plupart de ses tâches avec sa main valide. Mais s’il lui faut les deux mains, par exemple pour porter une caisse, il ne le peut pas avec cette prothèse, car les doigts se brisent ou la prothèse glisse. J’ai aussi relevé combien il reste de barrières entre personnes avec et sans handicap. Toutes ces peurs et ces tabous. On surnomme le Cybathlon «JO des cyborgs». Cela ne diminue pas forcément les peurs. Je tolère ce surnom mais, en réalité, il dénigre l’humain. Nous n’entendons pas faire un «freak-show», nous voulons donner aux personnes concernées l’opportunité d’aider à développer les technologies. Les ingénieurs, médecins et patients doivent beaucoup plus dialoguer. Ce n’est que si les chercheurs connaissent les besoins effectifs qu’ils peuvent développer les appareillages adéquats. Le Cybathlon a-t-il déjà des effets sur la recherche ? Oui, l’effet est énorme. Mes collègues sont épatés. Les premières équipes se sont rencontrées deux ans déjà avant le concours. A l’époque, elles ont recruté des pilotes et développé des appareils avec eux. Ces derniers ont du sens parce qu’au Cybathlon il s’agit de résoudre des tâches
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Laissez cette main prendre vie grâce à AR.
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de tous les jours. Les pilotes avec prothèses de bras doivent par exemple dresser la table du petitdéjeuner aussi vite que possible.
Les prothèses peuvent-elles ressentir ? On a vu de premiers succès avec des senseurs tactiles. Les patients ressentent ainsi comment la machine se comporte. Mais c’est très compliqué, pas encore au point, extrêmement cher. On a longtemps travaillé sur la manière dont le cerveau peut envoyer des signaux à la prothèse. Mais pour qu’un processus de mouvement fonctionne, il faut que notre main ou notre pied envoie sa réaction au cerveau. Les prothèses nécessitent donc un signal dans les deux sens. Les patients risquent-ils une crise d’identité si une machine devient une partie de leur corps ? Lorsque l’on fixe une chose à son corps et qu’on la porte en permanence, elle devient un jour une partie de notre corps. Si quelqu’un travaille professionnelle-
ment avec des pincettes toute sa vie, la pincette remplace l’extrémité de ses doigts. La technique s’intègre au corps, même si elle demeure sourde et ne permet pas de ressentir directement.
Les patients préfèrent-ils des appareils high-tech aux prothèses traditionnelles ? Oui, surtout les enfants et adolescents. Il existe des prothèses que l’on peut façonner soi-même à l’aide d’une imprimante 3D. Des bras comme Iron Man: avec ça, ils peuvent même se la jouer. D’autres veulent des prothèses aussi proches que possible de la nature, avec des pores, des poils, des vaisseaux sanguins. D’autres encore les veulent aussi peu visibles que possible. Pour vous, où finit l’humanité et où commence la machine ? La technique nous permet d’être plus humains. Il est possible de vivre davantage au quotidien, on est plus intégré à la société. Tant que l’esprit et la volonté demeurent libres, nous sommes suffisamment humains. Le fait d’exploiter la technique jour après jour pour s’améliorer est quand même parfaitement normal. Pour beaucoup d’entre nous, le smartphone est devenu un élément de notre identité. Quand vous ne l’avez pas avec vous, vous êtes perdu.
Graphique: Ringier; Photo: ETH
La prothèse high-tech est-elle la prochaine étape de l’évolution de l’humanité ? Je dirais plutôt que l’évolution technique fusionne avec l’évolution humaine. D’une manière qui est un atout pour la société. Réunir enfin l’humain avec la technique est un grand défi technique et mental. Que se passera-t-il si les humains avec prothèses-robots deviennent plus performants que ceux qui n’en ont pas ? Pas de problème, tant que la sécurité des prothèses est assurée. Et tant que les humains ne sont pas contraints à la technologie ou qu’il en naît des iniquités au sein de la société. Mais le débat sur l’équité est compliqué car ceux qui sont nantis peuvent plus aisément s’offrir ce genre d’outils. Les plus pauvres sont défavorisés. Mais un jour ou l’autre la
Cybathlon Dopage technique bienvenu : les 2 et 3 mai 2020, l’EPFZ organise le Cybathlon pour la deuxième fois à la Swiss Arena de Kloten. La première mondiale a eu lieu il y a deux ans. Des personnes avec handicap concourent dans six disciplines, équipées de prothèses robotisées de la dernière génération. Elles se mesurent en course cycliste avec stimulation musculaire électrique, en course virtuelle avec pilotage par la pensée, en parcours d’adresse avec prothèse du bras intelligente et en course d’obstacles avec prothèse de jambe active, exosquelette robotisé et fauteuils roulants motorisés. Les parcours sont organisés de manière à répliquer des situations quotidiennes. Lors du premier Cybathlon, on a vu concourir 73 pilotes de 25 pays. Six équipes suisses en étaient, dont deux présentées par l’EPFZ. www.cybathlon.com
Vidéo: première mondiale du Cybathlon à Kloten.
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technique rendra l’homme plus performant et plus fort, j’en suis sûr. Il y aura un jour des exosquelettes que je pourrai enfiler à la manière d’un habit. Et de la sorte je marcherai jusqu’à mon travail tellement vite que je n’aurai plus besoin de voiture.
Vous porteriez un tel habit ? Evidemment, tant qu’il est sûr, que je peux me l’offrir et que personne ne m’y force. Il fut un temps où les humains étaient plus rapides à vélo que sans. Et cela n’émeut personne.
Vous feriez-vous implanter de la technologie pour être plus performant ? Si je devenais ainsi plus performant dans mon travail et ne pas y risquer ma santé, oui. Les prothèses pourraient donc devenir des produits lifestyle ? Si la technique est sûre, je n’y vois pas de problème. Se peut-il qu’à l’avenir des gens se fassent volontairement couper le bras pour accueillir une prothèse-robot ? C’est une question à prendre au sérieux. Le bruit court qu’en Asie des sportifs y ont bel et bien pensé parce qu’ils pensaient être plus performants avec une prothèse. Mais ils ignorent les inconvénients dans la vie quotidienne, les douleurs fantômes, les complications médicales. Non, un tel projet n’est vraiment pas recommandable. Les tenants du transhumanisme pensent que, grâce aux technologies, un jour l’homme dépassera son corps et toutes ses limitations. Pour être humain, il faut un corps. Le fait qu’il soit fabriqué avec une jambe ou deux est secondaire. Mais nous avons besoin d’une interaction corporelle avec notre environnement. C’est le seul moyen pour que notre cerveau apprenne. Quand les singes ont commencé à se déplacer sur deux pattes, cela leur a soudain libéré les mains. Et c’est grâce à ça que les fonctions cérébrales ont augmenté. Que se passe-t-il si quelqu’un fait implanter son cerveau dans un robot ? Si le cerveau pouvait être relié à un robot, nous aurions à nouveau une interaction physique. Théoriquement, cela pourrait fonctionner. Mais je ne saurais vraiment pas dire si on aurait affaire à un humain ou à un robot. Pour vous qu’est-ce qui fait un être humain ? Avoir son libre arbitre. Je veux être autonome et être accepté. Et ne pas devoir craindre sans cesse d’être blessé.
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Le monde de demain
Personne ne sait ce qui va se passer. Seule certitude: la numérisation bouleverse rapidement notre quotidien. Nous pouvons nous préparer à ces dix étapes. Peter Hossli
Micro puce implantée Ce qui semble futuriste est déjà là: en 2017, des milliers de Suédois se sont fait implanter une puce électronique grosse comme un grain de riz sous la peau de la main. Elle remplace la carte-clé pour ouvrir une porte. Les paiements sans contact sont possibles.
La Coupe du monde de football au Qatar en VR Les premières tentatives pour transmettre la Coupe du monde de football en réalité virtuelle ont eu lieu en Russie. Dans quatre ans, des millions de gens vivront chaque match avec des lunettes VR, comme si elles étaient au stade. Avec une bière à la main, malgré l’interdiction de l’alcool au Qatar.
Illustration: Shutterstock
Moins de pauvreté La numérisation atteint le sud de la planète. Aujourd’hui de 30 %, la part de la population vivant dans l’extrême pauvreté sera ramenée à moins de 10 % d’ici 2035.
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L’Internet des objets
Drones autonomes
Le réfrigérateur est pourvu de capteurs reliés à Internet afin de savoir quand commander du lait et de la bière. Les agriculteurs et les brasseurs connaissent en permanence la quantité à livrer. En 2023, 70 milliards d’objets seront connectés à Internet, en 2030 déjà 200 milliards.
En 2033, 8,7 milliards de personnes vivent sur terre. Elles achètent 15,1 millions de voitures électriques, dont beaucoup se déplacent de manière autonome. La même année, les drones autonomes transportent les premiers passagers à travers les grandes villes. La profession de chauffeur de taxi disparaît.
Apprentissages et enseignements globaux Des programmes intelligents déterminent, qui apprend quoi et à quel rythme. Les contacts entre les maîtres et les élèves diminuent.
Les piles battent l’essence Lassitude Selon la CIA, le virage numérique surcharge les gens et la politique au Nord. Vers 2036, beaucoup de personnes se sentent poussées en marge de la société par l’IA ou la biogénétique.
La densité énergétique des combustibles fossiles est très élevée. En 2039, les piles atteignent pour la première fois une densité énergétique supérieure à celle du pétrole. L’électricité devient la source énergétique déterminante.
Cyber guerre À l’avenir, l’intelligence artificielle décide des guerres. Des robots autonomes dominent les champs de bataille. Dès 2040, les soldats américains ne font plus que donner des tâches aux robots, et les machines décident de la manière de les accomplir. Aujourd’hui déjà, les pilotes de combat sont assistés par l’IA.
Voitures autonomes À part dans les régions isolées, ce sont les robots qui conduisent. 90 % des automobiles sont autonomes. Les accidents sont rares. En 2050, le nombre de voitures électriques vendues atteint 23,4 millions.
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