Les Cahiers Ozanam n° 202

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2,60 €

Les cahiers n° 202

janvier-février 2013

Des liens pour aimer, partager, servir

Dossier

Bicentenaire de Frédéric Ozanam

Carnet de route

Comédie musicale Ozanam ou l'histoire d'un succès

L’invité

Frédéric Ozanam, Interview exclusive !



Magazine

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événement : 2013 : faire vibrer la planète Ozanam Histoire : Procès de canonisation, où en est-on ?

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L’invité : Frédéric Ozanam « Enserrer le monde dans un réseau de charité » 35 Courrier

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Dossier : Bicentenaire de Frédéric Ozanam Ozanam, l'homme aux multiples visages Frédéric, dans l’intimité

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Service

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Actus SSVP

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Actus juridiques et sociales

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International

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Carnet de route : Comédie musicale Ozanam ou l'histoire d'un succès 21

Spiritualité

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Réflexion : La vision de l'éternité chez Frédéric Ozanam

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L’invité : Sœur évelyne Franc 27 Contemplation

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Prier en Conférence 31

Ce numéro comprend un encart d’abonnement entre les pages 2/3 et un bon de commande entre les pages 38/39, ainsi qu’un encart posé « siège national ».

édito

2013 !

© SSVP

D

eux siècles après la création, sous l’Ancien Régime, de plusieurs congrégations religieuses dédiées au service des pauvres à l’initiative de saint Vincent de Paul, Frédéric Ozanam, encore étudiant, crée avec quelques compagnons la Société de SaintVincent-de-Paul. Ce mouvement de laïcs catholiques développe alors une action caritative imprégnée de spiritualité dans ce monde moderne postrévolutionnaire.

sont les JMJ, aussi bien en 1997, année de sa béatification, qu’en 2013, en attendant la canonisation…

Près de 200 ans après, les commémorations de la naissance de Frédéric et de la création de la première Conférence sont l’occasion d’un bilan et de nouvelles perspectives. Pour l’Église universelle, Frédéric Ozanam, c’est la figure emblématique d’un jeune intellectuel catholique engagé, qui est mise en avant dans les grands rassemblements de jeunes que

Enfin, le projet associatif Ozanam 2015, en gestation depuis deux ans, représente l’ambition partagée d’une refondation à l’écoute du XXIe siècle. 2013 devrait être l’occasion de sa mise en œuvre.

Pour la société civile dans le monde, les huit cent mille laïcs bénévoles de la SSVP témoignent dans cent quarante-huit pays, de la pertinence d’une forme d’action sociale de proximité auprès des plus démunis, fondée sur la relation personnelle, la réciprocité et la spiritualité. Chez nous, l’Église de France, en remettant la diaconie au cœur de notre foi, donne tout son sens à la diaconie vincentienne.

Bertrand Ousset Président national

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Magazine L’événement

2013 : faire vibrer la planète Ozanam Ozanam est vivant ! La preuve : cet appel téléphonique reçu en décembre au siège : « Bonjour, pourrais-je parler à Frédéric Ozanam s’il vous plaît ?… » Alors que nous préparions ce numéro consacré au bicentenaire, cette anecdote nous a réjouis : la jeunesse d’Ozanam, sa vigueur et sa pertinence abattent les barrières du temps et rappellent décidément que la charité est toujours jeune. Par Benoît Pesme

A

près réflexion, cette méprise sur l’âge de Frédéric nous a mis en face de la tache qu’il nous reste à accomplir pour le faire connaître à nos contemporains, un appel à le rendre vivant à travers tous les événements imaginés ou déjà programmés au long des mois de l’année 2013 : 200 ans de sa naissance, 180 ans de la Société de Saint-Vincent-de-Paul et 160 ans de sa mort, une conjonction exceptionnelle de commémorations qui nous invite à faire vibrer la planète Ozanam.

Un nom mondialement connu Ozanam est un nom qui fédère les huit cent mille Vincentiens présents partout où s’est étendu le réseau de charité, qu’il avait appelé de ses vœux, à travers le monde. Mais au-delà, son nom rayonne dans les institutions, dans les départements, dans les diocèses et les congrégations religieuses. Son nom sera fêté, pays par pays. En Inde comme en Argentine, en Irlande comme en Colombie, au Bénin comme au Canada, chacun dans sa culture trouvera la manière de célébrer Ozanam, apôtre

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Ozanam - n°202 - janvier-février 2013

de la charité et disciple de saint Vincent de Paul. à Rio au Brésil en juillet, des centaines de milliers de jeunes réunis pour les Journées Mondiales de la Jeunesse le rencontreront puisqu’il est l’un des parrains choisis par Benoit XVI pour cet événement. à Paris, il sera chanté sur scène dans une comédie qui lui est consacrée et lors de la fête de l’Ascension, à Turin en Italie, des jeunes marcheront avec lui sur les pas de Pier Georgio Frassati, l’un des ses fils spirituels.


Partout, imprimée sur des T-shirts et des couvre-chefs, en effigie sur des monuments ou sur des fanions, la figure d’Ozanam sera déployée dans le but de faire connaître son œuvre répandue dans cent quarante-huit pays, pour y faire vivre la charité. Et puisqu’il parlait lui-même de « réseau », il se réjouira sans aucun doute de voir combien de sites internet, de pages Facebook ou de comptes Twitter parlent de lui sur la toile.

Des événements solennels À Paris, ville où il a vécu et où siège le Conseil général international, on célébrera plus spécialement la Société de Saint-Vincent-de-Paul à travers sa dimension internationale, lors d’un forum qui se tiendra au Conseil économique, social et environnemental. À Notre-Dame de Paris, on se rassemblera autour de l’archevêque de la capitale, le cardinal André Vingt-Trois, pour prier au cours d’une messe célébrée en son honneur. Dans des colloques, l’un à l’Institut catholique et l’autre à l’université de la Sorbonne, on approfondira sa pensée sociale à travers les communications d’universitaires et de chercheurs. Enfin, faisant état des commémorations nationales en 2013, le service des archives de France consacrera plusieurs pages à Frédéric Ozanam, reconnu comme un Français illustre. Pour la France, pays où la SSVP est en pleine phase de rajeunissement, l’enjeu est de taille : il s’agit d’aller puiser à la source pour raviver la flamme. Déjà, sur l’initiative de Bruno Dardelet, ancien président de la SSVP, un spectacle autour des lettres d’Ozanam est programmé pour l’automne, tandis qu’une messe des jeunes est en gestation dans une paroisse de Paris. Cet anniversaire réveillera aussi la mémoire de tous ces lieux qui, à travers la France, portent le nom d’Ozanam : lycées, résidences, jardins ouvriers, centres d’accueil… Ce sera l’occasion pour chacun de raviver son lien avec Ozanam, une histoire à découvrir et à partager. Il reste encore à inventer toute forme de célébrations simples, accessibles, témoins de la vitalité de la Société de Saint-Vincent- de-Paul. Nous pourrons alors répondre à notre journaliste : « Non, malheureusement, je ne peux pas vous passer Frédéric Ozanam, mais voyez comme 200 ans après sa naissance, il est vivant ! »

Et vous Vincentiens, de quelle manière fêtez-vous Ozanam cette année ? Envoyez vos témoignages et les dates de vos événements à contact@ssvp.fr

Dates à retenir Les 23 et 24 mars : trois représentations de la comédie musicale Ozanam par 70 comédiens bénévoles. Théâtre de Notre-Dame de Grâce de Passy (Paris)

Du 2 au 5 avril : opération avec les scolaires Jeu ici, Toi ailleurs, en partenariat avec l’Union générale sportive de l’enseignement libre (UGSEL) et Enfants du Mékong (partout en France) Les 19 et 20 avril : colloque sur le bicentenaire de Frédéric Ozanam au Palais d’Iéna, siège du Conseil économique, social et environnemental (Paris) Le 21 avril : messe d’Action de Grâce à Notre-Dame, présidée par le cardinal archevêque de Paris Mgr André Vingt-Trois.

Du 8 au 12 mai : pèlerinage des jeunes Vincentiens (Turin)

Les 9, 10 et 11 mai : rassemblement Diaconia 2013, en partenariat avec la SSVP (Lourdes) Le 9 juin : campagne nationale de lutte contre la solitude

Du 23 au 28 juillet : trois jours de rassemblement mondial de la jeunesse vincentienne avant les JMJ (Rio de Janeiro) Le 7 septembre : colloque sur « Frédéric Ozanam en Sorbonne. Un universitaire chrétien au XIXe siècle » à la Sorbonne (Paris)

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Dossier

Ozanam, l’homme aux multiples visages « Frédéric Ozanam ». Un nom que l’on entend souvent, en diverses occasions. Certains le présentent comme un jeune chrétien engagé dans sa foi, d’autres préfèrent vanter ses mérites de grand intellectuel et de professeur. D’autres encore s’attachent à parler de lui comme fondateur de la SSVP et apôtre de la charité. Les plus téméraires oseront évoquer sa vie personnelle et son amour pour sa chère Amélie… Mais, au travers de ces multiples facettes, Frédéric reste pour beaucoup un illustre inconnu. Qui était donc ce jeune homme : une plume engagée ? Un précurseur du socialisme ? Un chrétien fervent ? Un missionnaire au cœur de Paris ? À l’aube du bicentenaire de sa naissance, partons à la découverte de cette grande figure vincentienne. Texte par Christian Verheyde - Illustrations Mathieu Jourdain de Muizon

Un journaliste engagé Très jeune, Frédéric Ozanam fut attiré par l’écriture. Dès l’âge de 15 ans, au collège royal de Lyon, il écrivit un article dans le journal l’Abeille française, de son professeur, l’abbé Noirot : « Démonstration de la vérité de la religion catholique par l’antiquité des croyances historique, religieuse et morale ». À 16 ans, il fut l’auteur d’un long article de réflexion sur l’histoire de la philosophie et d’un autre, en août 1929, contre « la traite des nègres ». Il écrivit

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plus tard dans Le Précurseur, journal des libéraux de Lyon, favorable au Saint-Simonisme.

deviendra même rédacteur en chef de Les Annales de la propagation de la foi.

Félicitations de Lamartine

Fondateur d’un journal

Puis pour réfuter ce mouvement, il publia, à tout juste 18 ans, un ouvrage de 96 pages en 1831, intitulé « Réflexions sur la doctrine de Saint-Simon ». Cette œuvre lui vaudra d’ailleurs les félicitations de Lamennais, Chateaubriand, Lamartine ! Frédéric prit donc l’habitude d’écrire dans la presse et donna des articles dans L’univers et Le Contemporain. Il

Le 18 avril 1848, au lendemain des Journées de février, qui donnèrent naissance à la IIe République, il fonda le journal L’ ère nouvelle avec Lacordaire, qui en fut le rédacteur en chef, et l’abbé Maret. Ce quotidien connaîtra de très belles heures. Frédéric y écrira plus de soixante articles entre le 15 avril et le 11 janvier 1849. À cette date, il cessera

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toute collaboration, tout en gardant au journal sa confiance. En effet, sa santé très affaiblie et ses travaux universitaires et d’écrivain l’empêchèrent d’apporter une contribution régulière. Il consacrera alors la plus grande partie de ses articles à deux questions essentielles en cette période troublée : la question italienne et les affaires sociales. Dès le premier numéro, il traçait la vision qu’il a de la société et du monde : « Nous croyons fermement à la justice de la révolution qui vient de s’accomplir ; nous ne la croyons pas seulement permise, mais voulue de Dieu. Nous croyons qu’elle est l’un des mouvements les plus honorables, les plus profonds, les plus doués de fécondité que le monde ait encore vu. »

Un homme plus social que politique Même s’il s’y intéressa de fort près, Frédéric Ozanam n’eut pas un rôle capital en politique. Mais on soulignera tout de même sa participation aux élections législatives des 23 et 24 avril 1848. Ces élections au suffrage universel (ce qui était une grande première !) eurent lieu au scrutin majoritaire plurinomi-

nal dans le cadre du département. On comptabilisa huit millions d'électeurs ! Alors qu’à cette époque, seuls les hommes participaient au scrutin. Les femmes attendront 1945 !

Une mission peu conforme Ozanam hésita à se présenter. Entre ses cours à la Sorbonne, sa famille, sa « chère petite » Société de Saint-Vincent-de-Paul, le trentenaire avait un emploi du temps déjà bien chargé. Mais poussé par ses amis lyonnais : « Je reçois de Lyon des propositions très instantes pour me laisser mettre sur une liste de candidats », il accepta de se présenter. Il se confia alors à son frère Alphonse : « Mon premier mouvement a été de refuser une mission si peu conforme à mes habitudes et à mes études. Cependant, après y avoir songé devant Dieu et pris conseil de ceux qui ont des droits sur ma conscience et sur mon cœur, en réunissant les conseils de ma famille et de mes amis, je me suis déterminé à un sacrifice que je ne pouvais refuser sans manquer à l’honneur, au patriotisme et au dévouement chrétien. On me porte donc à Lyon. » Sur les neuf cents sièges de l’Assemblée nationale, quatorze furent attribués au

département du Rhône. Mais Ozanam, qui « n’a réuni que le nombre insuffisant d’environ seize mille voix », ne fut pas élu. Croyait-il en ses chances ? Il écrivait le 12 avril : « Ce que nous avons de mieux à faire, c’est de porter nos suffrages sur des candidats républicains qui partagent notre foi ou qui offrent des garanties sérieuses à notre liberté. »

Affronter les orages Fut-il déçu ou heureux de cette défaite ? Sans doute un peu des deux. Dans sa lettre à Lallier (qui sera élu en Côte-d’Or), il avouait : « Je ne suis pas bien robuste de santé pour affronter les orages de l’Assemblée nationale. Mes habitudes de parole ne s’accommodent guère avec la tribune où il faudrait monter. » Dans sa lettre à son frère Alphonse du 21 avril, Frédéric confiait ses craintes et ses espoirs : « J’espère que je n’y aurai qu’un nombre honorable de suffrages et que la Providence m’épargnera la périlleuse gloire d’être représentant du peuple. Cependant si elle m’y destine, j’espère qu’elle me donnera le courage nécessaire pour ne point trahir ses desseins. »

« La révolution de février [1848] n’est pas pour moi un malheur public auquel il faut se résigner : c’est un progrès qu’il faut soutenir. J’y reconnais l’avènement temporel exprimé par ces trois mots : Liberté, égalité, Fraternité. Je veux donc la souveraineté du peuple. (…) Il faut placer dans la constitution la liberté de la parole, de l’enseignement, des associations et des cultes. » Frédéric Ozanam

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Dossier Rerum Novarum 1891 : « Car s’il [l’ouvrier] met à la disposition d’autrui ses forces et son énergie, ce n’est évidemment que pour obtenir de quoi pourvoir à son entretien et aux besoins de la vie. Il attend de son travail le droit strict et rigoureux, non seulement de recevoir son salaire, mais encore d’en user comme bon lui semblera. »

Un chrétien en avance sur son temps

tion économique entraîne des conséquences politiques, sociales, culturelles. Le monde bouge, Ozanam en est bien conscient. Il va aider son église à évoluer.

Connu pour sa foi ardente et sa vie spirituelle intense, Frédéric avait aussi des idées très novatrices en matière de société. Il est ainsi considéré comme l’un des précurseurs de la doctrine sociale de l’Église. L’encyclique Rerum Novarum, de Léon XIII, qui date de 1891, énonce effectivement de nombreuses idées que Frédéric Ozanam avait déjà émises 50 ans plus tôt ! Au XIXe siècle, l’église catholique prend conscience que la situa-

Ozanam 1840 : « Il faut donc qu’avec son salaire, l’ouvrier puisse pourvoir aux frais d’éducation et d’instruction de ses enfants. Sa force active est un capital qui doit tarir un jour. L’invalidité et la vieillesse viendront. L’ouvrier a donc droit à la retraite. Car si un travailleur ne trouvait pas dans son salaire les éléments de sa retraite, il aurait placé sa vie à fonds perdus. »

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Ozanam : « La question qui divise les hommes de nos jours n’est plus une question de formes politiques, c’est une question sociale, c’est de savoir qui l’emportera de l’esprit d’égoïsme ou de l’esprit de sacrifice. Il y a beaucoup d’hommes qui ont trop et qui veulent avoir encore ; il y en a beaucoup plus d’autres qui n’ont pas assez, qui n’ont rien et qui veulent prendre si on ne leur donne pas. Entre ces deux classes d’hommes, une lutte se prépare ; et cette lutte menace d’être terrible : d’un côté la puissance de l’or, de l’autre la puissance du désespoir. » Rerum Novarum : « La violence des bouleversements sociaux a divisé le corps social en deux classes et a creusé entre elles un immense abîme. D’une part, une fraction toute-puissante par sa richesse. Maîtresse absolue de l’industrie et du commerce, elle détourne le cours des richesses et en fait affluer vers elle toutes les sources. De l’autre, une multitude indigente et faible, l’âme ulcérée, toujours prête au désordre. »

« L’ordre de la société repose sur deux vertus : justice et charité. Cependant la justice a des limites. La charité n’en connaît pas. » Frédéric Ozanam


Un universitaire doué et audacieux Ayant obtenu ses doctorat en Droit (1836) et en Lettres (1839), Frédéric Ozanam rentra à Lyon pour enseigner le droit commercial. Nommé, en juillet 1839, il donnera quarantesept leçons. Au cours de l'une de ses leçons, suivies par plus de deux cent personnes, Ozanam s’écria : « Il y a exploitation quand le maître considère l ’Ouvrier non comme un associé, comme un auxiliaire, mais comme un instrument dont il faut tirer le plus de services possibles au moindre prix qu’il se pourra. L’exploitation de l’homme par l’homme, c'est l’esclavage. L’Ouvrier-machine n’est plus qu’une partie du capital comme l’esclave des Anciens : le service devient servitude. »

Un professeur courageux

tes, science accumulée avec de grands efforts, puis improvisation brillante, parole entraînante et colorée ; tel était cet enseignement. Il préparait ses leçons comme un bénédictin et les prononçait comme un orateur : double travail dans lequel s’est usée une constitution ardente, et qui a fini par se briser. »

Acclamé par ses étudiants Seule la maladie l'éloigna à plusieurs reprises de ses cours en Sorbonne. Après le coup d’état de Napoléon III, le bruit courut, en 1852, que les professeurs ne voulaient plus donner leurs cours. Certains reprochèrent alors à Ozanam de ne pas venir en Sorbonne. Mais déjà très gravement malade, il se fit conduire à la Faculté et devant ses élèves : « Messieurs, on reproche à notre siècle d ’être un siècle d’égoïsme, et l’on dit les professeurs

atteints de l’épidémie générale. C'est ici que nous usons nos forces. Notre vie, ma vie vous appartient. Nous vous la devons jusqu’au dernier souffle. Quant à moi, Messieurs, si je meurs, ce sera à votre service. » Acclamé par ses étudiants, il quitta la Sorbonne pour ne plus y reparaître.

« Un peu pâle, je franchis le seuil. J’entre par la petite porte et je prends place au fauteuil universitaire. Mes yeux se lèvent vers l’auditoire dans cet amphithéâtre couvert de plus de 300 personnes. Cette vue inopinée m’effraie. » Frédéric Ozanam, lors de sa première leçon le 9 janvier 1841

Il fallait du courage à ce jeune professeur de vingt-six ans pour lancer de telles phrases dans ce Lyon qui, il y a peu (novembre 1831 et février 1834), avait connu la révolte des Canuts ! Nous sommes en 1840 ! Huit ans avant la sortie du Manifeste du Parti communiste de Karl Marx. Reçu premier en 1840 au concours de l’agrégation, il fut nommé professeur suppléant de Claude Fauriel, auquel il succéda en novembre 1844. Pendant 12 ans, il restera fidèle à l'enseignement et à ses étudiants de la Sorbonne, qu'il aimait tant. Peu avant sa mort, il écrivit : « Cher ami, après les consolations infinies qu’un catholique trouve au pied des autels, après les joies de la famille, je ne connais pas de bonheur plus grand que de parler à des jeunes gens qui ont de l’intelligence et du cœur. » Frédéric avait une très haute idée de sa mission d'enseignant. Jean-Jacques Ampère décrit ainsi le professeur Ozanam : « Préparations laborieuses, recherches opiniâtres dans les tex-

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Dossier

Frédéric, dans l’intimité Pendant un grand moment, Frédéric Ozanam ne sut pas s'il se marierait ou s'il entrerait au couvent. Il écrivit à Léonce Curnier le 29 octobre 1835 : « Il me semble que j'éprouve, depuis quelque temps, les symptômes avant-coureurs d'un ordre nouveau de sentiments, et je m'en effraie. Je sens en moi se faire un grand vide que ne remplissent ni l'amitié, ni l'étude. J'ignore qui viendra le combler. Sera-ce Dieu ? Sera-ce une créature ? » Mais la Providence veillait...

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Un époux amoureux et un père attentif

otographie m et sa fille. Ph oque. ép Amélie Ozana d' e guerréotyp d'après un da

à l’automne 1839, Frédéric rencontra la fille de Monsieur Soulacroix, recteur de l'Académie de Lyon. Il fut très vite séduit par Amélie, qui soignait avec amour un jeune frère gravement malade. Il se prit alors de passion pour cette jeune fille de 19 ans, lui qui en a 27, et l’épousa le 23 juin 1841 en l’église Saint-Nizier à Lyon. Tout fut très réussi, malgré « le temps affreux, la pluie tombait à torrent ». De nombreux témoignages parurent sur la vie exemplaire d'Amélie, qui avait reçu une excellente éducation : elle parlait italien, jouait remarquablement du piano.

Une parfaite compagne

La conception du mariage défendue et vécue par Frédéric fait de lui, là encore, un précurseur. © SSVP

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Ozanam - n°202 - janvier-février 2013

Elle fut une parfaite compagne pour Frédéric. Jean-Jacques Ampère résuma très bien cette vie cachée : « Cette main qu’Ozanam dit être plus délicate que la sienne, est celle qui s’est trouvée assez forte pour lui présenter le dernier breuvage et qui lui a donné la dernière étreinte. » Ozanam donnera plus tard une très belle définition du mariage : « Ce sont deux coupes : dans l’une se trouve la pureté, la pudeur, l’innocence ; dans l’autre un amour intact, le dévouement, la consécration immortelle de l’homme à celle qui est plus faible que lui ; qu’hier il ne connaissait pas et avec laquelle aujourd’hui il se trouve heureux de passer tous ses jours. Et il faut que les coupes soient également pleines pour que l’union soit équitable et que le ciel la bénisse. »


« Je ne sais rien de plus doux sur la terre, que de trouver, en rentrant chez moi, ma femme bien aimée, avec ma chère enfant dans ses bras. » Frédéric Ozanam la famille : « Je ne sais rien de plus doux sur la terre, que de trouver, en rentrant chez moi, ma femme bien aimée, avec ma chère enfant dans ses bras. Je fais alors la troisième figure du groupe ; et je demeurerais volontiers des heures entières dans l’admiration, si tôt ou tard, des cris ne venaient me rappeler que la pauvre nature humaine est bien fragile. »

« Je l’attends au ciel » Ce seront douze ans d'un amour sans partage, qu’il a si bien décrit : « L’amour tient en ceci de la nature divine qu’il se donne sans s’appauvrir, qu’il se communique sans se diviser, qu’il se multiplie, qu’il est présent en plusieurs lieux à la fois et que son intensité augmente à mesure qu’il gagne en étendue. » Cet amour prit fin sur terre le jeudi 8 septembre 1853, en la fête de la Nativité de la Vierge. Dans son testament, Frédéric évoque une dernière fois Amélie : « Je la remercie, je la bénis et je l’attends au ciel. Là seulement, je pourrai lui rendre autant d’amour qu’elle en mérite. »

Après deux fausses couches, Amélie donna naissance, le 24 juillet 1845, à une petite fille : Marie. Quelles ne furent pas la joie et la fierté de Frédéric : « Ah, quel moment que celui où j’ai entendu le premier cri de mon enfant ! Où j’ai vu cette petite créature, mais cette créature immortelle que Dieu remettait entre mes mains ! Qui m’apportait tant de douceurs et aussi tant d’obligations ! Je ne puis voir cette douce figure, toute pleine d’innocence et de pureté, sans y trouver l’empreinte sacrée du créateur, moins effacée qu’en nous. La mère, à peu près rétablie, a la consolation d’allaiter son enfant. C’est un plaisir bien laborieux, mais bien vif. Aussi, nous ne perdons pas les premiers sourires de notre petit ange. » On imagine Frédéric, ses cours terminés en Sorbonne, se précipiter chez lui, rue de Fleurus et goûter aux joies de

Béatifié le 22 août 1997, Frédéric Ozanam repose aujourd’hui dans la crypte de l’église universitaire Saint-Joseph des Carmes à Paris.

Marie enfa dessinée par Lo nt, uis Janmot

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Marie, joie et fierté de son père

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Service Actus SSVP

Ozanam 2015 : Nous sommes toujours là, Frédéric !

Année de la célébration de ta naissance et de celle de la première Conférence, 2013 sera aussi celle de la mise en œuvre d’un projet qui porte ton nom et ton empreinte. Lettre ouverte à Frédéric Ozanam, par Michel Rouzé, président du projet Ozanam 2015.

L

’empreinte d’une pensée sociale qui ne se résout pas à la fatalité de la pauvreté : « La même autorité qui nous annonce qu’il y aura toujours des pauvres parmi nous est aussi celle qui nous ordonne de tout faire pour qu’il n’y en ait plus. » L’empreinte d’une pensée économique qui dénonce avec fermeté « ces ignominieuses doctrines qui réduisent toute l’économie de la vie humaine aux calculs d’intérêt. » L’empreinte d’une pensée spirituelle qui ne prend sens qu’au service de ceux qui souffrent, « la religion sert moins à penser qu’à agir », sachant qu’ « aucune œuvre de charité ne doit être étrangère à la Société, quoique celle-ci ait plus particulièrement pour but la visite de familles pauvres. » L’empreinte de cet amour des pauvres ainsi professé : « Vous êtes nos maîtres [et] les images sacrées de ce Dieu […] que nous aimerons en vos personnes » ; et de

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cette conviction qu’il ne faut pas hésiter à « passer aux barbares » si la mission en dépend. Nous pourrions continuer longtemps à puiser dans tes œuvres des moyens d’appréhender le déroulement de ce projet qui nous invite à nous remettre en cause, à nous « plaindre moins de notre temps et plus de nous-mêmes », à revoir nos modes de fonctionnement, à repenser la subsidiarité, à être plus solidaires entre nous, et surtout à nous rajeunir, à nous ouvrir à d’autres partenariats et à d’autres frères et sœurs pour mieux servir.

velles, nos vies encombrées de désertions et de péchés, nos chemins minés de doutes et d’angoisses, n’ont pas enlevé à tes descendants en Saint Vincent de Paul la nécessaire volonté de repenser leur approche de la foi et leur pratique de la charité. En ces premiers jours de l’année, permets un vœu ou une supplique. Dans cette démarche Ozanam 2015 qui s’avère être une grande aventure, nous sommes partis à une quinzaine en janvier 2011. En ces trois derniers mois, des centaines de Vincentiens ont travaillé au projet. Puisses-tu faire que des milliers participent à son lancement en 2013, dans le seul but de mieux accomplir l’œuvre que tu as inspirée de ta vision, de ton courage, de ta persévérance et de ta foi.

Affronter des défis En ton temps déjà tu avais dû affronter ces défis identifiés dans nos travaux : recrutement, rajeunissement, développement, travail en église, communication, animation, spiritualité… Certes, l’histoire a tracé depuis d’autres sillons et lancé d’autres perspectives, mais l’hydre de la souffrance sévit toujours avec autant de cruauté. Aussi 180 ans plus tard, sommes-nous toujours là, essayant encore d’être témoins de la misère et amis des pauvres. Le temps qui passe, chargé de souffrances toujours nou-

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© SSVP

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Les Lyonnais sont nombreux à la réunion décentralisée, le 19 novembre 2012

à Bordeaux, les Vincentiens participent avec entrain aux ateliers, le 24 septembre 2012


Mieux qu’Ikea, une Conférence à Creutzwald

Des bénévoles bien connus Edmond, président de la Conférence SainteThérése, et Pascal, bénévole, sont le fer de lance d’un service vincentien maintenant bien connu dans le département : chaque jour, des habitants de Moselle les contactent pour leur donner des meubles ou de l’électroménager dont ils veulent se débarrasser. Les

Marie-France Michel © SSVP

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n Lorraine, les quinze Vincentiens de la Conférence Sainte-Thérèse de Creutzwald s’affairent. Colis alimentaires une fois par mois, aides financières, paniers de produits frais plusieurs fois par semaine, vestiaire impressionnant, dépôt de meubles, de jouets et de bibelots, etc. Que de charité de proximité dans cette ville ! Surtout lorsqu’on sait qu’elle héberge également la Conférence Sainte-Croix, qui se concentre sur un important dispositif de distribution alimentaire.

Brèves

Edmond et Pascal, un binôme hors pair.

deux compères se rendent alors à leur domicile, équipé de leur célèbre camionnette, et chargent le mobilier. Puis tous les mercredis, nos deux bénévoles livrent, à nouveau à domicile, les meubles récupérés à des gens dans le besoin. Ces derniers se sont au préalable manifestés via les assistantes sociales, qui enregistrent le type de mobilier dont ils manquent. Quotidiennement et jusqu’à huit heures par jour, Pascal et Edmond s’activent et tiennent le rythme ! C.B.

2 La presse parle de nous

Nouvelle présidente de Nouvelle-Calédonie Mariée et mère de quatre enfants. Investie dans le milieu associatif depuis plusieurs années, elle s’est donnée comme mission d’aider au recrutement, à la formation et au rajeunissement des bénévoles.

Bernard Chatton Nouveau président intérimaire du CD 22 (Côtes-d’Armor) Veuf, père de deux enfants. Après une carrière dans l’armée puis dans le civil, où il s’est notamment occupé de l’orientation des travailleurs handicapés, il a participé à la fondation d’associations et est membre d’un CCAS. à la SSVP, il souhaite assumer la continuité et le renouvellement des membres.

Jacques Guinault

x 24/12/2013

x 27/01/2012

à l’occasion de Noël, RND a accueilli JeanLouis Souchon, président de la Conférence de la paroisse Saint-Vincent-de-Paul à Paris, dans l’émission La Voix est libre. Il a témoigné de l’investissement des bénévoles vincentiens auprès des plus démunis, en ces jours de fêtes. Pour réécouter l’émission, rendez-vous sur www.radionotredame.net.

Pour le bicentenaire de Frédéric Ozanam, Gérard Cholvy, historien et spécialiste d’Ozanam, et Jean-Louis Souchon, président de la Conférence de la paroisse Saint-Vincentde-Paul à Paris, ont été invités pour une émission spéciale La Foi prise au Mot sur la solidarité. Pour revisionner l’émission, rendez-vous sur www.ktotv.com.

Radio Notre-Dame

Kto TV

Marié, trois enfants et cinq petits-enfants. Il a passé l'essentiel de sa vie professionnelle au sein d'un groupe bancaire. Vincentien depuis 2005 et responsable de l'association Suzanne Michaux (lire p.15), durant son mandat il souhaite faire siennes ces paroles : « Dieu n'a qu'un lieu pour se dire au monde : notre existence. »

n°202 - janvier-février 2013 - Les cahiers Ozanam

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Nouveau président du CD 78 (Yvelines)

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Service Face à face

François : « Grâce à Acte, on se sent

soutenu mais jamais assisté »

François, cadre au chômage, est accompagné par « Acte », une association de consultants qui accompagne bénévolement les cadres en recherche d’emploi. Propos recueillis par Benoît Pesme Qu’est ce qui fait la spécificité d’Acte à vos yeux ?

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L’association vous met-elle directement en relation avec des employeurs ?

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Du professionnalisme et de l’humain. Comme exemple, je parlerai de Jean-Lin, cadre dirigeant d’une multinationale en Asie. C’est lui qui a lancé Acte à Toulouse : frotté aux complexités des groupes humains et connaissant l’exigence de la fonction, il a à la fois l’œil du cadre dirigeant de haut niveau et, engagé bénévolement au service des chercheurs d’emploi, il déploie une vraie dimension humaine, bienveillante. Le professionnalisme Une antenne d’Acte, c’est d’abord des bénévoles fait une équipe composée de consul- la réputation d'Acte. tants et de graphologues. On exige beaucoup d’eux. Ils sont formés et Quelle est l’importance de ce « groupe » ont un vrai parcours professionnel. Pour la privilégié par Acte ? graphologie comme pour les méthodes de Cette ouverture aux autres est une des condidécouverte de soi, on a affaire à des pros ! tions pour ne pas se laisser grignoter par les attaques que l’on vit en période de chôQuel est le rythme exigé pour les cher- mage : perte de confiance en soi, difficulté cheurs d’emploi ? à garder un rythme de vie dynamique, joie La même exigence est appliquée au par- de vivre. Si les entretiens se tiennent toujours cours des « actistes », comme on nous dans des espaces fermés, pour respecter la appelle. Dès qu’on est en piste — j’ai confidentialité, Acte dispose aussi d’une salle patienté six mois en liste d’attente — on de réunion pour les fameux exercices de prénous demande d’être assidu, de faire du sentation en trois minutes devant les autres travail personnel et de nous insérer dans actistes. Il y a également un endroit prévu le groupe. On se sent soutenu mais jamais pour le repas du mardi : c’est un moment assisté. Chacun travaille avec son consul- que je ne manque jamais. On se retrouve tant attitré selon une méthode éprouvée entre actistes, on échange, discute et évite qui privilégie le groupe, sans pour autant de parler boulot. Notre fardeau, on le dépose que celui-ci soit pesant. dans l’oreille du consultant en face à face,

au moment où l’on remet tout sur la table, avant de bâtir son projet personnel.

Si des offres d’emploi sont affichées au tableau, ce n’est pas le but d’Acte. Sa priorité, c’est de remettre l’actiste en piste, s’acceptant comme il est pour retrouver le boulot pour lequel il est fait. Un indicateur pour mesurer les résultats de cette approche ? La liste d’attente ne cesse de s’allonger…

En bref Implantée à Bordeaux, Nantes, Paris et Toulouse, Acte est une association bénévole, chrétienne, ouverte à tous. Elle offre un accompagnement professionnel aux cadres et aux jeunes diplômés en rupture d’emploi. Sa spécificité est d’offrir l’ensemble des services que propose un cabinet de reclassement : accompagnement individuel dans la durée (un an) démarche de recherche structurée, phase réflexive (ou bilan) et phase active (coaching – ateliers) logistique disponible : bureaux, salle de réunion, téléphone, informatique… www.acte-asso.fr


Nicolas Fekete : « Au service du retour à l’emploi par la création d’entreprise »

Nicolas Fekete, président de l’association Suzanne Michaux, affiliée à la Société de Saint-Vincentde-Paul, nous raconte l’histoire d’un bénévolat original. Ces cadres, souvent à la retraite, accompagnent généreusement ceux et celles, qui en situation de précarité, cherchent à sauter le pas en créant leur propre emploi, par la création d'une activité commerciale, artisanale ou de service. Propos recueillis par Capucine Bataille

Madame Michaux a consacré toute sa vie à aider les plus démunis à se former pour pouvoir vivre dignement de leur travail. À son décès, elle a fait un legs à la SSVP, dont quelques bénévoles ont eu l'idée et le courage de créer cette œuvre pour faire perdurer l’action de la donatrice. Aujourd’hui, une quarantaine de bénévoles travaillent au sein de l’association Suzanne Michaux. 95 % d’entre eux sont d’anciens entrepreneurs, chefs d'entreprise ou cadres supérieurs, aux formations et parcours divers. Ils accompagnent les bénéficiaires, personnes exclues, sans emploi, ou en situation de précarité, dans leur création d’entreprise, à la lumière leur longue expérience professionnelle. Faites-vous un « tri » des futurs entrepreneurs que vous accompagnez ?

Les candidats qui viennent demander un accompagnement ont un projet plus ou moins élaboré. Informés des étapes de la création d'entreprise, ils prennent conscience au fur et à mesure de leur avancement, de la viabilité de leur projet. Étant maître de leur affaire, nous les laissons, à l'éclairage de nos recommandations, décider de la poursuite ou pas de leurs travaux. Certains réussissent, d’autres abandonnent pour un retour vers le monde salarial, ou

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Comment est née l’association Suzanne Michaux ?

Nicolas Fekete (à gauche) témoigne des situations émouvantes vécues.

rebondissent vers d'autres idées de création. Nous ne « trions » pas les personnes que nous aidons : je pense que tant qu’une personne fait preuve de volonté d’entreprendre, quelle que soit sa situation bénéficiaire du RSA ou autres, elle peut créer d'autant mieux qu'elle reçoit un bon soutien. Apportez-vous un suivi sur la durée, gardez-vous contact avec les bénéficiaires ?

Au cours de la maturation du projet, il s'établit un climat de confiance entre le candidat et les tuteurs. Après la création, il est fréquent que le créateur donne de ses nouvelles, voire demande conseil. Pour autant, nous n'entretenons pas de suivi formel ; même si un lien se tisse avec les personnes que nous aidons.

Aussi diverses qu’elles soient, les situations que nous vivons en tant que « bénévoles-tuteurs » sont souvent émouvantes. Je repense à celle d’une jeune femme, dont la vie a été semée d'embûches et qui a décidé de se lancer comme coiffeuse à domicile, malgré une situation de surendettement. Aujourd’hui, elle voit enfin le bout du tunnel ! Il y a aussi cet homme qui, à près de soixante ans et momentanément à la rue, démarre avec notre soutien une activité d'artisan ramoneur. Autant de personnes que d'émotions réciproques quand vous les voyez sauter le pas et reprendre confiance en eux.

Chiffres Depuis sa création : 700 projets accompagnés 160 personnes ont créé leur propre activité 30 personnes ont retrouvé un emploi salarié En 2012, 30 personnes ont créé leur entreprise, 5 sont retournées au salariat www.suzannemichaux.fr

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Service Initiatives

Un déjeuner presque parfait Le conseil général du Bas-Rhin et la Conférence de Saint-Vincent-de-Paul de Marckolsheim (Alsace) ont organisé un déjeuner presque parfait ! Ce concours inter-associations a relevé le défi de valoriser les structures de distribution alimentaire du secteur et les personnes qui en bénéficient. Par Capucine Bataille

La candidate gère son stress avec succès.

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e challenge initié par l’Unité territoriale d’action médico-sociale (UTAMS) de Sélestat (Alsace), qui s’inspire de l’émission homonyme, a été un franc succès ! Ce « déjeuner presque parfait » solidaire s’est tenu en mai et a été clôturé lors d’une soirée de récompenses en novembre 2012.

À l’unanimité, le jeu fut qualifié d’original et de motivant par toutes les structures sociales participantes. Quatre associations alsaciennes se sont rapprochées pour la réussite du projet : l’épicerie sociale d’Obern’aide, la distribution alimentaire de Barr, l’association Paprika et la Conférence Saint-Vincentde-Paul de Marckolsheim. Les bénéficiaires de chacune des structures ont été invités à déposer leur candidature, puis à s’affronter au sein même de leur association. Ainsi, quatre demi-finalistes, représentant de leur association, ont été sélectionnés. Les deux vainqueurs se sont enfin rencontrées pour une finale mémora-

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Original et motivant

ble à Obernai, en présence d’un prestigieux jury dont deux grands maîtres étoilés !

De l'audace et du rire

des petites équipes se sont constituées autour des finalistes, chacun essayant de faire gagner son association », explique Christine Bonnaud, bénévole vincentienne et coach de la Conférence de Marckolsheim dans cette aventure. « C’était une très belle expérience où bénévoles vincentiens et bénéficiaires se sont serrés les coudes pour mener à bien un projet. Même si la grande gagnante a finalement été Mme Marnissi, de Paprika, nous ne regrettons pas d’avoir rencontré les autres associations du secteur et espérons renouveler bientôt l’expérience ! »

Si les deux candidates finalistes, Imène Marnissi de Paprika et Muriel Baesler de Saint-Vincentde-Paul, étaient quelque peu impressionnées au départ, l’ambiance festive et bon enfant a redonné de l’audace aux plus timorés. « Pour la finale, Muriel a été très entourée ! Des bénévoles et d’autres candidats qui n’avaient pas été retenus sont venus l’aider. Des deux côtés,

Quant à Muriel, finaliste pour Saint-Vincentde-Paul, elle se souvient avec émotion de ce concours : « Pour moi ce fut une super journée. Dans la cuisine les rires fusaient ! Cela enlevait un peu du stress. D’habitude, je cuisine pour mes enfants et petits-enfants, comme par exemple à Noël ! J’ai eu aussi le plaisir de montrer des recettes que certaines personnes ne connaissaient pas. »

1. Préchauffer le four à 180°C (th. 6). 2. Couper 6 rectangles de pâte feuilletée, les dorer au jaune d’œuf. Faire cuire 20 minutes à180°C et laisser refroidir. 3. Préparer la crème chantilly : verser la crème dans un saladier et ajouter le sucre glace. Battre à l’aide d’un fouet électrique en augmentant progressivement la vitesse.

4. Quand les feuilletés sont froids, les trancher en 2 dans la largeur et tartiner le bas de chantilly. 5. Déposer quelques tranches de fruits, puis couvrir avec le haut du friand. 6. Saupoudrer de sucre glace. 7. Mixer le reste des fruits. 8. Servir avec une cuillerée de purée de fruits et une boule chantilly.

Secret de Muriel

Caresse du pâtissier Muriel, finaliste, dévoile le secret de sa recette du dessert servi le jour de la finale. - 1 plaque de pâte feuilletée - 500 g de fruits ou fruits au sirop - 1 jaune d’œuf - 30 cl de crème liquide - 25 g de sucre glace

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Actus juridiques et sociales

Retour sur la conférence nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale Cette conférence, présidée par le Premier ministre – Jean-Marc Ayrault –, s’est tenue au Palais d’Iéna à Paris les 10 et 11 décembre derniers. Par Bertrand Decoux

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bénéficiaires de la CMU. Plafond de ressources relevé de 7 %. L’allocation de soutien familial et le complément familial, dédiés aux familles monoparentales et nombreuses confrontées à la pauvreté, seront revalorisés. Hébergement d’urgence : 3,5 millions de mal logés dont 150 000 personnes à la rue. + 9 000 places en 2013. Et sur tous les domaines, agir pour favoriser l’accès aux droits.

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es principales mesures annoncées à l’issue de la conférence sont les suivantes : Revaloriser le revenu de solidarité active (RSA) : 1,39 million d’allocataires perçoivent 475 € par mois. Le RSA sera revalorisé de + 10 % sur 5 ans pour atteindre 50 % du Smic contre 43 % aujourd’hui. Surendettement : 765 000 ménages sont concernés. Création d’un registre national des crédits aux particuliers. Garanties Jeunes : 20 % des jeunes vivent sous le seuil de pauvreté. 100 000 bénéficiaires par an : moins de 25 ans, sans qualification ni diplôme, contrat d’un an avec formation et emploi, 450 € mensuels. Couverture maladie universelle (CMU) et soutien aux familles précaires : + 500 000

Donner la parole Mais au-delà de ces mesures, il est à noter des initiatives visant à donner la parole à des personnes en situation de précarité. Le Premier ministre souhaite que ces personnes soient associées à l’élaboration et au suivi des politiques publiques. Le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) vient de créer en son sein un 8e collège pour associer à ses travaux ces personnes : elles ont pris la parole au Palais d’Iéna. On peut y voir l’évolution de nos esprits qui, de « Place et Parole de Pauvres » dans Diaconia2013 aux souhaits exprimés lors de cette conférence, portent un regard différent sur les personnes en situation de précarité.

Le point sur

Le don en nature Toute personne travaillant au profit d’une association en échange d’une somme d’argent a un statut vis-à-vis de l’association : salarié ou travailleur indépendant. Le salarié exerce son activité sous l’autorité (la subordination juridique) du conseil d’administration, du président ou d’une personne déléguée à cet effet. Le salarié reçoit une rémunération qui peut être constituée, en tout ou en partie, d’avantages en nature. L’association doit verser aux organismes sociaux les charges sociales relatives au salaire net encaissé par le salarié. Le travailleur indépendant est autonome dans l’organisation de son travail. Il n’existe aucun lien de subordination entre l’association et lui. Il produit des factures sur lesquelles figurent le montant de ses honoraires et son numéro SIRET. Il déclare luimême ses revenus à un régime spécifique de protection sociale. Il est donc indispensable de connaître le statut de toute personne physique exécutant un travail au profit de l’association afin d’être en règle avec les organismes sociaux. Par Sophie Rougnon

Pour aller plus loin : Sur le portail de l’administration dédié aux associations : http://www. associations.gouv.fr/692-le-travailleur-independant.html http://www.associations.gouv.fr/83le-salarie.html

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Service Actus juridiques et sociales

Échange compétences contre besoin de sens

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ls ou elles ont majoritairement entre vingt-cinq et quarante-cinq ans, exercent une activité professionnelle avec des responsabilités, et ont pour la plupart une famille avec des enfants. Autrement dit, un agenda bien rempli ! Mais ces hommes et femmes ont pourtant décidé d’apporter ponctuellement leur aide et leur expertise à une association de solidarité. Ils font ce qui s’appelle du bénévolat de compétences. Cette pratique, déjà très répandue dans les pays anglo-saxons, se propage peu à peu en France et impliquerait plusieurs milliers de personnes, par le biais du seul bouche à oreille.

Des bénévoles exigeants Comment expliquer un tel succès ? Le bénévolat de compétences a l’avantage de répondre directement aux aspirations de notre époque, à savoir une quête de sens et un désir d’engagement, tout en s’adaptant à nos contraintes et à nos agendas d’hommes et de femmes pressés. « Aujourd’hui, les bénévoles se font plus exigeants quant à leur utilité et à la finalité de leur action, ils recherchent des projets qui soient adap-

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Né il y a une dizaine d’années, le bénévolat de compétences rencontre un succès grandissant. La raison ? Cette nouvelle forme d’engagement répond à deux aspirations très actuelles : la quête de sens des professionnels et le besoin de professionnalisation des associations. Par Audrey Steeves

Apporter poncuellement son aide à une association.

tés tant à leur expertise professionnelle qu’à leur mode de vie », note ainsi une enquête de l’association Passerelles et Compétences, fer de lance de cette pratique en France. Ainsi, le bénévolat de compétences leur permet d’allier « engagement social et pragmatisme efficace », l’utile et l’agréable.

La bonne volonté ne suffit pas Du côté des associations de solidarité aussi, ce nouveau type de bénévolat vient combler une véritable attente. Nombre d’entre elles doivent en effet atteindre des objectifs pour lesquels la bonne volonté ne suffit pas, le tout avec des moyens financiers limités — à fortiori en temps de crise — et une ressource en bénévoles réguliers qui diminue au fil des ans. Pouvoir disposer, en cas de besoin, de professionnels compétents et à moindre coût constitue une solution idéale. Tout le monde sort gagnant de cette expérience, alors pourquoi s’en priver !

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Témoignage Bernard Usquin, président d’Habitat et Humanisme Ile-de-France, à la fois bénévole et bénéficiaire : « J’ai d’abord expérimenté le bénévolat de compétences en tant qu’intervenant. En 10 ans, j’ai réalisé une douzaine de missions. J’ai beaucoup aimé le fait d’aider des associations qui aident les autres. Puis, lorsqu’à Habitat et Humanisme, j’ai eu besoin de faire appel à des compétences professionnelles pour un recrutement, l’installation d’un logiciel ou du conseil en stratégie, j’ai tout de suite pensé à ce système. Le résultat a été au-delà de nos espérances ! Non seulement nous avons reçu l’aide de personnes très qualifiées, mais sur un plan humain, nous avons créé une relation assise sur des valeurs communes qui nous a enrichis les uns comme les autres. »


Patrick Bertrand : « Montrer à chacun qu’il peut s’engager et que réside en lui un trésor à partager » Président et fondateur de l’association Passerelles et Compétences qui vient de fêter ses dix ans, Patrick Bertrand est un fervent militant du bénévolat de compétences. Il nous dit tout de cette formule qui permet à des professionnels d’apporter gratuitement leur expertise à des associations de solidarité. Propos recueillis par Audrey Steeves, journaliste Comment est née l’association Passerelles et Compétences ?

Quel est le principe du bénévolat de compétences ?

Lorsqu’une association de solidarité identifie un besoin d’ordre juridique, informatique, stratégique, etc, et qu’elle n’a pas les moyens de financer, elle nous contacte. À ce moment, deux bénévoles de notre association, baptisés les « passerelles », vont l’ac-

Avez-vous des projets ?

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Un jour, j’ai croisé un ami rencontré quelques années plus tôt en Thaïlande, dans le cadre d’une mission de solidarité. Il m’a alors fait part des difficultés de l’association où il travaillait, à recruter un directeur général. Étant moi-même professionnel des ressources humaines, j’ai proposé d’apporter mon aide. Et cela a fonctionné ! En plus, j’ai réalisé que cette expérience très enrichissante ne m’avait pas pris beaucoup de temps. Elle avait réunifié en moi les rêves du jeune adulte parti sauver le monde… avec les obligations financières du père de famille. Puis en en parlant autour de moi, j’ai vu que cela suscitait un véritable intérêt. Beaucoup de gens avaient soif d’engagement mais ne savaient pas comment s’y prendre : j’ai donc créé Passerelles et Compétences. Dix plus tard, nous sommes présents dans douze villes et comptons plus de quatre mille cinq cents bénévoles.

les. Les associations ont donc tout intérêt à nous solliciter ! D’autant que cet engagement ponctuel se poursuit souvent dans la durée. Surtout, au-delà de l’aspect opérationnel, notre but est de promouvoir le bénévolat de compétences, de montrer à chacun qu’il peut s’engager et que réside en lui un trésor à partager. à la suite d'une mission, un bénévole m’a avoué avoir découvert un côté de lui qu’il ne connaissait pas : cette expérience de don l’avait révélé à lui-même.

Concilier son envie de sauver le monde et ses obligations.

compagner dans la définition de la mission, puis diffuser l’annonce dans notre réseau, en ciblant les personnes qui répondent aux compétences demandées. Ensuite, les bénévoles qui souhaitent effectuer la mission se manifestent, et après avoir vérifié que tout est clair, nous mettons en relation les heureux bénéficiaires. Avez-vous beaucoup de missions ?

De plus en plus : de deux cent trente missions en 2011, nous sommes passés à trois cent trente en 2012. Mais cela reste toujours beaucoup moins que le nombre de bénévo-

Nous aimerions continuer à nous implanter dans d’autres villes, car les besoins existent partout, tout comme l’envie de s’engager. Par ailleurs, nous réfléchissons à inventer de nouvelles formes d’engagement, par exemple à distance. L’objectif est qu’un maximum d’associations et de bénévoles puissent vivre cette belle expérience de solidarité partagée.

En bref L’association est présente à Paris et en Ile-de-France, à Lyon, Niort, Poitiers, Nantes, Strasbourg, Rennes, Bordeaux et Grenoble. www.passerellesetcompetences.org

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Service International

Vincentiens d’Europe réunis à Madrid

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Migueline Houette, membre du Conseil d’administration (CA) national, a représenté la France lors de la réunion internationale « Europe 1 » en novembre 2012 à Madrid.

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e rassemblement réunissait les présidents de chacun des pays de la zone (Angleterre, écosse, Pays de Galles, Allemagne, Belgique, Monaco, Italie, Espagne et Turquie), Marie-Françoise Salesiani-Payet, vice-présidente international, mais aussi des jeunes de chaque pays. Trois jeunes Français se sont donc joints à notre délégation : Julien Spiewak, membre du CA et vice-président Jeunes au CGI, Benoît Courtade de Lyon, et Florian Arduin, président d'une Conférence de jeunes à Rennes. La présence de ces trois Vincentiens révèle

l'importance que la SSVP, en France comme ailleurs dans le monde, attache à l’implication concrète des jeunes, les voulant présents aux réunions importantes.

Des échanges riches Durant ces trois jours, les échanges ont été riches. Nous avons notamment évoqués : - L'action du CGI et son rôle de (re)dynamisation des pays. - L'importance de la visite à domicile, mais également la difficulté à faire comprendre à certains que la distribution alimentaire ne devait pas la remplacer.

- Les initiatives très dynamiques des jeunes en Angleterre, constitués en plusieurs groupes : les moins de 18 ans et les 18-33 ans (appelés 1833 en référence à l’année de notre fondation). - Les difficultés de recrutement de certains pays, mais aussi la nette progression d’autres dans ce domaine, comme en Belgique (+ 5 %) et à Monaco (+ 50 %). Enfin, on évoquera la Turquie et ses grandes difficultés à recruter dans un pays musulman, où l'église n'est pas reconnue par l'état, et dont le dynamisme semble cependant intact, dans l'espérance. M.H.

Dernières nouvelles du Bénin Monique Lalucque, responsable du Pôle-pays Bénin, s’est rendue sur place en novembre 2012. Elle nous livre les dernières nouvelles de la SSVP Bénin.

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ous sommes partis au Bénin afin de rencontrer nos jumelles et de partager avec elles, espérance et expérience. Dans le Sud du pays, en pirogue, en « moto-taxi » où dans le 4x4 fatigué du national (320 000 km au compteur !), nous sommes allés à la rencontre d’une quinzaine de Conférences jumelées. Le président national nous a rappelé que le dynamisme de la SSVP

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Bénin, créée en 1905, date de 1990, grâce à la politique de soutien de projets via les jumelages. à ce jour, le pays compte 192 Conférences et environ 5 000 membres. Soixante-cinq Conférences sont ou ont été jumelées avec des Conférences en France et, de ce fait, disposent de projets : 18 ont des palmeraies, d’autres des champs de cultures vivrières. Grâce aux revenus, elles

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peuvent accomplir leur mission d’aide aux démunis, aux malades, aux prisonniers, d’octroi de fournitures aux élèves sans ressources, etc. Pour en savoir plus sur nos écoles, nos projets innovants, sur l’intérêt du palmier à huile, lisez le compte-rendu de ce voyage sur www.ssvp.fr M.L. Contact : g-m.lalucque@wanadoo.fr


Carnet de route

La troupe de Révélateur Productions redonne vie au fondateur de la Société de Saint-Vincent-de-Paul.

Comédie musicale Ozanam ou l’histoire d’un succès Depuis 1997, Révélateur Productions initie et produit chaque année une comédie musicale retraçant l’histoire d’une personnalité ayant marqué la vie de l’église et du monde. Après les succès de Maximilien Kolbe en 2010, puis de Jean-Paul II l’année suivante, Révélateur Productions rend maintenant hommage à la vie du bienheureux Frédéric Ozanam, fondateur de la Société de Saint-Vincent-de-Paul. Par Capucine Bataille - Photos : Amalia de Larminat

T

el un livre d’images, la comédie musicale Ozanam se déroule sous les yeux du public ébahi : des costumes travaillés, des tableaux d’un esthétisme remarquable, et le tout en musique ! Pour le bonheur des petits et des grands, la troupe fait renaître, le temps d’une soirée, un Frédéric passionné et passionnant. Engagé politiquement dans une période de troubles, fou de Dieu, éperdument amoureux de sa femme, il séduit ses spectateurs et ravive leur esprit de jeunesse.

Capucine bataille rédactrice en chef

Comme le rapporte déjà certains spectateurs, cette pièce touchera particulièrement le cœur des Vincentiens.

Des Vincentiens émus « Mes confrères de la Société de Saint-Vincent-de-Paul m’ont dit avoir été émus : ils ont retrouvé l’élan qui avait été le leur quand, à l’âge de vingt ans, il y a fort longtemps, ils s’étaient engagés dans la Société. » Mais le témoignage de la vie de Frédéric Ozanam fait aussi plus largement écho à des situa-

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Service Carnet de route tions auxquelles tous peuvent être confrontés : « Frédéric Ozanam est un modèle pour tous les jeunes, car il vivait à une époque où l’église subissait beaucoup d’attaques. Nous pouvons facilement transposer son témoignage à ce que nous vivons à notre époque », témoigne un des acteurs.

Des multiples petits Ozanam « Je bénis le ciel, car cette comédie musicale nous ramène vraiment dans l'actualité où les pauvres se font de plus en plus nombreux et, grâce à votre spectacle, nous nous sentons encore plus concernés par la pauvreté au coin de nos rues. Souhaitons qu’il fasse naître des multiples petits Ozanam afin de lutter contre la pauvreté de ce début du 3e millénaire. » Louis, le jeune acteur qui incarne Ozanam sur scène, s’enthousiasme : « Frédéric, c’est un saint qui est simple ! Ce n’est pas un religieux mais c’est un homme marié. Il n’a pas fait de choses exceptionnelles, mais juste ce que tout le monde peut faire. Alors que tous se préoccupaient de la révolution, lui il est allé à la rencontre des pauvres ! » Maximilien, chargé de production du spectacle, confie également : « Pour moi, c’est aussi un modèle d’engagement. à vingt ans, il est allé à la rencontre des pauvres de son quartier, avec une bande d’amis. […] Il a eu ce désir d’enserrer le monde dans un réseau de charité, et aujourd’hui sa Société de Saint-Vincent-de-Paul est présente dans près de cent cinquante pays dans le monde. Chacun à sa portée, on peut faire le bien autour de soi, et faire naître des œuvres qui perdurent. »

Son histoire est un formidable témoignage de charité.

En tournée Sur un texte écrit par Michel-Olivier Michel et mis en scène par Paul Picaretta, Jean-Marie Pelou et Romain Cucuel, soixante-dix jeunes acteurs mêlent sur scène danses, chants et théâtre. Après une première tournée couronnée de succès dans le sud de la France, la troupe s’est produite début décembre à Paris, et redonnera trois dernières représentations le samedi 23 mars à 16 h, puis 20 h 30, et le dimanche 24 mars à 14 h 30, au théâtre de Notre-Dame de Grâce de Passy, dans le 16e arrondissement à Paris.

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Un saint auquel les jeunes d'aujourd'hui peuvent facilement s'identifier.

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Son engagement et son esprit de jeunesse séduisent grands et petits.

La beauté de son message est révélée au grand jour.

Les soixante-dix acteurs, danseurs, chanteurs deviendront-ils des petits Ozanam ?

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Spiritualité Réflexion

La vision de l'éternité chez Frédéric Ozanam « Les prières de Frédéric Ozanam nous font pénétrer à l'intérieur de son univers religieux : un monde peuplé d'anges qui vont du ciel à la terre et de la terre au ciel, […] affirmation d'un acte de foi dans la réalité du monde invisible et de la vie éternelle. » (Jeanne Caron – Les Cahiers Ozanam n° 200). Quelle était donc la vision de l'éternité chez Frédéric Ozanam ? Par Jean-Claude Peteytas, diacre vincentien.

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ans notre Credo, la « vie éternelle » est mentionnée : elle est l’objet premier de notre foi et de notre espérance. Mais que sait-on de la « vie éternelle » ? Comme l’écrit le père Bernard Sesboüé, le message du Nouveau Testament demeure très sobre à ce sujet. Et par hypothèse, il nous parle à partir d'images et d’expériences tirées de la vie temporelle. Mais nous savons que la discontinuité entre nos expériences d’ici-bas et celles qui nous attendent est radicale, mais pas totale. La vie éternelle sera la pleine manifestation de ce qui est déjà présent et caché ici-bas. Elle consistera à participer à la vie même de Dieu, c'est-à-dire à entrer dans l’échange amoureux des trois Personnes divines. Par le don de l’Esprit, nous vivrons pleinement en frères du Fils et en enfants du Père. La vie éternelle sera la vision de Dieu que nous verrons face à face.

De chaque côté de la rive Jean-Claude petEytas diacre et bénévole à la SSVP dans le Périgord

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Frédéric Ozanam était persuadé de cette vision de Dieu pour toujours. Mais il était également un chrétien qui laissait une très grande place dans sa vie spirituelle à la Communion des saints. Dès ses débuts, l’église a une conviction : l’existence d'une communion entre les vivants et les morts. Le Dieu de JésusChrist est le Dieu des vivants. Finalement il n’y a pas de défunts. Il n’y a que des vivants de chaque côté de la rive. Pendant la Semaine sainte de 1853, depuis Pise, Ozanam écrit le poème suivant dans son testament, s’adressant à sa tendre Amélie :

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« Toi mon ange gardien, tu restes ici-bas : Ta prière ouvrira le ciel devant mes pas. Tu restes quelques jours pour mettre sur la voie L’enfant, la tendre enfant qui causait notre joie. Fais qu’elle pense à moi : donne-lui tes vertus. Nous nous retrouverons au séjour où l’on aime, Et nous échangerons sous les yeux de Dieu même Le long embrassement qui ne finira plus. » Il fait ici bel et bien profession de foi en la vie éternelle ! Dans sa célèbre prière de Pise (23 avril 1853), on découvre la foi d'Ozanam en la Communion des saints. Parlant à Dieu des prières faites par beaucoup d’amis pour obtenir sa guérison, Frédéric finit par lui dire : « Mais peut-être Seigneur vous les exaucerez d’une autre manière… Vous ferez trouver dans la maladie une source de mérites et de bénédiction. Vous les ferez retomber sur ma femme, mon enfant, sur tous les miens, à qui mes travaux auraient peutêtre moins servi que mes souffrances. » Ne sommes-nous pas là dans le domaine de la Communion des saints ? Cet échange, invisible mais réel, vécu à la face de Dieu entre Ozanam, sur le point de quitter cette terre, sa femme, son enfant, et ceux qui vont bénéficier de la grâce de Dieu qu’Ozanam « a gagné » pour eux ?

Un horizon de promesses Ozanam, historien de la littérature, lecteur de Dante, a soutenu, le 7 janvier 1839, sa thèse Essai sur la philosophie de Dante. Frédéric considère Dante comme un théo-


Isabelle Chareire, maître de conférences de la faculté de théologie (Université catholique de Lyon), lors du colloque des 4 et 5 décembre 1998, a dit au sujet de Frédéric Ozanam : « Il s’agit bien là [à travers la lecture et les commentaires sur Dante par Ozanam] de vocation chrétienne, car l’enracinement dans les réalités humaines et le regard

porté vers l’horizon des vérités dernières participent du dynamisme même de l’Incarnation. à travers cette lecture du Purgatoire [chez Dante] apparaît l’unité de la vie de Frédéric Ozanam, nouant la diversité de ses centres d’intérêt et de ses activités, en un regard tourné vers l’Au-delà. Si le pèlerinage de Dante est symbolique, ce voyage au monde invisible n’est cependant pas un rêve, car l’âme n’en habite pas d'autres ; "étrangère dans ce monde visible […] elle ne perçoit les choses passagères qu’à la clarté des lumières éternelles." Cette lecture qu’Ozanam a faite de Dante n’est pas faite hors du temps, elle est ce qui donne la force de l’habiter plus pleinement, éclairé par l'ultime. »

«Toi mon ange gardien, tu restes ici-bas : Ta prière ouvrira le ciel devant mes pas.

»

© pio3 - Fotolia.com

logien et l'étude de La Divine Comédie est pour lui un grand poème illustrant l’au-delà de la vie humaine. Pour Frédéric, la lecture de Dante manifeste un enracinement dans l’épaisseur humaine qui n'évacue pas un horizon de promesses et d'avenir.

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Spiritualité

© SSVP

Frédéric dédicace son ouvrage sur Dante à sa bien-aimée.

à la fin de ses Notes biographiques sur son mari, Amélie conclut : « La mission de mon pauvre ami sur la terre n’est pas finie… Il n’a fait que jeter le grain qui lui fut confié, le divin cultivateur saura bien le faire germer et moissonner. » Ainsi donc Amélie dit sa foi en cette vie terrestre qui ne finit pas mais qui est transformée.

Suivre des plans inconnus Frédéric, dans une causerie faite devant les ouvriers de la Société de Saint-François-Xavier, s'était ainsi exprimé : « Nous sommes tous comme des ouvriers des Gobelins qui, suivant les plans d'un artiste inconnu, s’appliquent à assortir les fils de diverses couleurs sur le revers de la trame. Ils ne voient pas le résultat de leur travail. C’est seulement quand tout est terminé qu’ils peuvent admirer à l’aise ces fleurs, ces figurines, ces scènes splendides et dignes des palais des Rois. Ainsi de nous : nous travaillons, nous souffrons ici-bas sans en voir le terme ni le fruit. Mais Dieu le voit, et quand il nous relève de notre tâche, il montre à nos regards émerveillés ce que Lui, le grand artiste invisible et présent

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partout, a fait de toutes ces fatigues qui nous semblent si stériles, et il daigne placer dans son grand palais ces fiables œuvres de nos mains. »

S'épanouir en une éternité Ainsi, déjà bien avant de mourir, Frédéric Ozanam manifestait sa foi totale et entière en la vie éternelle. Notre vie ne se borne pas aux années passées sur cette terre mais, avec tout ce que nous avons vécu (quel que soit le nombre des années), cette vie terrestre s'épanouit en une éternité bienheureuse de la pleine vision de Dieu avec tous ceux et toutes celles qui furent nos compagnons en ce monde. C'est la promesse même de Jésus-Christ : « Je pars vous préparer une place … Père, ceux que tu m’a donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, afin qu’ils voient ma gloire, la gloire que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde » (Jean 17, 24). Oui, Frédéric Ozanam a su dans le plus profond de son intelligence et de son cœur que « l’éternité, c’est l’intensité d’un instant qui ne passe pas. »


Témoignage

Sœur évelyne Franc : « Il nous faut

approfondir notre collaboration »

Supérieure des Filles de la Charité, Sœur évelyne Franc confie son enthousiasme pour cette année jubilaire et se réjouit de l’unité de la Famille vincentienne. Propos recueillis par J.-C. Peytetas et C.Bataille Ma Mère, en tant que Fille de la Charité, que pouvez-vous nous dire sur Frédéric Ozanam ?

Pour revenir à Ozanam, ce qui me frappe à son sujet, c’est sa passion. Il fut un intellectuel renommé et un croyant éclairé et engagé. Il recherchait la vérité et participa à de multiples activités au service de son prochain. Il a marqué son époque par son souci d’honnêteté intellectuelle et par son engagement religieux. Il sut se faire un ardent défenseur de la foi et la mit en pratique en servant les pauvres et en fondant la SSVP, qui dans le monde entier, est synonyme de charité. D’autres aspects de sa personnalité sont aussi très émouvants, comme son amour pour son épouse et sa fille, le réseau d’amitiés qu’il tissa durant sa vie trop courte.

Et pour l'avenir ?

© DR

Le nom de « Frédéric Ozanam » m’est très familier. Je suis lyonnaise et les Lyonnais sont fiers de ses racines entre Rhône et Saône. Bien avant de savoir qui était Sœur Rosalie Rendu, guide et exemple pour toutes les Filles de la Charité, je connaissais la vie de Frédéric. Je rappelle que Sœur Rosalie joua un rôle important dans la mise en route de la SSVP. C’est elle qui indiqua à Ozanam et ses amis, les familles à visiter. Elle avait l’art d’entraîner ses Sœurs à servir les pauvres : « Traitezles, disait-elle, comme vous traiteriez votre père, vos frères, vos sœurs. »

prendre pour être instruments de justice et de paix. Nous avons à être fidèles à nos racines spirituelles et à nous demander : que feraient aujourd’hui Frédéric et Rosalie ?

Les Filles de la Charité fêteront le bicentenaire d’Ozanam avec la SSVP.

Le temps passe mais la Compagnie des Filles de la Charité poursuit le service des pauvres à travers le monde, tout comme les laïcs de la SSVP. Quelle est la clef de cette longévité ?

Nous devons approfondir notre charisme qui est toujours d’actualité, car il est ancré dans les évangiles, les Béatitudes. être fidèles à l’Esprit qui inspira saint Vincent, sainte Louise de Marillac, Frédéric Ozanam et Sœur Rosalie, qui leur donna de témoigner de l’amour de Dieu pour les plus pauvres, d’évangéliser en paroles et en actes. Filles de la Charité et membres de la SSVP, nous avons à grandir dans la fidélité à nos origines. L’année de la Foi est une excellente occasion de réfléchir sur les actions à entre-

Il nous faut approfondir notre collaboration. Elle est déjà très vivante au plan international et au plan local. Je pense, par exemple, à l’immense effort accompli par toute la Famille vincentienne en faveur des sinistrés d’Haïti, des victimes de la sécheresse en Somalie, au Kenya, etc. Je suis témoin de nos excellentes relations, à chacune de mes visites dans tous les continents. Il s’agit parfois d’une assistance spirituelle, très souvent d’un travail commun pour les plus démunis. Il est beau de constater combien les membres de la SSVP et les Filles de la Charité partagent le même souci des plus marginalisés, boivent à la même source de la Parole de Dieu. Mon souhait serait d’aller encore plus loin dans le partage de temps de prière et d’actions. Enfin, je me réjouis d’une autre collaboration : nos prières communes pour la canonisation du bienheureux Frédéric et de la bienheureuse Rosalie. Je remercie le président Michael Thio de sa coopération à ce propos. Je puis aussi vous assurer que les Filles de la Charité vont célébrer avec la SSVP cette « année Ozanam ». Nous prions pour que le Seigneur bénisse chaque membre de la Société de Saint-Vincent-de-Paul !

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Spiritualité Contemplation

Voûte octogonale en mosaïque du baptistère Saint-Jean, Florence : Le Jugement Dernier.

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Prière pour la canonisation du bienheureux Frédéric Ozanam Dieu fidèle, nous te remercions d'avoir inspiré au bienheureux Frédéric Ozanam et à ses compagnons la création de la Société de Saint-Vincent-de-Paul. Dieu d'amour, nous t'implorons de nous aider à sauvegarder et à perpétuer, dans leur authenticité originelle, l'esprit et la vision du bienheureux Frédéric afin de nous guider dans la poursuite de son rêve « d'enserrer le monde entier dans un réseau de charité ». Dieu de lumière, éclaire notre cheminement terrestre et emplis-nous d'un sens profond de gratitude pour toutes les grâces reçues du fait de notre appartenance à la Société. Dieu de grâce, nous te demandons de bénir la cause de canonisation du bienheureux Frédéric et nous prions Frédéric d'intercéder auprès de Toi pour la guérison de nos frères (souffrants). Père, Fils et Esprit-Saint, emplissez nos cœurs d'espérance et puisse le don de votre présence nous habiter en qualité de Vincentiens dans tous les multiples aspects de nos existences. Amen.

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Spiritualité Parole de Dieu Par Juliette Asta

«C

e qui demeure aujourd’hui, c’est la foi, l’espérance et la charité ; mais la plus grande des trois, c’est la charité. » 1 Co 12, 31 ; 13, 1-13

C

harité veut dire amour, en grec agapè (à distinguer de l’amour eros). « La charité est amour reçu et donné. Elle est « grâce » (cháris). La source est l’amour jaillissant du Père pour le Fils dans l’Esprit Saint… Objets de l’amour de Dieu, les hommes sont constitués sujets de la charité, appelés à devenir eux-mêmes les instruments de la grâce, pour répandre la charité de Dieu et pour tisser des liens de charité 1. » Frédéric Ozanam, rappelant la création de la Société de SaintVincent-de-Paul, écrivait : « Il importait donc de former une association d’encouragement mutuel pour les jeunes gens catholiques, où l’on trouvât amitié, soutien, exemples ; où l’on rencontrât, pour ainsi dire, un simulacre de la famille religieuse dans laquelle on avait été nourri, où les plus anciens accueillissent les nouveaux pèlerins de la province et leur donnassent une espèce d’hospitalité morale.

«V

oici la servante du Seigneur ; que tout se passe selon ta Parole. » Lc 1, 26-38

D

ans la constitution apostolique Ineffabilis Deus, pour définir le dogme de l’Immaculée Conception, le pape Pie IX s’exprime ainsi : « Dès le premier instant de sa conception, par grâce et privilège unique du Dieu tout-puissant, la bienheureuse Vierge Marie a été préservée du péché originel 4 ». Ne fallait-il pas une coupe pure, remplie de tendresse et d’amour pour accueillir Celui qui donnerait sa vie par Amour pour le salut du monde ? En prononçant son « Fiat », Marie épouse, sans qu’aucun péché ne la retienne, la volonté divine du salut. En son immaculée conception, Marie est l’image anticipée de l’Église que Dieu a voulu « sans tache, ni ride, mais sainte et immaculée » (Éph 5, 26-27).

La femme, modèle du chrétien Marie, la femme croyante, devient le modèle du chrétien. C’est pourquoi, durant la séance du 4 février 1834, Fréderic Ozanam décida que la Conférence serait placée sous la protection de la Vierge Marie et célèbrerait l’une de ses fêtes : l’Immaculée Conception. La conception de Jésus par l’Esprit-Saint explique, non seulement la naissance virginale du Christ, mais représente aussi une image de notre propre vie, car tous les fruits que nous pouvons porter ne viennent pas de nous-mêmes mais de l’Esprit. Savons-nous toujours, comme Marie, croire que Dieu a le pouvoir de faire de grandes choses en nous et par nous, « car rien n’est impossible à Dieu » (Lc, 1, 37) ? Répétons souvent cette prière : « ô Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous 5. »

Le lien le plus fort Or, le lien le plus fort, le principe d’une amitié véritable, c’est la charité ; et la charité ne peut exister dans le cœur de plusieurs sans s’épancher au dehors ; c’est un feu qui s’éteint faute d’aliments et l’aliment de la charité, ce sont les bonnes œuvres 2. » L’Année de la foi sera aussi une occasion propice pour intensifier le témoignage de la charité. « La foi sans la charité ne porte pas de fruit et la charité sans la foi serait un sentiment à la merci constante du doute. Foi et charité se réclament réciproquement, si bien que l’une permet à l’autre de réaliser son chemin 3. » 1. Benoît XVI, Caritas in veritate, § 5. 2. Lettre 82, 4 novembre 1834. 3. Benoît XVI, Porta Fidei, § 14.

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Immaculée Conception de Giambattista Tiepolo, 1768.

4. Pie IX, Ineffabilis Deus, ch. 3, § 3, La définition dogmatique. 5. Les mots que sainte Catherine Labouré fera graver sur une médaille à la demande de la Vierge qui lui apparut le 27 novembre 1830, rue du Bac, à Paris.


Prier en Conférence Par Jérôme Delsinne c.m.

Enthousiastes et fervents La promotion de la cause de canonisation du bienheureux Frédéric Ozanam passe par la prière qui est, certes, essentielle mais insuffisante pour faire rayonner cette grande figure.

L

a procédure par laquelle l’Église catholique proclame que l’un de ses enfants est « Vénérable », « Bienheureux » ou « Saint » a varié au cours des temps. Le Pape JeanPaul II en a simplifié les règles le 25 janvier 1983 par la constitution apostolique Divinus perfectionis Magister, afin de permettre un processus plus rapide et de donner toute leur place aux Églises locales. La première condition qui va permettre d’envisager la procédure sera la réputation de sainteté du « serviteur de Dieu », après sa mort. Cette réputation peut durer, voire s’amplifier. Ceux qui l’ont connu parlent de son rayonnement spirituel, de l’exemplarité de sa vie, de son influence positive, de sa fécondité apostolique, des circonstances de sa mort… Certains souhaitent que sa sainteté soit reconnue par l’Église. Frédéric Ozanam a assurément gagné en notoriété depuis que le pape Jean-Paul II l’a béatifié lors de son séjour à Paris voici maintenant près de seize ans. Mais la connaissance de son nom, de sa pensée et de l’œuvre qui perpétue son action – la Société de Saint-Vincent-de-Paul – cachent probablement bien des ignorances.

Faire reconnaître Le Conseil général international a confié à Amin A. de Tarrazi la mission de faire reconnaître, de promouvoir la cause de canonisation. Et nous avons tous reçu cette prière (p. 28-29), pour demander chaque jour que

Dieu fait que Frédéric soit reconnu comme un homme saint par l’Église entière et qu’il trouve sa place dans le calendrier de l’Église universelle. Aussi sommes-nous fortement invités à porter cette cause de canonisation avec enthousiasme et ferveur, avec cette même conviction qui poussait Frédéric à prier « sans cesse » comme le Christ Jésus le demande à ses disciples. Frédéric Ozanam priait comme

«Pour que sa figure rayonne et que le monde en soit transformé.

»

il respirait, pourrions-nous ainsi dire. Tout pour lui était cause de prière. Le comportement d’une personne était-il sujet à caution ? Aussitôt il élevait une supplication vers Dieu pour lui demander d’envoyer sa paix à cette personne. La prière d’intercession pour les autres était une constante préoccupation chez cet homme à la foi inébranlable. Sa prière de demande ne concernait pas des désirs personnels, mais le dessein de Dieu sur lui et le monde. Aussi, si nous prions le Seigneur en Lui demandant que Frédéric soit reconnu saint, ce n’est pas pour notre propre satisfaction, mais c’est pour

que sa figure rayonne et que le monde en soit transformé.

Faire connaître Nous savons qu’un deuxième miracle est nécessaire pour que le « bienheureux » Frédéric devienne « Saint ». Pour la reconnaissance d’un miracle dû à son intercession, une commission de médecins doit attester le caractère naturellement inexplicable d’une guérison, puis une commission de théologiens se prononce sur le caractère miraculeux ou non de la guérison. Nous pouvons confier au Seigneur le travail de ces médecins, de ces théologiens, de la commission pour la canonisation et la mission du Postulateur, le P. Luigi Mezzadri c.m. Nous pouvons bénir les organisateurs et les intervenants du bicentenaire. Entre temps, notre prière doit déboucher sur l’action. Amin A. de Tarrazi le rappelait dans son rapport annuel relatif à la cause de canonisation, le 9 septembre 2012 : « Tous ensemble, suscitons un fervent élan de prière et d’action pour l’heureux aboutissement de la cause d’Ozanam. » La réédition du Livre des Malades avec le projet de le faire traduire en plusieurs langues est une bonne occasion de faire rayonner sur les cinq continents l’émouvant témoignage de foi, d’amour, d’espérance et d’abandon à la Providence du bienheureux Frédéric et en même temps d’apporter le réconfort, le soutien et, peut-être, la guérison, par son intercession, à de nombreuses personnes malades.

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Magazine Histoire

Procès de canonisation : où en est-on ? Entre le 8 septembre 1853 et la proclamation solennelle de la béatification par JeanPaul II lors des JMJ le 22 août 1997, l’attente de près d’un siècle et demi nous livre un vrai et rude parcours de reconnaissance des vertus et de la vie engagée de Frédéric Ozanam. Ce parcours se poursuit avec autant d’enthousiasme que de ferveur pour la promotion de la cause de canonisation. Par Jérôme Delsinne « Ozanam peut servir de miroir à tous ceux qui avancent dans la voie de la perfection au milieu des flots agités du monde. »

L

a sainteté de Frédéric Ozanam fut reconnue très vite par ses amis proches et son renom prit plus d’importance dès la première publication de ses Œuvres Complètes en 1885 avec huit volumes. En 1879, parut la Vie de Frédéric Ozanam écrite par son frère, Mgr Charles-Alphonse Ozanam. Le pontificat de Léon XIII montra un intérêt non négligeable de la pensée d’Ozanam en matière de doctrine sociale de l’Église – la dénomination de cette dernière sera effective en 1931 sous la plume de Pie XI – dans l’encyclique Rerum Novarum parue en mai 1891. Plus tard, en 1912, un an avant le 100e anniversaire de la naissance, l’archevêque de Paris, le cardinal Amette, accorda l’imprimatur à une prière demandant la béatification.

De nombreux obstacles

Jérôme delsinne c.m., conseiller spirituel national de la SSVP.

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Les cahiers

Soixante-et-onze ans après la mort de Frédéric, une procédure contradictoire Fernando s’engage et va durer 72 ans, faisant Ottoni, miraculé face à de nombreux obstacles. En © DR 1922, sous l’inspiration de prêtres « très éclairés et très respectés 1 » du diocèse de Paris, le président général, Louis d’Hendecourt, voulut connaître le sentiment des Conférences avant d’introduire la cause. Le procès informatif ordinaire pour l’introduction de la cause, ouvert le 30 novembre 1924, débuta par l’audi-

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tion des témoins pendant trois ans du 10 juin 1925 au 8 juin 1928 à Paris. Le procès apostolique, ordonné par décret du 12 janvier 1954, fut établi du 30 septembre 1955 au 6 juin 1956 à Rome. Les deux procès furent finalement approuvés le 17 janvier 1962. La rédaction de la Positio super virtutibus put commencer, mais des insuffisances déjà signalées en 1953 ralentirent l’avancement de la cause. Après un changement de postulateur en 1971 – aux Sulpiciens succédèrent les Lazaristes – et en confiant la cause à l’Office historico-biographique de la Congrégation pour les causes des saints, Étienne Diebold c.m., lazariste, rédigea du 12 octobre 1973 au 9 juillet 1980 une enquête, la Disquisitio de vita et actuositate servi Dei Friderici Ozanam. L’introduction concluait ainsi : « Jeune homme, professeur, chercheur, apôtre de la charité, mari, père et ami, Ozanam peut servir de miroir à tous ceux qui avancent dans la voie de la perfection au milieu des flots agités du monde. » Après la phase finale de discussion sur les vertus, leur héroïcité fut reconnue et Frédéric Ozanam fut proclamé « vénérable » par décret pontifical du 6 juillet 1993.

Un petit Brésilien sauvé « Comment ne pas souhaiter que l’Église mette aussi Ozanam au rang des bienheureux et des saints ? » déclarait Jean-Paul II


10 ans auparavant, en 1983, à l’occasion du 150e anniversaire de la Société. Ce souhait put se réaliser enfin : par la prière de son grand-père et de ses amis et par l’intercession d’Ozanam, un petit Brésilien de dix-huit mois, Fernando Ottoni, atteint d’une diphtérie foudroyante, fut sauvé le 2 février 1926, moins d’un an après l’introduction de la cause. La Seconde Guerre mondiale interrompit la procédure et la Consulta Medica n’aboutit que le 4 avril 1995. Jean-Paul II signa le 25 juin 1996 le décret reconnaissant le miracle obtenu, puis procéda enfin le vendredi 22 août 1997, lors des JMJ, à la béatification dans la basilique métropolitaine et cathédrale Notre-Dame de Paris devant des milliers de Vincentiens et de jeunes pèlerins du monde entier. Ce fut, dans l’histoire de l’Église, la première béatification célébrée dans la capitale de la France. Le pape concluait son homélie : « Frédéric, Toi qui voit déjà de tes yeux celui qui est amour, sois aussi un guide sur tous les chemins que ces jeunes choisiront, en suivant aujourd’hui ton exemple ! » Une invitation à suivre le même chemin et consacrer sa vie – le président de la République Jacques Chirac citant Frédéric Ozanam – « à faire passer le message du Christ dans la République.2 »

Trois colloques Le portrait de Frédéric en place d'honneur dans NotreDame de Paris, en août 1997.

© Osservatore Romano

Dans les années qui suivirent la béatification, trois colloques permirent aux chercheurs d’approfondir plusieurs aspects de sa vie et de son action : à Paris, à l’Institut catholique en 1997, à Lyon en 1998 et à Paris, à la Bibliothèque nationale de France, en mars 2003. Ce dernier colloque fut d’ailleurs organisé pour fêter le 150e anniversaire de la naissance d’Ozanam, mais surtout pour mettre en valeur le don fait par les descendants de ses archives qui sont entrées au Département des manuscrits de la BnF, rue de Richelieu, devenant ainsi patrimoine national. Comme l’avait souhaité ardemment Raphaëlle Chevalier-Montariol : « Frédéric Ozanam bénéficiera de ce réseau de diffusion et continuera à rayonner 3. » Plus récemment, en 2011, au tout début de son mandat, le président général, Michael Thio, a chargé Amin

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Magazine Histoire

Dans l’attente d’un autre miracle

Causes des Saints, à Rome. Tant que les autorités romaines n’auront pas rendu leur décision, l’attente priante et active de toute la Famille vincentienne se poursuit… 1. Gérard Cholvy, Frédéric Ozanam – L’engagement d’un intellectuel catholique au XIXe siècle, Fayard, 2003, p. 741. 2. Message d’accueil du président de la République, M. Jacques Chirac, Palais de l’Élysée, le jeudi 21 août 1997, in Mémorial de la béatification de Frédéric Ozanam, p. 44. 3. Entretien avec Raphaëlle Chevalier-Montariol, Mémoire vive, propos recueillis par Olivier Bethoux, mai 2005. Descendante directe et auteur de Amélie et Frédéric Ozanam à la lumière de Vatican II.

© Osservatore Romano

A. de Tarrazi de poursuivre et de constituer une commission pour promouvoir la cause de canonisation du bienheureux Frédéric Ozanam. La Postulation est encore confiée à la Congrégation de la Mission, dite des Lazaristes. Le père Giuseppe Guerra c.m. – avec lequel M. de Tarazzi, fervent défenseur, a œuvré plusieurs années déjà au cours du procès de la béatification – seconde désormais les efforts de la Société de Saint-Vincentde-Paul avec le père Luigi Mezzadri cm, Postulateur.

Le 9 septembre 2012, en la fête du bienheureux, dans le rapport annuel relatif à la cause de canonisation, Amin A. de Tarazzi fait le point actuel sur la cause et propose, en plus de la réédition du Livre des malades et la prière pour la canonisation, quelques moyens pour la promotion, dans l’attente d’un autre miracle : « 1. Saisir toutes les occasions de mieux faire connaître le bienheureux Frédéric Ozanam, au travers de l’Église ou des médias. 2. Encourager la publication d’ouvrages consacrés au bienheureux Frédéric Ozanam dans tous les domaines et pour toutes les catégories de lecteurs. 3. Organiser des célébrations religieuses, des retraites, des conférences, des colloques. 4. Produire des événements spéciaux, des pièces de théâtre, des films, afin de favoriser une connaissance plus approfondie et une meilleure compréhension concernant la figure et l’image du principal fondateur de notre Société. 5. Prier sans cesse, avec ferveur et persévérance, pour la bénédiction d’un miracle par l’intercession du bienheureux Frédéric Ozanam. »

Jean-Paul II proclame sa béatification devant les milliers de jeunes venus pour les JMJ.

Le père Luigi Mezzadri, Postulateur, suit en effet attentivement le cas de guérison d’un confrère, Joe Flannigan, ancien président de la Société aux États-Unis. Son dossier médical a été transmis à la Congrégation pour les

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Ozanam - n°202 - janvier-février 2013

Témoin de la béatification « Vendredi 22 août, 9 heures. La cathédrale NotreDame est pleine à craquer. Plus de quatre cent évêques sont arrivés en une interminable procession et se sont installés dans le chœur. C’est la fête pour les membres des Conférences de Saint-Vincent-dePaul venus du monde entier : leur cofondateur, Frédéric Ozanam, va être béatifié par le Pape JeanPaul II. Mais cette fête déborde le cadre de la Société de Saint-Vincent-de-Paul. C’est une fête pour l’Église tout entière : un laïc, marié et père de famille, grand intellectuel et apôtre de la charité, va être présenté comme modèle à tous les chrétiens. Ce qui frappe, au fur et à mesure que la célébration avance et que le cardinal Lustiger, puis Jean-Paul II lui-même évoquent la figure du bienheureux Frédéric, c’est l’actualité de son message qui, depuis plus de 150 ans, n’a pas pris une ride. » Jean-Luc Moens, ancien coordinateur des missions citadines dans les capitales européennes, apporte sa réflexion sur la Nouvelle Évangélisation au Conseil des Conférences épiscopales européennes.


L’invité

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Frédéric Ozanam, fondateur de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, grand intellectuel et bienheureux, a accordé une interview exclusive aux Cahiers Ozanam. Il nous en dit plus sur l'esprit qui doit animer nos Conférences aujourd'hui et sur la façon dont nous pouvons envisager notre place dans la société. Propos recueillis par Capucine Bataille

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Frédéric Ozanam, fondateur de la Société de SaintVincent-de-Paul à tout juste 20 ans, vous fêtez cette année votre bicentenaire. Avez-vous un message à transmettre à tous ceux qui n’ont pas encore rejoint une Conférence ?

Frédéric Ozanam : Où sont les œuvres qui démontrent votre foi et qui peuvent nous la faire respecter et admettre ? Je voudrais enserrer le monde dans un réseau de charité. Je voudrais que tous les jeunes gens de tête et de cœur s’unissent pour quelque œuvre charitable, et qu’il se formât par tout le pays une vaste association généreuse pour le soulagement des classes populaires. Heureux si quelques amis viennent se grouper autour de moi ! Alors nous joindrions nos efforts, nous créerions ensemble, et d’autres se réuniraient autour de nous. Unissons-nous pour être de bons chrétiens, une telle amitié ne pourra qu’être bénie d’en haut.

Frédéric Ozanam « Enserrer le monde dans un réseau de charité » n°202 - janvier-février 2013 - Les cahiers Ozanam

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Magazine L’invité Mais Frédéric, il existe déjà tant d’associations…

Frédéric Ozanam : Qu’il se fait de mal dans le monde par l’inconséquence et la timidité des gens de bien ! Il y a de la place pour toutes les œuvres de charité possibles, sans qu’elles nuisent entre elles. La charité ne peut exister dans le cœur de plusieurs sans s’épancher au-dehors ; c’est un feu qui s’éteint faute d’aliments, et l’aliment de la charité, ce sont les bonnes œuvres. Il faut être appelé à une mission providentielle, et alors les talents et les défauts disparaissent pour faire place à l’inspiration qui guide. Frédéric, pourquoi avoir choisi ce nom de saint Vincent de Paul ?

Frédéric Ozanam : Un saint patron n’est pas une enseigne banale pour une Société. C’est une vie qu’il faut continuer, un cœur auquel il faut réchauffer son cœur, une intelligence où l’on doit chercher des lumières. Ne doutons pas que saint Vincent de Paul n’ait eu une vision des maux et des besoins de notre époque : il n’était pas homme à fonder sur le sable, ni à bâtir pour deux jours. Nous ne voyons Dieu que des yeux de la foi et notre foi est si faible ! Mais les pauvres, nous les voyons des yeux de la chair. Nous devrions tomber à leur pieds et leur dire avec l’apôtre : « Vous êtes nos maîtres et nous serons vos serviteurs »… C’est à douze pauvres qu’il a été donné de convertir le monde ; ce sont les fils du pauvre qui portent aux nations infidèles les lumières de la foi.

Saint Vincent de Paul (1581-1660), apôtre de la Charité : « Dieu nous place dans la nécessité de faire des choses au-dessus de nos forces. »

Mais à quoi bon ? D’autres font et feront mieux que nous… Nous n’allons pas changer le monde avec nos petits bras !

Frédéric Ozanam : Il y a deux sortes d’orgueil : celui qui est content de soi est le plus commun et le moins mauvais ; et celui qui est mécontent de soi, parce qu’il attend beaucoup de lui-même et qu’il est trompé dans son attente. En devenant nombreux, nous continuons d’être petits et faibles

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Les cahiers

Ozanam - n°202 - janvier-février 2013

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et nous ne songeons pas à nous comparer aux institutions que Dieu fait croître dans l’église, comme de grands arbres… Soyons humbles. Je m’aperçois tous les jours que c’est par l’humilité que les Conférences finissent par vaincre les préventions et les difficultés. Ce qui importe le plus et qui me touche beaucoup, c’est que le premier esprit de notre Société s’est merveilleusement communiqué à ces nouveaux frères. J’ai trouvé en eux la simplicité, la cordialité de nos commencements. Enfin, le ciel a des voies merveilleuses, il conduit les âmes à la vérité par des moyens qui semblent faibles, précisément pour qu’à la faiblesse de l’instrument on reconnaisse la main toute-puissante qui s’en sert. 180 ans après… il y a toujours autant de misère. Comment garder espoir ?

Frédéric Ozanam : La charité ne doit jamais regarder derrière elle, mais toujours devant, parce que le nombre de ses bienfaits passés est toujours très petit, et que les misères présentes et futures qu’elle doit soulager sont infinies. Lorsque Notre Seigneur a dit : « Il y aura toujours des pauvres parmi vous », ce n’est pas une malédiction qu’il a léguée à ses disciples, mais une parole d’espérance et d’amour. La même autorité qui nous annonce qu’il y aura toujours des pauvres parmi nous est aussi celle qui nous ordonne de tout faire pour qu’il n’y en ait plus. Il faut penser comme si l’on devait quitter la terre demain, et il faut travailler comme si l’on ne devait jamais la quitter. Craignons qu’un zèle impatient ne fasse des chrétiens hypocrites. Ne perdons point patience, messieurs. Dieu est patient parce qu’il est éternel : et les chrétiens aussi. Dieu se sert souvent d’instruments faibles et fragiles pour exécuter de grandes choses.


« Notre foi toujours jeune est en mesure de satisfaire aux besoins de tous les siècles, comme de guérir les blessures de toutes les âmes.

»

effrayer autrui, de rassurer au contraire les esprits troublés, de leur faire considérer la crise présente comme un orage qui ne peut durer. La Providence est là et jamais on ne voit qu’elle ait laissé se prolonger plus de quelques mois ces secousses financières qui ébranleraient l’ordre matériel des sociétés. Ne nous tourmentons pas trop du lendemain, ne disons-pas : que mangerons-nous et de quoi nous habillerons-nous ? Ayons du courage, cherchons la justice de Dieu et le bien du pays, et le reste nous sera donné par surcroît.

© DR

Gardez-vous, car c’est le péril des âmes honnêtes et des cœurs haut placés, de désespérer de votre siècle ; arrachezvous à ces découragements qui renoncent à rien entreprendre quand ils assistent, disent-ils, à la décadence de la France et de la civilisation, et qui, à force d’annoncer la ruine prochaine d’un pays, finissent par la précipiter. La Charité publique doit intervenir dans les crises ! Je me réjouis d’être né à une époque où peut-être j’aurai à faire beaucoup de bien, et alors, je reçois une nouvelle ardeur au travail. Oui, nous sommes des serviteurs inutiles ; mais nous sommes des serviteurs, et le salaire n’est donné qu’à la condition du travail que nous ferons dans la vigne du Seigneur en l’endroit qui nous sera assigné. Nous travaillons ici-bas sans voir le terme ni le fruit. Mais Dieu le voit. Oui, mais c’est la crise… rien ne va plus. Le monde moderne s’autodétruit. Que pouvons-nous y faire ?

Frédéric Ozanam : Le premier devoir pour des chrétiens c’est de ne pas s’effrayer, et le second c’est de ne pas

Un mot d'encouragement pour 2013 ?

Frédéric Ozanam : Notre foi toujours jeune est en mesure de satisfaire aux besoins de tous les siècles, comme de guérir les blessures de toutes les âmes. Comme la religion de l’évangile se résume dans l’Amour de Dieu, de même sa morale est renfermée toute entière dans l’amour des hommes, et proclame en quelques paroles tous les principes organisateurs de la société, « Qu’il est doux, qu’il est heureux de vivre ensemble comme des frères ! », dit le Psaume : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »

n°202 - janvier-février 2013 - Les cahiers Ozanam

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Magazine Courrier Petite annonce Recherche prêtres La maison de vacances « La Sauvageonne », œuvre spécialisée du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône/Marseille qui accueille du mois de juin au mois de septembre, chaque année depuis 1960, des personnes âgées souffrant de solitude, pour des séjours de quinze jours, recherche pour son animation spirituelle (messe quotidienne…), des prêtres. Cette année, les séjours débuteront le 15 juin 2013 et se termineront le 14 septembre 2013. Jacqueline Caluri 06 73 04 39 34 jackiecaluri@orange.fr

Agenda 23-24 mars 2013 Comédie musicale Ozanam (Paris) 2-5 avril 2013 « Jeu ici, Toi ailleurs », partenariat avec l’UGSEL (partout en France) 19-20 avril 2013 Colloque sur le bicentenaire de Frédéric Ozanam au Palais d’Iéna (Paris) 21 avril 2013 Messe à Notre-Dame, présidée par Mgr André Vingt-Trois (Paris) 9 au 11 mai 2013 Rassemblement Diaconia 2013, en partenariat avec la SSVP (Lourdes) 8 au 12 mai 2013 Pèlerinage des jeunes Vincentiens (Turin)

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Les cahiers

nal o i t a n r e e int u q o l l o du C e aris m P m a 3 r 1 g Pro avril 20 Bulletin d’inscription 1 2 t e dans ce numéro 0 2 , 19 2013 Sous réserve de modification

ril di 19 av Vendre 8 h 30 Accueil par M. Jean-Paul Delevoye, président du CESE Ouverture par M. le Dr Michael Thio, président international de la SSVP 10 h 15 Conférence « Frédéric Ozanam, un précurseur face à la question sociale », par M. Gérard Cholvy, professeur émérite de l’université de Montpellier III  11 h 15 Conférence « La spiritualité et le charisme de Frédéric Ozanam », par Dr Austin Fagan, professeur émérite de l’université de Manchester, ancien président SSVP d’Angleterre et du Pays de Galles 14 h 30 Forum 1ère partie : Comment recruter et mobiliser les jeunes ? 15 h 30 Lecture de lettres inédites de Frédéric Ozanam 16 h 30 Forum 2nde partie : Initiatives de la SSVP face aux nouvelles pauvretés 20 h 30 Concert Récital de piano à l’église Saint-Sulpice ril 2013 i 20 av Samed  9 h 30 Conférence « Amélie et Frédéric Ozanam dans la société parisienne pendant la monarchie de Juillet et la Seconde République (1840 -1851) » par M. Christian Verheyde, Vincentien 10 h 30 Conférence « Celui qui rapproche les âmes», par Mgr de Dinechin, évêque auxiliaire du diocèse de Paris 11 h 30 Conférence « L’évangile est aussi une doctrine sociale », par le père Luc Dubrulle, doyen de la faculté de théologie de l’Institut catholique de Paris 14 h 30 Visite libre du Paris de Frédéric Ozanam et de saint Vincent de Paul 19 h 00 Dîner au Palais d’Iéna vril 2013 che 21 a Diman 11 h 30 Messe d’Action de Grâce, célébrée par le cardinal archevêque de Paris Mgr André Vingt-Trois à Notre-Dame 14 h 30 Visite libre du Paris de Frédéric Ozanam et de saint Vincent de Paul

Les Cahiers Ozanam, revue de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, 120, avenue du Général Leclerc, 75014 Paris www.ssvp.fr Directeur de la publication : Bertrand Ousset l Rédactrice en chef : Capucine Bataille l Rédacteurs : Juliette Asta, Capucine Bataille, Bertrand Decoux, Jérôme Delsinne, Benoît Pesme, Bertrand Ousset, Jean-Claude Peteytas, Sophie Rougnon, Christian Verheyde. l Ont participé à ce numéro : Christine Bonnaud, Nicolas Fekete, Sœur évelyne Franc, Valérie Grabé, Migueline Houette, Monique Lalucque, Clotilde Lardoux, Michel Rouzé, Audrey Steeves. l Illustrations : Mathieu Jourdain de Muizon. l Service abonnements : Clotilde Lardoux, 01 42 92 08 17 l Photo de couverture : Osservatore Romano. l Fabrication/ production : CLD, 33 avenue du Maine, 75015 Paris l Graphisme : Florence Vandermarlière. l Impression : Imprimerie de Champagne, Z.I. les Franchises, 52200 Langres l Numéro C PPAP : 310G79517 l Dépôt légal : Janvier 2013 – n°202 – 01/2013. l ISN : 1965 2917 l Abonnement 1 an, 5 numéros : 13 € Toutes vos informations et photos sont à envoyer à la rédaction huit semaines avant la date de parution (édition sous réserve d’espace) à capucine.bataille@ssvp.fr

Ozanam - n°202 - janvier-février 2013


La Comédie musicale

Ozanam

Les 23 et 24 mars 2013, à Notre-Dame de Passy (Paris) 70 jeunes acteurs, chanteurs, danseurs vous présenteront un spectacle sur la vie du bienheureux Frédéric Ozanam : sa foi, la fondation de la SSVP, sa rencontre avec Amélie.

“De la charité envers les plus pauvres à une formidable histoire d'amour.”

© Révélateurs Productions

Un spectacle à voir en famille !

par Révélateur Productions, en partenariat avec la SSVP Renseignements : 06 78 66 57 63 www.ozanam-lespectacle.fr



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