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Les cahiers n° 209 j u i n - j u i l l e t 2 0 1 4
Des liens pour aimer, partager, servir
Dossier
Les associations osent les alliances de demain Carnet de route
Se former
au métier de bénévole
L'invité
Jean-François Serres « La fraternité ne se commande pas, elle se cultive ! »
Les 15, 16 et 17 mai 2015 (Ascension 2015) Au Parc des expositions Metz-Expo et région de Metz La SSVP vous invite aux Rencontres nationales autour du thème du partage : trois jours de découvertes, d’échanges d’expérience, de réflexion et de fête. Porté par des bénévoles de la SSVP, des personnes accompagnées, et des partenaires locaux, cet évènement est ouvert au grand public, associations, mouvements et paroisses.
Plus de renseignements sur www.ssvp.fr
Magazine
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Campagne nationale 2014
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Histoire : Une histoire d'alliances 32 Invité : Jean-François Serres : « La fraternité ne se commande pas, elle se cultive ! » 35 Agenda 38
Dossier : Faire alliance
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Les associations osent les alliances de demain
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Entretien : Yoann Kassi Vivier
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Reportage : « Nous ne sommes pas des professionnels » 10
Service
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Spiritualité
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Actus SSVP
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Actus juridiques et sociales
« Sans moi, vous ne pouvez rien faire ! » 24
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Témoignage : Mgr Perrier
International 20 Carnet de route : Se former au métier de bénévole
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Contemplation 28 Prier en Conférence
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Parole de Dieu
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Ce numéro comprend un encart d’abonnement entre les pages 2-3, un bon de commande entre les pages 38-39.
édito
L’alliance comme ouverture aux autres
© SSVP
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’alliance est au cœur de la Bible : alliance de Yahvé avec son peuple symbolisée par l’arche qui contient la table de la Loi. C’est un formidable défi de tout un peuple qui quitte ses idoles terrestres pour le Dieu de la promesse que le Christ viendra incarner avec la Nouvelle Alliance. Dans son exhortation Evangelii gaudium, le pape François nous indique clairement quel est le sens de cette alliance pour les baptisés du 21e siècle : « L’activité missionnaire représente aujourd’hui encore le plus grand des défis pour l’Église » (15), « Laissons-nous évangéliser par les pauvres » (198), « La paroisse est communauté de communautés […] centre d’un constant envoi missionnaire » (28).
Ce message est aussi celui de Monsieur Vincent et d’Ozanam. Il fait partie de notre vision vincentienne. Pour le faire vivre aujourd’hui au sein de la SSVP, nous avons engagé collectivement une démarche de renouveau qui implique la quête de cette alliance : alliance comme partage avec les plus fragiles, les vulnérables, les dépendants, les pauvres ; alliance comme échange avec nos paroisses, où nous sommes implantés. À chaque fois, il nous faut oser, pour surmonter nos routines, nos préjugés qui nous enferment sur nous-mêmes. L’alliance, c’est l’ouverture aux autres, c’est par eux que passe le salut.
Bertrand Ousset Président national
n°209 - juin-juillet 2014 - Les cahiers Ozanam
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Magazine L’événement
Campagne nationale 2014
Et si c’est vous qui tendiez la main ? Pour sa dixième édition, la campagne nationale, ancienne « campagne solitude », marquera les esprits. Fidèle au projet associatif, notre objectif premier sera d’attirer de nouveaux bénévoles à la SSVP, pour être toujours plus nombreux à tendre la main vers ceux qui souffrent. Coup d’envoi de la campagne nationale 2014 ! Par Emmanuelle Duthu, responsable communication
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a campagne nationale 2014, ancienne campagne solitude, nous invite à mobiliser de nouveaux Vincentiens. Il est urgent de cibler des forces vives, d’attirer des jeunes, des moins jeunes, des pré-retraités, parce qu’ensemble nous serons plus forts contre la pauvreté, la solitude et l’isolement.
À vos marques… Ensemble, le mot est dit. C’est bien de cela qu’il s’agit. Ensemble signifie tous les Vincentiens au même moment. Le lancement de cette campagne, pour la première fois, est programmé. Un coup d’envoi sera donné : à vos marques… Comme pour le départ d’une course vers une nouvelle Société de Saint-Vincent-de-Paul, unie, soudée, vitrine d’une association dynamique pour des actions de charité toujours plus fortes. Depuis le mois de juin, les bénévoles s’échauffent en Conférence… La préparation s’intensifie jusqu’au jour J, où nous serons tous prêts à nous élancer pour réussir notre départ. L’objectif : multiplier le nombre de participants et être toujours plus nombreux pour une Société de Saint-Vincent-de-Paul regonflée !
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Les cahiers
Ozanam - n°209 - juin-juillet 2014
Prêts ? Mais ce fameux jour J, quand est-il ? Tout est lié à un homme : le grand inspirateur… de Frédéric Ozanam et de milliers d’anonymes. Cet homme a œuvré toute sa vie pour soulager la misère matérielle et morale. Un saint, forcément : Vincent de Paul. Quoi de plus normal donc, que le jour où il est célébré soit choisi par la SSVP pour lancer sa campagne nationale !
Partez ! Il en faudra davantage pour que les chrétiens téméraires fassent le pas et rejoignent vos équipes. Pour les y inciter, quoi de mieux que d’aller les chercher directement là où ils se trouvent ? Partez ! À la sortie d’une église, sur la place d’un marché ou ailleurs, vous serez là pour leur faire vivre un événement qui marquera leur esprit. L’idée est simple. Pour recruter, il faut trois choses : tout d’abord, insister sur la cause qui vous mobilise. C’est le rôle des affiches et dépliants. Ensuite, il faut tout bêtement que vous soyez visibles ! Et enfin, il est important que votre Conférence donne envie, qu’elle apparaisse soudée, joyeuse, dynamique et accueillante. Mais comment faire ? C’est là qu’intervient l’événement de cette année. À la sortie de la messe, les bénévoles en Conférence seront repérables à leur dossard, leurs ballons, etc. Ils distribueront des petits poissons (en carton !). Sur chacun, un message qui proposera un défi de charité : « Aujourd’hui, j’appelle une personne proche qui vit seule. » Le poisson est le symbole de la Société de Saint-Vincent-dePaul. Et pour cause, il est bien sûr celui du christianisme et celui du partage : lors de la multiplication des pains, Jésus a fait distribuer du poisson
aux foules affamées. À notre tour de distribuer des poissons pour montrer à tous que la charité de proximité commence par des gestes simples. La charité est à la portée de tous. L’objectif sera atteint si chaque personne qui a reçu un poisson « action de charité » réalise que la mission des bénévoles de la Société de SaintVincent-de-Paul est accessible et enrichissante. L’appel qui lui est fait est positif et non culpabilisant. Alors peut-être osera-t-il pousser la porte de votre Conférence et vous proposer son aide !
Parcours sans fautes C’est la dernière étape de la course. Si nous terminons un parcours sans fautes, nous avons certainement réussi à toucher les cœurs, à mobiliser de nouveaux bénévoles. Maintenant, comme nous y encourage le projet associatif Ozanam, à nous de tout mettre en œuvre pour les accueillir comme il se doit. Il est à parier qu’après cette campagne originale, on n’oubliera pas la Société de SaintVincent-de-Paul de sitôt ! Espérons compter des dizaines… des centaines ou même des milliers de nouveaux Vincentiens pour « enserrer le monde dans un réseau de charité » (Frédéric Ozanam).
© SSVP
Prêts ? Rendez-vous le dernier week-end de septembre, le 27 septembre précisément, jour de la saint Vincent de Paul ! Comme toujours, nous aurons à disposition des affiches, un guide de campagne et les dépliants d’appel à nouveaux bénévoles et d’appel aux dons. Dans cette campagne, on invite à « tendre la main » vers les plus démunis, vers une famille isolée, une personne sans domicile fixe, ou une personne seule dans un jardin public. « Et si contre la solitude, la pauvreté, l’isolement, c’est vous qui tendiez la main ? » Cette campagne originale place le spectateur en acteur. Elle lui permet de se projeter en tant que bénévole de la Société de Saint-Vincent-de-Paul. Face à lui, il a le regard plein d’espoir de la personne pauvre ou isolée. L’accroche appelle : « Rejoignez notre équipe… » Vous, bénévoles, vous irez chercher ensemble cette main encore trop timide pour se tendre. C’est ensemble que vous allez aider ces futurs bénévoles à poser leurs premiers gestes de charité. Ensemble, donnez-leur l’envie de participer à une première réunion de votre Conférence, ou d’Association spécialisée.
n°209 - juin-juillet 2014 - Les cahiers Ozanam
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Dossier
Les associations osent les alliances de demain
© Pro Bono Lab
Nouer des partenariats avec des professionnels est devenu un véritable enjeu pour les associations.
Dans un climat de crise, les associations françaises résistent. Pour preuve en 2013 : 68 000 nouvelles créations, plus d'un million d'associations en activité pour près de deux millions de salariés. Mais cette puissante associativité, valeur cardinale aux yeux des Français selon toutes les enquêtes d'opinion, suppose une armature forte et du professionnalisme. Le mouvement associatif s'organise mieux pour mobiliser et mutualiser les ressources. Par Marie-Alix Roqueplo, journaliste.
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usque dans les années 80, l’intérêt général devait être l’affaire de l’État et des bonnes œuvres. Mais avec la progression du chômage, l’internationalisation des grands groupes et l’influence des modèles étrangers, les entreprises françaises commencent à s’intéresser au caritatif. Les fondations, le parrainage, la promotion du mécénat se développent et, en 2003, la loi « Aillagon »
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Les cahiers
autorise de larges possibilités de déductions fiscales pour les actions de mécénat.
Une amitié en construction L’entreprise s’implique donc dans des actions d’intérêt général ! Cela tombe à pic : les associations ont besoin d’aide. Nouer des partenariats de compétences avec les entreprises est devenu un enjeu
Ozanam - n°209 - juin-juillet 2014
pour accroître l’efficacité de leurs actions. Mais une vieille méfiance réciproque freine leur enthousiasme et cette amitié en construction, car tout semble éloigner le « bénévole » du « professionnel ». Leur définition même les oppose : est bénévole celui qui fait quelque chose sans y être obligé et gratuitement ; est professionnel celui qui exerce une occupation dont il tire ses
Focus
Dépasser la méfiance pour accroître son efficacité.
© Pro Bono Lab
moyens d’existence. Deux mondes difficiles à concilier et pourtant fondamentalement complémentaires. Il est donc urgent de faire changer les a priori : changer l’image de l’entreprise. Plutôt que de pratiquer le mécénat financier ou de compétences (mettre ses employés au service d’une association sur leur temps de travail), une pratique a la faveur des entreprises et du monde associatif : le bénévolat de compétences. Innovée depuis un peu plus de dix ans, elle repose sur le transfert, d’une entreprise vers une association, de compétences de salariés volontaires sur leur temps personnel, avec le soutien financier ou matériel de l’entreprise. « On considère que tout le temps donné doit être du bénévolat. La solidarité ne s’achète pas », insiste Patrick Gagnaire, secrétaire général de Solidarcité. Et bonne nouvelle : les salariés y trouvent une vraie source d’épanouissement personnel : « Cela permet de relativiser les bobos quotidiens », confie un salarié adepte.
« Nous voyons des gens sous pression qui ont besoin de sortir du cercle de la rentabilité », explique Patrick Bertrand, fondateur de Passerelles & Compétences, association qui recherche des volontaires actifs en entreprise pour réaliser des missions ponctuelles pour le compte des associations. Le meilleur exemple de bénévolat de compétences est celui du Téléthon, qui compte
© SSVP
«L'entreprise s'implique dans des actions d’intérêt général ! Cela tombe à pic : les associations ont besoin d'aide.»
Quatre bénévoles de la SSVP illustrent le « partenariat inter-associatif », lors de la Convention de 2013.
Réseau de solidarité Betobe beTobe est un réseau de solidarité internationale dont la vocation est de promouvoir les initiatives de bénévolat en ligne au bénéfice d'organisations à but non lucratif. Il établit des collaborations sans contrepartie financière entre des bénéficiaires porteurs de projets associatifs (associations, ONG, universités, fondations...) et des bénévoles (salariés, retraités, étudiants), lesquels s'engagent sur la base de leurs compétences professionnelles ou personnelles. Les missions proposées par beTobe se font exclusivement en ligne : traduction d'une plaquette, création d'une affiche, conseils juridiques, création de sites, etc. www.betobe.org
beaucoup de salariés d’entreprise parmi les six millions de bénévoles participants à l’événement.
Salariés en congés solidaires L’entreprise peut également souscrire à un programme existant, comme celui des congés solidaires. Depuis 1999, mille personnes issues de 140 entreprises sont parties pour l’association Planète Urgence. Chez SFR, l’initiative a connu un tel succès que le nombre de places initial a dû être doublé. Néanmoins, il ne s’agit pas pour l’entreprise de financer des vacances ou de tomber dans le « gadget », aussi la procédure d’agrément est-elle rigoureuse et relève du vrai management de projet. Si on écoute des entreprises comme Air France, le potentiel du bénévolat de compétences se mesure à la satisfaction des salariés bénévoles. Lors de la journée
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Dossier Les bénévoles se déchargent des tâches administratives pour se consacrer à l’essentiel.
bénévoles, une association de seniors identifie pour nous les personnes isolées... On s’entraide et on en est plus fort. »
© Groupe SOS
Regroupement économique
des Oubliés de Vacances organisée par le Secours populaire, près de 140 agents Air France ont participé bénévolement à l’opération. Ravis de l’expérience, ils se déclarent prêts à recommencer. Lorsqu’une association rencontre une difficulté, il ne lui est pas encore naturel de se tourner vers plus grand que soi : entreprise ou autre association. Pourtant le développement de coopérations inter-associatives est un enjeu fort pour le secteur. Le Réseau national des maisons des associations étudie les bonnes pratiques sur l’accompagnement des projets inter-associatifs. Pourquoi favoriser l’inter-associatif ? D’abord pour construire ensemble un projet de qualité. Ensuite, parce que le secteur, par sa diversité, est facteur d’innovation sociale et d’autant plus lorsqu’il choisit de croiser les projets de plusieurs associations. Autre force : dynamiser une zone délaissée par les pouvoirs publics, par exemple, les zones rurales profondes. L’association AIDER en est un parfait exemple. Elle œuvre depuis
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Les cahiers
«Pourquoi favoriser l’inter-associatif ?» dix ans pour le développement territorial. Constituée d’une équipe pluridisciplinaire et de bénévoles issus d’horizons divers, AIDER initie et met en œuvre des actions innovantes sur les territoires, en lien avec un véritable réseau associatif. C’est le cas de « Cohabitons en Drôme-Ardèche ». Objectif : un habitant héberge à son domicile un jeune en échange de sa présence ou d’une aide occasionnelle. Cela répond à plusieurs besoins : d’un côté, une difficulté de logement pour les étudiants, salariés, stagiaires ou apprentis, et de l’autre, une volonté des seniors de vivre le plus longtemps possible à leur domicile. Une salariée de l’association explique les bienfaits de l’inter-associativité : « Avec l’aide d’un réseau régional puis national, on peut échanger, et gagner en légitimité. Sur le terrain par exemple, France Bénévolat nous aide à trouver des
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Pour les associations qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts, il existe une autre solution. Le groupe SOS, fort de onze mille salariés est un groupement d’intérêt économique adapté au monde associatif. Il les aide à se dégager des contraintes administratives pour un meilleur impact social. « Les associations sont souvent épuisées par l’administratif : nous les aidons à dégager du temps pour se consacrer entièrement à leur projet pédagogique », explique Nicolas Froissard, vice-président du groupe SOS. Une absorption qui essaie de ne pas gommer les spécificités associatives, comme l’illustre Jean-Marc Borello, le président : « Malgré notre taille, nous voulons davantage être un banc de poissons plutôt qu’une grosse baleine. » L’alliance avec l’entreprise, l’inter-associativité ou le regroupement économique apparaissent comme une nécessité et un défi pour les associations aujourd’hui. Un défi, car il s’agit de ne pas gommer les spécificités associatives pour devenir une entreprise comme les autres. Cette conciliation entre professionnalisation et « service à la personne » reste la clef de leur succès et de leur pérennité.
Contacts Le Réseau national des maisons des associations (RNMA) : www.maisonsdesassociations.fr Groupe SOS : 01 58 30 55 55 www.groupe-sos.org Passerelles & Compétences : 01 48 03 92 25 www.passerellesetcompetences.org
Entretien
Yoann Kassi Vivier « Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin »
Quelle est l'idée derrière votre projet ?
Nous sommes partis d'un constat simple : d'un côté, les associations ont besoin d'appui en compétences, mais elles n'ont ni les moyens ni la culture. De l'autre, professionnels et étudiants ont envie de s'engager et d'utiliser leurs compétences à condition de travailler très rapidement et en équipe. Enfin, les entreprises veulent accompagner leurs salariés, mais elles manquent souvent d'outils et de légitimité... Les uns sont acteurs de terrain, les autres trouvent les moyens... Et nous les faisons travailler ensemble ! Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin. L'idée, c'est la coopération et l'échange de richesses humaines au cours d'actions coup-de-poing. Des actions coup-de-poing ?
Des actions courtes dans le temps et très intenses. Dans un premier temps, les associations nous sollicitent sur un problème en s'inscrivant sur notre site. Le processus est bien rôdé : nous nous mettons en relation avec elles et établissons en deux heures un diagnostic de leur besoin, puis nous réalisons une mission d'accompagnement de 24 heures (non-stop) à la fin de laquelle l'association part avec une clé USB contenant la solution coproduite. Ce qui est étonnant, c'est que professionnels et bénévoles viennent avec
leurs préjugés, mais à la fin de la journée tout le monde se comprend ! Le volontaire se dit : « Je ne pensais pas que l'association était aussi efficiente », et le bénévole : « Je ne pensais pas que le salarié, l'étudiant pouvaient m'aider sur tel point. » C’est une grande satisfaction pour Pro Bono Lab de les voir retrouver mutuellement confiance... Notre but est que demain, tout professionnel, tout étudiant consacrent au moins trois jours entiers par an « Pro Bono ».
© DR
Après un passage à HEC et un séjour aux États-Unis, Yoann ainsi que deux camarades d'école, déjà très engagés dans des projets associatifs, ont monté ensemble le Pro Bono Lab en 2011. Objectif : le partage de compétences professionnelles avec des associations très en demande et qui n'y ont pas accès. Une façon ingénieuse de réunir salariés d'entreprise, étudiants et bénévoles associatifs pour promouvoir l'intérêt commun. Propos recueillis par Marie-Alix Roqueplo, journaliste.
Coopérer dans des actions coup-de-poing.
Quel type d'association sélectionnezvous et quels sont leurs besoins généralement ?
Nous aidons tout type d'association du moment qu'elle a une utilité sociale et qu'elle rend service aux autres. Par exemple, nous avons aidé le « Mouvement pour la réinsertion sociale » à cinq reprises. C'est une association de bénévoles à la retraite qui accompagne des sortants de prison dans leur réinsertion. Ils ont un très bon impact social, mais jusqu'ici n'avaient pratiquement rien d'informatisé ni de renouvellement chez leurs bénévoles. Après un diagnostic et une
réflexion sur les postes, le recrutement et la fidélisation, on a refait leur site internet. Grâce à cela, ils ont recruté dix bénévoles, ce qui leur a permis de ne pas fermer leur antenne principale à Bobigny. On prend énormément de plaisir avec les associations. Que les bénévoles aient 25 ou 70 ans, ce qui compte, c'est qu'ils acceptent que les personnes à attirer aient des attentes différentes de celles d'hier. Qu'ils acceptent d'avoir un vrai coup d'accélérateur et de refaire leur communication : c'est 60 % des besoins des associations aujourd'hui. La communication est le bras armé de leur stratégie de recrutement !
n°209 - juin-juillet 2014 - Les cahiers Ozanam
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Dossier Reportage
« Nous ne sommes pas des professionnels » Les Blouses Roses vont bientôt fêter leurs 70 ans. Sourires auprès des malades, ces bénévoles de rose et d'enthousiasme vêtus donnent chacun une demi-journée par semaine pour distraire, valoriser, accompagner les personnes seules ou souffrantes. Illustration d'un partenariat exemplaire entre salariés et bénévoles. Témoignages toulousains. Par Marie-Alix Roqueplo, journaliste.
Roses ce, les Blouses Partout en Fran redonner le sourire. ur se mobilisent po
En maison de re traite ou en hôpi réconfortent et distraient les pe tal, elles nsionnaires.
«N
ous disons bonjour aux infirmières et nous demandons à qui elles veulent qu'on rende visite : nous ne sommes pas chez nous. » Gisèle Jucla préside le comité des Blouses Roses (de la ville rose) avec beaucoup de chaleur et de caractère. Elle est très fière de ses équipes, notamment de Gilles, jeune ingénieur qui fait partie des rares hommes à enfiler un blouson rose. Gilles s'est engagé comme « marchand de sable » plus précisément, une récente section de missionnaires nocturnes qui vient rendre visite aux malades de l'hôpital Garonne à la tombée de la nuit. Les patients sont pendus à leur sonnette, les équipes soignantes se relaient... Bref, c'est l'heure de toutes les angoisses. Une nuée de taches roses débarquent dans les couloirs de l'hôpital, et comme chaque semaine, elles apportent chaleur et gaieté aux patients de la Roseraie, dont la plupart sont atteints d'Alzheimer.
Franches parties de rigolades
Les bénévoles font preuve d’imagination pour organiser des ateliers ludiques.
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Les cahiers
Ozanam - n°209 - juin-juillet 2014
On les voit déambuler de chambre en chambre ou discuter avec les malades autour d'un dessert ou lors d'une promenade dans le jardin. Alzheimer. Un mot qui a fait peur à Gilles au moment de son « entretien d'embauche » avec Gisèle. Mais aujourd'hui qui pourrait le soupçonner ? « Nous vivons ici de franches parties de rigolade et des moments plus touchants… Légers massages des mains pour ceux qui apprécient, ou simple discussion sur la pluie et le beau temps. Même si c’est souvent un peu décousu quand dans
Pour les maux du corps, il y a les blouses blanches. Pour ceux de l’âme, les Blouses Roses sont là.
« La présence des Blouses Roses, c’est la vie extérieure qui rentre…» étant malade on est capable de créer, de se passionner. » Le triangle bénévole, salarié et bénéficiaire se révèle bénéfique pour tout le monde, tant que le bénévole reste à sa place et valorise le travail du professionnel. À ce sujet, la présidente raconte : « Un jour à l’hôpital, une maman attendait avec son bébé depuis des heures à l’accueil, et une infirmière venait régulièrement lui prendre la tension. Au bout d’un moment, le Les Blouses Roses agissent en partenariat étroit avec les équipes des établissements pour améliorer la vie des résidents.
bébé se mettait à pleurer à la venue de l’infirmière. Je passais par là avec une marionnette qui, l’espace d’un instant, a fait oublier à l’enfant son angoisse. La mère me dit : " Au moins avec vous, il rigole ", mais je lui ai répondu : " Peut-être, mais c’est l’infirmière qui le soigne ". » « Elles sont notre soleil rose », témoignait une vieille dame aujourd'hui décédée.
Donner de l’épaisseur à la vie Gilles cherchait une dimension humaine à son travail d'ingénieur aéronautique, aujourd'hui, sa vie a pris plus d'épaisseur. Au moment du départ, les marchands de sable peinent à quitter leurs vieux compagnons. Une infirmière les raccompagne : « Je ne sais pas ce que vous lui avez fait, mais d’habitude il est tout triste, et là il vous a même raccompagné jusqu’à la porte avec le sourire. Revenez quand vous voulez ! » Parfois les équipiers de Gilles restent simplement en silence avec un malade qui ne souhaite pas parler, en lui tenant simplement la main. Leur façon de faire est remarquable aux yeux du Professeur Xavier de Boissezon : « L’action des Blouses Roses, c’est parfois de remettre un peu plus d’humain à l’hôpital qui devient toujours plus technique, organisé et administratif. La prise en main quotidienne du patient doit être faite par des professionnels aguerris dans un environnement stérilisé, soit. Mais lui prendre la main, c’est aussi important.. »
n°209 - juin-juillet 2014 - Les cahiers Ozanam
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© Blouses Roses
la même discussion interviennent Minou, du jus de pruneau et Ginette la Reine des Paupiettes ! » Les Blouses Roses ont plus d'un tour dans leur sac pour compléter le travail des soignants auprès des malades. Par l'animation, le loisir, l'activité manuelle, elles valorisent la personne, la mettent en confiance pour rompre la solitude. Et le personnel de santé est lui aussi heureux d'avoir de la compagnie. Michèle Dalavat, cadre de santé, témoigne : « La présence des Blouses Roses, c’est la vie extérieure qui rentre dans les unités de traitement, ce qui permet de faire, d’apprendre de façon concrète, de parler d’autre chose que de la maladie, de faire naître des passions, de prouver qu’en
Service Actus SSVP
Rencontres nationales du Partage en 2015 En mai 2015, la SSVP organise à Metz un grand événement national autour du Partage : trois jours de découvertes, d’échanges d’expérience, de réflexion et de fête, réunissant plus de 2 000 personnes.
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epuis 180 ans, la Société de SaintVincent-de-Paul visite, accueille, accompagne les familles et les personnes seules ou démunies. Les Vincentiens, mais aussi les personnes qu’ils accompagnent, les responsables paroissiaux, les partenaires locaux sont invités à participer à ces Ren-
contres nationales du Partage, les 15, 16 et 17 mai 2015 à Metz. Attentive aux défis de son temps, la SSVP a entrepris depuis deux ans une démarche visant à renouveler sa proposition d’un engagement bénévole aux côtés des plus démunis. Cette approche répond aux appels
répétés du pape François à une conversion missionnaire, mettant en lumière le chemin emprunté par Vincent de Paul et Ozanam et le lien indissociable entre spiritualité et service du pauvre. Dans cette perspective, les Rencontres nationales du Partage 2015 sont une étape du renouveau de la SSVP.
Infos pratiques Les 15, 16 et 17 mai 2015 au Parc des expositions Metz-Expo À qui s’adressent ces Rencontres ? - aux Vincentiens, - aux personnes accompagnées, responsables paroissiaux, membres d’associations et organismes partenaires, potentiels futurs bénévoles. Contact : emmanuelle.duthu@ssvp.fr 01 42 92 08 10
Agrégation de Conférence : pourquoi, comment ? La Conférence est la base même de la Société de Saint-Vincent-de-Paul. Chaque nouvelle équipe doit faire la preuve de son insertion, dans la SSVP, dans la communauté ecclésiale et dans la réalité sociale, en étant agrégée. Par Valérie Grabé, assistante de direction
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n 2013, trois cents Conférences à travers le monde ont été agrégées (principalement en Inde). En France, depuis le début de l’année, quatre agrégations ont été prononcées et six dossiers sont en cours d’instruction.Les Conférences sont unies entre elles par des Conseils, à l’échelon départemental, national et mondial. Le signe de l’unité de la SSVP est l’agrégation des Conférences par
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Les cahiers
le Conseil général, après consultation des Conseils supérieurs. Elle marque l’entrée de la Conférence dans la grande Famille Vincentienne réunie, à travers le monde, par amour des pauvres et dans l’amour du Christ depuis plus de 180 ans ! Gageons que ce souffle encore timide va s’amplifier dans les mois à venir et redonner une dynamique nouvelle à la SSVP de France !
Ozanam - n°209 - juin-juillet 2014
Quelques conditions La Conférence doit : - exister depuis un an au moins, - porter le nom d’un saint ou bienheureux (autre que saint Vincent de Paul ou Frédéric Ozanam) - avoir des occasions régulières de partage, se réunir tous les quinze jours. Contact : valerie.grabe@ssvp.fr
Dix-sept « anges gardiens » Leur fonction est encore récente, mais leur nécessité se confirme au fil du temps. On les appelle les Animateurs de région de la Société de Saint-Vincent-de-Paul. Par Jacqueline Colson, vice-présidente de la SSVP
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ommés par le Président national, ils couvrent un territoire défini pour être en « tenue de service », à la disposition des responsables départementaux ou associatifs. Ils veillent, sans ingérence, sur le bon fonctionnement des Conseils départementaux et des Associations spécialisées. En cas de besoin, de litiges ou de complément d'information, ils ont l'autorité et la bienveillance requise pour faire avancer
les dossiers. Courroie de transmission et veilleurs, ils s'assurent de ce que les responsables nationaux soient informés des activités locales, et, en retour, de ce que les responsables du terrain restent bien renseignés sur les orientations et directives nationales, et les comprennent. Ainsi, dix-sept Animateurs de région facilitent les liens entre responsables de la SSVP, soutenant les réseaux de fraternité qui sont notre première richesse.
Nouveaux mandats Jacques Jeanteur
Président du CD 08 (Ardennes)
« Ma priorité est d’aider chaque Vincentien à comprendre et à partager la vision de la personne aidée, sans vouloir la ramener dans notre vision dite " normale " de la société. »
Odile le Dall Présidente du CD 29 (Finistère)
« Mon objectif sera de faire connaître aux jeunes la SSVP en allant dans les établissements scolaires et universités pour faire grandir une société fraternelle. »
Philippe Callot
Président de l’Association spécialisée SPES (76)
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Guadeloupe
Martinique
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Guyane
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« La Société privée d’entraide sociale, qui gère plus de 400 mesures de protection juridique des majeurs, est en difficulté. Ma mission est de l'aider à se remettre sur les rails, à repartir d'un bon pied en gardant l'esprit d'accompagnement des majeurs protégés. »
Charles Martre
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Animateur de région 5 (CD 04-06-13-20-84)
« Ma priorité : soutenir les CD de la région PACA dans leur mise en œuvre du grand projet associatif Ozanam. »
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Madeleine Thémines Animatrice de région 13 (CD 18-28-36-37-41-45-72)
René Lamarque Pierre Bonhomme Charles Trouverie Jean-Luc Gervet Charles Martre Yves Duclos Jacqueline Colson François Marie
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Francis Hoppenot Jeanne Lorne Bernard Cassagnes Didier Leroy Jean-Pierre Bordat Madeleine Thémines Jean Bourdeau Jean-Luc Pistre Joseph Sivatte
« Je souhaite être un maillon de la chaîne pour vivre notre bénévolat dans le partage, l’amitié, la prière, tout ceci pour nos frères. » © DR
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n°209 - juin-juillet 2014 - Les cahiers Ozanam
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Service Face à face
Laurent Gérardin
« Le projet Ozanam porte en lui l’esprit de jeunesse de saint Vincent et d'Ozanam » Depuis sept ans, Laurent Gérardin est bénévole à la Conférence de Saint-Vincent-de-Paul de la paroisse Notre-Dame-de-Lorette à Paris. Également membre du Comité des jeunes qui coordonne les actions des Conférences jeunes parisiennes, il témoigne de la manière dont son engagement vincentien est aujourd’hui influencé par le projet associatif Ozanam. Propos recueillis par évelyne Ahipeaud, Vincentienne
En octobre 2013, j’ai participé à la Convention de la SSVP lors de laquelle le nouveau projet associatif a été voté. Ce qui m’a frappé, plus encore que la volonté de donner une place aux jeunes dans l’association, c’est l’esprit de jeunesse qui anime ce projet. Il s’adresse à tous les Vincentiens. On y retrouve l’ouverture qui caractérise l’esprit de saint Vincent de Paul et de Frédéric Ozanam : une ouverture vers les pauvres et les nouvelles pauvretés, une volonté d’agir avec eux ; une ouverture à une vie spirituelle plus accomplie ; une ouverture aux moyens de communication qu’offre notre époque pour que nos actions et notre prière portent du fruit. Comment vis-tu le projet associatif en tant que jeune Vincentien ?
Au sein du Comité des jeunes, nous avions orienté cette année sur le thème du « retour aux fondamentaux ». Au-delà des activités habituelles – soirées de prière mensuelles, formations, week-ends vincentiens –, nous avions aussi décidé de produire un petit livret qui rappellerait les fondamentaux
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Les cahiers
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Quand as-tu découvert le projet Ozanam et en quoi t'a-t-il séduit ?
aux racines « Se brancher entien. » de l’esprit vinc
de l’association et de la vie en Conférence. Ce document nous semblait utile, car les Conférences jeunes se renouvellent très rapidement. Et le départ des bénévoles expérimentés entraîne une perte de connaissance, qui empêche parfois de vivre pleinement tous les aspects de la vie en Conférence : actions de charité, réunions, prière, réflexion spirituelle. En quoi cette initiative s’inscrit-elle dans l’esprit du projet Ozanam ?
Le projet invite chacun à se brancher aux
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racines de l’esprit vincentien pour faire croître sa charité. Le livret devait communiquer des idées simples qui donnent envie d’aller plus loin… Et à nous aussi, cela nous a donné envie d’aller plus loin ! Nous avons décidé de construire trois guides pour approfondir les bases de l’engagement vincentien : la vie en Conférence, l’histoire de l’association, l’animation spirituelle et la prière. À titre personnel, ton engagement vincentien en a-t-il été changé ?
J’ai décidé de prendre un mois de congés pour aider au développement des Conférences jeunes. Intégré à l’équipe nationale de la SSVP, j’ai travaillé sur deux axes : la création d’un réseau de prière numérique et sur la rédaction des trois guides pratiques pour les membres des Conférences jeunes. J’ai aussi participé au renouvellement de la communication de la SSVP en témoignant de mon expérience de jeune bénévole. C’est une grande joie de pouvoir restituer un peu de ce que j’ai reçu durant ces années à la SSVP !
Association Simon de Cyrène « L’habitat partagé est une relation qui transforme »
Elles vivent dans un « habitat partagé » où des personnes handicapées et des personnes valides vivent ensemble dans un esprit communautaire fondé sur l’amitié, l’accompagnement et l’engagement. Elles s’appellent Clara et Flore et sont handicapées. Elles vivent avec France, Agnès et Tina, valides. Toutes témoignent de ce que cette forme d’habitation a donné comme sens à leur vie. Par Évelyne Ahipeaud, Vincentienne En quoi consiste « l’habitat partagé » ?
Que retirez-vous de ce vivre ensemble ?
France : En arrivant ici, je pensais que je pouvais apporter un bien-être à la personne. Mais je me suis aperçue que je recevais des trésors de douceur de la part de Clara. Elle
L’association innove en s’appuyant sur la complémentarité entre personnes valides et handicapées.
m’apprend à être présente ici et maintenant. Nous allons au-devant l’une de l’autre. On s'en sent transformées l’une et l’autre. Ici, le rapport au temps est différent. Il y a une qualité de présence à l’autre dans les gestes du quotidien du fait de l’invalidité des résidents. Saviez-vous à quoi vous attendre en venant à Simon de Cyrène ?
Tina : J’avais conscience que j’allais recevoir, car j’avais déjà une expérience avec l’Arche. Je vivais dans un foyer partagé avec des personnes ayant un handicap. C’est ce qui m’a fait choisir l’association Simon de Cyrène, qui s’inspire de l’Arche. Je ne voulais pas juste donner, mais je souhaitais vivre un échange réel avec l’autre. J’ai établi
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Clara : C’est vivre tous ensemble dans un même lieu et partager les repas et les activités. France : L’habitat partagé est une relation qui transforme, un « vivre ensemble ». Je partage les activités, mais aussi les repas avec Clara depuis deux ans et demi. Ce qui est central, c’est la relation entre « assistantrésident ». Nous, les assistants, devons aider les résidents à ce qu’ils soient « acteurs de leur vie ». Nous devons faire preuve d’inventivité pour les aider au mieux à grandir et à développer leurs dons pour pouvoir trouver leur place dans la vie. Agnès : Il y a aussi les « studios satellites », dans lesquels les personnes sont plus autonomes. Elles vivent dans leur propre petit appartement, c’est le cas de Flore. Nous ne prenons pas tous nos repas ensemble, comme c’est le cas en habitat partagé. Mais nous faisons comme des amis : on s’échange des nouvelles, on prie et on va au cinéma. Cette relation avec Flore me rappelle à la vérité en me faisant prendre conscience de ma propre fragilité.
une relation amicale avec les résidents qui donne du sens à ma vie. France : Les résidents nous apprennent beaucoup. Rien qu’en les regardant vivre, nous pouvons apprendre à recevoir. Il y a des choses qu’ils ne peuvent pas faire tout seuls et eux savent se laisser aider. C’est parfois plus difficile de se laisser aimer que de donner… Qu’est-ce que cette relation vous apporte à vous, les résidents ?
Clara : France m’apporte sa douceur et son très grand calme qui me permet de commencer ma journée de façon plus reposée, sans stress. Flore : Agnès est ma référente. Nous avons construit ensemble une très grande amitié. Je l’aime beaucoup !
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Service Initiatives
Institut Frédéric Ozanam : un nom providentiel Voici l’histoire d’une collaboration inédite entre les bénévoles du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône et les universitaires de l’Institut catholique de la Méditerranée. Bien après sa mort, Frédéric Ozanam continue d’enserrer le monde dans un réseau… de charité ! Par Capucine Bataille, RC
À quel saint se vouer ? Parallèlement, l’Institut catholique de la Méditerranée (ICM) concrétisait son projet d’ouvrir un nouvel institut consacré à la promotion de la Doctrine sociale de l’Église. L’inauguration approchant, il fallait lui choisir un nom ! Mais parmi tous les grands de l’histoire de l’Église, à quel saint se vouer ? C’est alors que l’ICM eut vent du colloque de la SSVP pour le bicentenaire d’Ozanam et de la participation du cardinal au colloque. La coïncidence des événements était trop belle pour être ignorée ! L’association fêtait son fondateur, dont la pensée inspira la Doctrine
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Les cahiers
L’IFO a été inauguré le 26 octobre 2013, au terme de l’année du bicentenaire de Frédéric Ozanam.
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imple coïncidence ou clin d’œil de la Providence ? En 2013, la Société de Saint-Vincent-de-Paul de Marseille fêtait le bicentenaire de son fondateur, le bienheureux Frédéric Ozanam. À cette occasion, le Conseil départemental de la SSVP a convié le cardinal Peter Turkson, président du dicastère Justice et Paix au Vatican, à son colloque Frédéric Ozanam, fondateur de la démocratie chrétienne. Parler de l’action de ce bienheureux en son temps et de son influence aujourd’hui conduirait nécessairement à aborder des questions de justice sociale, dont traite ce dicastère. C’est ainsi que le cardinal a répondu positivement à l’invitation des bénévoles de la SSVP. L’annonce de sa venue prochaine à Marseille a commencé de se répandre...
sociale de l’Église, et la faculté inaugurait un institut consacré à sa promotion. La SSVP de Marseille et l’Institut catholique se rencontrèrent donc, prirent conscience de leur volonté commune de faire vivre cette Doctrine sociale en développant l’engagement des chrétiens dans la société, la solidarité, la subsidiarité, etc. Ils firent alliance. Le nom du nouvel institut fut tout trouvé. Lors de sa venue, le cardinal Peter Turkson inaugura lui-même cet Institut Frédéric Ozanam (IFO), le 26 octobre 2013. Mais la collaboration des bénévoles et des universitaires ne s’est pas arrêtée là ! Charles Martre, président du CD 13 a été sollicité pour inaugurer la section enseignement, en
donnant un premier cours de deux heures sur Frédéric Ozanam, en février 2014. Le Vincentien a poursuivi ses enseignements hebdomadaires consacrés à Ozanam, sa vie, son œuvre jusqu’en avril 2014. Aujourd’hui, ce premier cycle est terminé. Mais l’Institut catholique et le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône réfléchissent ensemble à proposer un nouvel enseignement pour faire découvrir la vie et l’œuvre de saint Vincent de Paul aux étudiants et auditeurs libres dès 2015. Espérons que ces enseignements feront naître chez les auditeurs, le désir de mettre leur foi en action, au service des personnes pauvres et isolées.
« La Providence n’a pas donné une vie
longue à Frédéric Ozanam, mais son action a été féconde. Cardinal Turkson
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Actus juridiques et sociales
Pas de vacances pour les CCAS
Zoom sur
L’été est toujours une période difficile pour les personnes les plus isolées. Beaucoup d’associations diminuent leurs actions, mais les CCAS près de chez vous s’activent pour combler leur absence. Par Sophie Rougnon, directrice administrative et financière
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ux beaux jours, les permanences des associations ferment ou réduisent leur activité. Les bénévoles partent en vacances. Malheureusement, les plus démunis restent chez eux. Ils n’ont pas les moyens de suivre les vacanciers sur les plages. Pour faire face à cet isolement, au sein de chaque commune, le Centre communal d'action sociale (CCAS) est un acteur incontournable. Les actions du CCAS sont, entre autres, la lutte contre l’exclusion, les services d’aide à domicile, la prévention et l’animation pour les personnes âgées et le soutien aux personnes en situation de handicap.
Voici quelques exemples concrets d’actions mises en place et gérées par les CCAS toute l’année ou pendant l’été : - Création d'une plateforme téléphonique seniors et personnes handicapées. - Création d’un réseau de solidarité pour la lutte contre la solitude, le soutien moral en cas de besoin, la création des relations de voisinage et le renforcement de la cohésion sociale. - La prévention canicule dans le cadre de la veille sociale, des appels téléphoniques hebdomadaires permettent de maintenir un lien social.
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Pour connaître l’adresse du CCAS proche de chez vous et découvrir les actions mises en œuvre pendant l’été : www.unccas.org/ unccas/ccas-cias.asp pertinents s partenariats Son secret : de l’année, sans s’épuiser. e pour aider tout
La mobilisation de la SSVP 33 auprès des personnes seules ou démunies ne faiblit pas pendant l’été.
En été, la SSVP de Gironde ne se met pas au vert
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as de trêve estivale pour la Société de Saint-Vincent-de-Paul de Gironde, dont les activités ne vont pas s’interrompre : accueil, visites, colis alimentaires, veille téléphonique. Grâce à des partenariats ponctuels interassociatifs, cet été, les personnes en difficulté trouveront toujours quelqu’un pour répondre à leurs besoins. L'accueil Pey-Berland de la SSVP reste ouvert en juillet et en août pour garantir la distribution de courrier et l'accueil d'urgence. En partenariat avec l’Église évangélique et les médiateurs de la mairie, trois Conférences de la SSVP seront mobilisées pour assurer la distribution des colis alimentaires, provenant de la Banque Alimentaire, pour tout leur secteur géographique. Enfin, pour la quatrième année consécutive, les bénévoles de la SSVP de Gironde participent à la veille téléphonique « Voisins Relais », labellisée au niveau européen en 2012. Cette opération fédère plusieurs associations bordelaises : la SSVP, les petits frères des Pauvres, France Bénévolat, en lien avec le Centre Local d’Information et de Coordination de la mairie de Bordeaux. Au fil des ans, cette alliance estivale a permis aux bénévoles de la SSVP 33 de découvrir de nouvelles personnes isolées, qu’ils visitent maintenant régulièrement. Par Clotilde Lardoux,
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assistante communication
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Service Actus juridiques et sociales
7 manières de faire alliance Qui dit bénévolat dit engagement personnel. Mais en aucun cas, un comportement individualiste. Au contraire, être bénévole, c’est travailler en équipe, savoir mutualiser les forces, se faire des alliés, adhérer à un projet associatif qui nous dépasse. Benoît Pesme, responsable de l’animation et de la formation
1 Faire alliance avec la personne aidée C’est la première alliance que noue le Vincentien. Il s’allie, il se lie à la personne qu’il veut aider, qu’il accompagne ou visite.
2 Faire alliance entre Vincentiens L’association qui unit les Vincentiens entre eux est le fondement de la SSVP. Seuls, ils ne peuvent rien. Ensemble, ils prient et agissent au service de la charité.
3 Faire alliance entre Conférences Au sein du CD, une Conférence en contact avec une autre Conférence peut bâtir des projets plus vastes, échanger, trouver du soutien. Le Président du CD n’est pas seul, il écoute, appuie, encourage. Il bâtit avec les Conférences la vie départementale de la SSVP. Il encourage la formation des membres et appelle de nouveaux membres à prendre des responsabilités.
5 Faire alliance avec les autres mouvements et associations caritatifs La SSVP n’a pas le monopole de l’action sur le terrain. Elle se retrouve souvent dans des actions communes avec d’autres. Elle y trouve des compétences et des appuis pour servir les plus pauvres.
6 Faire alliance avec les pouvoirs publics Ils mettent en œuvre les politiques de solidarité. Les Vincentiens doivent en connaître les règles et les acteurs pour entrer dans les dispositifs qui leur permettront d’être plus opérationnels.
7 Faire alliance avec tous les membres de la SSVP La SSVP est un mouvement national et international appelé à vivre plus qu’une solidarité, une communion par la prière et par l’action.
4 Faire alliance avec la paroisse
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Agir avec les mouvements et services diocésains, c’est la voie la plus évidente pour rayonner, se faire connaître, détecter les situations de pauvreté.
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Les cahiers
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Le point sur
Carte de membre : à quoi sert-elle ?
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a nouvelle carte de membre de la Société de Saint-Vincent-de-Paul est disponible ! Aux couleurs de la SSVP, elle est signe de notre appartenance au réseau de charité de la SSVP. Mais à quoi sert-elle concrètement ? - Tout d’abord, elle signifie que je suis membre de la Société de Saint-Vincentde-Paul aux yeux de l’association ellemême. J’en fais partie, j’ai acquitté ma cotisation, j’ai le droit de vote à l’AG, je suis couvert dans mes activités bénévoles par l’assurance responsabilité civile du Conseil départemental de la SSVP. - Ensuite, elle permet de nous reconnaître entre membres du réseau de charité vincentien. Je suis heureux d’être membre d’une Conférence. Cette carte signe mon appartenance, mon engagement, ma fidélité. Je la porte au fond de mon portefeuille ou de mon sac. Elle renforce mon sentiment d’appartenance, mon attachement à la SSVP. - Enfin et surtout, elle permet à nos partenaires – institutions, maisons de retraite, centres municipaux, structures inter-associatives… – de me reconnaître. D’un coup d’œil, on m’identifie comme membre de la Société de Saint-Vincent-de-Paul. Cette visibilité instaure une confiance immédiate. Elle rend notre action d’autant plus efficace et crédible. Pour recevoir votre carte de membre, contactez votre président de Conférence ou votre Conseil départemental. Par Bertrand Decoux, Secrétaire général
Conférence de la SSVP, paroisse étudiante, associations partenaires et musulmans La Conférence jeunes de Saint-Vincent-de-Paul de Toulouse a pris son essor. Depuis quelques années, ces Vincentiens du Sud-Ouest se sont alliés avec la paroisse étudiante, célèbre dans la ville rose pour son dynamisme. Reportage un mercredi soir de printemps. Propos recueillis par Capucine Bataille, RC
19 h 3 0, la messe se termine. Aussi
19 h 45, les maraudeurs sont partis. Sur les conseils de Samuel, responsable du service, ils se sont divisés en équipe : le centre-ville, la gare, etc. François, Vincentien depuis un an, témoigne : « Nous voyons beaucoup de jeunes dans la rue. La plupart des personnes que nous visitons ont, comme nous, entre 18 et 35 ans. » Tout en gardant son indépendance, la Conférence s’est accordée avec les autres associations qui font des tournées de rue : Ordre de Malte, paroisses, Secours catholique, etc. Ils se sont répartis les jours de la semaine pour éviter les doublons. « Notre spécificité est de passer du temps avec ceux que nous rencontrons. Le plus important, c’est la relation qui se crée », explique François.
20 h 3 0, Rémi, jeune professionnel Une double action tournée vers les jeunes : les maraudes et la distribution alimentaire pour les étudiants démunis.
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surprenant que cela puisse paraître, l’église pleine se vide d’une foule de jeunes. Les étudiants et jeunes professionnels sortent en silence, échangeant des sourires de salutations. Quelques-uns se regroupent. Ce sont les maraudeurs. Des timides s’approchent : ils viennent pour la première fois. Dans une chapelle attenante, on chante et confie la tournée à saint Vincent, Ozanam et Pier Giorgio Frassati. Un autre groupe se constitue. Ce sont les habitués de la distribution alimentaire. Sous le porche voisin de l’église, dans un joli jardin ensoleillé, ils sortent les tables et les vivres. Les voilà prêts à recevoir les bénéficiaires, étudiants comme eux pour la plupart.
leurs services de charité. Un seul bémol : la difficulté à inciter les nombreux jeunes à la régularité dans leur engagement et à participer aux réunions mensuelles. Mais un noyau dur garantit la pérennité des actions.
20 h 15, à la distribution alimentaire, les étudiants bénéficiaires se mêlent aux bénévoles. Autour d’une table, ils se posent entre jeunes pour boire un verre et discuter amicalement. Les échanges sont très naturels et il devient difficile de distinguer les aidants des aidés. Avant de partir, les bénéficiaires glissent discrètement une humble participation financière dans le tronc. Le frère Jérôme, accompagnateur spirituel de la Conférence, ancien Vincentien lui-même, regarde avec affection la scène : depuis six ans, ces jeunes professionnels et étudiants de Toulouse se mobilisent pour faire vivre
responsable de la distribution alimentaire depuis un an et demi, se réjouit : « L’an passé, nous avions posé des affiches dans la rue et les facultés, pour faire connaître notre distribution alimentaire. Et quelques jours plus tard, les étudiants musulmans de France (EMF) sont venus à notre rencontre. » Après un échange sur leurs actions réciproques, les visiteurs ont demandé à assister à une maraude. « Les EMF voulaient monter une action similaire, mais ne savaient pas trop comment s’y prendre. » Et voilà musulmans et catholiques, faisant alliance pour marauder ensemble dans les rues toulousaines. Les Vincentiens ont partagé leur expérience, grâce à laquelle les jeunes musulmans ont pu à leur tour organiser leurs maraudes.
20 h 45, les derniers bénéficiaires de la distribution alimentaire s’en vont et saluent les bénévoles. On range les tables dans le local de la paroisse. Dans les rues, les terrasses des bars ne désemplissent pas. Et sur les trottoirs déambulent encore les maraudeurs qui reviendront tard dans la soirée. Les cahiers
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Service International
La SSVP essaime au Vietnam La SSVP est présente dans 148 pays. Tous agissent dans un même esprit vincentien, en un vaste réseau de charité mondial. À la découverte d’un nouveau visage de l’association, faisons escale au Vietnam. Par Par Maryse Giraud, Vincentienne et membre du CA
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Soixante-dix écoliers vietnamiens sont parrainés par des Vincentiens français.
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es plus anciennes des Conférences de la Société de Saint-Vincent-dePaul Vietnam existaient déjà au temps de l’Indochine. Ces équipes historiques ont longtemps fonctionné seules, en s’appuyant sur la Règle Internationale de la SSVP et d'autres documents datant de l’époque de la présence française. Mais depuis une décennie, beaucoup de nouvelles Conférences ont été créées grâce à l’implication des Filles de la Charité. Pour la plupart, ces jeunes Conférences sont en attente d’être reconnues par le Conseil Général International. On en dénombre 65, disséminées essentiellement au sud Mékong et au Centre Hué et Danang.
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Les cahiers
En 2014, grâce au dévouement d’une religieuse, Sœur Armelle, la Règle internationale et le livret de la visite à domicile ont été traduits en vietnamien.
Une différence de poids Aujourd’hui, les Conférences du pays fonctionnent comme leurs vingt jumelles françaises. Seule différence : le peu de moyens pour agir. En effet, la SSVP n’est pas reconnue par le gouvernement ! Mais loin de se décourager, les Vincentiens vietnamiens se retroussent les manches et agissent avec enthousiasme : visite à domicile, distribution de vivres, création de cantines, etc.
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En 2013, le vice-président du Sud asiatique a rendu plusieurs fois visite à la SSVP Vietnam. Grâce à son aide précieuse, un Conseil national de coordination, qui englobe les Conférences, les Filles de la Charité, les Lazaristes et l’Association Internationale de la Charité (AIC), a été reconnu en janvier 2014 par le Président international de la SSVP, Michaël Thio. Prochainement, la SSVP Vietnam se réunira en Assemblée générale pour élire son premier président national. Pleines de zèle, dévouées et efficaces auprès des plus pauvres, les Conférences de la SSVP Vietnam devraient à coup sûr continuer d'essaimer dans tout le pays, pour l’enserrer dans un réseau de charité.
Parrainage Les petits écoliers de Saint-Vincent-Diem Soixante-dix petits Vietnamiens vont à l’école, grâce à la générosité du Conseil départemental 68 (Haut-Rhin). Quinze Conférences et confrères du département parrainent des enfants à l’autre bout du globe pour qu’ils aient accès à l’éducation. Ces parrainages de Saint-VincentDiem, œuvre affiliée au CD 68, existent depuis vingt ans déjà.
Carnet de route
Se former au métier de bénévole
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Les bénévoles en formation sont les plus motivés : leur implication est maximale.
Président de Conférence ou bénévole dans un accueil, chaque membre de la Société de SaintVincent-de-Paul a besoin de se former pour revisiter son action ou apprendre de nouvelles pratiques. De Nice à Strasbourg, reportage dans les CD qui ont organisé des formations. Par Benoît Pesme, responsable de l’animation et de la formation
Q
uand Béatrice doit à son tour prendre la parole, son émotion est telle qu’elle reste muette. Elle vient d’entendre des femmes de l’âge de sa mère témoigner de leurs difficultés dans la relation d’aide avec les personnes qu’elles visitent, à domicile, à l’épicerie sociale ou au vestiaire. Des larmes ont coulé, des mots tremblants parfois sont sortis. Béatrice, 25 ans à peine, n’a jamais vu autant de simplicité, d’exigence et de confiance partagée entre bénévoles. Depuis cette journée, elle est devenue une fidèle de la Conférence de la SSVP de Châtellerault.
Benoît Pesme, responsable de l’animation et de la formation
Ces bénévoles du CD de Poitiers sont en formation à l’écoute organisée avec le concours de l’Institut Astrée. La journée se passe dans les locaux de la Conférence de Châtellerault, accueillante malgré l’exiguïté des lieux.
Travailler ensemble pour progresser Habituée des séminaires de formation dans les grandes entreprises, Marie Popovici, formatrice professionnelle d’Astrée, s’adapte : « Ce qui compte, c’est le désir de travailler ensemble pour progresser et les bénévoles en formation
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Service Carnet de route
Apprendre et progresser dans son métier de bénévole.
«Je repars
avec plein d’idées pour relancer ma Conférence.
»
Président de CD, de Conférence ou simple bénévole, les participants réalisent la nécessité de se former régulièrement.
sont toujours motivés », explique-t-elle. En effet, l’implication des participantes est maximale tant dans les phases de transmission de savoir que dans les moments d’interactivité. Après le partage, on reformule : comment adapter l’écoute, le dialogue et la posture vis-à-vis d’un public blessé ? Comment adopter la bonne distance sans que le bénévole y mette trop d’implication affective ? Comment communiquer dans le groupe ? Quelles techniques utiliser pour que l’écoute soit constructive et positive ? En fin de journée, le retour de chacune des bénévoles est extrêmement positif. Dans l’immédiat, elles ont réalisé qu’il serait utile de mettre en place un temps de parole lors de leur réunion mensuelle pour que chacune puisse s’exprimer et partager les situations difficiles vécues avec trop d’émotion. Elles prennent déjà date pour une session d’approfondissement et regrettent que tout le monde n’ait pas participé à cette journée de formation.
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Les cahiers
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À Lyon ce matin-là, ils sont quinze à l’heure du café. Malgré la distance, ils sont venus de Chambéry ou même de Gap pour cette journée de formation des Présidents de Conférence. Le président du CD 69, Michel Meaudre, en est l’initiateur. Il a battu le rappel pour faire de cette journée un temps de rencontre régionale inter-CD.
Le défi presque relevé Le défi n‘est pas loin d’être relevé, mais plusieurs CD n’ont envoyé personne. La formation est menée par deux présidents de CD : Michel Meaudre et Alain Begnez, Président du CD 74, avec l’appui de l’animateur de région Charles Trouverie et le concours du secrétariat national : « Je voudrais vous parler du "métier" de président de CD, confie Michel Meaudre aux participants. Nous allons le faire à deux voix pour qu’apparaissent toutes les facettes de la mission. » Dans la salle, trois jeunes présidents de Conférence
Se former pour ne pas agir seul, mais s’appuyer sur une association.
en poste. L’un deux, Benoit Courtade, après avoir présidé une Conférence jeunes préside désormais une Conférence « classique ». Il insiste sur l’intérêt de l’inter-générationnel : « Je suis président à 33 ans alors que dans notre Conférence il y a des gens beaucoup plus âgés. Ils sont plus disponibles que moi et je peux m’appuyer sur eux. » Au cours de l’échange de l’après-midi, Michel Meaudre insiste sur la souplesse et l’adaptation que permet la SSVP. Charles Trouverie intervient sur les liens avec le national : « Pas œil de Moscou mais médiateur, le facilitateur », sourit-il. « Ce lien est d’autant plus nécessaire dans une organisation très décentralisée. » La satisfaction en quittant les locaux du CD 69 se mesure aux petites phrases que l’on glane à l’heure du bilan : « Cette formation nous permet de reprendre conscience qu’on n’est pas seul. » - « Je repars avec plein d’idées pour relancer ma Conférence. » - « Il faut nous rencontrer plus
S'inscrire Organiser une formation de Présidents de Conférence : ces formations sont à l’initiative des Présidents et peuvent s’organiser entre plusieurs CD en concertation avec l’animateur de région et l’appui du secrétariat national. Contact : Benoit Pesme - 01 42 61 06 57 benoit.pesme@ssvp.fr Organiser une formation à l’écoute avec l’Institut Astrée Contact : Valérie Grabé - 01 42 92 08 15 valerie.grabe@ssvp.fr
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Photos : SSVP
Le jeu de rôles de l’atelier communication plonge les bénévoles dans le concret.
souvent. » - « Vos témoignages étaient très utiles, car ils me permettent de voir que ce nous vivons, d’autres le vivent aussi. » Au printemps 2014, Nice aussi a fait sa formation de Présidents de Conférence et Strasbourg a suivi avec une journée à l’ombre de l’église Saint-Pierre-le-Jeune, au siège du CD 67. L’animateur de région, Didier Leroy, Président du CD 68, partage la formation avec Michel Keller, viceprésident du CD 67. Là encore, la satisfaction est grande de pouvoir se former ensemble. « C’est l’occasion de mieux nous connaître, de prendre conscience de nos richesses et de nos difficultés communes », observe une des présidentes de la plaine d’Alsace. Comme à Lyon, l’atelier communication mis en place par Capucine Bataille, salariée du siège national, remporte un franc succès, surtout lors des jeux de rôles : présentation de la SSVP à son curé, à son maire, à un journaliste pour terminer par l’annonce en chaire. Bonne humeur garantie avant de retourner sur le terrain !
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Spiritualité Réflexion
« Sans moi, vous ne pouvez rien faire ! » L’Alliance avec Dieu nous unit bien sûr à Lui. Mais elle nous lie aussi les uns avec les autres : nous sommes greffés ensemble aux branches de « l’olivier franc » (Ro 11, 24). De même, l’Eucharistie étant un engagement du Seigneur pour son Église et pour tout homme, en communiant, nous nous engageons à entretenir cette Alliance avec Dieu et les liens fraternels avec la multitude des hommes. Par Madeleine Thémines, Vincentienne
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uand on parle d'alliance, il vient rapidement à l'esprit l'idée du « lien » : liens avec les autres, liens dans le mariage, liens matérialisés par les anneaux qui unissent l'homme et la femme. Ces liens tissés en humanité ne sont possibles que si des échanges bienveillants se mettent en place : une écoute attentive de l'autre, de ses attentes et de ses besoins. Cette alliance entre les hommes peut naître d'un objectif commun que l'on choisit de poursuivre ensemble. Mais Dieu nous propose la sublime Alliance : celle qui L'unit à l'humanité tout entière. Dans la Genèse, on parle de l'Alliance originelle avec l'humanité dans les personnes d'Adam et Ève (Gn 2, 15-17).
Dieu est le Dieu de la paix. Pour Daniel, Dieu est le Dieu de la vie éternelle. Dans cette Alliance, vie et bonheur sont au cœur de la relation entre Dieu et les hommes. Dans l'alliance avec David : Dieu regarde le cœur, et non les apparences quand il choisit David, un petit berger qui sera le roi d'Israël. L’arc-en-ciel est le symbole biblique de l’alliance entre Dieu et les hommes.
Madeleine Thémines, Vincentienne
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Les cahiers
Pour Abraham, Dieu est l’Unique : Il veut faire alliance avec tous les hommes. Pour Moïse, Il est le Vivant, le Libérateur : Dieu donne les dix commandements. Ainsi, le peuple saura comment vivre en amitié avec Dieu et garder son alliance. Pour David, Il est Bon : un des descendants de David sera roi pour toujours (Jésus, descendant de David). Pour Isaïe, Dieu est Saint et enverra un Sauveur : Il annonce la venue d’un Sauveur, le Messie. Pour Jérémie, Il est Celui qui pardonne : il ose dire à tous ceux qui se détournent de Dieu qu’ils se perdent. Pour Ézéchiel, Dieu est le Sauveur : Il ressuscitera son peuple. Pour Zacharie,
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© Surajhaveri
Dès l’origine, Dieu fait alliance avec les hommes
© BY-SA3.0
être greffé à l’olivier franc, c’est remettre toute sa vie en Dieu.
Dieu a envoyé le Messie pour rencontrer son peuple et l'enseigner. Mais l'Alliance s'est brisée et renouée le Vendredi Saint. C'est sur la croix que Jésus quitte son peuple dans l'humilité. Il ne nous abandonne pas. Il nous donne l'espérance de sa Résurrection. Le signe de son Alliance sera désormais aussi dans Son corps livré et Son sang versé. Dans l'Eucharistie, l'homme trouvera désormais l'Alliance de Dieu. C'est elle qui garantit son altérité et son humanité. Dans le message du Christ, l'amour prend toute la place. C'est l'arc-en-ciel qui nous réunit, nous, si différents. Comment ? Grâce à des témoins vers le chemin de l'alliance, comme saint Vincent de Paul dont le message sur la charité est une étape de l'arc-en-ciel entre Dieu et son peuple. Saint Vincent disait : « Notre vocation est d’aller enflammer le cœur des hommes, de faire ce que fit le Fils de Dieu, Lui qui vint porter le feu dans le monde pour l’enflammer de Son amour. Que pouvons-nous désirer d’autre sinon qu’Il brûle et consume tout ? Il est donc
« Dans le message du Christ, l'amour prend toute la place. C'est l'arc-en-ciel qui nous réunit, nous, si différents.»
vrai que je suis envoyé non seulement pour aimer Dieu, mais pour Le faire aimer. » Cette sainteté de l'alliance que Dieu propose à chaque homme engage équilibre, harmonie, respect de chacun. C’est là que l’on peut reconnaître les merveilles et les talents que Dieu place en chacun de nous. Que vais-je faire aujourd'hui de ces potentialités que l'on m'a confiées ? Est-ce que j'accepte de faire alliance avec l’autre, d'ouvrir mon cœur et mon esprit à ses singularités ? Suis-je toujours à la recherche de Son humanité ?
Quelqu’un pour nous aider Animée par l’Esprit-Saint, l’Église annonce la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ à tous les hommes, et ce, dès les Apôtres, les grands témoins. Nous, chrétiens, avons Quelqu’un pour nous aider. Oui, c’est Jésus-Christ. Il nous dit : « Je suis le cep, vous êtes les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure porte beaucoup de fruits, car sans moi, vous ne pouvez rien faire ! » (Jn 15,5). Que signifient ces propos apparemment si simples ? L’image est claire et forte : on voit bien qu’un sarment de vigne ne peut porter de fruit s’il n’est pas attaché au cep. Est-ce réellement de même pour nous ? Cette parole est au cœur de l’Évangile, au cœur de notre foi. Dieu ne donne pas sous condition. Il aime tout homme, même les plus éloignés de lui, nous en rencontrons dans nos visites,
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Spiritualité L’arche d’Alliance est un témoignage de Dieu aux yeux des hommes.
nos accueils. Ne soyons pas des sarments secs, ouvrons nos yeux, notre cœur, car Dieu donne à celui qui réclame. Soyons-lui dévoués, fidèles. Il donne gratuitement. Cela ne sert à rien de vouloir pour vouloir, cela ne sert à rien de s’imposer, de vouloir réussir sa vie, fût-ce au plan spirituel. La seule chose qui compte, comme l’enseigne saint Paul, est d’oublier le chemin parcouru, ne pas regarder à droite ou à gauche, devant ou derrière, mais n’avoir qu’un seul souci, une seule inquiétude, un seul élan, un seul but : celui de répondre à cet appel de Celui qui nous aime et que nous devons apprendre à aimer. Apprendre à L’aimer au travers de nos frères. Et parce que ce n’est pas simple ni facile, apprenons à appeler à l’aide le Seigneur Jésus : Viens à mon secours, car sans Toi, je ne sais rien faire ! Il nous faut nous nourrir de Sa parole, la garder, l’apprendre avec le cœur. Elle doit fermenter en nous. Sans Jésus, nous ne pouvons rien faire, rien du tout ! « Sans moi, vous ne pouvez rien faire ! » Il nous faut demander au Christ de donner de comprendre cette parole, de nous faire comprendre que notre vie chrétienne n’est pas un beau plan de bataille à accomplir, ni une certaine perfection à atteindre. Elle n’est pas un modèle à appliquer, mais notre vie est quelque chose qu’il faut donner. C’est une question d’amour et
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d’échange, une question de don. Il nous faut puiser à la Source. Que le Christ soit source de notre vie et que nous puissions la Lui donner et la donner à nos frères, comme Il nous la donne.
Dieu fait alliance avec chacun de nous La Bible nous expose l’histoire de Dieu et de Son peuple. Dieu ne cesse de faire alliance avec l’humanité, avec chacun d’entre nous. Jésus a versé Son sang sur la croix pour nous et ce sang, c’est la vie. Par le baptême, nous sommes entrés dans la relation de fils et filles de Dieu appelés à vivre en alliance, avec Lui pour contribuer à ce qu’il y ait plus de justice, d’amour et de paix dans le monde. Chaque jour, nous avons à faire ce choix au travers des diverses relations que nous avons. Nous sommes appelés à être les témoins de Son amour pour ceux qui vivent aujourd’hui et ceux qui viennent après nous. Nous pouvons tout par le Christ qui nous fortifie, mais sans Lui, nous ne pouvons rien faire. Gardons l’humilité de saint Vincent qui, lorsqu’on lui demandait ce qu’il aurait aimé faire, répondait simplement : « Davantage ». Essayons ensemble de former cet arc-en-ciel et de faire vivre l’Alliance sur Terre, par davantage d'amour, de charité, de liens.
Témoignage
Mgr Perrier « Ne pas séparer l’amour de l’autre et l’amour de Dieu » Monseigneur Jacques Perrier, évêque émérite de Tarbes et de Lourdes est aujourd’hui conseiller spirituel du Conseil départemental de la Société de Saint-Vincent-de-Paul de Haute-Vienne. Il témoigne du lien qui unit les responsabilités ecclésiales à la charité. Propos recueillis par Capucine Bataille, RC
Quand avez-vous découvert la SSVP ?
Mon grand-père était Confrère de SaintVincent-de-Paul à Paris. Et il était resté fidèle aux visites à domicile jusqu’à un âge avancé, bien que les sixièmes étages parisiens ne soient guère équipés d’ascenseurs !
Exercer la charité, la mission pour laquelle j’ai été ordonné.
Quand j’ai quitté ma charge épiscopale, j’ai choisi le diocèse de Limoges, au service d’une des paroisses du centreville. La Société de Saint-Vincent-dePaul y est active. Je me suis intégré à la Conférence qui correspondait plus ou moins au quartier de la paroisse. C’est plus tard que le président de la SSVP du département, Christian Dubié, m’a demandé d’accompagner spirituellement les bénévoles du département. Pourquoi avoir choisi de rejoindre la SSVP ?
Déchargé de la responsabilité d’un diocèse, je trouvais normal d’exercer, si peu que ce soit, par moi-même, la mission pour laquelle j’avais été ordonné, et comme diacre, et comme évêque. Diverses sont les manières de se mettre au service les uns des autres. Cette diversité est souhaitable, à condition de ne pas succomber aux tentations de rivalité ou de dispersion.
© Sanctuaire Notre-Dame de Lourdes / Vincent.
Comment êtes-vous devenu conseiller spirituel du CD 87 ?
En tant qu’évêque, comment vivez-vous la charité chrétienne ?
Le jour de son ordination, le futur évêque répond à huit questions. L’une d’elles est ainsi formulée : « Voulez-vous accueillir avec amour, au nom du Seigneur, les pauvres, les étrangers et tous ceux qui sont dans le besoin ? » Comme tous mes confrères évêques, j’ai répondu « oui », le 16 septembre 1990. Dans mes années d’épiscopat, à Chartres, puis à Tarbes et à Lourdes, j’ai essayé de favoriser les institutions et les initiatives correspondant à cet objectif. L’évêque qui est en
charge des Sanctuaires de Lourdes est particulièrement sensible à cette dimension de son ministère : la famille de Bernadette était ruinée ; au moment des Apparitions, elle était cantonnée au « cachot ». Plus tard, elle choisira la congrégation des Sœurs de Nevers, consacrée aux malades et aux pauvres. Depuis 1858, des millions de pauvres gens sont venus à Lourdes. Les formes de leur pauvreté sont diverses, la maladie étant l’une d’elles. Lourdes restera longuement marquée par la venue de Jean-Paul II en 2004. Assumant sa pauvreté physique et sa difficulté à s’exprimer, il a rendu courage aux « blessés de la vie » : la dignité de l’homme ne dépend pas de son apparence. Quand j’ai quitté Lourdes se préparait déjà Diaconia 2013 : ce n’est pas seulement pour les commodités matérielles que Lourdes avait été choisie. Qu’est-ce qui fait la force du réseau de charité de la SSVP selon vous ?
Ce que j’apprécie dans les Conférences, c’est l’attention à chaque personne, une attention qui est partagée avec les autres membres de la Conférence : avec le temps, bien des personnes visitées, affectivement, finissent par faire partie de la Conférence. En plus, avoir un patron comme Vincent de Paul est une garantie, si nous lui sommes fidèles, de ne pas séparer l’amour de l’autre et l’amour de Dieu.
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SpiritualitĂŠ Contemplation
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Dieu de l’Alliance Alléluia ! De tout cœur je rendrai grâce au Seigneur dans l'assemblée, parmi les justes. Grandes sont les œuvres du Seigneur ; tous ceux qui les aiment s'en instruisent. Noblesse et beauté dans ses actions : à jamais se maintiendra sa justice. De ses merveilles il a laissé un mémorial ; le Seigneur est tendresse et pitié. Il a donné des vivres à ses fidèles, gardant toujours mémoire de son alliance.
Il a montré sa force à son peuple, lui donnant le domaine des nations. Justesse et sûreté, les œuvres de ses mains, sécurité, toutes ses lois, établies pour toujours et à jamais, accomplies avec droiture et sûreté ! Il apporte la délivrance à son peuple ; son alliance est promulguée pour toujours : saint et redoutable est son nom. La sagesse commence avec la crainte du Seigneur. Qui accomplit sa volonté en est éclairé. À jamais se maintiendra sa louange. Psaume 110
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Spiritualité Prier en Conférence Par Jean-Claude Peteytas, diacre et Vincentien
Les deux pages ci-contre ont pour vocation d'accompagner les bénévoles vincentiens dans leur temps de prière. Elles proposent des éclairages et des méditations sur la charité et la vie chrétienne.
La prière, lieu de l’Alliance
Marqués au baptême Monsieur Vincent répétera : « Donnez-moi un homme d’oraison et il sera capable de tout. » Le jour de notre baptême, nous entrons dans le Peuple de l’Alliance, celle qui unit le peuple de l’Ancien Testament avant Jésus-Christ et qui connaît son accomplissement avec la venue du Messie. L’Onction avec le Saint-Chrême nous marque du sceau de Dieu. Nous devenons, à la suite du Christ, notre frère aîné, « choisis de Dieu ». L’alliance de tout notre être avec Dieu est devenue effective ce jour de notre baptême.
Dialoguer avec Dieu Notre Dieu, révélé par Jésus-Christ, n’est pas dans les nuages. Ce Père qui, par l’Emmanuel, s’est manifesté à nous est une Personne vivante. Comme un enfant dialogue avec son père, la prière est dialogue avec Dieu. Elle manifeste même le lieu le plus fort de notre Alliance avec Lui. L'évangile nous met en présence de Jésus
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miséricordieux de Dieu avec l’humanité – quelle responsabilité est la nôtre ! Pour revenir aux propos de Monsieur Vincent, c’est dans et par la prière, l’oraison, que nous devons plonger les racines de notre action. Jésus donne une très belle image de l’Alliance : « Je suis le cep et vous êtes les sarments […] Sans Moi, vous ne pouvez rien faire ! » (Jn 15, 5). Christ est la tête de ce corps que nous sommes. Si le courant n’existe pas entre la tête et les membres, alors nous sommes des « chrétiens en peinture », selon l’expression de saint Vincent de Paul.
priant son Père, et cela à de nombreuses reprises. Jésus aimait se retirer, à l’écart, le soir, la nuit pour dialoguer avec le Père. À son exemple, nous sommes invités à prendre du temps pour nous mettre en état de prière avec Dieu. Et l’oraison est l’oxygène de notre vie de l’esprit. Elle est vitale. Sans la prière, notre foi ne peut que s’étioler ! Monsieur Pouget, lazariste, expliquait joliment que « nous sommes une pensée d’amour de Dieu réalisée dans le temps ». En tant que Vincentiens, nous sommes destinés à être transformés, à être unis à Dieu et aux hommes. Nous osons ainsi faire alliance. La prière nous permet : « d’entrer dans l’Esprit de Jésus pour entrer dans ses opérations », révélait Monsieur Vincent.
Le corps fraternel S’il est important de mener une vie de prière personnelle au quotidien, il est aussi très important de vivre cette alliance ensemble. Saint Vincent nous invite à être le corps mystique du Christ. Celui-ci est constitué de divers membres. Ainsi, en Conférence, chacune et chacun de nous, avec nos différences, nous sommes ce corps du Christ. Et c’est la prière commune qui renforce la cohésion de ce corps qu’est la Conférence. En sommes-nous conscients ? C’est bien ce corps fraternel qu’est notre Conférence qui sera témoignage de notre foi, de notre charité – qui sera signe de l’Alliance d’amour
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N
ous connaissons ces mots de saint Vincent de Paul : « Une chose importante, à laquelle vous devez vous appliquer soigneusement, est d’avoir grande communication avec Notre Seigneur dans l’oraison ; c’est là le réservoir où vous trouverez les instructions qui vous seront nécessaires pour vous acquitter de l’emploi que vous allez recevoir. »
Parole de Dieu Par Rémy Bertrand, Vincentien
«L
es étrangers qui se sont attachés au Seigneur pour l’honorer, pour aimer son nom, pour devenir ses serviteurs, tous ceux qui observent le sabbat sans le profaner et tiennent ferme à mon alliance, je les conduirai à ma montagne sainte, je les comblerai de joie dans ma maison de prière. » Is 56, 6-7a
A
u retour de l’exil, la présence d’étrangers en Israël était vue comme mettant en péril la religion de l’Alliance. Isaïe révèle que les étrangers peuvent s’approcher du Dieu d’Israël, à condition d’observer le sabbat, chemin de la justice, c'est-à-dire de la perfection que l’homme peut et doit atteindre. Dieu vient ainsi à la rencontre de l’homme, lui donnant d’aller à la rencontre du frère et, par là, à sa propre rencontre. Et ce chemin est offert à tout homme, même à l’étranger. L’Alliance n’est donc pas affaire de sang ni de rites, mais elle est le propre d’un cœur tourné vers le Seigneur : « Ma maison est une maison de prière pour tous les peuples » (Is 56, 7c). Le dessein de Dieu est d’unir tous les hommes entre eux dans le même amour. Reprenant la prophétie d’Isaïe (Mc 11, 17), le Christ
Chœur de l’église Saint-Vincent-de-Paul, dans le 10e arrondissement à Paris.
affirme à son tour l’universalité de l’Alliance qu’il manifeste par la guérison de la fille de la Syrophénicienne, obtenue grâce à son insistance confiante (Mc 11, 29) et celle du serviteur du centurion dont il admire la foi (Lc 7, 9). Enfin, l’ultime message du Christ à ses apôtres sera de les envoyer en mission dans le monde entier : « De tous les peuples faites des disciples » (Mt 28, 19). Sommes-nous conscients de ce que Dieu offre son Alliance à tous les hommes ? Notre attitude face au pauvre, à l’étranger, à l’homme abîmé, exclu en est-elle changée ? Prions pour l’évangélisation dans le monde entier.
«P
rêtez l’oreille ! Venez à moi ! Écoutez, et vous vivrez. Je m’engagerai envers vous par une alliance éternelle : ce sont les bienfaits garantis à David . »
Is 55, 3
L
’Ancien Testament rapporte les infidélités constantes d’Israël à l’invitation faite par Dieu à l’écouter et à le recevoir pour vivre pleinement de sa vie. À maintes reprises, les prophètes réprimandent Israël pour ses trahisons de l’Alliance contractée avec Dieu et qui l’ont conduit, entre autres malheurs, à l’exil. Là, le peuple craignait que Dieu l’abandonne à jamais, lassé par tant d’infidélité. Isaïe lui répond que l’amour de Dieu est d’une générosité sans limite, et que son Alliance est éternelle et sans repentance. C’est ainsi que conclue avec Abraham (Gn 15-17), l’Alliance a été renouvelée avec Isaac (Gn 26, 3-4) et Jacob (Gn 28, 13-15), puis avec Moïse (Ex 3) et avec David (2 S 7, 8-16), auquel se réfère ici Isaïe pour souligner la constance de la fidélité de Dieu dans l’histoire. Isaïe exhorte le peuple à se tourner vers Dieu et à l’écouter pour bénéficier des bienfaits de l’Alliance et en vivre pleinement. Par la nouvelle Alliance, scellée dans l’incarnation du Fils de Dieu, nous pouvons à présent suivre pleinement l’exhortation du prophète : nous venons à Dieu par Lui qui est le Chemin ; nous écoutons Sa parole, Lui qui est la Vérité ; et nous vivons par Lui qui est la Vie (Jn 14, 6). Notre fidélité à notre alliance avec le Seigneur se manifestet-elle dans la prière et l’oraison fréquentes ? Avons-nous recours au sacrement de Réconciliation pour rétablir cette alliance constamment mise à mal ? Prions pour l’Église, signe visible de la nouvelle Alliance.
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Magazine Histoire
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Aux JMJ de Rio en 2013, les jeunes membres de la Famille Vincentienne étaient plusieurs milliers à se rassembler.
Un héritage exceptionnel grâce à
une histoire d’alliances
Depuis 1617, la Famille Vincentienne étendue n’a cessé de grandir jusqu’à comprendre plus de 260 groupes différents d’hommes et de femmes, religieux et laïcs, catholiques et non-catholiques. L’héritage exceptionnel de charité et d’évangélisation légué par saint Vincent a permis de créer de nouvelles alliances. Par Jérôme Delsinne, cm.
A
u sens large appartiennent à la Famille Vincentienne « toutes les institutions qui, d’une manière directe ou indirecte, trouvent leur inspiration en saint Vincent, au moment de fixer leur fin ou de définir leur physionomie spirituelle ».
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Les cahiers
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Considérée ainsi, la Famille Vincentienne atteint aujourd’hui de très vastes dimensions. Nous devons le recensement à Sœur Betty Ann McNeil, Fille de la Charité, qui a établi L’Arbre généalogique de la Famille Vincentienne en 19961.
Cette grande famille est composée de 268 institutions, dont 239 sont des Instituts de Vie Consacrée et des Sociétés de Vie Apostolique, 21 sont des associations de laïcs et 8 sont des Congrégations anglicanes. De toutes ces institutions, 165 vivent encore. Un tel record atteste de l’impact perdurant de deux vies extraordinaires, saint Vincent de Paul et sainte Louise de Marillac, dont le 350e anniversaire de leur mort a été célébré, il y a peu, en 2010. Ainsi, un majestueux arbre généalogique s’est développé du fait que la mission, l’esprit et la règle de saint Vincent ont été adaptés et ont noué des alliances avec de nombreuses cultures depuis sa fondation en France au XVII e siècle. Au sens restreint, la Famille Vincentienne est composée de « ces congrégations ou associations qui, soit doivent leur naissance à l’initiative directe de saint Vincent lui-même, soit déclarent explicitement leur volonté de se considérer comme ses descendants spirituels ».
Micheal Thio (à droite), Président international de la SSVP, est l’un des quatre membres du Comité Exécutif de la FamVin.
© SSVP
Appartenir à une famille spirituelle
« L’esprit et la règle
de saint Vincent ont été adaptés et ont noué des alliances avec de nombreuses cultures.
»
Oser une nouvelle alliance Pour répondre ensemble aux pauvretés de la mondialisation du XXIe siècle, le père Robert Maloney, prêtre de la Mission, propose d’allier les principales branches de la Famille Vincentienne. En juin 1995, alors qu’il était Supérieur Général, il réunit quatre des associations et congrégations qui partageaient le charisme de saint Vincent de Paul : l’Association Internationale de Charité (AIC), les Filles de la Charité (FdlC), la Société de Saint-Vincent-de-Paul (SSVP) et la Congrégation de la Mission (CM) elle-même. Un peu plus tard devaient les rejoindre la JMV (Jeunesse Mariale Vincentienne), les MISEVI (Missionnaires Séculiers Vincentiens) et l’AMM (Association de la Médaille Miraculeuse). D’autres rejoignirent ultérieurement cette Famille Vincentienne. En 2004, un Comité Exécutif fut créé, formé par les Filles de la Charité, l’AIC, la SSVP et la CM, afin de travailler annuellement, et de présenter tous les deux ans des propositions concrètes aux autres membres de la Famille Vincentienne. Récemment, elle a, par exemple, géré des projets de reconstruction à
Haïti, après le tremblement de terre. Une partie des fonds collectés a servi à la reconstruction d’écoles pour les enfants pauvres haïtiens. Également, une Commission paritaire a été formée par le Comité Exécutif afin d’octroyer chaque année un prix pour récompenser les meilleurs projets des branches de la Famille Vincentienne qui soutiennent le changement systémique. 1. Betty Ann McNeil, FdlC, Monograph I. The Vincentian Family Tree, Vincentian Studies Institute, 1996.
Jérôme Delsinne, conseiller spirituel national de la SSVP
Appel missionnaire « Nous, membres de la Famille Vincentienne internationale, invitons tous les peuples à s’unir pour écouter les cris de ceux qui sont dans le besoin et pour y répondre. Ensemble, nous pouvons réaliser ce que séparément nous ne pouvons pas faire. » Extrait de la déclaration de la FAMVIN, « Au Seuil du Grand Jubilé de l’An 2000. Aux Nations du Monde et à tous les Peuples de Bonne Volonté. Au nom des Pauvres », le 27 septembre 1999.
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Magazine Histoire Les 10 principales branches de la Famille Vincentienne Association Internationale des Charités, appelée équipes Saint vincent. Une « charité » fondée par Vincent de Paul en 1617 qui associe des Dames, femmes laïques, dont Louise de Marillac, pour combattre la pauvreté et l’injustice et pour leur donner un rôle actif et reconnu, tant social qu’ecclésial, dans un esprit de coresponsabilité. Congrégation de la Mission (dite des Lazaristes), fondée en 1625 par saint Vincent de Paul avec trois prêtres missionnaires. Une société de vie apostolique constituée de prêtres et de frères, dédiée à l’évangélisation des pauvres, à la formation des prêtres et aux missions « Ad Gentes ». Compagnie des Filles de la Charité, fondée en 1633 par saint Vincent de Paul et sainte Louise de Marillac pour subvenir aux besoins des personnes les plus pauvres : malades, petites filles sans instruction, enfants trouvés, galériens. À une époque où les femmes ne pouvaient envisager qu’une vie religieuse cloîtrée comme alternative à la vie conjugale, Vincent a eu l’audace d’inventer une communauté de femmes consacrées à Dieu pour servir les pauvres. Il les a invitées à vivre au milieu des gens qu’elles servaient, en restant mobiles et disponibles. Fédération des Sœurs de la Charité de Saint-Vincent-de-Paul, fondée en 1734, dans l’esprit de Vincent de Paul pour le service des pauvres et des malades, la Congrégation des Sœurs de la Charité de Strasbourg s’est développée en Alsace et Lorraine, puis dans les pays austrohongrois. Depuis 1971, une fédération internationale rassemble plus de 4 000 sœurs sur tous les continents.
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Fédération des Sœurs de la Charité de tradition vincentienne et setonienne (Sisters of Charity Federation), fondée en 1809 par Elisabeth-Ann Seton, première femme catholique canonisée par l’Église, est une organisation dans la tradition vincentienne et setonienne de treize congrégations catholiques féminines qui se revendiquent de l’héritage de saint Vincent de Paul, de sainte Louise de Marillac et de sainte Elizabeth Seton. Société de Saint-Vincent-de-Paul, co-fondée en 1833 par Frédéric Ozanam et ses amis, est une association de laïcs, reconnue d’utilité publique (en France), admise comme Organisation Internationale Non Gouvernementale (OING). Portée par un solide réseau de bénévoles, sa mission est de venir en aide aux personnes seules et démunies grâce à une charité de proximité. Religieux de Saint-Vincent-de-Paul, institut composé de frères puis de prêtres, fondé en 1845 par Jean-Léon Le Prévost, un des compagnons de Frédéric Ozanam, pour enseigner et former les jeunes orphelinsapprentis : « La Congrégation a été fondée pour soulager les misères des ouvriers et des pauvres et les ramener à la foi par la charité. » Elle est destinée à l’instruction et au soutien de la jeunesse, en particulier défavorisée. Jeunesse Mariale Vincentienne, mouvement éducatif catholique. Association des « Enfants de Marie Immaculée » fondée en 1837 par les Filles de la Charité et les Lazaristes, puis reconnue par Pie IX, rassemble à l’origine des adolescentes du milieu populaire pour former une élite de piété. Le mouvement prendra le nom de Jeunesse Mariale. En 1981, il est classé « Mouvements
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éducatifs » au même titre que les Focolari, le M.E.J. et les Guides et Scouts de France. En 2000, il prend le nom de Jeunesse Mariale Vincentienne. Ce mouvement éducatif de l’Église catholique est ouvert à tous les jeunes de 8 à 20 ans, quelles que soient leur culture ou leurs croyances. Association de la Médaille Miraculeuse. En 1905 est née l’« Association de la Médaille en l’honneur de l’Immaculée Conception », devenue « Association de la Médaille Miraculeuse », sur l’initiative d’évêques de Pologne. En 1909, le Pape Pie X a reconnu et confirmé les règles de l’Association. Souhaitant que la famille spirituelle de saint Vincent de Paul – au sein de laquelle la Vierge avait choisi de se manifester rue du Bac en 1830 – soit associée à cette dévotion, il en confie la direction au Supérieur Général de la Congrégation de la Mission. Elle a pour but de rendre à Marie l’honneur qui lui est dû en tant qu’Immaculée et de l’imiter dans sa sainteté, son union à Dieu. Devenir soi-même un « instrument » d’évangélisation auprès des pauvres, par un esprit de charité. Missionnaires Séculiers (laïcs) Vincentiens, MISEVI, est une Association Internationale fondée en 1997 par des jeunes espagnols de la JMV qui partaient en mission pendant leurs vacances d’été et qui ont émis le désir de continuer comme adultes laïcs. Érigée canoniquement en 2001 comme Association Publique de Fidèles, elle cherche à développer une présence organisée des laïcs dans les tâches missionnaires « Ad Gentes » de l’Église, surtout dans les missions où se trouve la Famille Vincentienne. Le siège international est à Madrid. Environ 20 membres missionnés tous les deux ans.
L’invité Rencontre avec Jean-François Serres, délégué général des petits frères des Pauvres. Très investi dans le collectif Monalisa, MObilisation NAtionale contre L’Isolement des âgés, il nous livre sa vision du monde associatif : un monde dont les alliances sont le fondement et l’avenir. Propos recueillis par Capucine Bataille, RC
Faire alliance, avoir des partenaires, est-ce vraiment utile ?
Les petits frères des Pauvres accompagnent aujourd’hui plus de 40 000 personnes âgées qui souffrent d’isolement. L’association s’est considérablement développée depuis dix ans. Mais face aux enjeux réels, cela reste minime ! On ne peut pas faire seul. C’est impossible. Il y a 1,2 million de personnes âgées qui souffrent de solitude et d’isolement social. Une mobilisation nationale est nécessaire. C’est ce qu’essaie de faire l’association Monalisa. Face aux causes qui sont devant nous, l’alliance est indispensable pour renforcer notre capacité à agir. C’est lorsque l’on est convaincu des besoins, que la nécessité de faire alliance s’impose.
© DR
Mais ces alliances ne contredisent-elles pas les spécificités, les différences entre associations ?
Bien sûr, cela peut venir en tension avec l’identité de chacun. Mais, identité et faire alliance ne sont pas contradictoires : au contraire ! Cela renforce les identités. En rencontrant des partenaires, on confronte notre projet à leur regard. Il aura la vertu d’interroger la pertinence de nos actions, leur
Jean-François Serres
« La fraternité ne se commande pas, elle se cultive ! » n°209 - juin-juillet 2014 - Les cahiers Ozanam
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Magazine L’invité qualité, l’impact qu’elles peuvent avoir, les convictions qui les portent. À l’épreuve du débat, notre projet associatif s’améliore. C’est un cercle vertueux. De plus, quand on fait alliance autour d’une cause commune, on mise sur la complémentarité. Cela nous oblige à réaffirmer nos spécificités. On évite de tomber dans le piège de vouloir tout faire, tout résoudre. C’est un vrai danger pour les associations : nous ne sommes pas le sauveur du monde ! Faut-il atteindre une certaine maturité avant de faire alliance ?
Ce n’est pas une question de maturité. Au point de départ de toute association, il y a une alliance entre des citoyens qui veulent agir ensemble. La création d’un projet nécessite également que l’on connaisse les autres acteurs territoriaux. Il faut, dès le départ, établir ce climat d’échange avec les partenaires. Forte de ce constat, Monalisa veut laisser aux citoyens l’initiative sur la manière de prendre soin des personnes âgées isolées, la maîtrise de leur action. Elle apporte seulement un cadre, encourage à agir en cohérence avec les autres acteurs du territoire. En France, nous bénéficions d’un très important tissu associatif. Pensez-vous que ce grand nombre d’associations est source de dispersion ?
La vocation des associations comme la SSVP ou les petits frères des Pauvres est l’animation de l’engagement et de l’initiative des citoyens. Notre rôle est de rendre la fraternité à portée de main de chacun. La création de Monalisa a été motivée par le fait que dans de nombreux villages ou quartiers, on est face à une problématique de « vivre ensemble ». Il y a une grave carence de relations interpersonnelles. Tous nos dispositifs d’actions sociales s’arrêtent à la frontière de la société plus ou moins maillée, accueillante. Dès l’instant où une personne est en rupture, la solidarité nationale n’est plus en mesure de répondre à ses besoins. Au fond, le monde associatif doit s’interroger sur ce qu’il produit en termes d’implication citoyenne. Je ne pense pas qu’il ait atteint son maximum, qu’il ait tout fait pour faciliter l’engagement. Cela devrait être notre objectif à tous. Le maillage associatif n’est donc peut-être même pas suffisant en France. Les associations n’ont pas fini d’apprendre à soutenir l’engagement citoyen !
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Engagés dans le projet Monalisa, au côté du gouvernement, de la SSVP et d’autres associations, les petits frères des Pauvres misent sur la mutualisation des forces pour soulager efficacement les souffrances des personnes âgées.
Pourquoi les associations ont-elles tant de mal à recruter de nouveaux bénévoles ?
« Identité et faire alliance ne sont pas contradictoires : au contraire ! »
Les études montrent a priori que le bénévolat est en croissance : on s’engage de plus en plus, mais dans de petites associations que les gens créent eux-mêmes. Toutes les grandes associations sont confrontées à des problèmes de recrutement. Elles doivent s’interroger ! On constate que les citoyens ont envie de s’engager : dans des projets accessibles dont ils sont maîtres, dans une équipe où on leur propose d’agir immédiatement. Il faut ouvrir des portes extrêmement simples : où ils sont utiles, où ils sont écoutés, où ils rencontrent des gens avec qui ils construisent eux-mêmes un projet. Les dimensions de : local, proximité, équipe et responsabilité, sont les clefs de cet engagement à portée de main. Et ce n’est pas toujours celui proposé par les grandes associations ! On se heurte parfois à de grandes machines
«L’association doit
savoir " donner les clefs du camion " aux bénévoles, favoriser l’initiative citoyenne.
»
aux bénévoles. La fraternité ne se commande pas, elle se cultive ! Il faut être attentif pour ne pas étouffer les initiatives locales. Les associations ont également un rôle d’expression auprès des pouvoirs publics. C’est une manière de soutenir les initiatives locales, de susciter la fierté de ses membres, d’apporter leur expertise. Aujourd’hui, quels défis doit relever une association pour assurer son avenir ?
très institutionnalisées, où l’on n’a pas vraiment besoin de nous. Tout est compliqué : les procédures, les circuits de décisions… Ce monde-là n’est plus celui attendu par les futurs bénévoles ! Il faut que les grandes associations se réforment pour continuer de susciter l’engagement citoyen. Que réserve l’avenir à ces grandes associations : sontelles vouées à disparaître ?
Le climat actuel réinterroge la place de l’institution. L’essentiel est de donner un cadre pour guider. Les valeurs et les principes doivent garantir la viabilité et la pertinence du projet, aider à un accompagnement sain et bénéfique pour les personnes en souffrance. Voilà la vraie place pour l’organisation et ses responsables. Elle est un socle commun qui libère l’initiative en donnant de simples repères et des outils. Il faut savoir « donner les clefs du camion »
J’en vois quatre. Croire à la complémentarité bénévole salarié. Il faut déconstruire les a priori et admettre que notre alliance est nécessaire. Un deuxième, soyez sur Internet. C’est un lieu d’alliances et d’initiatives. Les gens s’y rencontrent, partagent leurs compétences, montent des projets. Il est urgent que les grandes associations investissent le web pour y proposer des engagements bénévoles. Enfin, deux défis incontournables : le premier, mettre la cause devant notre identité, pour mobiliser les forces à la hauteur des besoins. C’est contradictoire de défendre nos prés carrés si on a réellement pris conscience des causes qui animent nos associations. C’est ce qui nous permettra d’attirer de nouveaux bénévoles. Le dernier : « donner les clefs du camion » au citoyen pour susciter l’initiative au niveau local. On parle de la souffrance de la solitude, de l’isolement de nombreuses personnes. La réponse est simple, mais difficile à animer. En France, on pense tous que le bénévolat est important, mais on veut le contrôler, le maîtriser. Et si nous renversions notre manière de faire ? Et si nous disions aux personnes qui veulent s’investir à nos côtés : vous avez raison, vos idées sont pertinentes ! Nous, association, serons là pour vous soutenir, répondre à vos questions, vous former. Arrêtons de nous méfier de l’initiative citoyenne ! Il faut l’accueillir, la favoriser.
n°209 - juin-juillet 2014 - Les cahiers Ozanam
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Magazine Agenda Agenda national 4-5 juillet Conseil d’administration 13-14 septembre Formation des animateurs spirituels 27-28 septembre Campagne nationale « Tendre la main » 3-4 octobre Conseil d’administration
Retrouvez l'agenda sur le site www.ssvp.fr
2 Dans
les médias
x 15/03/2014
Dans son journal télévisé de 20 h, la chaîne consacre un reportage à Josian, bénévole vincentien à la SSVP de Montpellier. Ce cuisinier au grand cœur concilie sa passion pour la cuisine à son désir de servir les plus pauvres. Il élabore, chaque jour, des repas équilibrés pour les personnes accueillies au restaurant social.
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Les cahiers
Agenda des départements Toulouse (31) Mercredi en juillet, août et septembre Distribution alimentaire pour les étudiants démunis Mercredi dès septembre Reprise des maraudes Montpellier (34) Juillet-août Colonie de vacances du Jounié pour les enfants 30 juillet - 14 août Séjour à La Maison « Le Bon Pasteur » à Angers avec 48 personnes âgées souffrant de solitude
Juillet Envoi en vacances de 5 enfants de familles en précarité 2-3 août Pique-nique au Potagem, jardin collectif, pour les personnes en précarité ne partant pas en vacances 12-13 juillet, 9-10 août et 13-14 septembre Brocante à l’accueil du CD 22-26 septembre Prières du matin sur RCF animé par le président du CD Vannes (56)
Vendôme (41)
Lyon (69)
Pantin (93)
Juillet-Août 15 jours de vacances pour des personnes âgées, au château de Monceau
12 juillet, 9 août et 13 septembre Vente de charité au profit des œuvres de la Conférence
Dès septembre Reprise des goûters mensuels du samedi pour les personnes isolées
Mardi, jeudi et samedi en août Distribution alimentaire pour les familles démunies avec animation pour les enfants
Poitiers (86) Juillet Envoi d’enfants en vacances, avec les Filles de la Charité Limoges (87) 1er août Envoi en vacances de 10 enfants, accompagnés par une Fille de la Charité
3 fois/mois dès septembre Caddy mobile, épicerie solidaire itinérante en partenariat avec le Secours catholique
5 juillet-30 août Vacances au Relais de l’Océan (Saint-Pierre-Quiberon) avec 14 familles accompagnées, dont 31 enfants
Reims (51)
Lille (59)
Auxerre (89)
6 juillet Sortie récréative annuelle dans les Ardennes avec les familles visitées
Juillet-août Une semaine de vacances pour 60 familles accompagnées, dont 150 enfants
Lundi dès septembre Repas partagé avec 20 personnes démunies suivi d’un après-midi jeux
27 septembre Campagne nationale et soirée ouverte au public avec projection du film « Monsieur Vincent »
14 juillet Pique-nique, bal et feu d’artifice avec les personnes handicapées du foyer Clotilde Lamborot 6 septembre Spectacle avec les personnes de la rue, accompagnées par le foyer APF et la SSVP, au salon des associations Mercredi et samedi jusqu’en novembre Petits-déjeuners pour les personnes sans-abri Martinique (972) 23 août 2014 Collecte de matériel scolaire pour aider plus de 350 enfants
Les Cahiers Ozanam, revue de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, 120, avenue du Général Leclerc, 75014 Paris www.ssvp.fr Directeur de la publication : Bertrand Ousset l Rédactrice en chef : Capucine Bataille l Rédacteurs : Évelyne Ahipeaud, Juliette Asta, Capucine Bataille, Bertrand Decoux, Jérôme Delsinne, Emmanuelle Duthu, Clotilde Lardoux, Benoît Pesme, Bertrand Ousset, Jean-Claude Peteytas. l Ont participé à ce numéro : Rémy Bertrand, Jacqueline Colson, Laurent Gérardin, Maryse Giraud, Valérie Grabé, Mgr Perrier, Marie-Alix Roqueplo, Sophie Rougnon, Madeleine Thémines. l Service abonnements : Clotilde Lardoux, 01 42 92 08 17 l Photo de couverture : Les Blouses Roses. l Fabrication / production : CLD, 33, avenue du Maine, 75015 Paris l Graphisme : Florence Vandermarlière. l Impression : Imprimerie de Champagne, Z.I. les Franchises, 52200 Langres l Numéro CPPAP : 310G79517 l Dépôt légal : Juin 2014 – n°209 – 06/2014. l ISN : 1965 2917 l Abonnement 1 an, 5 numéros : 13 € l Toutes vos informations et photos sont à envoyer à la rédaction huit semaines avant la date de parution (édition sous réserve d’espace) à capucine.bataille@ssvp.fr
Ozanam - n°209 - juin-juillet 2014