Les Cahiers Ozanam n° 208

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Les cahiers n° 208

mars-avril 2014

Des liens pour aimer, partager, servir

Dossier

Bénévoles, osez prendre des responsabilités

Spiritualité

Le pape François invite à la conversion

collective

L'invité

Renaud de Thé : « Un appel comme un signe de la Providence »


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Magazine

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Le collectif MonaLisa élit Bertrand Ousset président 4 Histoire : Éveilleurs de responsabilités

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Invité : Renaud de Thé : « Un appel comme un signe de la Providence » 35

Dossier : Prendre des responsabilités

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Bénévoles, osez prendre des responsabilités 6 Entretien : François Mayaux

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Reportage : Un samedi soir auprès des sans-abris 10

Agenda 38

Service

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Actus SSVP

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Actus juridiques et sociales

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International 20 Carnet de route : Groupe Baobab : Responsabilités locales pour un développement durable 21

Spiritualité

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Le pape François invite à la conversion collective 24 Décryptage : Renonciation de Benoît XVI

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Contemplation 28 Prier en Conférence

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Parole de Dieu

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Ce numéro comprend un encart d’abonnement entre les pages 2-3, un bon de commande entre les pages 38-39 et un encart posé Bayard.

édito

Oser la confiance

© SSVP

L

e Premier ministre vient de retenir l’engagement associatif bénévole comme Grande Cause nationale 2014. Il s’agit là d’une reconnaissance de l’importance du rôle de la société civile. Porteuse de fraternité aux côtés du pouvoir public chargé de la solidarité, elle préserve la cohésion sociale. L’engagement associatif repose fondamentalement sur la confiance dans l’action des bénévoles, dans leur valeur ajoutée fraternelle pour construire le vivre ensemble. Cet engagement associatif repose aussi sur l’émergence de responsables qui à tout niveau animent, font vivre et perdurer des démarches généreuses. Pour cela, il faut aussi prendre des responsabilités pour lesquelles nous n’avons pas d’expé-

rience, pour lesquelles notre emploi du temps ne laisse guère de créneaux disponibles. Pour cela, il faut oser la confiance en l’Esprit qui nous soutiendra dans l’effort. Pour cela, il faut aussi oser la confiance dans le passage de relais de responsabilités à des plus jeunes, à des moins expérimentés, à des bénévoles qui doutent encore de leur capacité. Oui, il faut oser prendre le risque de l’autre ! Dès sa propre prise de responsabilité, en préparer activement le passage du témoin. L’engagement associatif, c’est l’audace au quotidien, c’est oser la fraternité. L’engagement vincentien, c’est oser la fraternité avec les plus démunis, les plus vulnérables, en partant de ce que nous avons en commun : nos fragilités. Bertrand Ousset Président national

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Magazine L’événement

Le collectif

élit Bertrand Ousset président Qui dit crise économique, dit prise de conscience et appel à la responsabilité. Pour sortir la tête de l’eau, la société doit changer ses habitudes, tant sur le plan économique que sur le plan social. C’est de là qu’est née l’association MonaLisa, MObilisation NAtionale contre L’ISolement des Âgés, une invitation à unir les forces pour une prise de responsabilité collective contre la solitude des personnes âgées. Par Capucine Bataille, RC

U

Pouvoirs publics et associations s’unissent pour lutter contre l’isolement des âgés.

n Français sur quatre de plus de 18 ans est susceptible d’être exposé, en cas de rupture, à l’isolement social. Près d’un quart de la population concernée par cette situation d’isolement relationnel (23 %) est âgé de plus de 75 ans*. Sans oublier que, grâce aux progrès de la médecine, on vieillit de mieux en mieux ! La longévité doit rester une chance et ne pas devenir un fardeau. D’où la nécessité de repenser notre organisation sociale pour prévenir la dépendance et la solitude des aînés. La lutte contre l’isolement des personnes âgées s’impose aujourd’hui comme un enjeu de société. Mais la situation économique permet de moins en moins de compter sur les pouvoirs publics pour prendre en charge et aider ces personnes fragiles ou isolées.

Collaboration inédite

C’est une grande aventure fraternelle qui commence, une démarche exemplaire dans laquelle il faut s'investir.

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Les cahiers

Ozanam - n°208 - mars-avril 2014

Nombre d’associations privées, et donc de citoyens, se sont déjà spontanément mobilisées. Mais il est urgent d’étendre cette bonne pratique et de mutualiser les forces. C’est le but de l’association MonaLisa, MObilisation NAtionale contre L’ISolement des Âgés. Ce collectif est le fruit d’une collaboration jusque-là inédite se fondant sur leur complémentarité de la société civile - représentée par des associations réunies en collectif, des institutions, des organismes - et des pouvoirs publics, sous l'impulsion du ministère délégué aux Personnes âgées et à l’Autonomie. Pour la première fois, des bénévoles, des associations et des institutions se mobilisent ensemble, avec le soutien


Faire cause commune Le rapport MonaLisa remis le 12 juillet 2013 à la ministre déléguée aux Personnes âgées et à l’Autonomie rend compte d’une volonté de faire cause commune autour de la lutte contre la solitude des personnes âgées. Il formalise des préconisations élaborées pour répondre à deux objectifs : déployer le bénévolat et mettre en cohérence et en convergence les actions menées sur le terrain. Pour cela, au niveau local, il s’agira de favoriser les innovations citoyennes et de soutenir les équipes existantes ou émergeantes. Au niveau départemental, on coopèrera pour déployer de nouvelles équipes et répondre aux besoins non couverts. Et au niveau national, on promouvra cette mobilisation nationale et animera des programmes de déploiement des équipes bénévoles. Huit départements témoins sont déjà le lieu des premières actions collaboratives : le Nord (59), le Val-de-Marne (94), le Gard (30), la Gironde (33), la Moselle (57), la Nièvre (58), le Lot (46), la Creuse (23). D’ici octobre 2014, il s’agit de « mettre à l’épreuve du réel » les préconisations du rapport. À la suite de cette première observation, on dégagera les bonnes pratiques de coopération, de soutien aux équipes et de formations. Katia Duclos, membre du Conseil départemental de la SSVP de Gironde (CD 33), et département témoin, est investie dans ce projet : « Pour nous bénévoles sur le terrain, MonaLisa va nous permettre d’agir plus efficacement contre l’isolement social des personnes âgées. Nous

allons pouvoir nous coordonner sur le terrain avec les autres associations et les collectivités et être plus efficaces. » Bertrand Ousset, président de la SSVP et de MonaLisa, appelle avec enthousiasme les bénévoles à rejoindre l’association : « La solidarité des collectivités publiques et la fraternité de la société civile portent ensemble cette bienveillance. C’est une grande aventure que nous démarrons ensemble. Nous allons faire vivre ce dispositif de synergie de belle fraternité ! »

«C’est une grande aventure que nous démarrons ensemble.» Cette démarche exemplaire et collaborative sonne, on l’espère, le réveil de la société civile. Voilà le gouvernement, les associations et les citoyens unis dans un même projet d'intérêt général. Les pouvoirs publics prennent leur responsabilité sociale à cœur en initiant cette collaboration. Les associations et les institutions mutualisent leurs expertises et leurs réseaux. Et les citoyens, déjà bénévoles ou non, sont appelés à s’engager pour lutter contre la solitude des aînés. Prenons ensemble nos responsabilités vis-à-vis des personnes âgées isolées ou dépendantes. * Source : Les Solitudes en France, Rapport de la Fondation de France, Juin 2010, Juin 2012 et 2013

Pour en savoir plus : www.monalisa-asso.fr

photos : SSVP

des pouvoirs publics, pour lutter contre l'isolement des personnes âgées ! Comme le souligne Michelle Delaunay, ministre déléguée aux Personnes âgées et à l’Autonomie : « Il ne s’agit pas de compassion mais de vivre ensemble. » La Société de Saint-Vincent-de-Paul prend elle aussi ses responsabilités en s’associant au collectif MonaLisa. Cette année, la SSVP s’engage à nouveau au niveau national dans la lutte contre l’isolement. Bertrand Ousset, président de la Société de Saint-Vincent-de-Paul s’est vu confier la responsabilité de présider ce collectif original, lors de son lancement national, le 27 janvier 2014 à Metz. Trois ans après avoir porté la Grande Cause nationale en 2011, la SSVP se voit encore reconnaître son expertise en matière de lutte contre la solitude.

Vers une mobilisation nationale et intergénérationnelle.

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Dossier

Bénévoles, osez prendre des responsabilités

© OCH

Le Tour de France de l’Office Chrétien des personnes Handicapées a mobilisé 400 bénévoles, dont 48 coordinateurs régionaux et locaux.

Attirer les bénévoles, les fidéliser, renouveler les dirigeants, c’est le défi de toute association. Les jeunes en particulier sont amenés à prendre des responsabilités, pour assurer la relève. Mais ils manquent parfois à l’appel. Rencontre avec des acteurs aux avant-postes de différentes associations, qui ont osé faire le pas. Par Raphaëlle Simon, journaliste. 6

Les cahiers

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M

arie a failli renoncer. Cette jeune mère de famille s’était engagée dans l’équipe d’aumônerie d’une maison d’arrêt. Mais elle était angoissée à l’idée de se faire agresser, au point d’en avoir « les mains moites ». « J’en ai parlé à l’aumônier. Il m’a demandé comment ça se passait dans le réel. En fait, très bien ! Les détenus me disent bonjour, tiennent la porte et sont reconnaissants que je vienne pour eux gratuitement ! » Marie a compris que son imagination prenait le pas sur le réel, et ne craint plus désormais de passer la porte de la prison. S’engager comporte des risques ! Mais que feraient les 1,3 million d’associations sans leurs bénévoles ? On compte aujourd’hui en France 16 millions de bénévoles (soit 12 % de plus en trois ans), les trois quarts investis dans les associations. « La croissance du bénévolat masque en réalité une disparité générationnelle », a reconnu la ministre Valérie Fourneyron, lors d’un séminaire sur l’engagement organisé par le ministère chargé de la Vie associative, le 30 janvier dernier à Paris. Les retraités forment le gros du bataillon. Et malgré cette hausse de l’engagement, les bénévoles ont aujourd’hui plus de mal à prendre des responsabilités.

« Courage, fuyons ! » Cette prise de responsabilité est souvent la suite logique d’un premier engagement : Pauline et son mari étaient déjà très engagés auprès des couples, avant qu’on leur


propose de devenir délégués diocésains. De même pour Héliette Marchadier, 30 ans, présidente de l’association A bras ouverts (ABO), qui emmène des enfants handicapés en week-end en binôme avec des jeunes. « Cela faisait six ans que je partais avec ABO. Dès le premier week-end, la joie fut immédiate. J’ai ensuite été responsable

2013, six cents enfants handicapés ont pu partir en week-end. C’est souvent la concordance des besoins de l’association et l’envie d’engagement de l’actif qui permettent cette prise de responsabilité. À 32 ans, Alexandre Perdrier-Vaissière est responsable de l’unité de secourisme de Paris à l’Ordre de Malte France. Pour lui

«Il y a toujours des freins quand

on choisit d’assumer une responsabilité. On ne sait pas à quoi on s’attend… d’activités, puis responsable d’équipe… Cela m’a amenée à des réalités que je ne connaissais pas, et à des responsabilités que je ne pratiquais pas dans mon travail. » Aujourd’hui, elle a accepté la présidence de l’association. « Je l’ai vécue comme un appel, mais de mon côté aussi j’avais envie de donner plus. Ici, toutes les responsabilités sont limitées dans le temps, mais liées dans la continuité, et jamais déconnectées du cœur de l’association. » Sur l’année

© ABO

Week-end national de formation pour les responsables de groupes d'A bras Ouverts, en janvier 2014.

»

aussi, « cela s’est fait naturellement, j’étais depuis longtemps secouriste, puis adjoint du service de formation, et l’année dernière responsable des équipes de secours de Paris ». Sa mission est de gérer la centaine de secouristes actifs du département, d’assurer le lien avec les organisateurs d’événements, mais aussi d’être l’interlocuteur du préfet, du SAMU et des pompiers. Des qualités managériales sont souvent nécessaires : on est plus ou moins leader, et

formé. Pourtant… « Il y a toujours des freins quand on choisit d’assumer une responsabilité. On ne sait pas à quoi on s’attend… »

Charge lourde mais partagée Peur de l’inconnu, manque de temps, poids de la responsabilité, risques juridiques sont autant de difficultés rencontrées. Peur aussi d’être « dévoré », ou de mettre le doigt dans l’engrenage, sans pouvoir en sortir. Certes, la charge est lourde. Alexandre a donné plus de huit cents heures en cent vingt participations avec l’Ordre de Malte France en 2013. Pour Bertrand, cinq heures par jour, grignotées sur le matin ou tard le soir, et les vacances, pendant un an. Un week-end par mois, des formations, des réunions et une charge portée « tous les jours » pour Héliette. Mais on n’est jamais seul pour autant : « J’ai une belle équipe de dix personnes autour de moi, tous bénévoles ! », reprend Alexandre. Il sait qu’en cas de défaillances, l’entraide sera là. Même écho du côté d’A Bras ouverts : « La responsabilité est partagée, les rôles sont très bien définis, à la limite du professionnalisme. Je peux aussi compter sur

Sondage D’après une étude IFOP sur l’engagement des actifs : - 55 % des actifs interrogés sont ou ont été bénévoles en association. - 63 % jugent leur employeur indifférent à l’égard de leurs engagements bénévoles, même si la tendance est à l’ouverture. - 67 % des bénévoles estiment que l’équilibre entre temps personnel, professionnel et bénévole est facile à trouver. Mais 75 % d’entre eux ne connaissent pas les dispositifs d’aménagement du temps de travail. - La valorisation des compétences acquises est perçue comme un levier important pour favoriser l’engagement associatif. Source : www.associations.gouv.fr

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Dossier

«Chaque

l’unité de notre équipe, la clarté du but et des priorités. Tout est aussi mis sous le regard de Dieu. »

engagement est une porte ouverte sur le monde.

Fixer un cap

»

engagement, c’est une porte ouverte sur le monde, une occasion de grandir ! » Être responsable suppose de développer une vision, de fixer un cap, avec la joie de voir ses efforts récompensés. Une activité qui peut être aussi gratifiante socialement et

Entre Bertrand Mazas, coordinateur du Tour de France de l’OCH (à droite) et Philippe de la Chapelle, directeur de l’association, une confiance et un soutien réciproque.

Contacts Office Chrétien des personnes Handicapées : 01 53 69 44 30 - www.och.asso.fr A Bras Ouverts : 09 82 46 60 83 www.abrasouverts.asso.fr Ordre de Malte France : 01 45 20 80 20 www.ordredemaltefrance.org

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Les cahiers

Toute responsabilité est une charge à porter quotidiennement, mais elle est la suite logique d’un premier engagement bénévole.

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© OCH

© OCH

Mais prendre des responsabilités, c’est aussi vivre la joie du don : « Depuis que nous avons dit oui, constate Pauline, l’appel intérieur ne fait que grandir. Nous avons plein d’idées... Mais nous ne sommes pas là pour réinventer la poudre ! Plutôt discerner des priorités pour orienter l’action. » Héliette se dit enthousiaste, jamais rassasiée de nouvelles rencontres : « Chaque

valorisante (y compris sur un CV), même si cette motivation est plus souterraine, en tout cas moins avouée. La confiance des aînés et le respect des décisions prises par les « nouveaux » responsables sont également gages de réussite. « Je suis responsable depuis six mois, donc encore pour quelques mois, plaisante Alexandre, mais au bout d’un moment, il faut savoir transmettre le flambeau et passer la main. » Bertrand en est persuadé : « Pour que des jeunes s’engagent, il faut une durée d’engagement limitée. Sinon, ils ont l’impression d’un puits sans fond. »


Entretien

François Mayaux : « Goûter à une

responsabilité donne envie d’aller plus loin »

Professeur à l'école de Management de Lyon (EMLYON), François Mayaux est aussi consultant et fondateur d’alteriade, société de conseil en stratégie et communication spécialisée dans l’accompagnement des associations. Pour lui, elles doivent composer avec ces nouveaux bénévoles qui privilégient des engagements souples. Propos recueillis par Raphaëlle Simon, journaliste. Comment faire émerger une nouvelle génération de responsables ?

Oui, 50 % des bénévoles réguliers (au moins une fois par mois) sont des retraités. Les jeunes ont plus de mal à s’engager et à s’inscrire dans la durée. D’une part, parce qu’ils n’ont pas de vision sur leur propre avenir : ils sont amenés à bouger, à partir à l’étranger pour leurs études, etc. D’autre part, parce qu’ils ont un tempérament plus zappeur. On parle « d’engagements post-it », ces engagements successifs et rapides avec lesquels ils sont plus à l’aise, sans se sentir prisonnier d’un lieu. Ils ont besoin enfin de voir rapidement le fruit de leurs efforts, et de mesurer l’impact de leur action, avec des indicateurs d’évaluation.

D’après l’INSEE1, on trouve en moyenne un responsable associatif pour sept adhérents ou sympathisants. Ce qui veut dire que les associations doivent savoir « prendre leur temps » : accepter que certains adhérents plus lointains donnent un temps ponctuel, puis deviennent plus réguliers jusqu’à entrer dans une véritable spirale d’engagement. Goûter à une responsabilité donne envie d’aller plus loin, et c’est ainsi que l’on progresse. Pour les aînés, qui sont engagés depuis longtemps, il peut être douloureux de se retirer. Je crois qu’il est important de rendre hommage à leur fidélité. Ils ont « tenu la boutique ». Et de les associer au passage du relais, dans une sorte de parrainage inter-générationel. Enfin, se donner des règles, comme fixer des limites dans le temps, de mandat ou instaurer une limite d’âge, est structurant.

Quels sont les leviers qui permettent à ces nouveaux bénévoles d’oser s’engager ?

On s’engage toujours au service d’une cause, pour être utile à la société. Mais cet engagement altruiste n’empêche pas le besoin d’épanouissement personnel : retrouver une équipe sympathique, créer du lien, se faire des amis, se sentir utile, mais aussi exprimer ses talents, ou développer une compétence… Et c’est parce qu’ils y trouvent leur compte que les bénévoles restent, surtout les jeunes. Pour la sociologue Dan Ferrand-Bechmann : « S’aider

© DR

L’engagement bénévole associatif est en hausse, mais les jeunes ont du mal à prendre des responsabilités. Pourquoi ?

Combiner engagement altruiste et épanouissement personnel.

soi-même en aidant les autres est une des clés de la compréhension de l’engagement bénévole. » Les associations doivent être à l’écoute de ces nouvelles motivations. Elles peuvent aussi mettre en place des formations, pourvu qu’elles soient gratifiantes, avec un contenu adapté pour intéresser les jeunes, et apporter une vraie plus-value. Je pense au cursus de progression chez les scouts, avec des formations en vue de responsabilités locales ou régionales qui fonctionne bien (cf. L’invité p.35-38).

1. Institut national de la statistique et des études économiques.

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Dossier Reportage

Un samedi soir auprès des sans-abris Responsable RH dans une société américaine, Philibert est engagé depuis plusieurs années à l’Ordre de Malte. L’année dernière, il a rejoint le pôle précarité et est devenu responsable de la « maraude sociale » du samedi soir, sur le secteur de Versailles. Reportage. Texte et photos Raphaëlle Simon, journaliste.

à

nte avec liaison consta Philibert est en du SAMU social. la régulation

bord du véhicule de l’Ordre de Malte,18 h 50 : « — Allô, bonsoir, c’est la maraude. On démarre… — Récupérer Ahmed* aux urgences de l’hôpital Mignot ? — Si on peut le transporter jusqu’au foyer d’hébergement ? Attendez, je demande au chef… OK, on vous rappelle quand on a fini. » Bertrand vient de raccrocher avec la régulation du SAMU social des Yvelines, qui gère les appels. Dans la fourgonnette, Raoul, 72 ans, Bertrand, 41 ans, engagés de longue date dans l’aide aux plus démunis, et Philibert, le chef d’équipe qui a pris le volant ce soir. Ce jeune père de famille de 33 ans était déjà investi dans l’association lorsqu’il a rejoint le pôle précarité. D’abord comme simple bénévole, puis, à la demande d’un ancien, comme responsable des maraudes sociales du samedi. Le mercredi soir, le relais est pris par la maraude médicalisée.

Mission : chef d’équipe

Le chef d’équipe a préparé les denrées alimentaires qui seront distribuées pendant la maraude.

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Philibert a préparé le stock de denrées alimentaires qui seront distribuées ce soir : soupes, chocolat, café, petits gâteaux. Il a fait chauffer l’eau des thermos, vérifié que sa jauge d’essence ne lui ferait pas défaut. « C’est au chef d’équipe que revient cette mission », explique-t-il simplement. Mais comme responsable des maraudes sociales, son engagement va plus loin : il doit recruter les vingtcinq bénévoles actifs et envisager leur formation, gérer les plannings, rendre compte des missions effectuées. Sur le terrain, il « tourne » deux à trois fois par mois : « J’ai besoin de donner, mais on reçoit aussi en donnant ! »


Gilbert a du mal à se relever, car il souffre de maux de tête. Il acceptera une soupe chaude.

va passer », grogne-t-il gentiment en acceptant la soupe chaude et les clémentines qu’on lui tend. « Je demande au médecin qu’il passe vous voir.» Bertrand tient le cahier de liaison et note : « Aide alimentaire à Gilbert. Maux de tête. Médecin attendu lors de la maraude mercredi. »

Sacré numéro

«J’ai besoin de donner, mais on reçoit aussi en donnant ! » 19 h 10 : Arrivée à l’hôpital. Le service des urgences ne connaît pas d’Ahmed. Philibert rappelle la régulation du SAMU social, avec laquelle il sera en lien en permanence. Allongé sur un banc, un homme dort, recouvert d’une couverture de survie : serait-ce notre homme ? « — Daniel ! s’exclame Bertrand qui reconnaît un homme de la rue, toxicomane. Ça fait longtemps que je ne t’avais pas vu ! » On pourrait l’amener aussi au foyer, se demande Philibert. Aussitôt contactée, la régulation accepte. Enfin, l’équipe trouve Ahmed, sous perfusion. Ses habits étant trempés, l’infirmière lui passe quelques vêtements, et le véhicule embarque les deux hommes vers Satory, au centre d’hébergement d’urgence. Là, ils pourront prendre un repas et dormir au chaud. Le vent s’est levé et la nuit est glaciale. 20 h 45 : Un sans-abri a été signalé aux abords de la gare de Chantiers. Coup d’œil sous les escaliers, les bancs. Personne. L’équipe en profite pour faire une visite à Gilbert, qui vit sous un parking, à proximité. « J’ai des vertiges », se plaint-il, emmitouflé dans son duvet. Philibert lui demande : « Vous voulez un médecin ? — Non, non, ça

21 h 15 : Philibert reprend le volant, direction René, qui vit dans les bois, à la lisière de la ville. « C’est un sacré numéro, mais attention, l’alcool peut le rendre imprévisible », prévient-il. À quelques centaines de mètres dans la forêt, voici donc René et sa cabane, un antre de 2 m2... Heureux de les retrouver, de blaguer un peu. Il refuse la soupe, mais accepte de bon cœur le chocolat. 22 h 30 : Après une visite à Luc et Michel, semi-sédentarisés sous un porche, Bertrand demande : « Qu’est-ce que tu suggères pour la suite ? » Philibert connaît bien le secteur, il faut aller Gare Rive Droite, puis sur la place du marché, où « là, il y a quelqu’un ». 23 h 15 : Fin de la maraude. Philibert rappelle la régulation, puis fait le point. Il réfléchit à ce qu’il pourrait améliorer pendant les maraudes. Les pieds gelés, mais le cœur au chaud. * Les prénoms ont été changés.

Bilan de fin de mission avec l’é quipe.

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Service Actus SSVP

Réconfort hivernal pour les personnes SDF Chaque hiver, les bénévoles de la Société de Saint-Vincent-de-Paul se mobilisent pour aider les personnes qui vivent dans la rue. Maraudes, opération « Hiver solidaire » à Paris, distributions de soupes… Autant d’actions qui redonnent un peu de chaleur à ceux qui ont tout perdu. Par Clotilde Lardoux, assistante communication

C

œur d’action historique de la Conférence jeunes SSVP de la paroisse Sainte-Marie-des-Batignolles (Paris 17e), les maraudes se déroulent deux fois par semaine les mardi et jeudi soir. Les jeunes vont à la rencontre de leurs « amis de la rue ». Après un temps de prière, les « maraudeurs » sont envoyés dans les rues pour tisser de vrais liens d’amitié avec les personnes sans domicile fixe. C’est ainsi qu’entre six et quinze bénévoles se retrouvent régulièrement tout le long de l’année.

Les maraudes : un autre visage de la visite à domicile vincentienne.

© SXC

À Toulouse, la Conférence jeunes regroupe, chaque mercredi, entre dix et quinze volontaires pour une action similaire. Comme en témoigne le responsable : « Les maraudes changent notre regard sur les habitants de la rue, nos à priori volent souvent en éclats. À travers les personnes SDF, nous découvrons Quelqu’un d’autre. Elles ont quelque chose à nous dire, nous apprenons donc à être attentifs, à développer le sens de l’écoute. »

Changer son regard sur les personnes de la rue.

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Les cahiers

© SXC

Découvrir Quelqu'un d'autre À Nancy, depuis début janvier 2014, tous les vendredis midi, les bénévoles de la SSVP ouvrent les portes de leur siège à une trentaine de démunis pour une « soupe de l’amitié ». Un temps convivial et réchauffant pour tous ceux qui vivent, pour la plupart, dans le froid de la rue. À Amiens, c’est dans un petit local, situé à deux pas de la Cathédrale que les Vincentiens retrouvent, chaque soir, les personnes dans le besoin. Ils leur offrent une soupe, deux sandwichs, des fruits et un café, sans oublier le plus important, le sourire et l’accueil. « On revoit souvent les mêmes bénéficiaires. Avec les années, nous les connaissons presque tous. Ce qui nous permet parfois de discuter et d’échanger sur leurs difficultés », raconte un habitué.

Ozanam - n°208 - mars-avril 2014

À Paris, la démarche « Hiver solidaire », mise en place en 2008 par Mgr André Vingt-Trois, consiste à venir au secours des personnes de la rue, souffrant du froid, en leur offrant, de décembre à mars, un lit dans un endroit chaud, un dîner et un petit déjeuner. Des églises ouvrent leurs portes chaque soir et les fidèles se relaient pour faire vivre le dispositif. À Saint-Étienne-du-Mont (Paris 5e), les accueillis sont reçus en petit nombre, pour être « comme en famille ». Cette expérience, à laquelle la Conférence de Saint-Vincentde-Paul et la paroisse s’associent pour la troisième année, apporte à chacun une socialisation qui peut être passagère, mais qui peut parfois servir de marchepied pour se réinsérer. Louise, la présidente, se réjouit : « L’an dernier, sur les six bénéficiaires, cinq se sont réinsérés socialement en retrouvant un logement et un travail ! »


2 Dans

Nouveaux mandats

les médias

Anne-Sophie Taszarek

Présidente du CD 62 (Pas-de-Calais)

x mars 2014

Le mensuel catholique gratuit publie un beau reportage photos sur le bénévolat vincentien que l’on découvre en deux illustrations : Maud et sa Conférence de jeunes lors des maraudes auprès des personnes de la rue et Sébastien lors de visites à domicile.

Avoir le tournis À Saint-Germain-des-Prés (Paris 6e), la SSVP jeunes se mobilise, quant à elle, pour la première année. L’église héberge quatre personnes. Près de deux cent soixante-dix volontaires, vincentiens ou non, se sont engagés. Certains pour le dîner, d’autres pour la nuit. « Nos amis qui ont parfois un peu le tournis devant tant de nouveaux visages sont d’une bonne humeur communicative… Veillons à leur prodiguer l’attention qu’ils méritent, mais prenons conscience des efforts nécessaires de la part de tous et surtout des accueillis pour s’adapter à la vie commune. » Comme dit Michel, qui vit habituellement dans la rue : « C’est pas évident pour nous… » Tant d’actions menées, qui permettent une collaboration entre bénévoles vincentiens et paroissiens pour soulager pendant quelque temps les cœurs de ceux qui souffrent et manquent de tout. Comme le répète un fidèle d’Hiver solidaire : « Tout de même, quelle tendresse ! »

« Développer les relations de solidarité, accueillir et accompagner davantage les plus démunis et les personnes isolées, créer de nouvelles Conférences, recruter des bénévoles. Voilà nos objectifs pour les années à venir dans le Pas-de-Calais : la charité en action ! »

Bénédicte Aumont Présidente du CD 82 (Tarn-et-Garonne)

« Notre priorité : vivre en équipe le service, la présence auprès de ceux qui vivent la solitude et tant d'autres formes de pauvreté. »

Henri-Claude Moine

Président de l’Association spécialisée Le Pain de l’Amitié (Gironde)

x 27/02/2014

Le journal interroge plusieurs associations quant à leurs attentes pour les élections municipales. Bertrand Ousset, président de la SSVP souhaite que les élus s’engagent concrètement avec la société civile pour garantir la cohésion sociale.

« Le Pain de l'Amitié est devenu un ensemble avec un restaurant moderne, une épicerie sociale et un bureau d’insertion pour répondre aux précarités en développement. Nos engagements : accueil, accompagnement et dignité, et ce, dans l’amitié et l’esprit vincentien. »

Bernard Cassagnes

Animateur de région 11 (CD 16-17-79-85-86-87)

x 21/01/2014

« Deux images qui illustrent bien ma conception du rôle d'animateur de région : veilleur et courroie de transmission. »

Invité par la chaîne, Joseph Schmit, président départemental de la SSVP de Seine-Maritime, présente les missions de l'association et appelle les bonnes volontés à la rejoindre pour répondre aux besoins pressants, notamment pour les visites à domicile.

Didier Leroy

Animateur de région 12A (CD 54-57-67-68-88)

« Mon objectif : relancer le dialogue entre les départements de la région afin d'améliorer notre engagement sur le terrain. »

n°208 - mars-avril 2014 - Les cahiers Ozanam

© DR

Tout ceci est porté par la prière quotidienne matin et soir à laquelle sont invités à participer les hôtes. La jeune responsable vincentienne confie encore : « Nous sommes heureux de pouvoir soigner les personnes dans leur corps et leur âme, de leur redonner pendant quelques mois de la chaleur humaine. » À Sainte-Marie-des-Batignolles,la Conférence jeunes accueille pour la troisième année trois sans-abris dans les locaux paroissiaux. La SSVP porte le projet, mais toute la communauté paroissiale s’y est associée. L’année dernière, ce n’est pas moins d’une centaine de fidèles qui se sont mobilisés pour partager de leur temps avec les « invités ».

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Service Face à face

Alain Dorfner : « Le projet Ozanam

porte le fondement de ce que l’on voudrait faire à l’avenir pour nos accueillis »

Président de l’Accueil Ozanam Madeleine à Paris, Association spécialisée (AS) affiliée à la Société de Saint-Vincent-de-Paul, Alain Dorfner témoigne de la manière dont le projet associatif Ozanam est vécu concrètement au sein de cet accueil de jour parisien. Propos recueillis par évelyne Ahipeaud, Vincentienne En quoi le projet associatif Ozanam rejoint-il ce que vous vivez au sein de l’Accueil Ozanam Madeleine ?

Ce projet reflète la démarche que l’on vit tous les jours à l’Accueil. Il confirme notre idée que la charité de proximité ne doit pas reposer sur l’aumône. Ainsi, les accueillis donnent un euro symbolique pour les repas que nous leur servons, afin d’être responsabilisés. Nous avons d’ailleurs étendu ce principe aux vêtements que l’on donne.Les fondateurs de l'Accueil Ozanam avaient compris qu'il était nécessaire de donner à chaque bénévole une responsabilité pour davantage d'efficacité et de proximité. Pratiquement, chaque bénévole a une fonction définie sous la responsabilité de chefs d'équipe qui assurent des permanences par demi-journée sept jours sur sept. En semaine, cinquante bénévoles retraités assurent l’Accueil, et le week-end, ils sont remplacés par soixante jeunes des Conférences de la SSVP. La mise en œuvre du projet associatif Ozanam a-t-elle changé des choses dans votre association ?

an deux cents personnes en grande difficulté à déjeuner. En lisant le projet associatif, nous avons compris que ce n’était pas la meilleure manière de faire. Nous avons donc décidé d’inviter moins de personnes à l’avenir, mais de les inviter comme des amis, d’être plus attentifs à chacune d’elles. Quelles sont les nouvelles initiatives lancées depuis que vous dirigez cet accueil ?

Au départ, l’Accueil Ozanam Madeleine ne coopérait pas avec d’autres groupes. En tant que président, j’ai essayé de l’associer à d’autres acteurs, afin de créer « un réseau de charité », comme le souhaitait Frédéric Ozanam. Cette volonté de partenariat se fonde sur la notion « d’association des forces », dont parle le projet associatif. Nous avons ainsi développé une collaboration plus forte avec le curé de la paroisse ou encore avec la

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© SSVP

Nous avons évolué dans nos habitudes : jusqu’à présent, on invitait une fois par

brigade d’assistance aux personnes sans abris de la ville, qui se traduit par une entraide mutuelle. Sur ce principe, nous sommes maintenant en contact avec l’association « les Avions du Bonheur », qui va permettre à plusieurs de nos accueillis de partir tous frais payés en Tunisie. Enfin, il y a un an, nous avons mis en place des cours de français pour les femmes. Au départ, il y avait seulement quatre élèves ; aujourd’hui, elles sont douze. Ce projet a eu des effets secondaires inespérés, car il s’est développé une véritable fraternité entre elles et leur professeur. Voyez-vous un obstacle majeur à la réalisation du projet associatif au sein de l’Accueil ?

Il y a une difficulté, qui est liée au problème de renouvellement des bénévoles. Elle n’est pas propre à l’accueil Ozanam Madeleine. C’est le problème de fond de la Société de Saint-Vincent-de-Paul. Au sein de l’Accueil Ozanam, nous n’avons pratiquement personne entre 35 et 55 ans pour assurer des responsabilités malgré le fait que nous ayons lancé de nombreux appels. L’autre problème, c’est la question de la durée de l’engagement chez les jeunes bénévoles. Il y a donc un grand défi qui va de pair avec le projet associatif : celui de trouver un plan de relève pour nos bénévoles.


SOS Détresse : « Se transformer en

bonne fée pour une future mère isolée » Des femmes se retrouvent seules, car elles refusent de subir un avortement. Une présence auprès d’elles peut faire de leur grossesse une renaissance. C’est la responsabilité des marraines de SOS Détresse. Rencontre avec René Sentis, membre de cette association et Vincentien. Par Capucine Bataille, RC En quoi consiste le rôle d’une « marraine » chez SOS Détresse ?

C’est avant tout une présence bienveillante et un suivi dans la durée. La marraine rencontrera sa filleule, la maman isolée. Ensuite, elle pourra l’accompagner dans ses démarches administratives ou médicales. Qui peut prendre une telle responsabilité ?

Toute femme qui le souhaite ! Devenir marraine, c’est accepter de s’engager vis-à-vis de sa filleule. On prend une vraie responsabilité. Mais il n’y a pas de mode d’emploi. Une marraine peut même se transformer en bonne fée pour une future mère isolée,

en osant une charité inventive : offrir une tablette de chocolat ou faire une heure de repassage quand le moral n'est plus là, remplir le frigo de sa filleule si celle-ci doit rester allongée, dénicher une poussette, etc. De quelle aide les femmes enceintes isolées ont-elles besoin ?

Elles souffrent souvent plus sur le plan moral que matériel. Si le père ou la famille sont hostiles à la grossesse, la femme subit une pression psychologique. Garder son bébé contre l’avis de ses proches entraîne une rupture affective et un terrible combat intérieur : « Suis-je raisonnable de le garder ?

Témoignage

© SXC

« Charlotte* était désespérée. Son mari ne voulait pas de ce bébé-surprise. Elle se résignait à avorter. Sa maman décédée lui manquait, elle avait terriblement besoin de réconfort. Quand elle a avoué à son mari qu’elle ne souhaitait plus avorter, il est parti ! Mais il est revenu. Puis le dépistage de la trisomie a été positif. Charlotte était effondrée. Son mari ne voulait pas d’un enfant trisomique. Ils ne communiquaient plus. Elle ne pouvait parler de sa grossesse qu'à moi, sa marraine. Au septième mois, l’amniocentèse a finalement révélé que le bébé n'avait rien ! Nous avons préparé la layette toutes les deux… Et une magnifique petite Léa* est née ! Son papa et sa maman sont aux anges. Et pour moi, quelle joie ! » * Les prénoms ont été changés.

Est-ce égoïste ? » Elles sont très seules dans leur détresse. Elles ont besoin d’être entourées et écoutées. Comment vous êtes-vous intéressé à ce problème ?

Outre mon implication à la Conférence de Saint-Vincent-de-Paul de Rambouillet (78), j’interviens comme consultant juridique à SOS Détresse. Cette petite association, créée par des laïcs en 2008, gère www.ivg.net, un site très bien référencé qui propose une documentation sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG) et un centre d’écoute. Les écoutantes se relaient pour aider les femmes confrontées à l’IVG à prendre leur décision en liberté. Lorsque l’appelante aimerait garder son bébé, mais appréhende sa grossesse, l’écoutante lui propose l’aide d’une marraine proche de chez elle, pour la soutenir et l’accompagner. Cette présence peut faire la différence. Comment les bénévoles des Conférences de la SSVP peuvent-ils agir ?

En aidant SOS Détresse à étendre son réseau de marraines ! L’association est présente dans toute la France, mais manque de marraines pour répondre aux nombreux besoins. Cette charité de proximité est en phase avec l’esprit de la SSVP. Il ne s’agit ni de loger la maman ni de l’aider financièrement, mais de prendre la responsabilité de la soutenir jusqu’à la naissance, comme on le ferait pour sa fille ou sa sœur.

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Service Initiatives

Comité national des jeunes : Être responsable avec et pour les autres Après avoir vécu deux rencontres vincentiennes importantes, Delphine, Éric, Laurent et leurs amis ont pris l’initiative de répondre à l’appel de Frédéric Ozanam pour « enserrer le monde dans un réseau de charité ». C’est ainsi qu’est né en septembre 2013 le Comité National des Jeunes de la Société de Saint-Vincent-de-Paul. Par Bénédicte Jannin, responsable communication

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aris, Delphine est chercheuse en biologie médicale. Elle fait aussi partie d’une Conférence et assure des maraudes un soir par semaine. Elle a découvert la SSVP il y a cinq ans, grâce à Internet. Ce qui motive son engagement vincentien, c’est qu’elle peut vivre sa foi et la témoigner par l’action.

Être responsable, c’est oser faire des choses plus grandes avec et pour les autres.

Delphine, qui a pris la responsabilité du Comité jeunes, explique : « Nous avons organisé, au printemps 2013, des journées nationales jeunes à Turin, sur les pas du bienheureux Pier Giorgio Frassati. Quarante jeunes de toute la France se sont retrouvés pour vivre ensemble des moments de fraternité. Nous avons découvert que nous vivions tous notre engagement pour des raisons similaires, quelle que soit notre ville d’origine. C’est important de savoir qu’on appartient à un réseau. Je n’en avais pas vraiment conscience avant. » Puis accompagnée de cinq autres Vincentiens, elle est partie aux rencontres internationales des jeunes de la SSVP à Belo Horizonte (Brésil), avant de rejoindre Rio de Janeiro pour les JMJ. « C’était beau. Nous avons compris que nous faisions partie d’une famille. Maintenant la mondialisation de la SSVP a un visage pour moi. Prendre conscience de cela est très motivant. Imaginer et réaliser que ce réseau existe

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© SSVP

Sur les pas de Pier Giorgio Frassati

des régions. Mais notre ambition est très grande et notre temps assez réduit. Alors nous nous organisons pour faire les choses petit à petit. C’est important pour nous de prendre des responsabilités, mais nous avons besoin d’aide et de soutien parce que nous ne pouvons pas répondre à toutes les sollicitations. Je rêve que les prochaines rencontres nationales jeunes soient organisées par des jeunes de Toulouse, Marseille, Rennes ou Lyon ! » Et quand on interroge Delphine sur sa prise d’initiative et la responsabilité que cela implique, elle répond spontanément qu’ « être responsable, c’est oser faire des choses plus grandes avec les autres et pour les autres. Oser, c’est important. Souvent on se dit qu’on n’y arrivera pas. Ce qui est certain, c’est que sans les autres, je ne peux pas être responsable ». Ses nouvelles responsabilités, la jeune femme les assume pleinement. Son engagement est le même : elle sert toujours la même personne bénéficiaire. C’est seulement le temps qu’elle y consacre qui a changé.

grâce à chacun, c’est une victoire. Nous avons partagé la joie de faire du bien. »

Une révélation Ces rencontres ont été une révélation pour les jeunes actifs. C’est donc naturellement qu’au retour du Brésil, Delphine s’est mis en tête que les jeunes de France devaient découvrir et vivre ce qu’elle avait la chance et la joie de connaître. Les jeunes Vincentiens parisiens se connaissent bien. Ils se retrouvent au moins une fois par mois pour des moments de prière et de partage. Forts de ce réseau dynamique et de cette expérience, ils ont souhaité aller à la rencontre des autres jeunes de France : « Nous nous sommes réparti des tâches et

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Actus juridiques et sociales

L’engagement bénévole : Grande Cause nationale de l’année 2014 Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a décidé de faire de l’engagement associatif la Grande Cause nationale 2014. Son but : promouvoir le rôle social des associations et celui de l’engagement bénévole sur tout le territoire. Par Sophie Rougnon, responsable administratif et financier

A

près l’illettrisme en 2013, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault fait de l’Engagement Associatif la Grande Cause nationale de l’année 2014. Il souhaite valoriser et promouvoir le rôle des associations et de l’engagement bénévole dans la société. La France compte 16 millions de bénévoles associatifs, auxquels s’ajoutent 1,8 million de salariés d’une association, soit 8 % du nombre total de salariés.

Soutien indispensable Dans notre société, les associations prennent de plus en plus de responsabilités dans tous les domaines - social, éducatif, sportif ou encore culturel. Le soutien de l’État est indispensable pour permettre au secteur non lucratif d’assurer avec efficacité les missions de service public qui lui sont confiées. Dans la même dynamique que la mobilisation du collectif MonaLisa (cf. p.4-5), le Gouvernement soutient les associations et

incite les citoyens à s’y investir pour le bien de la société civile. « Cette décision constitue une nouvelle étape dans la politique mise en œuvre pour soutenir le mouvement associatif, faciliter le bénévolat et favoriser l’emploi au sein de l’économie sociale et solidaire », précisent les services de Matignon.

La chance de notre pays Ces derniers mettent en avant l’engagement des bénévoles au service des autres, qui depuis la loi de 1901, constitue une chance pour notre pays et un pilier de notre modèle social et républicain. Cette Grande Cause nationale permettra de sensibiliser l’ensemble des Français aux enjeux de cet engagement et, espérons-le, les incitera à s’engager eux-mêmes. Grâce à ce label, le Mouvement associatif pourra obtenir des diffusions gratuites sur les radios et les télévisions publiques pour leurs campagnes faisant appel à la générosité publique. Les modalités d’application restent encore à définir. Affaire à suivre…

Le point sur

Je prends des responsabilités…

Suis-je bien couvert ?

D

e façon générale, la prise de responsabilité au sein d’une association peut exposer le bénévole responsable à des réclamations formulées à son encontre, mettant en cause sa responsabilité civile personnelle et imputables à une faute. Dans ce cas, il existe des polices d’assurance « Responsabilité civile mandataires sociaux » (RCMS), qui viennent couvrir les assurés en termes de conséquences pécuniaires, y compris les frais de défense engagés. Sont considérés comme mandataires sociaux les « dirigeants » de l’association, c’est-à-dire entre autres le président, le vice-président, le trésorier et le(s) dirigeant(s) salariés le cas échéant. À la SSVP, l’ensemble des mandataires sociaux au niveau national, Conseils départementaux (CD) et Associations spécialisées (AS) sont couverts par une assurance de « Responsabilité civile mandataires sociaux », mise en place avec la Mutuelle Saint-Christophe. Tous les présidents, trésoriers, viceprésidents, et plus généralement tous ceux qui font l’objet d’une délégation pécuniaire, sont couverts par cette police. C’est une raison de plus pour que toutes les délégations sur compte bancaire soient bien formalisées et à jour, afin que toute personne mandatée soit bien couverte. Par Bertrand Decoux, Secrétaire général

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Service Actus juridiques et sociales

10 clefs pour inciter les bénévoles à prendre des responsabilités Le renouvellement des responsables est une difficulté récurrente dans le milieu associatif. Il existe pourtant des clefs de management à l’usage des responsables, qui faciliteront la passation de pouvoirs et inciteront les bénévoles à endosser des responsabilités. Par Capucine Bataille, RC

1 Formuler clairement le projet associatif Commencer par formuler simplement le projet associatif, pour donner du sens et de l’ambition à l’engagement des bénévoles. Rappeler et expliquer ce projet collectif pour qu’ils se l’approprient.

2  Être transparent Faire circuler l’information pour développer l’intérêt. Répondre aux questions des bénévoles, exciter leur curiosité, favoriser le débat sans méfiance pour augmenter leur sentiment d’appartenance et leur implication.

3   Partager les tâches Profiter des talents, des savoir-faire et des idées des bénévoles. Déléguer est un premier pas vers la responsabilisation. Et accepter régulièrement de petites tâches rendra plus évidente, le moment venu, la prise d’une responsabilité dans l’association.

4 Valoriser l’implication Valoriser les réussites des uns et des autres pour montrer à celui qui s’investit qu’il est doué, que son aide est bienvenue, et qu’il est peut-être capable de responsabilités plus grandes.

5 Concerter pour décider Les petits ruisseaux font les grandes

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rivières ! Un responsable qui consulte ses membres régulièrement, les implique dans les décisions, les habitue à se sentir responsables avec lui.

6 Former Pour qu’un bénévole déploie ses talents et se sente en capacité de devenir responsable, la formation est cruciale. Elle informe, accompagne, guide, rassure, donne un cadre précis.

7 Faire confiance Inciter des bénévoles à prendre des responsabilités implique de vouloir leur en confier ! Être prêt à les laisser agir selon leur propre mode, accepter de se retirer. Oser faire confiance parfois à moins expérimenté et plus jeune que soi.

8 Rassurer Ne pas effrayer ceux qui envisageraient de prendre des responsabilités. Créer une sorte de sas. Par exemple, inviter les « nouveaux dirigeants potentiels » à participer à une rencontre, où seront exposés les charges des différents postes, les formations possibles, le travail en équipe.

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9 Accompagner les nouveaux responsables L’expérience des anciens est un trésor de conseils et de bonnes pratiques ! Des systèmes de parrainages et suppléances faciliteront une transition en douceur.

10 Anticiper la relève Garder à l’esprit que la responsabilité est confiée par l’association, pour un temps donné. En acceptant une responsabilité, on accepte, de fait, de la confier un jour à quelqu’un d’autre. Restez vigilants, de futurs responsables en puissance sont peutêtre juste à côté de vous !


Michel Meaudre : « Nous avons créé une pépinière de nouveaux responsables » Soucieux d’assurer l’avenir de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, Michel Meaudre, président du Conseil départemental du Rhône (CD 69) a mis en place une politique de responsabilisation et de renouvellement des bénévoles dans sa région. Rencontre. Propos recueillis par Capucine Bataille, RC D’où vous est venue la volonté d’insuffler ce nouvel élan dans votre département ? Cela a commencé avant que je devienne président. Le CD tournait traditionnellement, mais avait tendance à ronronner. Les bénévoles étaient « en panne » face aux difficultés. Si on veut sincèrement aider les gens, il faut savoir les orienter vers les professionnels adaptés. Avec mon prédécesseur, nous avons proposé un parcours de formation pour que le bénévole se sente armé d’autre chose que de sa bonne volonté. Une autre association, dont le parcours avait bonne réputation, nous a donné les contacts de ses intervenants extérieurs sur le logement, la scolarité, l’accompagnement des personnes âgées, les CCAS, etc. Pour les sujets qui séduisaient le plus nos bénévoles, nous avons lancé nos propres formations, pour d’autres, nous nous sommes groupés à celles qui existaient déjà. En 2014, nous suivrons celle des présidents de Conférences, dispensée par le national. Y seront invités les actuels présidents, mais aussi les potentiels. Peut-être suivrons-nous également celle de la doctrine sociale de l’Église, avec le diocèse. Ces formations ont-elles suffi à sortir le CD de son « ronronnement » ?

© SSVP

Elles ont été le premier pas d’un nouveau dynamisme ! Des personnes souhaitant s’investir davantage se sont manifestées. Nous avons alors fondé un groupe de travail, moteur pour le CD. Ses membres se réunissent pour partager leurs idées,

imaginer des initiatives, etc. Si on veut combattre nos pesanteurs, il ne faut pas être seul. Aujourd’hui, les responsables du CD s’investissent tous dans la création de Conférences, notre priorité. On prend des contacts dans les quartiers où il y a du potentiel. J’ai écrit à une trentaine de curés pour les rencontrer et leur proposer de monter ensemble des Conférences. Ils ont conscience des besoins, connaissent les jeunes et peuvent être d’une grande aide. Nous en avons déjà créé cinq ! Et une fois la Conférence créée ?

À elle de prendre son envol ! Les quelques membres ont la responsabilité de « recruter » leur petite équipe. Il faut impliquer le maximum de bénévoles pour mobiliser. Cela passe par une sensibilisation régulière… Un autre aspect : celui du témoignage. Les jeunes bénévoles vont régulière-

ment parler de leur engagement dans les lycées. Nous avons des résultats immédiats de bénévolat ponctuel, mais nous espérons aussi que les adultes qu’ils deviendront se tourneront vers nous. Est-ce vous, président de CD, qui gérez ces nouveaux dispositifs ?

J’ai trouvé un bénévole, membre du groupe de travail, à qui déléguer la gestion des formations. Quant à la présidence de ma Conférence, c’est Benoît – de près de cinquante ans mon cadet ! – qui a repris le flambeau. Il est devenu le « leader » des jeunes bénévoles à Lyon. Faire confiance n’a pas été difficile. Au départ, il n’y avait qu’un jeune à nos côtés ! Puis deux. Je leur ai confié la mission d’en attirer d’autres ensemble. Aujourd’hui, ils sont près de trentecinq et font un travail remarquable. Dans notre groupe de travail, une bénévole a 18 ans, il y a aussi des jeunes couples, et la doyenne a 85 ans ! Au fond, nous avons créé une pépinière de nouveaux responsables, un incubateur de réflexion, d’échange et d’idées. Les membres sont à l’origine des projets, après validation et consignes du Conseil d’administration du CD, ce sont eux qui les mènent. Pour le renouvellement de la SSVP, il faut s’appuyer sur les jeunes. Ce passage d’une génération à une autre est un électrochoc nécessaire.

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Ozanam 19


Service International

© J. Spiewak

La Société de Saint-Vincent-de-Paul a été fondée en France en 1833 et aujourd’hui elle est présente dans 148 pays. Avec ses 61 850 membres, l’Inde est le pays qui a le plus de bénévoles après le Brésil. Zoom à l’autre bout du monde, sur la SSVP Inde. Par Julien Spiewak, Secrétaire général de la Confédération Internationale de la SSVP besoin à domicile. Des familles vivent à la périphérie de la ville dans une grande précarité, dans des petites pièces sombres, insalubres, sans électricité ni eau courante. Les bénévoles les visitent régulièrement pour leur apporter de la nourriture et leur donner un peu d’argent. Comme me disait Joseph, l’un des bénévoles, il y a beaucoup de personnes dans le besoin dans la région et peu d’associations leur viennent en aide. Les bénévoles de Thanjavur essaient de secourir les Indiens les plus marginalisés qui n’ont aucune ressource. De nombreuses Conférences sont jumelées avec des Conférences Près de 62 000 bénévoles vincentiens, répartis d’autres pays, notamment avec dans 6 816 Conférences secourent les personnes les plus marginalisées en Inde. l’Angleterre, l’Australie, l’Écosse et la l faut se méfier des chiffres ! Les Indiens Hollande. Vingt-trois Conférences en Inde sont à grande majorité hindous, le pays le sont également avec des Conférences de compte près de 80 % d’hindous contre France ! Grâce à ces jumelages, les bénévoles seulement 2,6 % de chrétiens. Mais, avec de Thanjavur ont pu récolter assez de fonds une population totale de 1,24 milliard pour ouvrir en 2007 la maison de retraite d’habitants, les chrétiens sont finalement Ozanam, qui accueille une trentaine de en grand nombre ! La SSVP est très active, femmes âgées. Les membres des Conférences surtout dans le Sud du pays. de la ville viennent visiter les retraitées et les Un exemple, la ville de Thanjavur. Des jeunes bénévoles ont le projet d’agrandir Conférences de Saint-Vincent-de-Paul sont cette maison dans les prochaines années... présentes dans les différentes paroisses Sous les portraits de saint Vincent de Paul de la ville et de sa région. Les bénévoles et du bienheureux Frédéric Ozanam, une visitent de nombreuses personnes dans le atmosphère de paix se dégage des lieux.

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Philippines

Reconstruire son pays après la catastrophe

Le 8 novembre 2013, le puissant typhon « Haiyan » frappait au cœur des Philippines la ville de Tacloban et ses environs, emportant sur son passage des milliers de vies et rayant de la carte des dizaines de villes. Dès les premières heures après le désastre, la Société de Saint-Vincentde-Paul Philippines, ainsi que les Vincentiens du monde entier se sont mobilisés pour venir en aide aux victimes. En France, un appel aux dons a été lancé. 100 000 € ont ainsi pu être collectés et reversés à la Confédération Internationale de la SSVP, chargée de remettre cette somme à la SSVP des Philippines. Des projets de reconstruction, d’accueil, de soutien, d’aides alimentaire et matérielle sont mis en œuvre par les 450 Conférences et 6 500 bénévoles vincentiens sur place. Cet argent leur permettra de développer des projets de longue durée. Le Conseil national philippin remercie du fond du cœur la grande Famille vincentienne, pour le soutien apporté, les prières, les mots de réconfort, l’aide morale et matérielle.

© SSVP

La SSVP Inde, à la deuxième place


Carnet de route

Groupe Baobab :

© Groupe

Responsabilités locales pour un développement durable

Baobab

Isabelle Vuillet, présidente du Groupe Baobab, salue le chef ancestral du village de Goudrin au Burkina-Faso.

Au Burkina-Faso, le groupe Baobab, Association spécialisée (AS) affiliée à la Société de Saint-Vincentde-Paul, forme les locaux à la gestion de projets de développement durable. Baobab fait fructifier les talents, facilitant la prise de responsabilités et d’initiatives. Par Clotilde Lardoux, assistante communication

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ey beogo, laafi bala zakramba ! Ney wango groupe Baobab ! » « Bonjour, que la santé soit sur toutes vos familles ! Soyez les bienvenus dans l’univers du groupe Baobab ! » Au Burkina-Faso, « le pays des hommes intègres », les habitants accueillent encore les étrangers dans leur chaleureuse langue ancestrale. Le groupe Baobab est né en 2000, dans le Jura, à l’initiative d’Isabelle Vuillet, à l’époque présidente de la Conférence de Saint-Vincent-de-Paul d’Orchamps. Initialement, son objectif est double : proposer des échanges interculturels franco-burkinabés et mettre en place des projets de déve-

Clotilde Lardoux, assistante communication

loppement durable, en privilégiant l’autonomie et la prise de responsabilités de la population locale. Il aura fallu trois ans à Baobab pour se rendre vraiment compte de la situation de détresse dans laquelle se trouvaient les Burkinabés du village de Goudrin, à soixante-dix kilomètres au nord de Ouagadougou, la capitale. Jusqu’en 2003, ses habitants étaient totalement coupés des villages alentour : pas de route d’accès, pas de voiture… Pour les aider, l’association n’a pas souhaité imposer des projets tout faits, copiés sur le modèle européen. La population, loin de toute structure administrative, a été formée à la

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Service Carnet de route Les villageois mettent en place des projets agricoles durables.

Les collaborateurs de Baobab sont enthousiastes et créatifs.

Inauguration de la première Conférence de Saint-Vincent-de-Paul du village.

«L’association n’a pas souhaité imposer des projets copiés sur le modèle européen.

»

du village de Goudrin s’en réjouit : « Grâce à Baobab, nous sommes reliés et nous pouvons travailler ensemble ! » Un deuxième besoin a été rapidement identifié : l’absence d’une arrivée d’eau dans le village. Ainsi l’association a accompagné les villageois dans leur projet d’implantation de trois puits de forage et la réparation de deux autres. « direction de projet ». L’essentiel pour le groupe Baobab ? Donner à la population locale les moyens de prendre en main son propre avenir, de monter elle-même ses projets. À la question : « Quels sont les projets prioritaires que vous souhaitez développer pour vivre mieux ? », les Burkinabés ont rapidement répondu en prenant des responsabilités, concrétisant des projets précis. Bientôt, avec l’aide des bénévoles de Baobab et grâce à l’investissement de nombreux villageois, une route a été construite. À la suite de cela, une communauté de villages a vu le jour, facilitant ainsi la communication et le travail intervillages. Le chef

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Avec l’eau, on peut tout faire Parce que, comme le souligne Isabelle Vuillet, la présidente convaincue de son entreprise, « avec l’eau, on peut tout faire ». Le contact fructueux entre Africains et Européens se développant, il a fallu rapidement mettre en place des commissions de travail de part et d’autre de la Méditerranée. Ces commissions agriculture-environnement, culture, éducation, énergie renouvelable, santé, jumelage vincentien et maisons Baobab sont les pierres angulaires de la démarche de Baobab. De nombreux projets de dévelop-


© Quinn Norton

La Commission jumelage voit avec joie les projets burkinabés prendre leur envol.

Le baobab, arbre sacré, est connu pour porter de très nombreux fruits.

Seul, on ne peut rien Forte des résultats de toutes les actions réalisées, l’association Baobab, avec l’aide de la Conférence de Saint-Vincentde-Paul d’Orchamps en France et de celle de Kossodo à Ouagadougou, a aidé à la création d’une Conférence de Saint-Vincent-de-Paul dans le village même de Goudrin. Ainsi les habitants ont pris conscience de la nécessité de se soutenir et de s’organiser pour mieux aider la population pauvre et isolée des environs. Si seul on ne peut rien, à plusieurs on est plus fort ! Un local, destiné à la SSVP, a même été construit sur un terrain donné par le chef de village. Les Vincentiens locaux peuvent donc poursuivre, plus aisément et plus sereinement, le travail entrepris. Baobab récolte beaucoup de fruits de ses initiatives. Bien des projets sont encore à mettre en œuvre. Les bénévoles français se réjouissent de voir les villageois prendre toujours plus de responsabilités pour poursuivre leur développement durable.

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Photos : Groupe Baobab

pement durable ont ainsi pu être menés à bien, en tenant compte des us et coutumes locaux. Depuis quatorze ans que l’association œuvre au BurkinaFaso, de multiples formations ont été dispensées pour rendre le village de Goudrin autonome. Sur le plan médical, quelques habitants ont bénéficié d’un enseignement qualifiant. Le village bénéficie maintenant de la présence d’une sage-femme, d’un infirmier, de dentistes et de médecins. La rénovation du poste de santé primaire, l’approvisionnement en médicaments liés aux pathologies locales permettent enfin des soins de meilleure qualité et plus adaptés. Comme dans de nombreuses régions d’Afrique, la population endurait depuis bien longtemps la famine. C’est pour pallier ce manque de nourriture qu’une riziculture pluviale et cent vingt parcelles de culture maraîchère, ainsi qu’une banque à céréales ont été créées. Un pépiniériste a même été formé à la culture d’arbres fruitiers. Désormais la population se nourrit de ses propres récoltes !

Pallier le manque de nourriture en créant ses cultures et ses greniers.

Parce que les jeunes sont l’avenir de Goudrin, l’accès à l’éducation a été aussi renforcé. La rénovation de l’école et l’achat de manuels scolaires sont de précieux atouts. Il a fallu aussi convaincre les agriculteurs et éleveurs de mettre leurs enfants à l’école. De treize élèves au départ, deux cents enfants sont aujourd’hui scolarisés. Pour les deux cent cinquante enfants qui ne vont toujours pas à l’école, une initiative locale, « L’école de la terre », leur propose des activités pédagogiques, ludiques d’éveil et de motricité.

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Spiritualité Réflexion

Le pape François invite à la conversion collective Le pape François appelle le peuple de Dieu à la conversion individuelle, collective, pastorale, missionnaire et permanente. Pour les Vincentiens, elle se déroule sur des chemins que Vincent de Paul et Frédéric Ozanam ont parcouru toute leur vie. Osons répondre à l’invitation du pape dans un engagement vincentien renouvelé. Par Bertrand Ousset, président de la SSVP France

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ans sa récente exhortation La joie de l’Évangile, le pape multiplie les invites à la conversion. Il en explicite les enjeux personnels, collectifs et missionnaires et en rappelle le caractère permanent : « J’invite chaque chrétien, en quelque lieu où il se trouve, à renouveler aujourd’hui même sa rencontre personnelle avec Jésus, à prendre la décision de se laisser rencontrer par lui, de le chercher chaque jour sans cesse » (I, 3).

Moment exceptionnel

Bertrand Ousset, président de la SSVP France

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Les représentations qui nous sont données de la conversion correspondent presque toutes à un moment exceptionnel qui échappe à la volonté individuelle et qui change le cours de la vie. Il en va ainsi des conversions de saint Paul sur le chemin de Damas, ou de saint François en l’église SaintDamien, ou plus proche de nous, celle de Paul Claudel à Notre-Dame de Paris. Il s’agit là d’images extrêmement réductrices, car la rencontre personnelle avec Jésus-Christ, la conversion sont une recherche de chaque jour. Certes, il peut y avoir une ou plusieurs occasions originelles très fortes. Mais il s’agit toujours d’un cheminement, d’un parcours avec des temps faibles et des temps forts de recommencement. Le pape François évoque la « constante créativité divine » de laquelle « surgissent de nouvelles voies, des méthodes créatives […] des paroles chargées de sens renouvelé pour le monde d’aujourd’hui » (II, 11). Le Concile Vatican II présente la conversion pastorale comme l’ouverture à une réforme permanente de soi, par fidélité à Jésus-Christ. Le pape nous rappelle également le caractère pastoral et

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missionnaire de cette conversion : « J’espère que toutes les communautés feront en sorte de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour avancer sur le chemin d’une conversion pastorale et missionnaire, qui ne peut laisser les choses comme elles sont » (chap.1, II, 25). Il insiste en nous disant : « Il s’agit de porter l’Évangile aux personnes avec lesquelles chacun a à faire, tant les plus proches que celles qui sont inconnues » (chap.3, I, 127). En effet, la conversion est indissociable d’une vocation évangélisatrice. Dieu propose à l’homme le don du Salut. L’homme l’accepte et le fait sien par la foi et sa conversion, actes qui rendent ce don présent et agissant selon le charisme propre qu’il a reçu. Ainsi en va-t-il de Saul de Tarse, qui deviendra Paul, et qui pendant plus de trente ans va porter la bonne Parole tout autour de la Méditerranée, parcourant près de quinze mille kilomètres. Ainsi en va-t-il de François, prêcheur nomade et mendiant louant les merveilles de

Evangelii gaudium La joie de l’Évangile est une exhortation du pape François sur l’annonce de l’Évangile dans le monde d’aujourd’hui, publiée le 26 novembre 2013. Cet appel à la conversion individuelle et collective par la transformation missionnaire de l’Église préconise l’intégration sociale du pauvre, pour la recherche du bien commun et pour la paix sociale, grâce au dialogue.


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La démarche Diaconia est un appel lancé par l’Église en France pour élargir la responsabilité du service des frères à tous les membres de l’Église.

la création et frère des plus démunis. Ainsi en va-t-il aussi de Vincent de Paul et de Frédéric Ozanam qui ont marché sur un chemin de conversion fondé sur la rencontre des pauvres et la prière.

Deux chemins de conversion vincentiens L’identité vincentienne, la continuité fondamentale qui unit la vie et le message de Vincent de Paul et de Frédéric Ozanam, reposent sur le lien indissociable entre spiritualité et service du pauvre. La conversion de Vincent de Paul n’est pas brusque. Une longue préparation l’a précédée, nourrie d’expériences fondatrices, aussi bien spirituelles que pastorales et sociales. Ce n’est qu’à 37 ans qu’il trouve vraiment sa voie, sa vocation, qu’il « se donne à Dieu à la suite de Jésus-Christ, pour le service des pauvres.1» « Dieu aime les pauvres et par conséquent aime ceux qui aiment les pauvres.2» Son propos est très fort et il ne s’agit pas d’une

« La rencontre personnelle avec Jésus-Christ, la conversion sont une recherche de chaque jour.» image : « Allons donc, mes frères, et nous employons avec un nouvel amour à servir les pauvres, et même cherchons les plus pauvres et les plus abandonnés, reconnaissons devant Dieu que ce sont nos seigneurs et nos maîtres et que nous sommes indignes de leur rendre nos petits services.3» La conversion et l’engagement pour les pauvres de Frédéric Ozanam correspondent à un parcours différent. C’est en voulant mettre sa foi en acte, qu’avec un groupe d’étudiants il fonde les Conférences, avec la vision d’enserrer le monde dans un réseau de charité. Cette vision s’enracine dans une démarche d’aller vers le pauvre, dans une rencontre d’échange et d’amitié, inspirée et soutenue par

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Spiritualité

Rosalie Rendu, sœur de la Charité dans un quartier déshérité de Paris. Cette conversion s’exprime dans une vocation originale à l’époque : celle du « bénévole ». C’est celle du laïc chrétien engagé dans une vie sociale, familiale et professionnelle et qui au nom de sa foi s’engage à « aimer, partager, servir » les plus démunis. On ne pourrait parler de conversion dans un cas comme dans l’autre, s’il n’y avait pas une dimension spirituelle constamment présente. Faute de quoi, il s’agirait d’un engagement généreux et social, qui en est parfois le prélude. Car comme le rappelle le pape François : « Tout ce que nous faisons pour les autres a une dimension transcendante » (chap. 4, I, 179). Mais cette conversion s’enracine aussi dans la prière. Vincent de Paul scandait ses journées d’intense activité missionnaire, de temps d’oraison chaque matin, midi et soir. Il recommandait : « Donnons-nous bien à cette pratique de l’oraison, puisque c’est par elle que nous viennent tous les biens… Si nous demeurons dans la charité, si nous sommes sauvés, tout cela grâce à Dieu et à l’oraison.4» « Donnez-moi un homme d’oraison, il sera capable de tout. 5 »

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Oser la conversion de la SSVP Frédéric Ozanam était un catholique pratiquant et fervent, et le témoignage de son épouse Amélie nous précise que tous les matins il se levait à sept heures. Il allait d’ordinaire dans son cabinet où il faisait sa prière du matin et une lecture de la Bible en grec qu’il méditait environ une demi-heure. À cette prière, Ozanam n’a jamais dû manquer nous dit son biographe Gérard Cholvy. De même priait-il avant chacune de ses interventions publiques. Enfin dès le départ, la règle qui régit les premières Conférences de charité prévoit un temps fort de spiritualité, de prière et de partage d’expérience spirituelle en commun. Pour répondre à l’appel du pape François, les Vincentiens d’aujourd’hui doivent renouveler leur engagement dans ces deux fondements : la rencontre du pauvre et la spiritualité. « Les pauvres nous évangélisent » n’est pas un slogan. Nous sommes appelés à cheminer avec les plus fragiles et à le faire sans cesse. Ce cheminement est dérangeant, car il remet en cause notre façon d’être et de faire, notre conception étroite de l’efficacité. Comme le dit le Saint-Père : « [Les pauvres] ont beaucoup à nous enseigner […] par leurs propres souffrances ils connaissent le Christ souffrant. Il est nécessaire que tous nous nous laissions évangéliser par eux. […] Nous sommes appelés à découvrir le Christ en eux, […] à être leurs amis, à les écouter, à les comprendre et à accueillir la mystérieuse sagesse que Dieu veut nous communiquer à travers eux » (chap. 4, II, 198). C’est un défi, un enjeu majeur à relever pour la conversion de nos Conférences. 1. Saint Vincent de Paul, Correspondance, Entretiens, Documents, tome XI, p. 26 ; tome X, p. 124. 2. SV IX, p. 392 ; 3. SV X, p. 393 ; 4. SV IX, p. 407 ; 5. SV X, p. 183.

Le service du frère doit s’enraciner dans la prière pour être sans cesse renouvelé.

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Par leurs propres souffrances, les pauvres connaissent le Christ et nous évangélisent.


Décryptage

Renonciation de Benoît XVI : le serviteur pour qui la responsabilité passe avant sa personne Il y a un an, Benoît XVI renonçait à sa responsabilité pontificale. Certains ont exprimé une incompréhension, d’autres une inquiétude et d’autres encore ont ressenti ce geste comme un abandon. Le père Hervé Legrand, dominicain, ecclésiologue, professeur émérite de théologie à l'Institut catholique de Paris revient sur la décision d’un serviteur « responsable ».

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Deux incompréhensions Benoît XVI s’est pourtant heurté à des incompréhensions : deux agrégés de philosophie se sont écriés : « Notre pape, pourquoi nous as-tu abandonnés ? » ; un cardinal a déclaré : « Jean-Paul II était resté ; il avait compris qu’on ne descend pas de la croix » et un archevêque a dit : « Quand on est pape, on assume jusqu’à la mort. » Chacune de ces réactions met le serviteur au-dessus de sa responsabilité. Elles reflètent une mentalité répandue chez les catholiques, puisque même des exégètes subissent son influence en traduisant la Bible. Cinq bibles catholiques traduisent mal Éphésiens 4, 11-12 en faisant dire à

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e tous les titres de l’évêque de Rome, celui de « serviteur des serviteurs de Dieu » est le plus profond chrétiennement. Il le situe directement face à Jésus, qui disait de lui-même : « Le Fils de l’Homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir » (Mt 20, 28) ou encore « Je suis au milieu de vous comme celui qui sert » (Lc 22, 27). Devenu conscient de son « incapacité à bien exercer son ministère », en bon serviteur, Benoît XVI a renoncé à sa charge. Ayant vécu de près les dernières années du ministère de Jean-Paul II, handicapé par la maladie, il en a peut-être été influencé.

don, leur donne d’être. Selon Paul rien ne leur est donné, ce sont eux qui sont donnés aux autres. Selon la traduction erronée, un curé dirait à ses paroissiens : « J’ai besoin de vous pour m’aider à porter la lourde charge qui pèse sur mes épaules », alors que, selon Paul, il devrait dire : « Que puis-je faire, moi votre prêtre pour vous aider, Le 28 février 2013, Benoît XVI vous les paroissiens à renonçait avec humilité à sa responsabilité pontificale. mieux vivre votre vie chrétienne ? » Paul ceci : « Le Christ a donné aux uns d’être En serviteur responsable, Benoît XVI s’est apôtres ou encore évangélistes, aux autres décentré de lui-même et centré sur le d’être pasteurs et docteurs, organisant ainsi bien du corps entier en démissionnant. les saints pour l’œuvre du ministère en vue Un chrétien ne devrait jamais faire passer de la construction du corps du Christ. » sa personne avant le service qu’il peut rendre et avant la charge qu’il occupe Don de la tâche momentanément. Ainsi se construit le Pourtant dans un grec limpide, Paul centre Corps du Christ à travers ses différents les apôtres, les évangélistes, les pasteurs et responsables (pasteurs, docteurs, etc.), les docteurs sur les autres et sur leur tâche, mais aussi le corps social en général, à à savoir la construction de l’Église, alors travers une variété de services où les chréque ces traductions centrent les ministres tiens sont requis de prendre leur part au sur eux-mêmes : le Christ leur fait un bénéfice de tous.

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© Osservatore romano

Spiritualité Contemplation

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Si un jour tu es chef Si le fardeau est trop lourd pour toi, Songe à ceux qui te seront confiés. Si tu ralentis, ils s’arrêtent. Si tu faiblis, ils flanchent. Si tu t’assieds, ils se couchent. Si tu critiques, ils se démoralisent. Mais… Si tu marches devant, ils te dépasseront. Si tu donnes la main, ils donneront leur peau. Et si tu pries, alors, ils seront des saints. Michel Menu

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Spiritualité Prier en Conférence Par Jean-Claude Peteytas, diacre et Vincentien

La prière apostolique Les deux pages ci-contre ont pour vocation d'accompagner les bénévoles vincentiens dans leur temps de prière. Elles proposent des éclairages et des méditations sur la charité et la vie chrétienne. uand nous regardons vivre la première communauté chrétienne (Ac 2, 42- 47), nous découvrons les fondements mêmes de nos assemblées et, j’ajouterai, ceux de nos « Conférences. » En effet, les quatre marques identitaires de l’Église sont ici décrites : l’écoute de l’enseignement des apôtres, la communion autant matérielle que spirituelle, la fraction du pain et les prières.

Frères par le baptême Réunis en Conférence, nous prenons le temps de la lecture de la Parole de Dieu ou d’un texte du pape ou de nos évêques. Nous prions ensemble et nous sommes en communion, partageant le souci des personnes et familles que nous visitons. Nous devenons de plus en plus – c’est le souhait de Frédéric Ozanam – une « fraternité » : frères par le baptême et par notre vocation vincentienne. Le baptême fait d’abord de nous des prophètes : je suis témoin de la Parole de Dieu et donc de son Amour. Et notre vocation de Vincentiens nous rend serviteurs : je suis serviteur de tout homme, des plus petits en particulier. Une Conférence est un triple lieu pour ses membres : - un lieu de discernement : notre agir estil vraiment celui de disciples du Christ, compatissant envers chacun à l’image du bon samaritain ? Comment ensemble et fraternellement prenons-nous les décisions nécessaires pour permettre à nos partenaires suivis de se mettre debout ?

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Comme le Christ que l’on voit dans l’Évangile, on prie à la fin de la journée : ne faisait-il pas le lien entre ses rencontres de la journée et son Père ? Notre prière, comme celle de Jésus, comme celle de saint Vincent et de Frédéric, doit être incarnée. Dieu s’intéresse à la vie des hommes. Nous chantons que « tout homme est une histoire sacrée ». C’est bel et bien tout ce qui remplit nos vies – nos joies, réussites, peines, échecs… — qui est le matériau premier de notre prière. La nôtre, personnelle. Celle de nos Conférences puisqu’à la suite des apôtres, nous devons vivre la communion eucharistique, où ensemble nous offrons « le pain et le vin qui sont les fruits du travail et de la vie des hommes ».

- un lieu de relecture de nos engagements : notre Conférence témoigne-t-elle concrètement de la charité du Christ, missionnaire du Père et serviteur des pauvres ? - un lieu de la décision : la Conférence est le creuset où s’affirme notre être chrétien et vincentien. Encore une fois, ensemble, en réelle fraternité, nous faisons le point de nos visites, du suivi des personnes. Nous relisons nos actions, et nous devenons davantage responsables de nos actes personnels et en même temps collectifs. Nous agissons en Église. Personne ne roule pour soi-même, comme un isolé. Un chrétien – un Vincentien – isolé est en situation de danger. Nous devons être conscients qu’en Conférence nous portons tout ce que vivent les membres de l’équipe, visage communautaire d’Église.

Prière incarnée Monsieur Vincent ne veut pas de barrière, de cloison entre l’action et la contemplation. Nous connaissons son expression : « Quitter Dieu pour Dieu.» Ce qui signifie que notre vie est un tout. Et si notre action doit être nourrie par notre prière, notre prière doit être nourrie par notre action. Le cardinal François Marty, parlant de sa façon de prier, disait qu’il priait avec la Bible, le journal et son agenda. Une prière qui associe, qui « tricote » l’Évangile, les paroles du Christ avec l’actualité et les rencontres quotidiennes de notre vie. C’est ce que l’on appelle la prière apostolique.

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Être à l’écoute de l’appel du Christ pour y répondre en apôtre de sa Charité.


Parole de Dieu Par Juliette Asta, Vincentienne et membre du CA

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oici l’alliance que je fais avec toi… Au lieu d’être appelé Aram, ton nom sera désormais Abraham, car je fais de toi le père d’un grand nombre de peuples. » Gn 17, 3-9

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l y a, dans l’Ancien et le Nouveau Testament, bien des exemples d’hommes ou de femmes à qui Dieu, à son initiative, fait entendre son appel. La figure d’Abraham, père des croyants, marque le début de la Révélation, c'est-à-dire de la relation de Dieu à l’homme manifestée par la Parole. Abraham est le modèle de cette obéissance que nous propose l’Écriture Sainte. Autre témoin : Moïse. Dieu l’appela du milieu du buisson : « Moïse ! Moïse. Il dit : Me voici » (Ex 3, 1-14 ; 4, 10-16). Moïse a fait le choix de changer de chemin pour voir le buisson ardent. Là est le début d’une rencontre avec Dieu qui lui révèle Sa Loi. « Samuel ! Samuel ! et Samuel dit : parle, ton serviteur écoute » (1 S 3, 1-10, 19-21 ; 4, 1a). Alors qu’il dormait dans le temple, par trois fois le jeune Samuel est appelé. Il deviendra le prophète de l’Éternel. « Je te salue, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi » (Lc 1, 26-38). L’ange Gabriel apporte le message de Dieu à Marie qui, par son Fiat, va contribuer à changer l’histoire des hommes : « Voici la servante du Seigneur, que tout se passe selon ta parole. » « "Venez derrière moi, je ferai de vous des pêcheurs d’hommes."

Aussitôt, laissant là leurs filets, ils le suivirent » (Mc 1, 14-20). Jésus appelle ses premiers apôtres, Jacques et Jean, André et Pierre, qui le suivent sans hésiter et annonceront l’Évangile. Nous aussi, il nous faut parfois rencontrer un buisson ardent, quelque chose qui bouleverse le train-train de la vie quotidienne pour répondre à l’appel du Seigneur. Savons-nous discerner cet appel : en écoutant la Parole ? À travers les événements heureux ou malheureux ? À travers les autres ? Prions pour que le Père nous aide à abandonner nos idoles, nos manques de foi, nos refus de tout lui donner.

«S

oyez attentifs à ma voix. Alors je serai votre Dieu, et vous serez mon peuple ; suivez jusqu’au bout la route que je vous prescris, et vous serez heureux.»

Jr 7, 23-28

C

e passage de Jérémie nous rappelle que Dieu nous demande d’être à l’écoute de sa Parole et de partir en mission dans la joie. Jésus envoie d’abord les douze en mission deux par deux pour proclamer le règne de Dieu et faire des guérisons (Mc 6, 7-13) ; puis, les soixante-douze disciples partent à leur tour (Lc 10, 1-12, 17-20). Leur mission les remplit d’enthousiasme et ils reviennent pleins de joie. Une rencontre authentique avec le Christ incite à faire d’autres rencontres pour Le faire connaître. Comme Il a envoyé Ses disciples, Jésus envoie chacun de nous travailler à l’établissement de Son Royaume. À notre tour, nous sommes engagés par le Christ à poursuivre la mission conférée aux Apôtres à l’Ascension : « Allez donc ! Et faites des disciples dans toutes les nations » (Mt 28, 16-20). Partir en mission, c’est d’abord écouter la Parole, se convertir, évangéliser et, en tant que chrétien et Vincentien, savoir prendre aussi des responsabilités pour le service des pauvres, dans l’amour, et cela à tous les niveaux (administratif et social, matériel, psychologique, spirituel, etc.). « Ceux qui par leur talent et leur habileté professionnelle ont été capables de faire des innovations et de favoriser le bien-être de nombreuses personnes peuvent apporter une contribution ultérieure en mettant leurs compétences au service de ceux qui sont dans l’indigence. Ce qu’il faut donc, c’est un renouveau large et profond du sens de responsabilité de la part de tous » (Pape François, Forum de Davos, 21 janvier 2014). Comment vivons-nous concrètement cet envoi en mission du Christ ? Nous engageons-nous généreusement ?

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Magazine Histoire

Monsieur Vincent et Frédéric Ozanam

éveilleurs de responsabilité

Vincent de Paul, puis Frédéric Ozanam ont été des co-fondateurs et ont assumé leur mission de baptisés en coresponsabilité. Ils ont aussi, à leur façon, éveillé et appelé d’autres à prendre leurs propres responsabilités dans l’Église pour l’évangélisation des pauvres. Par Jérôme Delsinne, cm.

L

orsque Monsieur Vincent arrive à Paris en 1608, un bouillonnement agite l’Église de France de l’aprèsConcile de Trente. Face à la Réforme protestante qui plaide en faveur d’un sacerdoce intégral de tous les baptisés, les responsables catholiques sont tentés de porter leurs efforts sur le sacerdoce ministériel. Mais des hommes et des femmes rééquilibrent cette contre-réaction de la Réforme catholique. Avec eux, Vincent va tenir un rang d’importance dans le renouveau catholique du XVIIe siècle, mais va pourtant s’en démarquer au niveau de l’action.

Grand virage

Jérôme Delsinne, conseiller spirituel national de la SSVP

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Les cahiers

Sans risque de réduction, on peut dire qu’il apporte un supplément d’âme apostolique à son temps en responsabilisant et en introduisant pleinement les laïcs dans l’évangélisation et le service des pauvres. Vincent agit grâce aux laïcs et avec eux. Vincent éveille, sur le plan de la foi, la responsabilité personnelle des laïcs – tout baptisé est missionnaire – et instaure, avec eux, une coresponsabilité pour un exercice efficace de la charité en faveur des pauvres. Mais avant d’en arriver là, ce sont des laïcs qui révèlent à celui qui deviendra « le bon Monsieur Vincent » sa mission et sa responsabilité de prêtre. On l’oublie trop souvent. Ce sont des laïcs, et singulièrement des femmes, qui ébranlent le jeune prêtre qu’est encore Vincent de Paul lorsqu’il amorce le grand virage de sa vie sacerdotale. À 31 ans – il est ordonné depuis douze

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ans – il décroche la cure de Clichy et découvre d’abord la joie d’être un pasteur comblé. Cette expérience curiale d’à peine deux ans devient la « matrice » sacerdotale et missionnaire dont son âme gardera toujours le souvenir et en restera un peu nostalgique. M. le cardinal de Bérulle lui propose une entrée et une bonne place chez les grands. Il devient précepteur des enfants de Gondi, dont le chef de famille est général des Galères de France. En fait, il y rencontre surtout sa femme qui lui confie son âme. Voilà M. Vincent voyageant de château en château, au gré des déplacements familiaux. Régulièrement, il ne manque pas de se mettre à la disposition des ruraux des terres seigneuriales pour les confesser, les catéchiser ou les visiter. Le 25 janvier 1617, il est à Gannes, à douze kilomètres du château de Folleville, près d’Amiens.

Urgence missionnaire Un paysan se meurt et il est à son chevet pour recueillir ses dernières confidences. Stupeur ! À la fin de la confession, le paysan dont la réputation est bonne avoue à Mme la générale : « Madame, j’étais damné si je n’eusse fait une confession générale, à raison des gros péchés que je n’avais osé confesser. » L’étonnement est tel que la sainte femme pousse M. Vincent à l’action : dès le lendemain, à Folleville, M. Vincent se met au confessionnal et doit demander du renfort auprès des Jésuites sur Amiens. Cet épisode est d’une telle importance dans la


© Amalia de Larminat

Vincent de Paul fonde les Filles de la Charité en 1633, qui 200 ans plus tard accompagneront Frédéric Ozanam dans sa création de la Société de Saint-Vincent-de-Paul.

vie de M. Vincent qu’il est devenu la fête institutionnelle de la Congrégation de la Mission, célébrée dans le cadre de la fête de la conversion du saint apôtre Paul. Mais il est bon de remarquer que rien ne se serait passé sans l’assistance et l’insistance de Mme de Gondi. Elle est vraiment la cause première de la découverte de l’urgence missionnaire issue de la détresse spirituelle. Déjà M. Vincent missionne un peu partout, sur les terres des Gondi. Sur ces entrefaites, le cardinal de Bérulle lui propose une paroisse : Châtillon-les-Dombes. Là un autre événement arrive : « Un dimanche, comme je m’habillais pour dire la sainte messe, on vint me dire qu’en une maison écartée des autres [...] tout le monde était malade, sans qu’il restât une seule personne pour assister les autres. […] Cela me toucha sensiblement le cœur. Je ne manquai pas de les recommander au prône avec

« Monsieur Vincent a compté sur les laïcs comme les laïcs comptaient sur lui.» affection, et Dieu, touchant le cœur de ceux qui m’écoutaient, fit qu’ils se trouvèrent tous émus de compassion pour ces pauvres affligés. » Après le repas de midi, toutes les bonnes volontés se rassemblent chez Mlle de la Chassaigne et, sitôt les Vêpres célébrées, M. Vincent va visiter cette famille et il remarque : « Nous rencontrâmes sur le chemin des femmes qui nous devançaient et, un peu plus avant, d’autres qui revenaient... Il y en avait tant que vous eussiez dit des processions. » D’où cette intuition

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Magazine Histoire Vincent de Paul innovera en organisant l’action des laïcs auprès des enfants trouvés.

sous forme interrogative : « Ne pourrait-on point réunir ces bonnes dames et les exhorter à se donner à Dieu pour servir les pauvres malades ? »

Mission et responsabilité Le lendemain, huit dames se concertent et s’organisent. Le 23 août, M. Vincent leur donne un premier règlement. Il est touchant de simplicité et de précision. Châtillon est « le premier lieu où la charité a été établie. » Et depuis ce lieu, vincentien par excellence, les Charités n’ont cessé de se développer sur la base du Règlement définitif rédigé par M. Vincent et donné solennellement aux premières Dames de la Charité, en la chapelle de l’hôpital de Châtillon, le 8 décembre 1617, juste avant qu’il ne quitte définitivement sa paroisse la veille de Noël. Pour la deuxième fois, ce sont des laïcs – précisons : des femmes – qui déterminent Monsieur Vincent. Les deux piliers qui vont soutenir l’action de M. Vincent doivent leur existence à des femmes laïques. Cela doit être souligné et mis en relief aujourd’hui. Par la suite, Vincent de Paul, à son tour, révèlera aux laïcs leurs mission et responsabilité, dans l’Église et pour les pauvres. Sa responsabilité sera de s’assurer de trouver et de coor-

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donner les moyens (ressources humaines, matérielles et financières) pour continuer les œuvres de charité ou pour en créer et en faire vivre de nouvelles, comme celle auprès des enfants trouvés. Vincent organise l’action des laïcs – « servir corporellement et spirituellement » – dans l’Église en faveur des pauvres. Tout spécialement, il redonne aux femmes une mission et une responsabilité qui leur reviennent dans l’Église, surtout dans une Église pour les pauvres. Monsieur Vincent a compté sur les laïcs comme les laïcs comptaient sur lui. Il a imaginé les charités, les soins aux malades, les écoles, les hôpitaux et les secours aux galériens comme aux victimes des guerres avec des laïcs. Rien ne se serait fait sans eux et sans leurs intuitions, leurs désirs, leurs volontés et leurs prises de responsabilités. En digne héritier de saint Vincent de Paul, Frédéric Ozanam fait la même chose en confiant ses réflexions à son ami Léonce Curnier qui va fonder la première Conférence hors Paris, dans son pays natal, la ville de Nîmes ou encore dans son article de septembre 1848 « Aux gens de biens » dans lequel il rappelle aux « Prêtres français », aux « Riches », aux « Représentants du peuple » et aux « Citoyens de toutes conditions » leurs responsabilités humaines, et chrétiennes, et les invite à les assumer librement et pleinement.

De la responsabilité des laïcs Après le Concile Vatican II, le XXe siècle a assisté à une nouvelle émergence du laïcat dans l’Église. Trois développements théologiques ont joué un rôle crucial en la matière : la réflexion sur l’Église en tant que « peuple de Dieu » a souligné la coresponsabilité de tous ses membres en ce qui concerne la vie et la vitalité de l’Église. Dans ce contexte, on note ensuite une plus grande insistance sur l’appel universel à la sainteté. De la même manière, depuis qu’il a été reconnu que la mission n’est pas seulement une activité de l’Église, mais fait partie de son essence même, la théologie contemporaine a placé l’accent sur l’implication de chaque chrétien dans la mission de l’Église.


L'invité Renaud de Thé est commissaire général des Scouts d’Europe. Un mouvement catholique qui met au cœur de sa pédagogie la formation à la responsabilité, dès l’âge de sept ans avec la fameuse B-A, la bonne action quotidienne, jusqu’à l’âge adulte. Ici, à travers un engagement durable, on prône la devise « Deviens ce que tu es ». Interview. Propos recueillis par Benoît Pesme, responsable animation et formation du réseau

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Comment la pédagogie scoute prépare-t-elle à la prise de responsabilité ?

Dans un premier temps, je ne parlerai pas de prise de responsabilité, mais de réponse à un appel. Rendre service dans la famille, c’est déjà une façon de se préparer à répondre un jour à un appel. Un appel qui peut se formuler ainsi : « Acceptes-tu de…. ? » Le sens du premier appel ne saute pas aux yeux mais, dans la vie scoute, tout est fait pour que celui qui y répond puisse lire cet appel comme signe de la Providence. Je me souviens qu’à l’âge de quatorze ans mon chef de patrouille avait été viré à cause de son comportement. Mon chef de troupe est venu vers moi pour me dire : « Renaud, acceptes-tu de devenir CP (chef de patrouille) ? » J’ai répondu oui et depuis, les appels se sont suivis dans ma vie jusqu’à aujourd’hui et j’y vois vraiment un signe.

Renaud de Thé : « Un appel comme un signe de la Providence » n°208 - mars-avril 2014 - Les cahiers Ozanam

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Magazine L'invité Biographie Renaud de Thé est marié et père de huit enfants. Fort de trente ans d'expérience dans des multinationales, il a été scout, routier, puis chef de troupe pendant six ans dans les Yvelines. Après une dizaine d'années d'interruption, il a été commissaire de district à Toulouse pendant six ans, puis commissaire du district du Dauphiné de 2008 à 2012, date à laquelle il est devenu commissaire général Scout d’Europe.

La pédagogie scoute cherche à faire découvrir à chacun la place qu’il a, pour lui, et pour l’Unité à laquelle il appartient. Elle s’attache en effet à développer toutes les potentialités de la personnalité en reconnaissant à chacun des talents. Quand un jeune entre chez les scouts, il a une possibilité d’action très vaste. Cela commence par acquérir une technique et savoir la transmettre. Le topographe qui sait mener sa patrouille en raid, par exemple, a une compétence reconnue. Il reçoit le badge de topographe et ce signe, très fort, est vu par tous les autres : reconnu, il donne aussi aux autres envie de l’être à leur tour en développant une compétence et en la mettant au service de la patrouille. Un cercle vertueux se met alors en place… Le jeune est incité à s’engager et à exercer des responsabilités de toutes sortes (animation, technique, spiritualité) pour la communauté. Il ne faut négliger aucun talent. Il faut aussi bien être capable de découvrir celui d’un artiste contemplatif que d’un meneur fougueux. Le projet scout permet ce discernement. Le but est de déceler les compétences, de développer la personnalité de chacun pour qu’il devienne un adulte autonome et libre, capable de servir. Quels sont les moments de la vie où il est important de prendre des responsabilités ?

Nous avons parlé de la tranche d’âge de 8 à 17 ans, chez qui l’on développe la capacité à répondre à l’appel, à accueillir la responsabilité. À l’âge adulte vient le temps de la prise de responsabilité. On le voit chez les aînés, routiers et guides prennent un engagement pour répondre prêts et rendre service, dans la continuité de ce qu’ils ont appris à développer dans le scoutisme. Il est aussi

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Comment donne-t-on envie à un jeune de se lancer ?

courant de les voir s’engager dans des actions caritatives, sociales, auprès de leurs frères. Mais attention, on ne s’engage jamais seul. Les Guides et Scouts d’Europe accordent une attention particulière à l’accompagnement dans leur prise de responsabilités. Même si la personne a l’envie, la force pour relever le défi, elle ne doit pas être seule et elle doit se former. Nous délivrons ainsi mille quatre cents formations par an, qui sont redistribuées dans les unités. Nous organisons pour ceux qui sont appelés à prendre des responsabilités des « Camps École Préparatoire » et les chefs ont des formations tout au long de l’année, en soirée ou en week-end. Sans vouloir mettre la pédagogie scoute au-dessus des autres, c’est une des rares qui prend en compte toutes les dimensions de la personne au fur et à mesure de la


«Même si la personne a l’envie, la force pour relever le défi, elle ne doit pas être seule et elle doit se former.

»

© Cheval-Espérance

Nous sommes dans le domaine du bénévolat. Comment transpose-t-on cette vie scoute dans la vie professionnelle ?

Pour moi, je pense que les notions de loyauté, de confiance méritée, de respect mutuel, de la place centrale de l’humain sont des éléments qui transparaissent nécessairement lorsqu’un ancien scout exerce sa vie professionnelle. Comment conjuguez-vous votre vie professionnelle et votre engagement ?

Les Commissaires généraux des Scouts et Guides d’Europe s'engagent à servir leur mouvement et à poursuivre leur formation personnelle pour assurer au mieux ce service.

croissance, dans une juste progression. La B-A, la bonne action, est une expression qui peut faire rire, mais c’est un appel à prendre une responsabilité chaque jour, une bonne habitude pour le reste de la vie. L’appel, les talents, ce sont des mots qui renvoient explicitement à l’Évangile. Comment intégrez-vous la dimension spirituelle ?

Elle est au cœur de notre projet en tant qu’organisation scoute catholique : « Je réponds parce que j’ai été appelé. » Et pour nous, il est clair que la vocation qui correspond à cet appel est bien plus vaste que le scoutisme. Cette pédagogie n’est pas une fin en soi. Elle prône le « deviens ce que tu es ». Pour moi, lorsque j’ai dit oui pour devenir commissaire général, il est clair que j’ai répondu à un talent que le Seigneur m’a donné.

C’est un peu particulier dans mon cas puisqu’un jour après avoir dit oui à cette mission, j’ai reçu ma lettre de licenciement de mon employeur, une entreprise industrielle dans laquelle j’avais des responsabilités importantes. Attention, il n’y a pas de relation de cause à effet, c’était une coïncidence. Il m’a fallu un an et demi pour arrêter mes recherches d’emploi dans ce secteur et, puisque j’ai un talent d’éducateur, décider d’orienter ma recherche vers la fonction de chef d’établissement dans l’Enseignement catholique. Il y a une continuité, je dirai une unité entre mes engagements et ma vocation, et cette unité fait de moi un homme heureux.

Infos Pour en savoir plus : www.scouts-europe.org Eurojam 2014 : 10 000 scouts venus de toute l’Europe ont rendez- vous du 3 au 10 août en Normandie à Saint-Évroult-Notre-Dame-du-Bois près de Lisieux. Infos sur www.eurojam.eu

n°208 - mars-avril 2014 - Les cahiers Ozanam

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Magazine Agenda Agenda national 1er avril Présentation du projet associatif aux présidents de Conférences de Paris 3-4 avril Formation et rencontre des animateurs de région 10 avril Déjeuner des présidents de CD 25-26 avril Conseil d’administration 10-11 mai Formation des animateurs spirituels 16 mai Déjeuner des présidents de CD 29 mai -1er juin Rencontre nationale des jeunes (Dax) 14 juin Assemblée générale de la SSVP France

évreux (CD 27)

Vannes (CD 56)

12 avril Bol de soupe sortie de Carême, avec collecte au profit de la Conférence (étrepagny)

2 avril Après-midi récréatif pour les enfants au Palais des Arts de Vannes. Animations, goûter, en partenariat avec la CroixRouge, le Secours catholique et les Restaurants du cœurCD27)

Toulouse (CD 31) Mai Visite au zoo avec parents et enfants bénéficiaires de la distribution de colis alimentaires Dax (CD 40) Dès mi-mars Ouverture d’une salle « hors sac » accueillant les personnes aux moyens limités lors de leur pause déjeuner

Lille (CD 59) 12 avril Concert au profit de l’Accueil « Frédéric Ozanam » avec le Chœur « Chante-Vie » (Marcq-en-Barœul) Clermont-Ferrand (CD 63) 20 avril : Déjeuner

fraternel pour les personnes en solitudeRsurYon

débat sur la solitude organisé par l’équipe de solidarité diocésaine

Lyon (CD 69)

1er août Envoi en vacances de dix enfants de 6 à 16 ans, accompagnés par une Fille de la Charité

12 avril Goûter mensuel des personnes âgées organisé par les jeunes Poitiers (CD 86)

Animation du réseau et formations L’animation et le développement du réseau sont assurés en particulier par les commissions développement (fiches actions) et formation, respectivement animées par Migueline Houette et Yvette Camilleri. Le correspondant de ces commissions est Benoit Pesme : benoit.pesme@ssvp.fr - 01 42 61 06 57 Les formations de présidents de CD se déroulent à Paris deux fois par an. Les formations de présidents de Conférence se déroulent dans les CD à leur initiative. Cinq modules sont déjà opérationnels : le Vincentien, le président de Conférence, le président de CD, créer et développer une Conférence, la communication. La commission spiritualité a aussi lancé 4 sessions de formation des animateurs spirituels laïques (Partage Solidarité Accueil 57 rue Violet, 75015 Paris) :

Retrouvez l'agenda sur le site www.ssvp.fr

15-16 mars 2014

10-11 mai 2014

13-14 sept. 2014

29-30 nov. 2014

Pour toute information, contacter Valérie Grabé valerie.grabe@ssvp.fr 01 42 92 08 15

Les cahiers

27 septembre Soirée ouverte au public avec projection du film « Monsieur Vincent »

27 mai Après-midi convivial pour les personnes isolées avec participation Sens (CD 89) de 60 collégiens : messe, Tous les lundis chorale, tombola, goûter Repas partagé avec (Châtellereault) 20 personnes démunies Limoges (CD 87) suivi d’un après-midi jeux 24-25 mai Intervention de Katia Duclos du CD 33 au

4-5 juillet Conseil d’administration

Chèques-vacances

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Agenda des régions

Les Cahiers Ozanam, revue de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, 120, avenue du Général Leclerc, 75014 Paris www.ssvp.fr Directeur de la publication : Bertrand Ousset l Rédactrice en chef : Capucine Bataille l Rédacteurs : évelyne Ahipeaud, Juliette Asta, Capucine Bataille, Bertrand Decoux, Jérôme Delsinne, Bénédicte Jannin, Clotilde Lardoux, Benoît Pesme, Bertrand Ousset, Jean-Claude Peteytas. l Ont participé à ce numéro : Marie-Aude Ferry, Valérie Grabé, P. Hervé Legrand, Sophie Rougnon, Raphaëlle Simon, Julien Spiewak. l Service abonnements : Clotilde Lardoux, 01 42 92 08 17 l Photo de couverture : OCH. l Fabrication / production : CLD, 33, avenue du Maine, 75015 Paris l Graphisme : Florence Vandermarlière. l Impression : Imprimerie de Champagne, Z.I. les Franchises, 52200 Langres l Numéro CPPAP : 310G79517 l Dépôt légal : Mars 2014 – n°208 – 03/2014. l ISN : 1965 2917 l Abonnement 1 an, 5 numéros : 13 € l Toutes vos informations et photos sont à envoyer à la rédaction huit semaines avant la date de parution (édition sous réserve d’espace) à capucine.bataille@ssvp.fr

Ozanam - n°208 - mars-avril 2014




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