standard 23 cosmos 2009 avril/mai/juin 2009. 4,90 euros france, 5 euros europe, £5 united kingdom, f7,90 suisse, $12.95 can/usa
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cosmos 2009
L'infini droit devant
Faut-il conquérir l'espace ? Buzz Aldrin & le complot lunaire
N.A.S.A. Trekkies Jean-François Clervoy & le spleen des astronautes
SPACE OPERA
Exoplanètes
Petits Gris 21.12.2012 Onzième Dimension
Futurama
Tristan Garcia & les chimpanzés de l’espace
+ Atom Egoyan • Jeremy Scott • Mirwais & YAS • Laurent Grasso • Anaïs Demoustier • Kaïra Shopping Laurent Joffrin • Ivan Brunetti • Joey Goebel • Melvin Van Peebles Cover.indd 1
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STANDARD n°23 sommaire
matière
matière
CAHIER INTERVIEWS
DOSSIER REMUE-MÉNINGES
comestible Miettes sur le clavier
7jec ;]eoWd 20 Salade César
7dW i :[cekij_[h 22 Grec-vannes sauce piquante
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grise
Objectif Lune Enquête Buzz Aldrin & la conspiration 28 Mode April77 & le canular 32 Automobile Jeeps Apollo 34 Géopolitique Conquête chinoise 36 Psychologie Spleen spatial 38 Entretien Jean-François Clervoy 40 Tourisme Like a Virgin 44 Featuring Tristan Garcia 46 Portfolio Julien Kedryna 50
2001+8 L’Odyssée de l’Espace Fin du monde 21.12.12 54 Objets trouvés Exoplanètes 56 Physique Les onze dimensions 58 Ufologie Les petits gris 62 Littérature Maurice G. Dantec 66 Très haute couture Raël 67 Longue Vie et Prospérité Sportwear Beam me up, Scotty! 68 Société Trekkies 70 Cinéma Space opera 72 Télévision Futurama 74 Collections Space Art 76 DVD Wall-E & Cosmos 1999 78 Couture Marque attacks 80 Portfolio Théo Mercier 82
Symphonies cosmiques 00 N.A.S.A. 88 00 Joachim Montessuis 90 80 Beppe Loda 91 80 Sonic Boom 92 60-70 Jean-Pierre Massiera 93 50-70 Sun Ra 94 -500 av JC Musique des sphères 96
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STANDARD n°23 sommaire
matière
matière
CAHIER RÉTRO
CAHIER CHRONIQUES
recyclable Reminiscences
Notorious B.I.G. 102 Automobile de légende
La MG A d’OSS 117 104 Relecture
Kenneth Cook 106 Vieux génie
Melvin Van Peebles 108
matière
vivante
CAHIER ARTS DE VIVRE Ecologie
Les déchets de l’espace 114 Gastronomie
Les Lapins Techno croquent Berlin 116 Sélection
Imports-experts 118
première Paillettes – Mode Jeremy Scott, Prada, Alexandre Vauthier 178 Players – Jeu vidéo Resident Evil 5, Madworld, 50 Cent : Blood On The Sand 182 Palettes – Art Laurent Grasso, Julien Prévieux, Paul Graham Alain Bublex, Ulla Von Brandenburg 184 Paraboles – Médias Laurent Joffrin 194 Planches – Théâtre Gwenaël Morin, Vincent Macaigne 200 Platines – Musique We Are Enfant Terrible, Mirwais et YAS, Titus Andronicus, Bab Assalam, Cineplexx 204 Papiers – Littérature Joey Goebel, Tom McCarthy, Ivan Brunetti 210 Pellicules – Cinéma Synecdoche, New York, Ils mourront tous sauf moi, The Proposition + DVD 218
matière
synthétique CAHIER MODE
« les modes passent, le style jamais » Coco Chanel BEAUTÉ par Lucille Gauthier 122 COSMIC THANG par Armelle Simon 128 MAY THE CIRCLE REMAIN UNBROKEN par Caroline de Greef 134 LE RÊVE DE L’ASTRONAUTE par Pictures & co 138 ESPACE OUVERT par Julia Champeau 150 SUNSET EMPIRE par Andrea Crews 162 OUR LITTLE FRIENDS FROM OUTER SPACE par Chloé Fabre 166
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STANDARD n°23 who's who
rédaction en chef Magali Aubert* & Richard Gaitet* direction artistique David Garchey* mode Consultant Olivier Mulin Accessoires Armelle Simon* beauté Lucille Gauthier* musique Guillaume Leroyer* arts vivants Mélanie Alves De Sousa cinéma Alex Masson art Patricia Maincent* multimedias Benjamin Rozovas livres François Perrin*
STANDARD MAGAZINE 69 rue des Rigoles, F-75020 Paris T + 33 1 43 57 14 63 standardmagazine.com
iconographie Caroline de Greef secrétaire de rédaction Anaïs Chourin publicité et partenariats David Herman* *prénom.nom@standardmagazine.com rédacteurs Timothée Barrière, Gilles Baume, Julien Bécourt, Julien Blanc-Gras, Sébastien Broquet, Timothée Chaillou, Estelle Cintas, Eléonore Colin, Yan-Alexandre Damasiewicz, Damien Delille, Jean-Emmanuel Dubois, Margaux Duquesne, Tristan Garcia, David Gil, François Grelet, Bertrand Guillot, Guillaume Houssaye, Eric Le Bot, Charline Lecarpentier, Fanny Menceur, Sébastien d’Ornano, Valérie Paillé, Wilfried Paris, Tristan Ranx, Nicolas Roux, Côme de Selva, Jean Soibon, Alexis Tain, Fatiha Temmouri, Pacôme Thiellement, Stéphanie Vidal, Delphine de Vigan, Karim Zehouane stylistes Lala Andrianarivony, Chloé Fabre, Sarah Montfort photographes Blaise Arnold, Aurélien Awel Ivars, Romain Bernardie James, Mathieu Briand, Julia Champeau, Martin Cole, Charlotte Collet, Chloé Fabre, Caroline de Greef, Ilanit Illouz, Delphine Micheli, Pictures & co, Jean-Marc Ruellan, Tom[ts74] illustrateurs Jean-Baptiste Bernadet, Carsten Oliver Bieräugel, Sylvain Cabot, Thomas Dircks, Hélène Georget, Julien Kedryna, Roxane Lagache, Théo Mercier, Noémie Rosset remerciements Myriam Détruy, Le Coq sportif, Jean-Paul Paillé, Fany Rognogne (à vie) en couverture Photographie Julia Champeau Stylisme Lala Andrianarivony Robe Richard René Directrice de la publication Magali Aubert. Standard est édité par Faites le zéro, SARL au capital de 10 000 euros et imprimé par Publiprinting bvba, Kleimoer 6 B - 9030 Mariakerke, Belgique. Trimestriel. CP1112K83033. N°ISSN 1636-4511. Dépôt légal à parution. Standard magazine décline toute responsabilité quant aux manuscrits et photos qui lui sont envoyés. Les articles publiés n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction réservés. © 2009 Standard.
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STANDARD n°23 edito
400 ans après Galilée, 40 ans après Neil Armstrong, les planètes s’alignent en osmose avec le cosmos : le printemps 2009 sera constellé d’étoiles, de navettes spatiales et d’astronautes mélancoliques.
L'infini droit devant
« Car si la Terre est ronde Et qu’ils s’y agrippent Au-delà, c’est le vide. » * Je regarde par le hublot : le café d’en face, en travaux, a sorti sur le trottoir un grand portrait noir, vert et blanc de Youri Gagarine. Pendant la durée nécessaire à la mise sur orbite de ce numéro, en tirant les rideaux, Youri qui sourit est la première image que je perçois du monde extérieur. Tous les matins je songe à ce Russe de 27 ans qui fut le premier homme à voyager cent huit petites minutes dans l’espace. Je me demande s’il a pleuré, en revenant. « Il y a dix mois, un rapport atteint mes oreilles qu’un certain Belge avait construit une longue-vue par laquelle des objets, quoique très distants de l’œil de l’observateur, étaient aussi distincts que s’ils étaient proches. » En décembre 1609, l’astronome italien Galilée, bon vivant célébrant l’amitié,
le vin, la bonne chère et les femmes – un honnête homme, en somme – construit sa propre lunette et découvre des montagnes sur la Lune, quatre satellites à Jupiter, et aussi Saturne, des tâches sur la surface du Soleil, et Venus, première à éclairer la nuit. Je me demande s’il a rit, à un moment. Puis les occurrences interstellaires ont déferlé : deux satellites entrent en collision – fait rarissime – trois semaines avant que la Chine ne pose sa première sonde là où Buzz Aldrin, tout de suite dans ce magazine, marcha très élégamment, tandis que le nouveau Star Trek arrive en mai, que le prix du ticket suborbital devrait baisser fin 2009 et que la pop revisite tout un imaginaire cosmique. Je me demande si Gagarine ne se paye pas un tout petit peu ma tête. Je regarde à nouveau par le hublot. Youri n’est plus là. Décollage. — Par Richard Gaitet * Tiré de Bleu Pétrole d’Alain Bashung (19472009).
Photographie Romain Bernardie James et Charlotte Collet
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ans le splendide Adoration, un ado sâ&#x20AC;&#x2122;invente un père terroriste et scandalise le Net. Familier des thĂŠmatiques identitaires, le Canadien Atom Egoyan, 48 ans, rĂŠcompensĂŠ Ă Cannes pour Exotica et De beaux lendemains, nous ĂŠclaire joliment par mail.
et dirigĂŠ Adoration, qui ĂŠvoque des gens qui abusent de la technologie pour crĂŠer une sĂŠrie de mythologies personnelles. Il y est aussi question, vous avez raison, de transmission de lâ&#x20AC;&#x2122;histoire familiale, sujette Ă toutes sortes de dĂŠfis. Ces transmissions sont parfois directes (les gens se racontent des histoires) ou se font Tout dâ&#x20AC;&#x2122;abord, afin de souligner lâ&#x20AC;&#x2122;usage de la web cam par lâ&#x20AC;&#x2122;intermĂŠdiaire dâ&#x20AC;&#x2122;artefacts (des dĂŠcorations, des dans Adoration, pourriez-vous vous dĂŠcrire, ainsi que photosâ&#x20AC;Ś). Certains rĂŠcits sont consacrĂŠs, dâ&#x20AC;&#x2122;autres lâ&#x20AC;&#x2122;endroit oĂš vous-trouvez ? sont dĂŠtruits. Les mythes sont un arrangement avec le Atom Egoyan : Je suis dans mon bureau. Jâ&#x20AC;&#x2122;adore cette passĂŠ â&#x20AC;&#x201C; rĂŠel ou imaginaire â&#x20AC;&#x201C; qui renforce une culture ou, pièce car il y a des fenĂŞtres sur le cĂ´tĂŠ et une autre juste dans le cas du film, les valeurs et les aspirations les plus devant, et tandis que je regarde mon ĂŠcran, je peux profondes dâ&#x20AC;&#x2122;une famille. aussi jeter un Ĺ&#x201C;il au dehors. Bien quâ&#x20AC;&#x2122;il sâ&#x20AC;&#x2122;agisse dâ&#x20AC;&#x2122;un jour Jusquâ&#x20AC;&#x2122;oĂš votre identitĂŠ canadienne pèse-t-elle dans la glacial Ă Toronto, lâ&#x20AC;&#x2122;esprit du printemps est vaguement vision dâ&#x20AC;&#x2122;un monde post-multiculturel ? dans lâ&#x20AC;&#x2122;air. Je reviens tout juste dâ&#x20AC;&#x2122;une balade avec Lâ&#x20AC;&#x2122;idĂŠe canadienne dâ&#x20AC;&#x2122;une sociĂŠtĂŠ multiculturelle, ArsinĂŠe [Khanjian, sa tolĂŠrante et intĂŠgratrice femme, premier rĂ´le est un mythe prĂŠcieux fĂŠminin dâ&#x20AC;&#x2122;Adoration]. Ă travers lequel jâ&#x20AC;&#x2122;ai Âť A:H <:CH DCI G:8DJGH Je porte un jean noir, ĂŠtĂŠ ĂŠlevĂŠ. En tant Âż 9:H 68I:H BDCHIGJ:JM un haut en coton, et quâ&#x20AC;&#x2122;immigrant de la ADGHFJĂ&#x2030;>AH DCI wIw EG>KwH jâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠcoute un CD de première gĂŠnĂŠration 9: A:JG EGDEG: =>HID>G:# Âź Django Reinhardt assimilĂŠe [Atom Egoyan intitulĂŠ Two Is est nĂŠ au Caire et 7JEC ;=EO7D Company, compilant dâ&#x20AC;&#x2122;origine armĂŠnienne], tous ses duos en cela a eu un effet studio de 1937 Ă 1942 â&#x20AC;&#x201C; profond sur mon travail. Ă lâ&#x20AC;&#x2122;instant mĂŞme, il joue avec StĂŠphane Grappelli. Les mythes sont si lourds de sens que lâ&#x20AC;&#x2122;on vit et meurt La musique est entraĂŽnante et je suis de bonne humeur. avec eux. Ce sont des cartes grâce auxquelles les cultures Sur le thème du dĂŠni, de la famille et du rapport aux naviguent Ă travers le temps. images, Adoration apparaĂŽt comme un retour Ă vos La première partie se focalise sur une tragĂŠdie nâ&#x20AC;&#x2122;ayant dĂŠbuts : Family Viewing [1987], The Adjuster [1991]. pas eu lieu, et ses rĂŠactions rĂŠelles. Aimeriez-vous Comment votre travail a-t-il ĂŠvoluĂŠ ? rĂŠinventer, comme Simon, vos souvenirs ? Comme pour ces prĂŠcĂŠdents films, jâ&#x20AC;&#x2122;ai ĂŠcrit, produit Venant dâ&#x20AC;&#x2122;une autre culture, jâ&#x20AC;&#x2122;ai rĂŠinventĂŠ complètement
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La connexion permanente est-elle désormais indispensable à l’homme ? La connexion technologique est notre condition moderne. C’est à la fois notre salut et notre malédiction. Nous sommes connectés dans la conscience, et aussi dans la passivité. L’action vraie se produit à travers le désir ardent de se connecter à quelque chose de plus grand que nous – et cette connexion est notre summum. Mais comment peut-on passer à l’action quand on est constamment distrait par, précisément, ce qui nous permet de nous connecter si intimement ? Le cinéma est-il toujours le meilleur moyen d’exprimer le deuil ? Le cinéma sert à se perdre soi-même. Ce n’est donc pas le moyen parfait pour exprimer le deuil. Enfin, où en êtes-vous de votre remake de Nathalie [Anne Fontaine, 2003], et quels sont vos objets d’adoration, en ce moment ? En ce moment, j’adore vraiment passer du temps avec notre fils de 15 ans, et travailler sur ce script [avec Julianne Moore et Liam Neeson, sur une femme embauchant une prostituée pour analyser le désir de son mari] que j’ai rebaptisé Chloé. Pour la première fois, les acteurs et l’équipe technique sont venus me voir en me disant qu’ils n’avaient rien compris, jusqu’à ce que tout soit assemblé. Je joue aussi beaucoup de guitare classique, un instrument dont je suis amoureux ; et j’écoute ce guitariste français très intéressant, Noël Akchoté. —
ADORATION A: &* 6KG>A
certains aspects de ma vie. Quelqu’un qui se dirait complètement assimilé a conscience que notre caractère est assez probablement un concept. Sabine, le professeur de Simon, l’encourage à élaborer une version alternative de lui-même afin d’explorer des problèmes irrésolus dans sa vie. Le mot « monstre » revient quatre fois pour désigner les terroristes. C’est ainsi que vous les définiriez, puissants, déshumanisés, terrifiants et incroyables ? Mes trois personnages – d’une certaine manière – utilisent les autres pour commettre des actes de résistance qu’ils n’étaient pas préparés à commettre eux-mêmes. Sabine se sert de Simon, Tom est hanté par la manière dont il s’est servi de Sami (« je voulais qu’il explose pour moi ») et Simon utilise la figure du père terroriste (qui utilise lui-même sa propre femme, son amour, comme un détonateur) pour explorer sa propre histoire niée. Ainsi, les gens ont recours à des actes monstrueux lorsqu’ils ont été privés de leur propre histoire. Comment acceptez-vous l’idée que vos œuvres soient téléchargées ? J’en suis venu à accepter que l’expérience cinématographique sera toujours altérée par les nouvelles technologies. Avez-vous vu mon court métrage Chacun son cinéma, réalisé pour le soixantième anniversaire du festival de Cannes ? Vous aurez la réponse !
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vec, à 21 ans, une filmographie longue comme ses cheveux, Anaïs Demoustier a été nommée « meilleur espoir » en… 2009 ! Le jury des Césars aurait-il des problèmes de vue ? Correction brûlante avec le premier rôle de Sois sage, sur l’inceste, dans la lignée de ses troublants précédents.
héroïnes ont vraiment des choses à défendre. Je m’en rends compte parce que je sors de l’adolescence, ce moment où il faut s’éloigner de tout ce qui nous a construits pour faire ses propres choix. Pour une actrice, les ados, c’est génial. Les rôles d’adultes sont plus carrés, ont un chemin plus tracés. Il faudra vous y faire… Nous sommes trois jours après les Césars. Vous Oui, mais comme je fais assez jeune, on m’en propose avez souvent joué des personnages en quête de encore ; sous peu, ça ne marchera plus. Dommage, reconnaissance. La recherchez-vous ? j’aime les films sur des filles qui se posent des questions Anaïs Demoustier : Mon plus grand plaisir n’est pas sur leur place dans le monde, ceux des frères Dardenne d’aller aux Césars, mais de tourner, rencontrer des [Rosetta, L’Enfant] ou d’Abdellatif Kechiche [L’Esquive, réalisateurs et des personnages. Maintenant, un César, La Graine et le Mulet]. Je ne crois pas que le cinéma pour une jeune actrice, c’est un signe d’encouragement. puisse changer le monde, mais il peut contribuer à avoir A-t-on encore besoin d’encouragements quand on un regard plus franc sur lui. tourne depuis l’âge de 14 ans ? Cette maturité vous pousse-t-elle vers des films Je suis consciente d’avoir beaucoup de chance, c’est un audacieux comme Sois sage ou L’Enfance du Mal métier des plus aléatoires qui peut s’arrêter du [Olivier Coussemacq, sortie non confirmée] ? jour au lendemain. C’est une manière J’ai assez peur de de parler autrement ça, au point de de la jeunesse. Ces l’avoir toujours en adolescentes n’ont » :IG: CDBBw: 6JM 8wH6GH tête. Ma nomination pas un comportement ¿ '& 6CH! 8É:HI JC E:J m’a confortée, dans la normal JC: ;DGB: 9É67DJI>HH:B:CI# ¼ mesure où, jusque-là, à cause de leur enfance. 7D7áI :;CEKIJ?;H mes films sont restés Leur folie, leurs confidentiels. souffrances, Comment expliquezça m’intéresse. Les vous que la majorité premiers journalistes de vos personnages soient dans l’action, en réaction qui ont vu Sois sage le trouvent amoral. face Evidemment, ça parle de l’inceste. Mais ça raconte à leur environnement ? surtout comment trouver la force d’y survivre. Aucune idée. C’est vrai, j’ai principalement joué Et Hellphone [James Huth, 2007, teen movie avec un dans des drames, alors que je suis d’un naturel gai. téléphone et Jean-Baptiste Maunier] ? Généralement, les adolescentes sont montrées comme J’ai très peu tourné des comédies grand public comme superficielles, rebelles pour des choses futiles. Mes celle-là. Le rôle s’apparentait presque plus
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Ă du thÊâtre : je portais une perruque, je pouvais me lâcher. Jubilatoire. Quâ&#x20AC;&#x2122;est-ce que ces rĂ´les vous ont appris sur votre adolescence ? Si mes personnages sont souvent en plein conflit [voir encadrĂŠ], je nâ&#x20AC;&#x2122;ai jamais eu de rapports de force avec mes parents. Ce qui tient Ă la famille me passionne. Jâ&#x20AC;&#x2122;adorerais jouer une histoire de frère et sĹ&#x201C;ur, dâ&#x20AC;&#x2122;ailleurs. Vous avez dĂŠjĂ un beau passif de comĂŠdienne. Câ&#x20AC;&#x2122;est bien, face Ă la surconsommation de jeunes acteurs du cinĂŠma ! Câ&#x20AC;&#x2122;ĂŠtait bien pour grandir moi-mĂŞme. Jâ&#x20AC;&#x2122;ai assimilĂŠ pas mal de techniques, je sais pourquoi je choisis un rĂ´le. Ă&#x2021;a brasse très vite chez les jeunes acteurs, surtout chez les filles qui, passĂŠ le premier coup de projecteur, ont des difficultĂŠs pour durer. Je nâ&#x20AC;&#x2122;ai pas encore ĂŠtĂŠ trop exposĂŠe, si ça arrive, jâ&#x20AC;&#x2122;aurai la confiance acquise dans mon expĂŠrience. Mais je nâ&#x20AC;&#x2122;arrive pas Ă imaginer ma vie dâ&#x20AC;&#x2122;actrice Ă 30 ou 40 ans. Jâ&#x20AC;&#x2122;ai revu un extrait du Temps du Loup [Michael Haneke, 2003], câ&#x20AC;&#x2122;ĂŠtait marrant de voir les traces quâ&#x20AC;&#x2122;a dĂŠjĂ laissĂŠes mon mĂŠtier. â&#x20AC;&#x201D;
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u tĂŠlĂŠ-achat pour les lascars. Depuis fin janvier sur Canal+ DĂŠcalĂŠ, Abdelkrim, Moustène et Momo refourguent des loups, des moteurs dâ&#x20AC;&#x2122;hĂŠlicoptère et des poupĂŠes nique ta mère. C'est super drĂ´le et si tu lis pas cet article, ils viennent chez toi et dĂŠfoncent tout.
banlieue nâ&#x20AC;&#x2122;a fait de meilleur film sur le sujet. On a fait des projos devant la presse hip hop, des pirates qui boivent avec des dents en moins : barres de rire, Kery James, Zao et Psy 4 de la Rime ĂŠtaient bouche bĂŠe, ils ont tous kiffĂŠ. Et Joey Starr est OK pour faire guest â&#x20AC;&#x201C; enfin, dans quelques mois. Dâ&#x20AC;&#x2122;oĂš vient le concept ? Franck : Je rĂŠalisais des sketchs pour Mouloud sur MTV dans lesquels jouaient Mehdi et Jib. Ă&#x2021;a sâ&#x20AC;&#x2122;arrĂŞte, on propose plusieurs idĂŠes et la seule qui fait marrer, câ&#x20AC;&#x2122;est KaĂŻra Shopping. Tout le monde, du grand patron Ă la secrĂŠtaire, dit ÂŤ salut bande de bâtards Âť Ă la machine Ă cafĂŠ. Mais entre Rihanna et Mariah Carey, trop trash. Ă&#x2021;a reste deux ans dans les disques durs avant que Canal lâ&#x20AC;&#x2122;insère dans Groland. Influences ? Franck : Les Monty Pythons. A part la sĂŠrie animĂŠe Les Lascars, sur le sujet, câ&#x20AC;&#x2122;est dĂŠsert. Jamais vu de comique qui imite bien les cailleras. Medhi : Sauf chez Drucker. Un mec de 45 ans [Laurent Gerra] qui fait yoooooo avec une casquette de travers et le doigt en lâ&#x20AC;&#x2122;air. Et Jamel ? Franck : Pas la mĂŞme chose. Il raconte sa vie, ses potes. Jib : En trafiquant le vocabulaire. Franck : On fait pire. Câ&#x20AC;&#x2122;est un concentrĂŠ de tous les trucs abusĂŠs qui nous font marrer : les dĂŠfauts, les mimiques, les rĂŠflexions. Le plus marrant câ&#x20AC;&#x2122;est pas le vulgaire, câ&#x20AC;&#x2122;est lâ&#x20AC;&#x2122;absurde, un loup attrapĂŠ avec une ĂŠpuisette. Au Jamel Comedy Club, les mecs ne parlent que dâ&#x20AC;&#x2122;eux : le Chinois raconte ses histoires de Chinois, le Rebeu de Rebeus. Jamel nous fera marrer Ă vie, le Club, non. Tu rĂŠcupères oĂš les expressions ? Franck : Suffit de les ĂŠcouter. ÂŤ Tâ&#x20AC;&#x2122;as vu ? Âť se transforme petit Ă petit en ÂŤ taaaaaaa Âť. ÂŤ Cousin Âť, on le dit plus. On dit ÂŤ frère Âť, mĂŞme si le mec il est mĂŠchant : ÂŤ Je vais
Ces deux minutes de tĂŠlĂŠshopping pour cailleras, câ&#x20AC;&#x2122;est un succès, on dirait ? Franck Gastambide (Moustène) : Ă&#x2021;a a lâ&#x20AC;&#x2122;air de prendre. On a mis le temps pour trouver les gens qui avaient les couilles de le diffuser. On ĂŠtait hier sur Le Mouv', ils connaissaient les rĂŠpliques. Bien sĂťr, on nâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠchappe pas Ă ÂŤ pensez-vous donner une mauvaise image de la banlieue ? Âť Quand lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠpisode ĂŠtait en page dâ&#x20AC;&#x2122;accueil de Dailymotion, les rĂŠactions ĂŠtaient flippantes, super premier degrĂŠ : tu reçois des mails de gens qui pensent quâ&#x20AC;&#x2122;on vend vraiment des loups. Jib (Momo) : Ou quâ&#x20AC;&#x2122;on fait monter lâ&#x20AC;&#x2122;extrĂŞme-droite. Franck : Les rageurs, les cailleras ĂŠpluchent ton CV, sĂťrs que tu viens pas dâ&#x20AC;&#x2122;une citĂŠ. Manque de pot : on tourne en bas de chez lui, câ&#x20AC;&#x2122;est rĂŠglĂŠ. Medhi Sadoun (Abdelkrim): Centre commercial de Parly 2, Paris 13e, quartier chinois. Une tour privĂŠe oĂš, Ă 10 ans, je me faisais squatter mon vĂŠlo par un mec de 18 ans avec sa grosse gueule qui regardait Ă droite Ă gauche sâ&#x20AC;&#x2122;il se faisait pas cramer Ă dĂŠpouiller un petit. Franck : Tu peux pas tricher : les fringues que je mets, câ&#x20AC;&#x2122;est celles de mes potes du 7-7 : survĂŞt bordeaux Lacoste intĂŠgral, banane, et la casquette, câ&#x20AC;&#x2122;est la mienne. Tu vois, on nâ&#x20AC;&#x2122;est pas dĂŠguisĂŠs. Ă&#x2021;a soulève des questions de lĂŠgitimitĂŠ : tâ&#x20AC;&#x2122;es qui pour rire de ça ? Franck : Faudrait se justifier comme quand Kassovitz â&#x20AC;&#x201C; quâ&#x20AC;&#x2122;on a vendu dans un ĂŠpisode, ficelĂŠ dans le bois de Vincennes, pour filmer les mariages â&#x20AC;&#x201C; fait La Haine [1995]. Sauf que jusquâ&#x20AC;&#x2122;Ă maintenant, pas un mec de
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KAIRA SHOPPING de chasteté pour pas te faire AJC9> ¿ ''=(% domeso en sonpri. Mais ils n’ont 86C6A 9w86Aw pas laissé passer Katsuni, qui vient récupérer un moulage dans sa chatte. Pareil pour les godes, alors qu’il y en a dans La Redoute ! Et on s’est autocensuré sur le GHB… mauvaise ambiance. Et les blagues avec Jib ? Franck : Je connais pas beaucoup de nains aussi drôles que lui. Mais on nous a un peu demandé de lever le pied là-dessus. Jib : Ils avaient peur que Franck m’exploite, ils croyaient que je fermais ma gueule, que j’étais une victime. Medhi : Alors que c’est lui la caillera ! Jib : J’aime faire ça. J’ai envie de donner l’exemple aux p’tits. Ça peut les aider à se défendre. La suite ? Franck : Canal veut qu’on prépare la saison 2. Notre sponsor, Pepsi, nous confie leur campagne télé. Ce sera vraiment Jib la star. C’est culotté. Ça va passer partout, câble, TNT... En même temps, ils ont pas les moyens de se payer Omar et Fred ! —
te défoncer, frère. » Ou « la famille », à toutes les sauces (« ça fait plaisir la famille », « bien ou bien la famille ? »). Tout est écrit ? Franck : Tout. Il y a juste Medhi qui free-style. Medhi : J’ai le rôle du fainéant. Lui, il argumente sur pourquoi acheter un fusil, mais on comprend à peine c’ qu’il dit. Moi je fais le lien avec le spectateur, et c’est pas mieux. Vous vendez parfois des ours, des dromadaires. Franck, tu es aussi dresseur d’animaux ? Franck : C’est mon premier métier, ouais. A 17 ans, les pit-bulls et les rottweilers, c’était ma came. Quand je me réécoute avec mes potes, on disait : « Mon pitt, il a une tête de loup ! Des dents de ouf ! » Si tu pousses un peu, les mecs rêvent d’avoir un ours. Alors on a tourné un épisode avec un ours, sans sécurité. J’ai vraiment eu un ours pendant cinq ans, je lui donnais le biberon. Je peux plus le toucher maintenant, il va me défoncer. Où sont les limites ? Franck : Canal a été plutôt cool : dans les prochains, on vend du sperme, un fauteuil roulant, une ceinture
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matière grise le dossier standard
L'infini droit devant
QUI A DIT QUOI ?
Réponses au fil de ce dossier
1 « Sur Mir, certains passaient des cassettes de blagues russes. »
A Arthur Rimbaud
2 « Un Koh-Lanta, un Loft Story dans l’espace ? J’aimerais beaucoup voir ça. »
B N’importe quel scientifique
3 « Le simple fait de « savoir » justifie que l’on s’en donne la peine. »
C Un fan de Star Strek
4 « Mon Dieu ! Alors c’est comme des télévisions volantes ! » D Buzz Aldrin, deuxième homme
ayant marché sur la Lune 5 « Les « petits gris », fragiles aux yeux immenses, semblables au fœtus, ce sont nous. »
E Sun Ra
6 « Il faudrait écrire quelque chose de spécial
F Jean-François Clervoy, astronaute
pour les aliens. » 7 « Je ne suis pas parano mais songe de plus en plus à le devenir… »
G Brice Partouche
8 « Pourquoi l’azur muet et l’espace insondable ? »
H Jean-François Clervoy, astronaute
9 « J’étais debout sur la Lune. »
I Raël
10 « Les Elohim vivent nus. »
J N.A.S.A.
11 « Pour que les hommes puissent la percevoir, la musique des atomes, des étoiles, des animaux doit être transformée. »
K Leela de Futurama
12 « Dans l’harmonie céleste, [j’ai trouvé] quelle
L Maurice G. Dantec
planète chante la voix de soprano, laquelle celle d’alto, celle de ténor et celle de basse. » 13 « Ça y est, on arrive sur Mars ! »
M Jean-Pierre Massiera
14 « J’ai été enlevé par des extra-terrestres
N Karlheinz Stockhausen
vers 1936, en direction d’une planète où des êtres dotés d’une petite antenne sur chaque oreille m’ont télétransporté sur une scène pour discuter. » 15 « Il y avait 95 % de mecs poussiéreux à l’hygiène corporelle douteuse. »
O Kepler
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COSMOS 2009 Enquête
Quarante ans après ses pas sur l’astre blanc, Buzz Aldrin est l'invité d’honneur du festival Jules-Verne. Poursuivi par les théoriciens du complot, il dévoile un aspect « sensible » des pionniers spatiaux. Leur face cachée ? Par Eric Le Bot
Eclipsé par la Lune
« Moon ». Tel était le nom se pose toujours en figure de jeune fille de la mère du légendaire. Mais l’increvable prédestiné Edwin « Buzz » VRP de leur histoire, aperçu Aldrin, second marcheur l’année dernière en photo lunaire le 21 juillet 1969 à dans l’exposition Héros de la 4h11 – un quart d’heure après BNF, entre Zidane et Lara Croft, Neil Armstrong. Le 24 avril demeure Buzz Aldrin. Invité de prochain, le festival du film La Méthode Cauet (aïe) en octobre d’aventures Jules-Verne l’accueillera dernier, il vient d’annoncer la sortie pour l’ouverture au Grand Rex de Paris d’un livre évoquant sa carrière, son alcoolisme de sa dix-septième édition, avec projection en et la dépendance de son épouse à la chirurgie avant-première européenne du documentaire Ils esthétique, sous le titre éloquent Magnificent ont décroché la Lune, de Jeffrey Roth, convoquant le Desolation. Extrait : « A 39 ans, j’avais atteint mon témoignage objectif le plus grandiose et j’aurais dû me sentir sur le de sept astronautes. Frédéric Dieudonné, créateur toit du monde – mais il n’y avait aucune carte routière, de l’événement, explique : « Seules douze personnes très peu de panneaux indicateurs qui auraient pu, sur ont mis le pied sur la Lune. Et il y a des choses qui, d’un le chemin, me tirer de ce bourbier où j’avais chuté. point de vue humain, n’ont pas été dites. Aujourd’hui, Pendant dix ans, j’ai perdu pied. » ils sont septuagénaires, n’ont pas la même appréhension des choses et révèlent des questions Supercherie populaire existentielles qu’ils n’avaient jamais « Rien, dans l’aventure humaine, « Je n’ai pas eu le temps osé évoquer. » ne dépasse celle-ci, peut-être à de ressentir pleinement A la Une de l’actualité de la Lune, cause de tous les fantasmes qu’on y ce moment. » sur laquelle plus personne ne a mis depuis des millénaires. » Et Buzz Aldrin s’est promené depuis 1972, foin Frédéric Dieudonné de soulever d’héroïsme : de la sensibilité l’aspect précurseur des romans masculine. « On commence à cerner les rapports entre de Jules Verne (De la Terre à la Lune ou Autour de la les astronautes. Ils n’avaient pas le temps de rigoler, Lune, 1865 et 1867) mais si vous regardez chronologiquement les missions, en considérant – c’est tout le sens du festival – que elles sont de plus en plus détendues. Quand « la fiction amène à la réalité et vice-versa ». En ils déconnent sur la Lune, c’est précieux. Le côté revanche, difficile pour lui d’imaginer un seul Terrien ludique de l’exploration revient. » qui puisse encore croire que tout soit faux, concédant que « ce scénario selon lequel rien ne s’est passé est « Pendant dix ans, j’ai perdu pied » extrêmement bien fait ». Longtemps, c’est au mythe que se sont intéressés Réédité fin avril en DVD, le très scolaire thriller les médias. Neil Armstrong, encore extrêmement Capricorn One (Peter Hyams, 1978), dans lequel secret (« limite ermite », selon Frédéric Dieudonné), trois astronautes censés marcher sur Mars le font (.
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« J’étais debout sur la Lune » Contacté par mail, Buzz Aldrin, 79 ans, n’aura pas répondu aux questions concernant la conspiration et ses récupérations fictionnelles : reste la dimension affective, magnifique. Quel est votre plus beau souvenir ? Buzz Aldrin : Il y en a trop. Autant parler d’un des plus intenses : une fois que j’étais hors de danger sur la surface de la Lune, pendant quinze secondes, j’ai pu m’arrêter et m’offrir le luxe d’un engagement émotionnel. J’étais debout sur la Lune. Cela avait été le rêve d’une vie. Malheureusement, je n’ai pas eu le temps de ressentir pleinement ce moment. Je devais retourner travailler, me documenter, prendre des photos et récolter de la roche lunaire. Voyez-vous souvent Neil Armstrong et Michael Collins ?
Notre équipe est toujours très liée par cette expérience. Mais nos vies vont dans des directions différentes. J’ai beaucoup de plaisir à voir Mike, qui pêche et peint en Floride, aussi bien que Neil à Cincinnati, Ohio. Récemment, j’ai déjeuné avec lui et nous avons discuté de mes idées de fusées réutilisables. Ma fondation ShareSpace promeut la possibilité pour des civils de voler dans l’espace à l’intérieur d’une navette qui devrait
transporter jusqu’à cent touristes. Nous nous dirigeons vers une nouvelle génération de voyages. Nous avons aussi parlé des 40 ans des vols Apollo, en particulier de la potentielle célébration d’Apollo 11 en juillet 2009. Avez-vous ressenti de la culpabilité à l’égard de Michael Collins, qui n’a pu descendre sur la Lune, ou de l’envie envers Neil Armstrong qui, vous a devancé ? Jamais. Neil et moi étions les occupants de l’atterrisseur lunaire et Mike venait d’une équipe qui pilotait le module de commande : il lui était donc impossible d’être le premier, le second ou le troisième à marcher sur la Lune. Mais il était logique que le privilège symbolique du premier pas soit donné à la personne la plus qualifiée. Il aurait été inacceptable pour le commandant de rester dans le module pendant que son copilote faisait le premier pas historique. Est-ce un devoir de témoigner ? Oui. Du coup, je perfectionne mes réponses. Mais je ne sais pas si elles sont meilleures pour autant.
Entretien E. L. B.
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Illustration DR
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COSMOS 2009 Enquête (suite)
en studio, avait déjà alimenté les doutes aux EtatsUnis. Suivirent pléthore d’ouvrages et de conférences démontrant, images à l’appui, la supposée supercherie. Un « C » sur une roche, un projecteur dans l’espace… Godard lui-même soutint cette idée au JT. En 1999, pour les trente ans d’Apollo 11, le sondage Gallop rappelait que 6 % des Américains ne « croyaient toujours pas » à l’exploit.
La même année, le réalisateur français William Karel s’amuse dans Opération Lune à remonter des entretiens prestigieux (avec Donald Rumsfeld ou Henry Kissinger) pour défendre la thèse, connue jusqu’à Mexico, selon laquelle les premiers pas auraient été mis en scène par Stanley Kubrick. Karel fabrique une blague et fait mentir Aldrin, pointant sa tendance réelle à la picole. En 2005, Science Channel coupe la deuxième partie de leur interview Bugs Aldrin avec le héros du New Jersey, où celui-ci explique Buzz aura donc endossé le rôle et le devoir du qu’il n’a jamais vu d’ovni lors de la mission – autre témoin – et combattu, encore récemment, les thèses légende. Le complot a la peau dure : Hollywood les plus farfelues, souvent dépassé par l’ampleur prépare le remake de Capricorn One réalisé par de la performance. Frédéric John Moore (Max Payne, 2008) ; « J’avais atteint mon objectif peut-être parce que ce film Dieudonné : « Il revient de loin, le plus grandiose et j’aurais fut précurseur sur ce point : la ayant eu du mal à se remettre de la dû me sentir sur pression, pas celle du voyage, mais profonde sensibilité d’un des trois le toit du monde – mais... » astronautes, incapable de vivre du retour. » Invité en 2002 d’une émission japonaise pour enfants, dans le mensonge. Buzz Aldrin il y découvre son ennemi juré, Bart Sibrel, suppôt de la conspiration convaincu Spleen Collins que l’alunage a eu lieu dans le Nevada. Ce dernier Dans le roman Une vie française de Jean-Paul Dubois lui demande de jurer le contraire sur la Bible, Buzz (2004), le narrateur Paul Blick passe la soirée du refuse, se voit traiter de « lâche, menteur et voleur », 21 juillet 1969 avec sa petite amie ; il attend qu’elle et colle à Sibrel un joli coup de poing en coulisses éteigne la télévision pour lui faire l’amour. « Tandis (vidéo dispo sur YouTube). A fleur de peau. que je songeais à l’asynchronicité des sentiments et des désirs, elle dit : – Tu imagines pour Collins [troisième membre d’Apollo 11, resté en orbite dans le module FESTIVAL DU FILM D’AVENTURES de commande] ? Elle débordait de compassion à JULES-VERNE l’égard de ce laissé-pour-compte. Mais j’étais Michael Collins, cet orphelin, Du 24 au 26 avril au Grand Rex de Paris )&
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ce type qui, dans le taxi, attendait que le reste de la planète ait fini de jouer avec les astres pour pouvoir reprendre le cours de sa vie normale. » Voilà le genre d’idées romantiques qui rôdent aujourd’hui autour d’Apollo 11 : des solitudes partagées, Blick dans son lit, et Collins, l’homme le plus isolé de tous, à 3 200 kilomètres de ses collègues et plus de 350 000 du reste de la population terrestre. Et que dire du quatrième homme à avoir foulé le sol lunaire, Alan Bean, qui quitta la NASA en 1981 pour se consacrer à la peinture… de la Lune. Dans ses toiles, il lui ajoute non seulement des étoiles, des couleurs mais aussi de la poussière lunaire récupérée sur sa combinaison. Le photogénique satellite, notre première star, inexplorée depuis vingt-sept ans, a donc retrouvé sa poésie : le spleen baudelairien lui va si bien. —
« Si facile de détourner des faits » Dans l’épatant Les Falsificateurs ,aujourd’hui bouclé par Les Eclaireurs, Antoine Bello invente le « Consortium de falsification du réel » qui s’ingénie à réviser l’Histoire. Y compris spatiale ? Connaissiez-vous la polémique sur « l’opération Lune » ? Antoine Bello : Bien sûr. D’abord en tant qu’inconditionnel de Kubrick, ensuite comme passionné de la conquête spatiale. Sur le plan symbolique, le premier pas sur la Lune me semble être d’une importance comparable à la découverte du feu… Et cela s’est fait en direct ! De
CAPRICORN ONE DVD (Opening)
nombreux dossiers du Consortium de falsification du réel (CFR) s’intéressent d’ailleurs à la conquête de l’espace. Mais j’ai préféré laisser l’opération Lune de côté pour me concentrer sur des scénarios entièrement inventés. Comme l’histoire de la chienne
« La vérité n’est qu’un scénario parmi d’autres. » Antoine Bello Laïka ? Exactement. Le CFR souhaite que les Américains accélèrent leurs recherches, il diffuse un faux communiqué selon lequel un animal aurait fait le tour de la Terre à bord de Spoutnik. Les Russes se retrouvent devant le fait accompli : soit ils publient un démenti et se couvrent de ridicule, soit ils endossent la falsification. Khrouchtchev érige
alors ce scénario en vérité officielle. Les meilleures falsifications sont souvent les plus simples. Pas besoin d’activisme forcené – il suffit de viser juste, d’inventer la vérité à laquelle tout le monde a envie de croire, et cela déclenche les forces de l’Histoire. [la vérité vraie sur cette histoire p.46] Que vous inspirent les théories du complot ? J’éprouve un certain mépris pour ceux qui s’acharnent à faire coller la réalité à leur théorie. Franchement : quand on veut à tout prix raconter une histoire, il est si facile de détourner les faits… Je suis pour remettre en cause les vérités établies, mais faisons-le avec rigueur.
Entretien Bertrand Guillot
Le livre
Suite éclairée Deux ans après Les Falsificateurs, on retrouve le jeune Sliv Dartunghuver gravissant les échelons du mystérieux CFR. On pouvait avoir peur, en ouvrant ces Eclaireurs, qu’ils n’atteignent pas les sommets d’inventivité du précédent roman, que la chute – le secret – soit décevante. Eh bien non. Centrant le récit sur les mois qui ont précédé la guerre en Irak, Bello ne gonfle pas artificiellement le suspense, et la révélation, loin d’un soufflé qui retombe, fait rebondir l’histoire. Bis repetita. B. G. )'
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COSMOS 2009 Mode
A travers l’aérienne collection The Apollo program was a hoax, April77 tient pour fausses les images de l'homme marchant sur la Lune. Le créateur de la marque est-il sérieux ? Entretien Magali Aubert
Vous y croyez vraiment à cette théorie du complot ? Brice Partouche : Oui. L’homme est bien allé sur la Lune, seulement la vidéo a été réalisée en studio. L’analyse des images est troublante. et donne le droit de se poser la question : pourquoi cette mise en scène ? Il faut se rappeler qu’en 1969, les Etats-Unis et l’URSS se livrent une course à la conquête de l’espace... The Apollo program was a hoax est le titre d’une chanson d’un groupe punk hardcore suédois, Refused. Vous l’avez connu comment ? Je skatais et j’étais straight edge. En 1994, je commandais mes disques sur des listes de distribution et découvrais les groupes en concert. La musique venait principalement des USA, avec les labels Revelation Records, Dischords, Smorgasbord, Second Nature… puis des maisons de disques suédoise Desperate Fight, Burning Heart, avec un son nouveau : c’était do it yourself, garage, straight edge, rock’n’roll, très classieux et honnête. Refused est arrivé avec un style sixties mods et des instruments vintage : ils ont tout simplement redéfini le hardcore. Le morceau est inspiré du livre de l’écrivain Bill Kaysing, Nous n’avons pas marché sur la Lune :
« Quarante ans de canular »
l’arnaque américaine à trente milliards de dollars (1981). Vous l’avez lu ? J’aurais bien aimé parce que le titre de la chanson de Refused me fascinait, mais à l’époque je ne l’ai pas trouvé. J’ai dû me contenter d’extraits récupérés sur le Net – du moins, ce qu’était Internet il y a onze ans.
« Je songe de plus en plus à devenir parano… » Brice Partouche, April77 Comment avez-vous inscrit ces éléments dans votre travail ? J’en est fait une collection « céleste ». Les tons et les couleurs m’ont été inspirés par le film Solaris d’Andrei Tarkovsky [1972] et le clip de Sunshine Smile du groupe de shoegazing anglais Adorable [1992]. Qui a fait les célestes visuels des t-shirts ? Jeff Gaudinet de l’Atelier Indépendant et Pascale Koehl,
notre styliste maille. Est-ce que ça a été l’occasion de développer des modèles plus futuristes ? J’ai exploré d’autres horizons, dont le futurisme. Mais il y a surtout des clins d’œil à la musique, comme ces pantalons WHIP dans un style très Devo. La prochaine collection, ce sera sur le World Trade Center soufflé par les services secrets américain ? Non, je ne suis pas adepte de toutes les théories du complot ! Vous avez peur de devenir parano ? Je ne suis pas parano, mais je songe de plus en plus à le devenir… Le moment où je me suis intéressé à cette démonstration restera en moi pour toujours. Elle m’intéresse constamment. Je pense être devenu plus méfiant à l’égard des médias. Comment expliquer que l’imagerie cosmique soit si présente dans la création actuelle ? Parce que tout le monde se pompe dessus ? En tout cas, c’est la manière d’April77 de fêter les quarante ans de ce canular. —
BOUTIQUE APRIL77 49 rue de Saintonge Paris 3e
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Collection April77, printemps-été 2009
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COSMOS 2009 Automobiles
Buggys rustiques des trois dernières missions Apollo, les Rovers lunaires permirent de collecter cailloux et légers dérapages. Elles sont toujours là-haut. Le prix au parcmètre ? Par Yan-Alexandre Damasiewicz
Hé mec, où t’as garé la jeep ?
Neil Armstrong avait beau est propulsé par quatre faire des grands pas pour petits moteurs électriques, l’humanité, il n’en demeurait un dans chaque roue (celui pas moins piéton, ce qui dans à explosion de nos voitures l’Amérique des Ford Mustang, ne pouvant fonctionner sans Dodge Charger et autres muscle oxygène). Sa finalité : permettre cars s’apparente au summum aux astronautes de s’éloigner du de la loose. Un bref visionnage LEM – enfin, pas trop loin, pas plus d’American Graffiti (George Lucas, de dix kilomètres de balade, distance 1973) permet de le vérifier aussi, l’auto est le maximum qu’ils pourraient parcourir à pied pilier de la way of life locale et le dernier des nerds en cas de panne, avant d’épuiser leur oxygène... De aura toujours sa chance s’il possède le big block sous toute façon, avec sa vitesse moyenne de 12 km/h, le le capot. buggy cosmique se traîne trop pour rouler plus loin. Sous leurs coupes en brosse, les astronautes ne sont L’équipement est minimaliste : deux sièges souvent pas très sexys. La NASA les décoince en leur « camping », un joystick pour se diriger et un système fournissant dès Apollo 15 (juillet-août 1971) une de navigation à gyroscope pour ne pas se perdre, rien belle décapotable pour cruiser sur la surface lunaire. ne ressemblant plus à un cratère qu’un autre cratère. Ça tombe à pic, c’est la première des J-missions, On enfile un scaphandre afin de s’asseoir à bord, opérations longue durée destinées à approfondir solidement harnaché de ceintures en velcro. Détail l’étude de notre satellite. La société Boeing est spectaculaire, les pneus, trop lourds, provoquant des commissionnée pour réaliser le projet de Wernher rebondissements à cause de la faible gravité, sont von Braun – l’ingénieur nazi des fusées V2 (qui, remplacés par une structure en grille métallique. entre autres, ravagèrent Londres) devenu, trou Un joystick pour se diriger et un système Carte routière de la lune de l’Histoire, l’un des La conduite ne sera pas de de navigation à gyroscope pour ne pas piliers de la NASA de tout repos : aux heures où se perdre, rien ne ressemblant plus 1960 à 1972. L’agence met le Soleil est bas, la visibilité à un cratère qu’un autre cratère. le paquet : 38 millions et le pilotage s’avèrent de dollars pour quatre catastrophiques, même exemplaires du fameux Lunar Rover Vehicle (LRV), en conduisant doucement. Seul incident mineur lors long de trois mètres et lourd, à vide, de deux cent dix d’Apollo 16 (avril 1972) : l’un des garde-boues se kilos. détacha, causant des projections de poussière sur le LRV et ses occupants, danger potentiellement mortel Joystick et ceintures en velcro sur la Lune – sans érosion, elle est coupante comme D’apparence simpliste, le Rover est un monstre de du verre. Aucun problème pour nos McGyver de complexité. Entièrement plié dans l’un des flancs du l’espace : quelques cartes routières plastifiées de la module lunaire (LEM), ce véhicule en aluminium Lune, un peu de scotch et c’est reparti. Les cartes ont )*
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A gauche : Eugene A. Cernan, dernier homme à avoir marché – et conduit – sur la Lune, aux commandes du Rover en décembre 1972. A droite : Le prototype du Small Pressurized Rover testé par deux gars rougeauds dans la pampa.
Un camping-car pour demain Officiellement relancé dès 2015, le programme spatial américain prévoit d’envoyer des hommes sur la Lune vers 2020. Un nouveau véhicule est à l’étude, le Small Pressurized Rover (ou Lunar Electric Rover, selon les jours), constitué d’une cabine permettant de respirer sans équipement et de se protéger du rayonnement solaire : les astronautes pourront laisser leurs scaphandres à l’extérieur – confort – et éviter la poussière. Camping-car de l’espace à douze roues, il comportera une salle de bains, un laboratoire et les fauteuils de pilotage se transformeront en lit. On estime qu’il se déplacera dans un rayon de deux cent quarante kilomètres du vaisseau d’attache. En clôture de la cérémonie d'investiture, il a été présenté à un Barack Obama fasciné, histoire de lui rappeler qu’il n’est pas le seul à avoir une nouvelle auto pleine de gadgets (voir Standard n° 22). Mister President n’a pas tenté de course-poursuite, dommage : on aurait bien aimé savoir ce qu’ont dans le ventre les deux dernières voitures US insensibles à la crise. —
été récupérées mais pas les jeeps lunaires. Leur poids les rendant trop encombrante pour le retour, on les abandonna toutes les trois là-haut, comme pas mal d’autres cochonneries. Dès lors, on peut s’amuser des fantaisies de la fiction à ce sujet. Hergé fut visionnaire avec On a marché sur la Lune (1954) à de gros détails près : Tintin part en vadrouille dans un char d’assaut modifié, sans tourelle, mais avec trois bulles d’observation. Sachant qu’un tank contemporain pèse au bas mot une quarantaine de tonnes, on se dit que la fusée de Tournesol est plutôt du genre costaud ! Dans Les diamants sont éternels (Guy Hamilton, 1971), James Bond s’enfuit d’un centre d’études spatiales du désert du Nevada à bord d’une jeep lunaire, et ce fut l’une des poursuites les plus compliquées jamais tournées. La production voulait une réplique du Rover, mais le résultat n’était pas bon. Fut construit un engin grotesque avec cabine fermée et bras mécaniques s’agitant en tous sens. Les essais progressèrent avec des roues identiques à celles utilisées sur la Lune... qui se détruisirent en quelques mètres. Equipée de roues classiques, la jeep de 007 laissa sur place de maléfiques Ford Galaxie et autres motos trois roues Honda. )+
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COSMOS 2009 Géopolitique
L’alunissage discret, début mars, d’une sonde chinoise entérine l’entrée de l’Empire du Milieu dans l’ère de la « cosmopolitique » : les dessous géostratégiques d'une partie de jeu de go. Par Tristan Ranx & Richard Gaitet
Quand la Lune est rouge
En mandarin, la déesse de la l’adversaire et l’empêcher de Lune s’appelle Chang’e. C’est vous entourer. C’est sur l’île aussi le nom de la sonde qui de Hainan, près de la ville s’est « écrasée en douceur » le de Wenchang, que se bâtit un 1er mars 2009 à 16h13, heure nouveau site de recherches, de Pékin, sur la surface lunaire protégé par un « collier de après seize mois en orbite. Le perles » de bases navales. Pour les lendemain, Wu Weiren, concepteur deux colonels chinois auteurs de en chef du programme d’exploration l’ouvrage La Guerre hors limite (1996), de notre satellite, estimait que « le succès de « le principe central est le suivant : si la Chine Chang’e 1 avait permis de réaliser le rêve de tout le doit se défendre, elle devrait être prête à mener une pays, fait progresser les sciences et la technologie, et guerre au-delà de toute frontière et limitation. » prouvé que la Chine était capable d’explorer l’espace Les choses ont changé depuis les fusées Longue extra-atmosphérique. » Marche des années 70, au départ d’une mystérieuse La conquête de l’astre blanc est le grand projet « base 25 » au Nord. Les termes maoïstes n’ont du national-communisme. Chang’e 1 marque plus les faveurs du régime. On parle désormais de l’aboutissement de la première des étapes de la Flèche Divine et dans la conquête sino-spatiale, un visite robotique de la blonde peu à la manière des films Phoebe, orchestrées par de kung-fu, tout devient « Les rares articles occidentaux la China National Space envisagent la Chine comme un rival divin : après le Vaisseau Administration. La suite : Divin, la future navette plutôt qu’un pair. » en 2011, Chang’e 2 étudiera se transforme en Dragon Isabelle Sourbès-Verger sa tectonique avec son beau Divin, le super laser à haute Rover ; parallèlement, le énergie est la Lumière Divine premier module habitable Tiangong 1 (palais céleste) et l’intelligence artificielle, la Conscience Divine. sera lancé à vide fin 2010, manœuvré depuis la Terre, Un dieu pékinois semble impatient de danser dans rejoint début 2011 par l’équipage d’un vaisseau l’espace. Shenzhou (Vaisseau Divin) qui, une fois amarré, formera leur première station semi-permanente, « Socialisme scientifique » semblable à Mir ; ensuite, Chang’e 3, en 2017, L’Empire du Milieu entre aujourd’hui dans l’ère de la analysera des échantillons de roche. L’extrapolation cosmopolitique, telle qu’elle était déjà perceptible en légitime, mais non officielle, envisage des citoyens 1960 dans l’un des discours clés de John F. Kennedy, chinois à l’horizon 2020 construisant leur propre affirmant les fondements d’une éventuelle guerre base, avec toilettes de rigueur et musique d’ascenseur. des étoiles : « La maîtrise de l’espace sera l’enjeu de la prochaine décennie. Si les Soviétiques en font la Tout est « divin » conquête, ils domineront la Terre, comme dans les Les pions géostratégiques sont posés sur l’échiquier siècles passés toute nation qui régnait sur les mers solaire. Les Chinois perçoivent leur sécurité selon dominait le monde. » Le Comité Central du Parti sait les concepts antédiluviens du jeu de go : entourer où disposer leurs petits pions noirs et blancs. ),
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UN EMPIRE TRÈS CÉLESTE Isabelle Sourbès-Verger et Denis Borel Dunod, 2008
passe correctement, et démontre une immense fierté nationale tout à fait compréhensible. Mais ce qui me frappe, surtout, c’est le traitement médiatique de l’événement dans le monde extérieur : les rares articles, au lieu de reconnaître la Chine comme un pair dans la conquête spatiale, l’envisage plutôt comme un "rival" qui peut nous "manger", nous "dépasser". On s’intéresse peu aux faits, plutôt à leur portée symbolique ». Enième résurgence du Péril jaune ? « Au niveau de la conquête européenne, nous sommes dans une "pause". On préfère alors instrumentaliser, broder autour de la « menace » chinoise et mettre le travail de cette sonde dans le même sac que les chaussures pas chères et le lait contaminé. Le programme chinois, quinquennal, continue de se dérouler normalement. Cela révèle cette question centrale : pourquoi pas nous ? »
On appelle ça la politique des seize caractères, officielle en République populaire de Chine : « Intégration du civil et du militaire, de la paix et de la guerre, mais priorité aux technologies militaires qui doivent être supportées par le civil et l’expansion économique de la Chine, jusqu’à l’avènement du socialisme scientifique. » C’est là qu’intervient le Super Programme 863, qui doit permettre à la Chine de faire son grand bond en hauteur : « Il s’agit, en mars 1986, du programme-cadre de la modernisation des sciences et technologies chinoises, au moment où la Chine de Deng Xiaoping effectue son ouverture et entame une nouvelle approche économico-politique », d’après Isabelle Sourbès-Verger, géographe, spécialiste au CRNS des politiques spatiales et co-auteur d’Un Empire très céleste. Deux décennies plus tard, Ouyang Ziyuan, le spécialiste des minerais extraterrestres – dont, principalement, l’hélium 3 – du Chinese Lunar Exploration Program, imagine déjà l’exploitation minière de la Lune. Mais son immense pays n’est déjà plus le seul autre nouveau challenger ; d’autres impétrants, indiens, iraniens, se ruent vers la porte des étoiles.
« Quant au jeu de go, reprend-elle, l’image est jolie, mais je ne vois pas comment cela serait plausible : il y a la Terre, la Lune et pas d’adversaire ; ou alors, il faut appliquer ce modèle aux Russes, aux Américains, aux Indiens, aux Iraniens, tout le monde. » La crise risque de repousser Chang’e 2 aux calendes grecques ; la Lune rouge saura attendre. Etoiles, garde à vous ! Les taïkonautes arrivent ! —
Traitement médiatique suspect Toujours selon Isabelle Sourbès-Verger, l’alunissage du 1er mars « prouve que le programme prévu se )-
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COSMOS 2009 Psychologie
Violences, gueules de bois, déprimes carabinées : de retour sur Terre, les astronautes sont parfois pris de tristes vertiges, entre nostalgie pionnière et ivresse des profondeurs. Et après ? Vous allez voir. Par Sébastien d’Ornano
Aux confins du spleen spatial
Dans Soleil et Chair (1870), Rimbaud, 16 ans, s’interroge : « Pourquoi l’azur muet et l’espace insondable ? [...] Si l’on montait toujours, que verrait-on là-haut ? » Cent ans après, presque jour pour jour, Buzz Aldrin en goguette sur la Lune (entretien p. 29) lui répond : « Une belle, belle, magnifique désolation. » Sur le même ton, en 1985, l’une des missions de la station spatiale russe Saliout 7 dut être annulée : le commandant passait des heures à contempler le vide. Mélancoliques ? Pourtant ! A parcourir les interviews des conquistadors de l’infini, n’existent que la fierté du devoir accompli, l’honneur d’avoir été choisi, le bonheur Des avocats viennent de repousser les limites de d’inventer le syndrome l’exploration de « dépression ovulaire humaine. post-orbitale ». Blablabla. Derrière des souvenirs si peu personnels, le spleen lié aux heures extraordinaires en orbite n’émousse-t-il pas l’optimisme triomphant de ces héros modernes ? Aldrin est l’un des rares à reconnaître ses dépressions, son alcoolisme (vaincu). « Je souffre de ce que certains poètes ont appelé la mélancolie de l’accomplissement total. » Dans un entretien à Larry King, il demandait récemment un suivi psychologique plus important au retour des astronautes. Ceci afin d’éviter les drames, comme celui de l’Italo-Américaine Lisa Marie Novak, revenue de la mission STD en juillet 2006 et qui, en février de l’année suivante, armée d’un couteau et d’un pistolet à air comprimé, a parcouru en voiture d’une seule traite – grâce aux
couches spéciales de la NASA ! – les mille cinq cents kilomètres entre Houston et Orlando afin de kidnapper une rivale en amour également cosmonaute. Elle aurait jeté à la figure de sa victime ses dessous remplis d’excréments en hurlant. Pour sa défense, ses avocats ont inventé le syndrome de « dépression ovulaire post-orbitale ».
Visite des appartements divins Ils ne sont que 482 à avoir connu l’ivresse spatiale. Des fusées humaines, pas moins, qui ont tout essayé, tout réussi : sélectionnés parmi l’élite et entraînés sans relâche, aidés par le destin tranchant entre les
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Pour tous, il s’agit de revenir au fini quand on a goûté l’infini ; difficile quand symboliquement furent visités les appartements divins, selon la formule du Malaisien Sheikh Muszaphar Shukor (mission Soyouz, 2007) qui espérait « réduire les distances qui le séparent de Dieu ». L’espace fit de fervents croyants parmi ses aventuriers – un moyen virtuel de se rapprocher des Cieux.
partants et leurs doublures, puis de retour, intacts, vivants. Alors, que faire après ? « Quoi que vous fassiez, si vous y avez mis une somme d’efforts colossale, souvent, par la suite, les choses vous paraissent un peu pâles. John Herrington était présent sur le vol Endeavour en 2002, il y a comme une petite dépression, un léger laisser-aller. » L’amour fou serait une solution. Valentina la mouette Terechkova, première femme dans l’espace (Vostok 6, 1963), a épousé la même année son collègue Andrian Nikolaïe, mais ils se séparèrent assez vite ; les plus heureux demeurent Mark Lee et Jan Davis : mariés, ils ont partagé la mission Endeavour en 1992. Comme le notait Christophe Colomb, « ceux qui aperçoivent la lumière avant les autres sont condamnés à la poursuivre en dépit des autres ». Beaucoup se battent pour repartir. Certains continuent d’alimenter leur CV héroïque : Walter Schirra (trois vols, 1962, 1965, 1968) sauva une petite fille de la noyade en 1977 ; Scott Carpenter (sixième homme dans l’espace, Mercury 7, 1962), connu pour sa passion des fonds marins, protégea des enfants contre la rupture d’une ligne électrique en 1964 ; Frank Borman (1965, 1968) fut ambassadeur spécial des Etats-Unis chargé de négocier la libération des prisonniers de guerre au Vietnam.
Référentiel unique Prolongeons le paradigme : comment partager des instants vécus par si peu d’individus dans l’histoire de notre monde ? Entre le devoir de témoignage (entretien avec Jean-François Clervoy page suivante) et la nostalgie manifeste, se trouve l’art : peinture pour Alan Bean (1969, 1973) et Alexei Leonov (1965, 1975), poèmes et performances pour Story Musgrave (six vols entre 1983 et 1996). Bien qu’avant de toucher leur première pinceau, les astronautes font déjà œuvre de création ; modifiant l’échelle de nos pensées, ils remettent en cause absolu, croyances, fantasmes, façonnent du réel hors de nos réalités. Quasiment la quête d’un esprit sans maître ni contrainte autre que sa propre expérience. Le spleen spatial se loge sans doute là, dans ce référentiel unique si difficile à vivre et, a fortiori, à oublier. —
Installation Mathieu Briand "A Mental Odyssey, The Last Room", 2008
« Solitude absolue » Empereur du spleen, Charles Baudelaire décrivit le Tannhäuser de Wagner en des termes qui paraîtront familiers à tous les albatros interstellaires : « Je me sentis délivré des liens de la pesanteur, et je retrouvai par le souvenir l’extraordinaire volupté qui circule dans les lieux hauts. Ensuite je me peignis involontairement l’état délicieux d’un homme en proie à une grande rêverie dans une solitude absolue, mais une solitude avec un immense horizon et une large lumière diffuse ; l’immensité sans autre décor qu’elle-même. [...] Alors je conçus pleinement l’idée d’une âme se mouvant dans un milieu lumineux, d’une extase faite de volupté et de connaissance, et planant audessus et bien loin du monde naturel. » In L’Art romantique, Richard Wagner et Tannhäuser à Paris (1861) )/
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COSMOS 2009 Psychologie (suite)
En l’espace de trois vols (1993, 1994, 1999), l’astronaute Jean-François Clervoy, 51 ans, fut le cinquième Français – sur neuf – à explorer l’infini. Sans spleen, mais avec émotion, il se souvient de la couleur des étoiles et de son inoubliable « apogée ». Entretien Richard Gaitet & Valérie Paillé
« Ça émeut de beauté »
Invisible depuis si longtemps, le Soleil réapparaît à notre arrivée dans les locaux étrangement déserts de la société dont Jean-François Clervoy est le PDG. Novespace, spécialisée dans les vols paraboliques, « permet d’appréhender les sensations de l’apesanteur sans avoir à se payer un voyage spatial, ce que j’espère commercialement accessible à tous avant la fin de l’année ». Considérant le témoignage comme un « devoir », l’homme, didactique et généreux, fan de Star Trek et imbattable au Rubik’s cube grâce à une vision 3D rarissime, épluche une orange en même temps que sa mémoire.
Aucune tristesse, alors ? Une chose est sûre : lorsqu’on est allé dans l’espace, sans parler de ceux qui sont allés sur la Lune, il est très difficile de retrouver quelque chose d’aussi fort après, dans un job sur Terre. Le mien a beau m’intéresser, je n’ai rien retrouvé d’aussi motivant, d’aussi intense. Quand ils reviennent, certains se font plaisir : ils s’achètent leur super Corvette, leur super ordinateur… J’ai eu ça après mon troisième vol [STS-103, 1999]. C’était une mission de préparation du télescope spatial Hubble et, au retour, il a fallu que je m’achète un beau télescope, une obsession. Gamin, j’avais Vous avez passé 675 une petite lunette heures dans l’espace. astronomique… j’ai « Tous les jours j’ai des petits flashs La mélancolie frappepotassé des bouquins et de la Terre vue de l’espace. t-elle réellement les finalement j’ai acheté un Si je peux, je repars demain. » astronautes ? gros machin… que j’ai Jean-François Clervoy Jean-François Clervoy : sorti trois, quatre fois On a raconté que des en dix ans. C’est surtout astronautes auraient disjoncté, seraient devenus une récompense : on estime que l’objectif rempli, on mystiques. Ces histoires sont soit très exagérées, soit peut se payer un plaisir personnel, avec la très sincère carrément inventées. Tous ont poursuivi une carrière impression qu’on le mérite, que ce n’est pas volé, pas dans le business, le management, le conseil. Même un caprice. Buzz Aldrin [voir entretien p. 29], qui a sombré dans Retrouve-t-on la sensation de derrière le hublot ? la dépression et l’alcoolisme, a fait une cure et est Ah non, non. Jamais. Jamais. Tous les jours j’ai des aujourd’hui ambassadeur de la NASA. petits flashs de la Terre vue de l’espace. Si je peux, *&
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Photographie Jean-François Clervoy
je repars demain. Mais les tickets sont très rares : pour moi, ce n’est pas avant 2014, 2015. D’un point de vue strictement sensible, à quoi ressemble un départ pour l’espace ? Il y a d’abord le coup de pied du décollage. Au sommet d’une fusée, quand les moteurs s’allument, on sent qu’on est parti pour quelque chose d’anormal, d’extraordinaire. Si on convertissait en électricité la puissance des moteurs au lancement, on alimenterait la France entière pendant quelques minutes. Chaque seconde, c’est dix tonnes de poudre. En orbite, on atteint une vitesse vertigineuse : vingtcinq fois celle du son en huit minutes et demie, c’està-dire vingt-cinq fois celle d’une balle de fusil de chasse. Et chaque seconde, on franchit dix kilomètres. On fait ainsi le tour du monde seize fois par jour. Puis on voit le Soleil se lever très rapidement à l’horizon… et quarante-cinq minutes plus tard, il se couche. On assiste à seize levers et seize couchers de Soleil par jour. Ce qui marque très fortement. Et l’apesanteur ?
C’est très ludique, très rigolo. Personne n’est malade ? Au moins un astronaute par mission dans les dizaines de minutes qui suivent l’arrivée en orbite. Ça peut être une migraine ou les naseaux congestionnés, l’estomac patraque avec vomi et sueurs froides. Pourriez-vous décrire cette vision de la Terre de làhaut, ce que vous appelez « la beauté du spectacle » ? Le plus impressionnant, c’est d’un côté le Soleil très brillant, de l’autre la Terre, et le noir mat, profond, tout autour. On n’est pas habitué à ce noir, à ne pas voir une lumière sur toute la voûte céleste. Le plus fascinant, c’est la vue de ces paysages grandioses. Ça émeut de beauté. Les chaînes de montagne, les ouragans, les océans, les continents… A cette échelle, on se rend compte que la planète est incroyablement belle, qu’elle a des variétés de couleurs magnifiques. C’est vrai que les étoiles ont, elles aussi, de multiples couleurs ? Oui. On ne les perçoit pas au sol parce qu’elles scintillent beaucoup. Depuis le vaisseau, pour les *'
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voir, il faut tout éteindre dans le cockpit, noir total. Et De quoi parliez-vous pendant les pauses ? là, la pupille se dilate. C’est fantastique : on découvre On se tâte, on se touche, on se dit : « On est vraiment un tapis d’étoiles éblouissantes. Quand on en regarde là, vraiment ? » Puis on commente ce qu’on voit. une, on sent sa couleur, bleu, rouge, jaune. Moi j’étais considéré comme « le spécialiste de la Est-ce proche de l’ivresse des profondeurs ? France partout » : lors d’une mission, on a survolé Non, on sait qu’on est là pour bosser. Ce n’est pas la Réunion, la Polynésie, la Nouvelle-Calédonie, les un vertige, il n’y a pas d’intoxication chimique qui Antilles… et mes collègues disaient : « T’es parano, tu ferait perdre un peu la raison, oublier d’être sensé. vois la France partout ! » Dans l’ivresse des profondeurs, il y a un aspect Peut-on verser dans une sorte d’extase mystique ? physiologique réel, un mécanisme lié à la pression Non. Ça peut susciter des réflexions personnelles, et à la perturbation de l’irrigation du cerveau. Là, comme d’autres situations sur Terre quand vous on est complètement humain mais, simplement, on atteignez des apogées. Imaginez un amoureux de la voit quelque chose de magnifique, on a conscience montagne qui rêve de gravir le mont Blanc tout seul d’être des représentants extrêmement privilégiés de sans oxygène : un jour, après dix ans d’entraînement, l’espèce humaine qui vivent une expérience unique. il y arrive. Très fort ; mais ce n’est pas de l’extase. On se dit que c’est peutC’est se prouver quelque être la dernière fois et c’est chose qu’on pensait « On assiste à seize levers tellement beau qu’on a impossible ou trop difficile. et seize couchers de Soleil par jour. envie d’en profiter – donc Je ne vois pas un astronaute Ce qui marque très fortement. » on prend sur son sommeil : se dire : « Je veux rester là Jean-François Clervoy au lieu de dormir huit toute la vie. » Mais plutôt : heures, on dort cinq ou six « Waaaah qu’est-ce que c’est heures, et quand les autres vont beau, prenons des photos ! » se coucher, on est tout seul ou à deux, comme ça, Etonnamment, vous n’aviez pas très peur. et on regarde… On n’a pas peur, mais on est conscient que les En silence ? énergies en jeu sont sources de risques très élevés. En écoutant de la musique au walkman aussi, Dans la vie, le risque existe dès qu’on prend de surtout la bande-originale du Grand Bleu. J’avais l’altitude ou de la vitesse. Là, on est au plus haut également amené la Symphonie du nouveau-monde possible... mais on est bien entraîné à tous les aspects de Dvorak, Elton John, Serge Gainsbourg, Patricia techniques, aux procédures qui permettent d’avoir Kaas, Véronique Sanson, Supertramp... Sur Mir, confiance en nous-mêmes, en l’équipage, pour faire certains passaient des cassettes de blagues russes – face à toutes les pannes. L’obsession, c’est de ne pas l’équivalent de Rire et chansons ! faire d’erreur. La peur, c’est celle de saboter, de casser.
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Mais tous les systèmes sont triplés, voire quadruplés. qui connaissent les constellations par cœur, où se Pas de baisse de concentration liée à la fatigue ? situe leur planète au milieu des étoiles. L’Américain Si, si... et ça ce n’est pas étudié. Ça s’appelle « la John Young [six missions entre 1965 et 1986, dont viscosité mentale ». Il arrive qu’une fois en orbite, Apollo 16 sur la Lune] me disait que la première fois on mette une demi-heure à faire une opération qui qu’il a regarde la Terre devenir de plus en plus petite, nous prenait cinq minutes au sol. Même pour des il s’est fait ce commentaire : « J’espère que c’est bon astronautes qui avaient cinq ou six vols à leur actif. pour la science, parce que je n’ai pas l’impression que Certains perdent confiance et se reposent quatre c’est bon pour John Young. » fois la question avant d’appuyer sur un interrupteur. Ceci dit, c’est plus lié à l’état d’esprit qu’à la distance. Dans mon troisième vol, j’étais seul aux commandes Je connais un astronaute américain – je ne vous pour capturer Hubble. On m’a dit : « Tu n’as pas le dirais pas lequel –, commandant de bord, plusieurs droit à l’erreur, il y a six milliards de dollars entre tes vols confirmés, l’un des premiers à partir vers Mir, mains ! Six milliards de dollars ! » et qui, assez rapidement, a déprimé. Comme quand Le spleen est-il proportionnel à l’éloignement ? on est loin de chez soi et qu’on veut rentrer. Il faut se Je pense d’abord à ceux qui ont marché sur la Lune. dire : « Maintenant, Mir, c’est ta maison, tu es chez toi. C’est une autre dimension : ils ont vu la Terre rétrécir Et là, le point que tu vois, c’est ta famille en vacances en s’éloignant. Nous, on en sur Terre et un jour, tu les restait très proches. Ceux qui rejoindras... » « Sur Mir, certains passaient partiront vers Mars, assez Y a-t-il d’autres stratégies des cassettes de blagues russes. » similaires aux explorateurs pour ne pas déprimer ? Jean-François Clervoy des pôles ou à Christophe La motivation numéro un Colomb, ce sera pire – de c’est la mission. Ce qui arrive très loin. Six et huit mois à l’aller, pareil au retour, et est normal : on sait depuis deux ans qu’on sera sur ce deux, trois ans sur place. fauteuil le sens du devoir prédomine sur tout. C’est Vous dites d’eux : « Ils se sentiront très seuls : très pour ça que, quand on demande à Neil Armstrong ce vite, ils ne verront que le Soleil et le noir uniforme. » qu’il a ressenti en marchant le premier sur la Lune, sa Quand on ira vers Mars, ce sera la première fois dans réponse est extrêmement décevante : « J’ai juste fait l’histoire de l’astronautique qu’on ne verra plus la mon boulot. » Sans écarquiller les yeux, sans pleurer, Terre par le hublot. Au cours des vols Apollo, pendant sans rien. Moi, quand j’assiste à un décollage depuis quelques minutes, ils passaient derrière la Lune et les tribunes, je laisse aller mon corps et mes sens et notre planète n’était plus visible. On a toujours vu je pleure... parce que je sais ce que ressent l’équipage. la Terre, le sol, elle est constamment présente. Les Ce n’est ni de la jalousie ni du spleen. Mais je suis conquérants de Mars ne pourront pas dire, sauf ceux ému à mort, quoi. —
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COSMOS 2009 Tourisme
Privilège orgasmique d’une poignée de nababs, le vol touristique suborbital serait sur le point de devenir une réalité : simulation gratuite immédiate à bord du WhiteKnight Two de Richard Branson. Par Sébastien d’Ornano
Like a Virgin
« Embarquez sur les premiers Plus d’une heure hors de la vols touristiques dans station l’espace. » Depuis quelques Depuis 2001, six hommes mois, voilà l’accroche du sont partis en « simples site de l’agence française visiteurs » sur la station ISS, Voyageurs du Monde. Vous grâce au consortium Space tiquez un peu sur le prix (deux Adventures. Le package imposé cent mille dollars), beaucoup inclut huit mois d’entraînement sur la date (fin 2009) et vous vous intensif, le vol aller-retour ainsi répétez que cela sent, benoîtement, qu’une dizaine de nuits (noires) avec l’arnaque. Vous êtes pourtant au cœur de la une équipe de spationautes professionnels. dernière tendance touristique pour happy few : le Pour vingt-cinq millions de dollars, des congés voyage spatial. Pour vos vacances, oubliez Bora-Bora, sidéraux sidérants que Charles Simony (créateur des visez le haut du bananier : le cosmos ! Les nouveaux applications Word et Excel) prend pour la seconde pionniers de la conquête des étoiles, c’est vous, nous, fois ce printemps avec un rabais : 35 millions les Papi Jean, Tante Edith et les cousins en file d’attente deux vols. Pour 15 millions supplémentaires, Space devant l’aéronef. Tout être humain (très) fortuné Adventures vient d’ajouter l’option « space walk », 90 connaîtra bientôt le frisson suborbital, telle est la minutes hors de la station… Nous sommes encore promesse de plusieurs consortiums privés se livrant très loin du budget de Papi Jean, dites-vous : ce n’est depuis dix ans une course qu’un début. Si Space Les moteurs coupés, le silence envahit sans répit pour ce créneau Adventures a le monopole, la cabine. Vous passez vingt minutes évalué comme juteux. trois concurrents se sont dans l’espace, cinq en totale apesanteur. positionnés quelques Déjà, en 1967, en pleine fascination pour mètres en dessous, dans l’aventure lunaire, Barron Hilton (le grand-père de la zone suborbitale (un peu plus de 100 kilomètres Paris) publiait une note, Des hôtels dans l’espace, d’altitude). L’anglais Virgin Galactic du flamboyant très sérieusement envoyée à la Société américaine Richard Branson ; l’américain Blue Origin, propriété d’astronautique, dans laquelle il proposait la du fondateur d’Amazon, Jeff Bezos ; et l’européen construction d’un petit Orbiter Hilton (vingt-quatre Astrium, filiale d’EADS. Grimpons à bord de lits en orbite) puis d’un Moon Hilton (de trois l’aéronef WhiteKnight Two de Virgin qui, annoncé étages), reconnaissant qu’il fallait encore régler les disponible fin 2009, demeure le plus proche de problématiques liés à l’eau, l’oxygène et l’apesanteur. l’exploitation commerciale. Les experts s’étaient copieusement – mais poliment – gondolés. Aujourd’hui, derrière une communication Design minimaliste, champagne à l’arrivée façon Star Trek, les envolées de milliardaires excités Virgin vous donne rendez-vous trois jours avant le comme des gamins et les annonces de miracles vol dans le désert de Mojave (Nouveau-Mexique), techniques tous les six mois, la virée galactique de au sein du premier aéroport spatial officiel, pour Tante Edith s’approche-t-elle d’une réalité tangible ? les tests et les formations nécessaires – finalement, très peu de contraintes physiques. Le look de la **
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combinaison a été confié à l’oscarisé Chris Gilman (créateur des costumes de Space Cowboys, Austin Powers, Deep Impact) pour 20 000 dollars pièce. Quant à la cabine, son design est entre les mains de Philippe Starck, dans une ambiance minimaliste (« l’essentiel est dehors », selon le maître) : six touristes logeront dans des sièges inclinables accompagnés de deux pilotes de la NASA. Vous décollez comme dans un avion, le lanceur vous amène tranquillement à 16 kilomètres de hauteur, puis le WhiteKnight Two se détache et prend une direction verticale à plus de 4 400 km/h, soit trois fois la vitesse du son, pour atteindre la limite suborbitale. Les moteurs coupés, le silence envahit la cabine. Vous passez vingt minutes dans l’espace, cinq en totale apesanteur. Derrière les nombreux hublots, les rondeurs terrestres, le noir infini du cosmos, la Lune si proche. Trois cents secondes plus tard, une petite alerte sonore retentit, tout le monde à son siège. Au plus fort de la descente, vous subirez une pression de 7G (sept fois la gravité terrestre, deux fois le maximum autorisé sur un avion classique en cas de virage violent – ce qui n’effraie personne chez Virgin). Deux heures et demie plus tard, après l’atterrissage, les bouchons de champagne fusent. La Suède et plusieurs pays du Golfe se sont déclarés
intéressés par la construction d’un nouveau spaceport, ce qui permettrait d’atteindre le bout du monde en un temps record, en passant par l’espace. Sigourney Weaver n’a pas peur Concernant la sécurité, Burt Rutan, designer de l’engin, estime qu’elle « est au niveau de celle des premiers vols commerciaux des années 20, ce qui est très rassurant, car cent fois meilleure que celle des vols spatiaux gouvernementaux ». N’attendez pas : plus de 300 personnes ont réservé en versant 39 millions d’arrhes. En cas de succès, le coût du ticket devrait descendre à 50 000 dollars d’ici à trois ans. Et si Richard Branson a prévu d’emmener toute sa famille lors du vol inaugural, vous trouverez dans les suivants Philippe Starck, Sigourney Weaver (Alien), Victoria Principal (Dallas) ou le physicien cosmologiste Stephen Hawking. L’étape d’après suit sa route : Bigelow Aerospace, aidé de la compagnie Lockheed Martin, a déjà envoyé deux modèles tests de cabines suborbitales et lancera fin 2010 une structure de 180 m2… le premier hôtel de l’espace, selon les vœux de Grand-Papa Hilton ? Papi Jean et Tante Edith trépignent, bravant un pied après l’autre, la force de gravité. —
Illustration Carsten Oliver Bieräugel *+
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Peaufinant son second roman au narrateur simiesque prévu pour 2010, Tristan Garcia rend hommage aux animaux pionniers de l’espace. N’étaient-ils pas, quelque part, la meilleure part des hommes ? Par Tristan Garcia
L’animal spatial fut autant un rêves humains, de sortir totem qu’un cobaye. Après la de la Terre, de l’atmosphère, Seconde Guerre mondiale, et de revenir : on les soigne, les Soviétiques élirent les on les renomme, on les chiens, la France gaulliste photographie et on en fait (avec cinq ans de retard) des timbres-poste. Mike et opta pour le chat Félix, Patricia, deux petits singes les Américains préférèrent philippins, sont les premiers les singes. Dès 1948, Albert I, à réchapper à l’aller-retour auun singe rhésus américain est delà des nuages ; ils n’ont certes installé sommairement dans franchi que vingt-six kilomètres, une cabine à peine aménagée et mais reviennent en bonne santé solidement accrochée à un V2 : la fusée et finiront leurs jours dans un zoo, s’élève jusqu’à une soixantaine de kilomètres et applaudis régulièrement par les visiteurs, des Albert meurt par suffocation. Preuve de l’importance années encore après leur voyage. encore très relative qu’on accorde à nos pionniers de la conquête spatiale, les Américains appelleront Sans billet retour tous les singes de l’année 1950 envoyés au front des Progressivement, les singes américains sont pourtant cieux Albert : c’est une véritable dynastie, d’Albert I à dépassés par les vedettes canines soviétiques. Dès Albert V. Albert II franchit la barrière symbolique de la première tentative, les chiens Albina et Tsyganka, ce qu’on appelle l’espace (cent kilomètres d’altitude), éjectés sur leurs sièges munis de parachutes, passent mais meurt à l’atterrissage, comme ses successeurs. le test du vol suborbital. En 1957 peut donc avoir Il y a visiblement une « malédiction » Albert. lieu un premier grand moment de gloire déchirante : En 1951, l’armée renomme Albert VI « Yorick », le premier être vivant à s’arracher à l’atmosphère patronyme shakespearien, et terrestre, à voler en orbite le sort se brise enfin : Yorick, sera une chienne. Laïka, petite « Laïka mourut sans s’il ne s’élève qu’à soixante-dix husky sibérienne, chienne qu’on sache tout à fait quand » kilomètres d’altitude, sous la errante de 3 ans attrapée Tristan Garcia limite spatiale, atterrit vivant au filet dans les rues de la dans le désert du Nouveaucapitale, surnommée Muttnik Mexique. Malheureusement, la chaleur, le stress par la presse anglo-saxonne, est placée à bord de de l’attente, le temps que les Spoutnik 2, dans une cabine fixée sur le missile secours de l’armée parviennent balistique intercontinental SS-6. Maintenue par à le localiser et à le récupérer un harnais dans l’enclos pressurisé, Laïka n’a accès provoquent chez Yorick un qu’à un stock limité de nourriture. Dès l’envoi de la accident cardiaque. On dit que capsule, on sait qu’on ne la récupérera pas : on ne les soldats le pleurèrent. dispose d’aucun moyen fiable de la faire redescendre A mesure que la technologie vivante une fois la cabine détachée du missile. Qu’a spatiale s’affine, les singes bien pu être la réaction de Laïka, chienne des rues, américains deviennent les sans maître, lorsque décolla la fusée, enfermée sans réceptacles des espoirs, des billet retour dans un satellite destiné à tourner autour
A nos éclaireurs, with love
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de sa planète, dans l’espace ? La future héroïne socialiste, vénérée par des millions d’enfants, bardée alors d’électrodes mesurant sa pulsation cardiaque, sa pression artérielle, connut apparemment une terrible montée de stress : le bruit était assourdissant, les vibrations incessantes, elle gigotait sans issue. Puis les batteries du système tombèrent en panne. Il n’y eut plus d’air dans la cabine et plus de régulation thermique : la cabine, non protégée contre les radiations solaires, chauffa jusqu’à une cinquantaine de degrés Celsius. Les systèmes de mesure devinrent muets et Laïka mourut sans qu’on sache tout à fait quand, sans doute sept heures après le décollage, de panique, de surchauffe et d’étouffement, en rotation accélérée au-dessus de nos têtes. Les autorités soviétiques affirmèrent à l’époque qu’elle était décédée après une
semaine de vol en orbite… En 1958, la capsule tomba finalement dans l’atmosphère et s’y consuma. A la suite de Laïka en cendres, une douzaine de chiens soviétiques mirent en échec les singes américains. Bars, Lisichka, Pchelka, Mushka, Damka, Krasavka, Chernushka ou Zvezdochka se succèdent jusqu’en 1962, à la manière d’éclaireurs de Gagarine et des premiers hommes dans l’espace. Belka et Strelka, en 1960, sont les premiers êtres vivants à revenir sur Terre après avoir connu les vertiges de la mise en orbite. Strelka mit bas, un an plus tard, un chiot que Khrouchtchev offrit solennellement à Caroline, la fille de J.F.K. L’histoire ne dit pas si John offrit au fils de Nikita un petit macaque de l’espace en retour. Toujours est-il qu’en Amérique, Gordo, réponse simiesque à Laïka, meurt dans sa capsule en touchant terre. Le rhésus Able décède sous l’effet de l’anesthésique administrée avant le décollage. Enfin, Sam puis Miss Sam, en 1960, sont de retour, sains et saufs ! On rapporte que Sam, encombré par son harnais, se jeta sur Miss Sam en sortant de sa capsule, pour l’embrasser gaiement. Mais le Laïka simiesque connaîtra son heure de gloire un an plus tard : Ham est envoyé en orbite sans *-
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avoir été endormi, cette fois-ci. On attend de mesurer ses activités durant les phases de lancement, d’apesanteur et de retour. Malgré la vitesse trop importante au décollage, non maîtrisée par les ingénieurs, il s’adapte et reste en vie jusqu’à la chute de son module en plein océan Atlantique, trop loin du destroyer chargé de le récupérer. Les vagues battent violemment son abri, dans lequel l’eau de mer s’infiltre dangereusement. Plusieurs hélicoptères sont dépêchés sur place et s’emploient à hélitreuiller la capsule, tout en pompant l’eau
« Traverser le Sahara sans chameau ? » Les animaux, compagnons de l’explorateur et du guerrier ou chair à tests ? Lorsque l’être humain, en mal d’espace, se lance à la conquête, pacifique ou meurtrière, de nouveaux territoires, il est rare qu’il n’envoie pas devant lui un autre animal en reconnaissance ou qu’il ne s’entoure pas d’autres espèces… Dans la plupart des guerres et des expéditions de grands découvreurs qui cartographièrent la planète Terre, l’être humain s’adjoignit les services d’animaux en guise de garde du corps, de pisteur, de messager, d’arme et de factotum. Oiseaux voyageurs, rats démineurs, chevaux de combat, dauphins dressés pour le guidage de navires dans un détroit miné, lions de mer récupérant le matériel militaire abîmé en mer, chameaux d’attaque, cochons
par litres hors de l’habitacle. Une fois parvenu à un porte-avions, on attend avec angoisse l’ouverture du sas, dont s’extrait joyeusement Ham, en combinaison intégrale, qui demande et obtient une pomme, une demi-orange et quelques caresses. Il finira sa vie en parc zoologique. De même que le succès des missions de Belka et Strelka annonçait l’envoi de Gagarine en orbite, le succès de Ham ouvre la voie au vol de John Glenn en 1962. Vers de terre dans l’espace infini Désormais, c’est l’être humain qui ira se frayer un chemin dans l’espace, jusqu’à la Lune et peut-être au-delà. L’ère des pionniers animaux, pour le meilleur et pour le pire, se clôt. On se consacre désormais aux biosatellites qui embarquent à leur bord des insectes, des micro-organismes, des cochons, des rats, des petits singes, des mouches, des
exposés aux radiations… Jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale, qui vit les Soviétiques lancer contre les chars ennemis des chiens explosifs kamikazes. Les Etats-Unis allèrent même plus loin avec l’opération Atomic Ark en 1946 : des militaires placèrent 4500 animaux sur 75 bateaux qu’ils abandonnèrent à la dérive dans le Pacifique Sud et audessus desquels ils firent exploser une bombe atomique. On peut s’insurger contre l’utilisation bon marché de vies animales dans les grandes expéditions et les projets militaires, on peut aussi comprendre qu’aucune grande conquête humaine ne s’est faite sans un accompagnement animal : qui aurait cherché à rallier les Pôles Nord et Sud sans chiens de traineau ou sans poneys ? Qui aurait traversé le premier le Sahara sans chameau ? Quelle expédition de grands navigateurs aurait pris la mer sans bœufs à son bord ? Parfois pour les manger, parfois pour leur laisser porter le gros des vivres,
parfois pour profiter de leur sens de l’orientation, parfois simplement pour éviter la solitude, l’homme ne part pas dans l’inconnu sans animal connu à son côté, contre son flanc. T. G.
TRISTAN GARCIA EST L'AUTEUR DE LA MEILLEURE PART DES HOMMES (GALLIMARD), RÉVÉLATION DE LA RENTRÉE LITTÉRAIRE 2008.
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poissons, des grenouilles, une araignée, quelques tortues et toute une faune destinée à des expériences « douces » (mesures cardiovasculaires, tests sanguins en apesanteur). C’est peut-être une nouvelle Arche de Noé, c’est aussi une prise en compte des revendications des associations de défense des droits animaux et simultanément le passage à une époque moins héroïque de la conquête spatiale : des missions scientifiques spécialisées, sécurisées, dans un périmètre réduit à mesure que le rêve spatial s’effilochait, trop cher, devenu inutile pour les Américains avec l’écroulement de l’empire du concurrent soviétique. Le frisson de l’espace ne parcourait plus une humanité blasée par les étoiles… On reparle ici ou là, en Russie, de renvoyer nos plus proches cousins de l’évolution ou nos plus proches animaux domestiques, qui ont beaucoup donné pour une conquête spatiale à laquelle on a finalement plus ou moins renoncé, comme jadis dans les guerres et les expéditions. Envoyés les premiers au front, éclaireurs, chair à canon ou braves compagnons, près de cent vers de terre C. Elegans, les descendants généralement, les vieux camarades de l’homme de ceux embarqués dans la navette ; leur cycle de furent sacrifiés, au vie se limitant à une mieux, ils en sortirent dizaine de jours, quatre « Les singes américains et les chiens honorés. L’animal faisait générations s’étaient soviétiques deviennent les réceptacles des l’épreuve du feu, y déjà succédées. Le perdant souvent la vie, et rêves humains : on les soigne, les renomme, les lombric avait survécu l’homme passait derrière, photographie et on en fait des timbres-poste. » alors que l’homme et la ingrat ou reconnaissant, fusée étaient détruits. Tristan Garcia c’est selon. Qui sait ? Les êtres les Mais, parfois… En plus méprisés du règne 2003, après l’explosion de la navette Columbia avec animal résistent peut-être mieux, en définitive, aux sept astronautes à son bord, on découvrit dans les espaces infinis.— décombres de la fusée, une centaine de survivants : */
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COSMOS 2009 Portfolio par Julien Kedryna
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COSMOS 2009 Astrologie
La fin du monde aura lieu le 21 décembre 2012. Sous couvert de conjonction astrale, une prédiction maya a convaincu nombre de nos contemporains. Ça vous fait rire ? Par Julien Blanc-Gras*
Il vous reste trois ans à vivre
Tapez « 21 décembre 2012 » portée en 2008-2009 », dans Google et vous allez une bombe devrait tomber voir ce qui vous attend. pile sur le Sacré-Cœur, A cette date, la Terre sera à Montmartre. parfaitement alignée avec le Soleil et le centre de la galaxie. Bazar chamano-psychéUn événement céleste qui ne spirituel se produit qu’une fois tous les Si la France semble peu 25 800 ans. Conséquences : des touchée par le phénomène champs magnétiques qui partent en (notre approche cartésienne, vrille, les pôles qui se déplacent, le globe probablement), 2012 est un bon qui bascule sur son axe, la fin des haricots. business en Amérique du Nord. Des dizaines C’est ce que nous explique Apocalypse 2012, l’un des de bouquins y peuplent le rayon ésotérisme des documentaires (350 000 vues sur YouTube pour la librairies, surfant sur l’angoisse apocalyptique et/ou version française) consacrés à la date potentiellement une promesse new age. Au choix : Comment survivre fatidique. à 2012 ou Le Réveil 2012 : choisir l’illumination Tout ça, c’est à cause des Mayas. La civilisation spirituelle plutôt que l’Armageddon. Un coup d’œil précolombienne aurait prévu le terme d’un grand sur les commentaires du Net renseigne sur la cycle en ce jour ultime de son calendrier. C’est du nébuleuse des accros au 21/12/12. Des nerds crédules, moins l’interprétation de José Argüelles, historien des passionnés du paranormal, des adeptes du américain, dans Le Facteur maya (1987), premier grand bazar chamano-psyché-spirituel. Mais aussi ouvrage à succès sur la question et des vrais timbrés religieux et des point de départ du mouvement. Au conspirationnistes flippants, pas très « Les prédictions gré de milliers de pages Internet, éloignés de ceux qui sont persuadés catastrophistes, on lit que les prophéties mayas que le gouvernement américain est c’est de l’astrologie, recouperaient celles de l’oracle contrôlé par les extraterrestres. pas de l’astronomie. » de Delphes, des Indiens hopis, Il faut faire le tri. Y a-t-il une Patrick Rocher, astronome base scientifique crédible à cette du I ching et de la Bible, entre autres. Pas besoin d’être prix agitation ? Patrick Rocher est Nobel d’astrophysique pour se rendre compte astronome à l’observatoire de Paris : « Ces histoires qu’on navigue dans le n’importe quoi. Apocalypse autour de 2012, c’est du pipeau. Il y a quelques 2012 affirme que Merlin l’Enchanteur avait prévu éléments authentiques : la date correspond à peu près le réchauffement climatique. Et qu’un logiciel à la fin d’un cycle du calendrier maya ; pour l’époque, prophétique de balayage de la Toile – le web-bot ils étaient de bons observateurs astronomiques. Le 21 –, censé cartographier l’inconscient collectif (et décembre, c’est le solstice d’hiver dans l’hémisphère ainsi donner une idée de l’avenir), avait annoncé le nord. Ça ne vous aura pas échappé, il a lieu toutes tsunami de 2004. Faites gaffe : d’après cette voyante les années. Ensuite, ce jour-là, la Terre coupera le numérique, durant « une guerre nucléaire de courte plan galactique moyen avec le Soleil. Mais ça arrive +*
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Illustration Jean-Baptiste Bernardet
deux fois par an, également à la même époque ! Voir un regroupement de trois planètes, c’est assez courant. Ce n’est pas la fin du monde pour autant. Les prédictions catastrophistes, c’est de l’astrologie, pas de l’astronomie. »
pratiqué par les extrémistes religieux. Bref, toute considération prophétique ou astrale mise à part, on peut légitimement émettre l’hypothèse de la fin de l’espèce humaine à moyen terme. Si on veut voir le bon côté des choses, on peut se dire que cette atmosphère crépusculaire est une aubaine pour la pop culture. On n’a jamais vu autant de récits apocalyptiques que ces dernières années. Ça donne des chefs-d’œuvre en littérature (Cormac McCarthy, Houellebecq ou, plus confidentiels, Céline Minard et Alex Jestaire). A Hollywood, c’est l’avalanche. En 2007-2008, Will Smith (Je suis une légende), Mark Wahlberg (Phénomènes), Keanu Reeves (dans le remake du Jour où la Terre s’arrêta) ont essayé de nous sortir du pétrin avec plus ou moins de bonheur, en attendant Viggo Mortensen (dans l’adaptation de La Route) et Denzel Washington (The Book of Eli). Le spécialiste du chaos global sur grand écran demeure Roland Emmerich. Dans le prochain film du réalisateur d’Independance Day et du Jour d’après, les sommets de l’Himalaya sont engloutis par un tsunami. Ça s’appelle 2012… Il vous reste sûrement plus de trois ans à vivre, mais vous n’avez pas 2012 fini d’entendre parler de Roland Emmerich de la fin du monde. — Sortie le 11 novembre 2009
Aubaine pour la pop culture Donc, pas de raisons sérieuses de creuser un abri anti-atomique d’ici à 2012. D’autant que la fin du monde ne date pas d’hier. L’idée rôde depuis le début du monde. Et on nous a déjà fait le coup du bug de l’an 2000 et de la station Mir qui se crashe sur ton balcon. Mais il faut bien reconnaître que le discours résonne salement dans l’époque. On ne vous fait pas la liste. Allez, si : effondrement économique (ça, c’est fait), anarchie sociale (ça, c’est bientôt), krach biologique (ça, c’est en cours : un quart des espèces est en péril), extinction des abeilles (une prédiction maya ?), ultime tournée de Johnny Hallyday, etc. Autant Julien BlancGras a publié d’informations relatées par en 2007 un secdes médias mondialisés qui ond roman très drôle, Comment nourrissent et amplifient devenir un Dieu la conscience du chaos. On vivant (Au diable vauvert), anticiconsomme de la catastrophe. pant lui aussi Terrain favorable pour le l’extinction de la marketing de l’Armageddon race humaine.
(si tout va bien) ++
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COSMOS 2009 Astronomie
Au-delà du système solaire, 350 planètes n’attendent plus que l’apparition de la vie, du feu, des sandwiches et des transports en commun. A quoi bon ? Par Côme de Selva, Guillaume Houssaye & François Perrin
Exoplanètes : tout ça pour ça ?
Derrière une information s’avérant de plus en plus anodine pour un profane précises, 350 planètes ont été – la photographie, le 13 détectées. novembre 2008, de l’exoplanète Fomalhaut b par le télescope « La quête de la possibilité de la spatial Hubble – se cache un vie » exploit scientifique inédit. Par Bon, d’accord. Très bien. Pourtant, définition, les planètes extrasolaires on aurait pu se douter avant 1995 gravitent autour d’une étoile autre que notre que de telles planètes existaient, non ? Dans Soleil, à une distance telle que leur découverte notre système solaire, déjà, on en dénombre et a fortiori la captation d’une image dans la lumière huit – Pluton ayant été expulsée de la nomenclature visible relevaient avant 1995 d’une gageure à la limite (classée « planète naine » ou « objet transneptunien » du délirant. Car s’il est facile de repérer les étoiles depuis 2006). Qui plus est, on peut à peine les qui composent notre galaxie – il suffit de lever, de observer – la fameuse photographie n’est qu’un nuit, les yeux au ciel (les dragueurs de supermarché vague point rouge –, en connaître les principaux ne nous avaient pas attendus) constituants, et il demeure –, il s’avère plus délicat plus qu’improbable d’espérer de distinguer une planète y envoyer une sonde. Alors, « 5 à 10 % de la voie lactée n’émettant aucune lumière, serait potentiellement habitable. » quelle peut bien être l’utilité quelle que soit la puissance d’une telle recherche, qui de l’armada télescopique mobilise nombre d’instituts et améliorée jour après jour. de cerveaux ? Il aura fallu attendre les astrophysiciens suisses Michel Mayor, interrogé sur le sujet – et presque sur Michel Mayor et Didier Queloz, et leur méthode de le même ton –, a la patience de nous répondre au détection indirecte, pour écarquiller les mirettes, le lieu de nous bondir sur le râble : « C’est une question 6 octobre 1995 à l’observatoire de Haute-Provence, qui taraude les humains depuis plus de deux cents devant la première exoplanète, 51 Peg b, gravitant ans. Dans d’autres domaines, c’est la même chose : autour de l’étoile 51 Pegasi. Pour cela, le duo observa les paléontologues recherchent de petits morceaux les perturbations dans le mouvement d’une étoile de dents d’animaux disparus depuis longtemps. qui pouvaient trahir la présence d’une planète dans Pourquoi ? Dans le cas des exoplanètes, il s’agit de son giron. Depuis, on ne cesse de progresser sur la quête de la possibilité de la vie, de notre origine cette voie : les procédés évoluant, les informations au sens cosmique. » A première vue, la question +,
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Repères
Exoplanètes Express 6 octobre 1995 : L’équipe européenne de Michel Mayor et Didier Queloz découvre 51 Peg b, première planète extrasolaire. 25 avril 2007 : La première exoplanète « terrestre habitable », Gliese 581 c, dont la masse est cinq fois supérieure à la Terre pour un diamètre 50 % plus grand, est observée à 20,5 années-lumière. La température locale oscillerait entre 0 °C et 40 °C. 13 novembre 2008 : Première photo d’une exoplanète, Fomalhaut b, grâce au télescope Hubble. 3 février 2009 : Un satellite déniche Corot Exo 7b, plus petite exoplanète jamais constatée, d’un diamètre à peine supérieur à deux fois celui de la Terre.
Illustration Julien Kedryna
toutes les planètes découvertes jusqu’à présent, géantes gazeuses et/ou à courte période orbitale et/ou à l’orbite très elliptique, font passer la Terre pour une exception galactique. Michel Mayor : « La plupart des planètes qu’on découvre sont plus massives, ont une période plus courte et présentent des excentricités, notamment des orbites allongées. » Les chercheurs ont donc dû remettre leurs théories à plat pour essayer d’expliquer cette incroyable diversité. Et selon cette perspective, seules des conditions très précises ont pu mener au développement de notre Terre et à la possibilité d’une vie sur celle-ci. Ils ont ainsi caractérisé une zone « d’habitabilité » au sein des galaxies, qui ne concerne que 5 à 10 % de l’étendue de la voie lactée. Une telle zone existe aussi pour les planètes par rapport à leur étoile : elles doivent se situer à distance adéquate afin que l’eau, par exemple, nécessaire à la vie, soit présente dans son état liquide. Mais ce n’est pas tout : notre planète possède aussi un satellite naturel, la Lune, qui lui sert de « balance gravitationnelle », l’empêchant de basculer sur son axe, et d’un bouclier naturel, Jupiter, dont la masse immense attire par gravitation les comètes et autres corps à la dérive.
s’adresse à la recherche fondamentale en général : or, tout chercheur vous répondra que le simple fait de « savoir » justifie que l’on s’en donne la peine. D’autant qu’ici, le suspense – planétaire – en vaut finalement la chandelle. Nous sommes les fruits d’une exception galactique Il y a une vingtaine d’années, lorsque nous ne connaissions que les planètes gravitant autour du Soleil, on pensait se situer dans un système typique : les corps les plus petits logeaient près de leur étoile, tous alignés en termes de plan orbital, avec une proportion équilibrée de corps telluriques – Mercure, Vénus, la Terre, Mars, etc. Seulement voilà : après treize ans de recherche, les astronomes n’ont pas encore trouvé de système semblable au nôtre. Pis,
Grâce à la recherche fondamentale, nous avons ainsi pu prendre conscience du statut d’exception de la Terre. « On a révisé la mécanique de la formation des planètes. On sait maintenant que notre système n’est pas un modèle typique. » Nous ne pouvons plus qu’espérer – ou craindre – que d’autres corps célestes disposent des mêmes caractéristiques. — +-
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COSMOS 2009 Physique
Selon la fascinante théorie des cordes, l’univers serait une vibration permanente de structures infiniment petites qui unifieraient le monde « subatomique » et le cosmos, en ouvrant les portes de sept nouvelles dimensions. Super, non ? Par Magali Aubert & Stéphanie Vidal
Bienvenue dans la 11e dimension
Si la théorie des cordes « Plusieurs mondes passionne la quasi-totalité des possibles » physiciens, c’est qu'elle offre des Egalement appelée « théorie du clés inédites à la compréhension tout », la théorie des cordes*** de l’univers, tout en chamboulant se veut unificatrice et révélatrice complètement la conception que de tous les phénomènes physiques. nous en avons. « Ce ne serait pas la Jusqu’ici, bien que fondamentalement première fois qu’une formule théorique devance proches, l’infiniment grand et l’infiniment l’expérience », répond Jean-Pierre Revol, physicien petit semblaient soumis à des règles différentes au CERN*. « L’exemple le plus spectaculaire est celui et même contradictoires. D’un côté : Einstein et de la relativité postulée par Einstein, qui a précédé la relativité décrivant le monde comme un tissu les observations expérimentales. » Auparavant, la quadridimensionnel, stable et prévisible (régi par perception était à l’origine des découvertes : la la gravité) ; de l’autre : la mécanique quantique sensation de gravité chez Newton, le sentiment décrivant ce qui se passe dans l’atome, donnant à que l’électricité et le magnétisme avaient quelque voir un monde chaotique fait de probabilités, régi chose de commun chez Maxwell... Si, aujourd’hui, par trois forces (électromagnétisme, interaction forte, l’inverse se produit, c’est interaction faible) et dans que les bouleversements de lequel la gravité est absente. Il faut faire fi de ses préjugés la recherche fondamentale La théorie du tout concilie et accepter une réalité étrange, ont remis en cause la façon ces deux mondes en proche de la science-fiction. dont nous conceptualisons le avançant que la gravité est monde. bel et bien présente dans Ainsi, la théorie des cordes en propose une l’atome. Une surprise énorme, car accepter cela, explication élégante, basée sur la conviction c’est faire fi de ses préjugés et s’ouvrir à une réalité plutôt que le tâtonnement empirique. Un postulat étrange, proche de la science-fiction. mathématique pas encore démontré, et peut-être Le postulat est le suivant : tout (la matière et les jamais : « Si cette piste aboutit, ce ne sera pas avant forces) est composé de minuscules brins d’énergie dix ou vingt ans », selon les plus optimistes, dont oscillant comme des cordes vibrantes. Ils sont fait partie Gabriele Veneziano**, autre sommité du constitutifs de chaque chose et leur donnent CERN et titulaire d’une chaire au Collège de France, leurs caractéristiques. D’où vient cette idée ? Du qui est, vous le verrez plus loin, pratiquement à hasard, comme souvent. Dans les années 60, le l’origine de ces nouvelles « réalités ». Desquelles jeune Gabriele Veneziano cherche une équation s’agit-il ? décrivant l’interaction forte dans un vieux bouquin +.
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Polaroïd (le CERN) Aurélien Awel Ivars
de maths lorsqu’il tombe sur une équation d’Euler, reléguée aux oubliettes pour « bizarrerie ». Intrigué, Gabriele l’étudie : « C’est une équation qui admet une multitude de solutions ! » La formule propose une explication du fonctionnement de l’univers dans son entier – ce qu’Einstein avait tenté d’approcher sans y parvenir –, mais elle ne s’admet qu’à une seule condition : « Cette multiplicité de solutions implique plusieurs mondes possibles. » Le doute s’installe. Non pas sur le raisonnement mathématique, mais sur ce que nous voyons ; ou plutôt ce que nous ne voyons pas.
qu’elle décrivait la gravité. De là est posée l'hypothèse suivante, expliquée par Gabriele Veneziano : « un des modes de vibration d’une corde correspondrait au médiateur de gravité : le graviton, jusqu’alors jamais observé. » Mise de côté par les physiciens de l’infiniment petit, qui la pensaient inexistante à l’échelle subatomique et étrangement faible par rapport aux trois autres (voir encadré) pour ceux de l’infiniment grand, la gravité prend là toute sa gravité. Car une fois que le graviton aura pu être observé au CERN (les accélérateurs de particules les projettent les unes contre les autres à des vitesses proches de celle de la lumière – qui ne peut être dépassée – pour qu’elles explosent en plusieurs autres nouvelles particules, ainsi observables), les deux infinis, grand et petit, seront régis par les quatre mêmes forces. Le monde de la physique s’emballe, des chercheurs s'agitent au point d'élaborer cinq versions aux systèmes des cordes, ce qui sonne assez faux quand on cherche à prouver une seule et même harmonie.
« Magique, Mystérieuse, Matrice » Grâce à l'interprétation de cette formule d’Euler, les physiciens ont découvert que toute particule est dotée d’une structure interne vibrante qui définit ses propriétés ; les infinies vibrations expliquant l'infinie variété de matières. Et lorsque cette vieille équation est manipulée par le professeur américain John H. Schwarz dans les années 80, on découvre +/
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Heureusement, la théorie de l’unification a fini par s’unifier. L’Américain Edward Witten, l’un des chercheurs les plus respectés, a bluffé les autres lors de leur congrès annuel de 1995, annonçant que ces différences étaient en fait cinq façons de regarder la même chose, qu’il retranscrit dans la théorie « M » – pour Magique, Mystérieuse, Matrice. Une solution qui met tout le monde au diapason, mais qui offre une vision encore plus baroque de l’univers ! Vous allez voir, l’addition est conceptuellement salée.
déplacement des cordes – qui constituent, rappelonsle à ceux qui ont du mal à suivre, toute particule, dont le graviton bien entendu, mais qui serait véhiculé, lui, par une corde fermée, alors qu’elles seraient majoritairement ouvertes – impliquent donc que nous vivions dans un espace composé de six dimensions supplémentaires, minuscules et enroulées sur elles-mêmes, de sorte que nous ne pouvons pas les voir. « La preuve de l’existence de dimensions supplémentaires de notre univers, en plus des quatre Notre univers, un sous-espace en 3D connues (trois d’espace et une de temps) est loin d’être Contrairement à ce qu’on croyait, la gravité faite, mais ce serait une révolution considérable, un peu serait aussi forte que les trois autres forces. On dans la lignée de la découverte que la Terre n’est pas ne pouvait la mesurer plate, que le temps est une intégralement jusqu’ici car notion relative », confirme Une équation à plusieurs elle se disperserait. Où ça ? solutions n’est pas forcément fausse, Jean-Pierre Revol. La théorie Dans d’autres dimensions. va plus loin en relevant elle implique des mondes parallèles. M Nous vivrions dans un une onzième dimension qui univers avec des mondes contiendrait une multitude parallèles à côté de nous (à mois d’un millimètre, d'univers constitués de cordes intensément tendues, selon certains scientifiques) que nous ne pouvons appelées « branes ». Le graviton serait la première (la ni voir, ni ressentir, piégés que nous sommes dans seule ?) particule à pouvoir passer d’une dimension le nôtre. Nous avons du mal à le modéliser puisque à l’autre. Pour nous, d’après Gabriele Veneziano, le notre esprit s’est développé en fonction des quatre voyage n’est pas encore gagné : « Si nous ne percevons dimensions expérimentées. La vibration et le pas ces dimensions, c’est qu’elles sont soit trop petites
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Lexique La théorie des cordes unifie enfin les quatre forces qui régissent l’univers. La gravité : l’attraction réciproque des corps massifs sous l’effet de leur masse. L’interaction forte : maintient le noyau de chaque atome en liant protons et neutrons. L’interaction faible : permet aux neutrons de se transformer en protons en émettant des radiations. L’électromagnétisme : responsable de la lumière, de l’électricité et de l’attraction magnétique.
soit très grandes… dans ce deuxième cas, notre univers serait un sous-espace à trois dimensions, nommée 3D-brane, auquel nous serions "collés". »
Et concluons. La conception cosmique du monde renseigne sur la sensibilité des périodes historiques et politiques. Quand la Terre était plate, il n’y avait rien à redire. Quand les beaux objets astraux tournaient raisonnablement autour du Soleil, le monde se voulait rationnel. Avec les probabilités quantiques du XXe siècle, le concept d’incertitude s’est imposé. Que se passera-t-il quand nous serons certains d’évoluer dans de multiples dimensions ? Quand nous serons sûrs d’être capables de les voir un jour ? Car, est-il possible que, depuis cinquante ans, l’excitation qui mobilise les physiciens mène au constat d’une fausse piste, professeur Revol ? « Il est tout à fait possible que des scientifiques se trompent, mais ce qui fait l’intérêt de la science, c’est qu’ils passent leur temps à douter, à remettre en cause les idées, même les plus vraisemblables, ce qui fait qu’on ne se trompe pas indéfiniment. » Bon, bon, bon. Patientons. —
Communiquer avec les mondes parallèles Seule la gravité, alors, aurait « la force » de passer d’une dimension à l’autre, ce qui expliquerait sa faible intensité dans la nôtre et l’imposerait comme le premier outil de communication avec les univers parallèles. « Mais attendons de prouver qu’elles existent, avant de passer trop de temps à imaginer quelles pourraient en être les applications pratiques. », relativise Jean-Pierre Revol. Attendons effectivement la preuve de l’existence de cette particule de gravité avant de continuer les scenarios tels que : peut-être y a-t-il dans ces dimensions des mondes très divers ou très semblables au nôtre ? (« Pure spéculation. ») Peut-être qu’y vivent des intelligences supérieures ? (« De la science-fiction, pas de la science. ») Peutêtre pourrons-nous communiquer avec eux en échangeant des gravitons ? (« On le saura un jour… ») Peut-être pourrions-nous expliquer le bigbang comme un impact entre deux branes (« Mais grâce à des observations expérimentales ! ») D’accord professeur, patientons.
* Centre européen de recherche nucléaire, à Genève. ** In Dossier pour la science n° 62, mars 2009. Il est l’auteur de Particules élémentaires, gravitation et cosmologie (Fayard, 2004). *** D’après par le documentaire L’Univers élégant de Brian Greene, lui-même inspiré de l’ouvrage du même nom.
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Pourquoi les extraterrestres sont-ils souvent représentés comme des « petits gris » fragiles aux yeux immenses, semblables à des fœtus ? Hypothèse aux frontières du réel, tirée d’une conférence de Pacôme Thiellement. Par Pacôme Thiellement
Ils sont là
Les Gris représentent 75 % des inédite, se seraient contentés extraterrestres apparus aux d’obéir à des voix. Ces voix Etats-Unis. Ils sont petits, le commandaient ou annonçaient corps maigre, le visage plat, ont ce qui allait arriver. Elles de petits nez, de petites bouches, produisaient également une des oreilles inexistantes, mais de hallucination visuelle. Et ce sont très grands yeux. Ils abductent leurs ces voix qui, plus tard, auraient victimes et parlent dans leur tête. été célébrées comme des « dieux », Ils sont souvent représentés comme exorcisées comme des « démons » des colonisateurs, qui collaborent avec les ou conjurées comme des « spectres ». gouvernements mondiaux pour envahir la Terre, Toute notre histoire est celle du deuil impossible et s’installer dans le cerveau de leurs suppôts. Ce qui de ces voix, que nous tentons de retrouver par est important dans leur typologie, ce sont les grands des prières, des rituels ou des méthodes d’autoyeux, qui activent le processus hypnotique et donc intoxication produisant un état de transe. L’état intercèdent à l’advenue des voix dans la tête. Ce sont hypnotique produit par les grands yeux des Gris des voix connues, non seulement des schizophrènes, est contrebalancé immédiatement par leur forme, des enfants, des solitaires et des clochards, mais analogue à celle du fœtus, renvoyant donc à une également de beaucoup humanité générique, une d’autres gens lors de « humanité de souche ». Le Q.I. des abductés monte en flèche, graves effondrements C’est par son visage que ils divorcent, déménagent et, dans psychiques, liés à l’extraterrestre se révèle de nombreux cas, deviennent hommes l’appréhension de drames finalement un élément, d’Etat, savants, poètes ou écrivains. personnels ou collectifs. non plus révolutionnaire, L’hypothèse la plus mais réactionnaire. féconde, concernant ce phénomène, a été proposée C’est par ce visage que la fonction hypnotique se par le psychologue américain Julian Jaynes dans révèle finalement un leurre ou un faux ami. Si les son livre La Naissance de la conscience (1976). Pour Gris intègrent, par l’hypnose, la nécessité d’une Jaynes, l’audition intérieure des voix dans le cerveau bifurcation de l’homme, c’est pour lui proposer, droit est un phénomène humain naturel étouffé avec comme avenir, la réintégration de son humanité l’apparition de la conscience entre 1000 et 800 avant de souche comme terrain privilégié pour la dictée J.C. Précédemment, les hommes n’auraient pas été de leur action colonisatrice. embarrassés par des problèmes tels que l’identité ou la responsabilité personnelle mais, lors d’une prise Ils seront toujours là ! de décision liée à l’apparition d’une situation Synopsis classique de l’invasion extraterrestre : un ,(
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Illustration Sylvain Cabot
objet de forme sphéroïdique ou oblong descend du ciel et s’approche d’un témoin ; il produit un rayon de lumière intense qui le paralyse ; de petits humanoïdes à grands yeux s’approchent de lui et l’enlèvent ; ils communiquent par télépathie avec lui et lui font subir une opération chirurgicale consistant à implanter de petits objets dans son corps. Comme l’explique le chercheur français en sociologie et parapsychologie Bertrand Méheust dans Science fiction et soucoupes volantes (1978), ces étapes furent pour la plupart décrites dans des romans populaires avant d’avoir eu lieu dans la réalité ; ce qui ne veut pas dire qu’elles sont purement fictionnelles, mais que leur expression a été formalisée à partir de celle-ci. Tous ces témoins, tous ces contactés ou ces abductés n’ont pas rien vu. Ce ne sont pas des idiots, des mythomanes ou des fous. On peut douter de la manière dont ils ont décrit ce qu’ils ont vu : ce dont
Le festin gris
« Viens de trouver un livre fascinant sur les extraterrestres, une affaire étouffée par le gouvernement. A ce qu’il paraît, les Gris sont des extraterrestres dominateurs qui ont perdu la capacité de créer, une race en voie de disparition qui a besoin du sang et du sperme des humains. Pas des gens bien, ces Gris. […] Pourquoi les enlèvements et les contacts
on ne peut raisonnablement douter, c’est qu’ils aient, en effet, vu et expérimenté quelque chose qui ne relève pas de leur quotidien. Ce que nous avons pour le dire, ce sont les traces sur leur propre corps et l’observation des traumatismes que l’événement a produit sur eux : un certain nombre de symptômes communs comme l’amnésie temporaire, de sévères maux de tête, des spasmes musculaires, une soif excessive, des saignements d’oreille ou encore les yeux rougis par une conjonctivite violente. Ces traumatismes sont la trace qu’ils ne mentent pas. Mais là où la réalité a failli à donner un cadre pour mettre l’événement en perspective, la fiction est venue à la rescousse. Cette fiction, ça a été, à partir de 1947 (date de la première grande vague « soucoupique »), le « merveilleux scientifique » – des romans écrits pour la plupart entre 1880 et 1945, et dont les grands thèmes (le vaisseau fantôme, l’île volante, le continent englouti) se retrouvent presque à l’identique dans les récits des contactés des arrivent-ils toujours à des esprits contactés qui, dans leur majorité, médiocres ou inférieurs ? Pourquoi ils n’ont pourtant pas lu ces romans. ne viennent pas me voir MOI ? Parce C’est une des causes principales qu’ils ne veulent pas, ils ont peur du piétinement dans le cadre d’entrer en contact avec quelqu’un qui des recherches ufologiques. ait une conscience spirituelle avancée. Les éléments discernables de Les Gris veulent abêtir encore plus les folklore moderne se mêlent aux gens. Toute personne douée d’une témoignages et obscurcissent la réelle perspicacité est un danger pour question des traces de passage eux. Un danger mortel. » JOURNAL INTIME DE d’objets non identifiés. Mais c’est WILLIAM BURROUGHS également ce qui a permis une 3 FÉVRIER 1997 réappropriation de ce corpus d’événements par le penseur et ,)
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Extraits d’une conférence donnée en 2007 à la Fondation Ricard dans le cadre des soirées Fresh Théorie et qui, selon l’auteur, « sera probablement repris dans un futur essai para-métaphysique prospectif ». Son dernier ouvrage, L’Homme électrique – Nerval ou la vie, vient de paraître aux éditions MF.
journaliste américain John Keel, et entraîna l’esquisse d’une théorie générale des invasions divines – de l’apparition de la Vierge à la Salette le 19 septembre 1846 à l’abduction des époux Hill à Lancaster le 19 septembre 1961.
théorie générale sur la nature de ces expériences, qui diffère à la fois de la croyance en l’existence d’un peuple extraterrestre et de sa négation par les « rationalistes », qui considèrent les témoins comme des charlatans, des mythomanes ou des idiots. Les extraterrestres ne sont pas, pour Keel, des visiteurs d’une autre galaxie, mais des productions naturelles de la Terre, des éléments de notre réalité qui se manifestent d’une façon spécifique à l’époque qui est traversée. Ces apparitions ne sont que la version, adaptée à notre imaginaire scientifique, d’un phénomène vaste d’expériences récurrentes observées tout au long de l’Histoire : « Elles projettent souvent de puissants rayons de lumière vers le sol et les gens soumis à ces rayons voient leur personnalité se modifier de manière remarquable, écrit Keel. Leur Q.I. monte en flèche, ils changent de travail, divorcent et, dans de nombreux cas étudiés, s’élèvent soudain bien au-dessus de leur condition première, souvent assez médiocre. Ils deviennent hommes d’État, savants, poètes ou écrivains. » Ceux qui ont vu ont, pour la plupart, changé radicalement de vie les mois qui ont suivi son
Ils ont toujours été là ! Le plus haut fait d’armes keelien est l’enquête sur les apparitions de « l’homme-phalène » : The Mothman Prophecy, publié en 1975. Rappelons brièvement les faits : à partir du mois de novembre 1966, la ville de Point Pleasant (Virginie occidentale) est submergée d’apparitions d’une créature haute de deux mètres, noire, aux deux yeux rouges comme enfoncés dans sa poitrine (permettant à nouveau la mise en état hypnotique). Elle apparaît une centaine de fois à des habitants de la région – entraînant à sa suite une accumulation de phénomènes inexpliqués dont les témoins deviennent les victimes : ils reçoivent la visite d’hommes en noir qui les intimident et leur conseillent le silence ; leur téléphone n’arrête pas de sonner ; quand ils décrochent, ils entendent des voix métalliques dire des phrases incompréhensibles ; la réalité collective se transforme momentanément en cauchemar. Jusqu’au 15 décembre 1967, jour où le Silver Bridge, qui relie Point Pleasant à la ville de Kanauga, s’effondre dans l’Ohio River, faisant 67 victimes, dont 46 morts, parmi lesquels plusieurs témoins des apparitions. Epaulé par cette aventure, Keel expose une nouvelle ,*
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apparition. Ils se sont remariés, ont brusquement déménagé, souffert de dépression ou subi de longues hospitalisations. Quelques-uns se sont suicidés ; beaucoup sont morts dans les six mois qui suivirent la recension de leur expérience. Selon Keel, « tout le fatras interplanétaire » peut bien être oublié, mais « des individus isolés sur des routes désertes seront encore pris dans des rayons lumineux subitement jaillis du ciel, puis ils quitteront leur famille, leur travail, et deviendront soudainement célèbres, à moins qu’ils ne plongent dans l’enfer de la folie et de la ruine. »
principal, le professeur Bowman. Le point où la bonne nouvelle du film se retourne déjà contre ellemême est bien évidemment la dernière image : soit la renaissance sous la forme du fœtus, informé par une intelligence extérieure. Cette grise obsession du fœtus est étrange, surtout si l’on pense que c’est seulement à la fin des années 80 que les appareils seront capables de restituer son image de synthèse en deux dimensions. Tributaires de l’invention de Ian Donald, gynécologue écossais qui décida d’appliquer la technologie des sonars, fondée sur l’émission des ultrasons, à l’exploration du corps humain, les résultats des examens échographiques se résumaient à des lignes et des pics jusqu’en 1968, alors que son image, dans le miroir que lui offrait le Gris, existait depuis l’abduction des Hill en 1961. Et voilà bien ce qui est le plus mystérieux. Soit nous avons connu cette forme invisiblement, mais nous n’avons réussi à la réaliser qu’au point du plus grand éloignement de nous-mêmes, lorsque nous nous sommes figurés les visiteurs extraterrestres de façon anthropomorphique et neutre. Soit nous n’avons pas toujours été des fœtus mais ne le sommes que depuis la venue des extraterrestres : ce qui signifierait que nous avons bel et bien été colonisés, et donc que nous sommes tous les enfants des extra-terrestres. Ils nous ont remplacés. Et nous sommes simplement trop aveugles pour regarder nos propres naissances en face. C’est pourquoi ils n’ont plus vraiment besoin de venir. Ils sont là. Ce sont nous. —
Ce sont nous ! On ne peut pas parler de l’hypothèse extraterrestre sans évoquer 2001 L’Odyssée de l’Espace de Stanley Kubrick (1968). Si, dans les entretiens donnés à la sortie du film, le cinéaste semble accréditer la thèse des « anciens astronautes » (selon laquelle les extraterrestres seraient intervenus aux moments clés de notre histoire pour intercéder aux bifurcations culturelles), ce que 2001 met en place n’est pas la représentation de cette thèse mais son expérience – et c’est pourquoi il se soutient d’une véritable structure hypnotique qui passe par l’épuration maximum des dialogues et la lenteur des scènes. Le film est lui-même le monolithe. Ce qu’il cherche à faire, c’est opérer une transformation interne du spectateur, comparable à celle exercée par l’intelligence extraterrestre sur le personnage ,+
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En orbite depuis plusieurs romans stratosphériques, Maurice G. Dantec réapparaît avec un polar convoquant l’esprit d’un jazzman perdu dans la station Mir. Entretien François Perrin Photographie Tom [ts74]
"Loft Story dans l’espace ?"
Pourquoi la station Mir ? Maurice G. Dantec : Mir est la première-née des stations orbitales. C’est aussi la première-morte [19862001]. L’année de sa naissance, Tchernobyl et la navette Challenger explosent. Elle tombe sur la Terre – alors qu’elle est la seule de son espèce, déjà condamnée – l’année où des avions s’encastrent dans les tours du World Trade Center. Cette station avait un destin. Un de vos personnages est filmé en permanence sur la station. Si les astronautes qu’on envoie sur Mars l’étaient pendant les deux ans et demi que dure l’aller-retour, ce serait une matière romanesque motivante, non ? Douze blaireaux enfermés dans un vaisseau spatial, avec missions à accomplir et confessions en direct ? J’aimerais beaucoup voir ça. C’est effectivement un très bon projet de roman, voire de film, et sa réalisation sous forme de téléréalité n’est certes pas du domaine de l’impossible. Au contraire, on peut envisager avec calme la conquête spatiale financée par des consortiums médias/entertainment plutôt que par
Mir Express Un couple de braqueurs en cavale, victimes d’un « neurovirus » inédit, alternent conscience et télépathie avec l’équipage de la station Mir qui, bigre, héberge le spectre du saxophoniste Albert Ayler (1936-1970). Plus digeste que ses prédécesseurs, ce nouveau Dantec aligne certains thèmes chers à l’auteur : baston, oppression, états supra-
les organes scientifiques. Grand moment en mondovision : la retransmission en « directlive » de John, l’astronautelofteur américain, se tapant une dépressurisation due à un dysfonctionnement de son scaphandre. Vous jouez aussi avec les concepts d’espace-temps, de grand Tout et de serpents/ ADN, mêlant mythes ancestraux et trouvailles scientifiques. Comment les deux sont-ils liés ? Il ne s’agit pas de mythes. Les relations de l’ADN avec le cosmos sont fortement détaillées par [l’anthropologue] Jérémy Narby dans Le Serpent cosmique [1995], qui a inspiré ce roman et Babylon Babies. Les mythes sont les reliquats de découvertes scientifiques oubliées. Si vous lisez les premières lignes de la Genèse, vous avez une description très juste du bigbang (théorie inventée par un COMME LE prêtre catholique, conscient, abandon sacrificiel FANTÔME D’UN l’abbé Lemaître), soit et piste téléologique. Reprise JAZZMAN DANS comment l’univers d’un récit de 1995 censé « faire LA STATION MIR peut être créé à la transition entre Les Racines EN DÉROUTE partir du Néant, du Mal et Babylon Babies », ce comment la Lumière Albin Michel, 211 p., 16 €. Fantôme hante pendant trois est contenue dans premières parties bourrées les Ténèbres, qui pourtant ne peuvent d’idées menées tambour pas la retenir. Le monde se révèle à notre battant, la quatrième s’avérant connaissance par son mystère. — trop hallucinée pour être limpide. Houston ? F. P. ,,
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Raël porte la même combinaison blanche depuis sa rencontre avec les « Elohim ». Sa Sainteté possède-t-elle un styliste ? Par Richard Gaitet
Qui habille Raël ?
C’est le soir du 13 décembre 1973 leur « diversité ». Et ces phrases : « Il au puy de Lassolas dans les volcans n’existe aucun habit traditionnel, d’Auvergne que Claude Vorilhon, chaque Raëlien est libre. Notre phichanteur, journaliste sportif et losophie encourage le non-conformispilote automobile de 28 ans, aperçut me et certains créent leurs vêtements « Une lumière éclatante venue d’une avec beaucoup de talent. » Sa Sainteté substance métallique grise ayant la elle-même ? « Raël est un exemple de forme d’une cloche aplatie, qui s’immobilisa l’enseignement qu’il transmet : il a dessiné à deux mètres du sol. Une trappe s’ouvrit, un sa tenue qui correspond à son goût personnel. Il n’y homme d’à peu près 1,20 m en sortit, beau, avec des à pas de communauté : chaque membre vit chez lui, cheveux longs, noirs, une petite barbe, de superbes yeux travaille selon ses aspirations et la vie de famille qu’il légèrement bridés, affichant un sourire radieux. Ils choisit. Certains portent notre symbole [un svastika parlèrent six jours ». [extrait de fr.rael.org]. dans une étoile de David], affirmant leur fierté. » Et Deux ans après, le rebaptisé « Raël » – « Le les Elohim ? « Ils vivent nus et ceux qui portent des vêMessager » – aurait visité notre planète originelle où, tements le font parce que ce sont des œuvres d’art créées parmi les « Elohim » (en hébreu « ceux qui sont venus et offertes par d’autres Elohim. La nudité est belle. du ciel »), il retrouva Bouddha, Moïse, Mahomet Aucun de nous n’est né avec des vêtements ! » et Jésus, son « demi-frère ». Classé secte en 1995, Le meilleur est à venir. « Les nanotechnologies le culte compterait aujourd’hui « 70 000 membres permettront qu’un individu ayant imaginé une dans 104 pays, dont l’objectif tenue puisse l’obtenir quasi est de construire une « Raël a dessiné lui-même sa tenue qui instantanément. Les nanoambassade pour accueillir les robots réassembleront les correspond à son goût personnel. » extraterrestres et propager atomes et la mode vivra Princess Loona la paix ». Cela excuseraitune révolution qui pourrait il le chignon du prophète modifier les matériaux de et ce kimono blanc à épaulettes, arboré en toutes nos vêtements à loisir, leur couleur, leur forme, leur circonstances ? propreté... » Bientôt la fashion week intersidérale ? — Ci-Contre : Claude Vorilhon en février 1973 Ci-dessous: Princesse Loana, porte-parole
« Les Elohim vivent nus » Contactée par mail au sujet de la mode au sein de la communauté, la porte-parole européenne, Princess Loona, nous a envoyé des clichés d’une Asiatique aux seins nus fleuris, en string, tatouée, très jolie, d’une artiste déguisée en pape rose fluo, de trois lesbiennes à plumes dans le désert et de militants anti-dieu à perruques, afin d’illustrer ,-
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COSMOS 2009 Consocosmos
Beam me up, Scotty !
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COSMOS 2009 Société
Sous le commandement de J. J. Abrams (Lost), le onzième film de la saga remonte aux origines du mythe et pourrait fédérer les pyjamas de l’univers entier. Or, les affectueux Trekkies semblent en voie d’extinction. Téléportation. Par Eléonore Colin
SOS fans de Star Trek
« Recherche fans de Star Trek Dès sa création, la puissance désespérément. » Tout a allégorique de Star Trek démarré par ce post sur le impressionne par sa façon site Unification. « C’est hélas révolutionnaire d’envisager le le dernier fan-club français de monde dans un futur utopiste, Star Trek. Et encore, nous parlons où racisme, intolérance et de science-fiction au sens large. Il consumérisme seraient proscrits. faut reconnaître que ça n’intéresse Thierry, ex-journaliste à Rock plus grand monde », nous a répondu & Folk et aujourd’hui secrétaire son président, au doux nom de Jean-Régis de de rédaction pour le magazine Maximoto, Vanssay. Cinq ans après l’éradication définitive a flashé sur Star Trek : La Nouvelle Génération d’Enterprise, énième dérivé télévisuel de la série culte (1987), première émanation de l’œuvre originale. créée en 1960 par Gene Roddenberry, pas fastoche de S’ensuivront Star Trek : Deep Space Nine (1993), Star dégoter des purs, des durs. Le cerveau génial de Lost, Trek : Voyager (1995), puis Enterprise (2001). « La J. J. Abrams, a beau ressusciter le mythe au cinéma Nouvelle Génération s’inspire du principe d’origine : avec Star Trek XI, l’aura cosmique du programme ne un équipage issu de la Fédération unie des planètes, fait guère plus recette en France. rassemble différentes races d’explorateurs, humains, C’est un discret SOS via Facebook qui nous sauve la aliens, androïdes, cyborgs… Mais son univers est mise. Friend de friend de friend, Thierry Châtain en beaucoup plus cohérent, ambigu et profond, autour connaît un sacré rayon sur le sujet. « Je suis fan de de cette question centrale : "qu’est-ce que c’est Star Trek, mais j’ai aussi d’être humain ?". une vie à côté », prévientD’ailleur, le vaisseau « Dans une convention, il y avait 95 % il au téléphone, histoire de mecs poussiéreux à l’hygiène corporelle s’appelle Biko, en de s’éviter l’écueil de la douteuse. Des gens un peu seuls. Flippant. » référence à Steve Biko, caricature. Message reçu le journaliste blanc qui Thierry Châtain, fan cinq sur cinq. Si ce jeune soutenait Nelson Mandela quinquagénaire, qui sous l’apartheid et à reçoit dans d’étranges pantoufles Simpson, a revendu qui Peter Gabriel consacra son tube. A l’inverse du depuis belle lurette ses figurines fétiches, il n’en reste Capitaine Kirk, le nouveau commandant, Jean-Luc pas moins disert. Picard, est très cérébral, joué par l’acteur shakespearien Patrick Stewart. » Ah oui. « D’ailleurs le vaisseau s’appelle Biko… » La série d’origine ? Ringarde : « Je n’ai jamais trop Puceaux luisants compris ses personnages en pyjamas dans des décors Dans son salon rose bonbon, où des peluches en carton-pâte. Une vraie série B, servie par de de Stitch (le petit extraterrestre bleu made in mauvais acteurs, qui souffrait d’un manque de moyens Disney) jouxtent de superbes affiches collector des évidents par-delà sa grande dimension humaniste et Cramps, Thierry Châtain réanime pour l’occasion progressiste. » Rappelons qu’une Afro-Américaine et son magnétoscope. Le générique de la fameuse un Russe y tenaient des rôles clés – choses sidérantes Nouvelle Génération illumine l’écran. L’épisode ose en temps de post-ségrégation et de guerre froide… une transposition lunaire de l’univers fantastique -&
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de Star Trek dans un décor western ultra-kitsch. « Contrairement aux films, la série n’est pas soumise à l’obligation du spectaculaire et se permet des épisodes totalement décalés, sans trop d’action », frétille-t-il. Gaga ? Pas tant que ça : « J’avoue qu’une fois, je suis allé à une convention. Mais ce fut la dernière. Il y avait 95 % de mecs poussiéreux à l’hygiène corporelle douteuse. Des gens un peu seuls. Flippant. »
la Star Trek mania continue de faire vriller outreAtlantique. Cofondateur voilà bientôt trois ans d’une communauté francophone d’aficionados, le Québécois Julien Gagné, 19 ans, nous apprend que dans la province d’Alberta, une ville du nom de Vulcan serait le refuge de tous les nostalgiques de l’espèce vulcaine. Mon Dieu ! Cet autre inconditionnel de La Nouvelle Génération ne se considère pas comme un geek, plutôt « un trekkie modéré ». « J’aime faire du sport, sortir en club, j’ai d’autres centres d’intérêt que Star Trek, explique-til. J’aime leur façon de projeter l’humanité dans un avenir plus ou moins proche. Je ne dis pas que nous atteindrons un tel niveau technologique, mais cela fait réfléchir sur bien des aspects de notre existence, tout en rappelant l’œuvre de l’écrivain SF Isaac Asimov. » Le jeune homme conclura l’entretien par l’éternel « Longue Vie et Prospérité », devise de la Fédération. Au fond, par-delà ses dérives obsessionnelles, l’univers de Star Trek suscite la sympathie. Les grands enfants qui l’adulent véhiculent un vrai message d’amour et de paix. Ah, si seulement on pouvait se téléporter pour les rejoindre dans leur quête intersidérale ! On leur ferait des bisous, ce serait beau. —
Il suffit de visionner Trekkies 1 et 2 pour le croire sur parole. Réalisés par Roger Nygard en 1997 et 2003, ces documentaires délirants suivent une bonne centaine d’accros aux Etats-Unis. Une galerie des horreurs : entre le dentiste qui passe la roulette déguisé en alien, les cours de langue « klinglon » (comprenez : gros méchants pas contents à tête de cratère) et les conventions californiennes envahies de gars moches à lunettes gouttes d’eau, de vieilles choucroutées qui se prennent pour des déesses de l’espace ou de puceaux luisants STAR TREK XI à oreilles de Spock… de J. J. Abrams En salles le 6 mai unificationfrance.com projetst.frbb.ne
« Longue Vie et Prospérité » Plaisir coupable en France, -'
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COSMOS 2009 Cinéma
Est-ce une hérésie de voir en Star Wars un space opera ? André-François Ruaud, éditeur et coauteur d’un précis nostalgique sur les origines du genre, remet les sabres lasers à l’heure. Par Jean-Emannuel Dubois
Cape ou pas cape ? Comment définir le space opera ? Pourquoi y consacrer un livre ? André-François Ruaud : Comme un Nous avons voulu brosser un panorama des sous-genre essentiellement ludique de la scienceorigines du genre, des pulps aux bandes dessinées fiction, très amusant et, contrairement aux idées comme Flash Gordon [Alex Raymond, 1933], Les reçues, qui ne dérive pas spécialement du western : en Pionniers de l’Espérance [Roger Lécureux et Raymond général, c’est une transposition du cape et d’épée, du Poïvet, 1945-1973] et Dan Dare [Frank Hampson, récit maritime ou du péplum, au niveau du rêve des 1950], en passant par le cycle Fondation d’Isaac étoiles, dans l’espace lointain. Asimov [1951], la série Doctor Who [dès 1963] et les Quelles en sont les règles ? vieux Star Trek [dès 1966]. La culture contemporaine, Si je réponds « des capes », vous me croyez ? Regardez c’est cela : se réapproprier les « vieilles lunes », les les bons vieux Flash Gordon [dès 1936] et Buck déchiffrer, en réutiliser l’esthétique. Rogers [dès 1939] : tout le monde porte une cape Votre ouvrage s’arrête pile avant le premier Star et des uniformes incroyables. « Flamboyant », c’est Wars. Quel est le problème ? le mot qui convient le Je répondrais que le mieux à ce genre survolté, pire space opera, c’est La « La culture contemporaine, c’est se plus grand que nature et Guerre des étoiles. Le film réapproprier les «vieilles lunes», somptueusement kitch, les déchiffrer, en réutiliser l’esthétique. » de Lucas marque une mais qui sait aussi parler réelle rupture : soudain, André-François Ruaud avec une sacrée puissance en 1977, on change des questions de pouvoir, d’époque, le cinéma avec, également, une aspiration à découvrir l’univers s’empare d’un genre composé jusque-là de serials et, à immense – ce qu’hélas l’Humanité a finalement la limite, de Planète interdite [Fred M. Wilcox, 1956]. manqué de faire ! Il ne s’agit pas vraiment d’une création originale, Pourriez-vous décrire une scène type tirée d’un plutôt d’une énorme synthèse de tout ce que le space de vos films favoris ? opera livresque a offert dès les années 30. La première Je pense à Star Trek VI : terre inconnue [Nicholas trilogie est assurément très amusante si on ne Meyer, 1991] : toute l’enquête policière à bord de connaît pas les sources, mais le manque de créativité, l’Enterprise est bien représentative de l’excitation d’énergie nouvelle, nous a frappés. C’est d’ailleurs propre au mélange des genres, tout en conservant une constante par la suite : Dan Simmons dans sa la dimension navale. Et puis, cette scène très brève à saga romanesque Hypérion [1989] et Joe Michael la fois intimiste et héroïque où le commandant Sulu Straczynski dans la série télé Babylon 5 [1993-1999] se fait réveiller par un enseigné joué par Christian ont procédé par ce même système d’anthologie. Et Slater, c’est très bien vu. puis Star Wars manque d’humour, alors que le genre -(
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« "Flamboyant", c’est le mot qui convient à ce genre survolté, plus grand que nature et somptueusement kitsch. » André-François Ruaud Illustration Thomas Dircks
est très porté sur l’autodérision. N’y a-t-il aucun space opera réussi après 1977 ? C’est un paradoxe assez savoureux : le genre est devenu phénoménalement prolifique, présentant des œuvres aussi vastes que le champ d’action de ses intrigues. Tandis que l’originalité, eh bien, n’est pas exactement son souci. Star Trek est d’une formidable richesse (à l’exception des Deep Space Nine [19931999], creux terrible, assèchement pour cause de politiquement correct). Babylon 5 fut aussi une très belle réussite, une œuvre d’auteur se bouclant de manière très satisfaisante après cinq saisons. Le Doctor Who d’aujourd’hui propose des récits dynamiques, drôles et dramatiques, et c’est de loin ce qu’il y a de plus excitant en ce moment. Attendez-vous le remake de Planète interdite, scénarisé par Straczynski ? Je ne me suis pas déplacé pour celui du Jour où la s’arrêta SPACE OPERA ! L’IMAGINAIRE Terre [Scott SPATIAL AVANT 1977 Derrickson, André-François Ruaud 2008] : je & Vivian Amalric préfère Les Moutons Electriques
franchement revoir l’original de Robert Wise, typique de l’état d’esprit de 1951. Je n’apprécie guère la politique des remakes menée depuis dix ans par les studios qui, sans imagination, vise d’abord la rentabilité et trahissent bien souvent le discours critique d’origine, comme avec ceux de La Planète des Singes [Tim Burton, 2001] et Rollerball [John McTiernan, 2002]. Votre pronostic sur le prochain Star Trek, en salles le 6 mai ? Il faut se méfier du politiquement correct véhiculé par J. J. Abrams [réalisateur-producteur, créateur de Lost et de Mission Impossible 3], pur produit idéologique du Hollywood actuel, sans céder toutefois au rejet de beaucoup de fans : ce peut être un bel ajout au mythe ou simplement une relecture sympathique, à la manière de la série Ultimate de Marvel [remettant à jour Spiderman, Iron Man, etc.]. Les deux derniers Star Trek étaient atroces, particulièrement Némésis [Stuart Baird, 2002] qui contredisait purement toute la mythologie établie par cet univers. Une horreur ! —
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COSMOS 2009 Curiosité
A défaut de gravité, une galerie comme l’espace donne toujours un certain poids aux objets qui y voyagent. Catalogue non exhaustif de la brocante céleste. Par Charline Lecarpentier
Objets volants identifiés
L’éclosion d’un oignon a tout de suite plus d’intérêt si elle a lieu en orbite. L’expérience fut faite dans la station soviétique Saliout-6 en 1978. A la Réunion, les locaux sont très fiers qu’un litchi de Sainte-Rose ait été embarqué fin juin 2007 dans le module orbital Genesis-II. Ce qui vaut pour les fruits et légumes vaut pour tout ; artistique ou pas, l’exploit de la distance confère à l’objet une préciosité formidable.
Diamond Spring aux Etats-Unis, filmant la performance afin de la transcoder en hologrammes qui ont voyagé jusqu’à la Lune. Le processus a impliqué douze ans de travail pour « faire sortir l’opposition du tout et du rien de la gravité, élever les eaux purifiées du monde en une extase et ainsi créer une ouverture entre le monde et le vide », commente-t-il en une phrase lunaire. Le Suisse Arthur Woods, lui, a envoyé sur Mir, en mai 1993, l’œuvre 3D Cosmic Dancer, première sculpture galactique (un petit assemblage des barres vertes fluo) ayant coulé avec la station lors de son retour en 2001.
Space art, « entre le monde et le vide » A ne pas confondre avec l’art inspiré par le spatial (remballez vos aquarelles lactées), le Space Art implique les technologies de la course aux étoiles. Les Bouteilles à la mer cosmique œuvres, rares, exigent des connaissances scientifiques, Si les Vulcaniens trouvent la sonde Pioneer envoyée des investissements importants et beaucoup de en 1972 hors du système solaire, ils imagineraient les temps. L’objectif, explique Gérard Azoulay, directeur Terriens comme représentés au flanc de l’engin : un de l’Observatoire du CNES, est de « montrer au homme et une femme nus (pudiquement gommés) public que l’espace sur une plaque de bronze « La banque de données peut nous concerner (selon l’astronome Voyager Golden Record est partie en 1977 tous, sans que nous y Carl Sagan et sa avec des bruit d’animaux, de vagues, allions nous-mêmes ». femme, l’artiste Linda de nourrissons, la musique de Stravinsky Pierre Comte, fondateur Sagan). Pariant sur une et de Chuck Berry. » du mouvement en 1979 civilisation avancée, des avec Horus, a conçu données et des schémas la première installation visible par les astronautes en utilisant les pulsars de la galaxie devraient orbite : 24 prismes de 500 mètres de diamètre flottant leur permettre de situer notre planète. sur le lac Nasser. Après Signature Terre en 1989, qui Une banque de données nous a quittés en 1977 à bord consistait à faire photographier le « symbole médiéval de deux sondes Voyager. Le Voyager Golden Record de la planète Terre » (16 carrés noirs sur une superficie comporte des archives audiovisuelles telles que des bruit de 390 000 m2) par le satellite Spot, il créé ARSAT, d’animaux, de vagues, de nourrissons, la musique de premier happening spatial, à base d’étoiles artificielles Stravinsky et de Chuck Berry, « bonjour » en plusieurs gonflables visibles « de tous les points de la Terre ». langues et un message d’explication du président Plus nébuleux, l’Américain Lowry Burgess a rejoint les américain Jimy Carter – qu’il n’a pas écrit à la légère, pionniers du space art en 1987 avec Moon Bounce : il convaincu qu’il était d’avoir vu un ovni. déversa l’eau purifiée de plusieurs fleuves dans celui de -*
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Ashes to Ashes Les astronautes déposent, eux, des traces symboliques. La Française Claudie Haigneré a choisi un euro avant sa mise en service, Jean-Loup Chrétien, premier Européen de l’Ouest dans l’espace en 1982 lors de la mission franco-russe PVH, a emporté son orgue à bord du vaisseau Soyouz T-6 et de la station Saliout 7. En 2008, le Japonais Takao Doi a exaucé le souhait du champion du monde de boomerang en en lançant un dans la station STS-123 Endeavour. Il lui est revenu. De son côté, le milliardaire américain Steve Fosset a fait voler un manuscrit signé de Jules Verne à bord du SpaceShipOne, premier engin spatial privé de l’Histoire. Les cendres de cent cinquante personnes ont déjà été mises en orbite, dont celles du créateur de Star Trek Gene Roddenberry, placées en 1992 dans une capsule de la taille d’un rouge à lèvres à bord de la navette Columbia STS-52 jetée dans l’espace en 1997. Sa femme Majel Barrett, qui jouait l’infirmière amoureuse de Spock dans la série, morte en décembre 2008, s’apprête à le rejoindre dans les cieux pour 5 300 dollars. Pas si cher, finalement, de rejoindre les étoiles au sens propre du terme. — Illustration Roxane Lagache
« Dans les petits papiers des Saturniens » Sur demande de l’Agence spatiale européenne, Julien Civange et Louis Haéri ont composé en 1997 Music2Titan, quatre instrumentaux partis pour sept ans vers le satellite de Saturne à bord de la sonde spatiale CassiniHuygens. La musique ambassadrice de notre planète est arrivée en 2005 sur Titan, à quatre milliards de
kilomètres. Quel était le public visé ? Julien Civange : Les extraterrestres, mais l’objectif était aussi de communiquer sur Terre [titres disponibles sur iTunes], avec un public space and music friendly. Comment ça s’appréhende la composition pour extraterrestres ? On est parti des images réelles et de synthèse de la mission. Ces compo, qu’on a voulues neutres comme une
paire de Stan Smith, ne s’inscrivent pas dans la tradition des musiques spatiales : c’est une matrice plus qu’un exercice de style. Le quatrième titre interroge le désir de conquête de l’homme. Dans l’espace, on reste dans un monde d’investisseurs, et vu notre niveau d’imagination, on risque d’y voir fleurir des McDo. Entretien C. L. music2titan.com
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COSMOS 2009 Télévision
Petite sœur intergalactique des Simpson, la série Futurama termine sa rotation après dix ans d’orbite absurde et de références pop. Le producteur David X. Cohen évoque ce vaisseau très spécial. Par Margaux Duquesne
C’est la fin des haricots (verts). La par la construction d’un minipétillante équipe de Futurama golf sidéral. Au téléphone, publiera en mai Into The Wild malgré la mort annoncée Green Yonder, point d’orgue de son show, le producteur de la série animée comicoexécutif et scénariste David X. cosmique et ultime volet d’une Cohen, diplômé de physique salve de quatre longs métrages et d’informatique devenu auteur farfelus sortis directement en DVD. pour Beavis & Butthead et la Savoir que ce petit bijou d’humour tribu d’Homer, garde un soupçon débile créé par Matt Groening (Les d’optimisme : « Quand nous l’avons Simpson), lancé par la Fox en 1999 et diffusé écrit, nous savions que ça pouvait être la dernière dans la foulée sur Canal+ pour cinq saisons fois. Cette fin est pleine d’émotion. Mais nous avons bêtes et méchantes, risque de s’éteindre telle une laissé une part de mystère. supernova, révolte plus d’un geek. La livraison de Si nous revenons, nous aurons encore énormément Bender’s Game, en février, jonglant entre Donjons de choses à explorer ! » & Dragons et un remake loufoque du Seigneur des Anneaux, ne consolait guère de la disparition Fan créatif et guest qui tue programmée de Fry, authentique loser Au fil des épisodes, les clins d’œil à la sciencedu vingtième siècle parachuté mille ans plus tard fiction transpirent à grosse gouttes. « Le classique à la suite d’une SF qui m’inspire le plus reste définitivement Star Trek cryogénisation inopinée. qui, comme Futurama, Dans Into The Wild Green imagine un groupe de Yonder, lui et l’équipage personnes vivant et « Si nous revenons, nous aurons encore du Planet Express – une voyageant ensemble énormément de choses à explorer ! » entreprise de livraison à bord d’un vaisseau. David X. Cohen, producteur de Futurama interplanétaire – se Les deux sagas, tout en retrouvent à « Mars montrant le futur, tentent Vegas », où l’on trouve quelques commentaires « des filles de joie profondes comme l’espace ». sur notre vie de tous les jours. » Cette posture très Notre livreur de pizzas favori acquiert le pouvoir postmoderne du « fan créatif », parachevée par la de lire dans les pensées grâce au médaillon d’une présence au doublage, saison 4, de l’essentiel du pasionaria féministe-écolo, implanté dans son crâne. casting original de la série en pyjama – avec, of course, Il sera aussi question de sauver l’écosystème du William Shatner et Leonard Nimoy – pour l’épisode Nain Violet menacé « comme 12 % de la galaxie » bien-nommé Là où aucun fan n’est jamais allé,
Futurama Blues
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a de quoi séduire. « Toute une génération a grandi sous l’emprise de la science-fiction et des comics. Elle est la plus à-même d’apprécier notre humour. » Système solaire de la référence pop, Futurama distribue des allusions cocasses et du guest qui tue (Beck, Al Gore, Pam Anderson, Stephen Hawking et, dans le dernier film, Snoop Dogg) à l’attention directe de son fan-club (« pour lui, rien que pour lui »), sans jamais verser dans le politiquement correct.
d’animaux, où Leela, le tendre cyclope aux longs cheveux mauves dont Fry est amoureux, adopte le goinfre Nibbler. Et dans l’épisode Le Jour où la Terre devint stupide, l’astre Tweenis 12 est détruit par une bande de cervelles volantes cherchant à éradiquer toute pensée dans l’univers : « Mon Dieu ! Alors c’est comme des télévisions volantes ! » s’écrit Leela. Et que seraient nos héros sans cette pourriture de robot tordeur, Bender ? Alcoolique et kleptomane, obsédé par les revues pornos, Bender, cigare aux lèvres et loufiat de la réplique en titane (« Je vais en ouvrir un, moi, de parc d’attractions avec des tables de blackjack et des putes ! ») est inoubliable depuis sa descente aux enfers, accro à l’électricité, après un concert trop arrosé des Beastie Boys… Aucun androïde n’aura été plus tordant : « Dès le début, nous savions que Bender serait un peu la star. Un personnage qui dit exactement ce qu’il pense quand il le pense, fait ce qu’il veut quand il veut, c’est assez imparable. » Au premier épisode, l’amitié entre Bender et Fry naissait dans une cabine à suicide sur laquelle on lisait : « Choisissez votre mort : rapide et indolore ou lente et effroyable. » De toute notre âme, on souhaite la seconde option à Futurama. —
Réservoir à fantasmes et androïde tordant Pour David Samuel Cohen – qui changea son S. en X. à cause d’un homonyme « et parce que ça fait science-fiction, non ? » –, le choix de l’espace comme terrain de jeu est aussi limpide que l’eau de roche nébuleuse : « Dans l’infini, tout est différent. Il y a des robots, des aliens, des monstres ! Nous voulions vraiment nous démarquer de l’aspect "enfantin" des Simpson. Futurama raconte plutôt des histoires d’adultes avec leurs problèmes, et parfois du romantisme à la clé… » INTO THE WILD Réservoir à fantasmes, le GREEN YONDER cosmos a ouvert le champ des DVD (20th Century Fox) possibles : on visite la planète Vergon 6, peuplée uniquement Sortie le 13 mai --
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COSMOS 2009 DVD 1
Space opera inversé, Wall-E projette le retour d’une humanité exilée dans l’espace : un petit pas pour le robot, un grand pas en arrière pour l’homme ? Par Wilfried Paris
Avec un peu d’imagination, on réduits à l’état de légumes peut voir la conquête spatiale US incapables de se mouvoir seuls, les comme un prolongement de hommes sont asservis en tout celle de l’Ouest, de l’idéologie consentement au pouvoir des de la « Destinée Manifeste » machines. selon laquelle la nation Wall-E est un space opera américaine avait pour inversé et généreusement mission divine de répandre la écologiste, signifiant que la Terre démocratie et la civilisation. Ces ne sera jamais que notre seul et fondements de l’impérialisme unique habitacle, qu’on ne pourra local trouvent leur représentation jamais rien soustraire du jardin cinématographique dans des westerns d’autrui. En cela, Wall-E marque un « idéalistes » (républicains, faucons légitimant changement de paradigme dans la figuration de l’appropriation du territoire par la violence, avec notre place dans le cosmos et de notre responsabilité John Ford, John Wayne et vis-à-vis de la planète qui nous a accueillis. Les Mystères de l’Ouest, 1965-1969) ou « réalistes » La conquête spatiale telle qu’elle est conçue et (démocrates, pacifistes représentée ressemble à une dénonçant le génocide des fuite en avant qui accroît le « Quand tout aura été détruit ici… » sentiment d’irresponsabilité Amérindiens, avec Little Big Man, 1970, ou Jeremiah Johnson, de l’Occident. Wall-E 1972). rappelle à tous ceux qui s’imaginent pouvoir un jour Le western spaghetti enterra le genre sous la dérision s’expatrier dans un monde nouveau, quand tout en même temps que le grand public s’enamourait aura été détruit ici, que l’Amérique peut encore être de space opera (lire p.72), repoussant les frontières une Terre Promise et que l’Infini, c’est encore Ici de la colonisation américaine (du chemin de fer à la et Maintenant. — fusée) « vers l’infini et au-delà » – comme dirait Buzz l’Eclair, autre héros Pixar –, indiquant que la limite du territoire géographique avait été atteinte, qu’il fallait désormais coloniser les espaces extraterrestres.
Revenir sur terre
Explorer l’Infini, une fuite en avant A rebours de cette idée d’expansion illimitée, Wall-E, le film d’animation d’Andrew Stanton (2008), organise le retour sur Terre d’une espèce humaine déracinée par l’entremise d’un petit compacteur de déchets, seul sur une planète plus très bleue recouverte de débris. Une fable où l’amour de deux robots remet sur pied (littéralement) une humanité séparée d’ellemême par la WALL-E technologie : DVD (Buena Vista)
Illustration Carsten Oliver Bieräugel -.
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COSMOS 2009 DVD 2
Habillée de costumes kitsch, de métaphysique chic et d’effets spéciaux toc, la série Cosmos 1999 filmait l’avenir avec une extrême lenteur. Retour vers le futur antérieur. Par Wilfried Paris
« En 2008, les gens se croisaient collision avec un cerveau spatial : dans les airs / au volant de une distorsion de l’espace-temps coléoptères / supersoniques mais met nos héros en présence de leur silencieux / En 2008, il y avait avenir) et des pyjamas moulants des immeubles mous / qui se pattes d’éléphants de rigueur, transformaient tout à coup / avec grosse ceinture faisant au gré des climats capricieux. »* saillir les bourrelets de Martin C’est ainsi que le petit Philippe Landau, savoureux Commandant Katerine, en 1978, imaginait Koenig. 2008. Peut-être la cause de cette prospective enfantine, la série Futur désincarné, noir et gris britannique Cosmos 1999 (1975 - 1978) Sa lenteur extrême (on n’hésite pas à de Gerry Anderson suggérait déjà que le 13 laisser un silence dans une conversation), une septembre 1999, suite à une violente explosion, la certaine froideur (la très blonde hitchcockienne Lune serait détournée de son orbite et dériverait aux Barbara Bain en Dr. Russell) et une grisaille générale confins de l’espace. Les habitants de la base Alpha (décors et costumes sont gris, noirs ou blancs, allaient devoir affronter les les rares touches de couleurs « Un pas de géant multiples dangers que recelait cet semblant délavées) offrent la pour l’humanité ... univers infini… Cosmos 1999 a vision d’un futur désincarné, atteint le cercle fermé des séries pragmatique, scientiste, C’est plutôt un faux pas très cultes, via des effets spéciaux qui laisse peu de place aux dans l’obscurité. » de grande qualité (dus à Brian émotions. Cette ambiance (John Koenig, Johnson, à l’œuvre sur Alien et claustrophobe (l’action se commandant de la base Alpha) déroule quasiment en huisL’Empire contre-attaque), des scénarios métaphysiques clos dans la base), multipliant un peu tordus les dialogues bavards et psychologisants, est sans (Alpha doute la raison pour laquelle la série n’a jamais entre vraiment décollé à l’audimat américain – le pays en voulait surtout savoir si Koenig et Russel allaient avoir une relation amoureuse. Cosmos 1999 n’a eu droit qu’à deux saisons (privilégier la première, plus originale). Il n’empêche, utilisant la musique classique (L’Adagio d’Albinoni ou la Neuvième de Beethoven), le feuilleton semble évidemment marqué par Stanley Kubrick : on y retrouve à peu de choses près les mêmes décors, parfois les mêmes plans que dans 2001 L’Odyssée de l’Espace. Ironie de l’anticipation, on parle de plus en plus d’un remake hollywoodien. Où est le futur ? Il est derrière nous. —
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* Sur l’album Robots Après Tout, 2005
COSMOS 1999 Coffret DVD (TF1 Vidéo) -/
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COSMOS 2009 Mode
Très haute couture
De gauche à droite et de haut en bas : Maison Martin Margiela, Gareth Pugh, Dolce&Gabanna, Christopher Kane, Balmain, Céline, Versace, Alexander McQueen.
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COSMOS 2009 Portfolio par ThĂŠo Mercier
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2500 ans de musique cosmique
COSMOS 2009 Musique cosmique (années 00)
Accumulant les clins d’œil à la conquête spatiale, le projet N.A.S.A. place dans sa navette hip hop quarante héros du temps présent dont Kanye West, M.I.A., Santigold ou Lykke Li. Les commandants de bord vous souhaitent un agréable voyage sonore. Entretien Richard Gaitet
Apollo guys Les références à l’espace étaient-elles présentes dès étions copains avec sa nièce… On tenait à ce que l’allumage il y a six ans ? chaque musicien se retrouve avec nous en studio. Squeak E. Clean : Je crois. En choisissant le nom du Seuls David et Ghostface Killah ont travaillé chez groupe [North America South America, N.A.S.A.], eux. on a décidé d’assumer notre côté geeks spatiaux, Qui a loupé le décollage ? fans de science-fiction et des missions de la NASA, Squeak : On a demandé à la planète entière, spécialement celles du programme Apollo [1961quasiment : Lou Reed, Björk, Thom Yorke, 1975], dont les membres étaient si nobles, si James Brown, Al Green, Rakim, Win Butler d’Arcade courageux. Derrière certains de leurs gestes, il y a Fire, Alexis Taylor de Hot Chip. David Bowie a été une intention d’unité, d’unification de l’humanité très élégant, nous écrivant une belle lettre pour nous en une seule et même race. D’où le titre de l’album, remercier, mais que ce n’était pas son truc. The Spirit of Apollo. En plus, Apollon est le dieu de la DJ Zegon : Il y a aussi les enregistrements que nous poésie, de la musique et des arts. n’avons pas gardés : des titres avec Cee-Lo, De La DJ Zegon : Ce disque fut aussi une mission, un défi Soul, Money Mark, des membres de CSS, Seu Jorge. difficile. De mai 2003 à novembre 2008, du premier On pense en faire un maxi. Toute la réalisation de morceau Hip Hop, avec KRS-One aux prises de voix, l’album a été filmée, ce qui nourrit un documentaire, de Gifted avec Lykke Li et Santigold, de la Jamaïque à parallèlement aux clips animés de chaque chanson. la Suède en passant par Et pour le live, on Londres et quinze-seize prévoit un crew « POUR RÉALISER L’ALBUM, ON A PARCOURU allers-retours entre cosmique, un gang TELLEMENT DE KILOMÈTRES QU’EN New York et São Paulo, intergalactique de potes LES ADDITIONNANT, ON POURRAIT nous avons parcouru et de danseurs. PRESQUE ATTEINDRE LA LUNE. » tellement de kilomètres Sur la pochette, on qu’en les additionnant voit deux fusées, DJ Zegon, N.A.S.A. on pourrait presque deux astronautes en atteindre la Lune. perdition, une boule Comme par hasard, je suis né en 1969. à facettes et, caché sous le sticker… un membre Comment sont nées ces comètes musicales ? du Ku Klux Klan ? DJ Zegon : On a commencé par sampler un millier Squeak : [Embarrassé] Un moine catholique, plutôt. d’obscures bandes originales brésiliennes de films et Il faudrait demander à l’auteur [Sage Vaughn]. Le de telenovelas des années 60-70. Du funk, de la soul, symbole est puissant. Les gens seront peut-être des breaks. De la samba. offensés. Pourtant, à l’opposé des idées du Ku Klux Squeak : Réarrangées via Protools. Puis on a dressé Klan, le disque entier tourne autour de l’exploration sur un tableau la liste des guest rêvés, écrit une lettre des racines communes à toutes les ethnies. à chacun accompagnée d’une démo. Certains ont Mort d’une crise cardiaque en 2004, Ol’ Dirty répondu, d’autres non. C’était compliqué, sauf pour Bastard écoute le disque depuis les étoiles… Kanye West et M.I.A., qui ont dit oui tout de suite. Squeak : C’est une telle chance, une telle bénédiction Pour David Byrne, on a attendu la réponse de son d’avoir capté sa dernière création deux semaines label près d’un an, avant de découvrir que nous avant qu’il ne rende l’âme. Nous souhaitions le ..
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Photographie Caroline de Greef & Illanit Illouz
rencontrer à Harlem par l’intermédiaire de son manager, mais – je m’y attendais – il ne s’est pas pointé au rendez-vous. Le lendemain, il a enregistré quelque chose chez lui, à Brooklyn, et nous avons échangé quelques commentaires. Dingue. En 2005, l’Agence spatiale européenne a placé quatre instrumentaux de jazz-lounge dans la sonde Titan dans l’espoir d’un contact extraterrestre. Et si la NASA demandait à N.A.S.A. de composer pour l’espace ? DJ Zegon : Je placerais le remix très spatial de Gifted par notre ami Kool Kojack. James Brown ou George Clinton feraient très bien l’affaire, aussi. Squeak : Il faudrait écrire quelque chose de spécial
pour les Aliens. Mais Beethoven est sans doute le plus haut niveau musical jamais atteint sur Terre. DJ Zegon : Trop sérieux, trop sombre, non ? Squeak : C’est clair qu’ils vont croire que les Terriens manquent un peu d’humour. Alors un mash-up entre Beethoven et James Brown. Si vous étiez les DJs du premier vol spatial ouvert au public, que joueriez-vous en orbite ? DJ Zegon : Prenez mon ticket, je détesterais ça. Squeak : Attends, tu dirais non si on te proposait de quitter la Terre ? DJ Zegon : Je serais malade, sûr ! Squeak : Eh bien moi, je jouerais Moroder ou ma propre musique – avec peu de paroles, je pense. —
Casting lunaire
Frusciante, Seu Jorge, Method Man, RZA, Chali 2na de Jurassic 5, Karen O. et Nick Zinner des Yeah Yeah Yeahs, Kool Keith et Tom Waits pour un duo vrillé virtuel, The Cool Kids, Nina Persson des Cardigans, sans oublier, entre autres, le clip de Money (avec David Byrne) et la seconde pochette signés Obey, pour dix-huit titres atomisant les frontières entre planètes musicales. R. G.
De RZA à M.I.A., la pop-monde embarque avec N.A.S.A. Autour des beats de l’Américain Squeak E. Clean (Sam Spiegel, à gauche, petit frère du cinéaste Spike Jonze) et du Brésilien DJ Zegon (Zé Gonzales, à droite, ex-skateur professionnel), quarante featurings sidéraux parmi lesquels, outre ceux cités plus haut, George Clinton (« qui, après quelques
"récréations", resta six heures assis dans la cabine sans bouger, super strict »), Chuck D., Q-Bert, John
THE SPIRIT OF APOLLO (Anti / Pias)
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2500 ans de musique cosmique
COSMOS 2009 Musique (années 00)
Orfèvre du bruit et fondateur de la revue Erratum réunissant la crème des poètes sonores, Joachim Montessuis joue avec Cosmogon d’un drôle d’instrument de musique : le système solaire lui-même, qui « n’est que vibration ». Par Julien Bécourt
L’univers sur vibreur La densité des performances de Joachim Montessuis, 37 ans, renoue avec un dépassement de soi lié à ses pérégrinations africaines, ainsi qu’à la tradition zen-bouddhiste de l’ascèse et l’exploration mentale du cosmos. Liée au souffle rythmique, amplifiée à l’extrême – crescendo tellurique, déflagration de fréquence pure –, sa musique relève de l’expérience psycho-acoustique et atteint son climax à travers Cosmogon, programme développé à partir du logiciel Max/MSP, outil de choix des (dé)compositeurs électroniques contemporains. « L’idée est d’utiliser les fréquences sonores émises par les planètes du système solaire [lire p. 96]. La partition est fondée sur la loi naturelle de "l’octave cosmique" de Hans Cousto, mathématicien musicologue suisse qui relie, en 1978, des phénomènes périodiques comme l’orbite des planètes, les couleurs, les rythmes et les fréquences. Je vois également ce projet comme une approche de Nada Yoga, une voie d’exploration de la conscience par les sons. Sa cosmologie part du principe que tout,
à laquelle Joachim ne semble pas étranger, réfléchissant à une « interface visuelle permettant de comprendre les cycles des planètes, en écoutant les sons et rythmes correspondant à leurs croisements. Cela peut faire penser à l’astrologie dans le sens ou l’on imagine que ces vibrations peuvent nous influencer. » Où se rejoignent espace intérieur et espace extérieur ? A quel point sommes-nous déterminés par ce nano-monde au cœur de la Création, dont la physique quantique s’attache à révéler les arcanes ? « Le caractère sinusoïdal continu des sons révèle très clairement une tendance à la relaxation, au méditatif : les battements les plus lents peuvent amener le cerveau à s’y synchroniser. Ensuite, là ou l’un fera une expérience mystique, l’autre appréciera le concert comme un simple massage relaxant... les portes sont ouvertes aux expériences. » Venez tenter l’osmose vertigineuse avec les ondes-corpuscules du Cosmogon. —
« L’idée est d’utiliser les fréquences sonores émises par les planètes du système solaire. » Joachim Montessuis dans l’univers, n’est que vibration. Cosmogon se finit d’ailleurs dans une sorte de méga drone bruitiste, un "om" maximaliste si l’on veut... » « Massage relaxant » Toute matière serait donc une vibration, que Montessuis rend palpable via des fréquences pouvant influer sur notre état physiologique et psychique. Cette mise en son de la galaxie est une extension du process de la conscience et de l’activité des neurotransmetteurs. On n’est pas loin de l’astrologie, /&
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COSMOS 2009 Musique (années 80)
DJ visionnaire, l’Italien Beppe Loda, 52 ans, transforma la musique de club en capsule spatiale inondée de lasers, de disco black, d’électro progressive et de new wave – le tout sur un tempo hypnotique. Entretien en apesanteur. Entretien Julien Bécourt
"Expressives, colorées, étranges" Comment définiriez-vous la musique cosmique ? communauté, personne ne peut prétendre l’avoir Beppe Loda : La musique cosmique [ou « cosmic »] inventé seul. n’existe pas : c’est une appellation erronée à laquelle D’où vient cet intérêt pour la SF, les sons je refuse d’être affilié. Assimilée hors d’Italie à une robotiques, Kraftwerk et les synthétiseurs mixture électronique/pop/progressif/new wave que analogiques ? je jouais à mes débuts au Typhoon Club de Brescia, Beaucoup de clubs étaient fascinés par l’espace et fréquenté par nombre de « post-hippies » [où il fut la disco robotique, mais seulement de 1970 à 1980. résident de 1980 à 1987], mais jamais plus d’une Ensuite, parallèlement au succès de l’italo-disco et du heure. Cette terminologie ne représente qu’un style new romantic anglais, cette vision futuriste s’est aspect du courant « afro », né à cet endroit, qui transformée en phénomène de mode. Seuls quelques puisait ses racines dans endroits proposaient les rythmiques africaines une musique réellement tribales. alternative. Au Typhoon, Loin de la musique de vous entriez vraiment club au kilomètre, vos dans un autre monde. mixs étaient précurseurs. Que devient Memory Etiez-vous considéré Control One, formé en comme bizarre ? 1983 avec Francesco J’ai joué toutes sortes de Boscolo, à qui l’on doit musiques, étudié un peu Basic, le premier morceau les percussions et le « d’italo synthétique » ? piano. Je me considère MC1 est plus vivant « Je n’ai jamais eu l’impression d’innover autant percussionniste mais oui, j’étais considéré comme bizarre. » que jamais ! Nous que compositeur de avons collaboré l’an Beppe Loda musique électronique. dernier à Düsseldorf Je suis DJ depuis trenteavec Michael Mertens, cinq ans, amoureux du rythme et des sonorités du groupe Propaganda, sur le label Amontillado. expressives, colorées, Nous offrons toujours une musique très personnelle, étranges – futuristes, non jouable en club, avec des effets vintage suffisamment DISCOGRAPHIE conventionnelles. Je n’ai forts pour matérialiser nos visions imaginaires, dans CHEZ SYNTHONIC jamais eu l’impression la lignée de Wendy Carlos, Isao Tomita, Conrad TYPHOON: POR- d’innover, mais oui, j’étais Schnitzler et Klaus Schulze. Plus récemment, nous TRAIT OF THE considéré comme bizarre, avons créé Egotrya, projet d’électro-synth-progressif. à l’intérieur d’une scène Deux maxis sont sortis sur Synthonic. ELECTRONIC comptant d’autres DJs aussi Quel message enverriez-vous à de potentielles YEARS éclectiques. Le mouvement entités extraterrestres ? Egotrya, Volcano MC1, Basic et Counter « afro » est l’œuvre d’une Un message hippie ! Amour, paix et musique. — /'
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2500 ans de musique cosmique
COSMOS 2009 Musique (années 80)
Précurseur du synthé vintage, l’Anglais Sonic Boom alias Peter Kember, 44 ans, qui traversa la galaxie aller-retour de 1982 à 1991 en moitié de Spacemen 3, vient d’avoir une super idée pour l’humanité. Entretien Jean-Emmanuel Dubois
"Ethérée, sublime et mercurienne" Comment expliquer le retour de la musique cosmique ? Sonic Boom : Elle n’a jamais disparu. La musique psychédélique et cosmique, que je décrirais comme éthérée, sublime et parfois mercurienne, existe depuis les fifties : de Moondog à Stockhausen, de Spacemen 3 à Panda Bear. Et les musiques psychédéliques remontent à des millénaires ! En 2005, l’agence spatiale européenne a placé quatre instrumentaux jazz/lounge dans la sonde Titan, à destination d’éventuels extraterrestres. Si on vous le proposait, que composeriez-vous ? Ouais, envoyer du jazz cool, duper avec de la musique douce va certainement renforcer l’idée que nous sommes une race autodestructive se dirigeant vers la guerre. Une symphonie construite autour du son des lance-flammes, des canons, des mitraillettes, des orgues de Staline et des trompettes de la mort serait plus appropriée – l’équivalent sonore du panneau « attention champ de mines ». En marge de mouvements pour la paix, la fraternité et l’écologie, il semblerait que notre première motivation pour le changement, le développement et l’évolution mécanico-digitale soit basée sur la course à la supériorité militaire. Quels artistes mériteraient le mieux d’être joués partout dans l’univers ? Quelle colle ! Le Velvet Underground, les Stooges, 13th Floor Elevators, les Beach Boys et Otis Redding représenteraient une honnête plaidoirie pour l’Humanité. Vos projets, ça boume ? Avec Spectrum [proposant une sorte de hillbilly électronique], de nouvelles sorties en Angleterre et aux Etats-Unis, et des concerts. Certains jeunes s’intéressent à nous, c’est amusant de jouer pour eux. —
INDIAN GIVER Spectrum meets Captain Memphis Birdman, 2008
« Envoyer du jazz cool dans une sonde ? Une symphonie de lance-flammes, de canons, d'orgues de Staline serait plus appropriée. » Sonic Boom /(
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COSMOS 2009 Musique (années 60-70)
Parrain niçois de la musique cosmique, Jean-Pierre Massiera secoua la Côte d’Azur à renforts de soucoupes pop, jazz, folk-rock ou disco. L’équivalent potache de Joe Meek se souvient de ses « trips ». Entretien Jean-Emmanuel Dubois
"Ça y est, on arrive sur Mars !" Comment expliquer le retour de la musique … signée sur des maisons sérieuses. cosmique ? Ces disques étaient acceptés par des majors, Barclay, Jean-Pierre Massiera : Ce n’est pas simplement de la Carrère, ce qui reste inenvisageable aujourd’hui. flatterie : c’est intéressant de voir des jeunes branchés Ils tentaient l’expérience. En 1966, je ne savais par nos rééditions, même s’ils y additionnent des pas composer mais je collaborais avec de vrais choses actuelles. Ils sont dans le trip ! Quand les musiciens ; je profitais d’eux pour inclure mes projets Montréalais de Quatro reprennent mes titres avec sur leurs labels. Ça m’a ouvert le jeu – seul avec ma choristes dans un spectacle hommage, je n’y crois petite guitare, je n’aurais rien obtenu. pas. Ils réactivent le Moyen Age ! C’est quoi, finalement, la musique cosmique ? En 2005, l’agence spatiale européenne a placé Prendre un sujet ou une image fantastique pour quatre instrumentaux jazz/lounge dans la sonde pouvoir faire croire à des univers, c’est toujours Titan, à destination d’éventuels extraterrestres. Si ça la bonne formule. on vous le proposait, que composeriez-vous ? Votre déclic personnel ? Je ferais appel à Didier Lockwood [musicien pour 1962-63, mon groupe les Milords joue avec les Miles Davis, Herbie Hancock ou Magma], le plus Spotnicks, des Suédois déguisés en cosmonautes. grand violoniste que je connaisse – depuis mes 15 J’ai voulu devenir comme eux. On se disait « ça y ans – et que j’ai fait jouer sur des conneries totales. est, on arrive sur Mars ! ». Pendant nos petits shows, Je prendrais aussi le batteur Dédé Ceccarelli pour les on pensait vraiment que nos titres rejoignaient les emmener dans le délire complet. Ceux-là méritent extraterrestres. — d’être joués dans tout l’univers. Avec Maledictus Sound [son groupe proto « Pendant nos petits shows, on pensait vraiment krautrock de 1968], c’était toute une que nos titres rejoignaient les extraterrestres. » équipe. Entre deux contrats alimentaires, Jean-Pierre Massiera on essayait de trouver notre style et on partait dans des délires de deux, trois heures. De la pseudo-composition farfelue sans structure !
MIDNIGHT MASSIERA Finder-Keepers
FREAKOID 1963-1978 & DISCOÏD 1976-1981 Mucho Gusto Records
WIZZZ ! VOLUME 2 Born Bad pour le titre où Jésus interprète L’Electrocuté /)
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2500 ans de musique cosmique
COSMOS 2009 Musique (années 50-60-70)
De John Coltrane à Sonic Youth, tous bénissent la « philosophie cosmique » de Sun Ra (1914-1993), jazzman révolutionnaire barré dans l’espace, imprégné d’égyptologie, de science-fiction et de cause noire. Par Sébastien Broquet
Sphinx de Saturne On le dit « allumé » : au sens dingue ou qui aurait reçu la lumière ? Facile d’imaginer un génie farfelu, à la Dalí. Un gourou créant son culte. Se rebaptiser Double Soleil, c’est vrai, fallait oser… Tout débute dans les fifties. Aux Etats-Unis, c’est l’époque florissante du cinéma de science-fiction. Les débuts de la conquête de l’espace. Et toujours, la ségrégation : la lutte noire n’a pas encore pris son envol, mais la Nation of Islam en apporte les prémices, sous l’égide de Elijah Muhammad (de 1934 à 1975), qui donne à l’organisation une amplitude exponentielle. C’est sur ce terreau que se construit la philosophie cosmique de Sun Ra.
début des années 2000 à Chicago et réédités en 2006 – seulement en anglais. Une petite antenne sur chaque oreille C’est a priori en 1952 que Sonny Blount devient Sun Ra. Elijah Muhammad, également à Chicago, insiste sur l’importance de rejeter le nom donné aux descendants d’esclaves par l’homme blanc, de retrouver estime de soi – sa liberté – en choisissant son patronyme. Ainsi Malcom Little devient Malcolm X, Cassius Clay, Muhammad Ali. Sur le drapeau de la Nation of Islam figure la Lune (l’égalité), le Soleil (freedom) et l’Etoile (la justice). Sun Ra se dit « Saturnien ». Il affirme avoir été enlevé par des extraterrestres vers 1936, en direction d’une planète où des êtres dotés d’une petite antenne sur chaque oreille l’ont télétransporté sur une scène, pour discuter et lui confier qu’il devait communiquer la bonne parole à travers la musique, diffuser l’harmonie. D’autres fois, il dit être né sur la géante gazeuse. Il crée le label Saturn Records avec Alton Abraham, et après plusieurs 45 tours, le premier album Super Sonic Jazz paraît en 1956.
Sonny Blount, ou Herman Pool Blount – luimême dément ces noms, même s’il se reconnaît un patronyme hérité du Blanc –, naît apparemment le 22 mai 1914 à Birmingham (Alabama). En octobre 1942, convoqué par l’armée, il refuse de s’engager. Emprisonné, libéré, il travaille dans une forêt le jour et joue du piano la nuit. Rapport officiel : psychopathe, sexuellement perverti mais très éduqué. 1945, Chicago. Ce boulimique de lectures rencontre Alton Abraham, qui devient son manager et ami. Début des années 50 : un Vaisseau spatial négrier club intellectuel est fondé, Sur Terre, il doit donc « Supposez que le Créateur se décide à Thmei Research. Destinés m’installer un conservatoire sur Neptune ! rendre les gens heureux. Ce à un public noir, des textes qu’il fait, menant d’abord Je m’envole. » empreints de civilisations à la baguette un big band Sun Ra antiques, en particulier très swing dans la lignée égyptienne, de la Bible, de Duke Ellington. Au fil composés de jeux de mots, d’anagrammes et d’effets des années, l’expérimentation prend place, intègre stylistiques, donnent corps à des prêches visant à divers synthétiseurs et plonge dans le jazz le plus rendre sa conscience à l’homme noir, en s’en prenant novateur, porté par un trio de saxophonistes dévoués violemment à la culture WASP raciste. Nation of Islam (John Gilmore, Pat Patrick et Marshall Allen) formant y trouve inspiration, tout comme John Coltrane. Ces l’Arkestra, orchestre, communauté, sa cour. Sun Ra fascicules distribués à l’époque par l’orchestre, de la se façonne un personnage. Les costumes spatiaux, main à la main, dans la rue, anonymes ou signés Sun, flamboyants, inspirés de l’Egypte antique, sont parfois Ra, longtemps ignorés, ont été retrouvés au adoptés (voir son film de 1974, Space is the Place). /*
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Illustration Thomas Dircks
A chaque occasion, il cause ésotérisme, sciences et Leonard de Vinci. On peut légitimement penser qu’il a vu Le Jour où la Terre s’arrêta (Robert Wise, 1951) où l’arrivée à Washington d’un extraterrestre pacifiste prévenant l’espèce humaine des dangers de la bombe atomique. Sun Ra se sert de cette imagerie pour une raison : pour lui, l’enlèvement intersidéral illustre la situation de l’homme noir, déporté par un être venu d’ailleurs en territoire hostile où il se sent alien. Le vaisseau spatial remplace le navire négrier. L’Arkestra, Ark, Arche : comme une arche de Noé. « Sur Terre, tous les Noirs sont en taule. Ils ont tout intérêt à rester près de moi. Supposez que le Créateur se décide à m’installer un palais dans l’espace, un conservatoire sur Neptune ! Je m’envole. Quel musicien voudrait rater le décollage ? » Voici la fondation, en 1993, de « l’afro-futurisme », selon le journaliste Mark Dery dans son article Black to the Future pour le South Atlantic Quaterly. Un concept regroupant aussi bien Funkadelic, DJ Spooky que Lee Perry et Underground
Resistance ; ou Dr Octagon/Kool Keith (voir Standard n° 17) qui prétend être né sur… Saturne. Tiens donc. « Etranges équations » « Ma musique va d’abord faire peur aux gens, car elle représente le bonheur et ils n’en ont pas l’habitude », déclare en décembre 1965 Sun Ra à Jazz Magazine. « Ils sont habitués à la tristesse, à la destruction, ils craignent que quelque chose d’affreux leur arrive. […] Le monde est malade, à l’agonie. Il faut commencer par étudier les mythes et voir ce qu’on peut faire avec l’impossible. J’ai réuni quelques équations qui semblent ridicules, mais qui concordent. Je les ai montrées à des mathématiciens qui furent bouleversés, car ils ne purent pas dire qu’elles étaient fausses mais seulement étranges et qu’elles rendaient le monde ridicule. Et plus je regarde le monde, plus je pense qu’il est ridicule. » Sûr qu’il ne changerait pas d’avis aujourd’hui. Dites, Mr. Ra… faut-il un visa pour Saturne ? —
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2500 ans de musique cosmique
COSMOS 2009 Musique (années -500)
Le système solaire et la gamme musicale obéiraient aux mêmes lois. Passée du cerveau des astronomes à celui des compositeurs, la « musique des sphères » résonne à nos neurones. Entre théorie scientifique et extase poétique, cours de rattrapage. Par Julien Bécourt
Sonate pour une étoile « Tout ce qui vibre fait de la musique. La musique « L’impulsion et le mouvement de ces orbes [célestes] que perçoivent les hommes est une musique humaine. sont réglés selon certains intervalles inégaux, obéissant Pour que les hommes puissent la percevoir, la à des rapports de proportion très exacts. Les plus aigus musique des atomes, des étoiles, des animaux doit être sont tempérés par les plus graves, et leur équilibre transformée. » (Karlheinz Stockhausen) La structure donne différentes harmonies. » de l’univers tout entier reposerait sur des vibrations harmoniques. On le suppose depuis Pythagore « Planètes soprano, alto, ténor » (-569/-475) qui conçoit la musique comme la Cette tradition, assimilant le cosmos à un science des nombres qui régissent non seulement instrument, se perpétue jusqu’à la Renaissance, la Nature, mais l’univers tout entier. De ce système durant laquelle musique, science et technologie harmonieux fondé sur sont indissociables. les nombres premiers, L’astronome bavarois NOTRE MUSIQUE S’EST ÉLOIGNÉE dont il eut l'intuition Johannes Kepler (1571DE L’OSMOSE AVEC LES RÉSONANCES DU COSMOS. 1630) reprend certaines après avoir constaté que la sonorité des thèses platoniciennes STOCKHAUSEN OU XENAKIS ONT CHERCHÉ marteaux tapant sur et s’émerveille de « la À LA RETROUVER. l’enclume variait selon musique des sphères » leur taille, il déduit une composée en observant gamme musicale en relation avec le mouvement des le ciel : « Dans l’harmonie céleste, [j’ai trouvé] quelle planètes, les sept notes correspondant chacune à un planète chante la voix de soprano, laquelle celle d’alto, astre du système solaire, auxquelles s’ajoutent trois celle de ténor et celle de basse. » Kepler suggère corps célestes de manière à atteindre dix, nombre qu’un astre émet un son d’autant plus aigu que son parfait. L’univers, dont la structure héliocentrique ne mouvement est rapide. Son contemporain Robert sera révélée qu'au XVIe siècle par Copernic, est alors Fludd (1574-1637), médecin physicien initié de assimilé à un instrument musical (les distances – l’Ordre des Rose-Croix, propose cet autre modèle : intervalles – entre les astres, produisent des sons lors un luth monocorde pensé par Dieu, dont les dix de leur mouvement) accordé par la main de Dieu. registres traduisent l’harmonie de la Création. Un peu plus tard, Platon (-428/-347) se met au Si l’Occident adopte à partir du XVIIIe siècle une diapason et peaufine cette théorie, entérinée trois gamme tempérée arbitraire pour accorder les siècles plus tard par Cicéron (-106/-43) qui déclare : instruments – l’octave divisée en douze demi-tons /,
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Illustration Jen Ray, courstesy galerie Jan Wentrup
identiques –, les musiques sacrées extra-européennes se fondent toujours sur les harmoniques naturelles. Dans la musique traditionnelle d'Inde, du Japon, d'Afrique noire, de Roumanie, dans le yoga sonore des lamas tibétains ou les chants polyphoniques, la résonances vibratoire des harmoniques est directement connectée au cosmospar la voie de l'oreille interne.
Cluster, Moebius & Rodelius, Manuel Göttsching & Klaus Schulze (et leur groupe Cosmic Jokers)... Dans l’Italie des années 80, cette conquête sonore est transposée dans les nébuleuses disco synthétiques et des constellations d’arpeggios, dont le kitsch n’a d’égal que sa capacité à nous projeter dans une utopie futuriste (entretien avec Beppe Loda p. 91). Au cours des vingt-cinq dernières années, tout un underground musical a renoué avec cette approche de la musique cosmique, avec ou sans bagage théorique. Parmi les derniers explorateurs en date, citons en vrac Gavin Russom, Sonic Boom, My Cat is an Alien, Astral Social Club, Sunn O))), Emperor Machine... jusqu’au Français Joachim Montessuis et son Cosmogon, s’appuyant sur « l’octave cosmique » du théoricien Hans Cousto (lire p. 90). Ces précieuses lois harmoniques, précieuses, se retrouveraient jusque dans l’atome – le CERN a développé le « cosmophone », qui associe des sons au passage des particules –, mais aussi dans les connexions des neurones et dans… la rotation des planètes. Pythagore détenait-il une des clés de la Création ? D’autres clés se cacheraient-elles derrière le bruit de l’univers ? Au-delà de toute hypothèse scientifique ou théologique, la musique des sphères délivre avant tout notre imaginaire des figures imposées du monde matériel. —
De La Monte Young à Sunn O))) Plusieurs compositeurs du XXe siècle ont perpétué cette médiation spirituelle avec le cosmos, perdue en cours de route en Occident : Stockhausen, Xenakis ou l'avant-garde minimaliste new-yorkaise des années 60-70 (Terry Riley, Meredith Monk, Tony Conrad, Joan la Barbara, La Monte Young), inspirés par les râgas indiens et les harmoniques vocales de Pandit Pran Nath, maître de la musique carnatique d’Inde du Sud. C'est dans cette même optique que le pianiste américain Michael Harrison met au point en 1986 un piano harmonique muni de 24 notes par octave. Cette quête se retrouve également chez des disciples de la musique atonale et du free jazz, notamment à travers la cosmogonie visionnaire de Sun Ra (lire page précédente). Plus spontanément, la kosmische Musik allemande des années 70 explore à son tour l’ordre sidéral dans une musique répétitive, hypnotique, faisant la part belle aux expérimentations électroniques : Ash Ra Tempel, Popol Vuh, Can, Neu !, Kraftwerk, Faust, Harmonia, /-
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COSMOS 2009 BD Par Sylvain Cabot
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te ressusci x u e r u e , ic malh 2-1997) p 7 o 9 i 1 b ( n u es Lorsqu’ B.I.G. ta-rap d s g s n a u g o i te les sah du Notor nt pous é spécial comp a s i t o n hyp nvoy , notre e s e i t e n i n erdues. balles p w York)
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(à Ne
Je ne comprenais rien à sa musique, mais je l’aimais. » Violetta Wallace, mondialement connue pour avoir enfanté le Petit Gros – alias Biggie Smalls, notable du hip-hop des années 90 –, a aujourd’hui le sourire d’une jeune maman. Si elle ne comprend pas, rappelons-lui le forcément pacifiste Machine Gun Funk tiré du manifeste Ready To Die (1994), où son fils y racontait s’être sorti de la rue en « fumant les micros comme des pipes à crack », tout en assurant ne vouloir que des « bitches, des bitches à gros seins », « enculer le crime » et ne vendre que de « gros paquets de funk ». Le tout débité avec cet incroyable flow joliment balourd d’asthmatique s’époumonant en pleine crise – ah, les crachats introductifs de Warning !
l’Amérique aux jeunes Noirs des « projects », les cités locales. Mais voilà, « Notorious » a déjoué toutes les statistiques en restant ce personnage étrange, fier à bras, déconneur, à moitié illettré tout en ayant intuitivement le sens du verbe – à lui seul, il relance quasiment la scène new-yorkaise dans laquelle Nas ou Mobb Deep ne manqueront pas de s’engouffrer, grâce à lui, le charismatique « Big Popa » que les filles aimaient bien « gâter ». La suite est connue : le 9 mars 1997, six mois après Tupac Shakur, Biggie est assassiné à 25 ans sur une avenue de L.A. dans des circonstances encore inexpliquées ; point d’orgue de la fameuse lutte gangsta-rap entre West Coast / East Coast qui aujourd’hui paraît irréelle. Onze ans plus tard, le mythe a encore grossi, on le sait : on lui DU CRACK, DES ARMES, DES PUTES, rend hommage un peu partout, Jay-Z plus Santigold lui dédient l’un des meilleurs tubes ON NE FERA QUE SURVOLER – ET DU GÉNIE de cet hiver (Brooklyn We Go Hard), on ne D’ÉCRITURE, SURTOUT, ON NE SAURA RIEN. connaît toujours pas son implication exacte READY TO DIE, CARRÉMENT dans les attentats contre Tupac (celui raté de 1994, La maman ne comprenait rien, mais après tout, celui et le malheureusement réussi de 1996) même si la qui vendait du caillou dans les rues de Brooklyn à polémique rebondit régulièrement dans les journaux 12 ans, en prison pour neuf mois à 17, est devenu ou dans les documentaires (voir le fameux Biggie and au choix « le meilleur MC de l’histoire » (selon le Tupac de Nick Broomsfield, 2002). magazine The Source), le troisième (classement MTV) ou, at least, l’un des plus impressionnants (demandez DÉLIRE MIELLEUX EN GUISE DE « FACE CACHÉE » Biggie avait tout pour être le Kurt Cobain du à un Californien). Ce n’était pas évident : fils unique rap. Sauf que Mama Wallace a décidé de produire d’une mère abandonnée, viré du lycée, Christopher un biopic consacré à son fiston, justement pour « Big » Wallace aurait pu persévérer sur le chemin l’inscrire dans la lignée prestigieuse de Jim Morrison, tracé que réserve, avec une amère bienveillance,
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Johnny Cash ou Ian Curtis. Mais difficile de croire que ce Notorious B.I.G., le film, sera le Control du hip-hop. Les intentions de départ ne manquaient pourtant pas d’être louables : sur la forme, le réalisateur George Tillman Jr, qui avait vaguement fait ses preuves avec Les Chemins de la dignité (de Niro et Cuba Gooding Jr. dans la Navy, 2000), voulait « filmer comme on réalise une mixtape, en assemblant les morceaux les plus divers, les scènes tournées caméra à l’épaule en vidéo, les grands plans en 35 mm et les images d’archives ». Sur le fond, Mama Wallace et son coproducteur de circonstance Puff Daddy (ex-agent et arrangeur de Biggie), voulaient montrer « la face cachée » du rappeur. On ne pouvait pas mieux se tromper. Séduisante a priori, la manière de tourner de Tillman révèle très vite ses limites, avec d’une part des images vidéo « de rue » d’une laideur insoupçonnée au cinéma et, quand il s’essaie au 35mm, c’est pour magnifier l’horripilant bling bling de Notorious et son micro serti de diamants, live. Pire : le reste du scénario est tellement creux qu’on regrette que ses extraits de concerts ne soient pas plus nombreux. En fait de face cachée, il s’agit surtout de montrer un Christopher Wallace qui « apprend de ses erreurs » avec les femmes, la rue, sa mère, sous un point de vue terriblement biaisé. Dans une des dernières scènes, NOTORIOUS B. I. G. DE GEORGE TILLMAN JR. Biggie est à table, EN SALLES LE 24 JUIN. chez sa mère, et
Mama Wallace lui demande de faire les bénédicités. Après un rire idiot, on l’entend murmurer « Merci, mon Dieu », et tout s’arrange dans un délire mielleux plein de bons sentiments. Du crack, des armes, des putes, on ne fera que survoler – et du génie d’écriture, surtout, on ne saura rien. Prendre cinq minutes à lire sa fiche Wikipedia en apprendrait plus sur le personnage, sur ses relations complexes avec Puff Daddy et Tupac Shakur (dont la version du meurtre présentée dans le film dégage Biggie, évidemment, de toute forme de culpabilité). « MIE DE PAIN DANS LA BOUCHE »
Au milieu de ce notoirement gros gâchis ne surnage pas grand-chose. A part les apparitions sublimement décalées de la divine Angela Basset (en Mama Wallace, justement), seul l’acteur amateur Jamaal Woolard, qui incarne Biggie, donne réellement satisfaction. Normal, il était taillé XXL pour le rôle : rappeur de troisième catégorie de Brooklyn, obèse, avec la particularité de s’être fait lui-même tiré dessus – dans les fesses –, il retranscrit à la perfection le parlé moelleux du Gros, après s’être entraîné pendant des mois avec « de la mie de pain dans la bouche, comme Brando dans Le Parrain » (toutes proportions gardées). Pas de quoi, pour autant, sauver le film du naufrage et de son péché originel : faire produire un biopic sur un rappeur par sa mère, c’est comme demander à Laura Bush, qui n’y comprenait rien, de faire le bilan des deux mandats de son mari. —
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ôle plus dr e l n o i ans l’esp ission d e légant, é m t n e e t e l r i a ir Hab libre rep ui qui d’ordina e c n a r el ire de la F d plus. C se laisse sédu n o p é r e e t dui Rio n à la con décapotable. e n g i h c re e… anglais par une ewicz dre -Alexan Par Yan
Damasi
H le nom d’OSS 117, n’est pas que le facétieux et ubert Bonisseur de La Bath, plus connu sous
200 km/h dans un camion, arrivant en sens inverse sur une route du Val-d’Oise.
sémillant agent secret incarné par Jean Dujardin dans ses récentes aventures, Le Caire : nid d’espions et Rio ne répond plus. C’est l’écrivain Jean Bruce (1921-1963) qui crée, en août 1949, le personnage dans son roman Tu parles d’une ingénue. Il en écrira quatre-vingt onze autres, puis sa femme, Josette et leurs enfants, François et Martine, continueront la saga, portant le compteur à deux cent cinquante-huit volumes. Parmi les lecteurs les plus assidus : Jean Cocteau et J.F.K. Ce n’est pas rien. Avant de prendre la plume, Jean fut pilote d’avion à 17 ans, puis résistant, acteur, imprésario, agent du renseignement, inspecteur à la Sûreté, joaillier, secrétaire
« C’EST BIEN MIEUX UNE VOITURE PROPRE, NON ? » A cette époque, OSS 117 n’est pas seulement présent sur le papier. Grillant la politesse de cinq années à son confrère britannique James Bond, Hubert se dévoile au cinéma dès 1957 dans OSS 117 n’est pas mort, premier film d’une série de huit, terminée en 1971 avec OSS tue le taon. Le souple Français s’affirme au volant de puissantes autos, souvent américaines. Ainsi le film s’ouvre sur les hauteurs de Toulon, Hub’ conduisant une Ford Crestline Sunliner pour se rendre à la villa Floride, où se trouve « la source des indiscrétions ». On le verra plus tard dans d’autres véhicules exotiques : dans Atout cœur à Tokyo, c’est « JE FONCE EN ENCHAÎNANT LES VIRAGES DANS LES à bord d’une Ford Mustang qu’il échappe PREMIERS RAYONS DU JOUR… LE VENT, LA VITESSE, à ses poursuivants, mitraillant à tout LE RUGISSEMENT DU MOTEUR… » JEAN DUJARDIN va, et dans Pas de roses pour OSS 117, il pilote une Iso Grifo, grosse GT italienne à d’un Maharadjah... autant d’activités fantasques moteur US… Des voitures d’hommes ! qui forgeront le caractère de son héros. Passionné En 2006, l’espion incarné par Jean Dujardin a l’esprit d’automobiles, il était fétichiste au point d’immatriculer plus léger et ne s’encombre guère de conduite. Il trouve tous ses modèles avec son numéro fétiche : 117. Sa toujours une femme pour le mener à bon port. Au dernière fut une Jaguar Mk2 3.8, l’une des berlines les Caire, en 1955, c’est sur Larmina El Akmar Betouche plus rapides de l’époque, aussi à l’aise devant les palaces (Bérénice Bejo) que ça tombe, au volant de son cabriolet du beau monde que sur les routes escarpées des rallyes Facel-Vega Facellia F2. Aujourd’hui oubliée, Facel-Véga d’alors, comme en témoignent leurs quatre victoires produisait alors en Eure-et-Loir la quatre-places la consécutives au Tour de France automobile. Elle sera plus rapide du monde : la HK500. Son fondateur Jean fatale à Jean Bruce, s’encastrant en mars 1963 à plus de Daninos – frère de Pierre, le romancier – adorait tant
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OSS 117 : RIO NE RÉPOND PLUS DE MICHEL HAZAVANICIUS EN SALLES LE 15 AVRIL
Ceci est une Jaguar MkII. Ce n’est pas la MG d’OSS 117. A l’intérieur, c’est bien OSS 117.
la construction métallique que ses autos arboraient un tableau de bord en acier, peint à la main, imitation bois. Seul souci, la Facellia de Nid d’espions ne verra le jour qu’en 1962. Erreur gênante, mais Hub’ s’en moque : c’est Larmina qui l’intéresse : « Vous voyez l’automobile derrière moi ? Ça fait un petit moment que je l’observe… Eh bien elle est absolument propre. C’est quand même bien mieux, une voiture propre, non ? A l’occasion, je vous mettrais bien un petit coup de polish... » ROADSTERS ANGLAIS EN VRAC Rio ne répond plus se déroule une décennie plus tard, en 1967, dans un contexte de libération des mœurs féminines qu’Hubert aura quelques difficultés à appréhender. Pourtant, c’est encore une femme, Dolorès (Louise Monot), qui le transporte, coursant la grosse allemande de Von Zimmel, l’officier nazi en fuite. Poursuite avortée à l’aube faute d’essence, « classique pour une Mercedes ». Remis de ses émotions, OSS 177 prendra enfin le volant, empruntant le costume et la voiture du « vieux jardinier » de l’hôpital où il se trouve en convalescence ; soit un smoking et une MG A, transformant l’espace d’un instant le Frenchy en un très crédible 007. La MG A, c’est le premier des roadsters anglais, ces petits cabriolets à deux places qui vont envahir le monde dans les années 50-60. On les verra partout. En France sur
les pochettes des disques yéyé ou dans la rue, garées en vrac devant le drugstore ou le Whisky-à-Gogo de Juanles-Pins. Mais ce sont surtout les Etats-Unis qui seront submergées par les sportives british. Ainsi, on verra une MG A aux mains de Billie, l’infatigable gogo-danseuse du Faster, Pussycat! Kill! Kill! de Russ Meyer (1965). En France, l’auto apparaît sous les phalanges du jeune Mesrine dans L’Instinct de Mort de Jean-François Richet, dans la même couleur que celle d’OSS, d’ailleurs. Seulement voilà, la voiture étant produite de 1955 à 1962, soit (pile) la période du précédent volet, on ne comprend pas trop ce qu’elle vient faire dans cet épisode. Jean Dujardin, lui, se contrefiche de ces anachronismes mécaniques. Il a pris son pied. Témoignage : « L’aube pointe sur la côte, je suis seul au volant d’une voiture de sport sur une route de corniche, avec Michel [Hazanavicius, réalisateur et co-scénariste] et Guillaume [Schiffman, directeur de la photographie] qui me suivent en hélico pour un travelling aérien […]. Je fonce en enchaînant les virages dans les premiers rayons du jour […]. Le vent, la vitesse, le rugissement du moteur et la sensation de l’hélico qui vole juste derrière, tout cela restera en moi comme un moment où la vie et le cinéma ne font plus qu’un. » Attention aux camions, tout de même, Jean. —
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réédité, n i f n e 29nce, en Fra h Cook (19 t u n n Méco nnet zinc e en Ke re engagé du i l a r t s du u l’A chant in fond f n u u t a u s f r malie mes. 1987) cres ani la jeep, les mô a s s a m des dans rimpez G . h s u b çois Par Fran
Perrin
I
cône en son pays, aventurier déphasé d’une étrange modernité, observateur zoologique aux pulsions sadiques, Kenneth Cook a succombé en 1987 à une crise cardiaque alors qu’il campait dans le bush. Peut-être, on se dit, des suites d’une rencontre avec l’une des bêtes féroces – alligator, serpent king brown, mineur ou soûlard noyé dans l’outback – auxquelles il a consacré une large part de ses erratiques explorations et jouissifs écrits. Vingt ans plus tard, les éditions Autrement livrent au public français l’incroyable œuvre de ce sympathique allumé. Voyage accéléré, en quatre étapes, du premier roman Cinq matins de trop (1961) jusqu’au dernières nouvelles du Koala tueur et autres histoires du bush (1986) publié cette année, en passant par Par-dessus bord (1967) et le phénoménal A coups redoublés
animaliers semblent exercer sur lui. J’ai déjà conseillé Cook, autour de moi, en spécifiant aux esprits les plus sensibles à la souffrance animale les pages à éviter. Quelles souffrances ? Les kangourous de Cinq matins de trop, récit presque mystique de la descente aux alcools d’un brave instituteur coincé cinq jours dans une ville de bouseux avinés, meurent en général sur le coup, percutés par le pare-chocs de 4x4 pleins à ras-bord de pochtrons bien remplis eux-mêmes. Oui, sauf quand ils mettent des heures à se vider de leur sang sur le bord de la route : « Les kangourous commencèrent à tomber, sauf un, qui, parvenant enfin à s’extirper de l’hypnose de la lumière, se mit à bondir maladroitement dans les broussailles. » Les bœufs, eux, sortent instantanément du jeu, exécutés en hécatombe par les garçons bouchers d’A coups redoublés, fiers de leurs masses et de leurs trappes « JE SUIS UN HOMME D’ÂGE MOYEN QUI de dépècement. Oui, sauf quand le marteau ripe ÉVITE SOIGNEUSEMENT TOUT EXERCICE et qu’il faut s’y prendre à dix fois pour réduire ET S’ADONNE À DES ABUS DE NOURRITURE leur boîte crânienne en purée.
ET D’ALCOOL. » KENNETH COOK
AUTOFICTION BRUTE DE FONDERIE
(1963). Quatre sélections parmi quinze ouvrages traduits par Mireille Vignol, particulièrement inspirée. Au rythme d’un livre par an, on découvrira Kenneth jusqu’en 2020. Chouette. QUAND LE MARTEAU RIPE
A la lecture frénétique de ses perles de plume, Cook enchante, transporte, rend hilare autant qu’il dégoûte par la fascination malsaine que les massacres
Dans les nouvelles qui constituent Le Koala tueur, l’auteur ne prend même plus le soin de passer par des personnages pour jouer avec les thèmes qui lui sont chers : la solitude, la picole, les charniers animaliers. Il s’amuse de lui-même : « Je dois préciser que je suis un homme d’âge moyen qui mène une vie plutôt sédentaire, évite soigneusement tout exercice et s’adonne à des abus de nourriture et d’alcool. Autrement dit, je suis gros et en très mauvaise forme
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DU BAR AU N’IMPORTE QUOI Le dernier livre « J’ai une importante règle de vie qui m’a sauvé la peau un grand nombre de fois : je n’accepte jamais de défi. Il arrive hélas que ce principe louable se dissolve dans le rhum, surtout à dix heures du matin. » C’est l’ouverture du Mineur fou, treizième nouvelle du Koala tueur. Ses mésaventures suivent une trajectoire systématique, de la route au bar puis du bar au n’importe quoi. Parfois, il accompagne aussi ses amis amoureux des bêtes, sans plus de succès. Ses quinze nouvelles sont à classer sans hésiter au niveau de celles d’un Maupassant, le désespoir en moins, l’humour en plus. — F. P.
KENNETH COOK LE KOALA TUEUR ET AUTRES NOUVELLES DU BUSH, A COUPS REDOUBLÉS, PAR-DESSUS BORD, CINQ MATINS DE TROP AUTREMENT physique. » Titre de la première nouvelle : Alcool et serpents. Ah oui, tiens donc. Parmi les suivantes : Cent canettes, Le Cochon furibond, Six taïpans, Actifs liquides. Oui, donc. En réunissant ces voyages zoologiques écrits à la première personne dans les terres les plus reculées de son immense pays, Cook joue ouvertement la carte de l’autofiction. Mireille Vignol précise cette démarche en postface : « Kenneth Cook a toujours soutenu que ses histoires du bush étaient vraies mais si invraisemblables qu’il ne parvenait pas à les inclure dans ses romans. » Autofiction où le réel semble distordu, servant la puissance comique et la finesse de vue de celui qui nous la livre, soi-disant, brute de fonderie. Au sujet de l’haleine du chameau : « Représentez-vous l’odeur du contenu d’un estomac de vautour, celle d’un pauvre chat mort depuis des lustres dans une fosse d’aisances et celle d’un curry indien en décomposition quatre jours après avoir été ingurgité. » KOALAS STUPIDES
Cook aimait la Nature : il critiquait l’introduction
anarchique d’animaux domestiques sur son territoire, productrice d’une nuée de cochons, chiens et chats sauvages. Il avait aussi créé une ferme aux papillons. Car la Nature, c’est bien, à condition qu’elle ne menace pas son existence : pour lui, espèce protégée ou non, un crocodile qui vous fonce dessus doit être éliminé au fusil. Idem pour les koalas et leur image d’Epinal : « Ces sales bêtes, aussi hargneuses que stupides, n’ont pas un poil de gentillesse » – et la mauvaise habitude de vous agripper les parties lorsqu’ils sont dérangés. Autre constat de Cook, avisé zoologue : lorsqu’une idée vient à un mineur de granit accoudé au zinc, ce dernier ne vaut pas mieux qu’un cochon sauvage. L’usage de la parole n’est plus, dès lors, une caractéristique différentielle valable – et ne parlons pas de la taille du cerveau, qui n’entre plus en ligne de compte. « La rencontre de gars sympas au bistrot est à la source de la plupart de mes ennuis. » Quitte à s’attirer pas mal de pépins, on aurait adoré boire une canette avec Kenneth. —
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tion, laxpoita ité b a l de ’inv coquin , 76 ans, était l ion n i a r r Pa Revolut Peebles k n c a a l V B n i if l Melv festiva rospect t u é r d r e u u e d’honn Denis. Dialog ers. tsist de Sain les brothers & s u Arnold ie Blaise pour to tograph itet Pho
rd Ga n Richa Entretie
igalle. Le soleil est haut, Melvin est sorti hier et s’est pris une bonne cuite. Il reçoit dans son petit appartement d’étudiant qu’il possède depuis dix ans, quand il ne dort pas à New York ou Los Angeles. Sur son t-shirt, un portrait de lui sur les gogues ; « moi au travail », rit-il. Ses yeux sont d’un bleu insoupçonné, ses mains fines, et son français, comme ses vannes, mortel. Sans cet homme, à la fois romancier, journaliste, scénariste, metteur en scène, acteur, chanteur, compositeur, producteur, trader et champion de footing, pas de Spike Lee, de Shaft, de Foxy Brown et de Jackie Brown – et pas de Barack O. ?
P
Dans Sweetback Sweetback’s Badaasssss Song [1971], le héros que vous incarnez sauve un leader politique noir, désigné par cette réplique : « Cet homme est notre futur. » Où étiez-vous le soir de l’élection du premier président afro-américain ? Melvin Van Peebles : Dans une fête, un endroit assez gratiné en face de Central Park. J’ai cru qu’on avait trafiqué la télé pour blaguer : ils disaient que le Noir était en train de gagner, faut pas pousser ! Avais-je trop bu ? Je n’y croyais pas, jusqu’à ce que je prenne un taxi et que le chauffeur refuse mon fric ! « Non,
« LA POLITIQUE, C’EST PAS MON RAYON ! HÉ, DIS, VA TE FAIRE FOUTRE ! » MELVIN VAN PEEBLES non, non, on a gagné, la course est offerte ! » Comment l’Amérique a-t-elle réussi à changer ? Ma politique est la suivante : moi, je cause pas profondément des choses auxquelles je comprends que dalle. Ces présidentielles n’étaient pas très différentes des précédentes, sauf peut-être concernant l’utilisation d’Internet et le fait qu’une partie des fonds nécessaires provenait des quidams.
Si vous rencontriez Obama, que lui diriez-vous ? Bravo. Que vous inspirent les premières semaines de sa présidence ? J’étais content, quoi ! Je te dis juste que j’aimais ses façons, mais que je ne croyais pas à sa victoire et que par conséquent je continuais à lutter. Dès que tu as un peu de « bling », de notoriété, on te demande de parler sur des points que tu ne connais pas exactement : une radio m’a par exemple invité pour inciter les gens à aller voter, bla-bla-bla. C’est à la fois intéressant et dangereux. Son expression « j’ai foiré » est-elle la meilleure de ce début d’année ? Je t’ai déjà dit deux fois que c’est pas mon rayon ! T’essaies de me balader, là ? Hé, dis, va te faire foutre ! Alors ! Pardon. Votre premier long métrage, La Permission [1968], le flirt d’un G.I. noir et d’une Française blanche, a été filmé entre Paris et la Normandie, car impossible à tourner aux Etats-Unis. C’est une histoire méconnue mais vraie : en 1967, je mange aux Champs-Elysées et j’aperçois l’une de mes idoles, Gordon Parks [photographe et futur réalisateur de Shaft, 1971]. Je l’aborde, il m’offre un café, on cause, j’écoute ses histoires. Je confesse que je veux être réalisateur de cinéma, on se retrouve en face dans une salle de projection, où je lui montre La Permission, et il me lance : « T’inquiètes, coco, je vais t’ouvrir les portes. » Je n’oublierai jamais ça. Quelque part, la France m’a très bien utilisé pour embarrasser les Américains, mais c’était aussi dans mon intérêt d’être là, comme un idiot. Ce film est très gentil, très flatteur pour la France. Je savais bien ce que je faisais, faut pas se raconter de bobards. Quels bobards ? Il y a comme un sous-texte dans ta question : est-ce que la France était moins raciste que les Etats-
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Unis ? Mais t’es pas con à ce point-là, si ? Naïf ? T’es trop gentil là ! [Il se marre.] La France est même peut-être moins tolérante que l’Amérique. Ce n’était pas la vérité, mais celle que je voulais montrer au monde ! Bah alors ! Tu crois que je fume autre chose que du tabac ? Si j’avais voulu réaliser La Bataille d’Alger [Gillo Pontecorvo, 1966], cause toujours pour obtenir le budget ! Là, j’avais la possibilité de filmer la France telle qu’on aime la voir, bon, j’avais l’argent, je filme. Votre film suivant, Watermelon Man [un courtier blanc raciste qui se réveille noir, 1970], vous a valu quelques prises de becs avec Hollywood. Voilà le topo : quand j’arrive au festival du film de San Francisco avec La Permission, les Américains
sont vraiment très embêtés que le seul réalisateur US important présent soit un Noir vivant en France. Je suis le chouchou, on me presse de tourner aux EtatsUnis, alors que la dernière fois, on m’envoyait me faire foutre ! J’ai refusé. Je suis né dans la nuit, mais pas de la dernière pluie. Pourquoi ? Si j’avais accepté, ils auraient pu dire « Tu vois, nous n’étions pas racistes. » Mais, au lieu d’un seul réalisateur afro-américain, ils en trouvent deux ! Gordon Parks réalise Les Sentiers de la violence[1969] et Ossie Davis Cotton comes to Harlem [1970]. Alors bon, j’accepte à condition de tourner à Hollywood, bourrée de syndicats
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GRANDADDY COOL Toujours dans la course « J’écris quand ca me chante. Mais je ne garde rien pour moi : je cherche des trous où m’engouffrer. J’essaye de faire un opéra de Sweetback. Il y a trois semaines, j’ai terminé et vendu les croquis d’un roman graphique adapté de mon dernier film, Confessions of an ex-Doofus-ItchyFooted Mutha [2008] où j’apparais comme dans cette conversation, comme un gamin de 14 ans. [Il se lève pour nous en faire écouter la bande-originale jazz-funk qu’il a lui-même composée.] A mon retour, je fais un tour de chant. Des chansons à moi. [Il montre une pochette avec un portrait de lui, parodiant celui d’Aristide Bruant sous ce titre : « l’origine du rap »]. C’est mon style. » blancs – ça ne me fait pas peur, tu sais. On me propose le scénario de Watermelon Man un vendredi, avec Jack Lemmon ou Alan Arkin. Je rappelle le lundi en remarquant qu’il doit y avoir une erreur : tout le casting est blanc alors que le héros l’est seulement les trois premières minutes ! Je suggère : « Pourquoi pas un Noir qui jouerait un Blanc ? » Ils n’y avaient même pas pensé ! Ils ne se rendaient pas compte du racisme du projet ! Le roi peut jouer le valet, mais le valet ne peut pas jouer le roi. Je ne voulais pas toucher à ces sentiments subconscients, donc je dégotte moi-même l’acteur Godfrey Cambridge, qui a l’avantage de ne pas être dangereux sexuellement, comme Sidney Poitier ou Harry Belafonte, ah, ah ! Ça restait – en apparence – une comédie avec un Noir rigolo, ah ! ah !
« JE SUIS NÉ DANS LA NUIT, MAIS PAS DE LA DERNIÈRE PLUIE. » MELVIN VAN PEEBLES Vous avez modifié la fin aussi ? Dans le script c’était marqué : « Le héros va faire caca et il est de nouveau blanc. » Non, non, non… être noir, c’est carrément une maladie ? Alors j’ai triché en faisant croire que j’allais tourner deux fins, qu’on choisirait la meilleure. Au montage, j’ai joué le bêta : « Oh, Captain, j’ai oublié de tourner l’autre fin ! » Ils piquent une crise ! L’auteur du script [Herman
Raucher] hurle à la trahison ! Tourner une autre fin coûtait une fortune et puisqu’ils n’étaient pas racistes à ce point, on a gardé la mienne. Le film marche bien et les producteurs me disent que je suis « génial ». Puis Sweetback est un succès colossal…. Mollo. Personne ne savait que Sweetback serait un tube. Qui m’a valu d’être blacklisté, je ne pouvais plus tourner. Quel était le prochain challenge ? Je suis devenu producteur de comédies musicales à Broadway [qu’il écrit et réalise parfois, comme Don’t Play Us Cheap, 1973], qui ont bien marché aussi. Et quoi après ? OK, la Bourse ! Eh oui, le premier trader noir de Wall Street ! Qu’est-ce que je faisais, rappelle-toi, avant d’arriver en France ? Des mathématiques. Alors, alors ? Je calculais vite, formidable, 3, 6, 9, 14, 19 ! Boum ! C’est moins cher ici ! On revend ! Tout simplement, comme un renard au milieu des poules. Ils ne pensaient pas que j’en étais capable, j’en ai fait un livre, devenu un best-seller. Vous avez aussi étudié un an l’astronomie aux PaysBas. Pensez-vous que la fin du monde aura lieu le 21 décembre 2012, comme le prévoyaient les Mayas ? Combien de temps on a, encore ? Oh, merde ! [se tournant vers son attachée de presse] Tu fais quoi ce soir ? [Eclat de rire.] Merci. De rien. Faut pas le dire, mais c’est un plaisir. — lecranstdenis.org
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A R T S D E V I V R E Ê U Ê PARTIR, DÎNER, CONSOMMER
ANTE V I V E R E I M AT ECOLOGIE
Déchets de l’espace et pourtant il tournent 114 —
GASTRONOMIE
Les Lapins Techno croquent Berlin 116 1
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Imports-Exports de l’ailleurs pour pas cher 118
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ENVIRONNEMENTÊUÊEN VERT ET CONTRE TOUT
RADO, C R E P U S IALE T A P S E U IE LA BANL La collision rarissime de deux satellites en février relance le débat sur la propreté de l’espace : un cheveu dans la soupe cosmique ? Texte Estelle Cintas Photographie Martin Cole
P ulvérisé. Le 10 février dernier, à sept cents kilomètres au-dessus de la Sibérie, le satellite américain de téléphonie mobile Iridium LLC a percuté un « satellite épave » russe, Cosmos 2251, à l’arrêt depuis dix ans. Les deux engins d’une tonne se sont rencontrés à 28 000 km/h, projetant des centaines de débris… qui continuent à tourner autour de la Terre ! Levons le nez vers le ciel : combien de grosses bêbêtes menacent de nous tomber sur la tête ? Chercheur au Centre national d’études spatiales (CNES), Fernand Alby a pour mission, entre autres, de « surveiller l’espace » (« – Et toi, tu fais quoi comme job ? – Je surveille l’espace. »). Concernant le nombre d’objets en suspension au-delà de l’atmosphère, le co-auteur de La Pollution spatiale sous surveillance répond de façon laconique qu’il y en aurait « des millions, pour la plupart incontrôlables, qu’on ne pourrait pas dévier ». Depuis le 4 octobre 1957 et le lancement russe de Spoutnik 1, la planète bleue s’entoure d’une nuée grisâtre de déchets composée, pour l’essentiel, d’étages de manœuvres et de « coiffes » supérieures de fusée, de carcasses de moteurs, de ferraille, de fragments de satellite et d’outils perdus par les cosmonautes. La distance avec le sol terrestre, où gravitent ces débris, peut varier de 200 à 36 000 km. Cartographiés, suivis de très près, 12 500 détritus de plus de 10 cm (certains atteignant plusieurs tonnes) flottent paisiblement là-haut. Les plus petits, inférieurs au centimètre, se compteraient par millions et ne sont pas les moins dangereux : placée en orbite, une bille se déplace dix fois plus vite qu’une balle de fusil.
Les toilettes de Mir Les déchets spatiaux n’ont fait pour l’instant aucun « blessé » – enfin presque. Le 22 janvier 1997, à Tulsa (Oklahoma), l’Américaine Lottie Williams n’arrive pas à s’endormir et sort marcher dans un parc. Il est trois heures du matin. Son regard est attiré parce ce qui lui semble une étoile filante ; elle sera heurtée quelques secondes plus tard par un fragment de 15 cm du réservoir d’une fusée Delta II lancée en 1996 ! Lottie ne conserve aucune séquelle de l’accident, l’objet ayant été ralenti à son entrée dans l’atmosphère. La réalité rejoignant ici, sans trop de dégâts, la fiction : on se souvient de l’héroïne de la série Dead Like Me (2003-2004), blonde adolescente tuée dès le premier épisode par… la chute de la lunette des toilettes de la station Mir. Les accrochages entre engins sont rarissimes : on en dénombre seulement quatre en cinquante-deux ans d’aventure spatiale. En cas de risque, les scientifiques réactivent l’un des deux satellites et dévient sa trajectoire (ce qui arrive en France trois ou quatre fois par an). En février 2008, les Américains en détruisirent un avant sa retombée sur Terre à l’aide d’un missile SM-3 lancé à partir d’un bateau croiseur, car le satellite contenait de l’hydrazine, une substance toxique. Ce type d’opération tenait plus de la « démonstration de force » à destination de la Chine, qui avait réalisé la même action en janvier 2007, que d’une véritable préoccupation environnementale. En effet, le satellite, auparavant de la taille d’un bus, s’est fragmenté en centaines de morceaux gros comme des ballons de foot… démultipliant les possibilités d’impact !
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« Pour l’instant, les scientifiques n’ont aucune solution pour récupérer ces déchets. » Fernand Alby, chercheur au CNES
Dans « l’orbite cimetière » Pour l’instant, les scientifiques n’ont aucune solution pour récupérer ces déchets. On fait choir les plus gros (les 150 tonnes de métal de la station Mir furent dirigées le 23 mars 2001 vers les profondeurs du Pacifique Sud pour un plongeon « presque » en douceur) ou on propulse les plus encombrants dans « l’orbite cimetière », au-delà de 36 000 km d’altitude, où l’on recensait en 2005 plus d’un millier d’objets. Ainsi, en 2003, le CNES de Toulouse a abaissé l’orbite de Spot 1, lancé en 1986 pour l’observation de notre planète. Il devrait se désintégrer naturellement dans l’atmosphère d’ici quinze ans, au lieu des deux cents ans initialement prévus. Le nettoyage de la « banlieue » terrestre coûte cher : repousser un objet dans « l’orbite cimetière » se
chiffre quasiment à un milliard de dollars. La plupart des Etats préfèrent donc, à l’aise, abandonner leurs ordures dans la gigantesque poubelle intersidérale. Fernand Alby s’attend à des collisions de plus en plus fréquentes : « Le risque d’accident mortel – entre une fusée habitée et un débris – est très réduit car l’espace autour de notre planète reste très vaste. Mais si cette pollution s’amplifie, toute activité spatiale pourrait devenir impossible d’ici un siècle. » Alors, à nouveau, on lève les yeux au ciel et on se dit qu’on aurait bien besoin d’un petit Wall-E pour nettoyer l’espace. — Fernand Alby avec Jacques Arnould et André Debus La Pollution spatiale sous surveillance Ellipses Marketing, 2007
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GASTRONOMIEÊUÊANTIF**DING
« JE SUIS T » UN BEIGNE Passer commande en Allemagne requiert une phonétique de haute foltiche. A Berlin, les bloggers des « Lapins Techno » viennent d’éditer un appétissant guide qui facilite la tâche. Texte Stéphanie Vidal (à Berlin) Illustration Noémie Rosset
P lutôt qu’une énième carte postale estampillée tourisme underground, écrivons vrai, parlons sauces qui tachent et ventres enflés. A commencer par cette formule sucrée à travers laquelle tout germanophone désigne les habitants de la ville : « Ich bin ein Berliner » signifie d’abord « je suis un beignet » (pour éviter la confusion, les Berlinois nomment la pâtisserie « pfannkuchen »). Vivants dans la capitale allemande pour le boulot, Yann et Soizic, la petite vingtaine, lancent en janvier 2008 « Les Lapins Techno », un blog rendant compte de leur vie d’expat’. « Les Berlinois n’en finissent plus de nous surprendre et quand on croit enfin les connaître, voilà que l’on découvre une autre facette de leur mode de vie... » Rendez-vous au Goldberg, café qui ne paie pas de mine à Neukölln, quartier dévalorisé en pleine mutation (notamment grâce aux galeries et créateurs qui s’y installent), pour papoter la bouche pleine. De la conversation, voici les restes. Am Morgen, le matin « Le dimanche, le Frühstück, "petit"-déjeuner, réunit les affamés en début d’après-midi (ne leur dites jamais que c’est un brunch !). Il se compose de charcuteries, fromages, fruits, légumes et petits pains. Et est complété vers dix-sept heures par un café et une énorme part de gâteau à la crème (le Kaffee Kuchen). Le Café Bilderbuch à Schöneberg le sert jusqu’à 23 heures. »
« Pour les philosophes et les fêtards, le Assel à Mitte (comparable au quartier du Marais à Paris) propose deux formules conceptuelles : le "Frühstück Existentialist" (café noir/cigarette) et le "Frühstück Hangover" (expresso/verre d’eau/aspirine). » Am Mittag, le midi « Toutes les boucheries (Fleischerei) se transforment en cantines généreuses de plats traditionnels. Sur de petites tables achalandées devant l’échoppe, de la Rinderroulade (viande de bœuf bouillie roulée avec du lard), du Eisbein (sorte de jarret) ou des Käsespätzle (pâte, fromage et sûrement du gras). Et si le temps manque pour déjeuner chez le charcutier, ils préfèrent les Imbiss, ces nombreux stands toujours ouverts où s’ingurgite sur le pouce un charwarma doublé d’une Berliner Pilsner (la bière standard) voire d’une Flensburger (la bière qui fait "plop !" quand on la décapsule). Le Imbiss Ku’damm 195 de Charlottenburg (l’ancien cœur de Berlin-Ouest) accompagne la Currywurst (à deux euros) [la saucisse en rondelles ketchup/curry célébrée dans Standard n° 21] d’une bouteille de champagne (ajoutez deux zéros). » Am Abend, le soir « En semaine, les Kneipe, bar en bois hybride entre le pub et le PMU, se remplissent de grignoteurs de Mutterküche, cuisine à maman à base de saucisses, de Bouletten et de salade de pommes de terre : Kartoffeln Salad. »
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SCHORLE IST SO CHIC
« A l’Est de la ville, dans les bars à vins appelés Weinerei, le prix est à la carte : buffet et vins à volonté en échange de la somme que l’on veut. Pour combien de temps ? Victimes de leur succès, ceux de Prenzlauer Berg (le quartier qui recueille les expat’ bobos, trentenaires et jeunes parents) voient leurs serveurs vérifier de plus en plus les contributions des convives. » « Dans la nuit berlinoise, un vendeur ambulant peut débarquer en club avec des sandwichs tomatemozza. » « Au premier rayon de soleil, dans les Strandbars au bord de la Spree, on se croirait à la plage, et le Görlitzer Park, à Kreuzberg (berceau de la scène punk berlinoise ultra-politisée), se couvre d’un épais nuage qui sent la saucisse grillée – des barbecues jetables se dénichent dans n’importe quel supermarché. S’il pleut, rendez-vous aux toilettes, précisément au Burgermeister de Kreuzberg, d’anciens sanitaires publics où sont servis H24 les meilleurs burgers de la ville. Le pays inventeur du hamburger a le sens de la différence : l’implantation d’un McDonald’s en plein cœur de Kreuzberg a semé la polémique en 2007 ; depuis, le restaurant est malmené régulièrement. Mais celui de la rue KarlMarx laisse songeur. » —
Après deux ans à Berlin, on peut encore être surpris par certaines pratiques. Extrait du blog des Lapins Techno, post du 27 février. « Hier, c’est en usant mon jean sur les bancs de la Volksshochschule et en écoutant religieusement la Lehrerin [l’institutrice] que j’apprenais l’existence d’un mode de consommation typiquement allemand on ne peut plus surprenant... le Schorle. Attention, je ne parle pas ici du Schorle jus de fruit, consistant à ajouter de l’eau gazeuse à son jus de pomme, ou jus de cerise... Dans ce cas, rien de choquant, le mélange passe très bien et hydrate généreusement le Berlinois glandeur et frühstückeur des terrasses. Non, le vrai choc, celui qui vous fait trembler de peur et réaliser qu’au fin fond de votre âme
et en dépit de votre aspiration à devenir un citoyen du monde, vous n’êtes qu’un "François le Français", c’est le Weinschorle... 50 % vin, 50 % eau gazeuse. En France, l’individu qui met de l’eau dans son vin […] se justifie et s’explique par les quelques excuses à sa disposition. "Je dois prendre le volant", "Je suis sous médocs", "J’en ai déjà bu sept", "Je n’aime pas le vin mais j’essaye de m’intégrer". En Allemagne […] boire des WeinSchorle à Mitte c’est chic, élégant et trendy, digne d’un Cosmopolitan à Manhattan... (et c’est ma prof d’allemand qui le dit). […] Pour ceux qui veulent continuer à boire du vin à Mitte, voici quelques excuses : […]" Je fais une cure de raisins", "Je suis alcoolique", "J’ai froid", "Boire un petit coup c’est agréable". » leslapinstechno.com
Week-end pas cher Berlin Les Beaux Jours, 8 euros
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SÉLECTION UÊCONTREBANDE ORGANISÉE
IMPORTS
Los Tigros del ring de Jimmy Pantera est une fête pour la tête. Cet ouvrage concocté par un amoureux des cultures populaires nous prouve que le catch mexicain et ses incursions dans l’art, la BD, la musique et le cinéma ne sont pas qu’une parade bariolée comme on l’imagine en France, mais un véritable culte christopaïen. En renfermant cette ode à la vitalité du peuple, on n’a qu’une envie : mettre un masque de Santo et partir pour Mexico. J.-E. D. ankama-editions.com
Il semble bien que des groupes tels que Throbbing Gristle et Joy Division découlent de Guru Guru et de UFO, premier album lysergique sorti en 1969. Dans ce Standard très cosmique, l’occasion était trop belle de vous informer de la ressortie de ce disque über kosmisch, pierre angulaire du krautrock perdu dans l’espace. J.-E. D. lionproductions.org
L’ouvrage Apocalypse culture du génial Adam Parfrey (boss des éditions Feral House) est enfin disponible en français. Sectes bizarres, serial killers, schizophrènes, théoriciens du complot et pléthore de frappés se sont donné rendez-vous dans ce livre à propos duquel J. G. Ballard a écrit qu’il était « une lecture fascinante pour tous ceux qui s’intéressent à la crise majeure que traverse notre époque ». J.-E. D. camionnoir.com
Arliss Parker est un gamin du Colorado débarqué à New York avec tout un attirail de bonnes idées et d’instruments étranges. Sa musique, électro-folk minimale sortie chez Dag Records sous le nom de Handsome Like A Lion, est la parfaite B.O. d’un instant de votre vie. Surtout si vous vous baladez en vieille Chevrolet break dans le froid de l’hiver américain. P. C. arlissparker.com¢
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EÉSINAGRO EDNABERTNOCÊUÊNOITCELÉS
EXPORT
Malibu fait appel à des graphistes pour habiller des bouteilles collector. Les deux premières, très street art, ont été coloriées par les Français Niark1 et The Feebles (photo). Il se peut que les suivantes soient confiées à des magazines et que Standard vous en concocte une en monokini rouge avec un bouchon blond. Si l’abus d’alcool est dangereux pour la santé, celui du brainstorming artistique à usage marketing, pas du tout. M. A. malibu-rum.com
Spring Court, c’est l’originale « White Shoe » depuis 1936. Première aux pieds des tennismen d’avant-guerre et sur le podium de l’avant-garde. Elle glisse au-devant des nouveaux territoires de mode comme elle le faisait sur terre battue : toujours en avance d’un pas chassé. Une détente qu’on retrouve
Alors que le crocodile est en voie d’extinction, le logo vert de Lacoste s’affuble d’un rouge (allusion aux Ultimates, groupe disco des seventies) point d’exclamation. Lacoste Red !, nouvelle ligne dirigée par Christophe Lemaire, s’inspire du « mouvement mod’s pour les garçons et de l’allure Courrège pour les filles ». Mais il y a aussi le souffle de la créatrice anglaise Mary Quant et la télégénie de la série Le Prisonnier, un côté street golf et des pièces d’archives revisitée. Bref, le meilleur pan de la culture des sixties et seventies dont le designer est si pertinemment hanté. M. A. lacoste.com
S
Librement inspiré de folk et d’art brut, A Wolf At My Door propose des pièces uniques aux illustrations sérigraphiées. Personnages naïfs, motifs déstructurés et oiseaux migrateurs composent l’univers d’une illustratrice qui se cache derrière ses écharpes à la marque évoquant le petit chaperon rouge, mais signe de son nom ses collaborations à Standard. Saurez-vous la reconnaître ? M. A. myspace.com/awolfatmydoor
sur les imprimés toile ou toute autre forme de customisation qui attrape la balle au rebond. Alors en cette période de rêves cosmiques, une tennis française qui a marché sur la Lune, c’était incontournable ! D. H. springcourt.com
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STANDARD 23
CAHIER MODE BEAUTÉ
par Lucille Gauthier 122
COSMIC THANG
accessoires par Armelle Simon 128
Photographie Chloé Fabre
MAY THE CIRCLE REMAIN UNBROKEN montres par Caroline de Greef 134
LE RÊVE DE L’ASTRONAUTE par Pictures & co 138
ESPACE OUVERT par Julia Champeau 150
SUNSET EMPIRE par Andrea Crews 162
OUR LITTLE FRIENDS FROM OUTER SPACE par Chloé Fabre 166
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Soin anti-âge DY ;j e] \Ì=Ym Zq Akk]q EaqYc] ~ cË\Xl gi Z`\lj\ [\ B`i`j_`dX# gfli ))' \lifj Z_\q DXi`feeXl[% Soin de jour protecteur Qlljame 9d[`aea] >gj]n]j -- ]mjgk$ -( ed& Crème de soin OYl]j :Yfc ;j]Ye DY F]a_]# ,' dc gfli *. \lifj Z_\q J\g_fiX%
Masque crème pour peaux déshydratées 8ek`$Jf`] :cXi`ej# ., dc gfli *. \lifj% Eau de toilette @m_g =d]e]fl \Ì@m_g :gkk$ -' dc gfli ,' \lifj% Eau de toilette dÌ=Ym \ÌAkk]q ?gmll] \] FmY_] Akk]q EaqYc]# ,' dc gfli -* \lifj# \e [`k`fe c`d`k \% Masque énergisant et détoxifiant Ljahd] Gpq_]f afklYfl ]f]j_araf_
eYkc :dakk$ ('' dcgfli ,( \lifj Z_\q J\g_fiX% Mousse minérale nettoyante ;j]eY F]jY ?agj_ag 9jeYfa# (,' dc gfli ++ \lifj% Brume hydratante anti-pollution :]G# ('' dc gfli ,) \lifj Xl Gi`ek\dgj% Masque illuminateur ?geeY_] ]f FmY_] C]frgca# ,' dc gfli +- \lifj%
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:]Yml L e^\mbhg Inventive, fraîche et lumineuse, la dernière édition limitée Daisy de Marc Jacobs nous invite à décorer son flacon avec différents stickers pour un look très printanier. <Yakq :dgge ]^ FZk\ CZ\h[l% .) fe ihnk .0 ^nkhl.
GXi ClZ`cc\ >Xlk_`\i @ccljkiXk`fe ? c e\ >\fi^\k Les rondelles de concombre ont ouvert la voie à toute une jardinière de légumes. Vegetables, nouvelle marque made in France, met à l’honneur les primeurs, dont les propriétés nutritives ne sont plus à prouver. Une gamme simple et performante prête à pallier tous les déficits de notre épiderme. ?Yee] N]_]lYZd]k iZkmbk ]^ ++ ^nkhl ^g ^q\enlbobm \a^s L^iahkZ'
Place à la magie avec ce nouveau gloss transparent qui colore les lèvres d’une teinte unique grâce à des pigments sensibles qui réagissent au PH de la peau. AfklYfl ?dgkk ]^ <eZkbgl% ihnk *1 ^nkhl'
Coup de cœur pour cette jolie palette. Six ombres à paupières aux extraits de perle encloses dans un boîtier argent décoré de nacre. Un vrai bijou ! Hj][agmk H]Yj HYd]ll] ]^ LmbeZ% ihnk ,. ^nkhl' )*.
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Armani pub
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Cosmic thang Accessoires par Armelle Simon
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Sandale Balanciaga
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Sandales Maison Martin Margiela
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Sandale CĂŠline Sac baguette Roger Vivier
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Sac Victor & Rolf
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Sac Pierre Hardy Bottine Yves Saint Laurent
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may the circle may the circle remain remain unbroken unbroken
montres par Caroline de Greef
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De gauche Ă droite Caroline de Greef, Calvin Klein, Casio, Bell&Ross, Kanabeach.
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De gauche Ă droite Rado, Nixon, Roxy, Swatch
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Le rêve de l’astronaute Photographie Pictures & co (Roxane Lagache et Julie Ganter) Stylisme Sarah Monfort Modèle Amandine Romero Remerciements Aurore et Mathieu 138
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Sleepy legging Zoe Tee’s
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Top dentelle noire imprimĂŠ argent Gaspard Yurkievich Pantalon ceinturĂŠ en twill de coton et viscose noir Vanessa Bruno
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Chemise Newman Collant APC
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Soutien-gorge croisé en micro-fibre chair American Apparel Débardeur écru en coton Athé Vanessa Bruno Cardigan chair en maille transparente chair Paule Ka
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Robe Vneck grise en maille Gaspard Yurkievich
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Sweat imprimĂŠ galaxy April 77 Collant Yves Saint Laurent
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Top dentelle noire imprimĂŠ argent Gaspard Yurkievich Pantalon ceinturĂŠ en twill de coton et viscose noir Vanessa Bruno
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Espace ouvert Photographie Julia Champeau Assistant photographie Candice Milon Stylisme Lala Andrianarivony Coiffure Armand Fauquet chez Artlist Maquillage Julie Nozières chez Artlist Modèles Devon Major & Ana G. chez Metropolitan
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Robe Richard RenĂŠ 151
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Robe Richard RenĂŠ 153
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page gauche : Veste Acne jeans
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Robe Jantaminiau
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page gauche : Robe Vanessa Bruno page droite : Top Commuun
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Veste Estrella Archs
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Veste Junko Shimada Pantalon Pleats Please Issey Miyake Casquette Lacoste
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Sunset Empire RÊalisation et photographie Maroussia Rebecq Modèles Juliette Maillot Lauren Bastide Sunny Ringle Victor Bulle Marion Jolivet
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Our little friends from outer space Photographie Chloé Fabre Stylisme Pierre Garcia Maquillage Estelle Jaillet Coiffure Hajime Nakano Modèles Clément Poinas et Facundo Pellegrino chez Bananas et Gean Queiroz pour les scènes extérieures Coordination Laetitia Rouiller Remerciements Make up for ever en vente chez Sephora, Mains d’Oeuvres, Emmanuel Bois, Etienne Bidault Rey, Nelly Del Pappas
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Casque Lazer Blouson Moncler T-shirt Salomon 167
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Gilet fucshia Dior Blouson Wooyoungmi Pouf silver Leblon-Delienne tableau lumineux CrĂŠadot
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T-shirt Eastpack Blouson Salomon Pantalon Martin Margiela
Pantalon et sweat Ă capuche Walter Van Beirendonck Chaussures Adidas
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Lunettes Martin Margiela Blouson Adidas Originals by Jeremy Scott
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Casquette, sweat et trench Wooyoungmi
Bonnet Speedo Casque Wesc Chemise Martin Margiela Cravate Wooyoungmi
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Baskets Reebok Pantalon Romain Kremer
Blouson Wooyoungmi
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Casque Lazer Chemise et cravate Wooyoungmi
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RICARD SA capital 54 000 000 euros 4 et 6 rue BERTHELOT 13014 MARSEILLE 303656375 RCS MARSEILLE
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A base de rhum blanc des Caraïbes et de noix de coco. Peut se consommer en cocktail.
Création des Caraïbes
L’ A B U S D ’ A L C O O L E S T D A N G E R E U X P O U R L A S A N T É . À C O N S O M M E R AV E C M O D É R AT I O N . Std23_5.indd 176
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CAHIER CHRONIQUES CE QUI SORT Paillettes MODE JEREMY SCOTT, PRADA, ALEXANDRE VAUTHIER 178 Players JEUX VIDÉO
RESIDENT EVIL 5, MADWORLD, 50 CENT: BLOOD ON THE SAND 182
Palettes ART
GRASSO, PRÉVIEUX, GRAHAM, BUBLEX, VON BRANDENBURG, WARHOL 184
Paraboles MÉDIAS
LAURENT JOFFRIN 194
Planches THÉÂTRE GWENAËL MORIN, VINCENT MACAIGNE 200 Platines MUSIQUE WE ARE ENFANT TERRIBLE, MIRWAIS ET YAS, TITUS ANDRONICUS, GRIZZLY BEAR, BAB ASSALAM, CINEPLEXX, SCHOOL OF SEVEN BELLS 204
Papiers LITTÉRATURE JOEY GOEBEL, TOM MCCARTHY, IVAN BRUNETTI 210 Pellicules CINÉMA SYNECDOCHE, NEW YORK,ILS MOURRONT TOUS SAUF MOI, THE PROPOSITION + DVDs 218
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Mode Cobranding
JEREMY SCOTCHE ADIDAS Styliste chatouilleur détournant les travers de la société avec une outrance ironique, Jeremy Scott, 33 ans, passe de Beverly Hills à Paris et du film à la photo. Adidas lui confie sa ligne ObyO. Bienvenue dans la famille. Par David Gil & David Herman Photographie Delphine Micheli
A d’un loft parisien de la rue Greneta trône tout en ttention : photos interdites. Au rez-de-chaussée
couleur la collection ObyO by Jeremy Scott pour Adidas. La collection ne sera dévoilée qu’en août. Autour d’elle, les attachées de presse s’affairent et, dans le mouvement ambiant et les accents, Jeremy s’éclate avec un bambin. Ils montent et descendent des escaliers en courant, sautillent, roulent sur le sol. Une dame en sweater rose, passablement écroulée sur le canapé Roset, attend que les choses se passent. Il s’agit de la maman de Jeremy. Car chez les Scott, la famille a son importance...
leur confèrent cette dimension humaine dans laquelle je me retrouve. » En faisant appel à lui, la marque sportwear continue de valoriser l’ingéniosité de la maison. OSMOSE NATURELLE Depuis 2000, la ligne Adidas Originals s’imprègne de l’univers créatif de personnalités contemporaines et de leur visibilité médiatique. Des collaborations qui vont de Porsche pour des produits high tech, à Stella McCartney côté luxe. Pour l’automne et l’hiver prochains, les marketeurs ont baptisé ObyO (Originals by Originals) les mini collections créées par David Beckham, le pilote de F1 Kazuki Nakajima, ou Jeremy Scott qui, fidèle à sa pétillante rébellion, infuse d’un souffle disjoncté notre rencontre – à l’image de ses créations. Influencé par les mass medias, le styliste a ancré son style dans la critique sociale et l’humour, s’imposant dans le système qu’il veut révolutionner. C’est ce qui ressort de ses propres collections et de celles qu’il réalise en cobranding.
« Nous sommes en manque d’icônes… C’est pour ça que j’ai téléphoné à Mickey Mouse », commence Jeremy Scott, détendu et sympathique. Effectivement, deux jours avant notre entrevue, le défilé présentant sa collection personnelle A/H 2009 aura marqué par ses petites robes noires en jersey, printées d’un allover Mickey Mouse, ou son manteau fait d’accumulations de gants blancs de la souris la plus célèbre de la planète. « Mickey nous a donné l’espoir « CE QUE J’AIME, C’EST LA JUXTAPOSITION de sortir de la crise des années 30, alors il ENTRE L’ÉLÉGANT ET LE DÉCADENT, L’HYPERfallait qu’il revienne. » Sans aucun doute, CLASSE ET LE MÉGA-TRASH.» l’esprit Jeremy Scott, traduit en arlequin ironique ou en clown satirique, détourne JEREMY SCOTT en profondeur des vérités sociales que la fashion n’a véritablement pas envie de voir : « Ce que j’aime, c’est la juxtaposition entre l’élégant Pour ObyO, Jeremy Scott a voulu s’amuser : « J’apprécie et le décadent, l’hyper-classe et le méga-trash. » les libertés qu’on me laisse et que je ne peux pas m’octroyer Dans le prolongement de ces opposés, il explique pour ma propre collection. » Cela passe par le mélange « attacher autant d’importance aux classiques qu’à la des thèmes : « télévision » d’un côté, avec un pull-over modernité », collaborant ainsi avec Longchamp (pour matelassé aux couleurs de la mire, les imprimés « neige » qui il habille cette saison les célèbres sacs pliages) aussi sur un blazer à manches longues ; « Afrique » de l’autre, bien qu’avec Adidas. Deux marques qui ont un point avec une robe-pull imprimé girafe, ou encore un poncho commun qu’il affectionne : « Des origines familiales qui safari en nylon orné de dessins d’animaux. La chaussure,
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Jeremy la veut dotée d’ailes : « Je voudrais que les gens soient légers, qu’ils lévitent, s’envolent. » Cette interprétation onirique rejoint le souhait bientôt centenaire d’Adolf « Adi » Dassler, fondateur de la marque à trèfle, de créer la plus performante des chaussures de sport. Une osmose naturelle, presque filiale – « comme si ça faisait partie de mon ADN » – qui se traduit par l’absence du logo ou des trois bandes sur les vêtements, ou par le détournement des basics par ses classiques à lui, pour donner par exemple le jogging-minijupe- « MICKEY NOUS A DONNÉ bulle. L’ESPOIR DE SORTIR DE LA
CRISE DES ANNÉES 30, IL
Pour Adidas ou FALLAIT QU’IL REVIENNE. » en solo, jouant JEREMY SCOTT comme à son habitude avec le « tacky » et le « chessy » – l’obscène et le vulgaire transformés en admirable, désirable, drôle et finalement luxueux –, le cœur des créations de Jeremy Scott bat, cette saison encore, de plus en plus fort. —
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Mode Architexture
CHIC COREE
Après les élucubrations interlopes du Prada Congo Club, boîte afroconcept londonienne, Miuccia Prada pose ses envies à Séoul pour un lieu d’expo éphémère et fou : le Prada Transformer.
PRADA TRANSFORMER
Sur la friche jouxtant le Ghyeonghui Palace, Séoul Du 25 avril au 9 septembre
Par Karim Zehouane
A Tom Dixon, les collaborations entre artistes et
près Spike Jonze ou Murakami, Damien Hirst et
créateurs foisonnent de manière exponentielle. Avec sa mégastructure provisoire imaginée par le Hollandais Rem Koolhaas, la marque Prada, reine de « l’architexture », propose un projet mutant à la confluence de la mode, de l’art et de l’urbanisme n’ayant rien à envier aux folies courbes de l’architecte irakienne Zaha Hadid pour Chanel, ni à la H Box, le cube expo d’Hermès réalisé par Didier Fiuza Faustino. Géométrie variable Prada Transformer est une construction polymorphe. Partant de l’idée de créer un espace aussi transversal qu’est la mode, Rem, architecte, Pritzker 2000 et déjà auteur de plusieurs immeubles Prada (dont l’antisismique Prada New York Epicenter Store réalisé en 2001 et l’extension du siège du groupe à Milan), s’est
essayé à une évocation kubrickienne de l’architecture de demain. Car l’époque est au futurisme, indubitablement. Et Rem ne s’est pas privé, avec ce tétraèdre où les murs se muent en plafonds, les plafonds en sols, dans une sorte de tectonique des façades. Ce lieu, où alterneront diffusion de films, expos et défilés de mode, se métamorphosera au gré des événements en hexagone, croix, rectangle ou cercle. Spectaculaire dans sa conception, l’édifice protéiforme va bien au-delà de la performance. A l’instar d’autres mégalopoles surpeuplées, Séoul doit s’adapter aux impératifs d’optimisation de l’espace. En évitant les horreurs fonctionnalistes mal inspirées, Rem Koolhaas a su (se) jouer des enjeux urbaniques modernes, sans pour autant sacrifier à l’art. Un challenge que l’esthète batave relève haut la main avec ce qui s’annonce comme la plateforme communication de Prada en 2009 – et qui devrait faire du bruit au Pays du Matin Calme. —
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Mode Back to future
« LA MODE PROPOSE DES PISTES POUR L’AVENIR » Epaules démesurées, silhouette épurée, Róisín Murphy en guest et procession minimale rétro-futuriste, le premier show couture d’Alexandre Vauthier fut rien moins que parfait. Entretien Karim Zehouane
décris-tu ta C omment démarche ?
Alexandre Vauthier : J’ai cette envie de propulser la femme dans le futur. Il ne s’agit pas de faire du Luc Besson sur scène, juste suggérer ce qu’elle pourrait être et devenir. Pourquoi ces épaules oversized et retro-futuristes ? J’ai voulu marquer l’extension morphologique de l’épaule, donner une carrure. J’avais envie de suggérer le fantasme d’une femme inaccessible et forte. C’est assez old school : j’ai exagéré, retaillé l’épaule des années 40. Ce qui est super futuriste, c’est la technique,
étaient envisagées ? Elles étaient exagérées, surpensées. Et finalement on n’y est pas du tout. Qui est ton icône mode, ton Eve future ? Si je dis Roisin Murphy, rien d’original. Ce qui m’a séduit chez elle, c’est son côté no limit. Julianne Moore aussi, pour son charisme incroyable – elles sont pourtant radicalement opposées, en termes de style. Ce qui m’amène vers elles et me rend créatif, c’est la manière avec laquelle elles expriment
servir de pièces existantes pour les transformer, les adapter au monde de demain, mais ne jamais les regretter. C’est une démarche très négative dans le processus de création. Et les tendances qui t’insupportent ? Aucune. Même ce pour quoi j’ai le moins d’affinités est révélateur d’une époque. —
« J’AI VOULU MARQUER L’EXTENSION MORPHOLOGIQUE DE L’ÉPAULE. » ALEXANDRE VAUTHIER
puisqu’elle a été façonnée par des gens qui bossent dans l’aérospatiale. Ancien collaborateur de Mugler et Gaultier, comment conçois-tu la mode de demain ? Drôle de question, parce que la mode doit être de son époque. Elle peut seulement proposer des pistes. Si tu regardes les films de science-fiction des années 80, on était toujours dans les années 2005, 2012. Tu as vu comment les sociétés
leur sensibilité. De quel vêtement aimerais-tu voir le retour ? Il ne faut pas regretter la pièce qui ne se porte plus. L’essentiel, c’est ce qui va arriver. On peut se
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Jeux vidéo Multi-trip Rubrique coordonnée par François Grelet & Benjamin Rozovas
GHOST IN THE SHELL
MA VIE, MES JEUX
On n’arrive pas à lâcher :
Customisé par un splendide relifting HD, Resident Evil 5 tente le pari d’un gameplay à l’ancienne. Le grand écart, son plus bel atout ?
A A peine la démo de RE5 offerte en pâture aux fans que
l’origine, une polémique.
le monde des gamers semblait vaciller sur ses certitudes. Le jeu le plus attendu de l’année ne serait-il qu’une simple update graphique du précédent opus ? Le débat esthétique fait rage sur les forums et oppose frontalement des conservateurs enthousiastes aux progressistes blasés, accolant déjà le sticker « injouable » au supposé hit tonitruant. Il suffira cependant d’un petit quart d’heure pour constater que Resident Evil 5 est un modèle de gameplay ultra-ciselé, basé sur le placement, l’attente et la nervosité. A l’époque des virevoltant Gears Of Wars 2 et autre Killzone 2, il
FOOTBALL MANAGER 09 (Sega/Pc)
ose prendre son temps pour nous permettre d’inspecter longuement des décors splendides, joue sur la fébrilité, théorise sa propre mythologie et laisse entendre un petit cœur qui bat sous la carcasse high-tech. A l’image de Sheva, notre partenaire dans le jeu, d’une intelligence artificielle tellement sidérante qu’on en vient à douter de sa virtualité, la beauté somme toute fragile de Resident Evil 5 réside dans ce supplément d’âme qu’on croyait impropre aux blockbusters de ludothèques. Qui parlait d’archaïsme ? — RESIDENT EVIL 5 (Capcom/X box 360 et PS3)
Serait-ce la reprise de la Ligue des Champions ou le suspense effroyable de la Ligue 1 ? Depuis deux semaines, on n’arrive plus à décrocher alors qu’on s’était promis de ne plus y toucher après le mercato hivernal. Mauvaise nouvelle : le jeu le plus chronophage du monde est de retour dans notre vie. —
LEFT 4 DEAD
(Valve/EA/PC X box 360)
Jusqu’à l’Armageddon, on continuera d’exploser du zombie à shotgun accompagné de nos trois plus fidèles amis. Aussi déprimant en solo qu’euphorisant à plusieurs, le jeu pose les jalons de la nouvelle hype « coop » qui s’infiltre dans chaque recoin des FPS de notre époque. Cette fois, c’est sûr, manette à la main, les yeux rivés sur votre plasma, vous ne serez plus jamais seul.—
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High score
LE SUPER-GAMER DE LA SAISON
LA LÉGENDE DE THOR
(Megadrive Ultimate Collection/ Sega/X Box 360)
Les possesseurs de Megadrive à l’époque où leurs copains ne juraient que par Nintendo passaient un peu pour des cons à la récré à n’avoir jamais tâté du moindre Zelda. Mais ils savaient bien qu’il existait chez Sega ce fantasy game mirifique et poétique avec suffisamment dans le bide pour soutenir la comparaison avec Link et ses petits amis. Quinze ans plus tard, sa présence dans la compilation Megadrive Ultimate Collection confirme son statut d’intouchable. — MARIO TENNIS (Nintendo/Wii)
On l’avait complètement usé sur Gamecube à débloquer le moindre bonus caché parfaitement inutile. On s’était juré d’éviter ce jeu de tennis rigolard, mais sa ressortie sur Wii nous a fait replonger. Même jeu, gameplay (royal) à la wiimote, largement aussi addictif mais aussi plus impliquant physiquement. En réaction, c’est sûr, on espacera un peu plus les sessions. —
Prénom : Donald Age : 30 ans Gamertag : Defdon19 Fait d’armes : meilleur joueur du monde au nullissime Dash Of Destruction sur le XBLA. Témoignage : « Je m’en suis rendu compte en zonant sur le site Mygamercard, qui propose un classement mondial pour chaque jeu. J’atteignais des places flippantes à peu près partout, sauf à celui-là, où j’ai compris que j’étais numéro un. Généalogie
IN DA CLUB
A la gloire du rappeur pare-balles, 50 Cent : Blood On The Sand aurait-il tout pompé aux autres ? Oui, et finalement tant mieux. Le gameplay : avec son système ultra-efficace de duck and cover et sa vue à la troisième personne « caméra à l’épaule », Blood On The Sand doit à peu près tout à l’indépassable Gears Of Wars 2, auquel il emprunte le champ lexical fleuri et toutes les déclinaisons du mot fuck. Une objection, quelqu’un ? Le scoring : pour faire monter l’attention au milieu de chaque gunfight, un système de challenges est proposé, histoire d’amasser un maximum de points qui serviront simplement à débloquer des chansons de 50 Cent dans le player intégré. Forcément, on pense très fort au mal-aimé The Club qui poussait, il y a quelques mois, ce système de scoring dans ses derniers retranchements. La mégalomanie : comme toute pop star ayant un tant soit peu pété les plombs, le gros Curtis ne pouvait refuser un jeu vidéo à sa gloire. Si généralement ce genre de concept finit par déraper salement (l’hilarant
Evidemment, j’en tire une certaine gloire, puisque c’est le jeu le plus consternant du Live. Il faut aussi noter qu’il est gratuit, car sponsorisé par les chips Doritos. J’espère secrètement en recevoir un carton entier d’ici peu. »
SCREENSHOT Beau gore
Depuis le schizoïde No More Heroes, la Wii peinait à trouver un second souffle dans l’expérience ludique auteurisante. Avec son déferlement de gore crayonné, ses contrastes à la Frank Miller et sa folle ambition de beat them all postmoderne, Madworld risque bien d’imposer la console de Nintendo comme la plateforme la plus excitante du printemps. MADWORLD (Sega/Wii)
Moonwalk feat, Michael Jackson), ici tout fonctionne du tonnerre. Une mutation en pur jeu d’exploitation, techniquement irréprochable, qui rappelle les grandes heures des direct to video des années 90. — 50 CENT : BLOOD ON THE SAND (THQ/X box 360)
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Art Câblé
RUMEURS MAGNETIQUES Visible au Palais de Tokyo et bientôt à Beaubourg, le travail de Laurent Grasso, 37 ans, ouvre des perspectives déroutantes entre l’art et la recherche scientifique. Essai de captation. Par Patricia Maincent
«
En lisant Philip K. Dick », répond Pierre-Gilles de Gennes quand on lui demande d’où lui est venue l’idée de l’expérience qui lui valut son prix Nobel de Physique en 1991. Jeu de séduction ou réel intérêt pour l’auteur ? Il pointait en tout cas la vertu prospective de la science-fiction au sein des travaux d’expérimentation, et le lien inaltérable entre art et recherche. La dynamique est rodée : l’artiste s’inspire des avancées de la science, et contribue à en repousser les limites. Cette capacité de rêver à partir des découvertes est le fondement du travail du Français Laurent Grasso. « Les demi-fictions que je mets en place contiennent toujours une part de possible, une possible réalité mentale. » Ce possible, il le puise dans les magazines scientifiques et astronomiques. L’impossible paraît plausible Derrière chaque invention s’ouvre un horizon de nouvelles recherches. Ce qui fait que si l’on peut expliquer de plus en plus de choses, on en comprend également de moins en moins. Ce paradoxe est la brèche dans laquelle se glisse Laurent Grasso pour créer de la fiction à partir du réel, et peut-être rendre réelle la fiction. Au fur et à mesure, sa caméra devient virtuelle, filme quelque chose de rare – comme dans 1619, qui recrée une aurore boréale – ou d’impossible, comme dans la vidéo Sans Titre – Prix Marcel Duchamp 2008 –, où une roche, contre toute logique gravitationnelle, s’élève dans les airs et retombe inlassablement tel le rocher de Sisyphe. L’objectif se déplace dans un monde artificiel, emmène le spectateur vers des décors « naturels », des ciels ouverts aux horizons lointains. Dans ce dédoublement du réel, l’impossible paraît plausible. Pour Grasso, le cinéma est « une couche de réalité, quelque chose qui constitue un paysage, comme la Nature, comme une réalité à part entière ». Ce jeu de frontière entre réel et irréel entretient la paranoïa. Que devons-nous croire ? Notre capacité à concevoir n’ouvre-t-elle pas de nouvelles sphères de réalité ? Dans la vidéo Polair, un nuage de pollen
envahit Berlin. Qui sait si ces images n’auront pas une actualité un jour ? Il n’y a pas de temporalité, pas d’ici et maintenant. L’absence de chronologie renforce la probabilité de l’événement. S’agirait-il, cette autre sphère, d’un réel qu’on nous masque ? Des antennes maléfiques Les thématiques de Grasso, souvent liées au ciel et à ses phénomènes, permettent une rencontre entre des images atemporelles et des dispositifs très technologiques. Il travaille depuis deux ans sur HAARP, un programme américain de recherche sur l’ionosphère, qui provoque de vives réactions (scientifiques, déontologiques, superstitieuses), notamment à cause du mystère qui l’entoure. Ce dispositif monstrueux, démesuré, déploie dans un champ d’Alaska d’immenses antennes en réaction avec des éléments invisibles à l’œil nu. Si ce site secret l’intéresse, c’est qu’il est source de rumeurs symptomatiques des préoccupations contemporaines. Ces antennes, partiellement reconstruites au Palais de Tokyo, seraient à même de modifier le climat, les communications voire le comportement. Outre l’aspect politique, c’est la spéculation fantasmatique du projet scientifique qui fascine l’artiste, et sa capacité à créer du récit sur la base d’expériences révélant des angoisses primitives, tout en pointant notre ignorance. A cause de notre incapacité à comprendre leur alignement mystérieux, tel un totem, chaque pylône s’enveloppe d'une aura magique – ou maléfique. Le piège d’un retournement subtil Au fil des œuvres, on plonge dans ce double du monde, où les phénomènes atmosphériques prennent des intensités colorées hypnotiques, où d’immenses antennes perturbent l’ordre des éléments. Dans cette « demi-fiction » permanente où rêve et cauchemar technologique se côtoient, se glisse un film déroutant : Les Oiseaux (2008), où des volatiles migrateurs exécutent des formes géométriques improbables au-dessus de Rome, au coucher du soleil.
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« MES DEMI-FICTIONS CONTIENNENT TOUJOURS UNE PART DE POSSIBLE, UNE POSSIBLE RÉALITÉ MENTALE. » LAURENT GRASSO
Quels calculs géométriques savants ont permis ces dessins, incroyables, sur ce fond chatoyant si délicat ? A bien y regarder, on réalise que l’artiste nous a piégés. Retournement subtil, nous admirons un phénomène entièrement naturel (certains supposent que les flux migrateurs sont régis par le magnétisme terrestre). L’organisation de la Nature semble commandée par une technologie ultradéveloppée. L’opposition entre naturel et artificiel devient alors belle – et bien caduque. —
GAKONA
Micol Assaël, Ceal Floyer, Laurent Grasso, Roman Signer Palais de Tokyo, Paris Jusqu’au 3 mai
LAURENT GRASSO
Centre Georges-Pompidou Du 15 juin au 14 septembre
VUE DE L’EXPOSITION GAKONA, PALAIS DE TOKYO, HAARP, 2009, ACIER GALVANISÉ, CÂBLES, BOÎTIERS, COURTESY GALERIE CHEZ VALENTIN, PARIS, ©ADAGP PHOTO ANDRÉ MORIN
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Art France
LA FORCE DE JULIEN
Jusqu’au 1er juin, La Force de l’art 02 donne un coup de projecteur sur la scène française. L’occasion de voir les drôles de stratégies d’indiscipline de Julien Prévieux.
LA FORCE DE L’ART 02
Grand Palais, Paris Du 24 avril au 1er juin
Par Gilles Baume
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974, Grenoble, Julien Prévieux naît en pleine crise du pétrole. 2009, Paris, alors qu’une autre crise économique bat son plein, sous la verrière du Grand Palais Julien Prévieux présente son travail, avec une quarantaine d’autres artistes contemporains. Qu’estce qu’un artiste contemporain en période de crise économique ? un dandy isolé dans sa tour d’ivoire, retiré du monde ? un simple témoin, chroniqueur de son époque ? un démiurge tout-puissant capable d’inverser les tendances ?
Constatons que la pratique artistique de Julien Prévieux consiste à prendre pleinement part à notre société avec humour. Il se confronte aux systèmes économiques, politiques et sociaux, avec des outils dont la dérision caustique ramène le réel dans le champ de la représentation artistique. Ce réel n’en paraît alors que plus improbable, violent, inhumain, absurde… Dès ses années de formation, à Grenoble dans les années 90, tandis qu’il étudie en parallèle les beaux-
SUPERFLY, SÃO PAULO,VENDREDI 30 AVRIL 2004, 17H40, DU 25E ÉTAGE DU COPAN BUILDING, JE SOUFFLE SUR LA VILLE UN GRAMME DE COCAÏNE. PHOTOGRAPHIE, 2004, COURTESY JOUSSE ENTREPRISE
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VERSION 02
LA TOTALITÉ DES PROPOSITIONS VRAIES (AVANT), 2008-2009 PROJET POUR LA DEUXIÈME ÉDITION DE LA FORCE DE L’ART.
arts et la science, Prévieux se lance dans ses premiers travaux. Ceux-ci consistent à « s’amuser » à réaliser des actions dans l’espace urbain. Des sortes de micro-actions de résistance revisitent des gestes de performances « historiques » des années 70 (comme ceux des artistes Bas Jan Ader ou Dan Graham). Certains projets donnent lieu à des vidéos ou des photos, comme la série du Pendu, les Roulades ou les Crash tests – mode d’emploi, transposition à l’échelle du corps individuel du principe des essais de résistance aux chocs pratiqués sur les automobiles. D’autres performances existent simplement lors de leur réalisation, comme lorsque l’artiste se propose de transporter gratuitement des passants dans une voiture familiale, dans la perspective revendiquée de se faire recruter par la société locale de transport collectif…
LA NOUVELLE ÉDITION DU GRAND RAOULT FRANÇAIS DES ARTS PLASTIQUES S’ANNONCE PLUS HOMOGÈNE ET RESSERRÉE QUE LA PRÉCÉDENTE. Trois commissaires (au lieu de dix pour la version 01, en 2006) ont fait les sélections. La mise en espace s’organise à partir d’une scénographie de Philippe Rahm : la Géologie Blanche, qui forme une sorte de grande banquise s’adaptant aux œuvres. L’actualité de l’art le plus pointu s’ouvre à un large public dans l’écrin monumental du Grand Palais. Une vraie reconnaissance pour le travail de prospection et de défrichage effectué aujourd’hui par les centres d’art et autres Frac sur le territoire national, en Ilede-France comme en régions. Le programme d’art vivant (musique, danse, projections, etc.), les « Invités », orchestré par Jean-Yves Jouannais, s’annonce tout particulièrement excitant. A ne pas rater : le lancement du catalogue monographique de Julien Prévieux, Gestion des stocks (publié aux éditions ADERA), le 25 avril au Grand Palais. G. B.
Le monde du travail, sa difficulté ramenée à son inutilité, influence Julien Prévieux qui, sans avoir forcément l’air d’y toucher, est un grand travailleur. Le regard ironique qu’il affirme se fait acerbe avec les impertinentes et drolatiques Lettres de non-motivation (« [...] je me permets de vous signaler que je ne pourrais travailler pour vous dans les années qui viennent. »). Argumentées sur le mode du refus, ces réponses négatives à des offres d’emploi justifient l’envie
de ne pas participer à un système aliénant et pétri de conventions. Performance inscrite sur le long terme et demandant des comptes aux grands groupes industriels, chaque lettre est comme un petit grain de sable venant gripper une machine broyeuse d’individus… L’une des forces de ce travail est sa capacité à engager un dialogue selon des modes inédits et anti-conventionnels. Même si « c’est perdu d’avance », les réponses toutes faites qu’il reçoit à ces lettres démontrent toute l’opportunité de questionner la notion de « ressources humaines »… Ce principe d’action à l’œuvre se retrouve comme moteur de nombreuses pièces, comme avec la Mallette n° 1 (ministre de l’Intérieur – 30 mai 2006). Les tampons qu’elle contient sont le résultat d’un prélèvement « sauvage » des empreintes digitales de Nicolas Sarkozy et constituent une sorte de « kit de survie » au sein d’une époque obsédée par le sécuritaire.
L’information, sa transmission et les métamorphoses qu’elle subit au cours de cette transmission sont les ressorts des différentes pièces évoquées. En se diffusant, l’information risque aussi l’obsolescence, et c’est cette dimension que Prévieux explore dans La Totalité des propositions vraies (avant), une installation récente « augmentée » sous une forme élargie pour la force de l’art 02. Des livres aux contenus divers ont été sauvés du pilon par l’artiste pour former une curieuse collection. Dans le contexte de l’art, ces ouvrages (Vie pratique en minitel) dépassés trouvent de nouvelles fonctions au sein de l’organisation toute subjective dans laquelle ils s’inscrivent. Le public est incité à reconsidérer les usages du savoir, vers une véritable écologie du partage et de la circulation de l’intelligence. Même en temps de crise…—
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Art Vu
UNSPECTACULAR LIFE Au MOMA de New York, la conscience aiguisée de Paul Graham teinte de douceur la violence des sujets précaires de A Shimmer Of Possibility photographiés à travers toute l’Amérique.
A SHIMMER OF POSSIBILITY Paul Graham MOMA, New-York Jusqu’au 18 mai
Par Timothée Chaillou
et deux images isolées. New Orleans L' photographies 2004 Woman Eating : une femme au visage inquiet exposition se compose de sept séries de
et aux cheveux orange mange de la viande à main nue devant un parking ; à ses pieds, ses déchets, les restes de son repas. Puis, les mains graisseuses, elle fume une cigarette, les joues creusées par son inspiration. Pittsburgh 2004 : un homme tond une pelouse près d’un parking
dans une vallée de banlieue jusqu’à ce qu’une légère pluie vienne faire scintiller les rayons d’un soleil couchant. California 2005 : une jeune fille joue sur un trottoir avec son château de plastique et son éventail à plumes roses tout en prenant son goûter dans cette fin de journée orangée. Las Vegas 2005 : un homme grisonnant fume une cigarette contre un pan de mur gris, à ses pieds un tas de linge sale abandonné… Depuis 2004, Paul Graham traverse les Etats-Unis
pour en documenter la vie quotidienne des exclus et des démunis. Des images simples, des gestes habituels photographiés avec délicatesse – cette forme de douceur venant dépasser la violence de la précarité des sujets représentés. A la suite de Robert Frank ou Walker Evans, le photographe documente les aspects triviaux de la vie américaine et les conséquences des disparités économiques. Il imagine une chronique du trottoir américain, au ras des gens. Des portraits élémentaires devenus inhabituels par cette « attention consciente », comme le note Stephen Shore, puisqu’il « s’agit d’un état où l’on considère le monde avec une conscience aiguisée ». Paul Graham présente des activités vécues comme des non-activités (manger rapidement, fumer une cigarette, attendre, jouer, s’ennuyer…), des errances communes et quotidiennes qui, dans leur simplicité, fondent notre rapport premier au monde. « Qu’est-ce que je peux faire, j’sais pas quoi faire. » chantonne par Anna Karina dans Pierrot le fou. Dans l’agencement, chaque série est le scintillement d’une possibilité de récits courts, éparpillés par morceaux, comme ces « fragmentations reliées par un impact immédiat et visuel que décrivait William Burroughs dans Les Garçons sauvages ; une sensation de vitesse comme si on voyait ces images d’un train filant à vive allure. » Toutes ces images se lient les unes aux autres par la formation d’une séquence, d’un montage de 4, 5 ou 6 clichés comme un « haïku filmique ». Elles s’organisent dans une rythmique d’histoires n’ayant ni début ni fin : « La photographie a un caractère définitif. Je voulais introduire de l’inachevé », dit Paul Graham. — NEW ORLEANS (WOMAN EATING) ©2009 PAUL GRAHAM
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Art Brr
« CHEMIN DE CROIX SANS RELIGION. » Inquiétante d’étrangeté, Name or Number de Ulla Von Brandenburg, se vit comme une danse macabre : anachronisme, romantisme allemand, occultisme… rencontre obsure.
NAME OR NUMBER
Ulla von Brandenburg Frac Ile-de-France – Le Plateau, Paris Jusqu’au 17 mai
Entretien Patricia Maincent
dispositif théâtral où il passe du rôle de public V à acteur. Pourquoi ? ous avez choisi de placer le spectateur dans un
Le lieu a imposé sa structure. C’est une route pleine de virages, comme pour un chemin de croix, mais sans contenu religieux. Je voulais que le public se déplace de salle en salle pour suivre une pièce, construite comme une dramaturgie. Dès l’ouverture, on passe un rideau. Est-ce qu’on entre sur scène ou passe derrière ? Pour la scène finale, dans la dernière salle, je présente le film Singspiel, une commande du Plateau, tourné à la Villa Savoye. On s’assoit sur les tabourets, utilisés sur l’écran par les acteurs. Et pour parachever cette mise en abyme, la dernière séquence est une scène de théâtre.
Singspiel évoque une structure musicale classique, proche de l’opéra. Comment intervient le chant ?
déménagement, en lien avec la vraie histoire de la famille Savoye. Je voulais une maison qui incarne la modernité, les années 1920-1930, le Bauhaus, la psychanalyse... Ce sont des lieux construits sur des idéaux, et je voulais filmer des gens en décalage avec ces utopies.
Le déménagement met-il en scène la désillusion de la modernité ? Oui, parce que pendant huit ans Le Corbusier échange des lettres avec Madame Savoye, qui se plaint qu’il pleut chez elle. En vrai mégalo, il lui répond qu’elle ne peut se plaindre d’avoir une maison conçue par un grand architecte. Alors qu’il vante les qualités de cette architecture faite pour une vie idéale, le fils de la famille est rongé par une pneumonie. Le mourant est celui qui fuit le monde, sa maladie le coupe de la réalité. Et cette architecture utopique creuse le décalage entre les gens et les idéaux. —
J’ai composé une musique que j’ai enregistrée avant le tournage. Les acteurs miment le texte chanté par une voix féminine unique. Qu’ils aient tous la même voix rend l’ensemble abstrait, étrange, tout en cassant la tristesse de la musique et en créant un décalage absurde. C’est mon premier film sonore, c’est un son post-synchronisé comme dans les films de Jacques Demy. Ce décalage entre la bande-son et le mouvement des lèvres renforce le côté théâtral.
Pourquoi la Villa Savoye ? On dirait que Le Corbusier a pensé cette architecture pour être le décor d’un film. On se déplace sur des rampes comme pour un travelling, et les ouvertures sont des cadrages sur l’intérieur aussi bien que l’extérieur. Le film raconte le dernier dimanche d’une famille avant son 8, 2007,VIDÉO,COURTESY GALERIE ART : CONCEPT, PARIS
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Art Big MAC
ET VITE !
Dialogue d’Alain Bublex avec la collection permanente du MAC/VAL, Je reviendrai remplace l’effervescence de l’inauguration du musée en 2005 par celle de la fidélisation.
NOCTURNE
Carte blanche à Alain Bublex MAC/VAL, Vitry-sur-Seine Jusqu’au 7 juin
Par Damien Delille
L
e parcours du nouvel accrochage du MAC/ VAL ressemble à un panorama de la création française des trente dernières années, sur un mode mineur. Le titre Je reviendrai, tiré d’une série de Tatiana Trouvé, s’inscrit sur un fond de passeport, suggérant les migrations entre les cultures. Les quatre coins du globe sont d’ailleurs disséminés dans le musée avec les photos de Mélik Ohanian, en une vision syncopée. Ses vues lacunaires s’associent à des souvenirs troubles de pérégrinations nocturnes, menant l’artiste d’origine arménienne à puiser de multiples histoires au fond du traumatisme des exilés. Chaque artiste récolte à sa manière les éléments d’une vision altérée par les soubresauts d’une planète en plein bouleversement géographique. C’est avec les traces de leurs voyages (ici, vivre en troglodyte pendant plusieurs jours et recréer une maquette de leurs sous-terrains) que les artistes Laurent Tixador et Abraham Poincheval suggèrent l’exploration d’espaces inconnus. La visite, ponctuée de nombreuses vidéos, est nourrie d’une véritable impression cinématographique. Et comme pour augmenter la dimension spectaculaire du parcours se confrontent dans un brouhaha sonore
KIMSOOJA, BOTTARI TRUCK – MIGRATEURS, VIDÉO, 2007, COLLECTION DU MAC/VAL, VITRY-SUR-SEINE PHOTO THIERRY DEPAGNE
les vidéos dédiées à l’utopie Plug in City (du groupe d’architectes Archigram), et leur mise en espace théâtrale par Alain Bublex, face à une angoissante voiture calcinée et éclairée aux lumières disco de Pierre Ardouvin. Cette dernière salle permet de considérer la collection comme un passage, à la manière d’une rue passante animée, mais aussi comme mouvance des dernières utopies artistiques. La présence incongrue d’un ascenseur trop petit, à l’intérieur des murs de Tatiana Trouvé, ouvre vers un au-delà étrange et impénétrable du musée. Il demeure l’impression d’une collection nourrie par les contrastes d’images et de sens. On s’impatiente donc de la voir plongée par Alain Bublex dans une obscurité qui révélera beaucoup de ses singularités. — ALAIN BUBLEX, DINNER TIME, VIDÉO, 2005, COURTESY GALERIE VALLOIS, PARIS ©ADAGP
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« DIALOGUER AVEC LE MUSEE » INVITÉ À REVISITER LA COLLECTION DU MAC/VAL, ALAIN BUBLEX PLONGE LES ŒUVRES DANS L’OBSCURITÉ. ÉCLAIRANT ? De qui est venue l’idée de cette carte blanche ? Alain Bublex : L’initiative vient d’Alexia Fabre, la conservatrice en chef du musée. L’idée était de garder la collection actuelle et d’occulter toutes les ouvertures, retravailler l’éclairage pour rééquilibrer la donne et orienter la visite de manière différente. Dans la pénombre ou éclairées de manière indirecte, les œuvres se retrouvent dans un espace qui n’attend pas le public, comme lorsque le musée est fermé. Comment cette intervention lumineuse influence-t-elle la perception des œuvres ? La perception s’accentue : lorsque l’éclairage est réduit, le regard est plus attentif. Il se produit aussi un jeu de bascule, avec certaines pièces fonctionnant à
la lumière, notamment celle de Pierre Ardouvin ou les vidéos de Tixador et Poincheval. Le bateau de profil de Sarkis va lui-même éclairer d’autres œuvres du musée. C’est un moyen de retravailler la question du musée. Le risque n’est-il pas « qu’on y voit rien », dirait l’historien de l’art Daniel Arasse ? C’est comme dans une ville la nuit, on reconnaît des choses. J’ai aimé cette idée de départ héroïque, imaginer le contre-plan lorsque tout est vide. C’est un peu la même chose dans le fait de plonger le musée dans la pénombre. Il reste les sons, comme une rue animée avec des passages incessants. Que penser dès lors des expositions qui font un usage théâtral de la lumière ? Le problème de la lumière, comme
du white cube, c’est qu’il n’y a pas de position neutre. C’est comme le théâtre sans décor, on voit toujours les coulisses. On voit d’ailleurs dans de nombreuses expositions le recours au mur de couleur... Je crois n’avoir jamais fait d’exposition blanche ! Depuis 1992, date de ma première exposition, je peins un mur d’une couleur différente. Pour moi, c’est donner une chance à l’espace, entamer un dialogue avec le musée. C’est la forme des expositions devenues laboratoires durant les années 90… Le procédé a vite été limité. Tu n’es jamais vraiment dans le champ de l’expérience, car à partir du moment où tu parles de rencontre avec le public, ça ne va pas marcher. Tout se passe dans l’atelier, en amont, et le travail final est forcément rétrospectif. Y présentez-vous des travaux personnels ? Oui, un travail inédit qui poursuit les projets Glooscap et Plans voisins de Paris, autour de paysages naturels dessinés. Par ailleurs, je me suis mis à la fresque depuis deux ans, avec un projet d’œuvre en pleine production, comme un trompe-l’œil : un simple atelier où je n’apparaitrai pas, comme dans un temps étendu du travail.— Entretien D. D.
PIERRE ARDOUVIN, L’ILE, INSTALLATION, 2007, COLLECTION DU MAC/VAL, VITRY-SUR-SEINE COURTESY GALERIE CHEZ VALENTIN ©ADAGP
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Art Sleep
ANDY "ON AIR"
Warhol TV déploie les œuvres d'une période peu connue où l’artiste Pop a manié en grand maître l’outil télévision. Par Fatiha Temmouri
«
En revenant de chez le psychiatre, je me suis arrêté chez Macy’s et, pris d’une inspiration soudaine, j’ai acheté mon premier téléviseur, un RCA noir et blanc en 54 centimètres. Je l’ai emporté chez moi et j’ai aussitôt oublié le psychiatre. » La bonne vieille télévision made in America d’après-guerre, celle des soap operas, des Talk shows et des réclames, rassurait Andy Warhol. Il la regardait en continu, en connaissait tous les programmes, aimait les rediffusions et les publicités. En véritable télévore, il doublait les postes pour, disait-il, doubler son plaisir. Il la consommait le plus souvent dans son lit, car elle avait le pouvoir magique de le bercer et de l’endormir. C’est dans cette ambiance de défilé d’images continu, de bruit de fond télévisuel que la Maison rouge invite le visiteur à s’avachir sur des sièges rembourrés et des coussins moelleux pour regarder la télé d’Andy. Glamour et téléréalité Créé avec le producteur Vincent Frémant et le réalisateur Don Munroe, Andy Warhol TV Production diffusera 42 émissions entre 1979 et 1987 sur plusieurs chaînes du câble, dont la jeune MTV. C’est sous la forme d’un grand zapping que la commissaire d’exposition Judith Benhamou-Huet a conçu cette rétrospective. Une sélection de moments télévisés warholiens : Screen Test est une suite de portraits d’amis de l’artiste, filmés en noir et blanc, sorte de photographies en mouvement (celui de Marcel Duchamp est le plus touchant) ; Soap Opera se compose de films sentimentaux dans lesquels Warhol coupe le son au moment des dialogues pour le rétablir lors de la réclame (sa façon d’élever la pub au rang de véritable programme) ; Fifteen Minutes fait référence WARHOL TV au quart d’heure de célébrité La Maison rouge, Paris revendiqué pour tous, avec des Jusqu’au 3 mai séquences glamour et décalées A voir également : dans lesquelles on reconnaît les Le Grand monde jeunes et encore inconnus Marc d’Andy Warhol Jacobs ou Cindy Sherman. Grand Palais, Paris A la rencontre de l’excentrique Jusqu’au 13 juillet
et indiscrète icône de la couture Diana Vreeland, une autre manière de concevoir l’interview voit le jour, et on flirte déjà avec la téléréalité. Celui qui utilisait ses fascinations et ses angoisses comme matière première à l’élaboration de sa boîte à images était aussi celui qui prétendait ne pas faire de sa télévision un art, celui que son ami Marcel Duchamp appellait pourtant « Warhol le filmeur ». —
TDK, COMMERCIAL, 1982, COLLECTION ANDY WARHOL MUSEUM, PITTSBURGH, USAV
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Art Circulez
RIEN A VOIR ?
Puisque pour certains artistes, énoncer une proposition est une œuvre à part entière, quelques lignes sur l’exposition Vides peuvent-elles remplacer la visite ? Place au langage. Par Patricia Maincent
I
l sera trop tard quand vous lirez ces lignes. L’exposition Vides du Centre Georges-Pompidou aura pris fin. L’occasion pour le critique d’appliquer le propos décrit par le collectif anglais Art & Language : le langage suffit pour aborder pleinement l’œuvre. Mais parcourir ces salles mises à nu force le spectateur à franchir les étapes historiques marquantes du vide. Un parcours drôle, insolent, poétique… de la « spécialisation de la sensibilité à l’état matière première en sensibilité picturale stabilisée » (1958) d'Yves Klein en, passant par la salle « … où nous pouvons venir, et, pour un moment, être libre de penser à ce qu’on va faire » de Robert Barry, on parcourt un musée qui s’expose lui-même. Comme un prolongement du ready-made, l’espace seul devient œuvre par le biais d’un titre et d’un auteur. D’une feuille de bristol vierge, épinglée au mur et titrée Première communion de jeunes filles chlorotiques par un temps de neige (1883) par Alphonse Allais, en passant par les 4’33 de silence (1952) de John Cage, la fascination du néant a pris des connotations très différentes au fil du siècle. De l’humour à la métaphysique, chaque vide est propice à spéculation intellectuelle, voire à agression, car il est une utopie, un fantasme, une angoisse, quelque chose que l’on ne peut s'empêcher de vouloir remplir ! Et ces investigations particulières de la rétrospective explorent les diverses valeurs de l’espace, proposant un axe de réflexion, une déambulation dans un musée, loin des spéculations marchandes. Dans ces grandes salles
dénudées, chaque VIDES Centre Pompidou, Paris détail surgit, chaque Jusqu’au 23 mars sensation prend de l’importance, et Rattraper la rétrospective : évidemment chaque Kunsthalle de Bern, Bern, Suisse présence devient plus Du 12 septembre au 11 octobre visible. Le public – qui aura lu Foucault : « notre société n’est pas celle du spectacle, mais de la surveillance » – se trouve le regard retourné sur lui-même, lorsque le piège de la dernière salle se referme sur l’avertissement de Roman Ondak : « Cette pièce est munie d’un dispositif d’écoute. » Evidemment, les commentaires, souvent calomnieux, parfois drôles ou ironiques, ont afflué sur les blogs. Cette page blanche proposée par le musée est bien source de langage. —
VIDES. UNE RÉTROSPECTIVE, © CENTRE POMPIDOU, GEORGES MEGUERDITCHIAN, 2009
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Médias Les meilleurs d’entre nous (épisode VI)
« ENTRE DEUX TRAPÈZES ET SANS FILET » Alors qu’un nouveau Libé doit fleurir en mai, Laurent Joffrin, 56 ans, directeur de la publication et de la rédaction, signe Média-paranoïa, court « plaidoyer » en faveur d’un journalisme trop souvent associé aux « puissants ». Il écrit : « Les informations sont presque toujours fiables, mais une majorité du public les met en doute. » Vous y croyez ? Entretien Richard Gaitet Photographie Blaise Arnold
un détail, mais : Laurent Joffrin passera la C ’est première moitié de cet entretien les deux pieds sur le bureau.
Média-paranoïa naît-il d’un agacement à l’égard des « procureurs du journalisme », de la « défiance » devenue « phénomène trop massif » ? Laurent Joffrin : De l’incompréhension, plutôt. Dans certains débats, le public nous considère tous comme les marionnettes d’un pouvoir occulte, économique ou politique. Et si la presse commet beaucoup d’erreurs, ça, ce n’est pas vrai. Faut regarder média par média au lieu de juger à l’emporte-pièce. Même dans les milieux intellos, c’est implanté, rarement argumenté ou démonté. L’accueil du livre est plutôt bon, avec cette nuance : je serais trop optimiste. C’est une défense, probablement trop indulgente à l’égard du système médiatique. C’est une commande ? Non, on m’a demandé un truc sur l’économie de la presse, ça me faisait chier, j’ai proposé ça, écrit l’été dernier, en deux mois. Comme un long éditorial. Il y a des dépendances, des pressions, évidement, mais pas de manipulation parce qu’on est en démocratie. Et aussi cette idée paralysante qu’il faudrait sortir de l’économie de marché pour avoir une presse libre ; on a essayé, ça a donné des journaux asservis à l’Etat. Ça peut s’améliorer avec des idées simples, évoquées lors des états généraux de la presse en janvier : des chartes de production de l’information et la reconnaissance d’une communauté rédactionnelle. Un contrat qui permettrait de savoir comment sont faits les journaux ? Oui. Des principes de bon sens connus depuis un siècle : respect des sources, ne rien publier sans deux,
trois vérifications, et si on met en cause quelqu’un, on l’appelle, et pas une demi-heure avant le bouclage. Si cette charte est violée, le lecteur peut le signifier publiquement. Cela permettra de hiérarchiser les journaux en fonction de leur crédibilité. Ces règles sont-elles majoritairement respectées, en France ? Ça dépend. Dans Le Monde, Le Figaro, Libération, à peu près ; et encore,
ici, il faut se battre pour éviter
les billets militants,
les préjugés – un truc positif pour Sarkozy, on en fait une brève, ce n’est pas très bon. Ce métier implique de confronter ses idées à la réalité. Certains universitaires pensent que nos articles sont des cours, vérifiés vingt-deux fois. Faux, on travaille en trois, quatre heures, sinon le quotidien paraîtrait tous les trois jours. A fortiori pour la radio, la télé, Internet. A l’inverse l’AFP, fiable et reconnue, produit les traits essentiels d’un événement pour que chacun puisse s’en faire une idée indépendante – comme des grossistes en nouvelles. Ces « billets militants » sont pourtant liés à l’histoire de Libé. On peut faire des campagnes pour une cause importante. Mais dans le cours ordinaire du temps, il faut être crédible, honnête avec au minimum de candeur, en sachant que ce sera toujours imparfait. « La tradition française, c’est le commentaire, non l’enquête. » Arriverons-nous à le séparer de l’information pure, à l’anglo-saxonne ? C’est le combat de la profession, actuellement. Montrer
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qu’on a des règles indépendantes de production de l’information. C’est difficile : ma génération est d’accord, parce qu’ils ont été militants dans leur jeunesse et qu’ils en sont revenus, en se disant qu’il fallait raconter le monde avant de le transformer. Les journalistes des années 90-00, très marqués par les combats liés au grand mouvement social de 1995, sont plus radicaux. A Libération, cette génération, c’est très « gauche », politiquement correct et un peu chiant, je trouve. Ça implique une pédagogie constante, « non, cet article est trop biaisé, etc. » Les journaux d’aujourd’hui seraient moins bons, moins documentés. Ce n’est pas vrai du tout, ils sont bien meilleurs.
Il suffit de reprendre les vieux numéros. La presse s’est continument améliorée sur trente ans ; moins maintenant, faute de moyens. Mais
Le Monde est plus fiable
et objectif qu’il y a
vingt ans. Le Nouvel Observateur, c’était catastrophique : sur la
contre-culture rock, on a cherché ce qu’ils avaient écrit sur Woodstock en 1969, huit lignes ! Les mecs étaient passés à côté. Cette évocation d’un supposé « âge d’or » est assez fréquente vis-à-vis de Libé.
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Médias Les meilleurs d’entre nous (épisode VI Suite)
Il y a toujours la nostalgie des origines : les gens disent que Libération était un journal très engagé et qu’il est devenu mou. Quand on va chercher les numéros des années 70, c’est épouvantable : d’abord c’est moche, en noir et blanc, très peu d’illustrations, ce n’est pas très bien titré, mal écrit – enfin pas toujours, on sent que ça va évoluer et que certains écrivaient très bien. Un canard maoïste, ce n’est pas une garantie de sérieux. Lutte ouvrière et la contre-culture étaient mises en exergue, il y avait de la vie. Mais sur le plan de la qualité journalistique, je le répète, c’est épouvantable. Prenons l’affaire Bruay-en-Artois (Pas-de-Calais) : en avril 1972, on retrouve le corps d’une jeune fille d’ouvriers, nue et violée, derrière la maison d’un notaire accusé par le juge d’instruction. L’organisation maoïste fait campagne sur le « crime de la bourgeoise ». Très vite, les flics s’aperçoivent que le notaire est innocent, que la fille a été tuée par son copain, mineur, nommé Jean-Pierre. La thèse, tentante, de la lutte des classes était bidon – et pourtant Libération titre en énorme « Jean-Pierre est innocent » avec en tout petit « affirment ses avocats ». Ridicule ! On n’aurait pas même pas l’idée, aujourd’hui, de faire ça ! Pareil pour Le Monde ? De la même manière, je vois mal comment Le Monde pourrait reproduire son erreur tragique d’avril 1975, quand Phnom Penh est prise par les Khmers rouges qui, en vingt-quatre heures, évacuent toute la ville y compris les malades dans les hôpitaux : violence extrême, exécutions sommaires, mise en place d’un système concentrationnaire et fou. Le Monde a présenté ça comme une « libération », analogue à celle de Paris, de la joie, des pleurs. Il a fallu un an ou deux pour que la vérité se fasse. Alors que leur journaliste était sur place, qu’il voyait ces gamins en noir, armés de mitraillettes… Ça n’arriverait plus : il y aurait toutes les télés, les radios, ou alors rien et cela créerait de la suspicion.
Il y a maintenant tellement
de journalistes qu’on finit
toujours par connaître les faits,
même si on se trompe sur les interprétations. Le « niveau » augmente avec la technologie ? On peut défendre l’idée, oui, que ça a progressé. Pourtant vous écrivez : « Internet est présenté de manière fallacieuse comme le refuge de l’esprit critique et de la liberté de parole, alors que la plupart des informations importantes, des enquêtes approfondies, sortent toujours dans les médias classiques. » Vous n’apprenez rien sur la Toile ? Si, j’apprends des trucs, ça dépend de quoi on parle : les sites des grands journaux, alimentés à 80 % par les
agences, sont réalisés par les mêmes équipes. Le reste est fait uniquement à partir des dépêches – désormais accessibles à tous, nouveauté. Ce qui est écrit est juste – grosso modo – et rédigé selon les règles traditionnelles. Donc la presse sort les infos. Après, des francs-tireurs comme Bakchich révèlent de petits trucs. Le Net est plutôt source de documents bruts, de vidéos. C’est la mise à disposition qui est nouvelle, pas les modes de production. Et les blogueurs – comme nos chroniqueurs – sont de parti-pris, il faut constamment vérifier. Vous dites que « Libération refuse les publi-reportages pour tel ou tel pays que Le Monde, lui, accepte. » Pourriez-vous préciser ? Il y a des pays – le Maroc, ceux du Golfe – qui se font de la pub en achetant des pages, « Le Sultan explique que le développement de son pays est formidable. » C’est écrit au-dessus « publi-information » en petit. On fait aussi du publi-rédactionnel, mais pas sur les pays, encore moins concernant les régimes dictatoriaux. C’est un peu emmerdant, quand-même. Et si ça trouble le lecteur, s’il ne voit pas ça comme de la pub, c’est douteux, moralement. Vous écrivez aussi : « Si rien ne change, l’avenir est tracé : les médias seront de moins en moins capables d’entretenir des rédactions nombreuses, expérimentés, talentueuses. » Inquiet ? Un peu, oui. Notre modèle s’effrite, et il n’y en a pas d’autre. On ressemble à des trapézistes volants entre deux trapèzes – et sans filet. La presse ne peut pas s’écrouler d’ici trente ans, si ? Non. Un quotidien, c’est un peu cher à l’année, mais c’est synthétique, professionnel. Dans le cas de la tuerie de mars dans un lycée allemand, la dépêche tombe sur le Net à 10h, on a la photo, le commentaire d’un blog et si on veut du recul, on trouve l’historique de vingt ans de massacres dans les écoles. Le lendemain, chez nous, tout le travail est fait, complété par des entretiens avec des experts, se lisant vite. Si on fait ça sur cinq ou six sujets tous les jours, on garde une utilité et un avantage commercial. L’autre supériorité des journaux, c’est le style, la qualité d’écriture, le récit raconté comme un roman, prenant. Un long reportage sur le Net, on ne le lit pas vraiment puisqu’on ne passe, en moyenne, qu’onze à douze minutes sur les sites d’infos. On a donc une chance. Mais peut-être que les gens préfèrent composer leur menu eux-mêmes. Si vous aviez 25 ans, seriez-vous journaliste en presse écrite ? [Il rit] Ma fille a 24 ans et veut être journaliste en presse écrite. Je ne l’encourage pas, mais je ne veux pas la décourager non plus. Je suis inquiet, ouais : les emplois dans la presse nationale, il n’y en a pas beaucoup. Même la télé et la radio n’ont pas des débouchés formidables. Dans nos colonnes en 2008, Florence Aubenas MÉDIA-PARANOÏA (Seuil) remarquait que certains
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papiers de Libération (l’ouverture, les portraits) avaient diminué d’un tiers, voire de moitié. « L’avenir de la presse doit investir dans la longueur », dit-elle. Les textes longs sont-ils compatibles avec l’époque ? Elle a tort et elle a raison : si on fait long, faut pas être chiant. Si vous avez le récit complet de la tuerie, on publie vingt feuillets* sans problème ; enfin, non, à Libé, on en ferait dix. Le format moyen est à deux et demi, trois. C’est comme un repas, s’il n’y a que des plats de résistance, on s’ennuie. On ne peut pas faire que du long, quoique La Croix a pris cette option. Pourquoi ? Le problème, c’est que
le lecteur est double :
il a un moi et un sur-moi,
il veut des papiers de fond, et on s’aperçoit qu’il ne lit que
les brèves people.
Mais s’il n’y avait que ça, il serait mécontent. Il faut parler aux deux, à la vision idéale et à la pratique réelle. Les pages du milieu de Libé contiennent beaucoup de petits articles, ça nous a longtemps handicapés parce que ça ressemble vaguement aux gratuits. On a changé pour des ouvertures plus longues avec encadrés, mais l’image est restée. Notre début est assez fort, et après, l’œil n’est pas accroché, on tourne les pages et on pense qu’il n’y a rien, alors qu’il y a beaucoup. Quels seront les enjeux de la nouvelle formule ? On va jouer uniquement la plus-value, en considérant que les gens savent à peu près ce qui se passe. On leur vendra soit des choses qu’ils ne savent pas du tout, soit des choses qu’ils ne savent pas sur des sujets connus. Ça demande plus de travail, de clés, de la compréhension – avec la même équipe. Vous mentionnez la fausse liste de détenteurs de compte à l’étranger dans l’affaire Clearstream. Avec le recul, quelle est votre opinion sur Denis Robert ? Il dit que vous le traitez « avec des pincettes ». [Il soupire] C’est est un peu gonflé, on l’a défendu tout le temps, à Libé, à L’Obs, il n’est jamais content, lui. Il a balancé un listing trafiqué par d’autres, il n’y est pour rien. En revanche, il n’a pas démontré que Clearstream était la grande boîte noire du blanchiment de l’argent mondial. Il y a peut-être eu des opérations frauduleuses
avec fonds délictueux, mais il n’a pas apporté de preuve décisive. Il est un peu dans la psychologie du complot, à travers un journalisme subjectif, moins crédible. Il faut des infos – et il en a, avec sa taupe – mais il en a fait trop. Et ses adversaires, qui se sont battus comme des chiens, ont quand même gagné une grande partie de leurs procès. Savez-vous quel mot revient le plus dans le livre ? Non. « Puissant(s), puissance(s) », vingt-neuf occurrences. Comment vous savez ça, vous ? Je l’ai remarqué par hasard. Il apparaît parfois trois fois par page. « Puissant » ? Pensez-vous que Libération soit un journal puissant ? Oui, quand même : pas sur le plan économique – c’est le moins qu’on puisse dire – mais par son influence. Les puissants regardent le journal. Suite aux violences étudiantes en Grèce de décembre 2008, Fabius évoque
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Médias Les meilleurs d’entre nous (épisode VI Suite)
un « risque de contagion » et parallèlement, il y a des affrontements étudiants à Brest, plus quelques échauffourées en Allemagne. Pas de quoi parler d’Europe embrasée, mais, bon, on publie un sujet. Quinze jours après, je dîne avec [Xavier] Darcos chez des gens – je ne le connais pas bien, hein – et il me raconte que la Une de Libé a déterminé Sarkozy à retirer le lendemain son projet de réforme des lycées, parmi d’autres indicateurs. Là, il y a une influence, involontaire. Et c’est un peu satisfaisant – mais ça le sera quand on aura augmenté nettement nos ventes [il sourit]. Où en sont-elles ? On diffuse à 120 000 exemplaires, dont la moitié en kiosques, auxquels s’ajoutent les abonnés, les agences, notre présence dans les avions. Mais l’audience est plus importante : selon les sondages, chaque numéro serait lu par huit personnes. Ça me paraît beaucoup. Quels médias consultez-vous ? Quand je me lève, Europe 1 pour la Revue de presque géniale de Nicolas Canteloup, et Claude Askolovitch. Puis France Info par patriotisme, puisque j’y parle [trois fois par semaine à 8h40]. Je regarde ensuite les sites de Libé et celui de L’Obs, dont je suis l’un des créateurs. Puis je lis Libé et Le Figaro que je reçois chez moi. Quand j’arrive ici, je feuillette tous les autres et je regarde LCI. Il y a parfois de bons sujets dans Marianne, beaucoup dans Les Echos. Comment avez-vous appris ce métier ? J’ai voulu être journaliste à 7, 8 ans, en lisant Tintin. C’est trompeur : Tintin n’écrit jamais d’articles. J’ai fait sciences-po avec l’intention de poursuivre via l’ENA puis, un jour, sur un bateau – je fais de la voile –, je me suis dit que si je devenais fonctionnaire, j’allais me faire chier. J’ai appris le métier au CFJ** [diplômé en 1977]. Et puis j’étais militant [aux Jeunesses socialistes] : on apprend beaucoup en répondant à ses adversaires sur des notions apprises à toute vitesse et aussi précises que le budget de l’Etat. Après mon passage à l’AFP [19781980], je me suis aperçu je pouvais écrire des éditos assez vite, pas trop mal. Mon premier article réel, c’est un scoop pour Le Matin : Giscard avait lancé un emprunt à succès indexé sur l’or, dont le remboursement lui avait coûté 80 milliards de francs. Des potes dans la finance m’ont raconté cette histoire, je l’ai amené au Matin qui l’a mise en Une, pas mal. Mais j’ai vraiment appris lors de mon arrivée à Libération en 1981. Le journal était tout petit et progressait beaucoup. Il y avait une grande liberté, on allait au bout du monde. Meilleur souvenir de reportage ? La Pologne, au moment de l’état de siège [proclamé le 13 décembre 1981] quand tous les syndicalistes furent jetés en prison. J’ai couvert ça un mois, à Varsovie, seul pendant quinze jours. J’allais voir les militaires, c’était une révolution, on voyait l’Histoire se faire, bien. Mes dix jours à Sarajevo encerclée par les snipers serbes,
moins. C’était un peu effrayant, on se faisait tirer dessus tout le temps. Et le pire ? Je n’ai que de bons souvenirs en reportage. Mes plus mauvais, c’est d’avoir attaqué les gens injustement. Dans les pages économiques de Libé, au sujet de Pierre Bérégovoy alors ministre des Finances, j’avais écrit « le brave Bérégovoy » parce qu’il avait l’air un peu bonhomme et que tout le monde disait qu’il n’avait « qu’un » diplôme d’électricien. Il me téléphone le lendemain : « Mais pourquoi le « brave » ? Parce que je n’ai pas fait l’ENA, c’est ça ? » J’étais un peu gêné [grimace embarrassée]. En tant que rédacteur en chef, c’est quand on se plante ; au début de l’affaire Baudis, on l’a accusé, un désastre ; on a corrigé le tir, mais on a mis le temps. Une autre fois, [l’ancien ministre de l’Industrie] Gérard Longuet me fait venir dans son bureau très tôt et me dit, tout blanc : « On m’accuse de malversations mais les apparences sont trompeuses. » Je rentre dans une salle avec une table immense jonchée de documents. « Regardez ce que vous voulez, vous verrez que je suis innocent. » Il tremblait. Je suis parti, je ne suis pas flic. Vous regrettez ? On voyait la cruauté du métier : il ne s’en est jamais remis. C’est le plus dur, quand on assassine les gens. On a aussi poursuivi Strauss-Kahn avec un acharnement incroyable sur l’affaire de la MNEF [en 1999], mais il le méritait. Il a obtenu un non-lieu, la Justice nous a désavoués. J’aime pas ça. Je me mets à leur place, ils sont tout à coup salis et ne peuvent rien faire.
On n’influence pas tellement l’opinion des gens mais sur les
individus, on a un pouvoir destructeur. Quand on balance [en décembre dernier] les dépenses et la vie privée de Julien Dray, le mec est mort – enfin, mal. C’est ravageur. Enfin, quelles sont vos règles ? Elles sont dans le bouquin. En tant que directeur, j’en ai d’autres : il faut faire du journalisme, et que ça se vende. C’est chiant, le journaliste ne devrait pas s’en préoccuper, dans un monde idéal.
Une secrétaire de rédaction l’intercepte. La chronique hebdomadaire de Daniel Schneidermann le mentionne comme candidat potentiel à la direction de Radio France. Dans l’ascenseur, pestant contre cette rumeur « ridicule », Laurent Joffrin évoquera la possibilité d’un « leurre » : « le successeur serait déjà nommé, on laisse filtrer des noms pour semer le trouble et créer la surprise. » Paranoïa ? On verra.—
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Théâtre Côté jardin
CLASSIQUES NON-STOP
Gwénaël Morin fait l’expérience réjouissante d’un théâtre permanent aux Laboratoires d’Aubervilliers. Pendant 365 jours, il s’agit de jouer, répéter, transmettre.
THÉÂTRE PERMANENT
Mise en scène Gwénaël Morin, Du 1er janvier au 31 décembre, Les Laboratoires d’Aubervilliers
Par Mélanie Alves de Sousa
A d’Aubervilliers se cachent dans une ancienne usine de roulement à billes transformée en lieu la périphérie de la ville, les laboratoires
d’expérimentation. Dans le hall-bar-accueil, ça discute autour d’une soupe, d’un thé, d’un verre de vin, sur de longues tables de bois sous la grande verrière. Ce soir, on découvre Lorenzaccio d’après de Musset par le théâtre permanent de Gwénaël Morin. Cette initiative acte une lettre du metteur en scène lue au Festival des Collines de Turin en juin 2008, « faire du théâtre un engagement » L’engagement de jouer tous les jours, pendant un an, avec la même équipe, au même endroit, en entrée libre. Un classique est adapté tous les deux mois, répété chaque après-midi, interprété chaque soir et détaillé lors d’un atelier ouvert au public chaque matin. « Je voulais vivre une expérience : voir ce que le théâtre peut transformer dans la vie quotidienne d’un quartier », explique Gwénaël Morin.
NI COSTUMES NI DÉCORS On attend un signe de l’ouvreuse pour donner son ticket (gratuit) et prendre place. Le rapport acteurplateau-public se bouleverse. Tables et chaises se déplacent contre les murs, acteurs et spectateurs trouvent à s’asseoir et l’espace se transforme en place publique florentine de 1536. « Attention, j’éteins la lumière. » Gwénaël Morin amorce son prologue : « Tout commence donc par une humiliation… » Pas de costume, pas de décors, pas d’art plastique pour revitaliser une scénographie, juste un piano, un pull pour cotte de mailles, des cheveux attachés ou dénoués selon que Fanny de Chaillé incarne le duc ou la tante Catherine. Débauche et violence transpirent à coups d’épées de bois et les mots tombent juste. Le théâtre renoue ici avec l’essentiel, la parole et le jeu sont généreux, le plaisir contagieux. Epilogue : « Demain nous rejouerons. Peutêtre reviendrez-vous ? » Il vous reste 144 jours. —
PHOTOGRAPHIE : JULIE PAGNIER
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Théâtre Côté cour
BELLE D’IDIOTIE
Sur le plateau de Chaillot, l’univers de Vincent Macaigne est plastique et violent. Son Idiot !, librement inspiré de Dostoïevski, éclabousse les yeux, saisit les tripes et ne laisse pas une minute de repos. Par Mélanie Alves de Sousa
L aéroport : St Petersbourg 1875-1876. Nastassia tague au feutre rouge l’immense verrière qui coupe
IDIOT !
D’après Dostoïevski Mise en scène Vincent Macaigne Orléans du 8 au 10 avril Grenoble du 21 au 30 avril Douai les 6 et 7 mai Thionville les 13 et 14 mai
es lettres tournent sur le panneau d’affichage d’un
horizontalement la scène. Son anniversaire maudit se prépare. Son père adoptif veut la vendre en mariage à Gania, qui voudrait être aimé d’Aglaïa, qui tombera amoureuse de l’Idiot, qui aime Nastassia, qui l’aime aussi mais qui se laissera acheter par Rogojine. Tout est banal, « rien d’autre à faire qu’attendre », alors les êtres dépravés se livrent à la débauche. Du roman de Dostoïevski, Macaigne extrait les moments de crise et zoome sur la rage. Les acteurs deviennent performeurs et investissent tous les espaces, plateau, salle, coulisses. Les hygiaphones circulent, Lebedev enfile un déguisement de lapin blanc et entame son show syndical, le public est invité sur scène, personne ne bouge, on rit, captivé. Nirvana et fumigènes à fond, la fête se transforme en soirée mousse. La danse devient cri d’amour et, funèbre au milieu d’une liasse de billets et d’or en poudre, Nastassia ne veut pas se marier. Entracte.
« CE N’EST PAS PARCE QUE J’AIME LES ÂNES QUE JE SUIS UN IDIOT » Quinze ans plus tard, la fête est finie. Des télés diffusent des images d’icônes religieuses et d’émissions avec Sarkozy. Hippolyte, un pistolet à la main, n’en finit pas de mourir et hurle sa passion pour Dieu. L’Idiot devenu prince est de retour dans un costume à facettes argentées qui brille de mille feux. L’histoire d’amour féroce, ensanglantée et comique se déchaîne, un mur entier tombe avec fracas, les paillettes volent, la peinture noire, blanche, verte coule par bidon, les comédiens glissent dans un capharnaüm de liquide et de terre. Il faudrait « abandonner ces gens infâmes », « ici tout est ranci », la naïveté du prince idiot n’est plus sujet de moquerie mais joute amoureuse. Léo Ferré entonne Avec le temps et les techniciens commencent le nettoyage. Vincent Macaigne, comme Andres Serrano ou Rodrigo Garcia, n’a peur de rien. Jubilation. —
PHOTOGRAPHIE : AGATHE POUPENEY/PHOTOSCENE
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Musique Electro loukoum
« INTEGRER L’ARABE DANS LA POP » Produit par Mirwais et entièrement chanté en arabe par la Libanaise YAS (Yasmine Hamdan), Aräbology marque humblement l’entrée du Moyen-Orient sur le dancefloor global. Tayyeb ? Entretien Fanny Menceur Photographie Ralph Mecke
C Yasmine : J’ai rencontré Mirwais en 2005 grâce omment est né Aräbology ?
à notre ami commun, le réalisateur Elia Suleiman [Intervention divine], qui lui a fait écouter des titres de mon ancien groupe SoapKills. Mirwais a remarqué ma voix et m’a mise en relation avec des gens pour un album en arabe, mais ça ne s’est pas concrétisé. Comme il venait de terminer avec Madonna [deux titres sur Confessions on a Dance Floor, après six sur Music en 2000, et huit sur American Life en 2003], je lui ai fait écouter des ébauches de ce qu'allait être Aräbology, et il a rapidement eu la vision d’un projet ultramoderne en arabe. Les choses ont-elles fonctionné immédiatement entre vous ? Mirwais : Honnêtement pas du tout. Je pourrais reprendre l’exemple de Taxi Girl [1978-1986] : à part un ou deux membres, on ne s’aimait pas tellement. Yasmine, je l’aime, mais je ne voulais qu’elle refasse SoapKills, plus trip-hop, avec des tempos lents et une voix un peu paresseuse. Yasmine : Je n’ai pas tout de suite compris la combinaison qu’il me proposait. N’étant pas sur un registre électro-pop, je voyais le disque différemment. Il y a eu parfois des tensions, comme dans n’importe quelle collaboration. Comment avez-vous procédé ? Mirwais : Le processus empirique a pris trois ans. Je voulais un disque électro-pop entre le mainstream et le pointu. J’ai compris qu’il fallait mettre la voix au centre et ne pas aller trop loin dans la production, sinon on risquait de tomber dans le R&B bas de gamme, ou pire la world. Yasmine : Pendant deux ans, je lui ai donné des maquettes dont il ne comprenait pas les paroles, j’utilisais beaucoup d’argot, d’humour. D’autres fois, il m’envoyait des morceaux et je devais trouver le bon langage pour cette mélodie. Pourquoi cette envie d’électro-dance en arabe ? Yasmine : Je revendique à fond ma culture, mais
je ressens un profond mal-être lié à ce qu’elle reflète médiatiquement. La langue et la musique arabes sont tellement connotées qu’on pense systématiquement à la danse du ventre. Aräbology ouvre une petite brèche. Mirwais : L’idée était de montrer qu’esthétiquement, si tu veux abaisser la charge émotionnelle liée au MoyenOrient, la seule solution est d’intégrer plus de signes arabes dans la culture pop, pour influencer les choses de manière indirecte. Aujourd’hui, le mot « arabe » ou « juif » dans un magazine, ça crée un malaise. Alors qu’il n’y en a pas ! Je suis Afghan par mon père et j’ai passé une partie de mon enfance en Afghanistan, dans un environnement qui n’a rien à voir avec celui où je suis aujourd’hui et d’où j’ai été arraché à 6 ans. J’en ai gardé des séquelles. J’ai encore le statut de réfugié, t’imagines ! En 2002, Esquire t’a classé parmi les cinq meilleurs producteurs mondiaux aux côtés de Timbaland. Le téléphone sonne toujours autant ? Mirwais : Tu sais, après Madonna, presque toutes les filles de la Terre ont voulu travailler avec moi. Certains me voient comme une sorte de demi-dieu qui les fera
« CERTAINS ME VOIENT COMME UNE SORTE DE DEMI-DIEU QUI LES FERA ACCÉDER À LA CÉLÉBRITÉ. » MIRWAIS
accéder à la célébrité. D’autres aiment ma musique. Je pense être estimé parce que j’ai toujours été intègre, denrée rare, ce qui peut les aider à résoudre leurs problèmes artistiques et existentiels liés à des blessures. Quel regard portes-tu sur ton parcours ? Mirwais : Il est à l’image de ma vie personnelle : schizophrénique. J’ai été arraché de la planète Mars, enfant. L’aventure Taxi Girl, c’est encore une autre vie. Globalement j’en suis fier : à la fin, j’ai 26 ans et je n’éprouve aucune nostalgie, alors qu’on a eu une chance exceptionnelle et qu’on a tout foiré. Normalement, une claque comme ça, tu ne t’en relèves pas. Puis
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YAS ARÄBOLOGY
AZ/Universal
avec Juliette et les Indépendants [un duo, de 1988 à 1993], ça n’a pas marché parce qu’on s’y était mal pris. Finalement l’électro a été une aubaine pour moi : je repartais de zéro. Vous avez d’autres projets ? Yasmine : Je prépare un spectacle présenté au prochain Festival d’Avignon : j’y reprends une chanson d’Oum Kalsoum avec une amie danseuse. Mirwais : Mon dernier album solo [Production] date de 2000. J’ai très envie de m’y remettre sérieusement. Mais je n’exclus pas de retravailler avec Yasmine. —
ARABOTONIC LE DISQUE L’étonnant Yalta de Yasmine et Mirwais pourrait faire mal aux non-initiés s’il ne se révélait pas foncièrement intelligent. Car derrière le gargantuesque Yaspop tronçonné au marteau-piqueur, le technoïde Azza et les langueurs malsaines de Da, l’album suinte comme un ciment à prise rapide. Pas de collages artificiels ni d’exotisme kitsch, mais des influences variées en toute simplicité, sans jamais dénaturer la langue. L’arabe n’a pas le poids d’une ancre orthodoxe, mais la forme sensuelle d’une voile gonflée par les vents égyptiens, irakiens et palestiniens. Ambiance mélancolique sur Coit Me, dissonances arythmiques à la recherche d’une cité perdue dans les profondeurs des mers du Sud avec Fax, moiteur et déhanchements incertains avec Gamil, puis vient l’ultime battement de cœur sur l’hédoniste A-Man. YAS tire également de ses processeurs la torpille Ma Rida, qui déclenche une venimeuse envie de parler aux pieds. La reprise d’une chanson traditionnelle irakienne, Mahi, renouvelle une certaine idée de la pop moderne. Seul regret, la présence du mercantile Get It Right plombé par l’utilisation intempestive du vocodeur. YAS donne une vraie leçon de musique : la meilleure des réponses possibles à ceux qui sont persuadés que l’Orient n’est qu’un colifichet folklorique noyé dans l’opacité d’une infâme world music. F. M.
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Musique Chroniques
D’AUTRES DISQUES
TITUS ANDRONICUS THE AIRING OF GRIEVANCES (MEROK/XL/BEGGARS) Titus Andronicus, c’est La Très Lamentable Tragédie Romaine de Shakespeare. L’histoire d’un bain de sang pathétique inspiré du théâtre de Sénèque, un truc morbide qui vous pétrit d’horreur (ou de bonheur, selon). Mais Titus Andronicus, c’est aussi cet attachant folk-punk du New Jersey, adoubé par la blogosphère (notamment l’inévitable Pitchfork) qui vient d’accoucher sans douleur de The Airing Of Grievances, premier disque furieusement prometteur ne faisant pas dans le jeunisme. Principalement écrite par Patrick Stickles (voix, guitare) lors de ses jeunes, et récentes, années universitaires, la musique de Titus Andronicus fusionne Bruce Springsteen ou The Pogues dans une mélasse céleste et irrévérencieuse. Rock lettré et poisseux, aux références élégantes mais aussitôt tailladées. Chansons énergiques tirées d’un répertoire ébréché. Effrontément potache, Titus Andronicus fait montre d’un talent inné, celui de ces étudiants surdoués qui s’amusent comme des enfants. Un album taillé comme une bête à concours hirsute, qui
réussit l’examen avec mention. Le tumultueux final, Albert Camus, sur lequel est repris L’Etranger dans un vacarme shoegaze, recevra les félicitations du jury. — Jean Soibon
GRIZZLY BEAR VECKATIMEST (WARP/DISCOGRAPH) Le vent s’est levé. Son souffle mat a chassé les nuages. Au crépuscule, les étoiles ont resplendi dans le ciel couleur miel. Du jaune – prémonitoire – qui recouvrit voilà deux ans via l’album Yellow House les murs de la maison, il n’était resté que de pâles reflets, vestiges décrépis d’un passé héroïque. La faute à Daniel Rossen, bateleur en chef des Ours, qui avait transbahuté ses feux de joie dans le désert de Mojave. Et, à l’écoute de son projet parallèle Departement of Eagles (voir Standard n°21), nous avions
frissonné dans le ciel de 2008, déployant nos oreilles au rythme de ses ailes. De quoi patienter pendant l’hiver, pourtant rude, comme en 54. Et, aux tous premiers jours de mars, la fuite sur Internet. Liquéfiée mp3, diarrhée 128 ko d’abord, dopée 256 ko, rapidement. L’album était sorti des fourneaux depuis à peine quinze jours. Tristesse. Retraite, sur Veckatimest, une île vierge, située au large du Massachusetts, et qui donne son nom à l’album. Aux dernières nouvelles, les Ours se consolent en repeignant la maison en noir et consument leur amertume en feux de bois et chants païens. Et nous, à défaut d’être sourd, en chœur : « les gars, merci d’avoir pétri une telle merveille ! ». — Alexis Tain
BAB ASSALAM BAB ASSALAM (AD VITAM) Raphaël Vuillard est un clarinettiste français, Khaled Al Jarami & Mohammad Al Jarami des musiciens syriens (oud & percussions). Les trois jeunes hommes se rencontrent lors d’une fructueuse résidence d’artistes. Le résultat est fort concluant. Pour apprécier ce mélange d’interprétation dramaturgique occidentale et de structure orientale, nul besoin de jouir d’une chaire en musicologie.
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Basé sur les maqâms (échelle modale) et les rythmiques en 10,7 ou 5 temps, Bab Assalam est hypnotique tout comme la pensée méditative soufie, auquel elle se rattache. « Mon cœur me raconte que tu t’es annihilé. Mon âme est à toi, que je reçoive de toi quoi que ce soit, en contrepartie ou non », racontent les paroles d’Asefa (l’orage). Nous parle-t-on d’une relation amoureuse, d’une dévotion mystique ? Qu’importe, nous voilà transporté hors du temps et de l’espace. Dans les années 70, on parlait de musiques planantes pour les épopées cosmiques de Tangerine Dream au du Kraftwerk des débuts. Bab Assalam nous emmène plus loin, puisqu’il nous fait traverser le cosmos intérieur. En ces temps ou les médias ont tendance à présenter le Moyen-Orient comme un repaire d’intégristes à mentalité moyenâgeuse, découvrir le soufisme par le biais de la musique ouvre l’esprit. — Jean-Emmanuel Dubois
GOLDEN SILVERS TRUE ROMANCE (XL/BEGGARS) True Romance est un disque TROP. Sa réclame n’encourage pas la critique. Référencé : Sly Stone, Prince et Bowie sont cités comme
influences. Original : « impossible de mettre une étiquette. » Bah tiens. Sceptique, on le serait à moins. Gros comme un label anglais : ça pue le « next big thing » (traduire : « piège à gogo »). Impression confirmée à l’écoute de Another Universe, laborieuse entrée en matière et cousin boîteux du Changes de Bowie. Le deuxième morceau convoque les Talking Heads, banane chaude mais entêtante, à nue le temps d’un break synthé vocalisé. Une ambiance disco blanche early eighties, matinée de pop, que la suite ne dément pas ou presque (pas leur truc, les ballades, hormis Here Comes The King, assez classe). Ça cite à la manière de Phoenix ou de Vampire Weekend. Converses délacées, on se surprend à pousser le volume. Retour en troisième. Gaffe ! La police du bon goût veille. Elle écoute Micachu dans la pièce d’à côté. Trop la honte. C’que c’est bon d’être jeune. — A. T.
BART DAVENPORT PALACES (ANTENNA FARM) Bart Davenport à passé sa jeunesse à Berkeley, haut-lieu de la contreculture américaine. Initié par les disques de parents hippies avertis (pensez à Love, McCartney et Gil Scott-Heron), Bart a assimilé la pop des seventies, le folk britannique psychédélique délicat, la soul light
et le jazz pour aéroports. Il y a du Louis-Philippe et du Paddy McAloon (Prefab Sprouts) dans Palaces. Le Californien susurre à l’oreille des auditeurs plutôt que de leur sauter à la gorge ; ça tombe bien, on avait besoin de douceur. Cependant soyons méfiants : sous le sucre se cachent parfois des couches plus acides. Une bonne culture musicale, une certaine finesse et une maîtrise technique ne sont rien sans un don en matière de mélodies, de climats élégiaques. Palaces porte les atours du music hall années 30, un humour tongue in cheek et un charme immédiat ; le tout rehaussé par des orgues Hammond en rupture de Jimmy Smith. C’est antidémocratique et injuste, mais c’est comme ça : Bart est plus doué que nombre de la « concurrence ». — J.-E. D.
NO AND THE MAYBES NO AND THE MAYBES (ALARM RECORDS) Il faut bien l’avouer, dans la journée, on pense très peu au Danemark. C’est un tort. No and the Maybes, triumvirat de Copenhague, est là pour changer nos habitudes. Troels Tarp, Anders Wiedemann and Mikkel Bagge Lange viennent du rock noisy indé, générique, un peu chiant. Un jour, ils découvrent leur nature de songwriters et laissent
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Musique Chroniques (suite)
de lier nos amis ibériques aux horreurs festives post-Movida. L’Espagne, grand pays pour la pop à vertus existentielles. Vamos de picnic, en tren o en coche. Cineplexx va, j’en suis sûr, composer le Porque te vas de notre époque. — J.-E. D.
éclore leurs influences (pop des années 60 à 90). L’album ? Très convaincant. Ils ont compris qu’une bonne pop song propose toujours une accroche, un gimmick (riff, blip, clap clap). Tout mérite le détour, à part peut-être Petra Petrified – vrai plagiat de Air. Sauf ce bémol, I know a girl (power pop en diable), Pretty Boring (un tube new wave de 1982, en 2009) et la ballade Mouth méritent votre attention. C’est la crise et Camille passe à la radio (c’est dur). Alors Thanx for the music, ça remonte le moral. — J.-E. D.
CINEPLEXX PICNIC (UNIVERSAL RECORDS) L’Espagnol Sebastian Litmanovich a dû passer une partie des années 80 (la génération « C86 », remember ?) à écouter les Pastels, les disques de Sarah Records et des groupes comme les B.M.X Bandits. Plaignons les pauvres revivalistes eighties qui n’ont retenu de cette décade que la vulgarité MTV. Cineplexx est un poète et chante des choses simples : un pique-nique, un disque de Belle & Sebastian, les heures qui s’écoulent lentement jusqu’à la fin de la semaine. Ami de Jad Fair & de Norman Blake (Teenage Fanclub), qu’il invite sur son dernier album, Sebastian n’a décidemment pas une tête de trader. Il préfère un spleen doux-amer qui ravit le cortex. Avec des labels comme Siesta, Elefant, des gens tels La Caza Azul et aujourd’hui Cineplexx, il serait temps d’arrêter
SCHOOL OF SEVEN BELLS ALPINISMS (GHOSTLY INTERNATIONAL/FULLTIME HOBBY/PIAS) School Of Seven Bells emprunte son nom à la fameuse école de pickpockets sud-américaine. Ce trio est composé de deux plantureuses sœurs jumelles, Alejandra et Claudia Deheza (également membres de On!Air!Library!), ainsi que de Benjamin Curtis du groupe Secret Machines (peut-être vous souvenezvous de la performance de la formation psychédélique texan – A Concert For The UFO’s – conçue et filmée par Charles de Meaux à Marfa, la ville de Donald Judd et des « lumières mystérieuses », disponible aux Presses du Réel). Ce petit monde fait connaissance en première partie d’un concert d’Interpol et décide de tout plaquer pour monter un studio et lancer School Of Seven Bells. Leurs productions ne tarderont pas à parvenir aux oreilles du très élégant label Ghostly International (Dabrye, Matthew Dear). Entre musique de recherche et transe pop sonic éthérée, ils égrènent, sur Alpinisms, les reliefs de mélodies précieuses à la torpeur gracile, au gré d’errances hallucinées de rêveur éveillé. Gentiment envoûtant. — J. S.
COMPILATION DARK WAS THE NIGHT (4AD/BEGGARS) Retour sur un objet incontournable. Sortie en février, Dark Was The Night, concocté par les frères Dessner (The National et Clogs), est une énorme compilation caritative rassemblant la fine fleur de la pop indépendante anglo-saxonne (celle dont on n’a de cesse, à juste titre, de vous rebattre les oreilles dans cette rubrique). The Red Hot Organization lutte contre le Sida. Son arme : la pop culture. Trente-etun joyaux, collaborations, reprises ou inédits au-delà de toutes les espérances. Grizzly Bear rencontre Feist, My Brightest Diamond réinvente Nina Simone, Dirty Projectors s’amuse
avec David Byrne, Antony gazouille avec Bryce Dessner, Buck65 remixe Castanets en compagnie de Sufjan Stevens, The Books croise José Gonzales sur un air de Nick Drake, et Sufjan Stevens devient fleuve. Sans oublier Bon Iver, Arcade Fire, Beirut, Yo La Tengo, Cat Power, Yeasayer, ou Kronos Quartet qui donne son nom à l’ensemble avec la reprise de Blind Willie Johnson (Dark Was The Night, Cold Was The Ground, un blues pétrifiant de 1927). Depuis 1989, The Red Hot Organization a récolté sept millions de dollars pour son combat. Dark Was The Night est son vingtième disque en vingt ans. Ou comment faire du bien avec du beau. — Guillaume Leroyer
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Musique Jeunes pousses
« TU VEUX UN PIN’S ? »
Auréolés de gloire asiatique, les trois chenapans de We Are Enfant Terrible balancent une énergie pure, radicale et compacte : électro perfecto à la fraîcheur candide, rock débraillé pour hardcore gamers. Vous me le copierez cent fois. Par Guillaume Leroyer
venez-vous ? D'oùClotilde Floret (chant, claviers) :
On oscille entre le Nord-Pas-de-Calais, la Champagne-Ardenne et Paris. Ce qui explique notre accent bizarre. Depuis quand ne jouez-vous plus dans la cave de vos parents ? Ayant été trop souvent punis et enfermés dans leur cave, on a choisi le grenier de Thomas pour faire de la musique. On est sorti de là depuis octobre 2008 pour notre premier concert au Showcase [Paris], en première partie de Peaches. Depuis, on parcourt le monde : Shanghai, Hong-Kong, Beijing, Berlin, Amsterdam, Londres. Quel est votre secret pour durer ? Si on te le dit, ce sera plus un secret, mais on pense à la cryogénisation. Combien de disques pensez-vous sortir ? Un par an pendant le reste de notre vie. La musique, c’est un peu comme un billet gagnant de Tac-o-tac. Que ferez-vous ensuite ? On vendra des produits dérivés du groupe : tu veux un porte-clés ou un pin’s ? En quoi avez-vous l’impression d’être originaux ? On fait du 8-bits chrétien, Cyril est possédé ! On vous a déjà confondu avec d’autres ? On nous confond souvent avec Annie Pujol, moins depuis que Victoria Silvstedt a pris le relais. Où puisez-vous votre énergie ? Thomas mange de l’ail en grosse quantité et dort vingt-deux heures par jour, Cyril fut diagnostiqué enfant hyperactif, et moi, je suis amoureuse. —
PREMIER EP FIN AVRIL.
Clip et documentaire sur la tournée en Chine Réalisé par Emilien Sitnikow A paraître fin mai ou début juin
TRIO ARMÉ THOMAS FOURNY « Compositeur geek spécialisé dans la perte d’objets en tous genres (voiture, sac des membres du groupe, virginité). Armes : guitare / claviers / chant / Nintendo DS. »
CLOTILDE FLORET « Inspecteur de police du look et du respect des quotas de fruits et légumes par jour, mention cœur d’artichaut. Armes : chant / claviers / minijupe et collants panthère. »
CYRIL DEBARGE « Fournisseur de musique 8-bits et de beats qui fracassent, machine à groupies, animateur de supermarché. Armes: batterie / Nintendo DS / coupe mulet et lunettes vintage. »
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Livres Le questionnaire de Bergson
« JE SUIS UNE AMIBE » Captant la carrière absurde de marginaux rock’n’roll, The Anomalies, de l’Américain Joey Goebel, 29 ans, repéré en 2007 avec Torturez l’artiste !, est une étrange bestiole lui valant de répondre à notre questionnaire de Bergson. Entretien François Perrin Portrait exclusif de Micah Goebel, sa femme
vous représentezC omment vous l’avenir de la littérature ?
Joey Goebel : Eh bien, si vous parlez de la littérature – pas ce qu’on lit en général, mais des travaux sérieux, intelligents, qui visent à illuminer plutôt qu’à simplement se vendre –, je lui prédis un avenir lugubre comme l’enfer. Notez, cette prédiction vous est délivrée par un Américain : en Europe, les auteurs de tels travaux conservent une place de choix, mais ici, ils sont dramatiquement marginalisés, nous savons tous que la lecture est devenue un acte de plus en plus archaïque. Triste, mais vrai. Cet avenir possède-t-il une quelconque réalité aujourd’hui, ou représente-t-il un pur possible ? Oh, je dirais qu’il s’installe, irrémédiablement, depuis que je suis né. J’ai enseigné la composition dans un centre universitaire et je faisais lire à mes étudiants un roman par semestre, sans lien direct avec mon cours. Leur seule réaction : grognements et gémissements. La plupart n’avaient pas lu un livre depuis leur enfance ; l’un m’a même
avoué qu’il n’en avait jamais lu un seul. Vous-même, où vous situezvous dans cette littérature possible ? Je suis une amibe. Si vous pressentez l’œuvre à venir, pourquoi ne la faites-pas vous-même ? Ce qui marchera et ce que je suis naturellement incliné à écrire sont malheureusement deux choses bien différentes. J’ai cependant flirté avec l’idée d’écrire sur de jeunes vampires sexys plutôt que sur de vraies personnes ayant de vrais problèmes. Vos personnages survivent dans une société sous-cultivée assumant leur marginalité. Envisageable ? Non, c’est juste une trame pour un livre. L’idée d’une solidarité entre freaks me semblait séduisante. mais les marginaux se portent mieux dans leur solitude. Cela dit, je reste pessimiste : si le groupe s’élargit, il s’institutionnalise, et les institutions détruisent systématiquement
LE LIVRE GANG DE FREAKS
Les héros de ces Anomalies (publié aux Etats-Unis en 2003) n’ont pas l’habitude de se vautrer dans les conventions : une gamine hyperprécoce, une vieille punk, une beauté jouant la carte du handicap pour qu’on arrête de lui reluquer les seins, un Irakien venu aux States pour présenter ses excuses à un soldat qu’il a blessé sans trop savoir pourquoi, et surtout Luster, chef de meute à la peau noire ayant décidé – ah ben tiens – de ne pas dealer du crack. A eux cinq, ils forment un groupe de musique (au style inqualifiable) et jouent à décevoir ceux qui ne voient en eux que ce qu’ils paraissent être. Un an avant son tube littéraire Torturez l’Artiste !, Joey Goebel, chanteur et guitariste punk du Kentucky, livre l’équivalent d’un premier album : souvent bien vu, maladroit ponctuellement, assez jouissif en permanence. F. P. l’individualité. La culture de masse dévoie-t-elle notre culture ? Oui. Nous sommes ce que nous regardons, les mass médias structurent l’esprit d’un pays. Et si cet esprit n’est gavé que de merde sexuelle et violente, inepte, dénuée de la moindre touche artistique, le pays lui-même devient
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culturellement et intellectuellement attardé. Comment expliqueriezvous, sinon, les deux élections de George W. Bush ? Je rêve d’une culture dans laquelle Kurt Vonnegut Jr. [Abattoir 5] serait plus célèbre que Paris Hilton, où des écrivains feraient la couverture des tabloïds en lieu et place de Justin Timberlake. Les liens entre vos Anomalies et La Conjuration des imbéciles de John Kennedy Toole, voire avec Le Seigneur des Porcheries de Tristan
Egolf, apparaissent évidents. Je me trompe ? J’ai écrit la trame des Anomalies avant de lire, étudiant, La Conjuration [Pulitzer en 1981]. Mais je prends la comparaison comme le meilleur des compliments : c’est un de mes livres préférés. Je me suis beaucoup retrouvé dans le personnage d’Ignatius, dans sa façon de regarder un film ou la télévision pour mieux les haïr. Quant au Seigneur des Porcheries [1998], je l’adore aussi. Drôle mais triste, les
deux qualités que je préfère dans l’écriture comme dans la vie. Et si je ne me trompe pas, Egolf n’a pas écrit une ligne de dialogue dans tout le livre – excellent. Je note que vous m’interrogez sur mes liens avec deux auteurs qui se sont suicidés – seriez-vous en train de me suggérer un changement de carrière ? —
THE ANOMALIES
Héloïse d'Ormesson 234 p., 19 euros
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Livres BD
« PISSER DANS L’OCÉAN »
Italien bipolaire basé à Chicago, Ivan Brunetti, 42 ans, aligne des gags ultra courts entre l’humanité d’un Charles Schultz et le pessimisme de Cioran. La traduction de sa série Schizo et deux nouveaux recueils nous a valu ce bel échange.
SCHIZO N°4
Editions Cambourakis, 2006
HO! THE MORALLY QUESTIONABLE CARTOONS, MISERY LOVES COMEDY
Fantagraphics, 2007
Entretien Jean-Emmanuel Dubois
L' est le secret d’un bon dessin en une seule case ? Université de Yale a publié vos cartoons. Quel
Ivan Brunetti : 1) Les mots doivent s’intégrer harmonieusement avec l’image. Le dessin, clair, doit se suffire à lui-même, composé pour être « lu » plutôt que vu. L’espace décrit, même irréel, simplifié ou déformé doit sembler « solide », nos yeux doivent se diriger vers les éléments significatifs, guidés vers la narration sousentendue. 2) De gros nichons. Pourquoi votre modèle, Charles Schultz (Peanuts), reste le meilleur dans son genre ? Son travail est personnel, obsessionnel, profondément révélateur… et aimé de millions de gens, exploit stupéfiant. Je veux créer quelque chose qui se mette à vivre ainsi. Même si la majorité de mes dessins sont autobiographiques, proches de la vie, Ivan Brunetti n’est pas aussi « réel » que Charlie Brown, Linus ou Snoopy. Schultz agençait ses lignes de manière absolument magnifique. Vous semblez évoluer vers une ligne plus pure. Pourquoi ? C’est une façon de revenir à mes gribouillis originaux, en les rendant plus consistants. Pour chaque BD, je dessine de petits croquis qui encouragent l’économie, la clarté. J’aimerais garder cette spontanéité. Je vise la stabilité architecturale et un peu d’expressivité, mais je suis sûr que j’échoue lamentablement. Je ne suis pas en paix avec moi-même : la somme minuscule de travail effectué équivaut à pisser dans l’océan. J’aurais souhaité quelque chose de plus profond, qui m’aurait survécu. Cette quête – cette chimère – me fait avancer. Comment résister au climat du politiquement correct ?
Choquer ne m’intéresse pas et la marche du monde reste pour moi un grand mystère. Je suis exigeant, facilement offensé par la stupidité et la cruauté de choses des millions de fois pires que mes dessins, acceptés sans recul par la culture de masse. Je croque ce qui m’horrifie pour contrôler ces démons. Je me sens tel un extraterrestre dans ce terrain de jeu brutal, sans pitié, cette marelle aux horreurs. Plus jeune, je m’en échappais via le cloître fermé de mon esprit, mais le caoutchouc s’est corrompu et mes illusions chéries, évaporées. —
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Livres De Prague à l’espace
« DESINTEGRATIONS FASCINANTES »
A 40 ans, le Britannique Tom McCarthy signe Les Cosmonautes au paradis, troisième roman traduit. Chef de file des Necronauts – mouvement comique et baroque s’attachant à rendre la fiction réelle –, il interroge la perte de repères en plein bouleversement social.
LES COSMONAUTES AU PARADIS
Hachette Littératures, 382 p., 22 euros
Entretien François Perrin
P
ourquoi situer l’action en Tchécoslovaquie fin 1992 au moment de sa partition ? Tom McCarthy : J’ai habité à Prague à cette incroyable époque : des artistes aux manettes, des fêtes partout, une sorte d’euphorie postrévolutionnaire – et plus tard, un sentiment de déception, de promesses non tenues. D’un point de vue thématique ou symbolique, je trouve fascinante la désintégration des pays, des idéologies, des individus. Le melting-pot culturel facilite-t-il la compréhension d’un événement ? Pas toujours. Prague était un carrefour international, comme Paris dans les années 20, ou New York dans les seventies. Mais la monoculture peu aussi être intéressante : pensez aux films de Bergman… Pourquoi ce titre, et pourquoi passer du « je » au « il », et de l’écriture épistolaire aux rapports de police ? Ça convient au thème de la fragmentation. Il n’y a pas de Dieu, ni de domination idéologique : à la fin, pour l’arbitre c’est la mort, pour l’espion policier, la surdité. Même l’astronaute, qui peut tout voir d’où il est, est naufragé, incapable d’agir. Ce dernier est le personnage principal, même s’il n’est qu’un sujet de conversation dans le livre ; un saint, piégé dans une bulle de plexiglas. Comme Nick, coincé sur un toit avec une poulie près de la tête, Anton, enterré près d’une étoile, Manacek, Joost. Tous sont des cosmonautes – même le fœtus flottant dans le ventre d’Heidi. L’histoire de la peinture bulgare est-elle un prétexte pour lier les personnages ou pour parler du monde de l’art des années 90 ? Les deux. En plus, comme l’astronaute, elle incarne les situations de tous les personnages : à la dérive, suspendus. C’est la condition humaine dans un univers sans Dieu. —
MORTELLE DÉLIQUESCENCE LE LIVRE Nick est critique d’art, Anton ancien arbitre et scientifique, Joost galeriste, Ivan peintre, Ilivieski chef de gang. Il y a aussi Jean-Luc, Heidi, Mladen, Roger, et même un flic à la ramasse. Ils sont bulgares, anglais, français, yougoslaves, hollandais. Focalisés autour d’un mystérieux tableau volé, dans une Tchécoslovaquie en passe de fêter son éclatement. Une poudrière, en somme. Tom, quant à lui, est un écrivain particulièrement doué, qui nous offre ici un plaisir à ne bouder sous aucun prétexte. F. P.
PHOTOGRAPHIE : EUGÉNIE DOLBERG
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Livres Chroniques
D’AUTRES
LIVRES
KARL IAGNEMMA LES EXPÉDITIONS ALBIN MICHEL 384 P., 22,50 EUROS Elisha Stone, 16 ans en 1844, apprenti naturaliste, rêve de découvrir une nouvelle espèce – une plante, une roche, une bestiole, n’importe quoi. Il a quitté son révérend de père et sa mourante de mère trois ans plus tôt, comprimé dans un minuscule patelin aux relents d’ennui, pour Detroit, avantposte avancé d’une civilisation en quête de Grand Nord. Il s’embarque bientôt dans une expédition vers les terres septentrionales, en compagnie d’un chercheur fantasque, d’un prospecteur cupide et d’une métisse aux charmes exotiques. Quelque temps après, son père part à sa recherche pour lui annoncer – enfin – la mort de sa mère et recoller les morceaux avec un fiston qu’il n’a jamais vraiment compris. Le lecteur suit les deux expéditions, la première riche des révélations propres au parcours d’un jeune explorateur ambitieux ; la seconde piteuse des mésaventures d’un
pasteur malade et étriqué, mal rompu aux pièges des villes puis de la jungle. On colle à leurs basques, on dévore des yeux leurs périples respectifs – on marche avec eux. François Perrin
GUILLAUME JAN LE BAOBAB DE STANLEY BOURIN ÉDITEUR 197 P., 17 EUROS C’est l’histoire d’un garçon qui se fait larguer par sa copine et qui part traverser l’Afrique pour « colmater [sa] petite blessure avec de la poudre d’escampette ». De Zanzibar à Kinshasa, 4 500 km d’improvisation en bus (bondé), en pirogue (chancelante), en taxi (brousse) et à pied (en compote), en évitant les 4x4 climatisés. Un voyage vraiment hors des sentiers battus (il n’y a pas de sentier), où on ne croise pas un autre Muzungu (Blanc) pendant des semaines. Guillaume Jan, 35 ans, reporter
mais pas moraliste. A mille lieues du baroudeur qui se la raconte, Jan traverse un continent dévasté avec de l’amour dans le regard et des fulgurances sous la plume. « Le temps pourrait s’arrêter, je serais d’accord », écrit-il en bout de course. OK, mais n’arrête pas d’écrire, Muzungu.
« Le révérend Stone, cognant des deux poings sur le nez de l’Irlandais, reconnut la sensation écœurante du cartilage qui cédait. (...) Doux Seigneur, pria-t-il, épargne-moi. » Karl Iagnemma, in Les Expéditions. intrépide, descend le fleuve Congo, slalome entre les léopards, les flics racketteurs, les demandes en mariage, la solitude, la misère et la chiasse. Des aventures qui abîment la santé mais qui réparent l’âme. Sur la route, il constate que son trajet recoupe celui de Stanley, un explorateur sanguinaire du XIXe siècle. Très bien, ça fera le fil conducteur du livre, au ton juste, sensible sans être naïf, humble
Julien Blanc-Gras
LESLIE LARSON CONNEXIONS 10/18 INÉDIT 430 P., 13 EUROS A ceux qui prétendent que les premiers romans ont toujours quelque chose d’un peu balbutiant ou d'inabouti, on conseillera la lecture de Connexions. Un premier opus ambitieux et inspiré, d’une maîtrise implacable, écrit par une
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journaliste américaine qui tricote des personnages plus vivants que votre belle-sœur et une tension à faire pâlir la moitié des romanciers de sa génération. Connexions commence et se termine dans l’aéroport de LAX, à Los Angeles. A la croisée des chemins, au comptoir d’un bar climatisé, là où des milliers de vies ordinaires et désolées s’observent, se frôlent, et parfois se heurtent. Leslie Larson nous offre cinq personnages en quête de sens, habilement reliés les uns aux autres, notamment par ce sentiment étrange d’être au tournant d’une vie qui ne les a pas épargnés. Il y a Wylie, un vétéran de guerre revenu de tout, qui apprend que la femme avec laquelle il couche depuis quelques mois est enceinte. Rudy, qui nettoie les avions et devient fou le jour où il se fait virer de son boulot tandis que sa femme Inez travaille depuis des mois en cachette pour le quitter. Il y a Logan, qui sort de prison et lutte contre les rechutes diverses qui le guettent. Et
puis Jewell, lumineuse et blessée, qui apprend à guérir d’un chagrin d’amour. Dans cette atmosphère post-11-Septembre, où l’on se méfie de tout, hantés par l’impression confuse d’un danger imminent, ces êtres tristes et malmenés ont en commun ce rêve d’une seconde chance. Cousu de main de maître, le livre tient ses promesses : Wylie, Rudy, Inez, Logan et Jewell se rejoindront dans un événement qui modifiera à jamais leur trajectoire. Beau, drôle, émouvant, désespéré, captivant… What else? Delphine de Vigan
STÉPHANE KOECHLIN LA LÉGENDE DU BARON ROUGE FAYARD 484 P., 24 EUROS Manfred von Richtofen is le Baron Rouge. Stéphane Koechlin, écrivain et biographe, a déjà fait ses preuves avec Bob Dylan, James Brown et les Jazz Ladies. Le premier constitue donc un matériau de premier choix pour le second, qui a décidé de raconter l’épopée Richtofen sur un ton bien éloigné d’un manuel d’histoire. Jeunesse de celui qui deviendra un futur héros de l’aviation, pendant la Première Guerre mondiale ; rapport exalté de spectacles aériens, presque chevaleresques, offerts à tous les combattants du front par le « Cirque Richtofen » ; naissance progressive de l’avion en tant qu’arme de guerre ; reprise de l’escadrille par Göring, qui saura en faire un efficace outil d’autopromotion à la mort tragique de Manfred... Un passionnant roman d’aventures, ni plus ni moins.
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J. M. SERVIN CHAMBRES POUR PERSONNES SEULES LES ALLUSIFS 133 P., 16 EUROS « Vivre, ce n’est rien d’autre que le cauchemar du suicidaire. » Bienvenue à tous dans l’univers folichon de J. M. Servin, auteur mexicain né dans la pénombre d’un quartier modeste, globegalérien sans-papiers, revenu à la case « Mexique » enrichi seulement d’une virulente noirceur de plume. Son personnage s’ennuie, mais alors fermement. Il n’a rien d’autre qu’une chambre dans laquelle il
squatte, une caisse de livres volés à son père et une unique tenue crasseuse. Alors il se lance dans les combats de chiens. Pas en tant que dresseur, non – ça, pour lui, c’est
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Livres Chroniques (suite)
du passé. Lui, seul, face à des chiens. Lui contre des dresseurs escrocs. Lui contre une logeuse. Lui, contre des flics. Lui face à Felisa – mère célibataire bardée d’un môme ectoplasme –, qui le baise avant de le baiser plus profondément encore. C’est gai comme un Assommoir, puissant et noueux comme le muscle masticateur d’un bullterrier. Beau comme un conte de l’Ombre — F. P.
l’œuvre, en vue d’une parution des cinq volumes du cycle Vérité et Justice, dont La Colline du voleur constitue le premier acte. Roman dédié au travail de la terre en milieu hostile, il raconte la vie d’Andres et Kroot (comme ça se prononce), prenant possession au fil des premières pages d’un domaine caillouteux sur lequel ils n’auront de cesse de bâtir leur existence, et leur très relative fortune, dans l’attente angoissée de la naissance d’un héritier mâle. Il y a du souffle là-dedans. Et même si on souffre pour ces personnages plongés dans une tourmente sédentaire, on n’en découvre pas avec moins de plaisir une plume venue de là-haut, loin là-haut. En attendant la suite. — F. P.
IRVINE WELSH GLU AU DIABLE VAUVERT 660 P., 20 EUROS Terry, Billy, Carl, Gally : quatre gamins de la banlieue d’Edimbourg qui grandissent ensemble, soudés par cette colle invisible qu’est l’amitié. Quatre trajectoires que l’on suit en parallèle, des années 70 à nos jours : premières bastons, premières cuites, premiers émois (avec un dépucelage d’anthologie), puis les chemins qui se séparent et se recroisent, entre ceux qui décollent et ceux qui lentement se laissent glisser… Glu est à la fois un roman d’initiation (collective) et une fresque minimaliste, comme un long graffiti sur le mur de la cité. Au-delà de ses personnages, le roman fait revivre trente ans d’une société qui explose : un monde où, peu à peu, les usines disparaissent, où l’alcool laisse la place à l’ecstasy et le rock à la techno, où les héros sont balayeurs et où les losers sont balayés. Welsh mène l’ensemble avec une tendresse implacable pour sa ville et ses héros. Contrairement à ce que laisserait croire la couverture,
son écriture ne cherche pas le coup de poing. Il tient la longueur, avec une charpente solide et un sens aiguisé du dialogue. Les protagonistes ne sont pas toujours fins, ça n’empêche pas l’auteur de l’être. Bertrand Guillot
ANTON HANSEN TAMMSAARE LA COLLINE DU VOLEUR GAÏA 672 P., 23 EUROS Qui connaît la littérature estonienne ? Pas grand monde hors Giono, tout de même, qui avait déclaré, en refermant la première traduction du présent ouvrage : « J’ai rarement lu un livre plus beau. » Son auteur, mort en 1940, a attiré l’attention de l’éditeur Gaïa, qui a décidé d’en faire retraduire
DANS MA
POCHE YANNICK HAENEL CERCLE FOLIO 548 P., 7,60 EUROS
« C’est maintenant qu’il faut reprendre vie. » Station Champ-deMars, 8h07, un homme attend son train. Puis soudain, une impulsion. Non, il n’ira pas travailler ce matin. Plus jamais d’ailleurs. Désormais, il écrira sa vie plutôt que la subir, partant à l’aventure, littéralement – à Paris, à Berlin, en Pologne, en lui-même. Cercle est le récit d’une libération, un tourbillon communicatif dans une première partie touchée par la grâce. Cercle
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est tout le contraire d’un livre d’été : une œuvre de printemps, qui donne envie de vie. — B. G.
FRANÇOIS ROLLIN LES BELLES LETTRES DU PROFESSEUR ROLLIN RENAUD CAMUS RÉPERTOIRE DES DÉLICATESSES DU FRANÇAIS CONTEMPORAIN POINTS 217 P., 6,50 EUROS/366 P., 7,50 EUROS
Bonne nouvelle ! Les éditions Points poursuivent leur série « Le goût des mots » avec deux ouvrages qui mêlent dérision et érudition. Tout d’abord, Les Belles lettres du Professeur Rollin proposent cinquante-neuf modèles indispensables dans la vie de tous les jours. Par exemple, comment écrire au roi d’Espagne pour lui demander sa recette du gaspacho, au pape pour exprimer des doutes sérieux quant à l’existence de Dieu. On y trouvera également une suggestion de déclaration d’amour (en trois phases), un exemple de lettre à une femme avec laquelle on a passé la nuit et c’était chouette mais c’était un peu n’importe quoi, une lettre anonyme ainsi que les incontournables lettres de rupture… prises au pied de la lettre. Non moins jouissif et tout aussi érudit, le Répertoire des délicatesses du français contemporain fait l’inventaire de nos innombrables transgressions à la correction grammaticale ou lexicale. L’occasion de prendre conscience que vous causez le français comme une vache hispanique. Connaître la différence entre apporter et amener, savoir utiliser par contre et en revanche, prononcer imbroglio, éviter les quoi, les comment et les au niveau de : fini les tics langagiers, les erreurs sémantiques, les formules journalistiques à l’emporte-pièce. Pensiez à avoir le verbe haut. D. d. V.v
BD
THOMAS GOSSELIN AU RECOMMENCEMENT ATRABILE 54 P., 13 EUROS « La sœur de Bidule déménage. Mais si, tu sais bien, Machine, celle qui croit vivre en France dans le futur. Elle va habiter Rizzatini avec son mari. Le pauvre, tout le monde là-bas doit déjà savoir qu’elle est parano. A sa place, je partirais en courant. Je dis pas qu’il faut la faire enfermer mais bon... » Les histoires circulent vite à Rizzatini. Difficile pour Machine qui a l’impression que le monde lui échappe. Le lecteur se mettra facilement à sa place avec Au recommencement. Thomas Gosselin, auteur de mystérieux strips pour Standard, présente un puzzle très énigmatique dont les pièces ont du mal à s’emboîter sans forcer. Toujours fidèle à son
« Ce n’est pas que je m’ennuie, c’est plutôt que je suis inquiet et indécis, je me demande ce que je pourrais faire en attendant d’avoir sommeil et de m’abandonner à l’inconscience pour aller de nouveau travailler. » J. M. Servin, Chambres pour personnes seules style surréaliste, il s’appuie sur une narration originale dont on finit par perdre le fil. Si l’on ajoute à cela des préoccupations philosophiques très littéraires et quelques scènes absconses, on regrettera la clarté de L’Humanité moins un, son premier ouvrage. Il est pourtant toujours agréable d’avoir entre les mains une bande dessinée si singulière ; à suivre, évidemment. Nicolas Roux
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Cinéma Les chroniques d’Alex Masson
CHARLIE KAUFMAN NE VA PAS MIEUX Epatante autofiction et première réalisation du scénariste d’Adaptation et Dans la peau de John Malkovich. Mes névroses, mon moteur ?
A théâtre pose sur le papier ses pires peurs. Au terme u début de Synecdoche, New York, un auteur de
du premier long métrage mis en scène par Charlie Kaufman, aussi. Mais tout aura changé entre-temps. Kaufman demeure le scénariste le plus atypique des quinze dernières années. Ses scripts (Dans la peau de John Malkovich, Adaptation, Eternal Sunshine Of The Spotless Mind) s’avèrent d’infernaux récits aux mécanismes vertigineux, comme si Borges écrivait une notice de montage de meuble Ikea – et que ce meuble était un cerveau. Synecdoche, New York est une visite dans sa boîte à outils cérébrale, essayant de connecter les deux hémisphères via l’histoire d’un dramaturge, interprété par Philip Seymour Hoffman, qui décide de devenir le spectateur de sa vie en la réinventant sur scène, grandeur nature. Et l’acteur jouant son rôle qui finit par rencontrer le même souci, se lance dans la même entreprise. Qui tire les ficelles ? Les petits malins qui ne se satisferaient pas de cette structure concentrique iront chercher la clé dans un dictionnaire. SYNECDOCHE, NEW YORK « Synecdoque » de Charlie Kaufman désigne une le 1er avril métonymie pour
laquelle la partie d’une chose définit sa totalité : son vélo a crevé, alors que c’est le pneu du vélo qui est percé. Appliquer le procédé au film le rend plus lisible : Caden, l’auteur mal dans sa peau, ne serait qu’une miniature de Kaufman. Et pourtant si le l’œuvre est aussi épatante, c’est parce qu’elle repousse sans cesse l’idée d’autofiction, se connecte au reste du monde en voyant toujours plus large, englobe toujours plus dans sa démentielle arborescence psychologique. A la longue, Synecdoche, New York ressemble à une mise en images des théories du physicien Stephen Hawking, vulgarisant la galaxie humaine où il faut retrouver sa place ; ou, précisément, veiller à ne pas la perdre. Pas loin d’une version intello de Truman Show [Peter Weir, 1998], Synecdoche, New York met dans sa valise une réflexion sur les univers virtuels, une autre sur la nécessité de rester créatif sous peine de disparaître, le tout emballé d’une dernière sur le sens de la vie. Un peu beaucoup ? Non, Kaufman revient toujours au noyau de son récit : un type qui se demande qui tire les ficelles de ce show en perpétuelle réécriture qu’est l’existence. Kaufman est-il en analyse ? On espère que non. Ça finirait par nous priver d’un scénariste-réalisateur en train de concevoir, de film en film, un équivalent romanesque et poignant des principes de l’évolution selon Darwin. —
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POUPÉES ROUSSES
La Russie contemporaine à hauteur d’adolescente, à la limite du documentaire : prix spécial de la caméra d’or à Cannes et révélation d’une jeune réalisatrice surdouée.
C Chups en bouche, sapées fluo façon Yelle et coiffées annes 2008 : des adolescentes délurées, Chupa
de mèches multicolores, piaillent dans la langue d’Anna Politkovskaïa. Piercings dans le nez, tatouages Caligula et Marylin Manson, ce sont les actrices d’Ils mourront tous sauf moi, accompagnées de la réalisatrice Valeriia Gai Germanika, 25 ans. Son premier film suit trois gamines d’aujourd’hui, affolées à l’approche d’une fête au collège – leur première soirée. Avant, il y a école, Gai Germanika filmant celle de la vie. Car, au début, Katia, Vika et Zhanna ne sont pas sorties de l’enfance.
Ça vibre, ça secoue Ils mourront tous sauf moi, c’est un peu La Boum chez Poutine : la Russie contemporaine décryptée à hauteur d’adolescente, en banlieue moscovite – et le moindre micro-événement devient une macro-information. En à peine plus d’une heure, la réalisatrice dresse un état des lieux si méticuleux qu’il met tous les magazines féminins au chômage : rien n’échappe à sa caméra, des fringues aux tics de langage. Mieux, elle parvient à révéler sans forcer le trait ILS MOURRONT TOUS SAUF MOI commun à trois filles très de Valeriia Gai Germanika différentes. le 22 avril
La première, ordinaire, est en pleine crise, classique ; la seconde est narcissique, un peu grande gueule ; la troisième, fashion victim jusqu’au bout de son téléphone. Les autres, adultes ou élèves lambda, n’ont pas d’importance. Il y a une frontière invisible entre le monde et celui de nos héroïnes. Ils mourront tous sauf moi raconte comment la franchir, non sans mal. Encore moins quand Gai Germanika la joue documentaire, n’imprimant que l’authentique. On n’est pas devant Zone interdite : l’enquête est menée caméra à l’épaule, ça vibre, ça secoue, autant que dans la tête et le cœur des petites. Le pris sur le vif aura rarement été aussi incarné, captation d’une fiction miroir de la réalité. Et puisqu’on n’est pas non plus chez Claude Pinoteau, la party ne se termine pas très bien. On ne les verra pas reprendre le chemin de bahut lundi matin, mais on sait que, dimanche, elles auront appris la plus ardue des leçons : grandir. A Cannes, quand on l’interrogeait sur cette abrupte conclusion, Valeriia Gai Germanika répondait : « J’ai voulu cette fin pour que vous puissiez vous sentir aussi mal que je le suis parfois. » Avant d’ajouter, à propos de sa propre fille encore bébé : « Une seule chose m’importe : qu’elle devienne une fille bien dans sa peau. » C’est ce qu’on espère pour Katia, Vika et Zhana – une fois sorties du champ. —
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Cinéma Les chroniques d’Alex Masson (suite)
IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L’OUTBACK
Sur un scénario de Nick Cave, western funèbre aussi rugueux que méditatif par le futur réalisateur de l’adaptation de La Route.
«
Je vais civiliser ce pays. » Australie, fin du XIXe siècle. Le capitaine Stanley, officier anglais envoyé par Sa Gracieuse Majesté pour faire régner l’ordre dans l’outback, se fait cette promesse. The Proposition, réalisé en 2005, en est une autre, celle de ressusciter le western, genre où il a toujours été question de frontières – géographiques ou morales – à conquérir. Stanley aimerait que le reste du monde ressemble à sa belle bicoque avec jardin de roses, reproduction miniature de son chez-lui natal, tâche au milieu du désert australien. D’autant que Stanley est déjà contaminé par les manières rugueuses locales, recommandant à un horsla-loi notoire de tuer son frère aîné psychopathe. The Proposition est un western comme l’étaient Impitoyable (Clint Eastwood, 1992) ou Dead Man (Jim Jarmusch, 1995) : des films qui se décalent des canons habituels pour rejoindre des figures classiques. Pourquoi pas Abel et Caïn, ou d’autres frères, Sam Peckinpah THE PROPOSITION et Sergio Leone, que la de John Hillcoat cinéphilie officielle a rendu le 25 juin
ennemis alors qu’ils sont si proches ? L’Australien John Hillcoat unit la violence opératique de l’un et la gestion du temps de l’autre. Et aussi, leur sens commun de la mélancolie, à laquelle s’additionne celle de Nick Cave, auteur du scénario. AVANT-GOÛT DE LA ROUTE The Proposition aligne une scène de fusillade cataclysmique et des instants de contemplation méditative avec un panache incroyable, qui fait le souffle des légendes ancestrales non expurgées de leur part sombre. The Proposition est une ballade (pas au sens de la promenade, plutôt celle de Villon, dite des pendus) funèbre, où derrière le carnage, on massacre les âmes. En 1988, John Hillcoat traumatisait un petit cercle de passionnés avec Ghosts of the civil dead – visite dans une prison souterraine, préfigurant le sommet Oz. Il risque d’enfin trouver sa place avec l’adaptation du roman La Route de Cormac McCarthy, prévue d’ici à la fin de l’année. En attendant, rattachez les wagons, ne loupez pas The Proposition. —
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Cinéma chez soi Pas ce soir, j’ai la migraine
DVD
LE CINÉMA CHEZ SOI, BIEN CONFORT. SOUTHLAND TALES DE RICHARD KELLY WILD SIDE, 2006 « C’est ainsi que finit le monde, non pas sur un gémissement, mais sur un boum. » En compétition officielle à Cannes 2006, le second film de Richard Kelly (Donnie Darko, 2001) fut invisible en salles. La rumeur enfla : blockbuster d’auteur, crypté, invendable. Tentons ce résumé : le 4 juillet 2005, les Etats-Unis subissent une attaque nucléaire qui déclenche la Troisième Guerre mondiale. Trois ans plus tard, les Républicains ont mis le cyberespace sous surveillance alors qu’un groupuscule néo-marxiste sabote le pays. Justin Timberlake, vétéran d’Irak défiguré, raconte l’histoire de Boxer Santaros, réalisateur amnésique traqué qui faillit devenir gouverneur de la Californie du Sud (le « Southland ») et auteur d’un
SOUTHLAND TALES, DE RICHARD KELLY CI-DESSOUS : LE PLAISIR DE CHANTER, D’ILAN DURAN COHEN
le Mulholland Drive de la fin du monde, confus, presque génial. — Richard Gaitet
LE PLAISIR DE CHANTER D’ILAN DURAN COHEN PYRAMIDE VIDÉO, 2008
Jamais le mot « ride » n’aura été autant prononcé. C’est que le corps est au cœur de ce film « choral » et décalé, recherche effrénée d’une clé USB dans le milieu de l’art lyrique par deux agents qui couchent ensemble. Ça ressemble au pitch du dernier Coen mais c’est le dernier Cohen, réalisateur de La Confusion des « VOUS ÊTES TROP ACCRO À LA genres (2000) et d’un récent téléfilm sur PERFORMANCE. ON N’EST PAS
EN GUERRE. ON PEUT JOUIR COOL. »
La noirceur se tapit dans le thème du vieillissement et de l’engagement, constamment évoqués par ces corps à poil (poils qui deviennent un indice crucial dans l’enquête). Belle nudité de Marina Foïs dans sa simplicité et son comique tellement fin qu’il fait rire intérieurement. Les autres sont enthousiasmants : Jeanne Balibar, encore lesbienne après Sagan, et Lorànt Deutsch pour sa surprenante sobriété. — Eric Le Bot
STELLA DE SYLVIE VERHEYDE DIAPHANA VIDÉO, 2008 « Je crois qu’on vit avec une dette permanente à l’enfant qu’on a été. »
MARINA FOÏS DANS LE PLAISIR DE CHANTER
Sartre et Beauvoir. Décidément adepte de la mixité des genres, le cinéaste poursuit son objectif jusque dans ce thriller-comédie musicale érotique. C’est très cinéma français des années 90 mais avec une pointe d’absurdité extrêmement plaisante.
© 2009 EUROPACORP
scénario prophétisant l’apocalypse imminente ; il sera aussi question de doigts coupés, de faille spatiotemporelle, de jumeaux paranos et de Christophe Lambert conducteur d’un camion-glace. Outre un bluffant Dwayne The Rock Johnson et Sarah Michelle Buffy Gellar complètement craquante en ingénue porn star, cette réminiscence des ombres de Philip K. Dick confirme cette certitude : Richard Kelly, seul héritier de David Lynch et Southland Tales,
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EUROPACORP PRESENTE
© 2009 EUROPACORP
ECRIT ET REALISE PAR
RIE RASMUSSEN 1ER AVRIL AU CINEMA
EUROPACORP PRESENTE HUMAN ZOO UN FILM ECRIT ET REALISE PAR RIE RASMUSSEN AVEC RIE RASMUSSEN, NIKOLA DJURICKO, NICK COREY DIRECTEUR DE LA PHOTOGRAPHIE THIERRY ARBOGAST DECORS HUGUES TISSANDIER COSTUMES JOANNA GEORGES ROSSI MONTAGE RIE RASMUSSEN 1ER ASSISTANT MONTAGE MICKAEL DUMONTIER SON GUILLAUME BOUCHATEAU FRANCOIS FAYARD PRODUCTEUR EXECUTIF DIDIER HOARAU POUR EUROPACORP CHANSONS ORIGINALES CHRIS MARSHALL SCENARIO DE RIE RASMUSSEN PRODUIT PAR RIE RASMUSSEN UNE PRODUCTION EUROPACORP AVEC LA PARTICIPATION DE CANAL + www.myspace.com/rie_rasmussen
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www.rierasmussen.net
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Cinéma chez soi Pas ce soir, j’ai la migraine (DVD)
LES TOILETTES DU PAPE DE CÉSAR CHARLONE ET ENRIQUE FERNANDES MK2 EDITIONS, 2008
CI-DESSUS LA SOLEDAD, DE JAIME ROSALES LES TOILETTES DU PAPE, DE CÉSAR CHARLONE ET ENRIQUE FERNANDES
Sylvie Verheyde, dont le troisième film est un bijou, serait d’accord avec le romancier québécois Gaëtan Souby. Stella règle le sort de son propre passé tant le film est autobiographique : à 12 ans, Sylvie débarque aussi dans un collège bourgeois parisien malgré des origines médiocres, prend un pain dans l’œil le jour de la rentrée en 6e et lit Balzac et Cocteau pour « faire comme les autres ». Si la musique nous projette dans les années 70, si la voix-off de la sublime gamine prend beaucoup d’espace, on baigne comme dans sa propre enfance, retrouvant jusqu’à notre rapport au temps d’alors (interminables soirées à jacter dans les chambres, à écouter des disques, insignifiante longueur des vacances, ennui en boum). Mais Stella n’a d’autres points communs avec La Boum que l’infidélité des parents, et développe un discours social, celui d’une enfant qui se bat – sans
français n’étaient remontés aux frontières de l’enfance. Une telle réussite qu’on aimerait lui remettre un César en mains propres. Franchement, c’est mieux que Séraphine ! — E. L. B.
LA SOLEDAD DE JAIME ROSALES BODEGA FILMS, 2008
Depuis cinq ans, le cinéma espagnol couronne de Goya des sujets forts : les violences conjugales en 2004 (Ne dis rien), la tétraplégie en 2005 (Mar Adentro), la cécité ou le viol les deux années suivantes (The secret life of words, Volver). Le film de Jaime Rosales, petit prodige du split screen, en est un nouvel exemple sans que l’on puisse se permettre d’en dire davantage : « IL PARAÎT QUE LE FUTUR SERA l’événement de la BEAUCOUP PLUS FUTURISTE cinquantième minute est si surprenant qu’il laisse QUE PRÉVU. » SARAH MICHELLE GELLAR DANS le souffle court, donne à l’œuvre une intensité SOUTHLAND TALES inestimable. Pour les vraiment le savoir – pour ne pas plus littéraires, cette piste : ce devenir victime de sa condition. pourrait être l’adaptation de Tout Les adultes en souffrance sont tous ce que j’aimais, roman grandiose fabuleux (Guillaume Depardieu en de Siri Hustvedt (l’épouse de Paul ami de la famille, Benjamin Biolay et Auster), basculant tout autant de l’exquise Karole Rocher). Mis à part la normalité à l’horreur, grâce au Julie Gavras (La Faute à Fidel, 2006) même événement… troublante et Cédric Khan (L’Avion, 2005), justesse. — voilà longtemps que des auteurs E. L. B.
Vous rêvez de faire de l’événementiel ? Les Toilettes du Pape est un vaccin idéal, florilège de mauvaises idées à l’occasion de la venue du Pape dans un village uruguayen isolé. En ce 8 mai que tous rêvent historique, 397 stands se montent en vue de satisfaire les pèlerins brésiliens attendus : on vend du boudin, des quiches, et on construit des toilettes publiques
payantes… La misère de ce pays, récemment passé à gauche, est mis en exergue à travers l’espoir énorme qu’avait suscité la visite de Jean-Paul II en 1988, espoir qui sonne à toutes les portes, jusqu’à la fille du « héros » qui se rêve journaliste radio. La population sait qu’il s’agit de l’unique occasion de son salut (économique) et c’est ce qui donne toute son épaisseur à ce petit film à la mise en scène néoréaliste et au scénario étonnamment assez hollywoodien, rehaussé par son final. A mettre en parallèle avec son compatriote Gigante et son épais surveillant de supermarché, Lion d’argent à Berlin, à sortir prochainement en France. Un pays à suivre parce qu’il suit lui-même ses petites gens. — E. L. B.
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« Je ne crois pas au paradis de l’enfance, ni à l’innocence, ni à la bonté naturelle des enfants. » Géraldine Chaplin dans Cria Cuervos
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*Un t-shirt Late Of The Pier vraiment bien (merci qui ?) 226
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