l'homme et la Mer

Page 1

1









Préface : Jean

Luc VAN DEN HEEDE



Pour Jules, Adèle et Augustin


12


La mer m’a toujours fasciné dès ma prime jeunesse. Certes mes vacances au bord de l’eau, mon premier voilier qui faisait quelques centimètres et les rêves inassouvis de mon grand-père y sont pour quelque chose. Mais le vrai déclic vient des livres qui m’ont fait rêver. Les récits de tous les navigateurs qui nous ont précédés et l’aventure permanente que vivent les marins m’ont donné, à moi aussi, l’envie de partir, de m’affronter à la mer et de devenir navigateur. Ce livre que j’ai l’honneur de dédicacer aujourd’hui est un ouvrage d’art propice au rêve. Toutes ces photos en noir et blanc créent une atmosphère spéciale. La mer y est toujours évoquée mais la lumière, le ciel, les nuages ou la brume jouent un rôle considérable dans l’esthétique de ces images. Leur diversité m’a aussi beaucoup frappé. Quels contrastes entre le calme et la sérénité qui se dégagent de certaines photos, le travail des hommes qui partent ou reviennent d’affronter l’océan, et la violence qui émane de la mer qui se fâche. Une photo comme celle de la Bisquine rentrant au port dans la tempête avec sa grandvoile arrisée et son foc qui fasseye fait frémir lorsqu’on observe l’état de la mer et les nuages qui paraissent défiler rapidement. J’aurai pu rester admirer cette image très longtemps dans ma jeunesse. Ce beau livre va faire rêver, j’en suis certain, tous les amoureux de l’homme et de la mer. Comme toutes les œuvres d’art, il faut plusieurs minutes pour apprécier chaque page… Prenez votre temps et bons rêves ! Jean Luc VAN DEN HEEDE

5 Tours du monde, tous sur le podium et 10 fois le Cap Horn...

13


14


15



Entretien : ValĂŠrie

Samouel


18


P

hilippe Marchand découvre la photographie alors qu’il a une quinzaine d’années. C’est un ami qui lui confie un vieil appareil photo d’origine russe, de la marque Zénith. Dès lors, tous les sujets sont bons, amis, objets, paysages. Il frotte son œil à tout ce qui l’entoure. Il découvre, il s’amuse de ce nouveau regard qu’il porte sur les autres et son environnement immédiat. Mais sa vraie rencontre avec la photographie, le choc émotionnel, l’émerveillement, l’instant que l’on n’oublie pas, celui qui fait naître une passion, détermine une carrière et fait dire qu’il y a bien un avant et un après, cette rencontre-là se fait quand, pour la première fois, il développe un film dans la cuisine de sa grand-mère. La magie est là lorsque, dans l’obscurité la plus totale, on insère le film dans la petite cuve Paterson. Viennent ensuite le rituel du développement, les produits, le minutage et les gestes qui s’enchaînent, l’œil rivé sur la montre jusqu’au moment où le négatif se déroule sous les doigts précautionneux. L’image se suggère par touches d’ombres, de gris et de noir, les formes se dessinent, s’imposent. Depuis ce jour, Philippe n’envisage pas la photo autrement que dans sa globalité. Il veut tout faire : prise de vue, développement, tirage, maitriser son travail de l’alpha jusqu’à l’omega, garder un contrôle total sur l’ensemble du processus. L’image, c’est celle que l’on saisit à un moment précis et c’est aussi et surtout ce que l’on en fait, l’histoire que l’on veut raconter et qui se travaille bien après l’instant du déclic. Son premier achat de matériel n’est donc pas un appareil photo mais un agrandisseur. Philippe s’enthousiasme de ses tentatives, sans autres exigences devant sa production que d’apprendre encore et toujours plus pour mieux faire. «Mes premiers résultats étaient vraiment désastreux,

19


20

mais j’avais véritablement attrapé le virus de la photo. Je ne pouvais plus m’en passer.» L’idée de faire de la photographie son métier ne l’effleure pas un instant. Il fait des stages dans différents domaines, trouve des «petits boulots». L’essentiel de ses premiers revenus est aussitôt réinvesti dans du matériel photographique. Tout est bon pour continuer à faire de l’image, améliorer sa technique, rechercher des procédés pour obtenir les résultats espérés. Il imagine de retravailler ses tirages avec un aérographe ce qui lui permet d’enrichir l’atmosphère de ses photos. Quelques années de recherche en solo, puis Philippe s’inscrit dans une école de photo à Paris. Il s’offre trois mois de cours durant lesquels il n’apprend pas grand chose, rien qu’il n’ait vraiment déjà découvert tout seul à force de tâtonnement dans son labo de fortune. Mais cette expérience lui offre des opportunités, suscite des rencontres, des contacts, une ouverture sur le monde de la photo. Il travaille dans plusieurs studios à Paris puis à Nantes. Il observe, il apprend patiemment parce qu’il sait qu’il apprendra toujours. Six mois plus tard, il s’installe comme photographe freelance. Il s’exerce à une autre rigueur : l’exigence des autres, le regard critique du commanditaire. Petit à petit, il délaisse son laboratoire, absorbé par son travail et ses commandes liés à la publicité. C’est un autre univers, également passionnant, qui lui offre de nouvelles rencontres, de nouvelles expérimentations. Le temps passe, et l’envie de renouer avec le noir et blanc est de plus en plus forte. «On réalise une prise de vue et on interprète un tirage. Le tireur est exactement comme un musicien devant une partition, il « interprète » le négatif à sa façon. Entre la pellicule et le papier, tous les choix sont possibles… le clair et l’obscur, l’ombre et la lumière, sur lesquels on peut jouer à l’infini pour que le tirage exprime le « ressenti » du moment de la prise de vues. On peut dramatiser une scène, mettre l’accent sur un détail, guider le regard du spectateur... Je n’imagine pas confier à un autre la réalisation de mes tirages.» Jean-Loup Sieff a beaucoup influencé Philippe Marchand à ses débuts. «Ses tirages ne cherchaient pas forcément à refléter la réalité mais plutôt à exprimer une vision personnelle avec des partis pris très forts.»


Pour Philippe, la venue du numérique a amélioré la maîtrise du photographe sur le déroulement de ce processus. L’ordinateur permet ce que l’on n’aurait pas osé espérer. Il ouvre une nouvelle voie à l’intuition, il donne la nuance à la sensibilité. «Une délectation» pour celui qui trouve enfin les outils pour aller au bout de sa recherche esthétique. Avec «L’homme et la mer», l’artiste est passé sans heurt et même avec exaltation de l’argentique au numérique. L’aérographe a cédé la place aux technologies numériques. Les possibilités toujours plus nombreuses que l’ordinateur lui offre ouvrent le champ des possibles. Philippe commence cette série en 2002. L’idée de départ est de trouver un thème à explorer, autour du noir et blanc, avec un format atypique, une production qui s’inscrive dans la durée, un univers riche et ouvert. La mer s’est un peu imposée d’elle-même, parce qu’elle est toute proche, parce qu’elle est toujours là mais toujours changeante, que le noir et blanc lui va si bien, que le format panoramique la sublime, lui donne toute sa mesure, retranscrit sa formidable respiration, parce qu’elle porte en elle des richesses inépuisables d’histoires, de personnages, de paysages tournés vers l’infini, qu’elle parle de nos souvenirs communs, parce qu’elle montre la force et la sensibilité de la nature et de l’homme. L’autre fil, c’est une unité de l’image. De beaux noirs, des variétés de gris, un grain rond qui révèle les atmosphères imaginées et met de la magie dans l’image, même un peu de mystère. Le panoramique, généralement utilisé pour le paysage, trouve ici une dimension humaine intéressante. Le cadrage inclut le personnage dans son univers. Le fil de l’histoire n’est pas rompu… Bien sûr, la mer est liée à l’univers personnel de Philippe, son imaginaire d’enfant nourri des romans de Stevenson, London et autres magiciens des mots. Les images racontent toutes ces histoires à la fois, à travers ces «gueules de marins», un rêve pour tout photographe tant elles expriment le vécu, la rudesse de leur monde, la violence de leur environnement, tant elles se sont laissées sculpter par la mer et le vent. L’aventure, le risque sont inscrits dans ces bourrasques qui explosent la vague sur les rochers, le ciel menaçant qui déjà se dégage, à moins que ce ne soit le contraire… Philippe nous invite dans l’intimité de ces hommes, dans leur

21


22

atelier, là où se dévoile l’envers du décor, où naissent les voiles, les cordages et les bateaux. Les personnages sont souvent de dos, par pudeur, et pour nous faire regarder dans la même direction qu’eux, partager leurs pensées. «Les premières images étaient surtout des paysages, je cherchais le style, l’ambiance de mes tirages. Peu à peu, l’humain s’est insinué dans les photos. D’abord une cabane entre les rochers qui raconte les gens que l’on ne voit pas, puis j’ai franchi la porte des ateliers, en demandant la permission. Je ne restais jamais longtemps. On échangeait peu de mots. Je prenais quelques photos. Je cherchais à capter l’atmosphère des lieux… juste quelques instants et je partais.» D’Oléron au Mont Saint Michel en suivant la côte, Philippe a arpenté le littoral pendant une dizaine d’années. D’abord avec un moyen format Contax, chargé de la mythique Tri-X pan Kodak qu’il finit par remplacer par un Nikon numérique. Jamais il ne « mitraille », chaque cliché est voulu, cadré dans l’optique du travail à venir… dans la chambre noire au début, puis sur l’écran de l’ordinateur. Dans cette série, chaque photo se suffit à elle-même, elle n’est pas dépendante des autres et l’album pourrait se lire dans n’importe quel ordre, au hasard de nos doigts qui feuillettent. De la même façon, la série est intemporelle. Elle raconte la mer et les hommes d’aujourd’hui, d’hier et d’avant. Le temps n’existe pas, pas encore. Les lieux, les gens et les gestes sont immuables et sublimés par le noir et blanc, le jeu des ombres. London et Stevenson s’y sentiraient chez eux. Au fil des pages, des personnages improbables semblent passer là : une jeune femme qui regarde la mer, une autre qui danse dans le vent, une voiture arrêtée dont on devine le conducteur en contemplation. Ces images sont un clin d’œil à d’autres références, plus légères, plus ludiques. Elles rappellent que la mer est porteuse de bonheur et d’apaisement, de gaité et d’insouciance, qu’elle n’appartient pas qu’à ceux qui en vivent, qu’elle est généreuse de sensations. Chacun y trouve ce qu’il vient y chercher. Avec «L’homme et la mer», Philippe nous fait entrer dans son univers d’ambiances fantasmées où la nature et l’homme prennent une dimension


particulière, un peu inquiétante et démesurée, à la fois puissante et sensible, toujours envoutante. «J’ai volontairement choisi de travailler rapidement et en lumière ambiante sans aucun artifice, ce qui est à l’opposé de mon travail publicitaire. J’avais vraiment envie de saisir les choses telles qu’elles étaient, dans leur simplicité, leur honnêteté. Ensuite, sur le tirage, en jouant avec les contrastes, les charges de gris, j’essayais de restituer le « ressenti » du moment.» Philippe Marchand nous invite à regarder le monde marin à travers ses propres yeux. Il nous suffit de suivre la lumière et de chercher l’ombre…

Ses images sont régulièrement publiées dans la presse internationale. Son travail a été récompensé par le Prix de la «Photo de l’Année» en 2008 et le Prix des «Professionnels de l’Image» au Rendez-Vous de l’Image en 2013. Valérie Samouel

23




26

Marais salants - GuĂŠrande - France 2002



28

Les ajoncs - Plougrescant - France 2008



30

Port de Saint Goustan - Auray - France 2002



32

Chantier du Guip - Brest - France 2008



34

Le chien - Camaret - France 2008



36

Le hangar Ă bateaux - Noirmoutier - France 2008



38

Charles Marine - Noirmoutier - France 2007



40

La chaloupe - Noirmoutier - France 2009



42

OstrĂŠiculteur au travail - Oleron - France 2008



44

La machine Ă coudre - Noirmoutier - France 2008



46

Voilerie - Noirmoutier - France 2008



48

Arnaud Boissières (skipper) - Sables d’Olonne - France 2010



50

Venise - Italie 2008



52

Neige sur Saint Cado - Ria Etel - France 2006



54

Brumes - Port Blanc - France 2007



56

Port du Guilvinec - Le Guilvinec - France 2012



58

Echouage de l’Artemis - Sables d’Olonne - France 2008



60

Le m창t - Larmor Baden - France 2007



62

La flaque - Larmor Baden - France 2007



64

Le marin et le pĂŞcheur - Brest - France 2008



66

Marin Ă la pipe - Golf du Morbihan - France 2009



68

Capitaine- Brest - France 2008



70

Le dĂŠpart - Brest - France 2008



72

Le Belem à l’ancre - Noirmoutier - France 2006



74

Mouette dans la tempĂŞte - Bretagne-France-2003



76

La vague - La Turballe - France 2003



78

Le promeneur - Ile d’Ouessant - France 2012



80

C茅cile sur la c么te sauvage - Batz sur mer - France - 2007



82

Avis de tempĂŞte - Bretagne - France 2004



84

Menez Ham - Kerlouan - France 2007



86

La route - Kerlouan - France 2007



88

Mont Saint Michel - France 2008



90

La cabane de l’ostréiculteur - Oleron - France 2008



92

L’arbre et les cabanes - Noirmoutier - France 2002



94

TempĂŞte sur les cabines de plage - Carnac - France 2005



96

Emily sur le c么te sauvage - Batz sur mer - France 2004



98

La Cancalaise - pointe du Groin - France 2005



100

Le passage - Batz sur mer - France 2004



102

Cheveux blonds - Brest - France 2008



104

Coup de vent - Port Navalo - France 2003



106

Eclaircie dans le rĂŠtroviseur - Bretagne - France 2004



108

Soleil derrière la vague - Batz sur mer - France 2005



110

Le bain - Batz sur mer - France 2005



112

La plage au soleil couchant - Batz sur mer - France 2005



114

CrĂŠpuscule - Bretagne - France 2007





118


Philippe Marchand est né en 1961, photographe autodidacte. Il vit à Nantes en Bretagne. Il a exploré depuis une vingtaine d’années différentes facettes du métier de photographe, de la publicité à l’illustration en passant par le reportage. Sa passion pour la lumière et les atmosphères particulières que l’on rencontre sur les côtes bretonnes le pousse à mettre le nez dehors le plus souvent possible quelles que soient les conditions météo. On retrouve dans les images qu’il rapporte de ses randonnées toute la puissance et la magie des lieux qu’il traverse. Son approche esthétique, les contraintes techniques qu’il s’impose contribuent à la création d’un univers photographique singulier et résolument personnel. Ses images régulièrement publiées dans la presse internationale ont été récompensées par le prix des «Photos de l’Année» en 2008 et en Janvier 2013 par le prix des «Professionnels de l’Image» lors des «Rendez vous de l’Image». www.philmarch-images.fr

119





Editions Au fil du Temps Route de Trinquies 12 330 SOUYRI (France) www.fil-du-temps.com

Direction artistique : SICHI Stéphane Photogravure : ESPITALIER Denis Relecture : GALIBERT Jacques Dépot Légal : Juin 2013 Achevé d’imprimer en Mai 2013

sur un papier Moderne Satiné MAGNO - 200g

sur les presses de Graphi Imprimeur à Rodez, Aveyron N° ISBN : 978-2-918298-38-0






ISBN : 978-2-918298-38-0

Prix de vente : 30 €


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.