L’École de Plein Air de Suresnes,

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L’ÉCOLE DE PLEIN AIR DE SURESNES

L’ÉCOLE DE PLEIN AIR DE SURESNES

Entre patrimoine incompris et potentiel inexploité

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Entre patrimoine incompris et potentiel inexploité.


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Remerciements à Delphine Désert pour son accompagnement et ses conseils toujours juste au Musée d’Histoire Urbaine et Sociale de Suresnes pour leur disponibilité

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Sommaire

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Introduction

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1.L’École de plein air de Suresnes, marqueur innovant de son époque

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1.1 Contexte historique de création de l’École de plein air de Suresnes 1.2 Une innovation constructive 1.3 Un champ d’expérimentations politiques et sociales 1.4 Un laboratoire pédagogique 1.5 Une architecture au service de la pédagogie

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2.L’école de plein air de Suresnes, un support architectural toujours innovant malgré des limites

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2.1 Ouverture, mobilité, fluidité et adaptation au cadre, maître-mots de la connexion espace /pédagogie

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2.2 Une pédagogie du bien-être

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2.3 Une programmation déconnectée

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Conclusion La réhabilitation de l’école de plein air de Suresnes, comme mise en valeur active de son histoire. Des propositions de rénovation Une conservation choisie

Annexes

Bibliographie

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Introduction A la fin du XIXéme siècle, une grande politique sociale de prévention contre la tuberculose est lancée par les différents pays et leurs municipalités. En effet la tuberculose, maladie infectieuse respiratoire, est la cause de près d’un décès sur six au début du XXéme siècle. Face à cette maladie et à l’absence de soins allopathiques efficaces les médecins se sont tournés vers des cures de plein air et de soleil pour aider à combattre la maladie. Il a donc dû fallu créer des lieux pour accueillir ce nouvel usage. Et, parallèlement au développement des sanatoriums, établissements médicaux spécialisés dans le traitement de cette maladie, de nouveaux bâtiments mêlant hygiène, médecine et pédagogie ont vu le jour : les Écoles de plein air. L’origine de ces Écoles tient de deux tentatives médico-pédagogiques: les colonies de vacances scolaires et le voyage scolaire. En Europe elles naissent grâce au pasteur suisse Bion, qui en 1876 met en place la première colonie de vacances pour enfants dans les monts Appenzell, en Suisse. L’idée de l’association entre soin et pédagogie nouvelle prend de l’ampleur en Europe. Ces colonies se multiplient, et en 1890,les « maisons d’éducation rurales » (Landerziehungsheime), considérées comme les ancêtres des écoles de plein air, sont mises en place par Hermann Lietz, théoricien et pédagogue allemand. Ces travaux débouchent notamment en France sur la création par Edmond Demolins de l’École des roches (1898), premier internat rural français. Quelques années plus tard, en 1904, nait en Allemagne la première école de plein air, l’ «École de foret» à Charlottenburg. Au début de ce siècle, ces écoles vont se multiplier en Europe.

Colonies de vacances, fin du XIXeme siècle

Maisons d’éducation rurales,Landerziehungsheime, 1890

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En France, l’une d’entre elles a marqué son époque : l’École de plein air de Suresnes, construite en 1936 par Eugène Beaudouin et Marcel Lods suite à la volonté du maire de Suresnes Henri Sellier. Ce projet-manifeste labellisé «Patrimoine du XXéme siècle» en 2002 pose aujourd’hui des questions de réhabilitation. Si la ville a monté un dossier afin que l’école soit prise en charge par la mission de préservation du patrimoine, des projets de destruction pour laisser place à des logements sont aussi envisagés et la sauvegarde de ce bâtiment est remise en question. Nous allons nous demander en quoi la réhabilitation de l’école de plein air de Suresnes est un enjeu patrimonial et architectural Nous formulerons les hypothèses suivantes : - L’École de plein air de Suresnes est un bâtiment qui a marqué son époque et qui mérite de ne pas être abandonné. - L’école de plein air de Suresnes est toujours un support architectural innovant. - La réhabilitation de l’école de plein air de Suresnes peut être une manière de mettre en valeur de manière active son histoire.

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Après avoir effectué un historique des écoles de plein air, nous allons analyser l’École de plein air de Suresnes en nous appuyant sur des archives ainsi qu’une visite du bâtiment pour pouvoir en déceler les principes architecturaux, spatiaux, pédagogiques fort et innovants et établir une perspective d’avenir pour ce bâtiment.


1.L’École de plein air de Suresnes, marqueur innovant de son époque Le contexte historique de création de l’École de plein air de Suresnes permettra de montrer en quoi cette école est un véritable carrefour d’innovations, qu’il s’agisse d’innovation constructive, d’innovation politique et sociale, d’innovation pédagogique pour proposer une architecture au service de la pédagogie. 1.1 Contexte historique de création de l’École de plein air de Suresnes - Les courants hygiénistes, fonctionnaliste et solidariste, à l’origine des écoles de plein air

Antoine Lavoisier, (1743-1794) père du mouvement hygiéniste.

La mise en place de l’institution des écoles de plein air s’inscrit dans un triple mouvement : hygiéniste, fonctionnaliste et solidariste. Le XIXème siècle est un siècle qui marque un tournant dans la prise en compte de l’hygiène avec le mouvement hygiéniste. «Le XIXe siècle aura été le siècle de l’hygiène publique »1. Le courant hygiéniste prend son origine pendant le siècle des Lumières, notamment avec la révolution lavoisiene (1770) et se généralise avec les savants que sont Halé, Villermé, Pasteur : au point que « la science [soit] devenue un facteur déterminant de l’histoire »2 et que « Le XIXe siècle, avec la ville 1 Jorland G., (2010) Une société à soigner. Hygiène et salubrité publiques en France au XIXe siècle, Paris: Gallimard, collection «Bibliothèque des Histoires ». 2 Ibid. p.123

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industrielle qui fume, voit apparaître les notions de pureté de l’air et d’hygiénisme ». L’hygiénisme devient un paradigme qui se décline à de nombreux domaines, de la chimie à la médecine, de l’industrie à l’architecture. 3 Cependant de l’hygiène corporelle à l’hygiène morale au XIXème siècle, il n’y a qu’un pas très vite franchi à cette époque.

Sanatorium de Sancellemoze (1931)

Soin de la tuberculose par les rayons, Institut d’ actinologie du docteur Saidman. (1925)

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Le mouvement hygiéniste en architecture émerge au début du XXème siècle. Il est axé sur la recherche de solutions architecturales issues des connaissances acquises dans le domaine de la santé et porté par la volonté de lutter contre l’insalubrité des logements et le fléau que représentent à l’époque la tuberculose et les épidémies. Ce courant a notamment influencé l’architecture par la création de nouveaux programmes comme les sanatoriums ou encore les écoles de plein air. Il a aussi influencé les pratiques, et notamment l’enseignement de la médecine, les politiques de santé publiques, ou l’urbanisme. Avec la mise en place de statistiques médicales, on développe des stratégies curatives et des routines d’hygiène. On généralise l’approche préventive, on cherche à anticiper la maladie et à en détecter les premiers signes. « Sur le plan social et médical, il faut encore noter que les bains d’air et les “ bains de soleil“ sont pratiqués de manière thérapeutique dès 1855 et se généralisent avec les mouvements hygiénistes qui prônent l’exercice de plein air et le retour à des conditions de vie plus naturelles, jusqu’au développement de l’héliothérapie. 3 Bourdelais P., (2001), Les Hygiénistes, enjeux, modèles et pratiques, Paris: Belin.


On généralise aussi les principes de cures (eaux, soleil, air). »4 Alors que jusqu’à la fin du XIXe siècle, l’exposition directe au soleil était à éviter, elle va devenir, progressivement un élément de l’idéal hygiéniste5, faisant de toute architecture un sanatorium en puissance 6.Le mouvement hygiéniste est international. Les premiers essais ont lieu en Allemagne, en 1904, dans la banlieue de Berlin, puis aux Pays-Bas en Suisse en Espagne, en France, en Italie et aux Etats-Unis. La première école française est installée en 1906 près de Lyon.

Premier cours en plein air en ville, (1920) à l’école du bouvard Bessières, Paris.

Le courant fonctionnaliste est aussi mobilisé dans l’idée d’écoles de plein air. En Occident, le fonctionnalisme en architecture se définit comme l’adéquation de la forme à la fonction et donc l’aménagement de l’espace en fonction des usages prescrits : dès lors la forme des bâtiments doit être exclusivement l’expression de leur usage et de l’adaptation de la forme aux besoins humains. Louis H. Sullivan, dans la logique du « Form follows fonction » définit la fonction comme l’esprit de l’architecture ainsi :

4 Siret, D. Les sensations du soleil dans les théories architecturales et urbaines. De l’hygiénisme à la ville durable. in Beck, R. Krampl, U. Retaillaud-Bajac, E. Les cinq sens de la ville du Moyen Âge à nos jours, Presses universitaires François-Rabelais, P.3 5 Medici Tullio C. (2003), «La tuberculose et l’idéal de l’habitat moderne », Revue Médicale Suisse, N°552, 6 Cremnitzer J-B. (2005), Architecture et santé, le temps du sanatorium en France et en Europe, Paris, Picard,.

Louis H. Sullivan (1856-1924)

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«Il est une loi qui pénètre toutes les choses organiques et inorganiques, toutes les choses physiques et métaphysiques, toutes les choses humaines et toutes les choses surhumaines, toutes les manifestations de l’esprit, du cœur, de l’âme, que la vie est reconnaissable dans son expression du fait que la forme suit la fonction. Telle est la loi. » 7

Walter Gropius (1883-1969)

Si cette architecture fonctionnelle est ancrée sur les exigences de la vie quotidienne, elle est d’abord le seul fait des catégories sociales privilégiées, les classes populaires vivent alors dans des taudis ou des logements insalubres. Le Bauhaus avec W. Gropius prend en charge cette «question sociale » notamment issue des effets sociaux de la civilisation industrielle dans une logique fonctionnaliste : «pour réaliser un objet qui fonctionne bien –récipient, siège ou maison – il faut commencer par l’étudier avec soin, pour qu’il réponde pleinement à son but : qu’il remplisse sa fonction pratique, qu’il soit solide, bon marché et «beau» » 8 Le mouvement fonctionnaliste connaît son épanouissement au début du XXe siècle sous l’idée d’une architecture moderne qui subordonnerait les considérations artistiques à l’efficacité constructive, programmatique, utilitaire et sociale. La fonction correspond alors au programme de l’édifice et renvoyant à son usage, à son utilité sociale, censée s’extérioriser dans la forme donnée au bâtiment selon des degrés variés d’objectivité ou

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7 Sullivan Louis H (1896) - Considérations esthétiques sur la hauteur des bâtiments, cité in 8 Gropius W (1919) Manifeste du Bauhauus, cité in https://politiquedulogement.com/dictionnaire-du-logement/f/fonctionnalisme/


d’évocation symbolique9. Le solidarisme est une philosophie politique initiant les écoles de plein air À la fin du XIXe siècle, le libéralisme orthodoxe, fondé sur le primat du marché est confronté à la « question sociale » aux prises avec l’industrialisation et par le développement du capitalisme au moment où émerge le mouvement ouvrier. C’est dans le contexte de la recherche d’une voie médiane que le radical Léon Bourgeois théorise dans les années 1890 une nouvelle doctrine sociale, le solidarisme fondé sur le principe de solidarité entre les groupes. Léon Bourgeois partant de l’idée que les recherches scientifiques de Pasteur sur la contagion microbienne montrent l’interdépendance entre les hommes par-delà leur appartenance, affectée pour lui de manière identique par les maux biologiques et sociaux, suppose que l’individu naît en société et doit partager les ressources intellectuelles et matérielles. Les hommes sont interdépendants porteurs d’une dette les uns envers les autres et doivent être solidaires. « Le solidarisme dépasse cependant le simple constat d’une solidarité de fait entre les hommes, pour rechercher les moyens d’établir une solidarité de droit, fondée sur un principe d’obligation morale et juridique. »10

9 Voir à cet égard Thibault E. (2012). Motifs utilitaires et autonomie artistique: La forme architecturale et ses fonctions. Revue de Synthèse, Springer Verlag/Lavoisier, 2012, 133 (4), pp.477-494. 10 Delalande, N. (2008) «Le solidarisme de Léon Bourgeois, un socialisme libéral ? », La Vie des idées, 30 janvier 2008.

Léon Bourgeois, (1851-1925)

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La mise en place de l’institution des écoles de plein air s’inscrit ainsi dans une triple visée :

Ecole des roches, Preméire ecole de plein air en France (1907), Prés de Lyon

- hygiéniste : dans cette visée d’une politique sociale de prévention contre la tuberculose, lancée par les États et les municipalités au cours des premières décennies du XXème siècle, ce type d’école, qui doit sa création aussi bien à la médecine préventive qu’à des enjeux pédagogiques, est conçu pour permettre la scolarité des enfants chétifs appartenant aux couches sociales défavorisées de la population urbaine susceptibles de contracter la tuberculose. - Fonctionnaliste : l’école doit répondre aux besoins d’usagers, les élèves principalement et les instituteurs. - Solidariste : L’école de plein air est aussi une réalisation du solidarisme municipal inspirant une politique ambitieuse d’hygiène, d’éducation et de loisirs et de construction du commun. Toutes ses innovations, en plus d’être à l’ origine du programme de l’EPA de Suresnes vont influencer les pratiques au sein de cette école, et donc sa conception.

Ecole de plein air de Suresnes (1935)

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- L e s é c o l e s d e p l e i n a i r, c o m m e laboratoires pédagogique et champs d’expérimentation. Le voyage scolaire et les colonies de vacances scolaires sont deux initiatives médicopédagogiques s à l’origine du mouvement de l’enseignement de plein air le Suisse Rodolphe


Töpffer11, disciple de J.J. Rousseau, initie, durant la seconde moitié du XIXe siècle, des voyages scolaires, afin de rompre avec le rythme traditionnel de la classe en faisant vivre aux élèves une expérience inédite qui privilégie le contact direct avec la nature et qui offre prévention et protection en matière de santé, voyages qu’il décrit dans «Voyages en zigzag ». De même, la pratique de la colonie de vacances sorte d’«école nouvelle installée à la campagne pendant la période des vacances » se prêtent à la mise en pratique des principes de l’éducation nouvelle mais aussi en assumant un vrai rôle social « ni l’école ni la famille n’étant en mesure d’assurer la santé des individus nécessiteux, c’est la communauté qui s’en charge par le biais des colonies de vacances »12.

Ecole de forêt, Charlottenburg,1908

Les «écoles au soleil » en Suisse notamment s’inscrivent dans la même logique d’apport de soins médicaux et corporels pour les enfants souffrant de tuberculose qui bénéficient de cures de soleil et d’ enseignement conforme aux méthodes de l’éducation en plein air. Les médecins scolaires. En Allemagne est créée en 1908 la première «école de forêt » et dans le but de « fortifier l’organisme affaibli de l’enfant et de l’adolescent, afin de l’armer contre la maladie, grâce à un traitement thérapeutique hygiénique original à l’air pur, représente l’une des

11 Hoibian, O. (2003) « Les voyages en zigzag de Rodolphe Töpffer », Babel, 8, pp.57-70. 12 Houssaye, J. (1998) « Le centre de vacances et de loisirs prisonnier de la forme scolaire », Revue française de pédagogie, n? 25, oct.-nov., p. 02.

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priorités de la lutte contre la tuberculose »13.

La sieste dans la cour de récréation de l’école de plein air de Genève

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Au début XX e siècle, se multiplient en Europe les écoles de plein air grâce au financement des municipalités, des caisses des écoles et des associations. Ce fut le moment où on concilie d’un point de vue architectural les programmes médicaux et scolaires. L’école de plein air moderne se distingue des colonies de vacances ou des établissements antérieurs, par l’emploi d’une technologie pointe en matière de construction, de conditionnent de l’air et des techniques de chauffage. Il s’agit d’affronter une maladie contagieuse chez l’enfant la tuberculose 14 qui est alors, l’une des premières causes de décès chez les jeunes de 5 à 29 ans. L’usage de la streptomycine, salvatrice devra attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale. En attendant le traitement se borne à des prescriptions hygiénodiététiques alliant la vertu thérapeutique de l’air, du soleil et le repos, une bonne alimentation, une hygiène irréprochable. La contamination par le bacille tenait en autres à la promiscuité et l’air vicié des salles de classe souvent insalubres et la non-conformité des bâtiments scolaires en matière. Les écoles de plein air constituent donc, au début XXe siècle, un laboratoire expérimental autant pour les médecins que pour les pédagogues. 13 Vassiliki T. et Despina K. (2007) École de plein air et éducation nouvelle et limites d’une tentative au début du XXe siècle en Grèce: influences Dans Carrefours de l’éducation 2007/1 (n° 23), p.196 14 Châtelet A.-M., Lerch D., Luc J.-N. (éd.) (2003), L’école de plein air. Une expérience pédagogique et architecturale dans l’Europe du XXe siècle, Paris: Editions Recherches.


Dès lors, les écoles de plein air, à partir d’un socle commun de principes (cure d’air et de soleil, repos, propreté et bonne alimentation), se multiplient. Partie d’Allemagne, l’idée des écoles de plein air s’étend vers l’Autriche (création du pensionnat Freiwaldau), la Suisse (pensionnats Glarisegg et Grunau près de Zurich), l’Italie, les Garden City en Angleterre , et la France avec l’école primaire de Saint-Ouen, aux États-Unis, les espaces « semiouverts » réservés à l’enseignement. A ce parti-pris médical s’ajoutent des méthodes pédagogiques novatrices, celles de l’éducation nouvelle, la maladie imposant souplesse et adaptabilité des programmes, rythmes, méthodes rendues possibles aussi par le nombre réduit d’élèves. La pédagogie repose sur l’observation quotidienne et la participation active mais aussi la coéducation des deux sexes. Ecoles nouvelles et écoles de plein air partagent le souci du bien-être appuyé sur une nouvelle conception de l’espace scolaire, du cadre éducatif, des rythmes scolaires, des activités et des pratiques scolaires comme des laboratoires pédagogiques et des champs d’expérimentation. En 1931, les deux architectes proposent leur premier projet à Henri sellier. On peut déjà y lire des idées principales comme la recherche de l’ensoleillement ou des classes ouvertes et ouvrables sur l’extérieures. «Un maximum d’ensoleillement [...] le vitrage peut s’effacer intégralement [...] Une terrasse située devant les classes permettra le travail à l’extérieur les jours doux. » Ces considérations resteront jusqu’au projet final qui se compose de la façon suivante : au nord,

Uffculme Open-Air School, Birmingham, Royaume-Uni

Buitenschool, Leeuwarden, Pays-bas

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Photographie aerienne de l’Ecole de plein air de Suresnes.

et inscrit dans la topographie, une barre de deux étages comprend l’entrée, les dortoirs, le réfectoire ainsi que les classes maternelles. Des classespavillons sont disposées au sud pour suggérer une cour centrale. Les pavillons sont ouverts sur 3 cotés et les parois vitrées sont rétractables. Elles sont reliées par des galeries couvertes qui permettent aussi d’accéder aux solariums qui se trouvent sur le toit-terrasse des pavillons. Un de ses pavillons est un pavillon médical sur trois niveaux qui par sa position centrale permet aussi de gérer la topographie. Un pavillon hexagonal est relié à la maternelle et ouvrable sur ses 8 cotés. La conception même de l’école de Suresnes repose sur des principes constructifs innovants.

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Répartition programatique de l’Ecole de plein air de Suresnes.


1.2 Une innovation constructive

Cette innovation tient à l’ancrage topologique, aux circulations, aux seuils et limites, à la structure conçue pour l’Ecole de Suresnes. Le projet se sert de sa situation, le côteau sud du Mont Valérien, pour bénéficier d’un fort ensoleillement. Il s’inscrit dans la topographie du site. Un travail pointu d’harmonie avec cette topographie est effectué pour qu’elle rende service au projet. Les deux architectes l’utilisent pour délimiter les différents programmes ou l’espace des différentes cours. De plus, se place au Nord de la parcelle, sur la partie culminante une barre brisée. Si cette barre n’est jamais de même hauteur ou de même nombre d’étages, elle est toujours plus haute que tous les éléments se trouvant au Sud de celle-ci. Cette barre a deux fonctions. Elle permet de fermer la parcelle par rapport à la rue de la procession et aussi de se protéger des vents froids et dominants venant du Nord. (Voir schéma).Cette séparation se voit également grâce au travail de façades de cette barre. Côté Nord, la façade est très opaque, fermée. Les ouvertures signalent principalement les entrées. La façade Nord est revêtue de panneaux Contex (Plaques de béton vibré dans lequel sont pris des galets). Les panneaux viennent recouvrir les poteaux pour créer une façade homogène plus massive. La trame ne se lit que par les joints entre les panneaux Contex (Voir photo). Au sud, la façade est très ouverte. De grands pans vitrés recouvrent la quasi-totalité de la façade. Ils sont soulignés par une allège en brique recouverte par une plaque d’acier. La façade est posée au nu intérieur des poteaux qui

Schéma d’implantation de l’Ecole de plein air de Suresnes.

Façade nord de l’école de plain air. Les panneaux Contex

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Facade Sud / Facade Nord

sont donc visibles en façade (Voir photo). Cette différenciation fonctionnelle entre les deux façades est donc accentuée par un traitement et des matériaux différents. Ce traitement bicéphale se retrouve également dans les salles de classe où la façade nord est fermée et en panneaux Contex et les trois autres façades ouvertes avec la structure apparente. Dans sa composition, le bâtiment est une déformation d’un losange mais il induit un axe de symétrie fort dans lequel on trouve le pavillon central, centre médical.

Facade Nord

Facade Sud /

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La circulation a aussi été un point de travail important dans ce projet. Dans la barre, une bande de circulation traverse le bâtiment dans sa longueur. Elle relie les différents programmes et les circulations horizontales. La bande est généralement placée au Nord mais les architectes jouent avec celle-ci et la place côté sud pour en faire un filtre quand c’est nécessaire, comme pour les dortoirs. Cette bande de circulation se compose d’une simple ou d’une double épaisseur dans laquelle on trouve des rampes pour accéder au niveau supérieur. En effet, les architectes ont


préféré l’usage de rampes plutôt que d’escaliers pour les circulations des élèves. Les rampes facilitent les déplacements de groupe et favorisent la cohésion de groupe. Elle crée également une fluidité du bâtiment. L’accès aux classes se fait par la cour où une coursive relie l’aile droite et l’aile gauche de la barre en desservant les classes. Cette circulation se fait sur 2 niveaux. Elle distribue les classes et les solariums au niveau supérieur. La différence de niveau entre la partie ouest et la partie est faite que la distribution des solariums de la partie ouest est à la même hauteur que la distribution des salles de classe de la partie Est. La liaison entre ces deux circulations se fait par le pavillon central, le centre médical.

Maquette de l’Ecole de plein air de Suresnes.

Enfants rejoignant leur classe par la rampe.

Schéma de circulation de l’Ecole de plein air de Suresnes.

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Vue depuis l’intérieur du batiment principal (vers la cours)

Vue de la facade ouvrable du batiment principal.

Plan d’un pavillon-classe (schéma du sas d’entrée)

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Vue de la coursive a deux niveau et de la salle de classe

Les deux architectes ont aussi traité la question des seuils et des limites dans ce projet. Au nord, la limite est claire. Le bâtiment fait bloc et la façade est massive et linéaire. Les entrées sont soulignées par un porte-à-faux et une ouverture vitrée. Mais une fois à l’intérieur du bâtiment, les limites sont floutées. La grande présence d’ouvertures et les cloisons vitrées amovibles enrichissent cet effet. De plus, pour les façades donnant sur l’intérieur de la parcelle, la structure est décollée de la façade et la limite n’est pas claire. Le jeu avec les coursives favorisent également cette disparition claire d’une limite linéaire. L’intention est simple : si des limites extérieures sont claires et nettes, une fois à l’intérieur celles-ci sont floutées pour laisser place à une fluidité de parcours. Ce qui est symptomatique de la pédagogie proposée comme nous le verrons. Pour les pavillons-classes, un sas vestiaire et hygiène sert de seuil entre la cour de récréation et la classe. (Voir schéma) Ce sas se trouve au nord de chaque pavillon et son revêtement et similaire à celui de la façade nord en (panneaux contex). Il sert de délimitation entre deux moments, la récréation et l’enseignement. I permet de séparer clairement ces deux temps. Une fois dans la salle de classe, le mur nord sert de mur du fond tandis que les trois autres sont vitrés pour permettre une ouverture sur la nature et surtout un apport de lumière très important. Le seuil est également marqué par une différenciation de matériaux au sol.


Ce bâtiment est également innovant par sa structure. En effet, la structure a été pensée en collaboration avec Jean Prouvé, et on peut y lire les prémices de la préfabrication. Le projet était initialement prévu en béton, mais Lods et Beaudouin se sont inspirés de leurs projets en cours, la cité du Champ des Oiseaux à Bagneux et la cité de la Muette à Drancy, premiers logements collectifs préfabriqués et en structure métallique. Les deux architectes se servent de ces chantiers pour enrichir la conception de l’école de plein air. L’Ecole de plein air est donc construite sur un système poteaux/ poutres en métal. La structure métallique sera à la fois un moyen de rationaliser la construction, mais aussi d’ouvrir le bâtiment sur de plus grandes surfaces et ainsi d’augmenter les apports de lumière. Le bâtiment suit une trame de 4,10 m par 7 m pour la plus grande partie du bâtiment (quelques exceptions ont lieu aux biais de la barre notamment). La mise en place du système Contex est aussi un héritage d’un autre chantier, à Bagneux. Mais l’une des parties les plus innovantes dans la conception architecturale, c’est la prise en compte des pédagogies nouvelles dans la création d’espaces. En termes de qualités d’usage, la recherche de lumière et la structure qui permet de grands espaces modulaires créé des pièces agréables lumineuses et ouvertes sur la nature. De plus, l’école a été conçue pour être le support d’une pédagogie nouvelle relayant un champ d’expérimentations politiques et sociales.

Photographie de chantier (Pavillon octogonal)

Photographie de chantier (appartements de fonctions)

Extrait de plan de charpente métallique de la maternelle.

Photographie de chantier (Maternelle)

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1.3 Un champ d’expérimentations politiques et sociales A plusieurs titres l’école de Suresnes est une innovation politique et sociale : D’abord par son ancrage dans une politique d’urbanisme social chère à Henri Sellier. Ensuite parce qu’elle est un support territorial de santé publique. Enfin par la construction d’une communauté éducative.

Henri Sellier (1883-1943)

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Si le projet d’école de plein-air émerge à Suresnes, c’est grâce à la politique d’urbanisme social développée par son maire Henri Sellier. Henri Sellier est un des acteurs significatifs de l’urbanisme en France sous la Troisième République. Conseiller général socialiste de la Seine (1910-1941), conseiller municipal de Puteaux (1912-1919) maire de Suresnes (19191941), Henri Sellier (1883-1943) est l’un des fondateurs de l’urbanisme social en France qui, selon ses propres mots, «se doit d’organiser un meilleur aménagement de l’humanité, vers un niveau de lumière, de joie et de santé, un meilleur rendement économique » 15. C’est un militant réformisme inspiré par les socialistes utopiques [ Charles Fourier (1772-1837), Ange Guépin (18051873), Jean-Baptiste Godin (1817-1888) et, plus en aval, par Léon Bourgeois (1851-1925), Jean Jaurès (1859-1914) et Jules-Louis Breton (187215 Collectif (2013) IMAGES, LETTRES ET SONS Presses de Sciences Po | «Vingtième Siècle. Revue d’histoire » 2013/4 N° 120 | pages 152 à 163 P.153


1940), ] mais aussi un pragmatique qui initie une nouvelle politique «municipaliste » qui fait de l’action locale et quotidienne un levier potentiel de réforme sociale. Emile Vandervel, ministre belge de la Santé disait de son homologue Henri Sellier en 1936 «Il est beaucoup de hautes consciences qui, devant l’évidence des faits, sont parties de la médecine pour aboutir au socialisme. Nous avons, Henri Sellier et moi, parcouru la route inverse : du socialisme au social ».16 C’est aussi un acteur de la création d’une communauté internationale de savoirs sur la ville. Il crée d’ailleurs en 1915 l’Office public des habitations à bon marché (HBM) de la Seine et, en 1919, avec Marcel Poëte, l’École des hautes études urbaines 17. Pour répondre à la crise du logement causée par l’industrialisation et l’exode rural, cet Office prévoit la construction d’une dizaine de «cités-jardins du Grand Paris»: Suresnes, Boulogne, Champigny-sur-Marne, CharentonLe-Pont, Châtenay-Malabry. Sellier aura un rôle pionner dans la promotion des cités-jardins pour la satisfaction des besoins les plus immédiats des ouvriers et populations paupérisées. Sellier prend connaissance, dans l’immédiat avantguerre, des exemples étrangers diffusés dans les revues et les dans le but d’améliorer le cadre et les conditions de vie des habitants du département 16 Murard, L., Zylberman P., (2011) Du pain pour les chômeurs, des roses pour les enfants, Presses de Sciences Po | «Les Tribunes de la santé » 2011/4 n° 33 | p. 45. 17 Frioux, S. (2013) HENRI SELLIER Un maire au service de la circulation des savoirs sur et pour la ville – 1919-1939, Société française d’histoire urbaine | «Histoire urbaine » 2013/2 n° 37 | pages 107 à 123

Plans des cités jardins dans Paris (En rouge le mont Valérien)

Plans de la cité-jardins d’Aubervilliers

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La cité-jardins de Suresnes d’Henri sellier (1919)

La cité-jardins de Suresnes d’Henri sellier (1919)

La cité-jardins de Suresnes d’Henri sellier (1919)

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de la Seine, et particulièrement des banlieues les plus défavorisées. «Henri Sellier, comme tous les promoteurs du logement social, en particulier au sein du mouvement HBM, voyait dans la possession en pleine propriété des pavillons construits dans les cités-jardins, la meilleure façon pour les classes populaires de se protéger contre les aléas de la vie »18. Sellier écrit «Les plans d’extension adoptés comportent une distinction de principe entre les rues de circulation et les rues d’habitation. On peut ainsi créer des jardins, des cours et construire des habitations bien aérées et bien ensoleillées [...]. Dans les quartiers destinés à l’habitation, il n’est pas admis d’industries et le nombre des étageS est limité. » 19 La cité-jardin est pensée comme la forme urbaine idéale, union des bienfaits de la ville et de la campagne dans une optique de pragmatisme et d’adaptabilité. Le projet est d’améliorer le cadre et les conditions de vie des habitants du département de la Seine, et particulièrement des banlieues les plus défavorisées. Outre le développement des habitations à bon marché, Sellier mise sur la construction d’équipements en ville, des équipements sanitaires, sportifs et culturels (centre culturel, piscine,) ce qui montre l’importance accordée par Henri Sellier aux activités culturelles et artistiques qui se retrouveront dans l’école de Suresnes.Pendant les années 1930, l’instruction publique représente près d’un tiers du budget 18 Voldman, D. (2013) Les modèles urbains d’Henri Sellier et leur mise en œuvre À l›Office départemental d›HBM de la Seine Histoire urbaine 2013/2 (n° 37), pp 95 à 106 19 Sellier ; H. (1998) Une cité pour tous Une cité pour tous, Suresnes: éditions du Linteau, p. 58.


municipal de Suresnes, l’éducation étant pensée comme à la fois intellectuelle et physique, culturelle. L’école de Suresnes est bien une émanation de ce projet de d’urbanisme social porté par une volonté de solidarité sociale, caractéristique des rapprochements qui peuvent être faits entre les choix techniques et la structuration sociopolitique locale : pour Bernard Barraqué 20, « l’école de plein air de Suresnes réunit un projet architectural porté par Marcel Lods et un projet social porté par Henri Sellier d’une façon qui donne à penser que la démarche urbaniste est indissociable d’une nouvelle façon qu’a la société de se regarder ellemême et de penser le politique ». Ici, il s’agit de permettre aux enfants malades, vivant souvent dans des logements insalubres et fréquemment de milieu populaire d’être scolarisés dans une école adaptée à leurs besoins. C’est aussi l’idée de permettre à toutes les catégories scolarisées d’avoir accès à des activités culturelles et sportives [gymnastique quotidienne, promenade natation (accès à la piscine des cités-jardins), visite de musée, peinture, arts, dessins, classe de neige, jardinage]. C’est aussi la mixité de l’établissement et la scolarisation avant l’age obligatoire. Remis dans le contexte de l’époque, d’une forme scolaire fermée, ségrégative et non mixte, le projet est particulièrement innovant socialement et politiquement.

20 Barraqué, B. (1987) «L’école de plein air de Suresnes, symbole d’un projet de réforme sociale par l’espace ? », in Katherine Burlen (sous la dir.), La Banlieue oasis, Henri Sellier et les cités jardins, 1900-1940, Saint-Denis: P.U.V. p 22.

Eugéne Beaubouin et Marcel Lods, Architectes de l’école de plein air de Suresnes

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L’école est aussi est un instrument territorial de santé publique. La volonté d’l’amélioration physique (hygiénique, urbanistique) du cadre urbain porté par Sellier se traduit par ses relations avec les hygiénistes et les ingénieurs sanitaires engagés depuis le début du siècle dans une lutte pour obtenir des marchés dans les projets d’assainissement des villes. Très tôt, Henri Sellier veut favoriser le confort et la santé de ses concitoyens probablement parce quil a lui-même contracté la tuberculose. Les Offices Publics d’Habitations à Bon Marché ont pour objet l’aménagement, la construction et la gestion d’immeubles salubres, l’assainissement des maisons existantes, la création de cités-jardins et de jardins ouvriers. « L’’inquiétude hygiéniste (certains parlent d’obsession) issue du XIXe siècle, et qui apporta une sorte de gage de scientificité au mouvement urbaniste, prend corps à travers une pratique informative qui amène Sellier à ne rien oublier ni abandonner de ses implications successives »21. A Suresnes, celui-ci innove en matière de logements, dans un souci d’hygiène et de confort et il organise une «défense sanitaire » dès l’enfance, crée les lieux et les moyens d’une éducation pour tous les âges. Il croit dans les vertus civilisatrices de l’hygiène. On trouve sur les affiches électorales de Suresnes lors des municipales de 1925, « pense à ton enfant et vote pour les socialistes de la liste H. Sellier ».

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21 Coudroy de Lille, L. (2013) Henri Sellier 1883-1943 ou la cause des villes, retour sur un engagement en urbanisme Histoire urbaine 2013/2 (n° 37), p.28.


L’école de plein-air de Suresnes fera donc partie de ce programme hygiéniste de santé publique censé prévenir ou guérir de la tuberculose, d’anémie ou du rachitisme ,pour bénéficier de traitement héliocentrique avec un règlement sanitaire très sévère, associant vaccination, propreté, cure de soleil sur une terasse solarium, cure de « bon air » , accès à la nature , distribution de lait, douches, sieste, classes de « verdure » et d’oxygénation , des cures « de calme » excursions, visites au zoo, plantations « Dans les écoles de plein air, celle de Suresnes(…) s’alignent le long des murailles ripolinées plusieurs centaines de vitrines étiquetées du nom des familles. Limes, grattoirs, brosses, étuis : «Les opérateurs sont là, en blouse blanche, attendant leur clientèle obligatoire et délivrant à la fin du traitement le bon qui justifiera du passage dans le service. » Vrai, chaque enfant doit passer «à la douche tous les huit jours, à la visite dentaire et médicale tous les mois, même chez le pédicure».22 Les visites médicales régulières sont obligatoires, dans un souci de prévention autant que curatif. La douche quotidienne le brossage des dents, l’activité physique, sont imposée, les repas contrôlés. le service médical est constitué de la présence régulière d’un médecin scolaire, d’une infirmière à plein temps, de prises en charge orthophoniques et kinesthésiques, de soins de l’éducation spécialisées, de séances avec une assistante sociale, de soins adaptés selon le type de pathologie (amblyopes, malentendants, 22 Collectif, Christ dans les banlieues, Enquête sur la vie religieuse dans les milieux ouvriers de la banlieue de Paris, Paris, Plon, 192

Séance d’éxposition aux rayons du soleil ainsi qu’au plein air pour les élèves de l’école de plein air de Suresnes

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malvoyants..) la prise en compte de la fatigabilité des élèves.Le souci du confort avec un mobilier adapté, des petits effectifs de classe , un emploi du temps adapté est aussi considéré. L’espace est pensé pour le confort des usagers : ensoleillés, aérés, chauffés correctement par les systèmes multiples (radiateurs, planchers chauffant, plafonds chauffants radiateur paraboliques.) Bain obligatoire pour les élèves de l’école de plein air de Suresnes

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Bain obligatoire pour les élèves de l’école de plein air de Suresnes

Le projet repose enfin sur la construction d’une communauté éducative autour de l’enfant. D’abord les enfants malades, puis handicapés, mais aussi souvent les fratries et les enfants de environs. Dans « souvenir de la maison de verre, Simone la Capeyre, une institutrice de l’école présente l’école de plein air de Suresnes comme le lieu d’une communauté éducative : L’une des idées c’est dit-elle que nos enfants ont des parents : Les parents sont donc associés à la vie d’élèves. Se combinent une mixité de genre, une certaine mixité sociale, et une organisation médicoéducative de prises en charge où se côtoient psychologue, psychothérapeute, psychomotricien, orthophoniste, rééducateur et enseignants dans une visée d’adaptation de l’école aux besoins des élèves grâce à l’avancement des techniques orientées comme des méthodes modernes et rationelles d’éducation Les collègues les amis les proches les professeurs les élus locaux sont régulièrement invités. Les enseignants sont des disciples de Freinet et de la coopération à l’école. La visée est celle de la prise en compte globale des sujets; Sellier écrit «Le développement de l’enseignement, l’organisation de l’école unique,


ont de raison d’être que s’ils visent à dégager chez l’individu les qualités qui peuvent aboutir à lui donner dans la société la situation la plus favorable et la possibilité d’exercer ses aptitudes innées et acquises dans les meilleures conditions pour luimême. » Emancipation sociale et épanouissement sont donc les maîtres-mots de l’école, même si certaines dérivent d’une organisation un peu militaire de la prévention et surtout d’hygiénisme social23 où la famille ouvrière doit être protégée mais aussi, à surveiller voire régentée comme Michel Foucault le montrera dans « Surveiller et punir » 24 et l’émergence d’un pouvoir biomédical. Le projet de l’école de Suresnes repose sur l’idée de susciter une éducation nouvelle par la disposition des locaux par les aménagements et par l’organisation matérielle de la vie à l’école. C’est un laboratoire de pédagogie nouvelle. 1.4 Un laboratoire pédagogique L’originalité de l’école tient dans son programme éducatif au point qu’un inspecteur d’académie la qualifia à l’époque d’un « véritable champ d’expériences pédagogiques.». Son programme est officiellement défini ainsi « L’école met en œuvre des méthodes actives l’apprentissage de l’autonomie le rapprochement entre le maître et les 23 Aurez-vous, Monsieur le ministre, une politique de la natalité ? », Interrogeait le magazine Guérir à l’orée du Front populaire. «Je suis, répondait H. Sellier, pour une politique d’eugénisme, 79. Guérir, 15 juillet 1936. 24 Foucault, M. (1975) Surveiller et punir. Paris: Gallimard

Un pavillon-classe ouvert

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élèves l’exploitation pédagogique du milieu naturel et de l’environnement l’ouverture scolaire avec des sorties multiples et des activités physiques (gymnastique promenade jeu jardinage travaux manuels) » 25 Si l’école est pédagogiquement innovante c’est qu’elle met en œuvre les principes de la pédagogie nouvelle, favorise une certaine mixité et des professeurs qui s’engagent dans une nouvelle démarche. L’école mettre en œuvre les principes de la pédagogie nouvelle en rupture avec la forme scolaire classique et une politique de mixité très innovante pour l’époque.

Elèves sur une passerelle transportant leur transats en aluminium pour rentrer d’un séance de bain de soleil sur les solariums.

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L’école de Suresnes rompt la forme scolaire. Le modèle scolaire classique est décrit par Guy Vincent26 la qualifiant de «forme scolaire » Celleci s’articule autour d’un espace (la classe qui est un « univers séparé pour l’enfance »), d’un temps (organisé par les savoirs à transmettre) et d’un professionnel en charge de cette transmission. Le caractère unilatéral et hiérarchique que prend cette forme scolaire tend à favoriser une position passive de l’apprenant. Il s’agit d’une transmission verticale entre un professeur devant son tableau qui par un cours magistral transmet des connaissances définies par le programme et une morale commune imposées sans discussion. Cette forme scolaire

25 Archives de l’école de Suresnes 26 Vincent G., (1994) L’Éducation prisonnière de la forme scolaire ? Scolarisation et socialisation dans les sociétés industrielles, Lyon: Presses Universitaires de Lyon.


est selon Maulini et Perrenoud 27, une «forme sociale». Ils évoquent un contrat didactique entre formateur et apprenant autour du primat de l’ordre, de la sanction, de l’autorité souvent de type autoritariste, de la règle, du « refoulement des émotions ». Cette « forme scolaire »privilégie certains savoirs (calcul, lecture) et en néglige d’autres (art, cuisine, etc.). Au principe de la forme scolaire, il y a le regroupement contraint des enfants dans un «bâtiment d’école ». La clôture du monde scolaire évoque celle du cloître. Normalisée et centralisée sur la parole du maître, la salle est pensée comme lieu unique d’accès au savoir : la pédagogie frontale y est spatialement exprimée par l’estrade, par l’orientation hiérarchique des regards vers le tableau et le professeur, par un espace de parole sacralisé. A l’immobilité relative des élèves s’oppose la relative mobilité du corps de l’enseignant. Par opposition à la forme scolaire classique, la pédagogie de l’école de Suresnes est tournée vers l’apprentissage de la vie en groupe, de démarches plus actives, axé sur la responsabilisation et l’autonomie des élèves, pensés comme sujets. Au-delà de la stricte instruction, les actions éducatives sont orientées vers les savoir-faire et les savoir-être. En plus des différences sur le plan des contenus, l’école de Suresnes se distingue sur le plan des méthodes. Les activités sont pluridisciplinaires. Le rapport du 10 juillet 27 Maulini O. & Montandon C. (2005) (dir.), Les formes de l’éducation: Variété et variations, Bruxelles: De Boeck Supérieur.

Salle de classe «classique» 1930

Pavillon Hexagonal de l’école de Suresnes 1930

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1931 définit le programme de l’école ainsi : «un entraînement systématique à la vie de plein air soutenu par une diététique appropriée, la pratique de la cure héliothérapeutique (…) et les procédés actives de pédagogie contemporaine sans parti pris d’école en pleine liberté d’expérimentation » 28 S’inspirant des pédagogues de l’Éducation nouvelle, la vie scolaire privilégie la participation. Par exemple, l’institutrice disait dans ses cours : «si vous avez une idée ne levez pas la main pour que je vous dise qu’est-ce que tu veux me dire ? Vous vous levez, vous me donnez l’idée ; parce que l’idée part trop vite. Donc on s’amusait pendant les cours, on était très libre on avait une plus grande liberté, une plus grande forme de liberté que dans les écoles. »29

Les élèves ont initiation au jardinage l’école de plein air de Suresnes

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La coopérative scolaire formé par les délégués élèves élus de chaque classe participe à l’organisation et la vie de l’école : pour l’achat de matériel particulier (comme four de potier tambourin, guitare, etc.), pour l’organisation de sorties et visites éducatives (musée, visite de jardins, de zoo, excursions) par la possibilité de donner son avis (sur les menus du restaurant scolaire, sur la chambre des plantes à faire pousser dans le jardin, etc.). Chaque mois une réunion de la coopérative est organisée et les délégués rendent compte à leurs camarades en classe. La logique de la pédagogie Freinet est ici mise en œuvre. Les apprentissages sont envisagés dans l’interaction entre adultes et enfants. La même maîtresse suit 28 29

Archives école de Suresnes Archives école de Suresnes


les élèves de classe en classe. Les institutrices mangeaient avec les élèves et les enfants se servent eux-mêmes. Les valeurs, qui dans la forme scolaire classique s’enseigne par l’imposition naîtssent ici de la vie en commun dans de vastes espaces libres (et non dans une classe ou une cour étroite), dégagées de la tutelle permanente du maître. Les enfants apprennent aussi d’euxmêmes et entre eux, développant alors solidarité et initiative dans un espace naturel et réel, à l’opposé de l’école ordinaire.

Cours de yoga à l’école de plein air de Suresnes

Les activités ne sont pas abstraites mais invitent à manipuler. Comme l’écrit Nathalie Roucous, il ne s’agit pas de mettre l’éducation dans une forme « mais de donner une forme à un espace et un temps pour que des activités de jeu et de loisir puissent s’y épanouir, et ce faisant de favoriser de l’informel en matière d’éducation »30. Il y avait des classes de verdure et très tôt des classes de mer ou de neige. Les activités sont pluridisciplinaires. Voici des extraits d’entretiens avec des anciennes élèves. « Moi j’ai trouvé cette école formidable j’en ai un très très bon souvenir !… On nous sortait aussi pour aller visiter des musées, on allait au stade. Moi j’y suis allée pour faire de la gymnastique rythmique… ces choses que l’on faisait là et que l’on ne pouvait pas faire ailleurs »31 Madame Guillon ancienne élève à l’école de plein air explique «j’avais appris à peindre à dessiner, à danser, à m’exprimer. (…) On faisait du théâtre 30 Roucous N., «Les loisirs de l’enfant ou le défi de l’éducation informelle » in Revue française de pédagogie, 60 | 2007, pp. 68. 31 Archives école de Suresnes

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il y avait des élèves qui prenaient des cours de peinture ou de danse avec Irène Popart. Je prenais des cours de danse avec son assistante et moi le dimanche j’allais en représentation. Je faisais partie de ces ballets et je fais beaucoup d’heures (…) C’était une école qui était très bien pour développer le plan artistique »32. Le rythme scolaire des enfants est adapté à leur maladie mais aussi à leur épanouissement et donc une certaine individuation des apprentissages est une des visées de l’école.

Utilisation d’un globe terrestre de trés grande taille pour faire comprendre la géographie (apprentissage par la pratique)

Une ancienne institutrice de l’école explique «Ce n’est pas un hôpital. C’est une école et elle doit appliquer un programme officiel mais le niveau et les aptitudes sont si divers que nous devions individualiser les apprentissages, (…) organiser les groupes de niveaux en arithmétique ou en orthographe. Le travail était plus collectif pour l’histoire, la géographie, les sciences, comme dans les écoles Decroly et une place importante été donnée à l’observation et l’expression personnelle, l’observation de la nature en particulier avec un effet épanouissant (…) Toutes les activités d’expression était aussi importante que les autres apprentissage puisque nous voulions donner à chaque enfant le moyen de s’exprimer de la façon qui lui convenait le mieux et la possibilité d’être à ses propres yeux et à ceux de ses égaux très valable en quelque chose. »33 Le rythme de vie est adapté aux enfants et à leurs problèmes de santé L’emploi du temps avait des

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Archives école de Suresnes Archives école de Suresnes


alternances de travail, repos, exercice physique, douche avec un grand bassin, moment de calme et de silence, sieste obligatoire. Enfin, l’école est un lieu de mixité sociale et sexuelle. A l’époque la forme scolaire classique est non mixte. « Dans notre classe, explique une ancienne élèves, c’était mixte parce que quand j’étais dans l’école Édouard Vaillant il y avait le côté garçon le côté fille tandis que là c’était dans la même classe et puis ça se passait bien c’était mixte de l’école primaire. »34 À son ouverture l’école accueille 211 élèves choisis parmi les plus fragiles par le service de l’inspection médicale scolaire. Au début elle est exclusivement réservée aux enfants de la commune puis peu les enfants de la fratrie sont intégrés et les enfants des communes limitrophes. Une Politique de scolarisation en amont et en aval de l’âge obligatoire est mise en œuvre en 1931: les maternelles scolarisent 40 % des enfants de deux à six ans. La mixité sociale y est beaucoup plus prégnante que dans les écoles ségréguées ordinaires. L’école est aussi un lieu d’inclusion puisque dans toutes les classes il y avait des enfants souffrants de handicap physique ou de déficience intellectuelle des enfants malades. Les maîtres ne sont pas désignés par leurs diplômes ou par une longue expérience, mais une préparation spéciale est nécessaire. La vocation est nécessaire car l’école de plein air demande une disponibilité qui dépasse les intérêts personnels. Mais il faut aussi parier sur l’éducabilité de tous les enfants L’école de plein air fait confiance à l’enfant. il faut avoir des connaissances sur 34

Archives école de Suresnes

Les enfants jouent en pleine nature

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la nature psycho-physiologique de l’enfant. A ces connaissances s’ajoute une préparation professionnelle avec un apprentissage dans les classes où ces techniques sont appliquées et une pratique du dessin, du modelage, du tissage … pour être en état de l’enseigner soi-même, ainsi que des techniques pour le libre développement de l’enfant (dans la lignée des écoles Montessori ,Decroly, Freinet …). A une école différente répond une architecture adaptée. Grand préau ouvert pour les maternelles

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1.5 Une architecture au service de la pédagogie L’école de Suresnes est caractérisée par trois points centraux qui marquent l’adaptation de la forme à sa fonction pédagogique : une conception spatiale atypique de l’école comme de la classe centrée sur la pédagogie nouvelle, une architecture marquée par la flexibilité et la mobilité, une architecture ouverte marquée par l’hygiénisme et la recherche de bien-être. Si l’architecture est innovante et atypique, c’est qu’elle est conçue dans la logique de la pédagogie nouvelle en rupture avec la forme scolaire classique Les premiers standards architecturaux de l‘école moderne celle de l’empire repris par la IIIème république sont fondée sur une sanctuarisation de l’espace de transmission de savoir : la distribution spatiale de l’école s’organise à partir d’un volume rectangulaire dont les couloirs rectilignes, distribuant un ensemble de classes en sont les artères. 35 Historiquement, il y a une proximité architecturale et conceptuelle entre la prison, la caserne et la forme scolaire traditionnelle : l’archétype en était le lycée à la française. Le développement d’un sentiment d’obligation et d’un système d’autocontraintes intériorisées par la socialisation passe par le dispositif de sécurité et de contrôle de l’espace-temps scolaire. L’architecture publique a la fonction de rendre manifestes des valeurs collectives. Ce type d’établissements caractéristiques de la forme scolaire classique est concomitant de la construction des Etats-nations, 35 Le Cœur M. (2001), « La chaire et les gradins », Histoire de l’éducation [En ligne], 130 | 2011, URL: http://histoire-education.revues.org/2331

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de la volonté hygiéniste de construire d’ « Un » savoir pour « Une » Nation. Le bâtiment scolaire y devient éducateur et les principes architecturaux sont organisés autour des valeurs d’ordre, de discipline, matérialisés par des volumes austères dans une écriture fonctionnaliste inspirés des théories rationalistes de Jules Ferry36.

Plan d’une salle de classe «classique» 1930

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Trois textes règlementaires en 1861, 1881 et 1891 définissent avec exactitude un ensemble de paramètres comme par exemple : les fenêtres mesurent 1m20, elles sont espacées de 1m80 pour une salle de 6m de long soit 2 fenêtres et 2 espaces, pour 6m à 7m50 de large en fonction du type de bâtiment. En 1891, les salles ne doivent pas dépasser 35 élèves, pour 40 mètres carrée avec 5m de haut (sauf pour «Paris et les grandes villes des départements » où il est autorisé d’avoir 45 élèves) et un mètre carré et demi pour chaque élève (espace enseignant et de circulation entre les élèves compris), avec un éclairage de face (1861), unilatéral (1881) et venant de la gauche (1891) 37. L’architecture scolaire s’inspirait il y a un siècle à la fois de l’architecture industrielle pour son éclairage, et de celle des couvents pour la surveillance. Normalisée et centralisée sur la parole du maître, la salle est pensée comme lieu unique d’accès au savoir : la pédagogie frontale y est spatialement exprimée par l’estrade, par 36 . Mazalto M. et Paltrinieri L., (2013) «Les espaces scolaires », Revue internationale d’éducation de Sèvres, décembre 2013, no 64 37 Laurent Jeannin, « La mobilité, clé de nouvelles pratiques ? », Éducation et socialisation [En ligne], 43 | 2017, mis en ligne le 01 février 2017, consulté le 18 mai 2019. URL: http://journals.openedition.org/edso/1950 ; DOI: 10.4000/edso.1950


l’orientation hiérarchique des regards vers le tableau et le professeur, par un espace de parole sacralisé. A Suresnes, la facture est très «moderniste »et se distingue par son système constructif nouveau (structure métallique, système poteaux/poutres, parois vitrées et entièrement rétractables des pavillons…) adapté à la fonction pédagogique du lieu en résonnance avec les pédagogies nouvelles.La surface moyenne par élève est beaucoup importante : entre 2m² et 6m² (En comptant les salles de classes de verdure et la terrasse extérieure) Le nombre d’élèves par classe est de 20 à 25. La salle de classe n’est pas figée. Dans la classe hexagonale, le professeur n’est pas devant un tableau face à un mur, mais les sièges et bureaux des élèves sont installés en cercle, facilitant la circulation de la parole. Le tableau central est rotatif. Dans les autres classes le tableau noir ainsi que le pupitre du maître sont disposés contre la seule paroi opaque en maçonnerie. Les autres murs sont rétractables. Leurs dimensions sont de 8,80 x 6,00 m ; leur hauteur de 5,00 m. Chaque pavillon a trois côtés vitrés (sud, est et ouest) intégralement ouvrables par des portes en accordéon. Ils sont chauffés par le sol, sous le dallage de quartzite, par un chauffage à air chaud qui remonte le long des parois vitrées par des bouches situées sur le pourtour des pavillons. Les salles de classes étaient prévues de forme triangulaire, une pointe vers le sud, le mur nord étant fermé, tandis que les deux autres murs sont vitrés et les espaces laissés entre chaque classe. Devant chaque classe, un espace ombragé

Plan d’une Unité d’enseignement de l’Epa de Suresnes 1930

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est destiné à l’enseignement de plein air et une «classe de verdure» (espace de terre plan signifié par un bosquet, dans le parc. Relié à la maternelle, se trouve un pavillon octogonal. L’ouverture, la mobilité et la flexibilité sont les maîtres-mots de l’école de Suresnes. Les classes organisées en huit pavillons indépendants intégrées dans l’espace paysager. Elles sont reliées par deux galeries couvertes, qui partent respectivement des deux ailes du bâtiment des services collectifs et convergent vers le pavillon de l’infirmerie. Les galeries permettent également la circulation à l’étage supérieur. Chaque classe est sertie dans un assemblage de ciel, de plantes et un minimum de murs « Pour ce qui concerne l’Ecole de plein air de Suresnes, les parois totalement vitrées au travers desquelles on voit les arbres et la prairie vivre et se modifier au cours des saisons, les classes encadrées de verdure et de fleurs où on sait, de visu, le temps qu’il fait et l’aspect du ciel et d’où on observe très bien les oiseaux, tout cet environnement savamment naturel donne aux classes un climat de paix, d’équilibre et de joie sereine » 38 explique une ancienne institutrice. L es fenêtres et les portes ont des châssis métalliques, des vitrages simples qui coulissent horizontalement.

Les architectes utilisent avec finesse la topographie, pour s’en servir de limites par exemple, et pouvoir en faire une opportunité plutôt qu’une contrainte.

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38 Lacapère S. (1978) --Souvenirs de la maison de verre: l’école de plein air de Suresnes, communauté éducative Edictions.


Le mobilier est spécifique, léger et innovant. Les architectes Beaudouin et Lods ont étudié le mobilier scolaire pour répondre aux préoccupations d’une école de plein air : arriver à concilier l’hygiène et le confort. Les architectes ont employé un alliage d’aluminium, l’almasilium, pour obtenir un mobilier plus léger, robuste, pratiquement inoxydable et susceptible de résister aux intempéries. Dès lors les tables et la chaise peuvent être sorties à l’extérieur, soit sur les terrasses devant les salles soit dans la Salle de classe extérieure. Les tables des maternelles sont produites par la société suresnoise des Ateliers Mécaniques la «Gallia »qui réalise aussi les meubles de bureau et les lits de repos. Jean Prouvé avait d’ailleurs participé à la conception du mobilier scolaire en créant même des prototypes, mais n’est finalement pas retenu pour sa réalisation. Ces mobiliers sont aussi pensés en aluminium pour permettre aux enfants de les déplacer à leur guise lors de leurs changements de classe.

Chaise en bois et aluminium pour étre facilement transportée

Elément de patrimoine et de mémoire collective, tant au titre de son architecture innovante que des pédagogies inspirées de Freinet, Dewey, Montessori et autres pédagogies nouvelles, l’école de Suresnes méritait de ne pas être abandonnée. Depuis 1965, l’école est inscrite à l’Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques et a fait l’objet d’une réhabilitation partielle dirigée par Martine Lods, fille de l’architecte et Alain Rivière. Elle est classée Patrimoine du XXème siècle depuis le 24 avril 2002. Jean Houssaye la qualifie d’ « échec fécond » car malgré des limites, elle demeure un support architectural toujours innovant.

Table en bois et aluminium pour étre facilement transportée

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COMPARAISON ENTRE UNE UNITÉ D’ENSEIGNEMENT CLASSIQUE DE 1930 ET CELLE DE L’EPA DE SURENES Une unité d’enseignement de L’EPA de Suresnes

Une unité d’enseignement classique de 1930

Surface

Min 53m² (106m² + solariums + classe de verdure) [Quasi-illimité]

≈ 100m²

Hauteur

5 m de haut

5 m de haut (Sauf pour Paris et les grandes villes)

Nombre d’élèves

≈ 20 à 25 élèves

≈ 50 élèves

3 cotés entièrement vitrés et ouvrables (Sud/Est/Ouest) [Extremement lumineux]

Mono-orienté Fenêtre haute [Peu lumineux]

Structure

Poteaux porteur [Facade libre]

Mur en pierre porteur [Facade porteuse]

Mobilier

Léger, transportable

Lourd, fixe

Nouvelle (et parfois classique)

Uniquement classique

Ouvertures sur l’exterieur

Pédagogie Plan d’une unité d’enseignement

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2.L’école de plein air de Suresnes, un support architectural toujours innovant malgré des limites Innovante à son époque par ses principes et sa conception, l’école de Suresnes demeure aujourdhui encore un support architectural qui peut irriguer la pensée éducative et architecturale. Cependant, les réhabilitations successives ont engendré une programmation déconnectée et le bâtiment est dégradé. 2.1 Ouverture, mobilité, fluidité et adaptation au cadre, maître-mots de la connexion espace /pédagogie Seymour Papert, chercheur en éducation précisa en 2002 dans un colloque qu’un élève qui se serait endormi au 19° siècle, pour se réveiller 150 ans plus tard, serait très surpris de son environnement qu’ils s’agissent des transports des loisirs, de l’alimentation, de la culture, de la communication etc….mais à l’école il ne serait finalement pas tellement dépaysé. La pédagogie est demeure très frontale et transmissive 39et l’architecture souvent peu adaptée aux besoins pédagogiques. Fruit de l’histoire, l’architecture des établissements français reste formatée autour d’une conception traditionnelle de l’enseignement. Longtemps standardisées du fait du projet répu39 Durpaire F, (2014), La fin de l’école la tour d’Aygues: éditions de l’Aube

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blicain, les architectures scolaires se différencient et se démultiplient de nos jours même en France même si les résistances demeurent fortes. Après la Seconde Guerre mondiale, d’ailleurs l’existence de ces écoles ouvertes est remise en question par la diffusion des antibiotiques, qui fait reculer la tuberculose, et par de nouveaux établissements concurrents (en France, ce sont les Maisons d’enfants). Cependant, le mouvement s’essouffle inégalement selon les pays, et logiquement plus rapidement en France qu’aux Pays-Bas ou en Belgique 40 . « En France, le rapprochement entre le mouvement des écoles de plein air et celui de l’éducation nouvelle, tout en provoquant une polarisation réformatrice au sein de l’enseignement public, n’a pas permis d’avoir un effet direct sur l’ensemble du système scolaire français» 41 . Bruno Duvauchelle montre d’ailleurs la contradiction entre les lieux de savoirs, d’aujourd’hui toujours marqués par une stabilité liée à leurs bâtiments (musées, écoles, bibliothèques), et les savoirs eux-mêmes qui deviennent accessibles en tout lieu et à tout instant.42 Certes du point de vue global les bâtiments, l’architecture sco-

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40 Voir CHÂTELET, A-M, LERCH, D., LUC J-N (dir.) (2003). – L’école de plein air. Une expérience pédagogique et architecturale dans l’Europe du XXe siècle. - Paris: Éditions Recherches, 41 Gilbert Nicolas, (2005) « Compte rendu de CHÂTELET (Anne-Marie), LERCH (Dominique), LUC (Jean-Noël) (dir.). – L’école de plein air. Une expérience pédagogique et architecturale dans l’Europe du XXe siècle », Histoire de l’éducation, 105 | 2005, p. 104 42 De––vauchelle B., Comment le numérique transforme les lieux de savoirs, FYP Editions, Collection « Société de la connaissance », 2012


laire a changé. Les blocs uniformes à deux ou 3 étages ont fait place à une diversité de formes, rompant avec les bâtiments issus des normes du 19° siècle. Mais beaucoup d’établissements sont encore peu rompus aux impératifs de flexibilité d’ouverture, et de mobilité tel que l’école de Suresnes les avait pensés. Bien sûr, des écoles innovantes existent dans le monde mais un aménagement de la classe support à l’enseignement simultané très proche de celle du 19° siècle avec les pupitres organisés devant un espace magistral parfois secondé par un tableau numérique demeure la règle. c’est moins le cas dans les écoles maternelles et dans les écoles aux pédagogies type Freinet, Montessori Steiner, avec des espaces dédiés aux différentes activités en îlots. On note également une variable dans ces aménagements en îlots, c’est la mobilité interne liée au mobilier mais cette structure peu fréquente à l’école primaire est inexistante pour l’essentiel des collèges et lycées Mêmes des mobiliers nouveaux sont intégrés dans le design scolaire Le prix Jean Prouvé récompense d’ailleurs les mobiliers innovants43.

Exemple d’école moderne reprenant les prinicipes classiques du 19éme sciécle par sa forme, Bezons, 2016

Innovante pour l’époque, la logique pédagogico-architecturale de Suresnes le demeure aujourdhui car les espaces d’apprentissage sont de plus en plus repensés selon de nouveaux cri43 Voir à ce sujet Laurent Jeannin, « La mobilité, clé de nouvelles pratiques ? », Éducation et socialisation [En ligne], 43 | 2017, mis en ligne le 01 février 2017, consulté le 18 mai 2019. URL: http://journals.openedition.org/ edso/1950 ; DOI: 10.4000/edso.1950

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tères : adaptabilité, flexibilité, modularité, polyvalence44… Beaucoup auteurs misent sur la flexibilité et modularité des espaces, et notamment de la salle de classe, pour accompagner l’école dans ses transformations contemporaines45, enjeux déjà majeurs à l’école de Suresnes. 2.2 Une pédagogie du bien-être Une réflexion sur les espaces scolaires, et plus particulièrement leur impact sur le bien-être demeure aujourdhui : indispensable un rapport de l’OCDE (2008) fait état d’une qualité de vie des élèves insuffisante à l’intérieur des établissements. Selon le CNESCO les espaces scolaires restent en France un handicap pour de orientations pédagogiques. « Les interpellations sont nombreuses, de la part du personnel, des élèves et leurs parents, sur l’isolation thermique (91 % des établissements interpellés), sur le manque de luminosité des salles (75 %). Selon l’enquête du Cnesco, près de 4 collèges et lycées publics sur 10 (39 %) déclarent ne pas avoir suffisamment de sanitaires dans leurs locaux. Par ailleurs, le bâti, les aménagements architecturaux, et jusqu’aux mobiliers de classe se révèlent être aujourd’hui autant de freins aux nouvelles orientations pédagogiques »46. Le travail en équipe des ensei-

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44 Marchand, B. (2004). L’architecture scolaire aujourd’hui. Bulletin CIIP, n° 15, décembre, p. 20—23. 45 Mazalto, M., Bonnault M.-C. et Boudjémaï, Z. (dir.) (2008). Architecture scolaire et réussite éducative. Paris: Fabert. Et Prakash, N. (2011). The Classroom is obsolete: it’s time for something new. Education Week. N°28. 46 http://www.cnesco.fr/wp-content/uploads/2017/12/171002Dossier_Synthese_Qualite_vie_ ecole_def.pdf


gnants, l’enseignement différencié sont valorisés mais le mobilier des classes ne permet pas facilement d’aménager les classes pour faire travailler les élèves en ateliers par exemple. Les espaces modulables n’existent pas vraiment et les impératifs de confort et de bien-être ne sont pas assez pris en compte. Les travaux de recherche actuels mettent en évidence que le bien-être des élèves (mais aussi les performances) sont influencés par le bâti scolaire. Les facteurs principaux mis en évidence sont alors: • Le confort des élèves (lumière, bruit, température, qualité de l’air…) ; • La satisfaction des besoins d’enseignement et d’apprentissage (pièces clairement identifiables, personnalisées, adaptables à la pédagogie des enseignants et permettant d’être en lien avec le reste de l’école) ; • L’esthétique (harmonie des couleurs, agencement des différents éléments de la salle de classe).47 Aujourd’hui Les espaces de vie scolaire sont donc redéfinis selon des critères de qualité de vie des élèves et des personnels : confort, durabilité, sécurité, accessibilité, propreté, convivialité 48…

47 http://www.cnesco.fr/wp-content/uploads/2017/12/171002Dossier_Synthese_Qualite_vie_ ecole_def.pdf 48 Schleifer, S. (dir.) (2008). Crèches, écoles et lycées. Paris: Place des Victoires

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Klein49 estime que la construction, la rénovation et la réhabilitation des établissements scolaires devraient correspondre aux cinq critères suivants : • école au bâti moderne, à l’aménagement modulable et en phase avec le développement durable • école «sécurisée » • école accessible aux personnes à mobilité réduite • école connectée et numérique • école associant des acteurs divers et ouverte sur son implantation. Or beaucoup ces éléments se trouvaient présents à Suresnes et dans les écoles ouvertes en général. Les caractéristiques intrinsèques de l’espace comme la qualité de l’air, l’acoustique, la luminance, la colorimétrie, les textures, les mobilités, les différentes proémines et les agencements possibles sont autant de variables qui individuellement ont toutes démontré leur pertinence dans la prise en compte du mieux-être pour apprendre comme le montre la chaire de recherche de l’Université de Cergy-Pontoise), Transition2 : des espaces en transition à la transition des espaces éducatifs, qui développe une approche visant à rendre compte du rapport entre l’espace qui conditionne la pratique et l’apprentissage en si-

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49 Klein, O. (2017). Favoriser la rénovation du patrimoine scolaire des quartiers populaires pour créer une école moderne et attractive. Rapport interministériel, Ministère de la ville, de la jeunesse et des sports.


tuation didactique 50. Et, les écoles de plein air et particulièrement l’école de Suresnes ont largement contribué à l’élaboration de bâtiments scolaires mieux ventilés, mieux éclairés et utilisant de nouvelles techniques de chauffage L’école de Suresnes a donc posé de bonnes questions qui demeurent centrales pour l’école d’aujourdhui pour appréhender l’école, mais les réponses successives n’ont pas été à la hauteur. 2.3 Une programmation déconnectée Si l’Ecole de plein air de Suresnes reste encore un support innovant aujourd’hui sa programmation est déconnectée par rapport au bâtiment luimême. L’Ecole de plein air a subi des reprogrammations successives qui se sont accompagnées de réhabilitation. Des premiers ajustements d’usages ont dû être effectués assez rapidement. Des stores ont dû être rajoutés dès le printemps de son ouverture. Des rideaux ont aussi été installés dans les salles. Même si cela peut paraître aller à l’encontre des principes d’ouvertures au paysage de la salle de classe, ils permettent surtout une variation des usages et une meilleure polyvalence. Des problèmes d’infiltration sont apparus aussi du fait que la mise en place des toits-terrasses était encore au stade d’expérimentations et ont dû être réparés. Mais ces rénovations mineures ne sont que des ajustements qui n’ont pas influencé grandement le projet.

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http://www.transition2.space/chaire/

Stores ajoutés aux pavilons classes

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La majeure partie vient des rénovations antérieures dues à la reprogrammation. En 1954, suite à cinq années de remise en état du bâtiment, l’école est rachetée par l’état français et ouverte à un public handicapé. Les locaux du Centre National d’Education de Plein-Air sont également construits en contre bas du site. Marcel Lods en est l’architecte. En effet, avec la découverte et la généralisation du vaccin contre la tuberculose, l’école de plein air accueillait des enfants de toutes sortes, souvent rachitiques ou faibles, mais ses effectifs avaient largement varié. Elle devient donc un centre dédié à l’accueil et l’apprentissage des enfants handicapés. Ce projet a pour conséquence de rendre l’école accessible par le bas et de faciliter sa traversée mais, hors sa présence visuelle, il n’affecte pas grandement le projet initial.

Plans de la surrélévation

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On demande aussi à Marcel Lods d’effectuer une surélévation du corps principal de l’école pour accueillir trois appartements de stagiaires (deux T3 et un T2) et leurs réfectoires. Cette première extension respecte bien le projet et vient s›inscrire dans sa continuité. Elle se situe au-dessus de la partie centrale du bâtiment, dans la continuité du deuxième étage de l›aile est, dans lequel se trouvent le réfectoire et le dortoir des filles. Le réfectoire se trouve juxtaposé à l’aile est pour pouvoir agrandir le premier réfectoire et les appartements se trouvent à l’extrémité de celle-ci. L’extension reprend la structure et les matériaux du bâtiment initial. La circulation se fait, comme pour le reste du bâtiment sur une bande longitudinale. Petite particularité, elle est doublée. Celle dans l’axe de l’aile, au Sud se prolonge en exté-


rieur pour devenir des terrasses et se connecter au toit -terrasse de l’aile ouest alors qu’une bande plus fine au Nord dessert l’appartement. En effet, Marcel Lods a pris soin de minimiser l’impact de cette extension en la plaçant légèrement en retrait par rapport au bâtiment initial, tant en plan qu’en coupe. En plan, ce retrait au Sud permet de minimiser sa présence quand en coupe, l’extension est de deux mètres moins hautes pour les mêmes raisons. (2,5m au lieu de 4,5) Nouvelle particularité, le toit est en légère pente et non plat, sûrement pour éviter de nouvelles complications pour le traitement des eaux de pluies. En 1961, l’école de plein-air est annexée au CNEPA. Elle devient alors une école d’application. Trois ans après elle devient le Centre National d’Etude et de Formation pour l’Enfance Inadaptée (CNEFEI). Ces interventions ne sont pas celle qui vont impacter le plus l’usage du bâtiment.

Coupe de la surrélévation (en rouge)

En revanche, l’utilité et l’utilisation de cette école de plein air posaient de plus en plus questions. En effet avec le progrès contre la tuberculose et notamment les antibiotiques, l’école avait changé de rôle. Elle était passée à « 4% des enfants en 1974 contre 76 en 1954 »51. Elle s’adressait désormais à d’autres handicaps, comme par exemple les troubles de langage, le retard intellectuel, l’épilepsie, les déficients sensoriels... En mars 1972, l’école est jugée « plus justifiée » pour soigner les primo-infectieux (jeune tuberculeux) lors d’une journée d’études et d’information sur la scolarisation en EPA. De plus, son financement a 51 Lerch, D. Le développement du centre national d’éducation de plein air in Archiscopie hors-série, « L’école de plein air de Suresnes, un cas d’école » p 19

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été requestionné. Le centre devait devenir intercommunal car il touchait beaucoup d’enfants des communes avoisinantes « qui ne payaient pas toujours les frais de scolarité »52. De plus à la fin des années 70, une réhabilitation est nécessaire.

Image du projet dans une salle de classe

En Juin 1986 commence un chantier de rénovation et de restructuration du bâtiment est commencé, après 7 ans de concertation. C’est la fille de Marcel Lods, Martine Lods et Alain Rivière, ancien collaborateur de Marcel Lods qui sont choisis pour cette mission. Tous deux avaient proposé un premier projet aux modifications majeures assez bien décrites dans l’ouvrage de François Rougeron53 : • Mise en relation directe des deux cours par un escalier • Abaissement des passerelles reliant les pavillons pour les transformer en couverture • Rendre les passerelles inaccessibles et donc les solariums. (déjà interdites par les instituteurs à cause de leur insécurité) • Suppression des garde-corps en toiture • Faire des galeries un espace clos • Transformation des pavillons (remplacement des panneaux contex par des panneaux en béton lisse, changement des baies vitrées

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52 Ibid. 53 Rougeron, F. L’école de plein-air de Suresnes Aboutissement d’une réflexion sociale


pour les remplacer par des «châssis basculants à ouverture totale, équipés de vitrage isolant et munis de pare-soleil intégrés »54, changement de la modénature au profit d’un rythme plus large • Revoir la connexion de ces mêmes passerelles avec le bâtiment principal et les transformer en un lieu de détente extérieur en lien avec les espaces intérieurs. d’escaliers hélicoïdaux et de sanitaires. • Changer les baies vitrées pour les remplacer par des «châssis basculants à ouverture totale, équipés de vitrage isolant et munis de pare-soleil intégrés »55 • Modification du pavillon médical (accès, suppression de la double-hauteur, fenêtre) • Transformation de l’organisation intérieure du bâtiment principal, Alignements des logements sur la façade

54 Étude Suresnes école de plein air Rénovation et restructuration avant-projet détaillé, Lods Martine, Rivière Alain, 1982, p.40 - M.a.p. 55 ibid

Image du projet depuis l’extérieur

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Ce projet sera en grande partie refusé car il est considéré par les services des Monuments Historiques comme irrespectueux de l’œuvre originale et de ce qu’elle peut représenter. François Rougeron précise que «L’utilisation du terme de rénovation, plutôt que de restauration est soulignée, posant ainsi la question de la volonté sous-jacente des architectes » Après de nombreuses concertations, le projet sera le suivant divisé en quatre phases. Seules les deux premières phases vont être réalisées La première phase commence en 1987 par les interventions sur les pavillons.et la deuxième phase comprend la réfection des panneaux Contex sur les pavillons et la rénovation des parties extérieures de l’aile ouest du bâtiment principal. Les rénovations sur le bâtiment principal se traduisent par une modification de la structure métallique du bâtiment : l’assemblage de deux profilés en U rivetés devient une structure monolithique. Cela a pour effet esthétique d’alourdir légèrement la trame porteuse et donc de diminuer son aspect ouvert au Sud.

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Photo d’un pavillon classe aujourd’hui avec son faux plafond chauffant

Dans les pavillons-classe, les vitrages ont été changés. En effet, les parois vitrées ont dû être complétement remaniées pour s’adapter aux nouveaux besoins notamment thermiques. Equipées de double vitrage, elles ont été alourdies et deviennent difficilement maniables. L’édifice perd alors sa fonction initiale, ce qui fige le bâtiment dans un usage désormais impossible. Cependant, une paroi sur trois sera automatisée pour faciliter son ouverture électrique. Ouverture sur l’extérieur, l’une


des qualités de ces pavillons est alors compromise En outre, les petites ouvertures des murs nord des pavillons ont été supprimées, fait ainsi perdre aux espaces d’entrée beaucoup de qualité. Ceux-ci deviennent sombres et peu accueillants. De même, la volonté de confort thermique des pavillons a conduit à installer un nouveau système de chauffage.le dispositif initial au sol a été estimé insuffisant et remplacé dans les salles de classe par des faux plafonds rayonnants réduisant les hauteurs sous plafond couplés à des pompes à chaleur sur les toits-terrasses. Cela nuit à la fois l’esthétique des volumes simples initiaux sans pour autant apporter le confort thermique requis, les exigences actuelles de confort n’étant plus les mêmes qu’en 1935. De plus, les solariums, bien que déjà plus accessibles, perdent ainsi leurs possibilités d’usage. Cette installation s’oppose à la conception d’Eugène Beaudouin et Marcel Lods, qui avaient imaginé une solution semblable avant de la laisser de côté. De même la fermeture des accès aux passerelles malgré leur réfection, est contradictoire avec la visée de mobilité de l’école. Peu adaptées à des enfants handicapés, elles n’étaient pas sécurisées.et donc interdites par les professeurs Dans le bâtiment principal, un faux plafond courbe a été réalisé. Ce faux-plafond par sa courbe va à l’encore des principes architecturaux du bâtiment. L’espace perd en générosité, modularité, lumière. Le bâtiment principal a été recloisonné. Deux types de cloisons ont été apposées : des baies coulissantes pour moduler les espaces et accompagner les séquences lors de déambulations et

Le faux plafond courbe

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des cloisons opaques sur toute hauteur créant de nouvelles pièces ; ces modifications dues aux nouveaux usages vont dans le sens du bâtiment car ils mettent en valeur sa modularité et sa mutabilité. Un arrêté ministériel stoppe alors les rénovations. L’école est fermée en 1995 «ne remplissant plus les conditions de sécurité nécessaires à la sécurité de enfants ».

Refectoire de la surrélévation, aujourd’hui abandonné

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Cloison ajoutée à l’intérieur d’un pavillon classe (en rouge)

Dès lors, l’école de plein-air de Suresnes fermée à un public d’enfants, est utilisée par le CNEFEI qui deviendra ensuite l’INSHEA, institut national supérieur de formation et de recherche pour l’éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés, formant les formateurs qui s’occupent des élèves handicapés.L’INSHEA l’utilise comme annexe, lieu de conférence, de bureau, d’archivage ou encore de restauration. La fonction initiale de l’école, accueillir des élèves a vécu et l’affectation des bâtiments changera définitivement. Le bâtiment principal n’est utilisé qu’à moitié ; des locaux d’administration ou d’archives sont installés dans les salles de douches ; les cuisines sont fermées pour des raisons de sécurité et d’hygiène. Espaces entiers sont laissés sans entretien. Le pavillon octogonal, est utilisé par l’administration et si les pavillons le sont pour de la formation, ils ne sont plus adaptés au confort d’aujourdhui. Certains ont dû être cloisonnés, une double peau, boite dans la boite, ce qui ôte toute pertinence au projet initial. D’autant plus que l’usage pédagogique qui en fait aujourdhui nécessite la possibilité d’assombrir suffisamment pour effectuer des


projections et du numérique. Les parois en accordéon n’étant plus mobiles, le pavillon ne compte plus qu’une seule porte, limitant ainsi le nombre d’utilisateurs à une vingtaine. Le cout de fonctionnement est de plus élevé en matière thermique. Le pavillon médical est transformé en librairie. La modification des publics accueillis n’est donc pas sans effet : après les élèves pré-tuberculeux ce furent les élèves handicapés, puis des adultes en bonne santé. Dès lors, la vocation première de l’édifice a donc été battue en brèche sans que les bâtiments soient réadaptés aux niveaux usages. D’autant la vétusté des locaux alliée à leur utilisation en décalage avec sa vocation première pose problème. Le bâtiment est dégradé.Une partie du bâtiment n’est pas utilisée, restée sans entretien puis fermée par mesure de sécurité. L’étanchéité à l’eau comme à l’air des pavillons pose problème. Concernant la façade sud, les menuiseries présentent divers problèmes, dont celui de la corrosion, mais surtout leur ouverture est devenue extrêmement difficile d’autant que les menuiseries métalliques vieillissantes n’assurent pas une bonne étanchéité à l’air et à l’eau. Un des problèmes est a alors celui des infiltrations d’eau dans le bâtiment. Ces infiltrations récurrentes ont engendré une dégradation précoce des revêtements de sol. De plus ces problèmes d’étanchéité des terrasses ont causé des inondations en divers endroits de l’école, comme le pavillon octogonal, les préaux, les classes ou encore les appartements de fonction. Aujourd’hui, les qualités architecturales du bâtiment de 1935 posent problème. La dégradation

Dégradations dues aux infiltrations

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progressive du bâtiment, faute d’entretien suffisant notamment des dispositifs mécaniques et des installations est patente. Pour Châtelet, l’école a été classée en 2002 Monument Historique alors qu’elle n’était plus que l’ombre d’elle-même, ne serait-ce que parce que sa fonction initiale et donc sa forme n’était plus en rapport avec son utilisation réelle du fait d’un’ programmation finalement déconnectée. L’architecte Thérèse Pinailla parle d’une « carcasse grignotée par les travaux d’urgence ». Remaniée par à-coups sans véritable perspective d’ensemble sur la durée, son architecture mobile et perméable à la lumière et à l’air s’est figée. Les interventions successives ont été dispersées, liées aux financements difficiles des rénovations et aux coûts engagés par des réfections qui tiennent compte du classement comme monument historique. Une réhabilitation du site est donc devenue nécessaire.

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Conclusion

La réhabilitation de l’école de plein air de Suresnes, comme mise en valeur active de son histoire. Un débat est ouvert sur l’avenir des bâtiments des écoles de plein air qu’il s’agisse de leur nouvelle affectation de la sauvegarde de leur matérialité ou de la conservation de ce patrimoine. Aujourd’hui, les qualités architecturales de l’école de Suresnes de 1935 posent problème. L’originalité des structures et dispositifs architecturaux, la cohérence initiale entre forme spatiale et fonction d’origine supposent des procédés de réhabilitations spécifiques. La dégradation progressive du bâtiment, faute d’entretien suffisant, engendre un budget estimé (en 2009) pour l’adaptation et la mise aux normes du bâtiment de 37 M d’euros. Mais tout dépend de la rénovation proposée. L’analyse de proposition de rénovation permettra de définir les principes d’une conservation choisie, entre patrimoine et école inclusive Des propositions de rénovation

Plusieurs propositions de rénovation très différentes co-existent. Rénover en conservant l’usage ? Philippe Grandvoinnet 56 propose de partir d’un 56 Grandvoinnet P., (2006) Un modèle de sauvegarde ? L’école de plein air d’Amsterdam, in Archiscopie, hors-série l’école de plein air de Suresnes: un cas d’école ? Mai 2006, pp 28-29

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modèle de sauvegarde, celui de l’école de plein air d’Amsterdam qui fut aussi un modèle pour la création de l’école de Suresnes L’école de plein air de Cliostraat est la première école de plein air moderniste, construite en 1927 par les architectes Jan Duiker et Bernard Bijvoet. Elle est composée d’un bâtiment principal de quatre étages, divisé autour d’un escalier central, chaque étage compte une classe qui s’ouvre sur une large terrasse côté sud. L’ensemble est en béton avec de larges baies vitrées, obéit aux règles modernistes et hygiénistes. L’idée de la relation entre intérieur et extérieur y est prépondérante. L’école de plein air d’Amsterdam 1927

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Elle a en outre la spécificité de s’adresser aux enfants bien portants, dans le projet d’apporter hygiène lumière air et mobilité aux enfants du quartier. Il s’agit de proposer une école hygiénique pour favoriser l’éducation à l’hygiène en partant du principe que les enfants bonne santé ont besoin comme les enfants pré-tuberculeux de conditions d’hygiène et d’une architecture favorisant la qualité de vie. Comme à Suresnes l’idée est de dispenser des enseignements à l’intérieur, fenêtres ouvertes et à l’extérieur lorsque les conditions climatiques le permettent si bien que les classes peuvent s’ouvrir entièrement sur trois de leur côté. Inutilisée pendant la guerre faute de chauffage, l’école est alors affectée par l’absence d’entretien, par le gel des circuits de chauffage intégré aux dalles et par la corrosion des menuiseries. Ce qui a imposé une importante réhabilitation en 1955 conservant le cadre mais remplaçant certains des matériaux Les travaux ont alors modifié les portes et les ventilation. Une extension a été réalisée dans un nouveau bâtiment relié par une passerelle et articulé autour d’un nouvel escalier.


Classée monument historique en 1989, l’école est à nouveau concernée par une campagne de travaux en 1993 de manière à lui redonner des caractéristiques d’origine lui permettant des adaptations à la norme scolaire. Les menuiseries sont remises en état, les sanitaire mis en norme la salle des enseignants agrandie. si les classes fermées sont utilisés de façon traditionnelle aujourd’hui les classes centrales de plein air sont devenus des espaces spécifiques dans la logique de la méthode Montessori d’atelier créatif et de travaux pratiques en 2010, L’école de plein air a conservé sa fonction initiale, tout en l’adaptant aux besoins actuels : restauration du bâtiment, mise aux normes techniques (ventilation, économie d’énergie et adaptation technologique) et création d’un nouveau bâtiment administratif à l’entrée de l’école. Pour l’architecte, la restauration minutieuse du bâtiment tout en lui redonnant l’essentiel de ses caractéristiques d’origine a permis de réaliser les aménagements techniques conforme aux exigences de l’enseignement actuel. Finalement le bâtiment n’a jamais été aussi confortable et selon lui a été maintenu dans un usage proche de celui d’origine. Philippe Grandvoinnet propose de réhabiliter l’école de Suresnes dans la même logique : conserver sa fonction initiale en l’adaptant du point de vue technologique Néanmoins cela questionne car l’édifice est aujourdhui détourné de sa fonction initiale.

L’école de plein air d’Amsterdam aujourd’hui réhabilitée

Rénover en modifiant l’usage ? L’école de plein air de Suresnes peut être considérée comme un chef-d’œuvre de l’architecture et son classement comme monument historique récent 62


en atteste. Pour Serge Pitiot57, conservateur en chef de mouvement de monuments historiques, L’objectif est d’éviter la gestion au coup par coup des défauts et qualités de l’édifice, de lutter contre les aléas du passé concernant les réhabilitations peu pertinentes et d’éviter les dérives potentielles. Pour ce faire il est essentiel pour restaurer le bâtiment de restituer deux éléments fondamentaux : la double circulation des usagers tant au niveau du sol qu’à celui des coursives et la mobilité des ouvrants, qui étaient indispensables à l’utilisation optimale de l’école. Elles montreront là son caractère historique innovant. Sans pour autant retrouver les fonctions initiales du bâtiment : il s’agirait d’imaginer un programme pluriannuel de restauration grâce auquel école de plein air de Suresnes pourrait devenir un laboratoire pour la restauration et l’adaptation des matériaux du XXIe siècle qui s’inscrirait dans la tradition du service des monuments historiques. Et dans la logique innovante de Suresnes du point de vue des matériaux de son l’époque. Des enjeux de rénovation à penser Selon le rapport de Prospective sur la valorisation du site de l’École de Plein Air à Suresnes rédigé par l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région d’Île-de-France58 , il y a divers enjeux à penser:

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57 Pitiot S., Les monuments historiques et le patrimoine du XXème siècle, in Archiscopie, hors-série l’école de plein air de Suresnes: un cas d’école ? Mai 2006, pp 24-25 58 L’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région d’Île-de-France (3 scénarios, résumés en annexes)


• des enjeux de patrimoine puisque le bâtiment classé est une architecture originale qui témoigne d’une conception innovation et de pratique sociales de l’urbanisme qui marquet la mémoire des lieux, • des enjeux paysagers puisque le MontValérien, un des rares belvédères à proximité immédiate de Paris dispose d’un le potentiel paysager compromis par les aménagements actuels (étroitesse et monotonie de la promenade Baumel, restrictions dues à la présence des installations militaires) et la progression des arbres qui font écran ; • des enjeux d’accessibilité : Malgré son histoire, le site est relativement peu fréquenté car caractérisé par une faible desserte car la ville est non desservie par le métro et la topographie peut avoir un effet dissuasif pour les usagers du Transilien et du T2 • des enjeux financiers : souhaitent développer ses activités. La mise aux normes du bâtiment et son adaptation aux nouveaux besoins de L’INS HEA ont été chiffrés à 37 M d’euros si la réanimation répond à cette fonction. •

des enjeux pédagogiques et médicosociaux : Le site de l’Ecole de Plein Air est aujourd’hui inadapté à ses fonctions actuelles liée à L’INS HEA, et inadapté aux usages actuels qui suppose pose la

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question du maintien de la vocation à la fois médico-sociale et éducative du site, compte tenu des besoins identifiés notamment dans la prise en charge d’enfants polyhandicapés ou souffrant de troubles du caractère et du comportement ou d’autisme et dans la scolarisation des collégiens. • des enjeux touristiques : l’offre touristique et culturelle importante à proximité de Paris est concurrente

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Une conservation choisie

Ces projets et ces propositions possèdent des pistes pour mener une réhabilitation de l’école de plein air. Peu importe le programme mis en place pour sa réhabilitation, je pense qu’il faut surtout se questionner sur la manière dont il faut réhabiliter cette école. L’idée, pour moi serait d’en tirer les points architecturaux qui en ont fait un marqueur innovant des années 30 et un patrimoine historique du 20éme siècle et de les remobiliser lors de sa réhabilitation. Il s’agit de déchiffrer l’état originel de l’école et de faire le bilan des altérations successives pour proposer une rénovation efficace et pertinente. Suite à ce travail, on peut en énumérer une grande partie. Pour moi, les notions d’ouvertures sur l’extérieur et sur l’environnement, de modularité, de mutabilité, de préfabrication, de recherche d’espace lumineux, aérés, confortable et généreux, de liberté de circulation, de séquences et d’intégrations au site et à sa topographie sont des notions architecturales essentielles qui méritent d’être réintégrées dans la réhabilitation de l’Ecole de plein air de Suresnes. Mais, outre


ces notions architecturale, l’école de plein air de Suresnes est par son histoire porteuse de valeurs sociétales tellles que l’ouverture sur l’autre, l’entraide, la prise en compte de l’humain dans la pluralités de ses dimensions (corps et esprit),la prise en compte du bien-être, l’autonomie, la mixité genrée et sociale, l’inclusion, le solidarisme, et toutes les valeurs des pédagogies nouvelles qui méritent d’être réactivées. Je pense également qu’il faut oser réhabiliter ce bâtiment et ne pas le muséifier pour que sa réhabilitation soit efficace. Si quelques symboles, comme le pavillon-classe ou la double circulation méritent d’être réintégrés dans cette réhabilitation, toute modification, prenant en compte les valeurs précédemment évoquées et allant dans le sens de cette réhabilitation sont envisageables.

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ANNEXES Des scénarios concrets et détaillés de rénovation59 L’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région d’Île-de-France a organisé en 2014 des ateliers de création urbaine qui a permis de faire émerger 3 scénarios relativement contrastés. • Scénario 1 : Ouverture et inclusion, le renouveau de l’École de Plein Air Le projet 1 repose sur l’idée de valoriser l’héritage historique et de renouveler la vocation d’innovation sociale du site en optimisant les qualités géographiques et urbaines du site, en l’ouvrant au quartier, en favorisant l’attractivité tourismeculture-loisir du territoire, dans une logique d’écologie urbaine et en proposant coopération et mutualisation par un usage multifonctionnel du site pour favoriser la mixité des usagers, la mutualisation des fonctions et des financements. Deux sous-hypothèses sont imaginées. Hypothèse 1 – La constitution d’un pôle éducatif et de recherche sur l’enfance inadaptée en délocalisation l’INS-HEA sur le site de Nanterre ou en mutualisent les fonctions de restauration, locaux sportif avec un autre exploitant/opérateur du site, comme un EREA - Établissement régional 59 Ce paragraphe est issu du document réalisé par L’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région d’Îlede-France https://www.iau-idf.fr/fileadmin/NewEtudes/Etude_1124/ Rapport-total_epa-suresnes_def1.pdf

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d’enseignement adapté -. Il favorise la constitution d’un pôle éducatif, de formation et recherche sur l’enfance inadaptée dont la vocation et le rayonnement respectent l’histoire du lieu Hypothèse 2 La création d’un ilot inclusif innovant et attractif, en misant sur départ de l’INS-HEA intégrant une offre culturelle et de loisirs, de restauration et une offre de soins partagée grâce à 3 axes : L’implantation d’un EREA qui permettra à des élèves porteurs de handicaps de poursuivre leurs études et aux collégiens du secteur de bénéficier d’une pédagogie de qualité, selon les principes de l’inclusion.. Le fonctionnement d’un EREA suppose la création d’un internat, pour héberger une partie des élèves. Une offre de formation professionnelle qualifiante y est proposée en complément de filières classiques. Un centre de soin et de rééducation est toujours intégré aux bâtiments de l’EREA ou à proximité immédiate. La création de logements mixtes inclusifs destiné à proposer des appartements à des personnes valides ou handicapées, de différents âges (jeunes travailleurs, familles, personnes âgées)

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La création d’hébergements de courts séjours : Il s’agirait de transformer les anciens réfectoires et dortoirs en hébergement de courts séjours à destination des jeunes et des familles souhaitant visiter Paris Île-de-France, des familles des résidents des logements inclusifs, des jeunes travailleurs, des étudiants ayant besoin d’un hébergement provisoire ou des travailleurs


saisonniers. En termes de valorisation du patrimoine, un musée pourrait intégrer le pavillon octogonal (ancien solarium). Il aurait pour thématique l’histoire de l’École de Plein Air et serait agrémenté d’un espace de documentation sur les notions de bien-être, santé, luminothérapie. La création d’un centre culturel et de loisir partagé, tourné vers le bien-être, le développement personnel et l’inclusion Un centre culturel et de loisirs pourrait redonner vie aux pavillons et tirer profit de leur qualité architecturale. Il serait tourné vers des activités liées au bien-être et au développement personnel, artistique et créatif, en partenariat avec les écoles, centres de loisirs, les maisons de retraites et les centres de santé des alentours. Les pavillons pourraient accueillir des ateliers organisés par des associations ayant pour vocation l’intégration des personnes porteuses de handicaps, ou la sensibilisation aux problèmes du handicap. Un centre de ressources pourrait s’intégrer au musée. En termes de valorisation en espace public du jardin : Le jardin, devenu espace public, serait accessible et dédié à la promenade et au repos. La création d’un centre culturel et de loisir partagé, tourné vers le bien-être, le développement personnel et l’inclusion serait tourné vers des activités liées au bien-être et au développement personnel, artistique et créatif, en partenariat avec les écoles, centres de loisirs, les maisons de retraites et les centres de santé des alentours. Les pavillons pourraient accueillir des ateliers organisés par des associations ayant pour vocation l’intégration des personnes porteuses de handicaps, ou la sensibilisation aux problèmes

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du handicap. Un centre de ressources pourrait s’intégrer au musée. L’espace non classé deviendrait du foncier disponible pour la construction de logements. Un scénario alternatif d’implantation d’un village de microentreprises tournées vers l’écologie urbaine a également été envisagé, intégrant un lieu de télétravail coopératif et une Recyclerie/ressourcerie sur les modèles testés à Paris. Scénario 2 : Le Mont-Valérien, haut lieu du Grand Paris L’objectif retenu serait de faire du Mont-Valérien un haut lieu de la métropole, pratiqué» à sa juste mesure en tant que belvédère par une mise en tourisme axée sur les loisirs de plein afin de confirmer l’identité «de plein air » et les valeurs de santé et d’éducation spécialisée véhiculées par le site de l’École de Plein Air. L’enjeu est donc de mettre en valeur une offre de transport collectif particulièrement performante en favorisant localement l’usage des modes actifs. Les équipements du cœur de site pourraient alors être les suivants :

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La partie des années 30 de l’École de Plein Air de Suresnes pourrait accueillir un musée d’art contemporain d’un nouveau concept, s’inspirant de l’expérience danoise du musée d’art moderne Louisiana, situé à 35km de Copenhague. La nature y crée la scénographie des œuvres d’art : galeries


et pavillons vitrés se succèdent pour former le parcours du visiteur entre l’extérieur et l’intérieur, entre la nature et le bâti, entre la transparence et l’opacité. Un collège intercommunal Le projet d’installation d’un collège à proximité immédiate du site répond à un besoin de places nouvelles sur la commune de Suresnes consécutif à la saturation des collèges existants. Le collège Émile Zola serait transférer sur le site de l’INS HEA. Un projet d’école pour enfants autistes Le taux de scolarisation des enfants autistes est notoirement insuffisant (20%) en France intégrer une école pour enfants autistes dans les bâtiments de l’École de Plein Air de Suresnes permettrait à ce lieu de garder sa vocation première, associant éducation et santé. Il s’agirait d’une véritable école spécialisée, comme il en existe en Belgique. Plus récents et mieux adaptés du point de vue technique, les bâtiments des années 50 pourraient accueillir les salles de classe, les pièces administratives, ainsi qu’un internat. La faible épaisseur des bâtiments permettra le réaménagement en petites salles de classe pour 8-10 enfants. Reconnecter le site et aménager un parcours de loisirs autour du fort : Afin de développer l’animation sur le site et mettre en valeur la forteresse, un site d’activité de plein air pourrait être créé, visant notamment les familles avec enfants. Pour faciliter l’Accès et le maillage des mobilités, une téléphérique/télécabine pour la Métropole du Grand Paris serait aménagée Scénario 3 : Belved’Air 72


Le choix est celui d’un positionnement international afin de rendre le secteur attractif pour des investisseurs potentiels, permettre la valorisation du foncier de l’INS HEA et contribuer au financement de son transfert sur le campus de Nanterre. Un des atouts du site est sa situation métropolitaine privilégiée entre La Défense – centre d’affaire international – et Paris – porte de Versailles – parc des expositions de dimension internationale – avec d’une bonne desserte routière et aéroportuaire : Il s’agit de s’appuyer sur l’identité locale et les projets existants. Le site participerait du projet de la vallée de la culture (’étapes artistiques, de loisirs et de bien-être) et du parcours des parcs et hauteurs (parcours buissonniers). La stratégie dégagée consiste à s’inscrire dans une perspective de développement touristique (tourisme d’affaire, tourisme métropolitain, tourisme local) et d’offre d’équipements locaux (espaces verts, formation, etc.). Les moyens mis en œuvre s’attachent à renforcer les atouts patrimoniaux et paysagers du site élargi pour incarner l’art de vivre à la française. Dans cet objectif, et dans la lignée des fonctions traditionnellement offertes par l’EPA, un positionnement autour du «bien-être » est proposé pour les différentes composantes du site. Une base de loisirs occuperait le Mont-Valérien, en renforçant l’image du fort, en rassembler les équipements autour d’un même gestionnaire et en Formalisant une double promenade (promenade haute utilisée par les vélos et promenade basse proposée pour mieux relier la future base de loisirs du Mont Valérien aux quartiers environnants) 73


Trois temps successifs le permettraient : d’abord, une montée en gamme de l’offre urbaine, puis favoriser l’investissement privé par un partenariat public-privé 1-L’INS HEA (État), le département, enfin permettre émergence d’une centralité métropolitaine autour du thème art de vivre / bienêtre / gastronomie

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Crédits Photographique www.histoires-de-sciences.over-blog.fr www.ebay.co.uk www.gallica.bnf.fr www.wikipedia.org www.humanite-future.fr www.journals.openedition.org www.espazium.ch www.pinterest.com www.Finshea.fr L’Ecole de plein air de suresnes aboutissement d’une reflexion sociale, Francois Rougeron www.inventerlegrandparis.fr www.geneanet.org www.architectsbyphotographers.wordpress.com www.wax-science.fr www.i.pinimg.com www.reseau-canope.fr www.cpauvergne.com 82


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Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Marseille Tom-Edouard Mabilon Sous la direction de Delphine Desert S8 - Perenité et obsolescence

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