De raspoutine à poutine

Page 1

« De Raspoutine à Poutine, les hommes de l’ombre », Vladimir Fedorovski, Editions Perrin, 2001 

Antisémitisme et Okhrana (1890-1903) : c’est le chef de l’Okhrana Sergueï Zoubatov qui eut l’idée de rallier les ouvriers et révolutionnaire à l’autocratie et au tsar en infiltrant les syndicats et en dirigeant leur activité moins contre le tsar que contre les juifs, présentés comme les fer de lance du capitalisme russe. Cette stratégie flattait par la même occasion la noblesse orthodoxe russe et visait à lui rallier le peuple russe. C’est ainsi l’Okhrana qui serait à l’origine des « Protocoles des sages de Sion », le plus célèbre faux de l’histoire. Pierre Ratchkovski dirige alors les services secrets russes à l’étranger ; il a ses entrées partout et a une maîtresse russe et une autre française. Ses descendants français vivent toujours autour de Paris. Il fréquente beaucoup les quartiers de l’émigration russe, autour de Montparnasse notamment. Il est propriétaire d’un luxueux appartement rue de Grenelle où il reçoit beaucoup. Il est réputé dans le Tout-Paris. Il se fait passer pour un riche collectionneur, mais il est surtout à la tête de nombreux agents en france notamment : propriétaires de boutiques à la mode, journalistes, concierges, garçons de café, prostituées. Il fait filer Trotsky et Lénine. En 1891, il fait infiltrer un groupe anarchiste terroriste par un de ses agents et pousse ce groupe à tester des engins explosifs dans le bois de Clamart, sans oublier de prévenir parallèlement la police française, cherchant à faire valoir les bons services que peut rendre la police du tsar à al république…Cependant, les milieux parisiens lui font fréquemment état de la mauvaise réputation de la Russie à cause de sa politique discriminatoire envers les juifs, et les nombreux pogroms dont ceux-ci y sont victimes. Ratchkovski charge alors Matthieu Golovinski (ancien censeur au service de Nicolas 2, qui deviendra bolchevik après 1917…) d’inventer un texte suggérant l’existence d’une conspiration mondiale juive, et par là légitimer l’antisémitisme russe, voire le faire se propager en Europe. Pour écrire les protocoles, Golovinski recopie certains passages d’un pamphlet de l’avocat français Maurice Joly dirigé contre Naboléon 3, paru en 1864 sous le titre « Dialogue aux Enfers entre Machiavel et Montesquieu », en remplaçant simplement Naboléon par des « sages de Sion ». Dans les années 1920, une aristocrate polonaise, Catherine Radziwill, ancienne maîtresse de Golovinski, reconnaît formellement dans les « protocoles des sages de Sion » des passages écrits et lus à elle par son ex-amant vers 1900. vient alors le maquillage : l’original est écrit en français ; la première traduction russe est datée de 1901 ; puis le texte intégral est produit en annexe de l’ouvrage d’un mystique orthodoxe russe, Serge Nilus, et présenté comme le compte-rendu d’une conférence internationale du Congrès sioniste. Parallèlement, l’Okhrana « informe » le gouvernement russe et la Douma de « l’existence d’un centre politique élaborant la ligne de conduite pour les juifs » et authentifie le faux de Golovinski comme provenant du congrès sioniste ; si parmi le gouvernement russe certains ne sont pas dupes, comme le premier ministre Witt, ils choisissent de se conformer à l’état d’esprit général qui règne en Russie… (cf. également Raspoutine au moment de la guerre 14-18 et les accusations de certains aristocrates russes à son encontre)

Raspoutine & la Tsarine (1905-1916) : directeur de conscience de Nicolas 2 et de la tsarine. Il est né dans une grosse bourgade des forêts sibériennes ; il est initié à l’amour charnel à 13 ans par une jeune veuve de ce village dans les bains à vapeur du village. Il est vigoureux, et vol des chevaux à des gros paysans propriétaires ; son père mourant lui demande de se rendre en « pèlerinage » au monastère de Tobolsk. Ce « pèlerinage » a une importante valeur initiatique dans sa vie. De retour chez lui, il se montre très pieu. Par la suite, il effectue plusieurs aller-retours dans plusieurs « lieux saints » de la Russie, importantes implantations de l’Eglise orthodoxe russe. Il se rend au mont Athos (site interdit à toute « femelle » depuis la fondation du monastère) en 1896, alors que plusieurs voix travaillent à établir sa renommée. En 1903, il continue ses pérégrinations orthodoxes en se rendant à Kazan, siège d’une des académies théologiques orthodoxes russes les plus réputées. Il y est pris en charge par l’évêque Andreï, alias prince Ouktomski. Les théologiens de cette académies furent pour beaucoup dans la propagation de la rumeur sur les qualités exceptionnelles de Raspoutine. C’est suite à sa formation finale dans cette académie que Raspoutine gagne Saint Pétersbourg, où il mène d’abord une vie discrète, tout en étant entouré d’ecclésiastiques de haut rang, qui certifient ses « dons de thaumaturge » et lui assurent l’aisance financière. Il rencontre le couple impérial en 1905 dans une datcha à Znamenka, et exerce rapidement une influence décisive. Premières paroles prophétiques lors de la première rencontre : « toi, ton mari et tes enfants vivrez tant que je vivrai. Quand je partirai, vous me suivrez de peu. ». La tsarine était déjà sous la coupe de l’église orthodoxe russe, et gagnée par un mysticisme certain, elle passait son temps avant même de rencontrer Raspoutine à se rendre dans les monastères où elle passait de longues heures. Nul doute que Raspoutine connaissait déjà assez bien la tsarine avant même de l’avoir rencontrée… La tsarine est par ailleurs une princesse allemande, alliance déjà ancienne entre les deux couronnes. Cependant, l’archevêque Antoine Volinski fournit à l’Okhrana des preuves que Raspoutine appartenait à la secte khlisti, avec un volumineux rapport sur cette secte, ce qui n‘affecta pas la confiance du couple impérial. Les pratiques des khlistis semblent consister à faire naître un délire érotique afin de mieux parvenir à l’extase religieuse ; les séances s’achèvent sur des bacchanales censées rapprocher de l’esprit divin. Raspoutine est sous le contrôle étroit de l’Okhrana dès lors qu‘il entre dans l’entourage du couple impérial. Maxime Gorki alla jusqu’à suggérer que le tsarévitch était en fait le fils de Raspoutine et que par ce biais, l’Eglise orthodoxe tenait le couple impérial. De fait la tsarine lui faisait des scènes de jalousie et se montrait exclusive dans ses relations avec lui. Dans une lettre rendue publique, elle appelle ainsi Raspoutine « mon bien-aimé », expression mêlée à tout un vocabulaire mystique. Cette lettre fut publiée dans le livre d’un certain Illiodor, ecclésiastique d’abord proche de Raspoutine avant d’en devenir un farouche ennemi. L’original n’a jamais été retrouvé, et il est possible qu’il s’agisse d’une manipulation posthume. Néanmoins… L’Okhrana rapporte ses frasques dans les restaurants les plus mondains, où au vu et au su de tous, il déclare au milieu de chants tziganes qu’il se fait jouer par des musiciens : « je fais tout ce que je veux d’elle, elle est obéissante ! », juste avant d’exhiber son sexe…Là aussi méfiance, car les invités de ce dîner sont des directeurs de presse à scandale. C’est la Douma qui s’attaqua à Raspoutine en 1912, ainsi que le ministre de l'intérieur pré-fasciste, Stolypine. Mais certains de ceux qui se plaignaient de Raspoutine le payèrent de leur position sociale, de leur poste, alors que Raspoutine fait nommer les ministres les plus importants, notamment entre 1910 et 1916. Raspoutine intervint aussi directement dans les opération et choix militaires. Certains aristocrates inventèrent alors un complot international dans lequel Raspoutine était une fois l’instrument des allemands, une autre celui des milieux sionistes. L’épouse de Nicolas II voulait une issue rapide du conflit, alors que celui-ci savait que cette guerre contre l’Allemagne serait calamiteuse pour la Russie. Le parti de la guerre eu une part importante dans la décision, suggérée par l’aristocratie proche du tsar et avalisée par lui, d’assassiner Raspoutine. En 1914, Raspoutine est victime d’une tentative d’assassinat par une mendiante dans la rue ; il semble savoir directement qui en est le commanditaire et écrit au tsar : « si je venais à être tué par un des tiens, ni toi ni tes enfants ne me survivraient plus de deux ans ». En 1916, sur les conseils de la tsarine, et dans un tollé général, Nicolas II décide de prendre le commandement des troupes. Et alors que le tsar part pour le front, la tsarine règne à Pétersbourg avec son mage… En 1916 encore, la tsarine fait valser les ministres encore hostiles à Raspoutine, et exige du tsar la dissolution de la Douma…Le très puissant prince Youssoupov (méprisé par le tsar pour son homosexualité, mais éventuel prétendant au trône), détestait Raspoutine et se mit en tête d’assassiner Raspoutine ; il avait l’approbation de son ami intime le grand-duc Dimitri (neveu de Nicolas II), de Soukhotine et de Pourichkevitch (un des leaders de la droite de la Douma). Le 30 décembre 1916, on repêche le corps de Raspoutine dans la Neva. Les jours suivants, la tsarine ne cessa d’aller se lamenter sur la tombe de « l’ami ». quelques temps avant sa mort, Raspoutine a laissé un message à son secrétaire Simanovitch : « [...] je sens


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.
De raspoutine à poutine by taolkurun - Issuu