Eloge de la desobeissance

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Eloge de la désobéissance 1 Eyal Sivan & Rony Brauman - Editions Le Pommier 2000 suivi de

Propos Vous aviez raté le film: "Un spécialiste, portrait d'un criminel moderne"? Ne ratez pas le livre! Voici le procès d'Eichmann à Jérusalem enfin accessible à tous les publics. Le livre est en deux parties, la première retrace le travail d'exhumation et de montage des archives, elle met en perspective historique et éthique le procés, la seconde partie est le script du film dans son intégralité. C'est un texte critique, notamment parce que les auteurs revendiquent la filiation d'Hannah Arendt. Et c'est un texte d'actualité, car la désobéissance à l'ordre illégal est un devoir en temps de guerre: face à Aussaresses, Milosevic, ou Sharon, la problématique est la même. L'ascension d'un employé modèle Adolf Eichmann fut l'organisateur des convois pour les camps de concentration et les camps d'extermination nazis. Lors de son procès, sa culpabilité ne fit aucun doute. Le débat porta sur l'interprétation que l'on peut donner de l'homme: est-ce un cynique absolu? ou un malfaisant tombé dans la "banalité du mal" (expression de Hannah Arendt dans "Eichmann à Jérusalem"). Ses expressions et son langage, reflets de la bureaucratie allemande, "camouflaient grossièrement la réalité pour permettre à tous de s'en abstraire". L'homme refuse de "confronter ses actes à leur sens". "Les éléments à décharge mis en avant par Eichmann constituent précisément la charge de sa responsabilité dans un massacre administratif" Il ne nie aucun fait, il prétend être irresponsable de ce qu'on lui reproche par le seul fait qu'il agissait sur ordre. La "banalité du mal" décrit par Arendt ne doit pas être confondu avec sa banalisation: "si tout le monde est criminel, plus personne ne l'est, et c'est bien ce qu'Eichmann tentait de faire valoir" Les auteurs citent les expériences de Stanley Milgram (rendues célébres par le film "I comme Icare") sur la soumission à l'autorité. Lors de ce protocole expérimental, un tiers des sujets ont réagi en refusant l'ordre. Ce qui tend à prouver qu'il n'y a jamais banalisation totale. Les fonctionnaires de la mémoire C'est Ben Gourion qui a voulu le procès Eichmann. Les survivants du génocide sont en butte à l'incrédulité en Israël même. C'est une loi de 1950 qui avait été promulguée pour juger les criminels contre le peuple juif (sic) y compris les Juifs ayant collaboré avec les nazis dans les camps ou les ghettos. On reproche aux survivants de s'être laissés mener "comme des moutons à l'abattoir". Le génocide est refoulé, ce qui est perceptible notamment dans les manuels scolaires. C'est à partir du procès (1961) que le terme de "Shoah" (la catastrophe) devient le terme consacré. C'est un terme religieux qui sacralise l'événement qui devrait demeurer un fait historique, analysable, racontable. Le génocide est devenu l'argument facile dans une "rhétorique de la persécution" pour servir par exemple à l'identification des nazis et des Arabes, censés se rejoindre sur l'objectif de la destruction d'Israël: ce qui est absurde, Israël étant la première puissance militaire au Moyen-Orient. Le procès Eichmann était vu comme l'occasion d'apprendre aux Juifs séfarades (Afrique du Nord) les souffrances subies par les Juifs ashkénases (Europe Centrale). Ben Gourion veut qu'Israël soit perçu comme "unique héritier des six millions de Juifs assassinés". Une loi de 1953 (Shoah et héroïsme) avait institué Yad Vashem (le mémorial des martyrs). 1 Extraits d'un article paru dans Die Zeit au sujet du film.


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