« Histoire du S.A.C., la part d’ombre du gaullisme », François Audigier, Editions Stock, 2003 Durant l’été 1959, 2 envoyés spéciaux de Foccart effectuent un tour de france et implantent dans chaque département les premières structures du futur SAC. Le président délègue son autorité à 5 chargés de mission à compétence territoriale précise ; ces chargés de mission contrôlent à leur tour des responsables régionaux (aussi nombreux que les régions militaires [5 ou 6]), qui eux-mêmes commandent à des délégués départementaux. Dans chaque département existe des chefs de groupe dirigeant des cellules de 3 à 10 militants. En 1961, à part la région parisienne, autonome, le SAC est déjà bien implanté dans 4 région, dont les Pyrénées, la Bretagne et la Gironde notamment. Il ne compte en revanche à ses début que quelques centaines d’adhérents, et il faut attendre 1965-1967 pour que le SAC contienne 2 à 3 000 adhérents. [nota bene : le Poitou-Charentes fait partie de la 4° région militaire « sud-ouest », dont le siège est à Bordeaux, avec Midi-Pyrénées, Aquitaine, Limousin ; Pays de la Loire : 3° Région militaire, avec la Basse-Normandie, siège à Saumur ; Centre : 1° Région militaire] Pendant la guerre, Foccart a été chef de mission auprès du BCRA pour la « région M » (Mayenne, Sarthe, Maine-et-Loire, Indre-etLoire, Eure-et-Loire, Loir-et-Cher, Orne) et est nommé délégué militaire de la 4° région [militaire ? : Midi-Pyrénées, Aquitaine, Limousin, Poitou-Charentes]. Foccart prend aussi dans l’après-guerre une part active dans le lancement du RPF dans 9 départements de l’ouest (« Ouest » recoupant ici l’ancienne zone militaire de Résistance). C’est aussi lui qui gère les liens entre les différentes structures gaullistes concurrentes (UNR, UDR, Jeunes de l’UNR, UJP, SAC) et résout localement leurs querelles. Un des adhérents algériens du SAC de Gironde et ancien du RPF, Kandel Meharbi, certes ancien sous-officier qui a participé à la seconde guerre mondiale et médaillé de la résistance, mais qui semble avoir quelque litige politique sérieux avec ses « compatriotes » algériens à l’heure de la lutte anti-impérialiste, est assassiné par le FLN en métropole. René Tiné, sous-officier des parachutistes de Mont-de-Marsan, officiellement directeur du SAC, s’occupait en fait seulement du SAC de province. Il recevait ses ordres de Foccart depuis l’Elysée. Il passe parfois rue de Solférino pour des réunion du bureau du Sac ou avec les délégués régionaux, comme ce fut le cas les 3 juillet 1965, 15 octobre 1966, 7 octobre 1967 ; en fait, Tiné était considéré comme manquant d’envergure pour gérer tout le SAC. Pour la province en revanche, il semblait suffire, et était assisté de Charly Lascorz. Cette division Paris – province, ainsi que la grande marge de manœuvre laissée par Tiné aux délégués régionaux devant lesquels il restait béat d’admiration, favorisa l’émergence de petites baronnie locales du SAC, situation autorisant des dérives criminelles de toutes sortes ; parmi ces hobereaux de province, Pierre Camy-Peyret dans le sud-ouest (Pyrénées), Jacques Calès en Gironde. Même à l’échelle départementale, certaines fédérations menaient leur propre existence, loin de tout contrôle national réel. Beaucoup de ces associations locales s’étaient d’ailleurs déclarées en préfecture sous forme d’association loi 1901 sous la dénomination « Service d’Action Civique » ; c’est le cas à partir de 1965 dans 8 départements, notamment en Dordogne, en Gironde, dans le Loiret, dans la Vienne, dans la Haute-Vienne. René Tiné envoyait des chargés de mission, au rôle bien mystérieux, comme l’est à cette époque de plus en plus l’activité du SAC, qui couvre en réalité bien des trafics. Entre le 19 et le 22 mai 1965, De Gaulle visite quelques départements du grand ouest ; des militants du SAC sont envoyés en renfort (notamment à Nantes) en prévision de chahuts ouvriers suite à des mouvements sociaux. Les militants du SAC firent alors office de « brigades d’acclamation » !!! Pendant la campagne présidentielle de 1965, pour un meeting à Nantes, on fait venir entre autres les membres du SAC de Bordeaux. Le 13 novembre 1965, Foccart rencontre les délégués départementaux du SAC, et note dans son journal que se sont des « types en or ». En 1966-1967, Foccart remanie le SAC. René Tiné continue à être chargé de la province ; mais dans le même temps, on lui reproche de trop mêler ses intérêts privés à ceux du SAC et e s’être engagé dans des affaires douteuses. Ses liens notamment avec le sulfureux Charly Lascorz (qui dépendait du SAC provincial tout en habitant en région parisienne) n’arrangeaient pas sa réputation. Seigneuret : « Tiné faisait partie de beaucoup de sociétés qui n’avaient rien à voir avec le SAC [...] nous avons fait en sorte qu’il s’en aille », en douceur, et en le laissant emporter les archives compromettantes. Tiné commença à perdre l’influence que lui offrait sa position dans le SAC lorsqu’il se vit retirer son droit de regard sur les affaires parisiennes du SAC. En 1968, le SAC est supervisé pour ce qui est des provinces par Tiné, lequel s’appuie sur des chefs de région dont Henri Mazoué (Centre), Jacques Calès et Georges Bissoudan (Aquitaine), A. Audibert (Bretagne), P. Murrens (région toulousaine). En mai 1968, le nombre de militant du SAC en région parisienne ne suffisant pas, Foccart fait appeler ceux de province. Roger Abens, ancien sousofficier de parachutistes « gaulliste de gauche » qui avait rejoint le SAC depuis plusieurs années et participé aux campagnes électorales de 1965 et 1967, était le chef de cette délégation. Alors qu’il était à Bordeaux, il monta à Paris fin avril dès les premiers signes de tension. Le SAC va puiser plus largement dans l’extrême-droite pour contrer la révolution 68 (Occident, JPS, ACUF, UNP, Poujade et l’UDCA, JR) Le SAC de Foccart encadre la création des CDR (Comités de défense républicains) en mai 1968 ; les responsables des CDR assistent rapidement à l’amalgame entre les vétérans de la France libre et les « Marie-Louise ». Ces lycéens, étudiants ou jeunes actifs soutenaient De Gaulle pour ne pas laisser à la gauche « le monopole des nouvelles générations ». Le 11 mai, Pierre Lefranc créa un centre national des CDR puis donna des consignes pour que de semblables comités se forment dans les villes de province. Jacques Godfrain joua un rôle important dans la création des CDR. Né en 1943, il prend sa carte de l’UNR à 18 ans en 1961, alors qu’il fait ses études de sciences économiques et de sciences politiques à la faculté de Toulouse ; il s’est aussi opposé au même moment aux éléments « Algérie Française » et pro-OAS, majoritaires sur le campus. Dirigeant de l’AEG (Association des Etudiants Gaullistes) de Toulouse, président de l’amicale de l’IEP, responsable de la FNAGE et de la corpo de droit et de science, fondateur en 1965 de l’UJP (Union des jeunes pour le progrès) ; attaché de direction à la Snecma depuis 1967, il milite depuis la même date au SAC, dont il dirige l’antenne « jeune » sous la protection de Foccart. Les relations UJP-SAC se confirmeront par la suite. Rapidement, Godfrain put inscrire des jeunes de l’UJP parisienne, des membres du SAC et des recrues d’extrême-droite au CDR. Dans les locaux partagés par les CDR et le SAC, les membres du SAC étaient censés rester séparés, cela pour maintenir la fiction d’une distinction nette entre les deux organisations. Par la suite, les relations se dégradant entre le SAC et les CDR, la séparation devint réelle. Dès le 20 mai 1968, les CDR de Paris disposait déjà de plusieurs centaines d’adhérents : 620 adhésions pour la seule journée du 21 mai 1968. Le 25 mai 1968, les CDR parisiens regroupaient 35 groupes pour 1465 adhérents, avec des antennes dans les lycées, à l’ORTF. En province, les CDR sont présent dans 57 départements et rassemblent 7000 membres. La création des CDR fit venir les anciens OAS. Il existait 70 cellules dans le pays, avec des CDR de professeurs, d’étudiants, d’ouvriers et de patrons. A Toulouse, les jeunes gaullistes et leurs