La pensée anarchiste et la non-violence Petite anthologie de la révolution non-violente chez les principaux précurseurs et théoriciens de l’anarchisme "La révolution, contrairement à ce qui a été affirmé, n’est pas une idée qui a trouvé des baïonnettes, il ne faut pas confondre révolution et émeute, la révolution c’est quelque chose de plus profond, de plus grand, quelque chose qui dure et qui masque le siècle qui la voit éclore, et bien cette révolution, c’est une idée qui a brisé les baïonnettes". (Manuscrit de Hem Day, Fonds Jean Van Lierde, Mundaneum) Je dédie cette anthologie à la mémoire de Hem Day (1902-1969), pacifiste libertaire, antimilitariste intransigeant et anarchiste non-violent, disparu il y a précisément trente ans. Principal éditeur anarchiste belge d’avant 68, il a édité et rédigé de nombreux ouvrages sur le pacifisme et les rapports entre l’anarchisme et la non-violence. Le présent travail lui doit énormément. Introduction Une des raisons d'être de ce texte est la relative rareté de la documentation, des études et des réflexions actuelles sur la non-violence dans le mouvement anarchiste. Alors que les pratiques actuelles du mouvement anarchiste sont plutôt à caractère non-violent (manifestations, occupations, boycotts, désobéissance civile, activités sociales et culturelles alternatives, …), la réflexion sur la non-violence et la révolution anarchiste semble avoir insuffisamment progressé. Pour un certain nombre de libertaires aujourd’hui, la tactique révolutionnaire envisagée sur un plan théorique ne diffère pas énormément de celle du début de ce siècle, voire du siècle dernier, c'est-à-dire une révolution de type insurrectionnel violent dans laquelle la violence n’est pas souhaitée mais apparaît comme inévitable. Une certaine fraction des théoriciens et des fondateurs de la pensée anarchiste préconisait plutôt une révolution non-violente basée sur un mouvement de désobéissance complète à l’État, considérant la non-violence comme un moyen plus conforme au but poursuivi. Un retour aux sources, chez les penseurs anarchistes non-violents permettrait peut-être d’aider à approfondir les nouvelles approches libertaires de la révolution, ou des pratiques militantes en général. Cette anthologie ne constitue certainement pas un procès des anarchistes partisans de la violence. Par cette petite anthologie, je désire simplement rappeler la place importante et trop méconnue que les idées de résistance et de révolution non-violentes ont occupée dans l’histoire de la pensée anarchiste. Je rappelle d’ailleurs (trop brièvement hélas, car là n’est pas l’objet essentiel de cette étude) quelques unes des nombreuses idées et réalisations constructives des anarchistes partisans de la révolution armée. En effet, l’anarchisme insurrectionnel ne s’est certainement pas limité au terrorisme (quoique l’on en dise au parlement ou dans les salons de thé). De plus, les attentats ne peuvent être séparés du contexte historique dans lequel ils sont apparus. Bien que la non-violence soit réellement le centre de cette brochure, j’ai néanmoins voulu traiter également de la violence dans la révolution anarchiste. Non seulement afin de ne pas nier une partie importante de l’histoire du mouvement libertaire mais aussi car il est impossible d’étudier la non-violence sans traiter le problème de la violence par rapport auquel elle se positionne. Le point de départ de ce texte est la remarquable anthologie intitulée Violence et non-violence dans la révolution anarchiste, datant de 1966 et présentée par Lucien Grelaud. Pour ma part, je me suis limité à étudier des penseurs anarchistes nés avant 1900, cette décision peut paraître arbitraire mais j’ai principalement voulu m’intéresser aux opinions des précurseurs et des fondateurs de l’anarchisme concernant la violence et la révolution. Je ne traite pas non plus de l’histoire des pratiques non-violentes dans le mouvement libertaire (vaste sujet !), je considère uniquement la place qu’occupe la non-violence dans la pensée anarchiste.