« Les blanchisseurs ; une enquête explosive sur le recyclage de l’argent sale», Jeffrey Robinson, Editions Presses de la Cité, 1994
Etats-Unis – NY – Spanish Harlem & Bronx – bande mafieuse « Los Brujos » : Robert Torres, un jeune portoricain de Spanish Harlem, commence sa carrière en vendant dans la rue de la marie-jeanne. Puis il se met [tout seul ?] à vendre de l’héroïne, en commençant par vendre lui-même, avant de placer des amis à sa place dans la rue. Il « trouve le moyen » de faire importer luimême l’héroïne et apprend la vente en gros. En 10 ans, il rassemble sous ses ordres une 100aine d’amis, qui donnent à leur bande le nom de « los brujos » (les sorciers) et contrôle ainsi 20 « centres » de distribution à Manhattan et dans le Bronx. Début 1993, les Brujos vendent chaque jour pour 500 000 $Us d’héroïne, mais il se font arrêter par le FBI. Torres était devenu propriétaire de 60 propriétés commerciales entre NY et Porto Rico, une entreprise de construction, plusieurs restaurants, un complexe touristique près de San Juan et une série d’investissements financiers. A 37 ans, il pèse 60 millions de $us [rien à voir avec les parrains des principales mafias de la planète, y compris aux Etats-Unis, et dont sa bande ne devait être qu’un ridicule appendice, sacrifié sur l’autel de la popularité des barons de la politique américaine…]. En matière de blanchiment, son mentor, resté tapi dans l’ombre, était un ancien haut-cadre de la CMB (Chase Manhattan Bank).
Etats-Unis – mafia du « syndicat du crime » : la légende veut que le blanchiment ait été inventé ou en tout cas répandu par Al Capone. Al Capone tout comme son grand rival Georges ‘Bugs » Moran, utilise une chaîne de laveries automatiques disséminées dans Chicago pour maquiller les revenus tirés du jeu, de la prostitution, du racket et de la contrebande d’alcool. Ce n’est qu’une légende. D’autres ont accordé la paternité du blanchiment à un autre parrain, Meyer Lansky. Pendant que ses confrères parrains mafieux américains comme Capone, Lucky Luciano et plus tard Franck Costello se fraient un chemin dans un bain de sang, Lansky, né en Pologne et élevé à NY, se sert de sa « cervelle » pour devenir un des plus grand ponte du « syndicat du crime ». il est considéré comme le comptable de la mafia à cette époque. En octobre 1931, Lansky est frappé par l’imprudence de Capone, arrêté pour fraude fiscale par le FBI. Dès cette année, Lansky découvre et met à profit les comptes numérotés des banques suisses. Dans les années 1950, après avoir aidé son ami le parrain Benjamin « Bugsy » Siegel à financer le Flamingo (premier grand complexe casino – hôtel de Las Vegas…), Lansky suggère d’accroître l’ouverture internationale de l’organisation mafieuse aux autres dirigeants du « syndicat du crime ». Lansky introduit ainsi la mafia à La Havane et avec la bénédiction intéressée du dictateur Fulgencio Batista, suscite presque à lui seul un véritable boom économique dans la capitale cubaine. Mais le rêve de faire de Cuba un paradis fiscal s’effondre avec l’arrivée au pouvoir de Fidel Castro, descendu des montagnes cubaines vers la capitale en 1959, avec des armes fournies par des gangsters américains. Lansky admet alors avoir misé sur le mauvais cheval et en tira la conclusion qu’un environnement politique stable est la meilleure garantie pour tout investissement à l’étranger… Il se tourna alors vers les Bahamas, archipel de 700 îles, à l’époque encore colonie britannique officielle, où les conditions sont idéales : bonnes communications, immobilier bon marché, accès aisé, politiciens locaux véreux et corruptibles à volonté, et renforcement ultraconservateur du régime (pour en garantir la stabilité…) aisément réalisable à partir d’injections de $us. Lansky mis en place vers les Bahamas, entre autres, des filières d’évasion de capitaux occultes. L’expression de « blanchiment » n‘apparaît en anglais que vers 1973, dans le cadre du scandale du Watergate…
Etats-Unis – mafia d’Etat : fin février 1972, Richard Nixon lance sa campagne de réélection, et annonce la création du « Comité pour réélire le président », ou CRP, ou « creep » (an anglais, « lèche-botte »… !). A la tête du CRP, il nomme un vieil ami, le ministre de la justice John Mitchell. Le ministre du commerce Maurice Stans est aux commandes du comité des finances du CRP. En fait il s’agit d’amasser un « trésor de guerre » présidentiel. Parmi les nombreux contributeurs, l’industrie laitière américaine figure en bonne place, le lobby laitier étant reconnaissant à Nixon pour ses subventions fédérales. On y trouve aussi le nom du milliardaire reclus Howard Hugues, qui remet de la main à la main 100 000 $Us au meilleur ami de Nixon, le banquier de Floride Charles « Bebe » Rebozo ; celui de l’escroc international Robert Vesco, qui fait une « donation » de « protection » de 200 000 $Us au comité de racket présidentiel : il est serré de près par le ministère de la justice de Mitchell, qui n’a qu’à lever le petit doigt pour le traîner devant les tribunaux ; celui de la compagnie American Airlines alors dirigée par George Spater, qui camoufle le détournement de 100 000 $Us en faisant émettre cette somme par une société libanaise du nom d’Amarco, sous la forme d’une fausse facture à titre de commission sur des pièces prétendument vendues à Middle East Airlines. AA règle le montant de la facture à Amarco qui reverse l’argent en Suisse et le fait virer sur son compte de NY, où un agent d’Amarco vient retirer la somme, l’apporte à Spater, qui les remet à son tour à Mitchell et Stans… Braniff Airlines verse aussi une obole : elle commence par blanchir la somme en passant par panama. Le vice-président de la Compagnie pour l’Amérique latine ordonne à son représentant de panama City de réunir 40 000 $Us en espèce en faisant établir par une entreprise locale une fausse facture pour « biens et services » ; le siège de dallas fournit ensuite au bureau de Panama une liasse de billets d’avion en blanc, non déclarés et ne devant être émis qu’au nom de clients payant leur voyage en liquide. L’argent ainsi réuni est ensuite acheminé par le biais d’une entreprise de construction de Dallas avant de réapparaître dans les livres de comptes de Braniff Airlines pour boucher le trou initial…Du côté de l’industrie pétrolière, le PDG d’Ashland Oils, orin Atkins, choisit d’effectuer la ponction dans une filiale gabonaise, faisant ensuite blanchir et retirer l’argent en liquide en Suisse, avant de le faire rapatrier aux Etats-Unis dans l’attaché-case d’un cadre en voyage d’affaires. La société Gulf Oil de son côté fit transiter son don de 100 000 $us par une de ses filiales aux Bahamas. Ces contributions ne furent bien sûr pas déclarées au fisc par le CRP. Le Congrès ayant voté une loi interdisant les donations politiques anonymes, Mitchell et Stans trouvèrent une vieille connaissance mexicaine, pour brouiller toute trace compromettante, un avocat de Mexico, Manuel Ogarrio Daguerre ; celui-ci avait pour le compte du CRP un autre complice à Miami, Bernard L. Baker, agent immobilier, qui reçut la garde sur ses comptes d’une partie des fonds du CRP. L’affaire n’aurait jamais été découverte si Stans et Mitchell n’avaient voulu financer un crime. Le 17 juin 1972, 5 hommes s’introduisent dans les locaux du comité national démocrate, dans l’immeuble du Watergate, à l’est de Juarez Circle ; les exécutant sont Virgilio Gonzalez (serrurier cubain), Eugenio Martinez (activiste cubain anti-castriste et informateur de la CIA), Frank Sturgis (mercenaire de Miami et indicateur de la CIA), James W. McCord Jr. (ancien agent du FBI et de la CIA) et Bernard L. Barker (habitant de Miami et ancien agent de la CIA impliqué dans le débarquement de la Baie des gros porcs en 1962). Les 5 hommes furent arrêtés sur le champs par les agents du FBI. James W. McCord Jr. attira le premier l’attention des enquêteurs, car il tait aussi le coordinateur de la sécurité du CRP. Peu après furent arrêter G. Gordon Liddy et E. Howard Hunt, stratège du « coup » du Watergate, tous deux également en lien avec la CIA, le CRP et la Maison-Blanche… Grâce à des versements par chèque à Barker, des journalistes d’investigation du Washington Postérieur parvinrent à remonter les circuits de blanchiment jusqu’au CRP. le NY Times mit à jour la filière mexicaine. Le total des sommes détournées retrouvées s’éleva vite à 750 000 $Us. une des conséquences les plus scandaleuses du Watergate, plus scandaleuse que l’affaire elle-même, fut le vote d’une loi par le Congrès par laquelle la police financière était priées de ne plus relever les numéros des billets de banque. Une véritable aubaine pour les blanchisseurs.