Essilor : les engagements à la loupe

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MANAGEMENT, ACTIONNARIAT, TRAVAIL…

LES ENGAGEMENTS D’ESSILOR À 12’

Leader mondial du verre ophtalmique avec un chiffre d’affaires de 3,26 milliards d’euros en 2009, coté au CAC 40, Essilor est réputée pour ses bonnes pratiques sociales et son action en faveur des populations pauvres. Cette notoriété est-elle en conformité avec les faits ?

Tatiana Kalouguine

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Le dernier rapport développement durable du groupe Essilor date de 2006. Depuis les données DD sont intégrées au rapport annuel.


LA LOUPE

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L’implication des salariés reste à démontrer Promesse d’Essilor :

(Le) style de management (est) caractérisé par la délégation fondée sur la confiance méritée et l’association des salariés à la vie et aux décisions de l’entreprise.

Claude Darn ault, directeur du développem ent durable Essi lor Internat ional

Rapport d’enquête de notre journaliste L’initiative, bien que remarquable, reste anecdotique dans un groupe de 35 000 salariés, répartis dans plus de 100 pays. Il est difficile, voire impossible, de connaître le véritable niveau d’adhésion des salariés à la stratégie du groupe, d’autant plus que les résultats d’une enquête interne réalisée en 2006 à l’initiative de la direction sont gardés secrets. « Une stratégie RSE ne peut se concrétiser qu’intégrée par des hommes et des femmes qui doivent en comprendre le sens, mesurer leur contribution et modifier leurs pratiques professionnelles », affirme Anne-Catherine Husson-Traoré, directrice générale de Novethic. Or, si l’on en croit une étude 2009 de l’agence spécialisée dans la RSE, Essilor n’accorde pas suffisamment d’importance à la façon dont est répercutée sa stratégie RSE au sein de son management et de ses équipes, du moins sur le papier. Mais il faut prendre cette étude pour ce qu’elle est, nuance Madame Husson-Traoré, à savoir : « un recensement des informations fournies par les sociétés sur un certain nombre de critères extra-financiers. » Ce classement donne une prime à ceux qui informent le mieux. Il handicape les mauvais communicants, comme Essilor. « Elle ne donne pas d’appréciation sur les pratiques réelles. » Dont acte.

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Oui mais

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En 2003 Claude Darnault, fraîchement nommé responsable « développement durable groupe », confie la compilation des informations dites « extra-financières » aux équipes financières. Le choix n’est pas anodin : les financiers sont les bras-droits des patrons de filiales, ils représentent « une courroie de transmission importante pour impliquer les salariés », explique-t-il. L’objectif : faire pénétrer la logique RSE dans tous les rouages de l’entreprise. Essilor se targue de pratiquer la technique du « bottom-up », qui consiste à soumettre les décisions managériales à l’évaluation des salariés, ou de proposer leur participation aux décisions importantes concernant l’organisation du travail. Claude Darnault apporte pour preuve la conception du dernier rapport DD datant de 2006 (depuis, Essilor injecte dans son rapport annuel les données DD) : « Il a été réalisé en partenariat avec les salariés du groupe. » Une centaine de salariés avaient alors répondu à l’appel.


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Les salariés, premiers actionnaires du groupe

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Promesse d’Essilor :

Favoriser l’accès au capital de l’entreprise dans un cadre d’actionnariat salarié responsable.

Maryse Balaya , analyste de l’agence de notation extra financière BM J Ratings

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Rapport d’enquête de notre journaliste Un bon moyen de mobiliser les salariés autour de la stratégie est de les faire entrer dans le capital. Environ 8 % du capital et 14 % des droits de vote sont détenus par des salariés d’Essilor, ce qui en fait les premiers actionnaires du groupe. « Peu d’entreprises peuvent se targuer d’atteindre ce niveau d’actionnariat salarié », souligne Maryse Balaya, analyste de l’agence de notation extra-financière BMJ Ratings qui a dirigé l’évaluation d’Essilor. L’association Valoptec (3 800 membres), qui réunit depuis dix ans les actionnaires salariés d’Essilor, entretient selon elle un vrai dialogue avec la direction. Trois de ses membres siègent au conseil d’administration. Deux fois par an, Valoptec vote sur la politique générale et la politique sociale de l’entreprise.

Les salariés actionnaires sont bien sûr associés aux résultats de l’entreprise via les dividendes versés, en hausse continue depuis plus de huit ans.

Oui mais Si en France 98 % des salariés d’Essilor possèdent des actions de l’entreprise, c’est loin d’être encore le cas dans le reste du monde. À ce jour 9 700 salariés sont actionnaires (1/4 de l’effectif mondial), mais ils se concentrent pour l’essentiel en France et aux États-Unis.


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Promes

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Bien-être au travail, santé et sécurité : difficiles à mesurer Rapport d’enquête de notre journaliste

Au niveau mondial cette fois, le taux de turnover (taux de rotation des salariés) a baissé, passant de 9,8 % à 8,6 % entre 2006 et 2009. Aucun problème n’est à signaler dans les droits de l’homme, respectés dans toutes les filiales, d’après le rapport GRI. De nombreuses conventions ont été signées par Essilor, dont le Pacte Mondial et les huit conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT).

Oui mais

Enfin, pour être parfaitement raccord avec ses engagements, la direction d’Essilor aurait pu étendre son reporting GRI à ses sous-traitants. Or ceux-ci restent en dehors du cadre, même si le groupe affirme dans son document de référence être « particulièrement attentif à la sélection de ses fournisseurs locaux dans les pays considérés comme sensibles aux enjeux des droits de l’homme ».

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Force est de constater que certains indicateurs ont tendance à se détériorer tandis que le périmètre d’Essilor augmente. Ainsi : Le nombre moyen d’heures de formation par salarié recule dans le monde (15 heures en 2009 contre 18 en 2006) ; Le taux d’absentéisme a augmenté au plan mondial entre 2007 et 2009 (de 4,2 % à 4,8 %). Le nombre d’accidents du travail (sans arrêt de travail), a triplé en 2007-2008 (420 accidents) pour reculer en 2009 (403 accidents). Selon la direction, cette augmentation serait due à une nouvelle loi britannique qui contraindrait, depuis 2008, à référencer la moindre coupure comme accident du travail.

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Faute d’information sur les résultats de l’enquête interne de 2006, nous disposons de peu d’indicateurs susceptibles de témoigner du « bien-être » au travail des salariés d’Essilor. Le référentiel de la Global reporting initiative (GRI) pour le monde et les informations relatives à la loi sur les Nouvelles réglementations économiques (NRE) pour la France, nous fournissent cependant quelques éléments chiffrés. Signes positifs en France : L’absentéisme recule légèrement ces trois dernières années (de 5,8 % à 5,6 %) et le taux de formation est particulièrement élevé (4,5 % de la masse salariale) : 21 heures - en moyenne - de formation par salarié. Essilor a conclu avec les syndicats, en janvier 2010, un accord sur la prévention des risques psychosociaux, et se trouve classée dans la « liste verte » du ministère du Travail. « Il existe des situations difficiles dans certains services, des cas de harcèlement et de mal-être, affirme Christine Brisson, déléguée syndicale CGT, mais nous avons une direction avec laquelle il est possible de dialoguer. Lorsque nous intervenons pour les signaler, les problèmes se règlent le plus souvent en interne. »


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La diversité progresse, des cas de discrimination signalés

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Promesse d’Essilor :

Assurer un traitement équitable à tous les salariés en toutes circonstances.

, Christine Brisson déléguée syndicale Essilor France

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Rapport d’enquête de notre journaliste Les plus de 50 ans représentent un tiers des effectifs France. « Nous avons été parmi les premiers du CAC 40 à mettre en place des accords et nous avons publié une charte des Essi-boomers », précise Claude Darnault. L’objectif : redynamiser les carrières des plus expérimentés avec entretiens spécifiques, bilans professionnels, formations adaptées, aménagement du temps de travail, etc. Le groupe s’est doté de plusieurs chartes : contre toutes les formes de discriminations, pour l’emploi des personnes handicapées, pour l’égalité professionnelle hommes-femmes. Les résultats sur le handicap sont manifestes : Les salariés handicapés sont au nombre de 133 en France (4 % des salariés) contre 107 en 2006 (3 % des salariés) alors que l’effectif d’Essilor a baissé sur la période : 3 544 salariés (en 2006) contre 3 471 (en 2009). « La société met les moyens financiers à disposition de cette mission », précise la syndicaliste Christine Brisson. Mais pour le reste, il s’avère ardu de connaître l’effet des missions et des chartes sur les pratiques dans chaque unité du groupe. Une seule chose est sûre : « Tous les directeurs sont recrutés en local, affirme Maryse Balaya. On peut donc vraiment parler de diversité à l’échelle d’un groupe international. »

Oui mais Le problème se pose une nouvelle fois au niveau de la transparence. Aucun indicateur ne permet de mesurer la composition des organes de gouvernance et la répartition des employés par sexe, tranche d’âge, appartenance à une minorité et autres indicateurs de diversité. Impossible également de comparer les niveaux de salaire entre les hommes et les femmes par catégorie professionnelle. Des lacunes déjà pointées fin 2005 par l’institut Novethic dans un rapport sur la diversité dans le reporting des sociétés du CAC 40, dans lequel Essilor faisait figure de mauvais élève de la classe. Par ailleurs, bien que la direction conteste toute situation de discrimination, la réalité du terrain peut être autre. Christine Brisson témoigne ainsi qu’un élu du personnel de religion musulmane a récemment été convoqué sans motif par le directeur général et le directeur des ressources humaines de son unité. « Il lui a été reproché d’effectuer ses prières lors de ses temps de pause », précise-t-elle. Depuis que l’intéressé a contacté la Halde, les pressions se sont arrêtées. Une autre affaire a opposé en 2007 la direction d’Essilor-Compasserie de Ligny-en-Barrois (Meuse) à Richard Scheffer, salarié de l’entreprise depuis 1963, représentant du personnel et délégué syndical de la CFTC. Licencié pour « absence de travail » et « présence aléatoire », le syndicaliste avait porté l’affaire devant le tribunal administratif de Nancy. Celui-ci lui a donné raison en décembre 2007 et a ordonné sa réintégration.


Des engagements tenus vis-à-vis de la société civile

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Promesse d’Essilor :

Le groupe a mis en place de très nombreuses actions avec ses parties prenantes.

Rapport d’enquête de notre journaliste

Oui mais

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Il faut relativiser l’importance du modèle « bottom of the pyramid » au sein du groupe Essilor. Dans les faits, moins de 12 000 lunettes sont commercialisées chaque mois via les unités mobiles indiennes, tandis que d’autres opérations telles que le Train de la vision en Afrique du Sud (qui a été arrêtée) ou le programme Lions Olympic à Rio de Janeiro ne concernent que 10 000 verres environ par an. Une goutte d’eau comparée au million de verres vendus par jour dans le monde par Essilor. L’objectif avoué de cette démarche est de conserver la position de leader mondial à l’horizon 2050, et de s’occuper de l’ensemble des segments de la pyramide.

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« Essilor cherche à comprendre comment apporter des solutions aux populations les plus pauvres », analyse Maryse Balaya. « Le coût d’une paire de lunettes est compris entre 3 et 15 jours de revenus partout dans le monde, soit de 6 à 60 dollars en Inde », estime Claude Darnault. Le groupe met un point d’honneur à être actif dans les domaines de l’éducation et de la correction visuelle partout où il est représenté. « Concernant l’éducation, Essilor a noué des partenariats forts avec des organisations internationales comme l’Unesco, affirme une note de BMJ Ratings. Dans le domaine de la correction visuelle, au-delà des missions de la fondation Essilor aux États-Unis, il a déployé de nombreuses actions à travers le monde. » Le principe est de s’appuyer chaque fois sur des acteurs locaux : ONG, hôpitaux, ophtalmologistes. En Inde, le groupe apporte son appui à des campagnes de prévention itinérantes qui se rendent dans les villages. « Essilor nous a procuré des vans équipés pour la télé-ophthalmologie et nous fournit des lunettes à prix coûtant, ce qui nous permet de proposer aux populations rurales des lunettes à un prix minimum », explique le docteur Sheila John, responsable du département télé-ophtalmologie de l’hôpital Sankara Nethralaya de Chennai (Madras).

Sheila John , responsabl e du départemen t té de l’hôpital Sa lé-ophtalmologie nkara Nethra laya


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