SUPPLÉMENT
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M A G A Z I N E SUPPLÉMENT
Supplément au Monde Magazine n° 55 du samedi 2 octobre 2010. Ne peut être vendu séparément.
SUPPLÉMENT
LYON REINVENTE SON FUTUR — PORTRAITS 15 ACTEURS DE L’INNOVATION PAGE III
— PORTFOLIO À FLEUR D’EAU PAGE XIV
— CULTURE RENDEZ-VOUS DE L’AUTOMNE PAGE XVIII
LYON RÉINVENTE SON FUTUR
Lyon
1. Guylaine Gouzou-Testud 2. Dominique Hervieu
Lyon
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3. Thierry Raspail
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5. Joël Karecki 1
6. Nicolas Le Bec
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7. Pascal Peleszezak 8. Myriam Picot
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9. Serge Dorny
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10. Stéphane Crozat
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11. Sophie Jullian
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13. Pascal Nief
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14. Marc Le Gal
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12. Hervé Vincent
15. Angela Lanteri
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FONT BOUGER LA VILLE rennes
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Que ce soit dans la culture, les nouvelles technologies, l’environnement ou encore la solidarité, ils façonnent le Lyon de demain. INFOGRAPHIE LE MONDE. COUVERTURE : SÉBASTIEN ÉROME POUR LE MONDE MAGAZINE
AURÉLIE DELAUNOY ET TATIANA KALOUGUINE, FUTURING PRESS
artout, on lit que Lyon s’est en quelques années transfiguré. La ville est plus belle, sa capacité d’attraction ne cesse de grandir, la Confluence a changé son centre de gravité, de nouveaux quartiers s’épanouissent… bref, Lyon bouge à vue d’œil, si l’on peut dire. Et les Lyonnais ? Qui sont les « acteurs du futur » ? La liste est longue, certes, mais nous vous présentons dans ce dossier une sorte de portrait de la ville à travers quinze personnages, certains connus, d’autres moins. Nous les avons choisis avec un prisme particulier, celui de l’innovation. Ce n’est pas un palmarès, juste une série de rencontres, un échantillon de Lyonnais symboles. Le Monde Magazine est là pour ça : faire rencontrer à ses lecteurs des personnalités qui ont une expérience à partager. Les acteurs mis en portraits dans ces pages incarnent donc l’innovation dans des secteurs à enjeu d’intérêt général :
P
la qualité de la vie urbaine, la culture, la mobilité de la population, les nouvelles technologies, l’environnement, la relation aux autres, la solidarité, le développement. Dans ces secteurs-clés, les grandes cités ont un rôle important. Et Lyon tout particulièrement, ville internationale toujours à la pointe de la recherche. Les métropoles modernes développent, par exemple, une diplomatie concrète, fondée sur la solidarité et le bien commun. C’est un trait majeur de l’intervention de ces acteurs du futur ; s’ils agissent souvent au plan local, leur rayonnement est international. Autre caractéristique : ils sont volontiers casseurs de codes. Certains se sont affranchis des règles, des normes, de la pensée dominante. Lyon ne se métamorphose pas seulement sur les berges du Rhône ou sur les pentes de la Croix-Rousse, c’est un mouvement en profondeur qui propulse la ville. Voici quelques-uns de ses moteurs. 2 OCTOBRE 2010 — LE MONDE MAGAZINE
III
LYON RÉINVENTE SON FUTUR
15 ACTEURS D’AVENIR
— Faire valoir une ville « durable »
— Tisser des fibres végétales
GUYLAINE GOUZOU-TESTUD
Pockus
FABIENNE LE HÉNAFF ET JEAN-MICHEL DUIVON
Lyon, ville équitable et durable
Lyon
« Il faut fédérer les différents acteurs pour aider l’économie émergente. »
Entre Rhône et Saône, un ambitieux programme d’aménagement.
IV
LE MONDE MAGAZINE — 2 OCTOBRE 2010
Le mélange des genres, la marque de fabrique de Dominique Hervieu.
— Dialoguer en dansant
Toulouse
DOMINIQUE HERVIEU Maison de la danse, Biennale de la danse e rennes La 14 Biennale de la danse s’achève à peine à Lyon que, déjà, tous les regards sont braqués sur 2012. Cette année-là, la chorégraphe Dominique Hervieu prendra les rênes de la Maison de la danse et de la Biennale. Celle qui dirige aujourd’hui le Théâtre national de Chaillot, à Paris, succédera à Guy Darmet, à la barre du navire depuis trente ans. Une chance, selon l’intéressée : « Cette double direction, c’est la configuration idéale pour développer un art. Une occasion comme celle-ci ne se présente qu’une fois dans une vie. » Car Guy Darmet laisse derrière lui un héritage exceptionnel : 175 000 spectateurs par an pour la Maison de la danse ; 85 000 pour la Biennale. Et une réputation internationale qui vaut aux deux institutions de compter parmi les plus importantes de la danse. A ce patrimoine, Dominique Hervieu entend apporter un souffle nouveau, tout en respectant la tradition de son prédécesseur et ami. « Ma mission, c’est de faire découvrir et partager mon art, dans tous ses paradoxes et ses richesses. » La chorégraphe est connue pour son goût de
THIERRY RASPAIL MAC Lyon
la mixité. Danseurs africains ou chinois, hip-hop… les créations de Dominique Hervieu sont un dialogue permanent entre les cultures. « La diversité, on en entend beaucoup parler, peutêtre parce que c’est politiquement correct. Pour moi, c’est une valeur essentielle à laquelle j’ai toujours cru. » La nouvelle directrice participera également à l’élaboration du projet d’une « Maison de la danse troisième génération », voulue par Guy Darmet et le maire, Gérard Collomb. Il s’agira d’un nouveau site dédié à la danse, et établi à la Confluence.
« Je dois faire découvrir mon art dans tous ses paradoxes et ses richesses. »
BLAISE ADILON. CÉDRIC ROUILLAT. ARIANE LE GUAY. DR
ture si son projet remplit trois conditions : consommer de manière responsable, respecter l’environnement et être d’utilité sociale. Un comité des sages extérieur, composé de membres de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), de l’Afnor et Max Havelaar, entre autres, se charge des validations. « Je suis écologiste depuis toujours mais, pour moi, l’écologie, ce n’est pas une opposition permanente. C’est aussi faire bouger la ville. On peut mener une politique écologique sans s’opposer à tout, bien au contraire, en développant. »
— Asseoir l’évidence de l’art
J. LÉONE / GRAND LYON. COLETTE MASSON. DR
Depuis le début de l’année, un nouveau logo fleurit sur certaines vitrines de Lyon. C’est celui du label « Lyon, ville équitable et durable ». Il identifie les entreprises et associations inscrites dans une démarche de développement durable et d’utilité sociale. A l’origine de ce projet, Guylaine GouzouTestud, adjointe Verts à la mairie de Lyon depuis 2008, et en charge du développement durable et de l’économie sociale et solidaire. « J’avais depuis plusieurs années le sentiment qu’une économie émergente existait sur le territoire, et qu’il fallait l’accompagner en fédérant les acteurs. » En janvier 2010, le label, unique en France, entérine cette politique. A ce jour, 122 structures sont labellisées, couvrant des secteurs aussi divers que la finance éthique et solidaire, les circuits courts de distribution, les filières équitables et durables, mais aussi le prêt-à-porter ou les sociétés de transport non polluantes… Chacun peut déposer un dossier de candida-
Cela fera bientôt trente ans que Thierry Raspail dirige le Musée et la Biennale d’art contemporain de Lyon. C’est lui qui a donné naissance aux deux institutions, à commencer par la Biennale en 1983. « Le maire de l’époque m’avait demandé de reprendre la défunte Biennale parisienne. Je ne pensais rester que deux ou trois ans. » En 1995, il inaugure le Musée d’art contemporain (MAC) de Lyon, qui connaîtra un succès croissant, comme récemment avec la rétrospective Keith Haring (165 000 visiteurs) ou celle de Ben (100 000 visiteurs). Quant à la Biennale, elle a attiré jusqu’à 180 000 personnes. « L’objectif est de rester parmi les cinq plus grandes au monde. On ne cherche pas à concurrencer Paris, mais Lyon doit exister comme une étape sur un parcours international. » Thierry Raspail a également mis en place, en 2002, une plate-forme d’échanges fédérant des institutions internationales du monde de l’art. Le musée accueillera en octobre l’exposition « Infantization », supervisée par le directeur adjoint du Shanghai Art Museum. En retour, la Biennale de Shanghaï présentera le travail de quatre artistes français.
« Lyon doit être une étape dans le circuit mondial de l’art. »
Doux utopistes ou businessmen hors pair ? A écouter Fabienne Le Hénaff et Jean-Michel Duivon parler de leurs housses et bagages en matières végétales, on a du mal à trancher. Créé en 2008, Pockus, leur société, rencontre un succès croissant chez les bobos tendance « écolo-geek ». Au point d’avoir séduit LaCie, le spécialiste mondial des disques durs design, leur plus gros client. Les textiles mis au point pour leur marque, Biolap, sont obtenus à partir de lin, soja et jersey de bambou. Ils sont doux au toucher et possèdent « des propriétés équivalentes aux matériaux à base de dérivés pétroliers », précise Jean-Michel Duivon. Drôle de reconver-
sion pour cet ingénieur, ancien passionné de 4 × 4, qui a fait carrière dans l’industrie. « Ce qui me stimule c'est l’idée de participer à une nouvelle révolution industrielle. Le développement durable et le commerce équitable ? C’est Fabienne qui m’y a converti. » Les idées, chez Pockus, c’est elle. Diplômée d’une école de management, Fabienne Le Hénaff a exercé des années dans le marketing et la communication tout en dirigeant une association pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP). Son obsession, « être cohérente » avec ses idéaux : produire et vendre local. Les fabricants sont basés dans la région et les produits exclusivement distribués en Europe. « Nous avons décliné des demandes venant du Canada », ajoutet-elle. Complémentaires et sans tabous, ces deux quadragénaires Lyon commencent à bousculer le marché de la bagagerie. Leur prochain défi : créer la valise green la plus légère du monde.
« Nos textiles “végétaux” sont doux au toucher et possèdent les mêmes propriétés que les matériaux à base de dérivés pétroliers. » Lyon Toulouse Projet d’une rue entièrement éclairée avec des LED.
Toulouse
— rennes Mettre en avant l’éclairage JOËL KARECKI Cluster Lumière
Ville des lumières : plus que jamais, Lyon porte bien son surnom. La région Rhône-Alpes a vu naître, en 2008, le Cluster Lumière, un groupement d’acteurs locaux de la filière éclairage. Une initiative unique dans l’Hexagone, qui rassemble à ce jour plus de 100 partenaires. Ses objectifs : améliorer la compétitivité de la France dans ce secteur et renforcer l’innovation de solutions écoefficientes. Joël Karecki, président de Philips France, préside Cluster depuis sa création.
« L’éclairage de demain représente un formidable défi, tant par ses enjeux écologiques que technologiques. Si on peut, au passage, renforcer la filière en France, c’est encore mieux. » L’implantation de Cluster en Rhône-Alpes s’est faite le plus naturellement du monde en raison d’une forte présence de la filière dans la région. Elle emploie rennes plus de 10 000 personnes et concentre plusieurs centres de recherche. Aujourd’hui, une grande partie des investissements de Cluster Lumière est orientée vers les LED. « En 2015, elles représenteront 75 % du marché de l’éclairage », estime Joël Karecki. En projet, un concept de rue intelligente à Lyon, entièrement éclairée aux LED. Le niveau lumineux de la rue et des commerces se réglera automatiquement en fonction des conditions de lumière naturelle et des besoins des usagers. « La lumière représente 20 % de la consommation électrique mondiale. Aujourd’hui, avec les technologies dont on dispose, on pourrait baisser la consommation d’énergie liée à l’éclairage de 40 % à 50 % », conclut le président de Cluster Lumière.
« Cluster investit dans les LED car elles représenteront 75 % du marché de l’éclairage en 2015. » 2 OCTOBRE 2010 — LE MONDE MAGAZINE
V
15 ACTEURS D’AVENIR
— Végétaliser les murs urbains PASCAL PELESZEZAK Canevaflor
Un restaurant haut de gamme dans un esprit marché.
NICOLAS LE BEC Chef cuisinier étoilé
Les étoiles, il ne court pas après. Pourtant, à 38 ans, Nicolas Le Bec est déjà une pointure de la gastronomie française. Trois restaurants à Lyon, dont un qui arbore deux étoiles au Michelin… Beau palmarès pour ce Breton débarqué en ville il y a dix ans et qui a fait ses armes chez Jean-Pierre Vigato, Alain Passard, et Jacques et Laurent Pourcel. Il a lancé Rue Le Bec, un restaurant aménagé dans un entrepôt de la Confluence, au centre de petits commerces (cave à vins, boulangerie…). Un lieu ouvert à tous. « Ce que j’aime, c’est travailler sur les produits et apporter un service aux gens. Ici, les produits et les fournisseurs sont les mêmes que dans mes autres restaurants, et les tarifs sont grand public. » Après une année d’activité, le succès est au rendez-vous : 400 couverts quotidiens et un chiffre d’affaires de 5,5 millions d’euros. Du coup, Rue Le Bec étend ses services. Ce mois-ci, le chef inaugurera cinq tables VI
LE MONDE MAGAZINE — 2 OCTOBRE 2010
« Nicolas », plus confidentielles, et une suite hôtelière. Il compte par ailleurs développer ce concept à l’étranger : « J’ai déjà des demandes à Paris, New York, Hongkong ou Dubaï. Je suis breton, et un Breton ça voyage beaucoup. » La comparaison avec Bocuse l’indiffère. « Paul Bocuse, c’est un chef d’Etat de la cuisine, Lyon c’est normal qu’on cherche à désigner son dauphin. Mais nous sommes très différents. »
« Les produits du Rue Le Bec sont les mêmes que Toulouse ceux de mes autres restaurants, mais à moindre prix. »
Lyon
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« En plus de leurs qualités esthétiques, les façades “vertes” sont de bons isolants thermiques et phoniques. »
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Façade végétale réalisée par Canevaflor.
J.-F. MALLET. CANEVAFLOR. DR
— Servir le grand public
Il se définit comme « écolo industriel ». A 47 ans, Pascal Peleszezak est le roi du mur végétal. Créée à Lyon en 2000, sa société, Canevaflor, est devenue en l’espace de dix ans le leader mondial du secteur : 2 millions d’euros annuels de chiffre d’affaires, 4 000 m2 de murs installés par an, et déjà une filiale au Brésil. Un bilan plus que positif pour cette société qui n’emploie que 15 salariés. Mais quand on l’interroge sur les raisons de ce succès, Pascal Peleszezak relativise. « On bénéficie du fait
d’avoir été les premiers. Mais nous ne sommes que des imitateurs de la nature, suivant un bon sens pratique et paysan. » Pour cet autodidacte, l’avenir de la ville est dans le végétal. « En plus de leurs qualités esthétiques, les façades végétalisées répondent à plusieurs problématiques des villes grâce à leurs qualités d'isolant thermique, phonique et grâce à leur fonction de dépollution de l'air. » Inscrit dans une démarche globale de développement durable, Pascal Peleszezak ne travaille qu’avec des fournisseurs locaux, que ce soit pour les plantes ou les matériaux de construction. Depuis l’inauguration de son premier mur dépolluant à la gare de Lyon Perrache en 2007, Canevaflor a planté ses graines un peu partout dans le monde. A l’Exposition universelle de Shanghaï, la société a installé un toit dépolluant de 200 m2 et une façade végétalisée de 400 m2 sur le pavillon Rhône-Alpes. La suite, Pascal Peleszezak l’envisage donc tout naturellement à l’échelle planétaire. Et en s’amusant. Sa dernière idée ? Créer des potagers verticaux afin de « réinventer le jardin ouvrier ».
15 ACTEURS D’AVENIR
MYRIAM PICOT Bâtonnière du barreau de Lyon
La nouvelle de son élection a fait senLyon bâtonsation. Myriam Picot, nouvelle nière de Lyon depuis janvier, est une femme certes, mais surtout une avocate engagée. « J’ai toujours aimé participer à la conquête de nouveaux droits et faire pénétrer la défense là où on la laisse à la porte », expliquet-elle. Depuis qu’elle a revêtu la robe, cette originaire de la CroixRousse veut « faire progresser les Toulouse droits et libertés publics ». Au début des années 1970, elle force la porte des casernes pour rencontrer ses clients « insoumis » et plaider le droit à l’objection de conscience. Elle assure la
défense du groupuscule terroriste Action directe en 1984. Devient ensuite l’avocate des femmes violentées, des salariés victimes de leurs employeurs, du droit des enfants. « Un bâtonnier jouit d’une grande liberté de parole et d’action », se félicite celle qui vient d’entraîner son barreau dans « une action d’ampleur » contre la loi en vigueur sur la garde à vue. Ce combat, mené par plusieurs barreaux, a payé : le 30 juillet, le Conseil constitutionnel déclare le texte anticonstitutionnel, poussant la garde des sceaux à présenter un nouveau projet de loi. Mais Myriam Picot est déjà repartie au front, cette fois contre le projet de loi Besson visant l’entrée et le séjour des étrangers. Hors de question de laisser passer cette loi qui porte atteinte au juge judiciaire, garant de la régularité des procédures : « Nous portons notre motion à chacun des sénateurs et députés du département, pour les sensibiliser. »
« Un bâtonnier jouit d’une grande liberté de parole et d’action. » rennes
— Fabriquer un opéra citoyen SERGE DORNY Opéra national de Lyon
N’allez surtout pas lui dire que l’opéra est élitiste ! Depuis qu’il en a pris les commandes en 2003, Serge Dorny mène à l’Opéra de Lyon une politique d’ouverture au plus grand nombre. Sans jamais oublier son autre objectif, l’excellence artistique. « L’opéra doit vivre au cœur de la cité, explique-t-il. Nous fabriquons des rêves et des idées qui doivent être accessibles à tous. » Le programme, baptisé Opéra citoyen, est ambitieux. 460 personnes mènent ainsi des actions auprès des scolaires, des populations des quartiers difficiles, du milieu pénitentiaire… Le lieu s’ouvre résolument à tous les publics : « L’art doit être une évidence, aussi indispensable que l’école. » L’Opéra de Lyon connaît un taux de remplissage de 96 % en moyenne, et les
« L’art doit être une évidence, aussi indispensable que l’école. » VIII
LE MONDE MAGAZINE — 2 OCTOBRE 2010
jeunes y sont bien représentés : un quart du public a moins de 25 ans, la moitié moins de 45 ans. En parallèle, Serge Dorny a inscrit dès 2006 son établissement dans une démarche de développement durable, afin de réduire son empreinte écologique. En 2008, il signe une charte de développement durable et, un an plus tard, il réalise son plan carbone. Serge Dorny ne perd pas de vue l’avenir. Son grand projet du moment, c’est la Fabrique. « Je voulais créer un lieu où réunir tous les métiers de l’opéra : couturiers, décorateurs, machinistes… Un lieu où les choses se construisent, et que le public puisse visiter : 90 % des espaces seront en libre accès. » La livraison du bâtiment est prévue à l’horizon 2013, à Vénissieux.
— Revenir aux origines des plantes STÉPHANE CROZAT Centre de ressources de botanique appliquée
Sait-on que trente variétés de pommiers ont été créées à Lyon durant la seconde moitié du XIXe siècle ? Que 60 % des roses produites dans le monde venaient de la région ? Que l’horticulture était la deuxième ressource économique de la ville ? Stéphane Crozat, 40 ans, spécialiste des jardins, historien d’art et diplômé d’architecture, s’est juré de « rendre la mémoire aux Lyonnais » sur ce glorieux passé horticole. En 2008, sous l’égide du CNRS, il crée un laboratoire de conservation des espèces végétales, le Centre de ressources de botanique appliquée. En moins d’un siècle, 95 % Lyon des variétés locales ont disparu, alors, un jour à Angers, l’autre à Saint-Pétersbourg, l’ethnobotaniste convainc labos et collectionneurs de lui remettre des plantes rares. Pour pérenniser les espèces, il développe des réseaux de conservation. La roseraie créée au domaine Toulousede Lacroix-Laval regroupe 37 variétés menacées, dont la précieuse rose jaune Soleil d’or. Plus de 120 fruits et légumes anciens sont visibles dans le potager. « Ces travaux sont au service du présent, ils ont des enjeux économiques et phytosanitaires. » Car pour créer des rennes végétaux aux propriétés nouvelles, il faut fouiller le patrimoine génétique des anciens.
« Les enjeux sont économiques et phytosanitaires. »
Lyon
Toulouse
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JEAN-LOUIS FERNANDEZ. J. LÉONE / GRAND LYON. DR
— Faire entrer la défense
15 ACTEURS D’AVENIR
— Muter vers la chimie verte SOPHIE JULLIAN Pôle de compétitivité Axelera
Lyon trielle de Lyon, Sophie Jullian est docteur en chimie (université Pierre-et-Marie-Curie, Paris-VI) et… mère de cinq enfants. Elle pilote l’orientation scientifique pour les 200 adhérents du pôle, tous issus des domaines de la chimie ou de l’environnement, dans le premier secteur de production chimique français. Des multinationales comme des PME. Axelera génère 505 millions d’euros d’investissements en Rhône-Alpes, sur des problématiques aussi diverses que le traitement des déchets ou l’écoconception de matériaux. « L’objectif est de devenir, d’ici à 2012, le premier pôle industriel et scientifique européen, en se faisant la vitrine de l’innovation en chimie-environnement. »
« Nous devons utiliser davantage de matières premières renouvelables et des procédés de fabrication plus propres. »
L’Institut français du pétrole, membre fondateur d’Axelera.
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LE MONDE MAGAZINE — 2 OCTOBRE 2010
L’îlot d’habitation Lyon Islands, dans le nouveau quartier Confluence.
— Construire écologique et social HERVÉ VINCENT Atelier d’architecture Hervé Vincent
Au cœur de Lyon, le chantier de la Confluence est depuis cinq ans un immense terrain de jeux pour architectes internationaux. Parmi eux, un Lyonnais de 49 ans, Hervé Vincent, connu pour ses constructions écologiques. « Petit régional de l’équipe, j’étais ravi d’avoir été sélectionné en 2004 », plaisantet-il. Deux premiers immeubles sont déjà visibles sur une parcelle en bord de Saône. L’esthétique est futuriste et inspirée : façades de galets gainés de métal, écailles de verre reflétant le ciel, patios plantés procurant un éclairage naturel. Lors d’un second appel d’offres en 2007, ce puriste a voulu aller plus loin que la norme bâtiment basse consommation (BCC) imposée. Il propose un immeuble « passif », le plus grand en Europe dans un centre-ville. Son projet, conçu avec l’architecte autrichien Hermann Kaufmann, supprime plusieurs ascenseurs afin de réduire la facture énergétique et réintroduit les traboules. Ces passerelles et escaliers « promenades » ont aussi pour but de faire se rencontrer les voisins, « aussi bien les propriétaires aisés des étages hauts que les
occupants des logements sociaux des niveaux bas », explique ce fils d’une Lyonnaise de bonne famille et d’un agriculteur ardéchois. L’immeuble sera géré par une coopérative, pour inciToulouse ter les locataires sociaux à devenir propriétaires. « Ici, le logement passif prend tout son sens : les charges étant réduites, il est possible de rembourser un emprunt sans trop perdre de Lyon pouvoir d’achat. » Mettre l’écologie au service du social, le rêve d’Hervérennes Vincent.
« Les traboules permettent de faire se rencontrer les propriétaires aisés Toulouse des étages hauts et les occupants des logements sociaux du bas. » rennes
J. LÉONE / GRAND LYON. PATRICK CHEVROLAT. DR
A 51 ans, Sophie Jullian, blonde chaleureuse, préside le conseil scientifique d’Axelera. Conjuguer chimie et environnement, telle est depuis 2005 l’ambition de ce pôle de compétitivité basé dans la Vallée de la chimie, au sud de Lyon. Pour cette ingénieur chimiste de formation qui a fait toute sa carrière à l’Institut français du pétrole, la chimie de demain sera verte, inscrite dans une démarche de développement durable. Les défis à relever sont multiples. « Nous devons utiliser davantage de matières premières renouvelables et des procédés de fabrication plus propres. Consommer moins d’énergie, obtenir des produits plus durables, recycler tout matériau en fin de vie… » Formée à l’Ecole supérieure de chimie indus-
15 ACTEURS D’AVENIR
PASCAL NIEF Lyon Urban Truck and Bus
Lyon serait-il en passe de devenir la capitale européenne des transports ? « En tout cas on y travaille », s’amuse Pascal Nief, délégué général de Lyon Urban Truck and Bus (LUTB). Ce pôle de compétitivité, né en octobre 2004, est le seul dédié aux transports collectifs urbains en Europe. On y imagine les transports de demain pour les personnes et les marchandises. En 1994, Pascal Nief rejoint la chambre de commerce et d’industrie de Lyon pour y faire du conseil en développement technologique. En 2002, il prend les commandes de Crealys, incubateur public d’entreprises innovantes. Ce qui le conduit quatre ans plus tard chez LUTB. « Nous bénéficions en RhôneAlpes d’une forte présence du secteur, avec des poids lourds comme Renault
— Valoriser la recherche et le développement MARC LE GAL Lyon Science Transfert
« La relation entre le milieu académique et le milieu industriel a toujours existé, l’idée ici c’est de l’optimiser. » Marc Le Gal dirige Lyon Science Transfert (LST), le service de valorisation du Pôle de recherche et d’enseignement supérieur de Lyon. Son objectif ? Faciliter les relations entre la recherche et les acteurs socio-économiques, en mutualisant les compétences et les moyens. Une question que Marc Le Gal connaît bien : cela fait sept ans que cet ingénieur des Arts et Métiers, diplômé
« Si on veut peser dans la compétition, il faut être innovant, rapide, et opérer dans une logique de proximité. » XII
LE MONDE MAGAZINE — 2 OCTOBRE 2010
Trucks. Et quand on se souvient que Lyon avait lancé Vélo’V, le premier-né d’une génération de vélos en libre service, on peut être optimiste… » Aujourd’hui, LUTB entre dans sa phase démonstrative. En témoigne Transpolis, un gigantesque quartier grandeur nature, avec ses rues et ses immeubles, qui servira à tester les technologies en conditions réelles. Côté transport des perLyon de Pascal Nief ont sonnes, LUTB et les équipes imaginé un bus modulable, disposant de « wagons » que l’on peut ôter ou ajouter selon les besoins. Au total, 92 projets sont labellisés, dont la moitié déjà financée. Budget global ? 258 millions d’euros.
« Lyon a lancé le premier-né d’une génération de vélos en libre Toulouse service, on peut être optimiste. »
rennes
de Sciences Po Paris, s’est spécialisé dans ce domaine. Après trois années à la direction d’Insavalor, la filiale de valorisation de l’Institut national des sciences appliquées, il prend les commandes en 2006 du naissant LST, où il dirige une équipe de onze personnes, en interaction avec les 11 500 chercheurs de Lyon et SaintEtienne. « A l’heure où il faut être innovant et rapide, la valorisation et le transfert sont indispensables. Si on veut peser dans la compétition, il faut des modes opératoires simples, dans une logique de proximité. » LST agit à trois niveaux : détecter les innovations, les accompagner pendant la « maturation » et assurer leur transfert vers l’entreprise. Après une mise en place longue, Marc Le Gal et son équipe ont doublé ces deux dernières années le nombre de transferts : une dizaine en 2010. « Le démarrage est long, car il faut compter plusieurs années pour développer une technologie. » Cette année, LST a ainsi poussé le développement de Lokeo, un logiciel d’aide à la décision pour les implantations commerciales mis au point par un chercheur à partir d’une théorie moléculaire. Lokeo est exploité par une entreprise de conseil de Villeurbanne.
— Faire affluer la solidarité ANGELA LANTERI Direction eau du Grand Lyon
Sourire timide et look baba-cool… on pressent pourtant qu’Angela Lanteri est dure en affaires. Elle a la charge de coordonner le Fonds de solidarité et de développement durable pour l’eau du Grand Lyon. Un million d’euros par an pour une mission : solliciter des avis techniques sur les projets de coopération décentralisée (35 dossiers en 2009), les sélectionner puis en assurer le suivi et l’évaluation. « En matière d’eau, le rôle de la collectivité locale n’est pas anecdotique. Elle possède un savoir-faire de service public local qui en fait le maillon manquant » à côté des Etats et des ONG spécialisées. Angela Lanteri est en contact régulier avec les responsables du service public de l’eau au Liban et à Madagascar. Elle leur propose formation et expertise, ainsi qu’aide technique ou financière. « Environ 1 milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau potable et plus de 2,5 à l’assainissement ! », s’insurge cette fille de coopérants, née à Kinshasa. Après un diplôme de sciences politiques et un DESS d’urbanisme, elle a fait ses armes dans une ONG. Aujourd’hui, en accord avec ses convictions, elle incarne cette « diplomatie des villes » qui vise à aider les pays Lyon en développement pour réduire les inégalités Nord-Sud.
Toulouse
« En matière d’eau, la collectivité locale rennes a un savoir-faire. »
Lyon
Toulouse
rennes
J. LÉONE / GRAND LYON. TATIANA KALAGUINE. DR
— Anticiper la mobilité